Décision

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94011100 COUR D'APPEL


PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

No: 500-10-000131-928
(700-36-000001-924)

Le 17 décembre 1993

CORAM: LES HONORABLES BEAUREGARD
TOURIGNY
FISH, JJ.C.A.






CLAUDE SAINT-LAURENT,

APPELANT-requérant

c.

M. LE JUGE MICHEL HÉTU,

INTIMÉ-intimé


et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC,

               MIS EN CAUSE




L'ORDONNANCE RENDUE LE 9 DÉCEMBRE 1991

PAR LE MAGISTRAT-ENQUÊTEUR PORTANT QUE

LA PREUVE RECUEILLIE LORS DE L'ENQUÊTE NE

DOIT ÊTRE PUBLIÉE DANS UN JOURNAL NI RÉVÉLÉE DANS UNE ÉMISSION

DE RADIO OU DE TÉLÉVISION EST TOUJOURS EN VIGUEUR




LA COUR; - Statuant sur le pourvoi de l'appelant contre un jugement de la Cour supérieure (Terrebonne, 31 mars 1992, le juge ClaireBarrette-Joncas), lequel lui a refusé une requête en certiorari contre un renvoi à procès ordonné par un juge de la Cour du Québec (Terrebonne, 13 décembre 1991, le juge Michel Hétu) sur deux dénonciations d'agression sexuelle;

Après étude du dossier, audition et délibéré;

POUR LES MOTIFS exprimés dans les opinions écrites des juges Tourigny et Fish, dont un exemplaire est déposé avec le présent arrêt,

REJETTE le pourvoi;

POUR LES MOTIFS exprimés dans son opinion écrite, dont un exemplaire est également déposé avec le présent arrêt, le juge Beauregard aurait accueilli le pourvoi, avec dépens de 2 000$, accueilli la requête en certiorari et cassé les deux dénonciations.


                                   
                                   MARC BEAUREGARD, J.C.A.


                                   
                                   CHRISTINE TOURIGNY, J.C.A.


                                   
                                   MORRIS J. FISH, J.C.A.








Me Christian Desrosiers
Avocat de l'appelant

Me Josée Grandchamp
Avocate de l'intimé


Date d'audition: 3 juin 1993
COUR D'APPEL


PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

No: 500-10-000131-928
(700-36-000001-924)



CORAM: LES HONORABLES BEAUREGARD
TOURIGNY
FISH, JJ.C.A.






CLAUDE SAINT-LAURENT,

APPELANT-requérant

c.

M. LE JUGE MICHEL HÉTU,

INTIMÉ-intimé


et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC,

               MIS EN CAUSE




OPINION DU JUGE BEAUREGARD


L'appelant, qui est psychiatre, a fait l'objet de deux dénonciations qui lui reprochent plusieurs agressions sexuelles contre deux de ses patientes.

À la fin de l'enquête préliminaire il y avait des éléments de preuve qui démontraient que l'appelant avait eu des relations sexuelles avec ses deux patientes. Il était cependant acquis que celles-ci avaient en apparence consenti à ces relations et que l'appelant n'avait pas fait usage de sévices physiques ou de menaces de tels sévices contre les deux dames. La tâche du magistrat enquêteur consistait donc à déterminer si les témoignages rendus devant lui comportaient des éléments de preuve qui démontraient que le consentement des deux patientes avait été obtenu en violation des dispositions du par. 265.(3) C.cr., lesquels tiennent pour inexistant le consentement obtenu par suite de l'exercice de l'autorité ou par fraude.

Le magistrat enquêteur a conclu par l'affirmative sans cependant nous faire voir d'une façon convaincante les fondements juridiques de sa décision.

Invitée à réviser cette décision, la Cour supérieure a exprimé l'opinion qu'il y avait devant le magistrat enquêteur des éléments de preuve à partir desquels un jury pourrait conclure que le consentement des deux patientes avaient été obtenu par suite de l'exercice de l'autorité de la part de l'appelant. Concluant ainsi, la Cour supérieure s'est inspirée de l'arrêt Auguste Léon c. S.M. la Reine, C.A. Montréal, 500-10-000093-904, 3 janvier 1992, les juges Nichols, Proulx et Chevalier. D'autre part la Coursupérieure a exprimé l'opinion que la notion de fraude à laquelle fait référence le paragraphe 265.(3) a une portée plus large qu'elle n'avait autrefois avant la modification de la disposition pertinente du Code criminel et la Cour supérieure a conclu qu'il y avait devant le magistrat enquêteur des éléments de preuve à partir desquels un jury pourrait conclure que le consentement des deux patientes avait été obtenu par suite de manoeuvres frauduleuses de la part de l'appelant.

À mon humble avis la personne qui exerce une autorité au sens du paragraphe 265.(3) C.cr. est celle qui a le pouvoir légal de donner un ordre et de sanctionner la désobéissance à son ordre. Dans l'affaire Auguste Léon la disposition législative en cause était le paragraphe 153.(1) C.cr. qui ne traite pas spécialement du cas où une personne exerce une autorité sur une autre mais du cas où une personne est en situation d'autorité ou de confiance à l'égard d'une autre personne. En revanche le paragraphe 265.(3) ne traite pas généralement du cas où une personne est en situation d'autorité ou de confiance à l'égard d'une autre, mais du cas où une personne exerce une autorité sur une autre. Bref, pour les fins du paragraphe 265.(3) il ne suffit pas que la personne soit en situation de confiance à l'égard d'une autre, mais il faut que cette personne exerce une autorité, soit le pouvoir légal de donner un ordre et de sanctionner la désobéissance à cet ordre.

D'ailleurs, en l'espèce, le témoignage des patientes de l'appelant n'est pas à l'effet que celui-ci était une personne en autorité à qui elles devaient obéir sous peine d'être punies; elles se plaignent seulement du fait que l'appelant a abusé de l'ascendant qu'il avait sur elles, eu égard surtout au phénomène du transfert.

Quant à l'argument que le consentement des deux patientes auraient été obtenu par fraude, l'avocat de l'appelant nous propose que le psychiatre qui fait croire à sa patiente qu'une relation sexuelle fait partie d'un traitement, alors que ce n'est pas le cas, viole une règle d'éthique et commet un délit civil; mais, ajoute l'avocat, on ne peut dire que le médecin obtient le consentement de la patiente par fraude. À cet égard il nous réfère à Bolduc and Bird v. The Queen (1967), 2 C.R. n.s. 40 (C.S.C.) et il nous propose que nous devons suivre l'enseignement de cet arrêt même si, depuis que celui-ci a été rendu, le texte du Code criminel qui traite de la fraude comme vice d'un consentement en la matière a été modifié.

Avec égard pour l'opinion de l'avocat de l'appelant je suis d'avis que l'arrêt Bolduc n'appuie pas ses prétentions. L'arrêt n'enseigne nullement qu'un médecin n'agresse pas sa patiente lorsque l'acte à caractère sexuel qu'il pose, sous prétexte qu'il s'agit d'un traitement médical, n'a rien à faire avec un tel traitement. En tout état de cause, depuis l'arrêt Bolduc, leparagraphe 265.(3) a une portée plus large qu'autrefois: la fraude peut s'exercer non seulement à l'égard de la nature et du caractère de l'acte mais à l'égard de tout autre élément essentiel qui peut déterminer le consentement d'un partenaire.

Si on revient aux faits de l'espèce on constate que, dans le cas de la deuxième patiente, il n'y a absolument aucun élément de preuve qui tend à démontrer que, pour obtenir des faveurs sexuelles de sa patiente, l'appelant lui a fait croire qu'une relation serait utile à son mieux-être. Tout au contraire. De fait, lorsqu'à la fin du traitement, l'appelant, pour excuser sa conduite, a tenté de faire croire à sa patiente que les relations sexuelles qu'il avait eues avec elle faisaient partie d'un traitement, la patiente a été déçue du fait qu'il ne c'était pas agi d'une véritable relation amoureuse. Dans le cas de la première patiente il y a des éléments de preuve qui démontrent que, tout en ayant des relations sexuelles avec sa patiente, l'appelant lui aurait dit:

que mon état général s'améliorerait, quand il y a eu des contacts physiques, sexuels, il me disait que par des rapprochements de ce genre, sûrement que j'en viendrais à me sentir bien dans ma peau, à avoir une sexualité plus normale, que le dédain puis les difficultés que je vivais avec les hommes, transquillement, que je pourrais m'épanouir sexuellement.



