94011100
COUR D'APPEL
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL
No: 500-10-000131-928
(700-36-000001-924)
Le 17 décembre 1993
CORAM: LES HONORABLES BEAUREGARD
TOURIGNY
FISH, JJ.C.A.
CLAUDE SAINT-LAURENT,
APPELANT-requérant
c.
M. LE JUGE MICHEL HÉTU,
INTIMÉ-intimé
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC,
MIS EN CAUSE
L'ORDONNANCE RENDUE LE 9 DÉCEMBRE 1991
PAR LE MAGISTRAT-ENQUÊTEUR PORTANT QUE
LA PREUVE RECUEILLIE LORS DE L'ENQUÊTE NE
DOIT ÊTRE PUBLIÉE DANS UN JOURNAL NI RÉVÉLÉE DANS UNE ÉMISSION
DE RADIO OU DE TÉLÉVISION EST TOUJOURS EN VIGUEUR
LA COUR; - Statuant sur le pourvoi de l'appelant contre un jugement
de la Cour supérieure (Terrebonne, 31 mars 1992, le juge ClaireBarrette-Joncas), lequel lui a refusé une requête en certiorari
contre un renvoi à procès ordonné par un juge de la Cour du Québec
(Terrebonne, 13 décembre 1991, le juge Michel Hétu) sur deux
dénonciations d'agression sexuelle;
Après étude du dossier, audition et délibéré;
POUR LES MOTIFS exprimés dans les opinions écrites des juges
Tourigny et Fish, dont un exemplaire est déposé avec le présent
arrêt,
REJETTE le pourvoi;
POUR LES MOTIFS exprimés dans son opinion écrite, dont un
exemplaire est également déposé avec le présent arrêt, le juge
Beauregard aurait accueilli le pourvoi, avec dépens de 2 000$,
accueilli la requête en certiorari et cassé les deux dénonciations.
MARC BEAUREGARD, J.C.A.
CHRISTINE TOURIGNY, J.C.A.
MORRIS J. FISH, J.C.A.
Me Christian Desrosiers
Avocat de l'appelant
Me Josée Grandchamp
Avocate de l'intimé
Date d'audition: 3 juin 1993
COUR D'APPEL
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL
No: 500-10-000131-928
(700-36-000001-924)
CORAM: LES HONORABLES BEAUREGARD
TOURIGNY
FISH, JJ.C.A.
CLAUDE SAINT-LAURENT,
APPELANT-requérant
c.
M. LE JUGE MICHEL HÉTU,
INTIMÉ-intimé
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC,
MIS EN CAUSE
OPINION DU JUGE BEAUREGARD
L'appelant, qui est psychiatre, a fait l'objet de deux
dénonciations qui lui reprochent plusieurs agressions sexuelles
contre deux de ses patientes.
À la fin de l'enquête préliminaire il y avait des éléments de
preuve qui démontraient que l'appelant avait eu des relations
sexuelles avec ses deux patientes. Il était cependant acquis que
celles-ci avaient en apparence consenti à ces relations et que
l'appelant n'avait pas fait usage de sévices physiques ou de
menaces de tels sévices contre les deux dames. La tâche du
magistrat enquêteur consistait donc à déterminer si les témoignages
rendus devant lui comportaient des éléments de preuve qui
démontraient que le consentement des deux patientes avait été
obtenu en violation des dispositions du par. 265.(3) C.cr.,
lesquels tiennent pour inexistant le consentement obtenu par suite
de l'exercice de l'autorité ou par fraude.
Le magistrat enquêteur a conclu par l'affirmative sans cependant
nous faire voir d'une façon convaincante les fondements juridiques
de sa décision.
Invitée à réviser cette décision, la Cour supérieure a exprimé
l'opinion qu'il y avait devant le magistrat enquêteur des éléments
de preuve à partir desquels un jury pourrait conclure que le
consentement des deux patientes avaient été obtenu par suite de
l'exercice de l'autorité de la part de l'appelant. Concluant
ainsi, la Cour supérieure s'est inspirée de l'arrêt Auguste Léon
c. S.M. la Reine, C.A. Montréal, 500-10-000093-904, 3 janvier 1992,
les juges Nichols, Proulx et Chevalier. D'autre part la Coursupérieure a exprimé l'opinion que la notion de fraude à laquelle
fait référence le paragraphe 265.(3) a une portée plus large
qu'elle n'avait autrefois avant la modification de la disposition
pertinente du Code criminel et la Cour supérieure a conclu qu'il
y avait devant le magistrat enquêteur des éléments de preuve à
partir desquels un jury pourrait conclure que le consentement des
deux patientes avait été obtenu par suite de manoeuvres
frauduleuses de la part de l'appelant.
À mon humble avis la personne qui exerce une autorité au sens du
paragraphe 265.(3) C.cr. est celle qui a le pouvoir légal de donner
un ordre et de sanctionner la désobéissance à son ordre. Dans
l'affaire Auguste Léon la disposition législative en cause était
le paragraphe 153.(1) C.cr. qui ne traite pas spécialement du cas
où une personne exerce une autorité sur une autre mais du cas où
une personne est en situation d'autorité ou de confiance à l'égard
d'une autre personne. En revanche le paragraphe 265.(3) ne traite
pas généralement du cas où une personne est en situation d'autorité
ou de confiance à l'égard d'une autre, mais du cas où une personne
exerce une autorité sur une autre. Bref, pour les fins du
paragraphe 265.(3) il ne suffit pas que la personne soit en
situation de confiance à l'égard d'une autre, mais il faut que
cette personne exerce une autorité, soit le pouvoir légal de donner
un ordre et de sanctionner la désobéissance à cet ordre.
D'ailleurs, en l'espèce, le témoignage des patientes de l'appelant
n'est pas à l'effet que celui-ci était une personne en autorité à
qui elles devaient obéir sous peine d'être punies; elles se
plaignent seulement du fait que l'appelant a abusé de l'ascendant
qu'il avait sur elles, eu égard surtout au phénomène du transfert.
Quant à l'argument que le consentement des deux patientes auraient
été obtenu par fraude, l'avocat de l'appelant nous propose que le
psychiatre qui fait croire à sa patiente qu'une relation sexuelle
fait partie d'un traitement, alors que ce n'est pas le cas, viole
une règle d'éthique et commet un délit civil; mais, ajoute
l'avocat, on ne peut dire que le médecin obtient le consentement
de la patiente par fraude. À cet égard il nous réfère à Bolduc and
Bird v. The Queen (1967), 2 C.R. n.s. 40 (C.S.C.) et il nous
propose que nous devons suivre l'enseignement de cet arrêt même si,
depuis que celui-ci a été rendu, le texte du Code criminel qui
traite de la fraude comme vice d'un consentement en la matière a
été modifié.
Avec égard pour l'opinion de l'avocat de l'appelant je suis d'avis
que l'arrêt Bolduc n'appuie pas ses prétentions. L'arrêt
n'enseigne nullement qu'un médecin n'agresse pas sa patiente
lorsque l'acte à caractère sexuel qu'il pose, sous prétexte qu'il
s'agit d'un traitement médical, n'a rien à faire avec un tel
traitement. En tout état de cause, depuis l'arrêt Bolduc, leparagraphe 265.(3) a une portée plus large qu'autrefois: la fraude
peut s'exercer non seulement à l'égard de la nature et du caractère
de l'acte mais à l'égard de tout autre élément essentiel qui peut
déterminer le consentement d'un partenaire.
Si on revient aux faits de l'espèce on constate que, dans le cas
de la deuxième patiente, il n'y a absolument aucun élément de
preuve qui tend à démontrer que, pour obtenir des faveurs sexuelles
de sa patiente, l'appelant lui a fait croire qu'une relation serait
utile à son mieux-être. Tout au contraire. De fait, lorsqu'à la
fin du traitement, l'appelant, pour excuser sa conduite, a tenté
de faire croire à sa patiente que les relations sexuelles qu'il
avait eues avec elle faisaient partie d'un traitement, la patiente
a été déçue du fait qu'il ne c'était pas agi d'une véritable
relation amoureuse. Dans le cas de la première patiente il y a des
éléments de preuve qui démontrent que, tout en ayant des relations
sexuelles avec sa patiente, l'appelant lui aurait dit:
que mon état général s'améliorerait, quand il y a
eu des contacts physiques, sexuels, il me disait
que par des rapprochements de ce genre, sûrement
que j'en viendrais à me sentir bien dans ma peau,
à avoir une sexualité plus normale, que le dédain
puis les difficultés que je vivais avec les hommes,
transquillement, que je pourrais m'épanouir
sexuellement.
