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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Laval |
29 octobre 2003 |
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Région : |
Laval |
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150332-61-0011 150399-61-0011 214524-61-0308 214554-61-0308 |
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Dossier CSST : |
116827775 |
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Commissaire : |
Me Lucie Nadeau |
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Membres : |
Gisèle Lanthier, associations d’employeurs |
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Gaétan Forget, associations syndicales |
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Assesseur : |
Pierre Taillon, médecin |
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150332 et 214554 |
150339 et 214524 |
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Sœurs de Ste-Croix (Pavillon St-Joseph) |
Pierrette Cadorette |
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Partie requérante |
Partie requérante |
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et |
et |
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Pierrette Cadorette |
Sœurs de Ste-Croix (Pavillon St-Joseph) |
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Partie intéressée |
Partie intéressée |
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Dossier 150332-61-0011
[1] Le 10 novembre 2000, le Pavillon Saint-Joseph (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 10 octobre 2000 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST dispose ainsi de cinq décisions qu’elle avait rendues initialement :
§ elle déclare que la décision du 17 juin 1999 acceptant la réclamation de madame Pierrette Cadorette (la travailleuse) pour l’événement du 4 mai 1999 a été remplacée par celle du 7 octobre 1999;
§ elle confirme en partie la décision rendue le 7 octobre 1999 à la suite de l’avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale et déclare qu’il y a une relation entre le diagnostic d’atteinte de l’articulation sacro-iliaque et l’événement du 4 mai 1999 et que cette lésion n’est pas consolidée. Elle déclare également que le diagnostic de dégénérescence multiétagée n’est pas en relation avec la lésion professionnelle;
§ elle infirme la décision du 26 janvier 2000 et déclare que le diagnostic de capsulite à la hanche gauche n’est pas en relation avec l’événement du 4 mai 1999;
§ elle déclare irrecevable la demande de révision de la travailleuse du 26 juillet 2000 concernant la décision du 19 avril 2000 parce que cette demande a été faite après l’expiration du délai prévu par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001, la loi). La décision du 19 avril 2000 déclare que les diagnostics de coxarthrose à la hanche gauche et de prothèse totale ne sont pas en relation avec la lésion professionnelle;
§ elle déclare irrecevable la demande de révision de la travailleuse du 26 juillet 2000 concernant la décision du 11 mai 2000 au motif qu’elle a été déposée hors délai. Cette décision indique que suite à la réception du rapport final de son médecin traitant, la travailleuse est capable d’exercer son emploi à compter du 10 mai 2000.
Dossier 150399-61-0011
[3] Le 20 novembre 2000, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste cette même décision.
Dossier 214524-61-0308
[4] Le 25 août 2003, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la CSST rendue le 22 août 2003 à la suite d’une révision administrative.
[5] Par cette décision, la CSST dispose de trois autres décisions de la manière suivante :
§ elle confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 17 septembre 2002 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de rechute, récidive ou aggravation le 28 août 2000;
§ elle déclare sans effet la décision qu’elle a rendue initialement le 10 octobre 2002 donnant suite à l’avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale compte tenu de son refus de la rechute, récidive ou aggravation. Le Bureau d’évaluation médicale avait évalué l’atteinte permanente à 1,5 % pour une entorse sacro-iliaque et avait émis des limitations fonctionnelles;
§ elle déclare irrecevables les demandes de révision des parties concernant la lettre de la CSST du 21 octobre 2002 considérant qu’il s’agit plutôt d’une lettre d’information.
Dossier 214554-61-0308
[6] Le 25 août 2003, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste cette même décision.
[7] L’audience s’est tenue le 2 septembre 2003 à Laval en présence de la travailleuse et de son représentant. L’employeur était également représenté.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossiers 150332-61-0011 et 150399-61-0011
[8] La travailleuse demande de retenir un diagnostic d’entorse sacro-iliaque. L’employeur demande de retenir plutôt un diagnostic d’entorse lombaire basse greffée sur une discarthropathie dégénérative lombaire basse.
[9] La travailleuse demande de la relever de son défaut d’avoir demandé la révision dans le délai de la décision du 11 mai 2000 et de déclarer qu’elle était incapable de faire son emploi à cette date.
[10] Certains aspects ne sont plus contestés. L’employeur ne remet pas en question l’admissibilité de la lésion professionnelle du 4 mai 1999. La travailleuse admet que les diagnostics concernant sa hanche gauche (capsulite, coxarthrose et prothèse totale) ne sont pas en relation avec cette lésion professionnelle.
Dossiers 214524-61-0308 et 214554-61-0308
[11] La travailleuse demande de reconnaître qu’elle a subi une rechute, récidive ou aggravation le 28 août 2000. Elle ne conteste plus les conclusions du Bureau d’évaluation médicale sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.
[12] L’employeur demande de déclarer que la travailleuse n’a pas subi de rechute, récidive ou aggravation le 28 août 2000 et qu’elle ne conserve aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles de sa lésion professionnelle .
LA PREUVE
[13] La travailleuse est présentement âgée de 63 ans. Elle travaille pour l’employeur depuis 1990. Elle occupe un poste d’aide générale à la cuisine et, en mai 1999, elle est préposée aux salades.
[14] Le 4 mai 1999, elle se dirige dans le réfrigérateur pour y porter une caisse de brocolis. Elle trébuche sur une petite marche et tombe à la renverse, sur les fesses. Elle ressent une douleur au bas du dos et à la fesse gauche. Elle continue de travailler jusqu’au 12 mai suivant, date à laquelle elle consulte un médecin qui la met en arrêt de travail.
[15] Nous reviendrons sur les constatations et divergences d’opinions des différents médecins, mais il y a lieu de faire un survol chronologique du dossier médical, assez volumineux, afin de bien saisir le débat médical dont fait l’objet le présent dossier.
[16] Le 12 mai 1999, la travailleuse consulte le docteur Dussault qui diagnostique une contusion lombaire et une contusion à la fesse gauche. Un arrêt de travail est prescrit. Le 21 mai, le docteur Dussault note une aggravation de lombosciatalgie gauche et prescrit de la physiothérapie.
[17] À compter du 8 juin 1999, la travailleuse est prise en charge par le docteur Pontbriand qui pose un diagnostic d’entorse lombosacrée. Des traitements d’acupuncture sont prescrits.
[18] Au cours du suivi médical, deux radiographies (13 mai et 5 octobre 1999) et une tomographie axiale (21 juin 1999) mettent en évidence une condition personnelle de dégénérescence discale importante. Selon le radiologiste, la tomographie révèle des signes d’arthrose étagés de L3-L4 à L5-S1 avec hypertrophie facettaire créant une réduction du canal spinal.
[19] Le 13 juillet 1999, l’employeur demande un examen médical qui est effectué par le docteur Jacques Toupin. Il conclut que la travailleuse présente une lombosciatalgie secondaire à une dégénérescence discale et à de l’arthrose. Il considère que la chute de mai 1999 a entraîné une simple contusion et que la condition actuelle de la travailleuse relève de sa condition personnelle. Dans un rapport complémentaire, le docteur Pontbriand exprime son désaccord et réitère le diagnostic d’entorse lombosacrée expliquant que la travailleuse a développé à la suite de la chute une lombosciatalgie sévère dans le territoire de L5. Il est d’avis que la lésion n’est toujours pas consolidée.
[20] Le 25 août 1999, le docteur Pontbriand note pour la première fois une douleur à la sacro-iliaque gauche et il recommande une infiltration qui est administrée le lendemain.
[21] Le 22 septembre 1999, un avis est rendu par un membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Serge Bourdua, orthopédiste. L’avis porte sur le diagnostic de la lésion, la date de consolidation et la nécessité de traitements. Il constate à son examen «des signes d’atteinte de l’articulation sacro-iliaque gauche qui est douloureuse lors de la mise en tension». Il «propose» un diagnostic d’atteinte de l’articulation sacro-iliaque gauche qui mérite une investigation plus poussée. Il retient également un diagnostic de dégénérescence discale multiétagée. Il est d’avis que l’atteinte sacro-iliaque gauche n’est pas encore consolidée et recommande une investigation supplémentaire, soit une tomographie axiale et une scintigraphie osseuse.