Mais, à mon humble avis, si on lit l'ensemble du témoignage decette patiente, on ne peut imaginer qu'un jury pourrait en arriver à la conclusion que c'est à cause de ces paroles de l'appelant que sa patiente a consenti à des relations sexuelles avec lui. Ce qui ressort du témoignage de cette dame, c'est qu'elle était vivement impressionnée par l'homme et le spécialiste qu'était l'appelant, qu'elle désirait ardemment être soignée par lui et qu'elle avait une peur maladive d'être renvoyée par l'appelant à moins de consentir à ses avances sexuelles. Dire que le dossier en est un où un psychiatre a obtenu des faveurs sexuelles d'une patiente par suite de manoeuvres frauduleuses quant à la nature ou au caractère de l'acte ou quant à un autre élément essentiel qui a déterminé le consentement de la patiente, c'est dénaturer le dossier.

En arrivant à cette conclusion je me mets en garde de ne pas usurper la tâche du jury. Mais je m'en voudrais de permettre la tenue d'un procès, avec tout le préjudice que cela peut causer à l'appelant, alors qu'au départ la véritable théorie que le Ministère veut faire valoir devant le jury est mal fondée en droit(1). Cette théorie n'est pas que les deux patientes ont consenti à avoir des relations sexuelles avec l'appelant parce qu'elles ont cru, à cause des manoeuvres frauduleuses de l'appelant que ces relations sexuelles faisaient partie du traitement. La véritable théorie du ministère est qu'un psychiatre qui abuse duphénomène du transfert et obtient des faveurs sexuelles de la part de sa patiente agresse sexuellement celle-ci. Or, à mon humble avis, cette théorie est mal fondée en droit eu égard aux dispositions au par. 265.(3).

Ce serait également dénaturé le dossier que de dire que les éléments de preuve apportés à l'enquête préliminaire appuient la proposition suivant laquelle les deux patientes de l'appelant étaient dans un état tel qu'elles ne pouvaient légalement donner leur consentement.

Le présent certiorari se distingue de la majorité de ceux qu'on voit contre des citations à procès. Dans la plupart des cas le droit est clair et la prétention de l'accusé est qu'il y a absence totale de preuve d'un fait qui constitue l'un des éléments essentiels de l'accusation. En l'espèce c'est la situation contraire: les éléments de preuve ne portent pas à discussion, mais c'est le droit sur lequel les parties ne s'entendent pas. Si, dans les cas où le droit est clair, mais la présence d'un fait qui constitue un élément essentiel de l'accusation est douteuse, il y a lieu que la Cour supérieure montre de la déférence envers le magistrat enquêteur, ce n'est pas le cas lorsqu'il n'y a pas de débat sur l'existence du fait qui constitue l'un des éléments essentiels, mais lorsque la Cour supérieure est d'opinion que le magistrat enquêteur a mal défini l'infraction qui est à la base dela dénonciation.

Ce n'est pas régler le problème que de dire que le jury décidera si oui ou non il y a eu fraude. S'il appartient au jury de découvrir les faits et d'appliquer le droit à ces faits, il ne lui appartient pas de définir une prohibition faite par le Code criminel, ce qui est évidemment la tâche du juge.

Ce dont se plaignent les patientes est, depuis le 15 août 1992, un acte criminel, mais ce ne l'était pas à l'époque des faits qui nous intéressent.

En la circonstance je propose d'accueillir le pourvoi avec frais de 2 000$, d'infirmer le jugement de la Cour supérieure, d'accueillir la requête de l'appelant et de casser les deux dénonciations.



MARC BEAUREGARD, J.C.A.

COUR D'APPEL»


PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

No: 500-10-000131-928
(700-36-000001-924)
(700-01-003091-918)




CORAM: LES HONORABLES BEAUREGARD
TOURIGNY
FISH, JJ.C.A.






CLAUDE SAINT-LAURENT,

APPELANT -(requérant)

c.

M. LE JUGE MICHEL HÉTU agissant ès qualités de juge de la partie       XVIII du Code criminel,

INTIMÉ - (intimé)

-et-

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC,

MIS EN CAUSE




OPINION DE LA JUGE TOURIGNY


               J'ai pris connaissance de l'opinion de mon collègue, le juge Beauregard; avec égards, je ne peux la partager.

              Les accusations portées contre l'appelant (Saint- Laurent) sont des accusations d'agression sexuelle déposées en vertu de l'article 271 1a) du Code criminel. Comme le mentionne la juge de la Cour supérieure, l'agression à laquelle réfère cet article est celle qui est décrite à l'article 265 qui se lit comme suit:

265. (1) [Vo

ies de fait] Commet des voies de fait, ou se livre à
une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas:

      a) d'une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement;


      b) tente ou menace, par un acte ou un geste, d'employer la force contre une autre personne, s'il est en mesure actuelle, ou s'il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu'il est alors en mesure actuelle d'accomplir son dessein;


      c) en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie.


      (2) [Application] Le présent article s'applique à toutes les espèces de voies de fait, y compris les agressions sexuelles, les agressions sexuelles armées, menaces à une tierce personne ou infliction de lésions corporelles et les agressions sexuelles graves.


      (3) [Consentement] Pour l'application du présent article, ne constitue pas un consentement le fait pour le plaignant de se soumettre ou de ne pas résister en raison:


      a) soit de l'emploi de la force envers le plaignant ou une autre personne;


      b) soit des menaces d'emploi de la force ou de la
crainte de cet emploi envers le plaignant ou une autre personne;

                    c) soit de la fraude;

      d) soit de l'exercice de l'autorité.


      (4) [Croyance de l'accusé quant au consentement] Lorsque l'accusé allègue qu'il croyait que le plaignant avait consenti aux actes sur lesquels l'accusation est fondée, le juge, s'il est convaincu qu'il y a une preuve suffisante et que cette preuve constituerait une défense si elle était acceptée par le jury, demande à ce dernier de prendre en considération, en évaluant l'ensemble de la preuve qui concerne la détermination de la sincérité de la croyance de l'accusé, la présence ou l'absence de motifs raisonnables pour celle-ci.




              Je crois utile de préciser que tous les gestes reprochés à Saint-Laurent et, finalement, tous les éléments pertinents au présent litige, sont antérieurs à l'adoption des nouveaux articles 273.1 et 273.2 du Code criminel.

              Saint-Laurent qui s'est pourvu, par voie de certiorari à la suite de la citation à procès, soutient qu'il n'y a, dans le Code criminel, aucun article qui fait de relations sexuelles valablement consenties un crime, même entre un médecin et sa patiente et que, quoiqu'il en soit de ce premier argument, il y a absence totale de preuve d'une quelconque infraction.

              C'est donc dans un contexte de certiorari que se pose le problème et non pas dans un contexte de décision relative au caractère déraisonnable que pourrait avoir un verdict.

              Devant nous, Saint-Laurent a insisté davantage sur le deuxième moyen.

              Quant au premier moyen, je dirai, d'entrée de jeu, que je ne puis suivre l'argument de Saint-Laurent lorsqu'il plaide absence d'infraction au Code criminel relativement au geste qu'on lui reproche.

              La lecture complète de l'article 265, surtout pour ce qui est du 3ième alinéa de cet article, me convainc que cet argument n'a pas de fondement. Ce qu'on reproche à Saint-Laurent, c'est, substantiellement, d'avoir extorqué de ses patientes un consentement, soit à cause de l'autorité qu'il exerçait sur elles, soit à cause des fausses représentations équivalant à fraude qu'il a faites relativement à la nature et à la qualité des actes qu'il a posés. Je reviendrai ultérieurement, dans l'analyse du second point soulevé par Saint-Laurent, sur ces deux aspects de la question.

              La véritable question que pose donc ce pourvoi est de savoir s'il existait, au stade de l'enquête préliminaire, une preuve qui permettait au juge de citer Saint-Laurent à son procès.

              Il ne me paraît plus nécessaire d'élaborer longuementsur le fait que l'absence totale de preuve, au stade de l'enquête préliminaire, donne ouverture à un recours en certiorari.