Mais, à mon humble avis, si on lit l'ensemble du témoignage decette patiente, on ne peut imaginer qu'un jury pourrait en arriver
à la conclusion que c'est à cause de ces paroles de l'appelant que
sa patiente a consenti à des relations sexuelles avec lui. Ce qui
ressort du témoignage de cette dame, c'est qu'elle était vivement
impressionnée par l'homme et le spécialiste qu'était l'appelant,
qu'elle désirait ardemment être soignée par lui et qu'elle avait
une peur maladive d'être renvoyée par l'appelant à moins de
consentir à ses avances sexuelles. Dire que le dossier en est un
où un psychiatre a obtenu des faveurs sexuelles d'une patiente par
suite de manoeuvres frauduleuses quant à la nature ou au caractère
de l'acte ou quant à un autre élément essentiel qui a déterminé le
consentement de la patiente, c'est dénaturer le dossier.
En arrivant à cette conclusion je me mets en garde de ne pas
usurper la tâche du jury. Mais je m'en voudrais de permettre la
tenue d'un procès, avec tout le préjudice que cela peut causer à
l'appelant, alors qu'au départ la véritable théorie que le
Ministère veut faire valoir devant le jury est mal fondée en
droit(1). Cette théorie n'est pas que les deux patientes ont
consenti à avoir des relations sexuelles avec l'appelant parce
qu'elles ont cru, à cause des manoeuvres frauduleuses de l'appelant
que ces relations sexuelles faisaient partie du traitement. La
véritable théorie du ministère est qu'un psychiatre qui abuse duphénomène du transfert et obtient des faveurs sexuelles de la part
de sa patiente agresse sexuellement celle-ci. Or, à mon humble
avis, cette théorie est mal fondée en droit eu égard aux
dispositions au par. 265.(3).
Ce serait également dénaturé le dossier que de dire que les
éléments de preuve apportés à l'enquête préliminaire appuient la
proposition suivant laquelle les deux patientes de l'appelant
étaient dans un état tel qu'elles ne pouvaient légalement donner
leur consentement.
Le présent certiorari se distingue de la majorité de ceux qu'on
voit contre des citations à procès. Dans la plupart des cas le
droit est clair et la prétention de l'accusé est qu'il y a absence
totale de preuve d'un fait qui constitue l'un des éléments
essentiels de l'accusation. En l'espèce c'est la situation
contraire: les éléments de preuve ne portent pas à discussion,
mais c'est le droit sur lequel les parties ne s'entendent pas. Si,
dans les cas où le droit est clair, mais la présence d'un fait qui
constitue un élément essentiel de l'accusation est douteuse, il y
a lieu que la Cour supérieure montre de la déférence envers le
magistrat enquêteur, ce n'est pas le cas lorsqu'il n'y a pas de
débat sur l'existence du fait qui constitue l'un des éléments
essentiels, mais lorsque la Cour supérieure est d'opinion que le
magistrat enquêteur a mal défini l'infraction qui est à la base dela dénonciation.
Ce n'est pas régler le problème que de dire que le jury décidera
si oui ou non il y a eu fraude. S'il appartient au jury de
découvrir les faits et d'appliquer le droit à ces faits, il ne lui
appartient pas de définir une prohibition faite par le Code
criminel, ce qui est évidemment la tâche du juge.
Ce dont se plaignent les patientes est, depuis le 15 août 1992, un
acte criminel, mais ce ne l'était pas à l'époque des faits qui nous
intéressent.
En la circonstance je propose d'accueillir le pourvoi avec frais
de 2 000$, d'infirmer le jugement de la Cour supérieure,
d'accueillir la requête de l'appelant et de casser les deux
dénonciations.
MARC BEAUREGARD, J.C.A.
COUR D'APPEL»
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL
No: 500-10-000131-928
(700-36-000001-924)
(700-01-003091-918)
CORAM: LES HONORABLES BEAUREGARD
TOURIGNY
FISH, JJ.C.A.
CLAUDE SAINT-LAURENT,
APPELANT -(requérant)
c.
M. LE JUGE MICHEL HÉTU
agissant ès qualités de juge de la partie
XVIII du Code criminel,
INTIMÉ - (intimé)
-et-
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC,
MIS EN CAUSE
OPINION DE LA JUGE TOURIGNY
J'ai pris connaissance de l'opinion de mon collègue,
le juge Beauregard; avec égards, je ne peux la partager.
Les accusations portées contre l'appelant (Saint-
Laurent) sont des accusations d'agression sexuelle déposées en
vertu de l'article 271 1a) du Code criminel. Comme le mentionne
la juge de la Cour supérieure, l'agression à laquelle réfère cet
article est celle qui est décrite à l'article 265 qui se lit comme
suit:
265. (1) [Vo
ies de fait] Commet des voies de fait, ou se
livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon
le cas:
a) d'une manière intentionnelle, emploie la force,
directement ou indirectement, contre une autre personne
sans son consentement;
b) tente ou menace, par un acte ou un geste,
d'employer la force contre une autre personne, s'il est
en mesure actuelle, ou s'il porte cette personne à croire,
pour des motifs raisonnables, qu'il est alors en mesure
actuelle d'accomplir son dessein;
c) en portant ostensiblement une arme ou une
imitation, aborde ou importune une autre personne ou
mendie.
(2) [Application] Le présent article s'applique
à toutes les espèces de voies de fait, y compris les
agressions sexuelles, les agressions sexuelles armées,
menaces à une tierce personne ou infliction de lésions
corporelles et les agressions sexuelles graves.
(3) [Consentement] Pour l'application du présent
article, ne constitue pas un consentement le fait pour le
plaignant de se soumettre ou de ne pas résister en
raison:
a) soit de l'emploi de la force envers le plaignant
ou une autre personne;
b) soit des menaces d'emploi de la force ou de la
crainte de cet emploi envers le plaignant ou une autre
personne;
c) soit de la fraude;
d) soit de l'exercice de l'autorité.
(4) [Croyance de l'accusé quant au consentement]
Lorsque l'accusé allègue qu'il croyait que le plaignant
avait consenti aux actes sur lesquels l'accusation est
fondée, le juge, s'il est convaincu qu'il y a une preuve
suffisante et que cette preuve constituerait une défense
si elle était acceptée par le jury, demande à ce dernier
de prendre en considération, en évaluant l'ensemble de
la preuve qui concerne la détermination de la sincérité
de la croyance de l'accusé, la présence ou l'absence de
motifs raisonnables pour celle-ci.
Je crois utile de préciser que tous les gestes
reprochés à Saint-Laurent et, finalement, tous les éléments
pertinents au présent litige, sont antérieurs à l'adoption des
nouveaux articles 273.1 et 273.2 du Code criminel.
Saint-Laurent qui s'est pourvu, par voie de certiorari
à la suite de la citation à procès, soutient qu'il n'y a, dans le
Code criminel, aucun article qui fait de relations sexuelles
valablement consenties un crime, même entre un médecin et sa
patiente et que, quoiqu'il en soit de ce premier argument, il y a
absence totale de preuve d'une quelconque infraction.
C'est donc dans un contexte de certiorari que se pose
le problème et non pas dans un contexte de décision relative au
caractère déraisonnable que pourrait avoir un verdict.
Devant nous, Saint-Laurent a insisté davantage sur le
deuxième moyen.
Quant au premier moyen, je dirai, d'entrée de jeu, que
je ne puis suivre l'argument de Saint-Laurent lorsqu'il plaide
absence d'infraction au Code criminel relativement au geste qu'on
lui reproche.
La lecture complète de l'article 265, surtout pour ce
qui est du 3ième alinéa de cet article, me convainc que cet
argument n'a pas de fondement. Ce qu'on reproche à Saint-Laurent,
c'est, substantiellement, d'avoir extorqué de ses patientes un
consentement, soit à cause de l'autorité qu'il exerçait sur elles,
soit à cause des fausses représentations équivalant à fraude qu'il
a faites relativement à la nature et à la qualité des actes qu'il
a posés. Je reviendrai ultérieurement, dans l'analyse du second
point soulevé par Saint-Laurent, sur ces deux aspects de la
question.
La véritable question que pose donc ce pourvoi est de
savoir s'il existait, au stade de l'enquête préliminaire, une
preuve qui permettait au juge de citer Saint-Laurent à son procès.
Il ne me paraît plus nécessaire d'élaborer longuementsur le fait que l'absence totale de preuve, au stade de l'enquête
préliminaire, donne ouverture à un recours en certiorari.
Je ne citerai, à cet égard, que la décision de la Cour
Suprême du Canada dans Skogman c. La Reine((2)) (à la p. 104):
Depuis l'arrêt Martin, les tribunaux
canadiens ont généralement adopté la règle
selon laquelle le renvoi d'un accusé à son
procès à l'issue d'une enquête préliminaire
constitue, en l'absence d'éléments de preuve
concernant un élément essentiel de
l'accusation, une erreur de compétence
susceptible de révision. Voir Re Guttman
and The Queen (1981), 64 C.C.C. (2d) 342
(C.S.Qué.); Procureur général du Québec c.