[22] Il n’y a pas eu de tomographie axiale des articulations sacro-iliaques. Une scintigraphie est effectuée le 5 novembre 1999. Elle ne démontre pas d’anomalie au niveau des sacro-iliaques.
[23] À compter du 6 octobre 1999, le docteur Pontbriand maintient deux diagnostics à ses rapports médicaux pour la CSST : celui d’entorse lombaire et celui de dysfonction sacro-iliaque.
[24] À cette époque, une série d’examens (scintigraphie, radiographie, arthrographie) révèle que la travailleuse présente également une condition importante de coxarthrose à la hanche gauche. Bien qu’il soit maintenant admis que cette condition est d’origine personnelle, son suivi et son traitement interfèrent avec ceux de la lésion professionnelle et, il y a lieu, d’en faire brièvement état.
[25] Le 15 février 2000, la travailleuse est examinée par le docteur Paul Décarie, orthopédiste, à la demande de l’employeur. Il conclut que la travailleuse a présenté une entorse lombaire sur dégénérescence discale lombaire et que la symptomatologie majeure actuellement est celle de coxarthrose qui n’est pas en relation avec l’accident de mai 1999. À son examen, il note que la mise en tension des sacro-iliaques demeure asymptomatique.
[26] Dans son rapport complémentaire du 7 mars 2000, le docteur Pontbriand indique que l’entorse lombaire est maintenant consolidée. L’entorse sacro-iliaque est cependant encore symptomatique et les mises en tension sont encore positives. Il note également la présence de la coxarthrose et d’une capsulite à la hanche gauche.
[27] Le docteur Pontbriand dirige la travailleuse à la docteure Nathalie Hamel, chirurgienne orthopédiste, pour son problème à la hanche gauche. Celle-ci diagnostique une coxarthrose gauche sévère et procède le 8 juin suivant à une prothèse totale de la hanche gauche. Ayant constaté lors de l’intervention chirurgicale des signes de synovite aiguë, la docteure Hamel a dirigé la travailleuse en rhumatologie. Suivant le témoignage de la travailleuse, cette investigation aurait été négative. L’hypothèse d’une maladie inflammatoire sous-jacente, avancée par la docteure Hamel, n’a donc pas été confirmée. La travailleuse a bien récupéré de cette intervention. Le 21 février 2001, la docteure Hamel émet des limitations fonctionnelles pour la condition de la hanche gauche.
[28] Entre-temps, le 4 mai 2000, le docteur Pontbriand signe un rapport final consolidant la lésion professionnelle «par stabilisation» pour des diagnostics d’entorse lombosacrée et d’entorse sacro-iliaque gauche, et ce, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Il indique que la travailleuse sera revue après la convalescence de sa prothèse de la hanche.
[29] C’est le 28 août 2000 que la travailleuse revoit le docteur Pontbriand. À son rapport, il reprend les diagnostics d’entorse lombosacrée et sacro-iliaque gauche mais mentionne une aggravation de l’entorse sacro-iliaque post-opératoire. À ses notes cliniques, il rapporte une amélioration de 75 % au niveau de la hanche mais une augmentation de la douleur sacro-iliaque gauche. Ce rapport donnera lieu à une réclamation pour rechute, récidive ou aggravation. Nous reviendrons sur l’aspect procédural de cette réclamation.
[30] Le docteur Pontbriand voit la travailleuse régulièrement et il procède à des infiltrations à la sacro-iliaque en octobre et en décembre 2000.
[31] Le 20 mars 2001, le docteur Pontbriand indique qu’il donne congé à la travailleuse pour une invalidité due à sa prothèse à la hanche. Il note au dossier que la condition de la travailleuse est stable au niveau de la sacro-iliaque. Il la revoit cependant en mai et en octobre 2001 et procède de nouveau à une infiltration de la sacro-iliaque gauche après avoir noté une aggravation de la douleur à la sacro-iliaque. Il en est de même le 18 mars 2002. Puis le 25 avril 2002, il signe un rapport final consolidant la lésion avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
[32] La travailleuse a également déposé au dossier une expertise du docteur Gilles Roger Tremblay, chirurgien orthopédiste, datée du 8 mars 2002. Il conclut que son examen démontre une très nette pathologie au niveau de la sacro-iliaque gauche et retient comme diagnostic celui d’entorse sacro-iliaque. Il évalue l’atteinte permanente à 1,5 % pour cette entorse et recommande des limitations fonctionnelles.
[33] L’employeur de son côté a obtenu une expertise du docteur Alain Quiniou, chirurgien orthopédiste, en date du 6 juin 2002. Celui-ci retient uniquement un diagnostic d’entorse lombaire basse greffée sur une discarthropathie dégénérative. Il est d’avis qu’il n’y a aucune atteinte de l’articulation sacro-iliaque mais que les symptômes présentés par la travailleuse sont d’origine lombaire et coxofémorale gauche.
[34] L’employeur a demandé un avis au Bureau d’évaluation médicale sur les questions d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. L’avis est rendu le 2 octobre 2002 par le docteur Pierre-Paul Hébert, chirurgien orthopédiste. Il conclut que son examen objectif met en évidence une souffrance sacro-iliaque gauche. Il évalue l’atteinte permanente à 1,5 % pour une entorse sacro-iliaque gauche avec séquelles fonctionnelles et suggère les limitations fonctionnelles suivantes :
« Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
- se déplacer sur un terrain glissant ou accidenté;
- effectuer des mouvements de torsion du bassin. »
[35] À la suite de cet avis, la CSST rend le 10 octobre 2002 une décision et déclare que les conclusions du Bureau d’évaluation médicale seront applicables advenant l’acceptation par une instance supérieure de la rechute, récidive ou aggravation du 28 août 2000, réclamation que la CSST a refusé dans une décision du 17 septembre 2002.
[36] À l’audience, la travailleuse témoigne. Elle décrit ses tâches et les circonstances de l’accident de mai 1999. Elle a poursuivi des traitements de physiothérapie et d’acupuncture jusqu’en avril 2000. Elle n’est jamais retournée au travail depuis l’accident de mai 1999.
[37] Ses symptômes à la jambe gauche se sont améliorés après l’intervention chirurgicale de juin 2000. Cependant une douleur persiste à la fesse gauche. Elle a reçu plusieurs infiltrations qui parfois l’ont soulagée parfois non.
[38] En contre-interrogatoire, la travailleuse affirme n’avoir eu aucune douleur au dos ni problème de boiterie avant l’accident de mai 1999. Tout au plus elle était fatiguée et courbaturée à la fin de la semaine en raison des exigences de son emploi.
[39] Le témoignage de la travailleuse sur sa condition de santé antérieurement à l’événement est cependant contredit. Lors de sa première consultation médicale le 12 mai 1999, le médecin rapporte à son dossier la chute sur la fesse mais également la présence de douleurs lombaires depuis deux mois et d’une boiterie depuis 1½ mois. Au surplus, l’employeur a fait témoigner madame Sylvie Philippon qui était, à l’époque des événements, responsable de la gestion du service alimentaire et qui avait la travailleuse sous sa responsabilité. Elle relate qu’en avril 1999 la travailleuse se plaignait de douleurs à la jambe gauche et que parfois elle boitait légèrement. Elle a suggéré à la travailleuse de consulter un médecin et croit même que celle-ci avait pris un rendez-vous pour le 11 ou le 12 mai 1999.
[40] Le tribunal ne retient donc pas le témoignage de la travailleuse à cet égard. Cependant cela n’est pas déterminant car le fait accidentel n’est pas remis en question et les symptômes présentés par la travailleuse s’expliquent aisément par ses conditions personnelles de dégénérescence discale et de coxarthrose.
[41] Le tribunal a également bénéficié du témoignage de trois chirurgiens orthopédistes. La travailleuse a fait entendre le docteur Tremblay, l’employeur a fait témoigner les docteurs Quiniou et Hamel.