              Je ne citerai, à cet égard, que la décision de la Cour Suprême du Canada dans Skogman c. La Reine((2)) (à la p. 104):

Depuis l'arrêt Martin, les tribunaux canadiens ont généralement adopté la règle selon laquelle le renvoi d'un accusé à son procès à l'issue d'une enquête préliminaire constitue, en l'absence d'éléments de preuve concernant un élément essentiel de l'accusation, une erreur de compétence susceptible de révision. Voir Re Guttman and The Queen (1981), 64 C.C.C. (2d) 342 (C.S.Qué.); Procureur général du Québec c. Poirier, [1981] C.A. 228, sub nom. Re Poirier and the Queen (1981), 62 C.C.C. (2d) 452; Re Leroux and The Queen (1978), 43 C.C.C. (2d) 398 (C.S. Qué.); Re Robar and the Queen (1978), 42 C.C.C. (2d) 133 (C.A. N.-É.), autorisation de pourvoi devant la Cour Suprême du Canada refusée le 3 octobre 1978, [1978] 2 R.C.S. x; Re Mackie and The Queen (1978), 43 C.C.C. (2d) 269 (H.C. Ont.); Stillo v. R. (1981), 22 C.R. (3d) 224. «L'absence d'éléments de preuve» concernant un élément essentiel de l'accusation portée contre l'accusé ne peut équivaloir à une «preuve suffisante» au sens de l'article 475. À mon avis, c'est là l'état du droit au Canada sur cette question.





              Le juge Estey faisait référence, dans cette affaire, à la décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans Re Martin, Simardand Desjardins and the Queen (1977), 20 O.R. (2d) 455. Le juge Estey cite, entre autres, le paragraphe suivant de cette décision: (p. 102)

[TRADUCTION]...nous concluons que le savant juge de la Cour provinciale n'a pas outrepassé sa compétence en l'espèce, à moins qu'on ne puisse dire que sa décision de renvoyer ces intimés pour subir leur procès sur les chefs d'accusation indiqués ne repose sur aucun élément de preuve, au sens d'une absence totale d'éléments qui auraient pu servir de fondement à l'opinion judiciaire que la preuve est suffisante pour renvoyer les accusés à leur procès. Voilà qui est tout à fait différent de la question «de savoir si, de l'avis du tribunal qui effectue la révision, il y avait suffisamment d'éléments de preuves qui permettraient à un jury ayant reçu des directives appropriées de prononcer un verdict de culpabilité». Il a donc fallu procéder à l'examen des extraits tirés de la transcription volumineuse de l'enquête préliminaire, qu'on a produits en cette Cour, afin de déterminer s'il y avait, comme l'exige le Code, suffisamment d'éléments de preuve pour justifier le renvoi au procès...




              Le recours en certiorari est donc, en pareille circonstance, le recours approprié, puisqu'il y a absence de compétence lorsqu'il y a citation à procès en l'absence totale de preuve contre l'accusé.

              Il faut donc examiner maintenant la nature de la suffisance de preuves requises pour envoyer l'accusé à son procès.

              Dans le même arrêt Skogman, le juge Estey employait une formule qui a été reprise, par la suite, par diverses instances pour préciser sa pensée quant aux éléments de preuve requis pour permettre la citation à procès. Il s'exprime de la façon suivante: (pp. 107-108)

À mon avis, il est donc possible, bien que cette possibilité soit très faible, de déduire de cette preuve que l'accusé et les auteurs de la débenture contrefaite s'étaient entendus pour convertir cette débenture en espèces en la présentant à une compagnie de fiducie ou à une banque. Sans tomber dans le domaine de la pure fantaisie, cette preuve se rapproche de ce qu'on appelle traditionnellement [TRADUCTION] «un soupçon de preuve». Par conséquent, on peut glaner du dossier «des éléments de preuve» justifiant le renvoi au procès. Cela dit, il faut ajouter, que dans chaque cas, la présence ou l'absence d'éléments de preuve doit se rapporter à chacun des éléments essentiels de l'accusation en question.


(je souligne)



              Il ne me paraît pas inutile de préciser que l'expression qu'emploie le juge Estey dans la version originale de son opinion est: «a scintilla of evidence». Je tire donc la conclusion que la plus petite preuve, sur chaque élément essentiel de l'accusation, est suffisante pour mettre la citation à procès à l'abri du recours en certiorari, parce que le juge a alors exercé, au stade de l'enquête préliminaire, la compétence qui étaitla sienne en appréciant la suffisance de la preuve.

              Il faut donc maintenant se demander, en examinant chacun des éléments essentiels, si le «soupçon de preuve» existe.

              Je crois nécessaire de préciser, à titre de remarque préliminaire, certains éléments d'ordre factuel particuliers à l'affaire qui nous occupe. Dans un cas comme dans l'autre, les relations entre Saint-Laurent et les plaignantes se déroulent dans le cadre d'une psychothérapie que suivent les plaignantes auprès de Saint-Laurent, donc dans un contexte médecin-patientes.

              La psychologue appelée à témoigner par la poursuite, à qui le Tribunal a reconnu le statut d'experte, fait état de certaines composantes quasi essentielles et omniprésentes de ce type de traitement et de la relation qui s'instaure entre le thérapeute et sa patiente. Elle élabore, d'abord, sur la question de la vulnérabilité des personnes qui se présentent à la thérapie parce qu'elles sont devenues incapables de fonctionner normalement et que, seule à leurs yeux, la thérapie peut leur permettre de modifier cet état de choses (m.a. pp. 99-100). Elle poursuit ses explications en précisant la situation de dépendance qui risque de se développer au cours de la thérapie, qui vient de la projection de la patiente vers le thérapeute «de tout l'attachement qu'elle n'a pas pu développer dans son enfance» (m.a. p. 103).

              Elle résume ses premières considérations de la façon suivante: (m.a. p. 109)

À cause de la relation très particulière où je suis moi comme patiente très vulnérable, j'ai besoin d'aide et je viens voir quelqu'un expert et on va travailler sur les émotions, on va travailler sur les conflits non résolus du passé, donc la patiente va revivre des situations du passé et va m'utiliser pour projeter sur moi ce qu'elle n'a pas pu faire dans son enfance ou la même situation, et tenter, on refait toujours une même, les mêmes gaffes. C'est pas intéressant comme humain de se rendre compte de ça, mais on refait toujours les mêmes gaffes jusqu'à temps qu'on réalise ou qu'on réussisse à obtenir une satisfaction, à régler le conflit.




              Elle parle également du transfert qui s'installe et qui peut conduire un patient ou une patiente à chercher l'attention, l'affection, voire même l'amour du thérapeute: (m.a. p. 116)

Bien justement parce qu'on veut être aimé. Étant donné que cette personne là est idéalisée, en tout cas le patient veut, vous imagine que s'il est aimé, choisi, privilégié par le professionnel, à ce moment-là, c'est comme si presque par symbiose, il devient lui aussi un être exceptionnel. O.K. C'est un petit peu comme si je me colle à quelqu'un que je trouve extraordinaire et vraiment sensationnel et que cette personne-là j'arrive à lui, comment je dirais, à susciter son intérêt, son amour, son affection, bien mon, mon estime de moi
grandit, je me sens mieux, je me sens meilleur, je me sens plus fin. Et, c'est une des choses qu'il faut faire énormément attention en thérapie. C'est de ne pas justement créer de privilèges pour les patients parce que c'est un, c'est très délicat pour eux ça. Alors ils ont souvent, ils aiment pas ça voir le patient après, bien souvent.



              La psychologue continue sur cette question, de la façon suivante: (m.a. p. 121)

Et donc, il y a une autonomie moins grande puisqu'il dépend de moi pour son bien-être, puisqu'il dépend de moi pour être compris, pour se sentir aimé, et caetera. Et quand ça diminue, s'il réussit à se faire aimer à l'extérieur par quelqu'un d'autre ou à développer une relation significative à l'extérieur, bien là il regagne tranquillement son autonomie, il a moins besoin de moi pour remplir cette, ce besoin- là.




              
Elle précise également la nécessité, pour le thérapeute, de faire en sorte que le développement de la thérapie, une fois passé le point le plus fort du transfert, évolue normalement vers une résolution de la situation et vers une reprise en charge par le patient de son autonomie.