Poirier, [1981] C.A. 228, sub nom. Re
Poirier and the Queen (1981), 62 C.C.C. (2d)
452; Re Leroux and The Queen (1978), 43
C.C.C. (2d) 398 (C.S. Qué.); Re Robar and
the Queen (1978), 42 C.C.C. (2d) 133 (C.A.
N.-É.), autorisation de pourvoi devant la
Cour Suprême du Canada refusée le 3 octobre
1978, [1978] 2 R.C.S. x; Re Mackie and The
Queen (1978), 43 C.C.C. (2d) 269 (H.C.
Ont.); Stillo v. R. (1981), 22 C.R. (3d)
224. «L'absence d'éléments de preuve»
concernant un élément essentiel de
l'accusation portée contre l'accusé ne peut
équivaloir à une «preuve suffisante» au sens
de l'article 475. À mon avis, c'est là
l'état du droit au Canada sur cette
question.
Le juge Estey faisait référence, dans cette affaire, à
la décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans Re Martin, Simardand Desjardins and the Queen (1977), 20 O.R. (2d) 455. Le juge
Estey cite, entre autres, le paragraphe suivant de cette décision:
(p. 102)
[TRADUCTION]...nous concluons que le savant
juge de la Cour provinciale n'a pas
outrepassé sa compétence en l'espèce, à
moins qu'on ne puisse dire que sa décision
de renvoyer ces intimés pour subir leur
procès sur les chefs d'accusation indiqués
ne repose sur aucun élément de preuve, au
sens d'une absence totale d'éléments qui
auraient pu servir de fondement à l'opinion
judiciaire que la preuve est suffisante pour
renvoyer les accusés à leur procès. Voilà
qui est tout à fait différent de la question
«de savoir si, de l'avis du tribunal qui
effectue la révision, il y avait
suffisamment d'éléments de preuves qui
permettraient à un jury ayant reçu des
directives appropriées de prononcer un
verdict de culpabilité». Il a donc fallu
procéder à l'examen des extraits tirés de
la transcription volumineuse de l'enquête
préliminaire, qu'on a produits en cette
Cour, afin de déterminer s'il y avait, comme
l'exige le Code, suffisamment d'éléments de
preuve pour justifier le renvoi au procès...
Le recours en certiorari est donc, en pareille
circonstance, le recours approprié, puisqu'il y a absence de
compétence lorsqu'il y a citation à procès en l'absence totale de
preuve contre l'accusé.
Il faut donc examiner maintenant la nature de la
suffisance de preuves requises pour envoyer l'accusé à son procès.
Dans le même arrêt Skogman, le juge Estey employait une
formule qui a été reprise, par la suite, par diverses instances
pour préciser sa pensée quant aux éléments de preuve requis pour
permettre la citation à procès. Il s'exprime de la façon suivante:
(pp. 107-108)
À mon avis, il est donc possible, bien que
cette possibilité soit très faible, de
déduire de cette preuve que l'accusé et les
auteurs de la débenture contrefaite
s'étaient entendus pour convertir cette
débenture en espèces en la présentant à une
compagnie de fiducie ou à une banque. Sans
tomber dans le domaine de la pure fantaisie,
cette preuve se rapproche de ce qu'on
appelle traditionnellement [TRADUCTION] «un
soupçon de preuve». Par conséquent, on peut
glaner du dossier «des éléments de preuve»
justifiant le renvoi au procès. Cela dit,
il faut ajouter, que dans chaque cas, la
présence ou l'absence d'éléments de preuve
doit se rapporter à chacun des éléments
essentiels de l'accusation en question.
(je souligne)
Il ne me paraît pas inutile de préciser que
l'expression qu'emploie le juge Estey dans la version originale de
son opinion est: «a scintilla of evidence». Je tire donc la
conclusion que la plus petite preuve, sur chaque élément essentiel
de l'accusation, est suffisante pour mettre la citation à procès
à l'abri du recours en certiorari, parce que le juge a alors
exercé, au stade de l'enquête préliminaire, la compétence qui étaitla sienne en appréciant la suffisance de la preuve.
Il faut donc maintenant se demander, en examinant
chacun des éléments essentiels, si le «soupçon de preuve» existe.
Je crois nécessaire de préciser, à titre de remarque
préliminaire, certains éléments d'ordre factuel particuliers à
l'affaire qui nous occupe. Dans un cas comme dans l'autre, les
relations entre Saint-Laurent et les plaignantes se déroulent dans
le cadre d'une psychothérapie que suivent les plaignantes auprès
de Saint-Laurent, donc dans un contexte médecin-patientes.
La psychologue appelée à témoigner par la poursuite, à
qui le Tribunal a reconnu le statut d'experte, fait état de
certaines composantes quasi essentielles et omniprésentes de ce
type de traitement et de la relation qui s'instaure entre le
thérapeute et sa patiente. Elle élabore, d'abord, sur la question
de la vulnérabilité des personnes qui se présentent à la thérapie
parce qu'elles sont devenues incapables de fonctionner normalement
et que, seule à leurs yeux, la thérapie peut leur permettre de
modifier cet état de choses (m.a. pp. 99-100). Elle poursuit ses
explications en précisant la situation de dépendance qui risque de
se développer au cours de la thérapie, qui vient de la projection
de la patiente vers le thérapeute «de tout l'attachement qu'elle
n'a pas pu développer dans son enfance» (m.a. p. 103).
Elle résume ses premières considérations de la façon
suivante: (m.a. p. 109)
À cause de la relation très particulière où
je suis moi comme patiente très vulnérable,
j'ai besoin d'aide et je viens voir
quelqu'un expert et on va travailler sur
les émotions, on va travailler sur les
conflits non résolus du passé, donc la
patiente va revivre des situations du passé
et va m'utiliser pour projeter sur moi ce
qu'elle n'a pas pu faire dans son enfance
ou la même situation, et tenter, on refait
toujours une même, les mêmes gaffes. C'est
pas intéressant comme humain de se rendre
compte de ça, mais on refait toujours les
mêmes gaffes jusqu'à temps qu'on réalise ou
qu'on réussisse à obtenir une satisfaction,
à régler le conflit.
Elle parle également du transfert qui s'installe et qui
peut conduire un patient ou une patiente à chercher l'attention,
l'affection, voire même l'amour du thérapeute: (m.a. p. 116)
Bien justement parce qu'on veut être aimé.
Étant donné que cette personne là est
idéalisée, en tout cas le patient veut, vous
imagine que s'il est aimé, choisi,
privilégié par le professionnel, à ce
moment-là, c'est comme si presque par
symbiose, il devient lui aussi un être
exceptionnel. O.K. C'est un petit peu
comme si je me colle à quelqu'un que je
trouve extraordinaire et vraiment
sensationnel et que cette personne-là
j'arrive à lui, comment je dirais, à
susciter son intérêt, son amour, son
affection, bien mon, mon estime de moi
grandit, je me sens mieux, je me sens
meilleur, je me sens plus fin. Et, c'est
une des choses qu'il faut faire énormément
attention en thérapie. C'est de ne pas
justement créer de privilèges pour les
patients parce que c'est un, c'est très
délicat pour eux ça. Alors ils ont souvent,
ils aiment pas ça voir le patient après,
bien souvent.
La psychologue continue sur cette question, de la façon
suivante: (m.a. p. 121)
Et donc, il y a une autonomie moins grande
puisqu'il dépend de moi pour son bien-être,
puisqu'il dépend de moi pour être compris,
pour se sentir aimé, et caetera. Et quand
ça diminue, s'il réussit à se faire aimer
à l'extérieur par quelqu'un d'autre ou à
développer une relation significative à
l'extérieur, bien là il regagne
tranquillement son autonomie, il a moins
besoin de moi pour remplir cette, ce besoin-
là.
Elle précise également la nécessité, pour le
thérapeute, de faire en sorte que le développement de la thérapie,
une fois passé le point le plus fort du transfert, évolue
normalement vers une résolution de la situation et vers une reprise
en charge par le patient de son autonomie.
Elle parle également (m.a. p. 139) des dangers contre
lesquels il faut que le thérapeute se mette en garde: (m.a. pp.
139-140)
...si
je pourrais dire, j'abuse de mon
pouvoir ou j'utilise mon pouvoir pour donner
des suggestions à mon client, pour lui dire
des choses, comme par exemple «t'es belle,
t'es fine, t'es comme ci puis t'es comme ça»
et beaucoup lui suggérer des idées, je
risque de m'en aller dans une fausseté parce
que de toute façon, à ce moment-là, le
patient développe pas par lui-même la
certitude qu'il est valable ou qu'il a une
certaine autonomie, mais il l'a, il la
développe par mon entremise. O.K. Donc
je vais augmenter sa dépendance.