[42] Le docteur Tremblay rappelle qu'après des diagnostics initiaux d'entorse lombosacrée, le docteur Pontbriand a, en août 1999, administré à la travailleuse une infiltration à la sacro-iliaque gauche et qu'en septembre, le docteur Bourdua pratiquait des épreuves de mise en tension de la sacro-iliaque gauche qui était positives. À son propre examen de février 2002, le docteur Tremblay a également mis en évidence de tels signes, en reproduisant la douleur par des épreuves de mise en tension de l'articulation. Il ajoute que le docteur Hébert, en septembre 2002, faisait les mêmes constats. Le témoin rappelle que la travailleuse a reçu plusieurs infiltrations à l’articulation sacro-iliaque, dont certaines ont été, du moins temporairement, efficaces.
[43] Le docteur Tremblay reconnaît que le diagnostic d'entorse sacro-iliaque peut être difficile à poser en présence d'une discopathie dégénérative lombaire symptomatique et d'une coxarthrose. Cependant certains éléments l'incitent à conclure qu'en l'espèce, il y avait souffrance de la sacro-iliaque gauche. Le site de la douleur décrite par la travailleuse à l'audience est sacro-iliaque. À son examen, la palpation de la sacro-iliaque était douloureuse. Il reconnaît que la manœuvre de rotation externe de la hanche pourrait provoquer une douleur d'origine lombosacrée mais précise que cette douleur serait dans un tel cas de site central. Or la douleur ressentie par la travailleuse lors de cette manœuvre à l'examen du docteur Tremblay était paracentrale gauche et le même test du côté droit était indolore. Il souligne également que chez le docteur Bourdua, l'examen de la colonne lombosacrée était normal, alors que les manœuvres de Gaenslen et de Faber étaient douloureuses.
[44] Le témoin commente ensuite l'examen du 12 mai 1999 du docteur Pontbriand. Il fait remarquer qu'il y est fait état d'une chute et de douleur à la fesse gauche, région qui est «similaire à la sacro-iliaque». Il reconnaît que les symptômes, décrits le 12 mai, de lombalgie basse irradiant à la fesse, à la face postérieure de la cuisse et au mollet sont compatibles avec une atteinte lombosacrée et que la première mention, par le docteur Pontbriand, d'une atteinte sacro-iliaque, n'apparaît que le 25 août 1999. Il ajoute que les symptômes d'une atteinte lombosacrée avec irradiation à la fesse sont semblables à ceux qu'on rencontre dans une atteinte de la sacro-iliaque mais ajoute que l'examen de la région lombaire fait par le docteur Bourdua était normal, ce qui indique que la symptomatologie ne provenait pas de cette structure.
[45] Le témoin explique que les manœuvres de Gaenslen et de Faber peuvent être douloureuses chez un patient atteint d'une affection de la hanche mais précise que la douleur se situe alors à l'aine et à la face antéro-interne de la cuisse.
[46] À son propre examen, le docteur Tremblay a procédé à la manœuvre de Faber, mais non de Gaenslen, et a reproduit une douleur sacro-iliaque gauche. La même manœuvre à droite était négative.
[47] Au sujet de la scintigraphie, le docteur Tremblay indique que ce test est positif dans les atteintes inflammatoires, telles l'arthrite rhumatoïde, la spondylite et l'arthrite psoriasique, et dans les fractures et les infections. En l'absence d'atteinte osseuse, la cartographie sera négative.
[48] Le docteur Tremblay explique l'échec ou le succès mitigé de certaines infiltrations sacro-iliaques chez la travailleuse par le fait qu'elles n'ont pas été administrées sous contrôle fluoroscopique et que cette technique est difficile à réaliser sans ce guide. Il est donc peu probable, selon lui, que les infiltrations aient toutes été véritablement intra-articulaires. Si l'infiltration n'est pas administrée dans l'articulation mais plutôt en péri-articulaire, le soulagement ne sera que mineur.
[49] Le témoin croit que la chirurgie de la hanche, une prothèse totale, a été réussie, donnant de très bons résultats.
[50] Au sujet de la récidive, rechute ou aggravation du 28 août 2000, le docteur Tremblay indique que les traitements administrés à compter de cette date étaient les mêmes qu'en 1999, soit des infiltrations sacro-iliaques, et qu'en novembre 2000, le docteur Pontbriand notait une amélioration notable à la suite de l'une de ces infiltrations. Les diagnostics posés par le docteur Pontbriand, tant avant qu'après le 28 août 2000, sont demeurés les mêmes.
[51] Il débute son témoignage par un exposé théorique sur les atteintes de l'articulation sacro-iliaque, exposé largement inspiré, selon les propres propos du témoin, d'un extrait d'un traité d'orthopédie[1]. Il indique que l'atteinte sacro-iliaque est un diagnostic à considérer dans les lombalgies mais qu'il s'agit d'un sujet controversé. La sacro-iliaque est une articulation qu'il est difficile d'isoler dans un examen clinique et la majorité des tests de provocation, notamment le Gaenslen et le Faber, sont caducs ou ininterprétables lorsque la hanche ou la colonne lombosacrée sont atteintes. L'articulation sacro-iliaque est très stable, de par sa forme, son support ligamentaire et les muscles qui l'entourent. Elle partage son innervation, qui provient des racines de L2 à S2, avec d'autres structures, ce qui rend les douleurs à cette région difficilement interprétables.
[52] Parce qu'il s'agit d'une articulation stable et résistante, il est rare qu'elle se luxe ou se sub-luxe, sauf en cas de traumatisme majeur, en sorte que l'on parle plutôt de «syndrome» sacro-iliaque que d'entorse.
[53] Les pathologies affectant cette articulation sont la luxation, l'infection, les maladies inflammatoires, les atteintes dégénératives, les maladies métaboliques (la goutte et la pseudogoutte), les tumeurs et les atteintes découlant de prélèvements pour greffe osseuse. Une fois ces pathologies éliminées, on demeure avec un «syndrome sacro-iliaque», qui correspond à une dysfonction arthrocinétique, un malfonctionnement articulaire. Il s'agit alors d'un diagnostic d'exclusion, qui est posé après avoir écarté les atteintes sacro-iliaques ci-haut mentionnées de même que les pathologies discales lombaires, la sténose spinale et les affections de la hanche.
[54] Les manœuvres cliniques de mise en tension, soit le Gaenslen et le Faber, causent également un stress à la hanche et à la colonne lombosacrée.
[55] La radiographie simple peut démontrer des phénomènes dégénératifs mais la prévalence de telles images radiologiques est élevée, augmente avec l'âge et est peu corrélée avec la clinique. La scintigraphie osseuse est très sensible mais peu spécifique et, si elle est négative, est un excellent test pour écarter les atteintes inflammatoires. En cas d'atteinte traumatique, il y aura bris des tissus mous, avec réponse inflammatoire, de sorte que l'on devrait s'attendre à ce que la scintigraphie démontre une hypercaptation.
[56] Les infiltrations ont une valeur à la fois diagnostique et thérapeutique. Le docteur Quiniou reconnaît que même sous fluoroscopie, il s'agit d'une technique difficile à réaliser mais ajoute que, même si l'infiltration n'atteint que la capsule, le pourcentage d'efficacité demeure élevé.
[57] Selon le témoin, littérature médicale à l'appui, le diagnostic de syndrome sacro-iliaque ne peut être posé que si deux manœuvres cliniques de mise en tension sont positives et que la scintigraphie démontre une hypercaptation.