              Elle parle également (m.a. p. 139) des dangers contre lesquels il faut que le thérapeute se mette en garde: (m.a. pp. 139-140)

...si

je pourrais dire, j'abuse de mon pouvoir ou j'utilise mon pouvoir pour donner des suggestions à mon client, pour lui dire des choses, comme par exemple «t'es belle, t'es fine, t'es comme ci puis t'es comme ça» et beaucoup lui suggérer des idées, je risque de m'en aller dans une fausseté parce que de toute façon, à ce moment-là, le patient développe pas par lui-même la certitude qu'il est valable ou qu'il a une certaine autonomie, mais il l'a, il la développe par mon entremise. O.K. Donc je vais augmenter sa dépendance.



              C'est donc dans un contexte thérapeutique où le patient est dans une situation d'extrême vulnérabilité, à cause de l'état psychologique dans lequel il se trouve, que s'engage la relation. Le thérapeute devient la planche de salut ultime sur laquelle reposent les espoirs du patient de se sortir un jour de cet état d'angoisse et de fragilité qui est le sien.

              Il ne faut pas négliger non plus l'importance du phénomène du transfert, présent de façon plus ou moins intense pendant toute la durée du processus, et qui est au coeur même de cette dépendance.

              L'on voit donc que le contexte dont il s'agit est extrêmement particulier. Le procureur de Saint-Laurent, en plaidant, fait une analogie entre la situation de dépendance desadmiratrices de vedettes du rock ou du sport. À mon avis, nous sommes très loin de ce genre de situation, à cause précisément de ce contexte dont je viens de faire état à travers un certain nombre de passages du témoignage de l'experte. Peut-être même sommes- nous loin d'autres types de relations médecin-patient où l'emprise du professionnel paraît revêtir une dimension différente, du moins à première vue.

              Je n'insiste pas sur les autres éléments de preuve nécessaires: l'existence de contacts sexuels et l'apparent consentement des plaignantes; il faut, à ce stade, considérer les preuves comme suffisantes.

              Je précise également qu'il n'y a pas d'allégations de violence physique ou de menaces de violence physique.

              C'est donc en ayant ces circonstances présentes à l'esprit qu'il faut examiner les notions d'exercice de l'autorité et de fraude que prévoit l'article 265(3) C.cr.

L'EXERCICE DE L'AUTORITÉ

              La poursuite prétend avoir fait la preuve de l'absence de consentement en raison de l'autorité exercée par Saint-Laurent sur les plaignantes. Saint-Laurent prétend qu'il n'en est rien,que les plaignantes ont consenti, purement et simplement, à des contacts sexuels. Tout au plus, prétend Saint-Laurent, pourrait- il y avoir une relation de confiance entre le thérapeute et ses patientes mais rien qui s'apparente à l'exercice de l'autorité que requiert la loi pour qu'il y ait le lien de causalité nécessaire.

              Les deux parties ont plaidé un arrêt récent de la Cour Suprême du Canada Norberg c. Wynrib((3)). La poursuite y voit un élargissement de la notion traditionnelle d'autorité précisément dans un contexte médecin-patient, alors que Saint-Laurent y voit, de son côté, une confirmation de la façon restreinte dont les tribunaux ont, jusqu'à maintenant, interprété cette disposition.
Quelques commentaires à propos de cet arrêt s'imposent. Dans un premier temps, il s'agit d'un arrêt rendu dans un contexte de dommages-intérêts et de common law où une patiente d'un médecin poursuit ce dernier en dommages-intérêts alléguant qu'en connaissant sa pharmacodépendance, il a abusé de la situation en proposant l'échange de faveurs sexuelles contre des médicaments. Le contexte juridique est complètement différent de celui dans lequel nous nous trouvons; il faut constater cependant que la Cour Suprême a analysé le concept d'autorité et la dépendance de la patiente par rapport au médecin en examinant la question sous l'angle de l'agression et en se référant à l'article 265 du Codecriminel d'où l'intérêt que présente cette affaire par rapport à la nôtre.

              S'il est une chose sur laquelle tous les juges qui ont rendu des opinions dans l'affaire Norberg insistent, c'est que: «... il faut examiner les circonstances de chaque cas pour déterminer s'il y a inégalité écrasante du rapport de force entre les parties.» (Opinion du juge La Forest, p. 250). Le juge La Forest précise sa pensée de la façon suivante:

De même, dans certaines circonstances, des principes d'ordre public annuleront l'effet juridique d'un consentement dans le cas d'une agression sexuelle. Dans certains cas, en particulier, le consentement sera considéré comme sans effet en droit s'il peut être prouvé qu'il existait une telle disparité dans la situation relative des parties que la partie plus faible n'était pas en mesure de choisir librement.




               Le juge La Forest s'exprime de cette façon après avoir clairement écarté la façon dont les tribunaux ont considéré, dans le passé, les facteurs susceptibles de rendre nul le consentement. Il rappelle ces anciens éléments: (p. 246)

Le consentement doit toutefois être véritable; il ne doit pas avoir été obtenu grâce à l'emploi de la force ou à des menaces d'employer la force, ni donné par des personnes sous l'effet de stupéfiants. Il peut également être entaché de nullité par la fraude ou la supercherie quant à la
nature de la conduite du défendeur.



              C'est de cette dernière interprétation que la Cour Suprême se démarque dans l'arrêt Norberg, en élargissant nettement le contexte.

              Examinant la question du parallèle qu'il y a à faire entre l'article 153 du Code criminel et l'article 265 de la même loi, le juge La Forest s'exprime de la façon suivante: (pp. 255- 256)

La capacité de «dominer et d'influencer» n'est pas limitée à la relation entre un élève et un enseignant. Le professeur Coleman énumère un certain nombre de situations qu'elle qualifie de rapports [TRADUCTION] «de force et de dépendance»; voir Coleman, «Sex in Power Dependency Relationships: Taking Unfair Advantage of the "Fair" Sex» (1988), 53 Alb. L. Rev. 95. Au nombre de ces rapports, il y a ceux existant entre le patient et l'enfant, le psychothérapeute et le patient, le médecin et le patient, le membre du clergé et le fidèle, l'enseignant et l'élève, l'avocat et le client ainsi que l'employeur et l'employé. Elle soutient que le «consentement» à des relations sexuelles dans le cadre de tels rapports est douteux en soi. Elle fait remarquer, à la p. 96:


[TRADUCTION] Le point commun dans les rapports de force et de dépendance est l'existence d'une association personnelle ou professionnelle sous-jacente qui engendre un déséquilibre marqué quant à la force respective des parties...


L'exploitation survient lorsque la personne «puissante»
profite de sa situation d'autorité pour amener la personne «dépendante» à avoir des relations sexuelles et lui cause ainsi un préjudice.

Bien que l'existence de l'un de ces rapports spéciaux ne soit pas nécessairement déterminante, quant à l'existence d'une inégalité écrasante du rapport de force, elle est nécessaire tout au moins dans les circonstances normales.




              Le juge La Forest et deux autres juges de la Cour Suprême du Canada en concluent donc qu'il y a conduite délictuelle menant à compensation. Les autres éléments de cette décision, pour les fins de notre affaire, ne sont pas pertinents.

              La juge McLachlin, s'exprimant en son nom et en celui de la juge L'Heureux-Dubé, parle de son côté, en qualifiant la relation juridique qui existe entre les parties de cette affaire, d'obligation fiduciaire.

              La juge McLachlin rappelle, entre autres choses, la nature de la relation en insistant sur le caractère particulier de la psychothérapie (pp. 280-281):

Les principes énoncés par le juge Wilson dans Frame c. Smith s'appliquent à des degrés divers, selon la nature de la relation médecin-patient en cause. Par exemple, le caractère particulièrement intime du rapport établi entre un psychothérapeute et un patient, le risque
de transfert et la fragilité émotionnelle de bon nombre de patients en psychothérapie militent en faveur de l'imposition d'une obligation fiduciaire au psychothérapeute et, en particulier, une obligation, particulièrement stricte dans un tel contexte, de s'abstenir de sexualiser la relation: (voir Jorgenson and Randles: «Time Out: The Statute of Limitations and Fiduciary Theory in Psychotherapist Sexual Misconduct Cases» (1991), 44 Okla L. Rev. 181). En conséquence, les tribunaux américains ont imposé des obligations plus contraignantes aux psychiatres qu'aux autres médecins: Mazza c. Huffaker, 300 S.E. 2d 833 (1983). Le groupe de travail mandaté par l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario a également reconnu, dans son rapport, que le risque d'abus de confiance était plus grand en psychothérapie; il a donc recommandé l'application de normes de conduite encore plus strictes à l'égard des psychothérapeutes, par rapport aux médecins exerçant dans d'autres domaines (aux pp. 139 et 140). Même si la relation médicale établie entre le Dr Wynrib et Mme Norberg n'était pas de caractère psychothérapique, le traitement requis à l'égard d'un patient pharmacodépendant me semble avoir de nombreux points communs avec la psychothérapie, de sorte que le patient pharmacodépendant est encore plus vulnérable et a davantage besoin de la protection assurée par le droit applicable aux rapports fiduciaires que tout autre patient.