C'est donc dans un contexte thérapeutique où le patient
est dans une situation d'extrême vulnérabilité, à cause de l'état
psychologique dans lequel il se trouve, que s'engage la relation.
Le thérapeute devient la planche de salut ultime sur laquelle
reposent les espoirs du patient de se sortir un jour de cet état
d'angoisse et de fragilité qui est le sien.
Il ne faut pas négliger non plus l'importance du
phénomène du transfert, présent de façon plus ou moins intense
pendant toute la durée du processus, et qui est au coeur même de
cette dépendance.
L'on voit donc que le contexte dont il s'agit est
extrêmement particulier. Le procureur de Saint-Laurent, en
plaidant, fait une analogie entre la situation de dépendance desadmiratrices de vedettes du rock ou du sport. À mon avis, nous
sommes très loin de ce genre de situation, à cause précisément de
ce contexte dont je viens de faire état à travers un certain nombre
de passages du témoignage de l'experte. Peut-être même sommes-
nous loin d'autres types de relations médecin-patient où l'emprise
du professionnel paraît revêtir une dimension différente, du moins
à première vue.
Je n'insiste pas sur les autres éléments de preuve
nécessaires: l'existence de contacts sexuels et l'apparent
consentement des plaignantes; il faut, à ce stade, considérer les
preuves comme suffisantes.
Je précise également qu'il n'y a pas d'allégations de
violence physique ou de menaces de violence physique.
C'est donc en ayant ces circonstances présentes à
l'esprit qu'il faut examiner les notions d'exercice de l'autorité
et de fraude que prévoit l'article 265(3) C.cr.
L'EXERCICE DE L'AUTORITÉ
La poursuite prétend avoir fait la preuve de l'absence
de consentement en raison de l'autorité exercée par Saint-Laurent
sur les plaignantes. Saint-Laurent prétend qu'il n'en est rien,que les plaignantes ont consenti, purement et simplement, à des
contacts sexuels. Tout au plus, prétend Saint-Laurent, pourrait-
il y avoir une relation de confiance entre le thérapeute et ses
patientes mais rien qui s'apparente à l'exercice de l'autorité que
requiert la loi pour qu'il y ait le lien de causalité nécessaire.
Les deux parties ont plaidé un arrêt récent de la Cour
Suprême du Canada Norberg c. Wynrib((3)). La poursuite y voit un
élargissement de la notion traditionnelle d'autorité précisément
dans un contexte médecin-patient, alors que Saint-Laurent y voit,
de son côté, une confirmation de la façon restreinte dont les
tribunaux ont, jusqu'à maintenant, interprété cette disposition.
Quelques commentaires à propos de cet arrêt s'imposent. Dans un
premier temps, il s'agit d'un arrêt rendu dans un contexte de
dommages-intérêts et de common law où une patiente d'un médecin
poursuit ce dernier en dommages-intérêts alléguant qu'en
connaissant sa pharmacodépendance, il a abusé de la situation en
proposant l'échange de faveurs sexuelles contre des médicaments.
Le contexte juridique est complètement différent de celui dans
lequel nous nous trouvons; il faut constater cependant que la Cour
Suprême a analysé le concept d'autorité et la dépendance de la
patiente par rapport au médecin en examinant la question sous
l'angle de l'agression et en se référant à l'article 265 du Codecriminel d'où l'intérêt que présente cette affaire par rapport à
la nôtre.
S'il est une chose sur laquelle tous les juges qui ont
rendu des opinions dans l'affaire Norberg insistent, c'est que:
«... il faut examiner les circonstances de chaque cas pour
déterminer s'il y a inégalité écrasante du rapport de force entre
les parties.» (Opinion du juge La Forest, p. 250). Le juge La
Forest précise sa pensée de la façon suivante:
De même, dans certaines circonstances, des
principes d'ordre public annuleront l'effet
juridique d'un consentement dans le cas
d'une agression sexuelle. Dans certains
cas, en particulier, le consentement sera
considéré comme sans effet en droit s'il
peut être prouvé qu'il existait une telle
disparité dans la situation relative des
parties que la partie plus faible n'était
pas en mesure de choisir librement.
Le juge La Forest s'exprime de cette façon après avoir
clairement écarté la façon dont les tribunaux ont considéré, dans
le passé, les facteurs susceptibles de rendre nul le consentement.
Il rappelle ces anciens éléments: (p. 246)
Le consentement doit toutefois être
véritable; il ne doit pas avoir été obtenu
grâce à l'emploi de la force ou à des
menaces d'employer la force, ni donné par
des personnes sous l'effet de stupéfiants.
Il peut également être entaché de nullité
par la fraude ou la supercherie quant à la
nature de la conduite du défendeur.
C'est de cette dernière interprétation que la Cour
Suprême se démarque dans l'arrêt Norberg, en élargissant nettement
le contexte.
Examinant la question du parallèle qu'il y a à faire
entre l'article 153 du Code criminel et l'article 265 de la même
loi, le juge La Forest s'exprime de la façon suivante: (pp. 255-
256)
La capacité de «dominer et d'influencer»
n'est pas limitée à la relation entre un
élève et un enseignant. Le professeur
Coleman énumère un certain nombre de
situations qu'elle qualifie de rapports
[TRADUCTION] «de force et de dépendance»;
voir Coleman, «Sex in Power Dependency
Relationships: Taking Unfair Advantage of
the "Fair" Sex» (1988), 53 Alb. L. Rev. 95.
Au nombre de ces rapports, il y a ceux
existant entre le patient et l'enfant, le
psychothérapeute et le patient, le médecin
et le patient, le membre du clergé et le
fidèle, l'enseignant et l'élève, l'avocat
et le client ainsi que l'employeur et
l'employé. Elle soutient que le
«consentement» à des relations sexuelles
dans le cadre de tels rapports est douteux
en soi. Elle fait remarquer, à la p. 96:
[TRADUCTION] Le point commun dans les rapports de
force et de dépendance est l'existence d'une association
personnelle ou professionnelle sous-jacente qui engendre
un déséquilibre marqué quant à la force respective des
parties...
L'exploitation survient lorsque la personne «puissante»profite de sa situation d'autorité pour amener la
personne «dépendante» à avoir des relations sexuelles
et lui cause ainsi un préjudice.
Bien que l'existence de l'un de ces rapports
spéciaux ne soit pas nécessairement
déterminante, quant à l'existence d'une
inégalité écrasante du rapport de force,
elle est nécessaire tout au moins dans les
circonstances normales.
Le juge La Forest et deux autres juges de la Cour
Suprême du Canada en concluent donc qu'il y a conduite délictuelle
menant à compensation. Les autres éléments de cette décision, pour
les fins de notre affaire, ne sont pas pertinents.
La juge McLachlin, s'exprimant en son nom et en celui
de la juge L'Heureux-Dubé, parle de son côté, en qualifiant la
relation juridique qui existe entre les parties de cette affaire,
d'obligation fiduciaire.
La juge McLachlin rappelle, entre autres choses, la
nature de la relation en insistant sur le caractère particulier de
la psychothérapie (pp. 280-281):
Les principes énoncés par le juge Wilson
dans Frame c. Smith s'appliquent à des
degrés divers, selon la nature de la
relation médecin-patient en cause. Par
exemple, le caractère particulièrement
intime du rapport établi entre un
psychothérapeute et un patient, le risque
de transfert et la fragilité émotionnelle
de bon nombre de patients en psychothérapie
militent en faveur de l'imposition d'une
obligation fiduciaire au psychothérapeute
et, en particulier, une obligation,
particulièrement stricte dans un tel
contexte, de s'abstenir de sexualiser la
relation: (voir Jorgenson and Randles: «Time
Out: The Statute of Limitations and
Fiduciary Theory in Psychotherapist Sexual
Misconduct Cases» (1991), 44 Okla L. Rev.
181). En conséquence, les tribunaux
américains ont imposé des obligations plus
contraignantes aux psychiatres qu'aux autres
médecins: Mazza c. Huffaker, 300 S.E. 2d 833
(1983). Le groupe de travail mandaté par
l'Ordre des médecins et chirurgiens de
l'Ontario a également reconnu, dans son
rapport, que le risque d'abus de confiance
était plus grand en psychothérapie; il a
donc recommandé l'application de normes de
conduite encore plus strictes à l'égard des
psychothérapeutes, par rapport aux médecins
exerçant dans d'autres domaines (aux pp.