[58] Le témoin discute ensuite du cas de la travailleuse. Il passe en revue le dossier et souligne que les symptômes initiaux étaient constitués de douleurs lombofessière et sacrée, avec irradiation au membre inférieur gauche, et que les premiers intervenants ont fait état de contusion lombaire et à la fesse gauche, de même que d'entorse lombaire sur dégénérescence discale, confirmée par une tomodensitométrie. Au sujet de l'examen du docteur Bourdua, le docteur Quiniou fait remarquer qu'il a «proposé», selon les termes mêmes du membre du Bureau d'évaluation médicale, le diagnostic d'atteinte sacro-iliaque et suggéré une investigation à ce sujet, mais que le Schoeber était à son examen diminué et que l'épreuve de l'élévation de la jambe tendue, tant à droite qu'à gauche, déclenchait une douleur à la fesse gauche. La scintigraphie proposée par le docteur Bourdua s'est avérée négative pour l'articulation sacro-iliaque mais une radiographie du bassin et de la hanche a démontré une arthrose de l'articulation coxofémorale. Au cours de l'arthrographie, une infiltration de la hanche a été faite qui a beaucoup soulagé la patiente. Le docteur Décarie, en février 2000, a noté une diminution d'amplitude articulaire de la hanche et un test de l'élévation de la jambe tendue positif à 75° bilatéralement, mais les épreuves de mise en tension de la sacro-iliaque étaient négatives. La travailleuse a ensuite subi une prothèse totale de la hanche, au cours de laquelle une synovite très active a été observée par la docteure Hamel. Enfin, à son propre examen, les épreuves de Gaenslen et de Faber ne reproduisaient pas de douleur à la sacro-iliaque.
[59] En résumé, le témoin estime que, compte tenu des épreuves cliniques non concluantes, d'une scintigraphie négative, d'une atteinte sévère de la hanche nécessitant une prothèse totale et d'une maladie discale dégénérative démontrée, on ne peut conclure à un diagnostic probable d'atteinte sacro-iliaque.
[60] Il souligne que le docteur Hébert n'a pas reconduit le diagnostic du docteur Bourdua, mais s'est limité à formuler des limitations fonctionnelles en rapport avec ce diagnostic. Il ajoute que la manœuvre de Faber, comme l'a fait le docteur Hébert, est difficilement interprétable chez un patient porteur d'une prothèse totale de la hanche. Quant à la manœuvre de compression latéro-latérale du bassin, qu'a également pratiquée le docteur Hébert, elle n'est pas, selon le docteur Quiniou, significative en l'espèce puisqu’une atteinte lombaire peut être exacerbée par cette manœuvre.
[61] Le docteur Quiniou fait remarquer que l'infiltration de la hanche a été très efficace alors que les nombreuses infiltrations sacro-iliaques qu'a reçues la travailleuse ont eu peu de succès.
[62] Il n'existe, selon le témoin, aucune évidence de détérioration de l'état de la travailleuse en août 2000.
[63] Le docteur Tremblay est entendu de nouveau. Il commente la documentation médicale déposée par l'employeur. Il souligne que les auteurs y écrivent que le syndrome de l'articulation sacro-iliaque est un diagnostic clinique et que l'évaluation radiologique y apporte peu d'informations utiles; que la scintigraphie est la procédure de choix pour démontrer une atteinte inflammatoire de l'articulation, ce qui selon le témoin n'est pas le cas en l'espèce; que la valeur de la scintigraphie demeure «unclear» dans le diagnostic du syndrome sacro-iliaque; qu'il y a une différence statistiquement significative dans la captation à la scintigraphie chez les sujets dont deux tests de mise en tension sont positifs, sans pour autant, selon le témoin, qu'une hypercaptation soit un critère diagnostique.
[64] Il fait aussi remarquer qu'on indique, dans ce chapitre, que les patients souffrant d'un syndrome sacro-iliaque peuvent avoir des «sources coexistantes» de douleur et que, dans une étude, cette proportion est de 33.5 %. Le phénomène de pathologie coexistante n'est donc pas inhabituel.
[65] Le témoin ne conclut pas à une certitude diagnostique mais dit que, en présence d'une douleur unilatérale à la palpation de la sacro-iliaque, avec une bonne mobilité de la hanche, comme il l'a observé à son propre examen, un Faber reproduisant une douleur sacro-iliaque constitue une épreuve valable. Selon lui, on peut conclure chez la travailleuse à une probabilité diagnostique d'atteinte de la sacro-iliaque.
§ Témoignage de la docteure Nathalie Hamel
[66] La docteure Hamel est la chirurgienne orthopédiste qui a procédé à l’intervention chirurgicale de la prothèse totale de la hanche. Elle est assignée à comparaître par l’employeur.
[67] Elle avait déjà soumis des commentaires écrits le 2 mai 2002 en vue de l’audience du 7 mai qui n’a pas eu lieu. Comme diagnostics, elle retient une entorse lombosacrée et une contusion fessière gauche. Elle ne retient pas celui de l’entorse sacro-iliaque au motif que la scintigraphie ne soutient pas cette pathologie. Elle signale que les signes d’une atteinte sacro-iliaque peuvent découler de la pathologie à la hanche.
[68] Lors de son témoignage elle reconnaît qu’au moment de son examen en avril 2000, elle s’est limitée à la pathologie de la hanche soulignant que c’est pour cette raison que la patiente lui avait été référée, que cette pathologie était sévère et que la patiente était déjà traitée pour les autres conditions.
[69] Elle a assuré le suivi post-opératoire habituel. L’évolution a été bonne. Le 19 novembre 2001, elle rapporte cependant à ses notes cliniques que la travailleuse se plaint de douleur sacro-iliaque gauche. Elle s’interroge sur une possible origine sacro-iliaque et dirige la travailleuse en physiatrie afin d’obtenir un autre éclairage. La travailleuse précise qu’elle est toujours en attente d’un rendez-vous en physiatrie.
L’AVIS DES MEMBRES
[70] Conformément à l’article 429.50 de la loi, la commissaire soussignée a recueilli l’avis et les motifs exprimés par les membres qui ont siégé auprès d’elle.
[71] Dans les dossiers 150332-61-0011 et 150399-61-0011, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de retenir uniquement un diagnostic d’entorse lombaire basse greffée sur une discarthropathie dégénérative suivant l’opinion du docteur Quiniou et la littérature médicale qu’il a déposée. Le membre issu des associations syndicales est plutôt d’avis de retenir un diagnostic d’entorse sacro-iliaque. Il considère que la preuve prépondérante, compte tenu des opinions des docteurs Tremblay et Hébert, est à cet effet. La littérature est plus controversée que ce qu’affirme le docteur Quiniou.
[72] Sur la décision de capacité de mai 2000, les deux membres sont d’avis que peu importe les motifs de la travailleuse pour être relevée de son défaut, on doit de toute façon conclure que la lésion était consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles puisqu’il s’agit de l’opinion de son médecin traitant qui lie la CSST. Par conséquent, eu égard à la lésion professionnelle, la travailleuse était capable d’exercer son emploi à cette époque.
[73] Dans les dossiers 214524-61-0308 et 214554-61-0308, le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir la requête de la travailleuse et de reconnaître qu’elle a subi une rechute, récidive ou aggravation. Il considère que la CSST aurait dû analyser une rechute, récidive ou aggravation en août 2000 même si le formulaire requis n’avait pas été produit. La CSST a corrigé sa propre erreur en août 2002. Il maintiendrait les conclusions du Bureau d’évaluation médicale quant à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles.
[74] Le membre issu des associations d’employeurs est d'avis contraire. N'ayant pas retenu le diagnostic d'une atteinte sacro-iliaque, elle considère qu'il ne peut y avoir de rechute, récidive ou aggravation de cette condition en août 2000 ni une atteinte permanente en résultant. Au surplus, elle signale que l'absence du formulaire de réclamation empêche l'employeur de faire valoir ses droits.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossiers 150332-61-0011 et 150399-61-0011
[75] La Commission des lésions professionnelles doit d’abord déterminer le diagnostic de la lésion professionnelle subie par madame Cadorette le 4 mai 1999.
[76] Il apparaît clairement du dossier que la travailleuse a subi une entorse lombosacrée qui est cependant rentrée dans l’ordre. Dès la première consultation médicale, le docteur Dussault note à son dossier un diagnostic d’entorse lombaire gauche même s’il utilise l’expression contusion lombaire à son rapport pour la CSST. À la visite suivante il est question de lombosciatalgie. Puis les docteurs Taillefer et Pontbriand diagnostiquent eux aussi une entorse lombosacrée. Le docteur Pontbriand maintiendra ce diagnostic jusqu’en mars 2000 où il constate la consolidation de cette lésion. Ses notes cliniques font état d’une amélioration graduelle de la condition lombaire alors qu’il note également la persistance d’une douleur sacro-iliaque.