              Pour les fins de notre pourvoi, l'arrêt Norberg me paraît présenter un intérêt certain, quant à la façon d'aborder le concept d'autorité, même si la situation juridique qui prévaut est absolument distincte de la nôtre. Faut-il rappeler la différence de fardeau de preuve en matière pénale et en matière civile de même que le fait que nous soyons en situation de certiorari dans lecadre d'un renvoi à procès et non de l'analyse de la preuve menant à un verdict donné.

              Peu de décisions en matière criminelle abordent clairement cette question. La plupart d'entre elles abordent la question sous l'angle de l'article 153 du Code criminel qui, à mon avis, ne se compare avec l'article 265(3) que dans la mesure où le mot «autorité» est présent aux deux endroits. L'article 153, faut- il le rappeler, est un article qui sanctionne la conduite de personnes en situation d'autorité par rapport à des adolescents exclusivement. L'article, dans son deuxième paragraphe, définit même ce qu'est le mot «adolescent» pour les fins de cet article.

              Le contexte de l'article 265(3) n'est pas le même. Il s'agit de personnes qui exercent une forme d'autorité, comme la définit la Cour Suprême dans l'arrêt Norberg. Cette affaire me paraît donc, tout au moins, régler le problème de l'assimilation de l'article 265 à l'article 153, pour ce qui est de la similitude du concept d'autorité.

              Si l'on examine les circonstances de la présente affaire, je suis d'avis que, tout au moins au stade du renvoi à procès, il y a ce «soupçon» de preuve qu'exigent les arrêts de la Cour Suprême. Je ne reviens pas sur le contexte de dépendance du thérapeute par rapport à son patient et du phénomène du transfertsur lesquels je me suis déjà exprimée.

              Le témoignage des plaignantes est particulièrement éloquent, quant à l'emprise qu'exerçait Saint-Laurent sur elles. Elles font état de ce qu'il projette comme image, de la force qui se dégage de sa personne, du fait qu'elles étaient prêtes à faire tout ce qu'il demandait étant donné qu'elles avaient la profonde conviction qu'il était la seule personne capable de régler leur problème. Il n'est pas inutile de souligner que ces personnes avaient été référées à Saint-Laurent par d'autres personnes en qui elles avaient confiance et qui leur avaient précisé la très grande compétence et la très grande réputation de Saint-Laurent. Les plaignantes font abondamment mention du fait que Saint-Laurent connaissait l'état de vulnérabilité dans lequel elles se trouvaient. Pour au moins l'une d'entre elles, Saint-Laurent prescrivait des médicaments, et ce de façon répétée; pour une autre, il avait pris soin de mentionner que, tant qu'elle serait sa patiente, elle serait protégée contre l'internement, chose qu'elle craignait par dessus tout, puisqu'elle avait déjà fait l'objet de cette mesure extrême.

              Il faut mentionner également que, si l'on examine la preuve faite à l'enquête préliminaire, il appert que les premières rencontres, dans l'un et l'autre cas, se sont déroulées sans qu'il n'y ait quelque forme de contact sexuel et sans même qu'il n'y aitquelconque forme de rapprochement entre Saint-Laurent et les plaignantes. Évidemment, les plaignantes avaient abondamment parlé, au cours de ces premières entrevues, des problèmes qu'elles éprouvaient, entre autres, des problèmes relatifs à leur sexualité. Saint-Laurent, selon elles, avait établi un climat tout à fait propice au préalable, avant d'initier lui-même soit par des gestes, soit par des paroles, les contacts physiques et sexuels.

              La preuve, telle qu'elle est rapportée au stade de l'enquête préliminaire, révèle d'autre part que Saint Laurent faisait aux plaignantes des représentations à l'effet qu'il ne partageait pas avec d'autres personnes des moments aussi intimes.

              Subjuguées, elles se soumettaient corps et âme, selon elles, aux fantaisies sexuelles de Saint-Laurent.

              Tout ce contexte me paraît, du moins au stade où nous sommes, revêtir les caractères de suffisance qui justifient le juge, à l'enquête préliminaire, d'envoyer l'accusé à son procès.

LA FRAUDE

              Je le dis d'entrée de jeu, que l'on applique la définition de la fraude contenue à l'ancien article 141 C.cr. ou une définition qui serait plus large, je ne peux me convaincre, lànon plus, qu'il n'y a pas ce «soupçon» qu'exige la Cour Suprême.
              La définition qui avait cours avant l'amendement définissait la fraude comme des fausses représentations sur la nature et la qualité de l'acte. Il n'est pas pertinent à ce stade- ci, à mon avis, d'examiner la question à savoir si l'absence de définition élargit le concept ou intègre l'ancienne définition puisque, d'une façon comme de l'autre, j'en viens à la conclusion que la preuve est suffisante.

              L'emprise incontestable qu'avait Saint-Laurent, selon les plaignantes, tant sur l'une que sur l'autre, la confiance presqu'aveugle qu'elles avaient envers cet homme dont elles attendaient tout, les rendaient encore plus vulnérables, selon elles, à la prétention de Saint-Laurent à l'effet que les rapprochements qu'il avait initiés étaient bénéfiques, voire même essentiels, au cheminement de leur thérapie et à la solution des difficultés qui étaient les leurs, en particulier sur le plan de leur sexualité. L'une et l'autre affirment avoir cru Saint- Laurent quant à ces représentations qu'il leur a faites et n'avoir pas douté, du moins pendant un bon moment, que les gestes posés les amèneraient à mieux s'accepter et à améliorer leur confiance en elles et leurs rapports avec les autres. D'ailleurs, l'une des plaignantes précise que, lorsqu'elle a commencé à signaler à Saint-Laurent ses hésitations quant à l'intimité des rapportsqu'ils partageaient, celui-ci aurait manifesté une forme de déception qu'on puisse mettre en doute à ce point sa parole. Une fois les contacts sexuels terminés, la thérapie se serait terminée également.

              Saint-Laurent plaide que la décision Bolduc((4)) a réglé la question qui nous occupe et que, si le comportement du médecin dans l'affaire Bolduc n'a pas été sanctionné par la Cour Suprême et n'a pu être qualifié d'attentat à la pudeur («indecent assault»), il ne peut non plus l'être dans l'affaire qui nous occupe.

              Il faut rappeler que, dans l'affaire Bolduc, un médecin avait représenté à une patiente qu'une troisième personne qui assistait à l'examen gynécologique qu'elle subissait était un interne en formation, alors que ce dernier était en fait un musicien. Le médecin a procédé à un examen gynécologique et l'intrus, devrais-je plutôt dire le voyeur, a observé. La Cour s'est alors demandée si le consentement avait été obtenu par «false and fraudulent representation as to the nature and quality of the act.» La Cour Suprême en est arrivée à la conclusion que non, parce que la patiente avait consenti à un examen gynécologique, que la personne qui avait pratiqué l'examen était bel et bien unmédecin et que la nature et la qualité de l'acte n'étaient pas autre chose que ce à quoi elle avait consenti: un examen gynécologique.

              La situation, à mon avis, est différente de celle qui prévaut ici. Dans l'affaire qui nous occupe, le contexte de psychothérapie, la dépendance, de même que le caractère thérapeutique de gestes à caractère sexuel sur des personnes dont précisément le principal problème en est un de sexualité, changent singulièrement la situation. Suffisamment, à mon avis en tout cas, pour qu'il ne soit pas possible de dire, au stade du renvoi à procès, que l'arrêt Bolduc a réglé toutes les situations de ce genre.

              Il appartiendra au juge des faits de décider de la preuve, de sa suffisance, de la crédibilité des témoins et de tout ce que doit apprécier en général un juge des faits. C'est une tout autre question. À ce stade-ci, la seule qui se pose à nous, est de savoir si le juge, après l'enquête préliminaire, a eu raison de considérer qu'il n'y avait pas absence totale de preuve et de renvoyer Saint-Laurent à son procès. Je suis d'avis que oui.