139 et 140). Même si la relation médicale
établie entre le Dr Wynrib et Mme Norberg
n'était pas de caractère psychothérapique,
le traitement requis à l'égard d'un patient
pharmacodépendant me semble avoir de
nombreux points communs avec la
psychothérapie, de sorte que le patient
pharmacodépendant est encore plus vulnérable
et a davantage besoin de la protection
assurée par le droit applicable aux rapports
fiduciaires que tout autre patient.
Pour les fins de notre pourvoi, l'arrêt Norberg me
paraît présenter un intérêt certain, quant à la façon d'aborder le
concept d'autorité, même si la situation juridique qui prévaut est
absolument distincte de la nôtre. Faut-il rappeler la différence
de fardeau de preuve en matière pénale et en matière civile de même
que le fait que nous soyons en situation de certiorari dans lecadre d'un renvoi à procès et non de l'analyse de la preuve menant
à un verdict donné.
Peu de décisions en matière criminelle abordent
clairement cette question. La plupart d'entre elles abordent la
question sous l'angle de l'article 153 du Code criminel qui, à mon
avis, ne se compare avec l'article 265(3) que dans la mesure où le
mot «autorité» est présent aux deux endroits. L'article 153, faut-
il le rappeler, est un article qui sanctionne la conduite de
personnes en situation d'autorité par rapport à des adolescents
exclusivement. L'article, dans son deuxième paragraphe, définit
même ce qu'est le mot «adolescent» pour les fins de cet article.
Le contexte de l'article 265(3) n'est pas le même. Il
s'agit de personnes qui exercent une forme d'autorité, comme la
définit la Cour Suprême dans l'arrêt Norberg. Cette affaire me
paraît donc, tout au moins, régler le problème de l'assimilation
de l'article 265 à l'article 153, pour ce qui est de la similitude
du concept d'autorité.
Si l'on examine les circonstances de la présente
affaire, je suis d'avis que, tout au moins au stade du renvoi à
procès, il y a ce «soupçon» de preuve qu'exigent les arrêts de la
Cour Suprême. Je ne reviens pas sur le contexte de dépendance du
thérapeute par rapport à son patient et du phénomène du transfertsur lesquels je me suis déjà exprimée.
Le témoignage des plaignantes est particulièrement
éloquent, quant à l'emprise qu'exerçait Saint-Laurent sur elles.
Elles font état de ce qu'il projette comme image, de la force qui
se dégage de sa personne, du fait qu'elles étaient prêtes à faire
tout ce qu'il demandait étant donné qu'elles avaient la profonde
conviction qu'il était la seule personne capable de régler leur
problème. Il n'est pas inutile de souligner que ces personnes
avaient été référées à Saint-Laurent par d'autres personnes en qui
elles avaient confiance et qui leur avaient précisé la très grande
compétence et la très grande réputation de Saint-Laurent. Les
plaignantes font abondamment mention du fait que Saint-Laurent
connaissait l'état de vulnérabilité dans lequel elles se
trouvaient. Pour au moins l'une d'entre elles, Saint-Laurent
prescrivait des médicaments, et ce de façon répétée; pour une
autre, il avait pris soin de mentionner que, tant qu'elle serait
sa patiente, elle serait protégée contre l'internement, chose
qu'elle craignait par dessus tout, puisqu'elle avait déjà fait
l'objet de cette mesure extrême.
Il faut mentionner également que, si l'on examine la
preuve faite à l'enquête préliminaire, il appert que les premières
rencontres, dans l'un et l'autre cas, se sont déroulées sans qu'il
n'y ait quelque forme de contact sexuel et sans même qu'il n'y aitquelconque forme de rapprochement entre Saint-Laurent et les
plaignantes. Évidemment, les plaignantes avaient abondamment
parlé, au cours de ces premières entrevues, des problèmes qu'elles
éprouvaient, entre autres, des problèmes relatifs à leur sexualité.
Saint-Laurent, selon elles, avait établi un climat tout à fait
propice au préalable, avant d'initier lui-même soit par des gestes,
soit par des paroles, les contacts physiques et sexuels.
La preuve, telle qu'elle est rapportée au stade de
l'enquête préliminaire, révèle d'autre part que Saint Laurent
faisait aux plaignantes des représentations à l'effet qu'il ne
partageait pas avec d'autres personnes des moments aussi intimes.
Subjuguées, elles se soumettaient corps et âme, selon
elles, aux fantaisies sexuelles de Saint-Laurent.
Tout ce contexte me paraît, du moins au stade où nous
sommes, revêtir les caractères de suffisance qui justifient le
juge, à l'enquête préliminaire, d'envoyer l'accusé à son procès.
LA FRAUDE
Je le dis d'entrée de jeu, que l'on applique la
définition de la fraude contenue à l'ancien article 141 C.cr. ou
une définition qui serait plus large, je ne peux me convaincre, lànon plus, qu'il n'y a pas ce «soupçon» qu'exige la Cour Suprême.
La définition qui avait cours avant l'amendement
définissait la fraude comme des fausses représentations sur la
nature et la qualité de l'acte. Il n'est pas pertinent à ce stade-
ci, à mon avis, d'examiner la question à savoir si l'absence de
définition élargit le concept ou intègre l'ancienne définition
puisque, d'une façon comme de l'autre, j'en viens à la conclusion
que la preuve est suffisante.
L'emprise incontestable qu'avait Saint-Laurent, selon
les plaignantes, tant sur l'une que sur l'autre, la confiance
presqu'aveugle qu'elles avaient envers cet homme dont elles
attendaient tout, les rendaient encore plus vulnérables, selon
elles, à la prétention de Saint-Laurent à l'effet que les
rapprochements qu'il avait initiés étaient bénéfiques, voire même
essentiels, au cheminement de leur thérapie et à la solution des
difficultés qui étaient les leurs, en particulier sur le plan de
leur sexualité. L'une et l'autre affirment avoir cru Saint-
Laurent quant à ces représentations qu'il leur a faites et n'avoir
pas douté, du moins pendant un bon moment, que les gestes posés
les amèneraient à mieux s'accepter et à améliorer leur confiance
en elles et leurs rapports avec les autres. D'ailleurs, l'une
des plaignantes précise que, lorsqu'elle a commencé à signaler à
Saint-Laurent ses hésitations quant à l'intimité des rapportsqu'ils partageaient, celui-ci aurait manifesté une forme de
déception qu'on puisse mettre en doute à ce point sa parole. Une
fois les contacts sexuels terminés, la thérapie se serait terminée
également.
Saint-Laurent plaide que la décision Bolduc((4)) a réglé
la question qui nous occupe et que, si le comportement du médecin
dans l'affaire Bolduc n'a pas été sanctionné par la Cour Suprême
et n'a pu être qualifié d'attentat à la pudeur («indecent
assault»), il ne peut non plus l'être dans l'affaire qui nous
occupe.
Il faut rappeler que, dans l'affaire Bolduc, un médecin
avait représenté à une patiente qu'une troisième personne qui
assistait à l'examen gynécologique qu'elle subissait était un
interne en formation, alors que ce dernier était en fait un
musicien. Le médecin a procédé à un examen gynécologique et
l'intrus, devrais-je plutôt dire le voyeur, a observé. La Cour
s'est alors demandée si le consentement avait été obtenu par «false
and fraudulent representation as to the nature and quality of the
act.» La Cour Suprême en est arrivée à la conclusion que non,
parce que la patiente avait consenti à un examen gynécologique, que
la personne qui avait pratiqué l'examen était bel et bien unmédecin et que la nature et la qualité de l'acte n'étaient pas
autre chose que ce à quoi elle avait consenti: un examen
gynécologique.
La situation, à mon avis, est différente de celle qui
prévaut ici. Dans l'affaire qui nous occupe, le contexte de
psychothérapie, la dépendance, de même que le caractère
thérapeutique de gestes à caractère sexuel sur des personnes dont
précisément le principal problème en est un de sexualité, changent
singulièrement la situation. Suffisamment, à mon avis en tout cas,
pour qu'il ne soit pas possible de dire, au stade du renvoi à
procès, que l'arrêt Bolduc a réglé toutes les situations de ce
genre.
Il appartiendra au juge des faits de décider de la
preuve, de sa suffisance, de la crédibilité des témoins et de tout
ce que doit apprécier en général un juge des faits. C'est une tout
autre question. À ce stade-ci, la seule qui se pose à nous, est
de savoir si le juge, après l'enquête préliminaire, a eu raison de
considérer qu'il n'y avait pas absence totale de preuve et de
renvoyer Saint-Laurent à son procès. Je suis d'avis que oui.
Aussi, suis-je d'opinion qu'il y a lieu de CONFIRMER
le jugement de la Cour supérieure, de REJETER la demande encertiorari et de MAINTENIR le renvoi à procès de Saint-Laurent.