[77] Les docteurs Décarie et Quiniou qui ont examiné la travailleuse, pour l’employeur, ont également retenu ce diagnostic. La preuve prépondérante au dossier démontre donc que la travailleuse a subi une entorse lombosacrée, entorse qui se greffe sur une condition de dégénérescence bien documentée au dossier et non contestée.
[78] Le véritable débat dans le présent dossier est de décider si la travailleuse a également subi une entorse sacro-iliaque. Les docteurs Tremblay et Pontbriand, qui retiennent ce diagnostic, utilisent le terme entorse pour désigner l'affection de la sacro-iliaque chez la travailleuse, alors que le docteur Bourdua parle plutôt d'une «atteinte», comme d'ailleurs le docteur Hébert. Le docteur Quiniou croit que, en l'absence de maladie inflammatoire systémique, de fracture, d'infection ou de certaines autres conditions qui peuvent atteindre la sacro-iliaque, le terme de «syndrome sacro-iliaque», ou de «dysfonction arthrocinétique» est plus approprié. La Commission des lésions professionnelles ne fera pas ces distinctions dans la discussion qui suit et prendra pour acquis que ces désignations diagnostiques sont, pour les fins de la présente décision, interchangeables.
[79] La difficulté diagnostique dans ce dossier provient essentiellement de la coexistence, en plus de l'alléguée entorse sacro-iliaque, d'une sévère coxarthrose et d'une discopathie lombosacrée symptomatique. Le docteur Quiniou a insisté sur le caractère «ininterprétable» des tests de mise en tension de la sacro-iliaque en présence d'une atteinte de la hanche ou du rachis lombaire, sur la négativité de la scintigraphie dans sa dimension sacro-iliaque et sur l'absence de signes d'atteinte de la sacro-iliaque à son propre examen et à celui de certains autres examinateurs, notamment les docteurs Décarie et Hamel. En contre-partie, le docteur Tremblay retient comme probable le diagnostic de dysfonction sacro-iliaque aux motifs que les tests de mise en tension reproduisaient la douleur, que cette douleur était de site sacro-iliaque, que la palpation de cette articulation était douloureuse, que le site douloureux évoqué aux manœuvres de mise en tension n'était pas celui que l'on rencontre dans la coxarthrose ou la discopathie lombosacrée et que certaines infiltrations sacro-iliaques administrées par le docteur Pontbriand ont soulagé la travailleuse.
[80] La Commission des lésions professionnelles retient de leurs témoignages et de la documentation soumise à l'audience qu'il existe, relativement aux atteintes sacro-iliaques, des indices ou épreuves diagnostiques qui sont de quatre ordres : les symptômes, les manœuvres cliniques, l'imagerie (la radiologie et la scintigraphie) et l'infiltration diagnostique et thérapeutique.
[81] Les deux experts s'entendent à reconnaître que les symptômes seuls ont peu de valeur pour départager une affection de la hanche d'une atteinte sacro-iliaque ou rachidienne lombaire, puisque les manifestations subjectives de ces trois pathologies se chevauchent considérablement.
[82] Avant d'aborder la question des manœuvres cliniques, il convient de discuter de l'imagerie et des infiltrations. Le docteur Quiniou, en fait, proposait de s'en remettre à ces tests paracliniques, et particulièrement à la scintigraphie. La radiologie est exclue dans ce dossier puisqu’aucune tomodensitométrie des sacro-iliaques n'a été faite chez la travailleuse, non plus qu'une radiographie avec incidence particulière pour ces articulations.
[83] La scintigraphie n'a pas révélé d'hypercaptation de la sacro-iliaque. Le docteur Quiniou croit que, même s'il ne s'agit pas d'une atteinte découlant d'une maladie inflammatoire systémique, l'on devrait s'attendre, dans une atteinte sacro-iliaque post- traumatique, à une réaction inflammatoire de faible intensité qui soit captée par la scintigraphie. Le docteur Tremblay est d'avis contraire. La documentation médicale déposée est équivoque. Les auteurs semblent conclure qu'une scintigraphie positive, avec des tests de mise en tension positifs, est indicative d'une dysfonction sacro-iliaque. Cependant, dans la discussion, leur position est beaucoup moins arrêtée. Voici comment ils discutent de la scintigraphie :
« There is general agreement that radionuclide scanning of the sacroiliac joints is the procedure of choice for demonstrating infection, inflammation, stress fracture, or neoplasm involving the sacroiliac joint. However, in the presence of structural abnormalities or degenerative lumbar spondylosis, radionuclide scanning can be falsely positive over the sacroiliac joint region. There is some debate over the value of quantitative bone scanning of the sacroiliac joints, particularly when the sacrum is used as a reference point. For all of these reasons, the role of scintigraphy in sacroiliac joint syndrome remains unclear. Some evidence exists that quantitative scintigraphy could be an important objective test for diagnosing sacroiliac joint syndrome. When two or more sacroiliac joint stress tests are positive, there is a statistically significant increased uptake on the symptomatic side, suggesting an element of low-grade inflammation in sacroiliac joint syndrome. » [2]
[84] De cet extrait, la Commission des lésions professionnelles retient que la scintigraphie est un outil valide dans certaines affections de la sacro-iliaque, telles l'inflammation et l'infection, qui ne sont cependant pas en cause en l'espèce. Elle retient aussi que la valeur de ce test dans la dysfonction est controversée et incertaine («unclear»). Enfin l'étude citée, selon laquelle lorsque deux tests de mise en tension sont positifs, il y a une augmentation statistiquement significative de la captation du côté symptomatique, n'est de l'avis du tribunal pas concluante. En l'absence de données provenant de l'étude originale, ce résultat, en terme de valeur diagnostique, est difficilement interprétable. Rien dans cet extrait ne permet de tirer des conclusions utiles sur la capacité d'une scintigraphie négative d'exclure le diagnostic de dysfonction sacro-iliaque.
[85] Au sujet des infiltrations diagnostiques et thérapeutiques, la documentation médicale déposée indique qu'une réponse favorable à ce traitement «aide à confirmer le diagnostic». La technique y est décrite et, sommairement, consiste à injecter un cc d'un anesthésique local et d'un stéroïde soluble dans l'eau, sous contrôle fluoroscopique, dans la région capsulaire ou ligamentaire profonde, et un autre cc dans la couche superficielle. Les auteurs rappellent que même sous contrôle fluoroscopique, il est «exceedingly difficult» d'atteindre l'espace articulaire.
[86] Le docteur Pontbriand a, entre les mois d'août 1999 et mars 2002, administré plusieurs infiltrations à la travailleuse. Au moins deux d'entre elles ont été faites à la hanche. Plusieurs autres, selon les notes manuscrites du médecin, auraient visé la sacro-iliaque. En principe donc, le résultat de ces manœuvres pourrait s'avérer être un élément très utile, sinon déterminant, au diagnostic. Malheureusement, même une analyse détaillée des notes du docteur Pontbriand ne permet pas de tirer de conclusions fermes sur la nature précise des infiltrations et sur ses résultats. D'abord le protocole technique des infiltrations administrées par le docteur Pontbriand est insuffisamment explicite pour déterminer si ces injections ont été faites sous scopie et si elles ont véritablement atteint les ligaments péri-articulaires et la capsule de l'articulation. Deuxièmement certains indices laissent croire que ces infiltrations pourraient avoir été faites dans des «points gâchette» plutôt que dans les ligaments et la capsule. Par exemple, le 26 août 1999, le docteur Pontbriand écrit : «TP IL/SIG» (vraisemblablement pour : Trigger point iliaque et sacro-iliaque gauche) et il fait une infiltration de «1 cc SI/1cc IL g». Le 23 septembre 1999, il note à nouveau «TP SIG à deux … » (illisible). Il procède à une nouvelle infiltration. Le 15 mars 2000, il note encore «TP IL/SIG», écrit «infiltration loco dolensi». Il est donc permis de se demander si les infiltrations ont été faites à un point gâchette dans la région sacro-iliaque plutôt que véritablement dans la paroi ligamento-capsulaire, auquel cas la Commission des lésions professionnelles ne croit pas que l'interprétation à donner au résultat de ces infiltrations soit la même que celle que les auteurs de l'étude déposée à l'audience prêtent à la technique qu'ils décrivent.