              Aussi, suis-je d'opinion qu'il y a lieu de CONFIRMER le jugement de la Cour supérieure, de REJETER la demande encertiorari et de MAINTENIR le renvoi à procès de Saint-Laurent.




CHRISTINE TOURIGNY, J.C.A.

COURT OF APPEAL


PROVINCE OF QUÉBEC
MONTRÉAL REGISTRY

No: 500-10-000131-928
(700-36-000001-924)
(700-01-003091-918)




CORAM: THE HONOURABLE BEAUREGARD
TOURIGNY
FISH, JJ.A.






CLAUDE SAINT-LAURENT,

APPELLANT - petitioner

v.

JUDGE MICHEL HÉTU, sitting as a justice under
Part XVIII of the Criminal Code,

           RESPONDENT - respondent

and

THE ATTORNEY GENERAL OF QUÉBEC,

MIS EN CAUSE




OPINION OF FISH, J.A.



Appellant, a psychiatrist, has been committed to trial on two counts of sexual assault, each involving a patient.

He applied in Superior Court for a writ of certiorari quashing his committal to trial. He now appeals to this Court from the judgment denying certiorari.

In appellant's submission, there is no evidence that he had sexual relations without the consent of either complainant. Any reasonable jury, he says, would be bound to conclude that both complainants agreed to the acts for which he has been charged: with respect to the essential element of non-consent, there was thus "an entire absence of proper material as a basis for the formation of a judicial opinion that the evidence was sufficient to put the accused on trial"(5). His committal, says appellant, must therefore be quashed.

The Crown's response is that there was no consent within the meaning of sec. 265(1)(a) of the Criminal Code, since, in the words of sec. 265(3), "the complainant[s] "submit[ted] or [did] not resist by reason of [...] (c) fraud; or (d) the exercise of authority."

Citing Norberg v. Wynrib(6), the Crown notes(7) that
          
A position of relative weakness can, in some circumstances, interfere with the freedom of a person's will(8)...


and that,
          
...in certain situations, principles of public policy will negate the legal effectiveness of consent in the context of sexual assault. In particular, in certain circumstances, consent will be considered legally ineffective if it can be shown that there was such a disparity in the relative positions of the parties that the weaker party was not in a position to choose freely.(9)



Such a relative disparity existed in this case, says respondent, and the "pseudo-consent" of the two complainants is therefore of no avail to appellant.

Though the Crown does mention fraud, I agree with Beauregard J.A. that its case against appellant rests primarily on the allegation that he exercised authority over both complainants in a way that deliberately induced them to "submit" to, or "not resist", sexual relations with him.

In any event, the issue at this stage is whether the magistrate had any basis at all for committing the appellant to trial. I find it unnecessary for that reason to express a detailed opinion on the subsidiary issue of fraud. I would simply say that "fraud", in sec. 265(3), does not contemplate every deceit perpetrated in the pursuit of sexual gratification. A man and a woman both act dishonestly and, to that extent, "fraudulently", when they cause one another to embark on an intimate relationship by each claiming falsely to be rich and single. Disingenuous proclamations of love for the same purpose are equally dishonest. The criminal law, however, does not in my view characterize conduct of this kind as a sexual assault: not all liars are rapists. There must be something more.

In the context of this case, I would require evidence of deceit that goes to the very nature and quality of the defendant's conduct: see R. v. Petrozzi(10), where the British Columbia Court of Appeal held that the type of fraud referred to in sec. 265(3)(c) relates to the nature and quality of the act and not to the kind of falsehood alleged in that case (a false representation that the accused intended to pay the victim, a prostitute, for the sexual services obtained).

Without in any way expressing a view as to the strength of the prosecution's case against Dr. St-Laurent, I have concluded that there was some rational basis for his committal to trial. Certiorari therefore does not lie and I would for that reason dismiss the appeal.


I


The crux of the matter, from respondent's point of view, is put this way in its factum:

          
Contrairement à ce qu'indique l'appelant, il ne s'agit pas de criminaliser tout contact sexuel entre un thérapeute et sa patiente, mais plutôt d'évaluer, en regard des faits particuliers, si il y a ou pas agression sexuelle au sens du code criminel.


          
C'est de la distinction entre exercer l'autorité ou être en situation d'autorité dont il s'agit. Le thérapeute ne pose pas un geste criminel de par sa simple situation d'autorité s'il a un contact sexuel avec sa patiente. Par contre, s'il exerce cette autorité de façon à obtenir un consentement aux gestes sexuels, il a alors un comportement interdit par le code criminel. En effet, l'ordre public ne saurait considérer comme valable le consentement obtenu dans de telles circonstances.


          
Cette distinction fondamentale sous-tend le raisonnement de la poursuite....(11)



My colleague Beauregard J.A. takes the view that "authority", in this context, necessarily denotes a right to issue orders and to enforce their obedience ("le pouvoir légal de donner un ordre et de sanctionner la désobéissance à son ordre").

The statutory origin of the expression "exercise of authority" is admittedly obscure. With respect, however, I am unable to adopt the restrictive interpretation favoured by my colleague. On a plain reading, "authority" does not signify only the legal right to command obedience. The context of section 265 of the Criminal Code is more hospitable, in my view, to a broader construction.

"Exercise of authority" was introduced to the statutory law on assault in Canada as part of Bill C-127, An Act to Amend the Criminal Code (Sexual Offences and Offences Against the Person), which came into force in January, 1983. A very detailed and helpful history of that Bill was prepared in 1982 for the Standing Senate Committee on Legal and Constitutional Affairs(12). Neitherthere nor elsewhere, however, does there appear to be any explanation for adding the "exercise of authority" provision to what is now section 265 of the Criminal Code.

One suspected ancestor is section 154 of the pre-1983 Code, dealing with the seduction of female passengers on commercial vessels, but as Prof. Boyle points out, this section is of limited guidance(13).

Writing shortly after the present legislation came into force, Prof. Boyle anticipated that the meaning of "authority" in the context of sexual assault

          
...will depend on the judiciary's view of the scope of the morally reprehensible conduct which ought to attract the attention of the criminal law. The issue is this: when is the exploitation of power so bad as to be punishable? Case law and dictionary definitions will not be conclusive with respect to this normative issue. Nevertheless, the Oxford English Dictionary indicates that authority means, inter alia, the power or right to enforce obedience; the power to influence the conduct or actions of others; personal or practical influence. The possibility therefore exists that an extremely broad definition of authority will be adopted by the courts.(14)





This was not intended to suggest, I am sure, that judges are entitled to stretch the plain words of the statute so as to extend its reach beyond the evil contemplated by Parliament or, in cases of doubt, to construe an ambiguous provision adversely to the accused. The point as I understand it was, rather, that "authority", even considered literally, bears a broad meaning; section 265(3)(d) may therefore be interpreted liberally without doing violence either to its express language or to its evident purpose.

This is precisely the approach mandated by Parliament itself in the Interpretation Act, R.S., c. I-23:
          
12. Every enactment is deemed remedial, and shall be given such a fair, large and liberal construction and interpretation as best ensures the attainment of its objects.



I need hardly add that a fair, large and liberal construction of the word "authority" in section 265(3)(d) implies no relaxation of the principles of fundamental justice that protect every accused, including doctors, charged in Canada with any crime, including sexual assault. The presumption of innocence is no less sacrosanct, and the burden of proof no less onerous, than in other cases. Triers of fact must remain ever mindful of the vulnerability of the victim to abuse and they must take care tocredit the evidence of each complainant with the full weight that it deserves(15). In reaching their verdicts, they are legally bound to remember as well that the accused, not the complainant, is entitled on a charge of sexual assault to the benefit of any reasonable doubt on the essential element of consent.


II


Returning, then, to the meaning of "authority" in section 265(3)(d) of the Criminal Code, it seems to me that the purpose of the law in this area has always been to criminalize a coerced sexual relationship. Mutual agreement is a safeguard of sexual integrity imposed by the state under the threat of penal sanction. In the absence of consent, an act of sex is, at least prima facie, an act of assault.

As a matter both of language and of law, consent implies a reasonably informed choice, freely exercised. No such choice has been exercised where a person engages in sexual activity as a result of fraud, force, fear, or violence. Nor is the consent requirement satisfied if, because of his or her mental state, one of the parties is incapable of understanding the sexual nature ofthe act, or of realizing that he or she may choose to decline participation.