CHRISTINE TOURIGNY, J.C.A.
COURT OF APPEAL
PROVINCE OF QUÉBEC
MONTRÉAL REGISTRY
No: 500-10-000131-928
(700-36-000001-924)
(700-01-003091-918)
CORAM: THE HONOURABLE BEAUREGARD
TOURIGNY
FISH, JJ.A.
CLAUDE SAINT-LAURENT,
APPELLANT - petitioner
v.
JUDGE MICHEL HÉTU, sitting as a justice under
Part XVIII of the Criminal Code,
RESPONDENT - respondent
and
THE ATTORNEY GENERAL OF QUÉBEC,
MIS EN CAUSE
OPINION OF FISH, J.A.
Appellant, a psychiatrist, has been committed to trial on two
counts of sexual assault, each involving a patient.
He applied in Superior Court for a writ of certiorari quashing his
committal to trial. He now appeals to this Court from the judgment
denying certiorari.
In appellant's submission, there is no evidence that he had sexual
relations without the consent of either complainant. Any
reasonable jury, he says, would be bound to conclude that both
complainants agreed to the acts for which he has been charged: with
respect to the essential element of non-consent, there was thus "an
entire absence of proper material as a basis for the formation of
a judicial opinion that the evidence was sufficient to put the
accused on trial"(5). His committal, says appellant, must therefore
be quashed.
The Crown's response is that there was no consent within the
meaning of sec. 265(1)(a) of the Criminal Code, since, in the words
of sec. 265(3), "the complainant[s] "submit[ted] or [did] not
resist by reason of [...] (c) fraud; or (d) the exercise of
authority."
Citing Norberg v. Wynrib(6), the Crown notes(7) that
A position of relative weakness can, in
some circumstances, interfere with the
freedom of a person's will(8)...
and that,
...in certain situations, principles of
public policy will negate the legal
effectiveness of consent in the context
of sexual assault. In particular, in
certain circumstances, consent will be
considered legally ineffective if it can
be shown that there was such a disparity
in the relative positions of the parties
that the weaker party was not in a
position to choose freely.(9)
Such a relative disparity existed in this case, says respondent,
and the "pseudo-consent" of the two complainants is therefore of
no avail to appellant.
Though the Crown does mention fraud, I agree with Beauregard J.A.
that its case against appellant rests primarily on the allegation
that he exercised authority over both complainants in a way that
deliberately induced them to "submit" to, or "not resist", sexual
relations with him.
In any event, the issue at this stage is whether the magistrate
had any basis at all for committing the appellant to trial. I find
it unnecessary for that reason to express a detailed opinion on the
subsidiary issue of fraud. I would simply say that "fraud", in
sec. 265(3), does not contemplate every deceit perpetrated in the
pursuit of sexual gratification. A man and a woman both act
dishonestly and, to that extent, "fraudulently", when they cause
one another to embark on an intimate relationship by each claiming
falsely to be rich and single. Disingenuous proclamations of love
for the same purpose are equally dishonest. The criminal law,
however, does not in my view characterize conduct of this kind as
a sexual assault: not all liars are rapists. There must be
something more.
In the context of this case, I would require evidence of deceit
that goes to the very nature and quality of the defendant's
conduct: see R. v. Petrozzi(10), where the British Columbia Court of
Appeal held that the type of fraud referred to in sec. 265(3)(c)
relates to the nature and quality of the act and not to the kind
of falsehood alleged in that case (a false representation that the
accused intended to pay the victim, a prostitute, for the sexual
services obtained).
Without in any way expressing a view as to the strength of the
prosecution's case against Dr. St-Laurent, I have concluded that
there was some rational basis for his committal to trial.
Certiorari therefore does not lie and I would for that reason
dismiss the appeal.
I
The crux of the matter, from respondent's point of view, is put
this way in its factum:
Contrairement à ce qu'indique l'appelant,
il ne s'agit pas de criminaliser tout
contact sexuel entre un thérapeute et sa
patiente, mais plutôt d'évaluer, en regard
des faits particuliers, si il y a ou pas
agression sexuelle au sens du code
criminel.
C'est de la distinction entre exercer
l'autorité ou être en situation d'autorité
dont il s'agit. Le thérapeute ne pose pas
un geste criminel de par sa simple
situation d'autorité s'il a un contact
sexuel avec sa patiente. Par contre, s'il
exerce cette autorité de façon à obtenir
un consentement aux gestes sexuels, il a
alors un comportement interdit par le code
criminel. En effet, l'ordre public ne
saurait considérer comme valable le
consentement obtenu dans de telles
circonstances.
Cette distinction fondamentale sous-tend
le raisonnement de la poursuite....(11)
My colleague Beauregard J.A. takes the view that "authority", in
this context, necessarily denotes a right to issue orders and to
enforce their obedience ("le pouvoir légal de donner un ordre et
de sanctionner la désobéissance à son ordre").
The statutory origin of the expression "exercise of authority" is
admittedly obscure. With respect, however, I am unable to adopt
the restrictive interpretation favoured by my colleague. On a
plain reading, "authority" does not signify only the legal right
to command obedience. The context of section
265 of the
Criminal
Code is more hospitable, in my view, to a broader construction.
"Exercise of authority" was introduced to the statutory law on
assault in Canada as part of Bill C-127,
An Act to Amend the
Criminal Code (Sexual Offences and Offences Against the Person),
which came into force in January, 1983. A very detailed and
helpful history of that Bill was prepared in 1982 for the Standing
Senate Committee on Legal and Constitutional Affairs
(12). Neitherthere nor elsewhere, however, does there appear to be any
explanation for adding the "exercise of authority" provision to
what is now section
265 of the
Criminal Code.
One suspected ancestor is section 154 of the pre-1983
Code, dealing
with the seduction of female passengers on commercial vessels, but
as Prof. Boyle points out, this section is of limited guidance
(13).
Writing shortly after the present legislation came into force,
Prof. Boyle anticipated that the meaning of "authority" in the
context of sexual assault
...will depend on the judiciary's view of
the scope of the morally reprehensible
conduct which ought to attract the
attention of the criminal law. The issue
is this: when is the exploitation of power
so bad as to be punishable? Case law and
dictionary definitions will not be
conclusive with respect to this normative
issue. Nevertheless, the Oxford English
Dictionary indicates that authority means,
inter alia, the power or right to enforce
obedience; the power to influence the
conduct or actions of others; personal or
practical influence. The possibility
therefore exists that an extremely broad
definition of authority will be adopted
by the courts.(14)
This was not intended to suggest, I am sure, that judges are
entitled to stretch the plain words of the statute so as to extend
its reach beyond the evil contemplated by Parliament or, in cases
of doubt, to construe an ambiguous provision adversely to the
accused. The point as I understand it was, rather, that
"authority", even considered literally, bears a broad meaning;
section 265(3)(d) may therefore be interpreted liberally without
doing violence either to its express language or to its evident
purpose.
This is precisely the approach mandated by Parliament itself in
the
Interpretation Act, R.S., c. I-23:
12. Every enactment is deemed remedial,
and shall be given such a fair, large and
liberal construction and interpretation
as best ensures the attainment of its
objects.
I need hardly add that a fair, large and liberal construction of
the word "authority" in section 265(3)(d) implies no relaxation of
the principles of fundamental justice that protect every accused,
including doctors, charged in Canada with any crime, including
sexual assault. The presumption of innocence is no less
sacrosanct, and the burden of proof no less onerous, than in other
cases. Triers of fact must remain ever mindful of the
vulnerability of the victim to abuse and they must take care tocredit the evidence of each complainant with the full weight that
it deserves
(15). In reaching their verdicts, they are legally bound
to remember as well that the accused, not the complainant, is
entitled on a charge of sexual assault to the benefit of any
reasonable doubt on the essential element of consent.
II
Returning, then, to the meaning of "authority" in section 265(3)(d)
of the
Criminal Code, it seems to me that the purpose of the law
in this area has always been to criminalize a coerced sexual
relationship. Mutual agreement is a safeguard of sexual integrity
imposed by the state under the threat of penal sanction. In the
absence of consent, an act of sex is, at least
prima facie, an act
of assault.
As a matter both of language and of law, consent implies a
reasonably informed choice, freely exercised. No such choice has
been exercised where a person engages in sexual activity as a
result of fraud, force, fear, or violence. Nor is the consent
requirement satisfied if, because of his or her mental state, one
of the parties is incapable of understanding the sexual nature ofthe act, or of realizing that he or she may choose to decline
participation.