[87] Troisièmement, même s'il fallait retenir que les infiltrations ont été administrées en péri-articulaire, les résultats en sont trop équivoques pour être considérés utiles. Entre autres, le 8 septembre 1999, le docteur Pontbriand écrit, relativement aux infiltrations du 26 août, qu'il n'y a pas eu de changement avec l'infiltration «IL g». Cette remarque s'applique-t-elle également à l'infiltration dite «SI»? Il n'y a pas d'information à ce sujet dans sa note. Cependant le 23 septembre, le médecin écrit que la travailleuse a été aidée «++» par l'infiltration du 26 août et il répète l'infiltration le lendemain. La Commission des lésions professionnelles ne trouve pas trace au dossier des effets de cette seconde infiltration. Il en est de même des infiltrations du 15 mars 2000. Le 23 octobre 2000, le docteur Pontbriand infiltre à nouveau la «SIG», pour «TP rebelle» et note le 27 novembre suivant, que cette infiltration a aidé «+++». Cependant le 20 décembre 2000, il écrit de nouveau un «TP» sacro-iliaque gauche, qu'il infiltre. Ce n'est toutefois que le 20 février 2001 qu'il revoit la travailleuse et qu'il note que la sacro-iliaque gauche est «améliorée». Cette amélioration notée deux mois après l'infiltration découle-t-elle de ce traitement? La question demeure sans réponse. Le docteur Pontbriand infiltre encore une fois «l'articulation» les 16 octobre 2001 et 18 mars 2002, mais dans les deux cas, le dossier ne permet pas de connaître les effets de ces traitements.
[88] Considérant donc les incertitudes entourant la nature et le site des infiltrations, la difficulté de départager les effets d'infiltrations simultanées en deux sites différents et surtout l'imprécision des renseignements sur les effets de cette technique, la Commission des lésions professionnelles estime ne pouvoir en tirer aucune conclusion valide, soit en faveur du diagnostic de dysfonction sacro-iliaque, soit pour l'exclure. C'est donc aux examens cliniques objectifs qu'il y a lieu de s'en remettre.
[89] À ce sujet, les experts ont à l'audience débattu de la validité des manœuvres cliniques de même que des critères diagnostiques de la dysfonction sacro-iliaque. Un commentaire s'impose à ce propos. Il concerne les critères diagnostiques de l'atteinte sacro-iliaque cités par le docteur Quiniou et surtout les conséquences de l'application de ces critères. Selon les auteurs de l'article déposé par l'employeur, le diagnostic de dysfonction sacro-iliaque requerrait une scintigraphie positive et au moins deux tests de mise en tension qui soient positifs. Ces critères posent problème lorsque, comme en l'espèce, il existe des pathologies concomitantes à la hanche et au rachis lombosacré. Incidemment, selon une étude citée dans la documentation médicale déposée, 33.5 % des patients atteints de la sacro-iliaque ont une «source coexistante de douleur», tels un syndrome facettaire, une sténose spinale ou une hernie discale. Selon le docteur Quiniou, les tests de mise en tension sont alors «caducs» et ininterprétables. Il faudrait alors écarter ces manœuvres cliniques comme non valides et puisque ces tests sont un prérequis au diagnostic, aucune lésion sacro-iliaque ne pourrait satisfaire à ces critères diagnostiques. Bien sûr, ce n'est pas la conclusion que tirait à l'audience le docteur Quiniou, mais ceci illustre les dangers d'une application trop rigoriste d'une grille diagnostique. Il est donc évident qu'en l'espèce, il est inapproprié d'appliquer sans discernement les critères diagnostiques ci-haut mentionnés.
[90] De plus le docteur Tremblay a expliqué que, s'il est vrai que la coexistence d'une coxarthrose et d'une dégénérescence discale symptomatique constitue un facteur confondant dans l'interprétation des tests de mise en tension sacro-iliaque, le site précis de la douleur évoqué par ces manœuvres peut à tout le moins orienter l'examinateur vers le site de l'atteinte. La Commission des lésions professionnelles retient son témoignage. En l'absence de tests paracliniques valides qui puissent trancher le débat et malgré les difficultés certaines d'interprétation des tests de mise en tension, il n'existe pas d'alternative, dans ce dossier, à un exercice rigoureux d'analyse du site de la douleur reproduite par ces manœuvres et des circonstances dans lesquelles ces tests ont été faits.
[91] Les tests cliniques discutés à l'audience ont été la palpation de la sacro-iliaque et les manœuvres de mise en tension, dites de Gaenslen et de Faber. L'argument principal du docteur Tremblay, qui reconnaît que ces épreuves peuvent être douloureuses chez une personne souffrant de la hanche ou du rachis lombaire, tient à ce que c'est le site de la douleur qui est déterminant et qui, chez la travailleuse, est selon lui sacro-iliaque. En effet, à son propre examen, la mise en tension de la sacro-iliaque a, unilatéralement à gauche, provoqué une forte douleur, tout comme la palpation de l'articulation. L'argument prend de la valeur lorsque, comme l'a fait remarquer le docteur Tremblay, son examen de la colonne lombosacrée était normal et celui de la hanche, très acceptable compte tenu de la prothèse totale. Le docteur Tremblay a aussi fait remarquer que l'examen des docteurs Bourdua et Hébert confirmaient le sien. En effet, le docteur Bourdua est très explicite lorsqu'il décrit des mises en tension sacro-iliaque «positives pour l'articulation sacro-iliaque gauche». La Commission des lésions professionnelles prend pour acquis que cet orthopédiste, membre du Bureau d'évaluation médicale, est parfaitement conscient du fait que la douleur provoquée par ces manœuvres peut provenir d'autres structures que la sacro-iliaque, de sorte que son énoncé d'un test «positif pour la sacro-iliaque» est très probant. De plus, tout comme le docteur Tremblay, il fait état d'une douleur à la palpation de la sacro-iliaque gauche alors que le rachis lombaire n'est pas douloureux. Il est vrai que l'indice de Schoeber est diminué mais le docteur Bourdua ne semble pas y voir un obstacle à la reconnaissance d'une atteinte sacro-iliaque, notant au passage que les amplitudes du rachis lombosacré sont «assez bien préservées».
[92] Quant au docteur Hébert, il a également fait état d'un Faber provoquant «une douleur sacro-iliaque gauche», et décrit une manœuvre de compression latéro-latérale du bassin éveillant une douleur «de nouveau sacro-iliaque gauche», de même qu'une palpation locale douloureuse.
[93] L'ensemble de ces données milite donc fortement en faveur d'une dysfonction sacro-iliaque.
[94] Le docteur Quiniou a fait valoir que son propre examen, de même que ceux des docteurs Toupin, Hamel et Décarie ne révélait pas de signes d'atteinte sacro-iliaque. Au sujet de l'examen du docteur Toupin, la Commission des lésions professionnelles note que ce médecin n'a pas spécifiquement recherché de signes de souffrance de cette articulation, par exemple des mises en tension. De plus, son examen qui révèle à la palpation une «sensibilité un peu plus importante du côté paravertébral gauche en regard de L5 et S1», une région qui sans être précisément de site sacro-iliaque, s'en rapproche considérablement, est loin d'être incompatible avec une atteinte de cette articulation, particulièrement dans un contexte où l'examinateur ne semble pas avoir tenté de confirmer ou infirmer ce diagnostic.