"Consent" is thus stripped of its defining characteristics when it is applied to the submission, non-resistance, non-objection, or even the apparent agreement, of a deceived, unconscious or compelled will. Putting the matter this way emphasizes the difficulty of distinguishing, otherwise than by reference to vitiating factors, between "consent" and "non-consent" in relation to the offence of assault(16).

There are, however, positive formulations that will assist a trier of fact in determining, in the circumstances of each case, whether the prosecution has established a lack of consent.

Prof. Turner, defining rape at common law, writes that "[t]he crime consists in having unlawful carnal knowledge of a woman without her consent, i.e., her free and conscious permission"(17). Prof. Stuart speaks of "true consent"(18) and "genuine" as opposed to "merelyformal" consent and, in respect of submission as a result of threats:
          
Since the real issue is whether the victim actually freely consented, whether the threats vitiated the consent must be left to the trier of fact(19).



According to Côté-Harper, Manganas and Turgeon, consent may be express or implied, but it must be real ("réel"):
          
Le consentement de la victime dans les cas de voies de fait doit être obtenu de façon libre et volontaire et comporter une pleine connaissance des risques encourus.(20)



On the whole, I tend to agree with Prof. Bryant that although adjectives such as those mentioned -- "real", "genuine", "legal", "true" and "voluntary" -- are "useful in summing-up to a jury, they do not define consent" and that, for the purposes of sexualassault, consent is therefore "best described by examining the factors that negate its existence"(21).

One such factor is specifically set out in section 265(3)(d) of the Criminal Code, which provides that, in relation to the crime of assault, "no consent is obtained where the complainant submits or does not resist by reason of...the exercise of authority".

As I mentioned earlier, Beauregard J.A. takes the view that "authority", in this context, necessarily denotes a right to issue orders and to enforce their obedience. Tourigny J.A. points out that the Supreme Court of Canada appears to have adopted a much broader interpretation.

Neither of my colleagues, when they expressed these views, had the benefit of taking into account the very recent judgment of the Supreme Court of Canada in R. v. Litchfield (not yet reported, SCC No. 22896, November 18, 1993).

Dr. Litchfield, a family physician practising in Edmonton, was alleged to have sexually assaulted seven of his patients while examining them at his office. Unlike the present matter, the existence of an assault depended in that case on whether thephysical acts of the accused were sexual or medical in nature. The meaning of "exercise of authority" was therefore not really in issue.

It may be for this reason that Iacobucci J., writing for the Court on the issue of sexual assault(22), included as a relevant statutory provision paragraph (c) of section 265 of the Code, which deals with fraud, but excluded paragraph (d), which concerns the exercise of authority. Alternatively, he may have sought to underline the impact of a material imbalance of power on the legal effectiveness of consent independently of section 265(3)(d).

On any view of the matter, I think it can fairly be said that Litchfield incorporates as an element of its ratio a judicial policy that binds us in this case.

To begin with, Litchfield removes any doubt concerning the relevance of much that was said in Norberg, supra, to the crime of sexual assault as opposed to a civil claim in damages. I refer particularly to the effect on consent of a significant power imbalance between the alleged offender and the complainant, and tothe impact in this context of a fiduciary or doctor-patient relationship.

Thus, setting out the framework for his analysis of the issues in Litchfield, Iacobucci J. found it "important to keep in mind the nature of the offence of sexual assault as well as the specific manifestation of the alleged sexual assaults in a doctor-patient relationship"(23). After first dealing with the issues settled in R. v. Chase, [1987] 2 S.C.R. 293 , which are not pertinent here, Iacobucci J. continued as follows(24):

          
The importance of looking to all the circumstances surrounding an accused's impugned conduct is thrown into relief by a case such as that under consideration in this appeal, where a doctor-patient relationship is concerned. Certainly, medical evidence will be important to assessing the nature of an accused physician's conduct. However, when determining whether a complainant in fact consented to that which occurred, courts must also ensure that they neither ignore the testimony of a patient who complains of sexual assault nor underestimate the position of vulnerability in which a patient often finds herself when she is in the care of a professional medical doctor. All of the opinions in the judgment of this Court in Norberg v. Wynrib, [1992] 2 S.C.R. 226 , recognized the imbalance of power that may occur
between a doctor and a patient where an alleged sexual assault is concerned.

          
La Forest J. (Gonthier and Cory JJ. concurring) stated at p. 258: "An unequal distribution of power is frequently a part of the doctor-patient relationship". McLachlin J., who also wrote for L'Heureux-Dubé J., focused on the fiduciary nature of the doctor-patient relationship and wrote at p. 272:


               
I think it is readily apparent that the doctor-patient relationship shares the peculiar hallmark of the fiduciary relationship -- trust, the trust of a person with inferior power that another person who has assumed superior power and responsibility will exercise that power for his or her good and only for his or her good and in his or her best interests.


          
Thus the nature of a complainant's relationship to her alleged assaulter, including the patient's lack of power and knowledge as well as the doctor's duty to perform medical examinations only for the good of the patient and in the patient's best interest, must be kept in mind when determining whether the patient in fact consented to the conduct in question. As Sopinka J. wrote in Norberg at p. 304 in the context of tortious sexual battery:


               
In assessing the reality of consent and the existence and impact of any of the factors that tend to negative consent, it is important to take a contextually sensitive approach. In relation to medical procedures, several courts have emphasized the need to consider all relevant
surrounding circumstances in assessing whether there was valid consent....

               
...Certain relationships, especially those in which there is a significant imbalance in power or those involving a high degree of trust and confidence may require the trier of fact to be particularly careful in assessing the reality of consent.



In reproducing this extensive passage from Litchfield, I am mindful, I repeat, of the difference between that case and this one. In Litchfield, the dispute centred on whether the contact between patient and physician was medical or sexual. Here, the acts in question were of an overtly sexual character.

Moreover, in Litchfield, there was no consent at all -- real or apparent, valid or vitiated -- to any contact for sexual purposes. Here, according to the evidence as we have it, the complainants engaged with the appellant in manifestly sexual relations on an apparently consensual basis.

The case for the prosecution is that appellant committed the offences charged by exercising his imputed authority over his two named patients in a way that deliberately induced them to "submit" to, or "not-resist", sexual relations with him. Subsidiarily, the prosecution alleges fraud.

Even in relation to this subsidiary allegation, the prosecution does not claim that either complainant was unaware of the sexual character of the acts. At best, the issue is whether they were induced to engage in sexual conduct by a representation as to its therapeutic value.

To sum up on this first branch of the matter, I emphasize that it comes before us on appeal from a refusal to grant certiorari. Our role is therefore to consider whether there was any basis for a committal and not whether we ourselves would have sent the matter to trial. Still less are we entitled to determine guilt or innocence, or to anticipate and settle questions of law that may or may not arise at trial, depending on the proof made and on the positions taken by Counsel on either side at that stage.

The outcome of the appeal instead depends, in my respectful view, on the governing principles of law and of jurisdiction that I have already outlined, and on the evidence in the record before us, to which I now turn.



III


The case against Dr. St-Laurent is largely founded on four propositions. First, that the phenomenon of "transference", known to develop in the course of psychotherapy, creates a state of utter dependency between patient and therapist. Second, that both complainants were in this state at all material times. Third, that Dr. St-Laurent therefore had authority over them. And, fourth, that Dr. St-Laurent exercised this authority in a way that caused both complainants to agree to have sex with him.

At the preliminary inquiry, to establish these propositions, the Crown relied on the expert evidence of a psychologist, Marie Valiquette, and on the testimony of the two complainants, V.L. and J.A.

According to Dr. Valiquette, psychotherapy frequently concerns some form of dysfunction resulting from an unresolved conflict involving an adult who figured prominently in the patient's childhood(25). "Transference" occurs when the patient, who often views the therapist as a "saviour"(26), projects (or "transfers")from the significant adult to the therapist emotions resulting from the patient's unresolved conflicts(27).

Although transference is an unconscious process(28), the therapist has a role in determining its scope and intensity(29).

Psychological transference is a peculiar and dangerous phenomenon. While it subsists, the relationship of the patient to the therapist is much like that of a child to a parent(30). It is somewhat similar to being in a state of hypnosis(31), during which the patient may fantasize about enjoying a long-term relationship with the therapist(32).