"Consent" is thus stripped of its defining characteristics when it
is applied to the submission, non-resistance, non-objection, or
even the apparent agreement, of a deceived, unconscious or
compelled will. Putting the matter this way emphasizes the
difficulty of distinguishing, otherwise than by reference to
vitiating factors, between "consent" and "non-consent" in relation
to the offence of assault
(16).
There are, however, positive formulations that will assist a trier
of fact in determining, in the circumstances of each case, whether
the prosecution has established a lack of consent.
Prof. Turner, defining rape at common law, writes that "[t]he crime
consists in having unlawful carnal knowledge of a woman without her
consent, i.e., her
free and conscious permission"
(17). Prof. Stuart
speaks of "true consent"
(18) and "genuine" as opposed to "merelyformal" consent and, in respect of submission as a result of
threats:
Since the real issue is whether the victim
actually freely consented, whether the
threats vitiated the consent must be left
to the trier of fact(19).
According to Côté-Harper, Manganas and Turgeon, consent may be
express or implied, but it must be real ("réel"):
Le consentement de la victime dans les cas
de voies de fait doit être obtenu de façon
libre et volontaire et comporter une
pleine connaissance des risques encourus.(20)
On the whole, I tend to agree with Prof. Bryant that although
adjectives such as those mentioned -- "real", "genuine", "legal",
"true" and "voluntary" -- are "useful in summing-up to a jury, they
do not define consent" and that, for the purposes of sexualassault, consent is therefore "best described by examining the
factors that negate its existence"
(21).
One such factor is specifically set out in section 265(3)(d) of
the
Criminal Code, which provides that, in relation to the crime
of assault, "no consent is obtained where the complainant submits
or does not resist by reason of...
the exercise of authority".
As I mentioned earlier, Beauregard J.A. takes the view that
"authority", in this context, necessarily denotes a right to issue
orders and to enforce their obedience. Tourigny J.A. points out
that the Supreme Court of Canada appears to have adopted a much
broader interpretation.
Neither of my colleagues, when they expressed these views, had the
benefit of taking into account the very recent judgment of the
Supreme Court of Canada in
R. v. Litchfield (not yet reported, SCC
No. 22896, November 18, 1993).
Dr. Litchfield, a family physician practising in Edmonton, was
alleged to have sexually assaulted seven of his patients while
examining them at his office. Unlike the present matter, the
existence of an assault depended in that case on whether thephysical acts of the accused were sexual or medical in nature.
The meaning of "exercise of authority" was therefore not really in
issue.
It may be for this reason that Iacobucci J., writing for the Court
on the issue of sexual assault
(22), included as a relevant statutory
provision paragraph (c) of section 265 of the
Code, which deals
with fraud, but excluded paragraph (d), which concerns the exercise
of authority. Alternatively, he may have sought to underline the
impact of a material imbalance of power on the legal effectiveness
of consent independently of section 265(3)(d).
On any view of the matter, I think it can fairly be said that
Litchfield incorporates as an element of its
ratio a judicial
policy that binds us in this case.
To begin with,
Litchfield removes any doubt concerning the
relevance of much that was said in
Norberg,
supra, to the crime of
sexual assault as opposed to a civil claim in damages. I refer
particularly to the effect on consent of a significant power
imbalance between the alleged offender and the complainant, and tothe impact in this context of a fiduciary or doctor-patient
relationship.
Thus, setting out the framework for his analysis of the issues in
Litchfield, Iacobucci J. found it "important to keep in mind the
nature of the offence of sexual assault as well as the specific
manifestation of the alleged sexual assaults in a doctor-patient
relationship"
(23). After first dealing with the issues settled in
R.
v. Chase,
[1987] 2 S.C.R. 293
, which are not pertinent here,
Iacobucci J. continued as follows
(24):
The importance of looking to all the
circumstances surrounding an accused's
impugned conduct is thrown into relief by
a case such as that under consideration
in this appeal, where a doctor-patient
relationship is concerned. Certainly,
medical evidence will be important to
assessing the nature of an accused
physician's conduct. However, when
determining whether a complainant in fact
consented to that which occurred, courts
must also ensure that they neither ignore
the testimony of a patient who complains
of sexual assault nor underestimate the
position of vulnerability in which a
patient often finds herself when she is
in the care of a professional medical
doctor. All of the opinions in the
judgment of this Court in Norberg v.
Wynrib,
[1992] 2 S.C.R. 226
, recognized
the imbalance of power that may occur
between a doctor and a patient where an
alleged sexual assault is concerned.
La Forest J. (Gonthier and Cory JJ.
concurring) stated at p. 258: "An unequal
distribution of power is frequently a part
of the doctor-patient relationship".
McLachlin J., who also wrote for
L'Heureux-Dubé J., focused on the
fiduciary nature of the doctor-patient
relationship and wrote at p. 272:
I think it is readily apparent
that the doctor-patient
relationship shares the
peculiar hallmark of the
fiduciary relationship --
trust, the trust of a person
with inferior power that
another person who has assumed
superior power and
responsibility will exercise
that power for his or her good
and only for his or her good
and in his or her best
interests.
Thus the nature of a complainant's
relationship to her alleged assaulter,
including the patient's lack of power and
knowledge as well as the doctor's duty to
perform medical examinations only for the
good of the patient and in the patient's
best interest, must be kept in mind when
determining whether the patient in fact
consented to the conduct in question. As
Sopinka J. wrote in Norberg at p. 304 in
the context of tortious sexual battery:
In assessing the reality of
consent and the existence and
impact of any of the factors
that tend to negative consent,
it is important to take a
contextually sensitive
approach. In relation to
medical procedures, several
courts have emphasized the need
to consider all relevant
surrounding circumstances in
assessing whether there was
valid consent....
...Certain relationships,
especially those in which there
is a significant imbalance in
power or those involving a high
degree of trust and confidence
may require the trier of fact
to be particularly careful in
assessing the reality of
consent.
In reproducing this extensive passage from
Litchfield, I am
mindful, I repeat, of the difference between that case and this
one. In
Litchfield, the dispute centred on whether the contact
between patient and physician was medical or sexual. Here, the
acts in question were of an overtly sexual character.
Moreover, in
Litchfield, there was
no consent at all -- real
or
apparent, valid
or vitiated --
to any contact for sexual purposes.
Here, according to the evidence as we have it, the complainants
engaged with the appellant in manifestly sexual relations on an
apparently consensual basis.
The case for the prosecution is that appellant committed the
offences charged by exercising his imputed authority over his two
named patients in a way that deliberately induced them to "submit"
to, or "not-resist", sexual relations with him. Subsidiarily, the
prosecution alleges fraud.
Even in relation to this subsidiary allegation, the prosecution
does not claim that either complainant was unaware of the sexual
character of the acts. At best, the issue is whether they were
induced to engage in sexual conduct by a representation as to its
therapeutic value.
To sum up on this first branch of the matter, I emphasize that it
comes before us on appeal from a refusal to grant certiorari. Our
role is therefore to consider whether there was any basis for a
committal and not whether we ourselves would have sent the matter
to trial. Still less are we entitled to determine guilt or
innocence, or to anticipate and settle questions of law that may
or may not arise at trial, depending on the proof made and on the
positions taken by Counsel on either side at that stage.
The outcome of the appeal instead depends, in my respectful view,
on the governing principles of law and of jurisdiction that I have
already outlined, and on the evidence in the record before us, to
which I now turn.
III
The case against Dr. St-Laurent is largely founded on four
propositions. First, that the phenomenon of "transference", known
to develop in the course of psychotherapy, creates a state of
utter dependency between patient and therapist. Second, that both
complainants were in this state at all material times. Third,
that Dr. St-Laurent therefore had authority over them. And,
fourth, that Dr. St-Laurent exercised this authority in a way that
caused both complainants to agree to have sex with him.
At the preliminary inquiry, to establish these propositions, the
Crown relied on the expert evidence of a psychologist, Marie
Valiquette, and on the testimony of the two complainants, V.L. and
J.A.
According to Dr. Valiquette, psychotherapy frequently concerns
some form of dysfunction resulting from an unresolved conflict
involving an adult who figured prominently in the patient's
childhood
(25). "Transference" occurs when the patient, who often
views the therapist as a "saviour"
(26), projects (or "transfers")from the significant adult to the therapist emotions resulting
from the patient's unresolved conflicts
(27).
Although transference is an unconscious process
(28), the therapist
has a role in determining its scope and intensity
(29).
Psychological transference is a peculiar and dangerous phenomenon.
While it subsists, the relationship of the patient to the
therapist is much like that of a child to a parent
(30). It is
somewhat similar to being in a state of hypnosis
(31), during which
the patient may fantasize about enjoying a long-term relationship
with the therapist
(32).
Transference provokes "une sorte d'absence de volonté"
(33) and
significantly decreases the autonomy of the patient, who has put
his or her psychological life into the therapist's hands
(34).