[95] Le docteur Décarie a examiné la travailleuse en février 2000. Il mentionne que la «mise en tension des sacro-iliaques demeure asymptomatique aujourd'hui», qu'elle «ne provoque pas de douleur». La Commission des lésions professionnelles ne met évidemment pas en doute les observations du docteur Décarie mais estime difficile de les interpréter. À l'époque de cet examen, la travailleuse est, comme l'indique le rapport du docteur Décarie, très symptomatique, éprouvant des douleurs à la région lombaire, à la hanche, à la région inguinale et à la fesse gauche. Elle a déjà subi une radiographie et une arthrographie de la hanche qui ont révélé une coxarthrose gauche sévère, et une scintigraphie qui a révélé une activité inflammatoire à la hanche. L'examen du docteur Décarie révèle une diminution d'amplitude articulaire de la hanche gauche et un flexum de 15 à 20 degrés. Le docteur Décarie conclut à une coxarthrose, «maladie active». Or les témoignages des docteurs Tremblay et Quiniou révèlent que les tests de Gaenslen et de Faber peuvent être douloureux aussi bien dans les affections de la hanche que dans celles de l'articulation sacro-iliaque. Le docteur Décarie ne précise pas quelles manœuvres il a exécutées pour la mise en tension des sacro-iliaques, mais s'il s'agit du Gaenslen ou du Faber, il y a lieu de s'étonner que ces manœuvres n'aient pas à tout le moins reproduit ou exacerbé quelque douleur à la hanche, qui était gravement atteinte.
[96] La docteure Hamel a également examiné la travailleuse en mai 2000. Tant son témoignage que ses notes cliniques indiquent qu'elle n'a pas recherché spécifiquement des signes de souffrance de la sacro-iliaque, parce que d'une part elle disposait de données suffisantes pour poser un diagnostic de coxarthrose et, d'autre part, parce qu'à l'époque de son examen, la travailleuse était tellement symptomatique de la hanche que l'articulation sacro-iliaque ne pouvait être évaluée adéquatement.
[97] Reste l'examen du docteur Quiniou. Parmi les examinateurs qui ont fourni des évaluations détaillées, il est le seul à décrire spécifiquement un test de Patrick (ou Faber) négatif. Le test est négatif non parce qu'il est indolore, mais en ce sens qu'il provoque des «douleurs lombaires basses à gauche, irradiées dans la région lombaire basse gauche et à la fesse gauche». La compression des ailes iliaques ne provoque aucune douleur et le Gaenslen est indolore à la sacro-iliaque gauche.
[98] La Commission des lésions professionnelles ne peut donc que prendre acte du fait qu'à l'époque de l'examen du docteur Quiniou, la travailleuse ne présentait pas de signes de souffrance sacro-iliaque, notant cependant que la manœuvre de Faber n'était pas asymptomatique, même si les symptômes reproduits n'étaient pas spécifiquement de type sacro-iliaque. Cela dit, ce constat n'invalide pas pour autant les observations faites auparavant par les docteurs Bourdua et Tremblay et ultérieurement par le docteur Hébert, qui ne peuvent non plus être remises en question.
[99] En l'espèce, la Commission des lésions professionnelles estime devoir privilégier l'opinion du docteur Tremblay, supportée par les docteurs Bourdua et surtout Hébert. Certes les conclusions du docteur Bourdua doivent être interprétées avec beaucoup de prudence, parce que son examen est antérieur à la chirurgie de la hanche et que l'on sait qu'à cette époque la travailleuse souffrait de cette articulation. Cependant les examens des docteurs Hébert et Tremblay surviennent respectivement 21 et 26 mois après cette chirurgie qui, à l'unanimité des experts, a donné d'excellents résultats. À cette époque la situation est donc celle d'une travailleuse chez qui le problème de la hanche semble bien contrôlé, dont l'entorse lombaire diagnostiquée initialement est consolidée depuis longtemps et qui pourtant continue à souffrir de la région lombofessière. Les docteurs Tremblay et Hébert, pour tous les motifs énoncés plus haut, situent à la sacro-iliaque l'origine des symptômes résiduels, alors que le docteur Quiniou, qui pourtant relate la persistance de douleurs lombaires irradiées à la fesse gauche, n'y apporte pas d'explications.
[100] Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles, tout en partageant les doutes tout à fait fondés du docteur Quiniou sur l'interprétation des examens cliniques, estime néanmoins devoir conclure, comme les docteurs Tremblay, Bourdua et Hébert, à un diagnostic probable de dysfonction sacro-iliaque.
[101] Les diagnostics de la lésion professionnelle étant établis, se pose maintenant la question de la consolidation. Le docteur Bourdua en septembre 1999 était d’avis que la lésion n’était pas consolidée. Le 7 mars 2000, le docteur Pontbriand note dans son rapport complémentaire que l’entorse lombaire est consolidée mais que l’entorse sacro-iliaque est encore symptomatique. Puis le 4 mai 2000, le docteur Pontbriand émet son rapport final et consolide la lésion ce jour-là sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Ce rapport du médecin traitant n’est pas contesté et il lie la CSST en vertu de l’article 224 de la loi qui se lit ainsi :
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
__________
1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[102] À la suite de ce rapport final, la CSST rend le 11 mai 2000 une décision déclarant que la travailleuse est capable d’exercer son emploi et, par conséquent, qu’elle n’a plus droit à des indemnités de remplacement du revenu. Ce n’est que le 26 juillet 2000 que la travailleuse demande la révision de cette décision.
[103] La demande de révision de la travailleuse est donc faite après l’expiration du délai de 30 jours prévu à l’article 358 de la loi pour faire une telle demande. L’article 358.2 de la loi permet cependant de relever une partie de son défaut de respecter ce délai si elle démontre un motif raisonnable.
[104] La travailleuse fait valoir qu’elle était dans l’attente de son intervention chirurgicale à la hanche, qu’elle avait vendu sa résidence et déménageait le 27 mai 2000. Au surplus, sa fille a accouché le 15 mai 2000 avec certaines difficultés et, afin de l’aider, elle a dû garder l’autre enfant de sa fille. Dans ce contexte, la travailleuse témoigne qu’elle a mis ses documents dans des boîtes et qu’elle a oublié cette décision de même que celle d’avril concernant le refus de reconnaître les problèmes à sa hanche.
[105] Chacun de ces éléments pris isolément n’explique peut-être pas l’inaction de la travailleuse. Cependant l’effet cumulatif de ces éléments constitue un contexte où il est compréhensible que la travailleuse ait tardé à demander la révision de la décision du 11 mai 2000 et peut constituer un motif raisonnable.
[106] Cependant même en relevant la travailleuse de son défaut d’avoir demandé la révision dans le délai, la Commission des lésions professionnelles ne peut faire droit à sa demande de la déclarer incapable de faire son emploi en raison de sa lésion professionnelle.
[107] En effet, la travailleuse se trouve ainsi à contester l’opinion de son propre médecin, ce que la loi ne lui permet pas de faire. Le deuxième alinéa de l’article 358 prévoit en effet qu’«une personne ne peut demander la révision d’une question d’ordre médical sur laquelle la CSST est liée en vertu de l’article 224».
[108] La capacité n’est pas une question médicale mais elle découle de la consolidation de la lésion et de la présence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. La travailleuse a témoigné sur l’exigence de ses tâches d’aide générale mais le tribunal tout comme la CSST ne peut retenir cette preuve dans le cas où le médecin traitant consolide la lésion en mai 2000 sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[109] Évidemment cette conclusion de capacité concerne uniquement la lésion professionnelle. On sait par ailleurs que la travailleuse était incapable de travailler à cette époque en raison de sa condition personnelle de coxarthrose pour laquelle elle a été indemnisée en assurance-salaire.
[110] La Commission des lésions professionnelles conclut donc que la lésion professionnelle du 4 mai 1999 a causé une entorse lombosacrée et une entorse sacro-iliaque, que cette lésion a été consolidée par le médecin traitant le 4 mai 2000 et que la travailleuse était alors, eu égard à sa lésion professionnelle, capable d’exercer son emploi.
Dossiers 214524-61-0308 et 214554-61-0308
[111] La Commission des lésions professionnelles doit d’abord déterminer si la travailleuse a subi une rechute, récidive ou aggravation le 28 août 2000. Dans l’affirmative, il faudra décider si elle en conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[112] Concernant la rechute, récidive ou aggravation du 28 août 2000, l’employeur soulève deux moyens à propos de la recevabilité de la réclamation. Il soumet que la réclamation signée le 19 août 2002, soit près de deux ans plus tard, a été produite après l’expiration du délai de six mois prévu à l’article 270 de la loi qui se lit ainsi :
270. Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de 14 jours complets ou a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ou, s'il décède de cette lésion, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lésion ou du décès, selon le cas.