Transference provokes "une sorte d'absence de volonté"(33) and significantly decreases the autonomy of the patient, who has put his or her psychological life into the therapist's hands(34).

During transfer, the therapist wields more authority over the patient than does, for instance, a spouse(35). A person in this psychological state cannot know the full consequences of having sexual relations with the therapist(36). Given that intimate communications must never emanate from the therapist(37), a sexual relationship between the parties would be "sûrement le produit de l'utilisation de pouvoir du thérapeute"(38).


IV


In deciding whether there was a sufficient factual basis for trial, the justice who presided at the preliminary inquiry was bound to consider the evidence of the two complainants in the light of the expert opinion of the witness Valiquette.

The first complainant, V.L., a former alcoholic(39), had been sexually molested numerous times in her youth. One such episoderesulted in pregnancy, terminated by abortion(40). Her parents divorced when she was only twelve(41).

V.L. accepted referral to appellant because of her inability to live in society(42), her isolation, distress ("angoisse"), panic and depersonalisation(43), her phobias(44) and her suicidal thoughts(45). She "feared" Dr St-Laurent(46), felt "insignificant" in relation to him(47), considered him a saviour(48), a god(49) and her last hope(50). She felt obliged to comply with his demands(51). To demonstrate that her condition was genuine, she completely broke down in the appellant's presence(52).

V.L.'s mental state during sexual encounters with the appellant could be characterized, she testified, by a feeling of separation from her body(53).

There is some evidence that appellant, moreover, by his conduct over the course of the therapy, preserved and intensified V.L.'s state of transference. He told her that she was the subject of his fantasies(54) and that thinking about her was the only way he could make love to his wife(55). He offered her cognac knowing that she was an alcoholic(56) and invited her to his chalet where together they watched a pornographic film(57).

On one occasion, appellant cried in V.L.'s presence(58) and talked of taking his own life(59).

As for the second complainant, J.A., her evidence was that she had been the victim of incest at a very young age(60). Her relationship with her mother was poor and she suffered profound feelings of rejection(61). Between the ages of eleven and eighteen, J.A. was shunted from one public institution to another(62). During this period, she bore a child and gave it up for adoption, leaving her in a state of severe depression(63).

A prostitute throughout her adolescent years(64), J.A. first consulted Dr. St-Laurent in 1981 and began seeing him on a more regular basis some two years later. She soon fell victim to his charms(65), considered herself privileged to be with him(66) and felt, in his company, desired and desirable(67). Her attraction to him wasvery strong(68). She had fallen in love with Dr. St-Laurent(69) and was afraid that he would reject her(70).

Sexual relations with appellant made J.A. think of her grandfather "parce que c'était un mélange d'affection puis un mélange d'attouchements sexuels"(71).

The appellant for his part would tell J.A. that she was warm and attractive and kind(72). He asked her at one point, referring to her prostitution, "comment je faisais avec mes clients"(73). He had her sit on his knee during sessions(74). When Dr St-Laurent suggested to J.A. that her sexual relationship with him was part of her treatment, she was most distressed, having perceived it as a matter of love and romance(75).



V


These references to the evidence are by no means intended to provide a balanced overview of the entire record at preliminary inquiry. They do not capture every aspect of the story told by each of the two complainants. Other facts and circumstances, set out by the appellant in his factum and not reproduced here, are consistent with his submission that his sexual relations with both patients was, even on their own evidence, the result of mutual agreement.

Our role on this appeal, however, is to determine whether there is any basis upon which the appellant could be committed to trial for having sexually assaulted his former patients V.L. and J.A. In my view, the testimony to which I have referred did provide that basis.

In stating this conclusion, I repeat once again that the question before us is not whether the evidence is sufficient for committal, but whether it provides a rational basis for the conclusion reached by the justice who presided at preliminary inquiry. I need hardly add that this is not an appeal against that judgment -- the committal itself is not appealable -- but rather an appeal against the judgment of the Superior Court denying certiorari.

For the reasons stated, I believe the appeal fails.



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MORRIS J. FISH, J.A.

1.     McKibbon c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 131 , motifs du juge Dickson à la p. 171.
2. )             [1984] 2 R.C.S. 93 .
3. )             [1992] 2 R.C.S. 226 .
4. )            Bolduc et Bird c. La Reine, [1967] 2 C.R. 40.
5. Re Martin, Simard and Desjardins and The Queen (1977), 41 CCC (2d) 308 (Ont. C.A.), at p. 340; affirmed, (1978), 41 CCC (2d) 342 (SCC).
6. [1992] 2 SCR 226.
7. Respondent's factum, p. 5.
8. Per La Forest J., speaking for three of the six justices who participated in the judgment, at p. 247.
9. Ibid., at p. 250.
10. (1987), 35 CCC (3d) 528 (BCCA).
11. Respondent's factum, pp. 5-6.
12. See "The Evolution of Bill C-127", by Donald Macdonald, Law and Government Division, Research Branch, Library of Parliament, Ottawa, 1982.
13. See Christine L. M. Boyle, Sexual Assault, 1984, p.70.
14. Ibid., pp. 69-70.
15. See Litchfield, infra, note 20.
16. See Glanville Williams, Textbook of Criminal Law (2d ed, 1983), p. 550; Alan W. Bryant, "The Issue of Consent in the Crime of Sexual Assault", (1989) 68 Can. Bar Rev. 94, at p. 105.
17. See Russell on Crime (12th ed., 1964), by J.W. Cecil Turner, vol. 1, p. 706. My emphasis.
18. Don Stuart, Canadian Criminal Law, 2d ed., 1987, p. 469.
19. Ibid., pp. 474-5. My emphasis.
20. Gisèle Côté-Harper, Antoine D. Manganas et Jean Turgeon, Droit pénal canadien, 3d ed., 1989, p. 610. My emphasis. See also: R v. Caskenette (1993), 80 CCC (3d) 439 (B.C.C.A) R v. Ssenyonga (1993), 81 CCC (3d) 257 (Ont Ct Gen Div) at p. 265; R v. Côté (1992), 49 QAC 76 (Que. C.A.); R v. Jobison, [1991] 2 SCR 714; R v. Colbourne (1991), 66 CCC (3d) 235 (Que. C.A.) at p. 251; R v. K.E.T., [1990] OJ No. 2674 (Ont. Dist. Ct.); R v. Guerrero (1988), 64 CR (3d) 65 (Ont. C.A.) R v. Maher (1987), 63 Nfld & PEIR 30 and 194 APR (Nfld. C.A.) at p. 34; R v. Martin (1980), 53 CCC (2d) 250 (Ont CA) at p. 256; R v. Hindle (1978), 39 CCC (2d) 529 (BCCA); and R v. Stanley (1977), 36 CCC (2d) 216 (B.C.C.A.) at p. 233 (per Branca J.A.) and p. 234 (per McIntyre J.A.).
21. Supra, note 9, at p. 105.
22. McLachlin J., in a separate but concurring opinion, expressly agreed with the reasons of Iacobucci J., except as regards a procedural issue that is of no concern here.
23. At p. 6 of his reasons.
24. At pp. 7-9.
25. P. 106. Page references, unless otherwise indicated, are to appellant's factum.
26. P. 102.
27. P. 106.
28. P. 157.
29. P. 140.
30. Pp.104, 115, 179.
31. P. 145.
32. P. 118.
33. P. 154.
34. P. 137.
35. P. 147-8.
36. P. 146.
37. P. 174.
38. P. 172.
39. P. 245.
40. P. 422.
41. P. 208.
42. P. 214.
43. P. 207.
44. P. 213.
45. Pp.216.
46. P. 219.
47. P. 270.
48. "sauveur" pp. 225, 263.
49. "dieu" p. 263.
50. "dernière chance de m'en sortir", p. 222.
51. P. 236.
52. P. 231.
53. P. 236.
54. P. 233.
55. P. 240.
56. P. 246.
57. P. 280.
58. P. 299.
59. P. 301.
60. P. 477.
61. P. 477.
62. P. 479.
63. P. 481.
64. Pp.488, 574.
65. P. 485.
66. Pp.498, 529.
67. P. 499.
68. P. 503.
69. P. 596.
70. P. 522.
71. P. 515.
72. Pp. 483 and 485.
73. Pp. 488 and 575 ff.
74. P. 494.
75. Pp. 501-502.

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