During transfer, the therapist wields more authority over the
patient than does, for instance, a spouse
(35). A person in this
psychological state cannot know the full consequences of having
sexual relations with the therapist
(36). Given that intimate
communications must never emanate from the therapist
(37), a sexual
relationship between the parties would be "sûrement le produit de
l'utilisation de pouvoir du thérapeute"
(38).
IV
In deciding whether there was a sufficient factual basis for
trial, the justice who presided at the preliminary inquiry was
bound to consider the evidence of the two complainants in the
light of the expert opinion of the witness Valiquette.
The first complainant, V.L., a former alcoholic
(39), had been
sexually molested numerous times in her youth. One such episoderesulted in pregnancy, terminated by abortion
(40). Her parents
divorced when she was only twelve
(41).
V.L. accepted referral to appellant because of her inability to
live in society
(42), her isolation, distress ("angoisse"), panic and
depersonalisation
(43), her phobias
(44) and her suicidal thoughts
(45). She
"feared" Dr St-Laurent
(46), felt "insignificant" in relation to him
(47),
considered him a saviour
(48), a god
(49) and her last hope
(50). She felt
obliged to comply with his demands
(51). To demonstrate that her
condition was genuine, she completely broke down in the
appellant's presence
(52).
V.L.'s mental state during sexual encounters with the appellant
could be characterized, she testified, by a feeling of separation
from her body
(53).
There is some evidence that appellant, moreover, by his conduct
over the course of the therapy, preserved and intensified V.L.'s
state of transference. He told her that she was the subject of
his fantasies
(54) and that thinking about her was the only way he
could make love to his wife
(55). He offered her cognac knowing that
she was an alcoholic
(56) and invited her to his chalet where together
they watched a pornographic film
(57).
On one occasion, appellant cried in V.L.'s presence
(58) and talked of
taking his own life
(59).
As for the second complainant, J.A., her evidence was that she had
been the victim of incest at a very young age
(60). Her relationship
with her mother was poor and she suffered profound feelings of
rejection
(61). Between the ages of eleven and eighteen, J.A. was
shunted from one public institution to another
(62). During this
period, she bore a child and gave it up for adoption, leaving her
in a state of severe depression
(63).
A prostitute throughout her adolescent years
(64), J.A. first
consulted Dr. St-Laurent in 1981 and began seeing him on a more
regular basis some two years later. She soon fell victim to his
charms
(65), considered herself privileged to be with him
(66) and felt,
in his company, desired and desirable
(67). Her attraction to him wasvery strong
(68). She had fallen in love with Dr. St-Laurent
(69) and was
afraid that he would reject her
(70).
Sexual relations with appellant made J.A. think of her grandfather
"parce que c'était un mélange d'affection puis un mélange
d'attouchements sexuels"
(71).
The appellant for his part would tell J.A. that she was warm and
attractive and kind
(72). He asked her at one point, referring to her
prostitution, "comment je faisais avec mes clients"
(73). He had her
sit on his knee during sessions
(74). When Dr St-Laurent suggested to
J.A. that her sexual relationship with him was part of her
treatment, she was most distressed, having perceived it as a
matter of love and romance
(75).
V
These references to the evidence are by no means intended to
provide a balanced overview of the entire record at preliminary
inquiry. They do not capture every aspect of the story told by
each of the two complainants. Other facts and circumstances, set
out by the appellant in his factum and not reproduced here, are
consistent with his submission that his sexual relations with both
patients was, even on their own evidence, the result of mutual
agreement.
Our role on this appeal, however, is to determine whether there is
any basis upon which the appellant could be committed to trial for
having sexually assaulted his former patients V.L. and J.A. In my
view, the testimony to which I have referred did provide that
basis.
In stating this conclusion, I repeat once again that the question
before us is not whether the evidence is sufficient for committal,
but whether it provides
a rational basis for the conclusion
reached by the justice who presided at preliminary inquiry. I
need hardly add that this is not an appeal against that judgment
-- the committal itself is not appealable -- but rather an appeal
against the judgment of the Superior Court denying certiorari.
For the reasons stated, I believe the appeal fails.
____________________________
MORRIS J. FISH, J.A.
1.
McKibbon c. La Reine,
[1984] 1 R.C.S. 131
, motifs du juge
Dickson à la p. 171.
2.
)
[1984] 2 R.C.S. 93
.
3.
)
[1992] 2 R.C.S. 226
.
4.
) Bolduc et Bird c. La Reine, [1967] 2 C.R. 40.
5.
Re Martin, Simard and Desjardins and The Queen (1977), 41 CCC
(2d) 308 (Ont. C.A.), at p. 340; affirmed, (1978), 41 CCC (2d) 342
(SCC).
6.
[1992] 2 SCR 226.
7.
Respondent's factum, p. 5.
8.
Per La Forest J., speaking for three of the six justices who
participated in the judgment, at p. 247.
9.
Ibid., at p. 250.
10.
(1987), 35 CCC (3d) 528 (BCCA).
11.
Respondent's factum, pp. 5-6.
12.
See "The Evolution of Bill C-127", by Donald Macdonald, Law
and Government Division, Research Branch, Library of Parliament,
Ottawa, 1982.
13.
See Christine L. M. Boyle, Sexual Assault, 1984, p.70.
14.
Ibid., pp. 69-70.
15.
See Litchfield, infra, note 20.
16.
See Glanville Williams, Textbook of Criminal Law (2d ed,
1983), p. 550; Alan W. Bryant, "The Issue of Consent in the Crime
of Sexual Assault", (1989) 68 Can. Bar Rev. 94, at p. 105.
17.
See Russell on Crime (12th ed., 1964), by J.W. Cecil Turner,
vol. 1, p. 706. My emphasis.
18.
Don Stuart, Canadian Criminal Law, 2d ed., 1987, p. 469.
19.
Ibid., pp. 474-5. My emphasis.
20.
Gisèle Côté-Harper, Antoine D. Manganas et Jean Turgeon,
Droit pénal canadien, 3d ed., 1989, p. 610. My emphasis. See
also: R v. Caskenette (1993), 80 CCC (3d) 439 (B.C.C.A) R v.
Ssenyonga (1993), 81 CCC (3d) 257 (Ont Ct Gen Div) at p. 265; R v.
Côté (1992), 49 QAC 76 (Que. C.A.); R v. Jobison, [1991] 2 SCR 714;
R v. Colbourne (1991), 66 CCC (3d) 235 (Que. C.A.) at p. 251; R v.
K.E.T., [1990] OJ No. 2674 (Ont. Dist. Ct.); R v. Guerrero (1988),
64 CR (3d) 65 (Ont. C.A.) R v. Maher (1987), 63 Nfld & PEIR 30 and
194 APR (Nfld. C.A.) at p. 34; R v. Martin (1980), 53 CCC (2d) 250
(Ont CA) at p. 256; R v. Hindle (1978), 39 CCC (2d) 529 (BCCA); and
R v. Stanley (1977), 36 CCC (2d) 216 (B.C.C.A.) at p. 233 (per
Branca J.A.) and p. 234 (per McIntyre J.A.).
21.
Supra, note 9, at p. 105.
22.
McLachlin J., in a separate but concurring opinion, expressly
agreed with the reasons of Iacobucci J., except as regards a
procedural issue that is of no concern here.
23.
At p. 6 of his reasons.
24.
At pp. 7-9.
25.
P. 106. Page references, unless otherwise indicated, are to
appellant's factum.
26.
P. 102.
27.
P. 106.
28.
P. 157.
29.
P. 140.
30.
Pp.104, 115, 179.
31.
P. 145.
32.
P. 118.
33.
P. 154.
34.
P. 137.
35.
P. 147-8.
36.
P. 146.
37.
P. 174.
38.
P. 172.
39.
P. 245.
40.
P. 422.
41.
P. 208.
42.
P. 214.
43.
P. 207.
44.
P. 213.
45.
Pp.216.
46.
P. 219.
47.
P. 270.
48.
"sauveur" pp. 225, 263.
49.
"dieu" p. 263.
50.
"dernière chance de m'en sortir", p. 222.
51.
P. 236.
52.
P. 231.
53.
P. 236.
54.
P. 233.
55.
P. 240.
56.
P. 246.
57.
P. 280.
58.
P. 299.
59.
P. 301.
60.
P. 477.
61.
P. 477.
62.
P. 479.
63.
P. 481.
64.
Pp.488, 574.
65.
P. 485.
66.
Pp.498, 529.
67.
P. 499.
68.
P. 503.
69.
P. 596.
70.
P. 522.
71.
P. 515.
72.
Pp. 483 and 485.
73.
Pp. 488 and 575 ff.
74.
P. 494.
75.
Pp. 501-502.