L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.
Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, remet à l'employeur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.
__________
1985, c. 6, a. 270.
[113] Il fait également valoir qu’il s’agit d’une réclamation factice qui avait pour but d’introduire un deuxième rapport final, soit celui d’avril 2002 à la place de celui de mai 2000.
[114] Pour bien comprendre les prétentions de l’employeur, certains faits doivent être rappelés entourant la réclamation d’août 2002. Une première audience à la Commission des lésions professionnelles était prévue le 7 mai 2002 concernant les deux premiers dossiers mais elle fut finalement remise. La veille, le procureur de la travailleuse produit au dossier plusieurs rapports médicaux, les notes cliniques du docteur Pontbriand et son rapport final du 25 avril 2002. Quelques semaines plus tard, après avoir obtenu l’expertise du docteur Quiniou du 16 juin 2002, l’employeur soumet à la CSST une demande de transmission du dossier au Bureau d’évaluation médicale faisant valoir qu’il a pris connaissance du rapport final uniquement le 6 mai 2002.
[115] À la suite de cette demande, l’agente de la CSST procède à une révision du dossier qui était inactif depuis le rapport final de mai 2000. Elle indique, dans une note du 31 juillet 2002, qu’une réclamation devra être demandée à la travailleuse afin d’étudier la rechute, récidive ou aggravation alléguée du 28 août 2000. Elle signale que cette demande n’a jamais été faite malgré la réception de nombreux rapports médicaux dont celui d’août 2000 avec la mention d’aggravation. Elle explique qu’il y a eu confusion du fait que la coxarthrose avait été refusée par la CSST mais conclut, après consultation avec son service juridique, «en relisant aujourd’hui le dossier de façon plus détaillée, nous aurions dû étudier une RRA [rechute, récidive ou aggravation] à l’époque car on parle pas seulement de coxarthrose mais on parle aussi d’entorse LS-SI [lombosacrée/sacro-iliaque] gauche».
[116] L’agente inscrit au dossier qu’il y a lieu d’étudier une demande de rechute, récidive ou aggravation et d’accorder une extension de délai à l’employeur pour sa demande au Bureau d’évaluation médicale. La travailleuse témoigne d’ailleurs qu’elle a rempli le formulaire de réclamation en août 2002 à la suite d’une demande de la CSST.
[117] Dans les circonstances du présent dossier, la Commission des lésions professionnelles considère que la CSST aurait effectivement dû traiter et analyser le dossier dès septembre 2000 pour déterminer s’il y avait rechute, récidive ou aggravation à la suite de la réception du rapport médical du 28 août 2000, et ce même si le formulaire prescrit n’a pas été rempli.
[118] En 1991, dans l’affaire Galipeau c. Bureau de révision paritaire des Laurentides[3], la Cour supérieure énonçait que le formulaire prescrit n’est pas obligatoire chaque fois rappelant qu’il s’agit d’une question de forme et rappelant le caractère social de la loi qui doit être interprétée largement. Il s’agissait dans cette affaire également d’une demande de rechute, récidive ou aggravation et la Cour concluait que rien n’oblige le travailleur à produire un formulaire dans ce cas puisque le dossier est déjà ouvert, que la CSST a tous les renseignements requis et qu’elle reçoit un nouveau rapport médical appuyant la prétention du travailleur. Dans la foulée de ce jugement, la jurisprudence de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des lésions professionnelles a maintes fois repris cette position[4] particulièrement en matière de rechute, récidive ou aggravation.
[119] Dans les circonstances du présent dossier, le formulaire de réclamation d’août 2002 ne constituait qu’une formalité qui n’était pas nécessaire. La production du rapport médical du 28 août 2000 du docteur Pontbriand qui mentionne spécifiquement «aggravation sacro-iliaque gauche» suffisait pour permettre la réouverture du dossier. D’ailleurs la CSST constate elle-même cette erreur en août 2002 et demande alors la production du formulaire de réclamation pour rechute, récidive ou aggravation. La soussignée ne peut pas, dans ce contexte, faire droit aux prétentions de l’employeur sur la recevabilité de la réclamation.
[120] La preuve prépondérante au dossier permet également de conclure que la travailleuse a effectivement subi une rechute, récidive ou aggravation le 28 août 2000.
[121] La loi inclut la notion de récidive, rechute ou aggravation dans celle de lésion professionnelle sans pour autant en définir les termes. L’article 2 prévoit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
_________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[122] La jurisprudence a établi que les notions de récidive, rechute ou aggravation signifient, dans leur sens courant, une reprise évolutive, une réapparition ou recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes. La preuve doit établir, de façon prépondérante, une relation entre la lésion initiale et la lésion alléguée par le travailleur comme constituant une récidive, rechute ou aggravation.
[123] Les critères généralement reconnus pour déterminer la relation entre la lésion initiale et une récidive, rechute ou aggravation sont la similitude ou la compatibilité du site des lésions et des diagnostics, la continuité de la symptomatologie, le suivi médical, la gravité de la lésion initiale, la présence ou l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles à la suite de celle-ci ainsi que le délai entre la lésion initiale et la récidive, rechute ou aggravation[5]. Comme l’a précisé la Commission d’appel dans l’affaire Boisvert et Halco inc.[6] aucun de ces facteurs n'est à lui seul décisif mais, pris ensemble, ils peuvent permettre de se prononcer sur le bien-fondé d’une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation.
[124] Dans le présent dossier, le docteur Pontbriand note une stabilisation de l’entorse sacro-iliaque en mai 2000. Il consolide alors la lésion sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Il prévoit cependant revoir la travailleuse après sa convalescence post-opératoire pour la hanche. Lors de cette visite du 28 août 2000, il constate une aggravation de la condition sacro-iliaque et il reprend les traitements. Il s’agit de toute évidence de la même lésion et l’évolution du dossier révèle que cette condition va persister et être constatée par différents médecins tel que nous l’avons déjà souligné dans l’analyse du diagnostic.
[125] Avant d’aborder la question de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, l’employeur a fait valoir qu’il y avait un silence médical de mars 2001 à mai 2002. Effectivement au niveau des rapports produits à la CSST il y aurait un silence médical pendant cette période. Toutefois suivant les notes cliniques du docteur Pontbriand, la travailleuse l’a consulté le 16 mai 2001, le 16 octobre 2001 et le 18 mars 2002 précisément pour ses douleurs sacro-iliaques et des infiltrations ont été faites à chacune des visites en question. Quoi qu'il en soit, le présent tribunal n’est pas saisi de la consolidation de cette lésion et constate que la lésion a été consolidée le 25 avril 2002 suivant le rapport final du docteur Pontbriand.
[126] Reste à déterminer si la travailleuse conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles de cette entorse sacro-iliaque. La preuve prépondérante au dossier démontre que oui. Les docteurs Pontbriand, Tremblay et Hébert en ont conclu ainsi. Les médecins de l’employeur, et plus particulièrement le docteur Quiniou, ont conclu qu’il ne subsistait pas d’atteinte permanente mais cette opinion vise la condition lombosacrée seulement puisqu’ils ne retiennent pas l’entorse sacro-iliaque.
[127] Un commentaire s’impose sur le second rapport final du docteur Pontbriand. Le procureur de l’employeur a déposé de la jurisprudence suivant laquelle, sauf pour corriger des erreurs ou dans le cas de changement d’opinion fondé sur une évolution inattendue de la condition du travailleur, la CSST n’est pas liée par un deuxième rapport final modifiant le premier. La soussignée partage cette interprétation mais est d’avis que cette jurisprudence est inapplicable dans le présent dossier. Le rapport final du docteur Pontbriand d’avril 2002 ne modifie pas celui de mai 2000. Celui de mai 2000 vise la lésion initiale de mai 1999 alors que le second concerne la rechute, récidive ou aggravation d’août 2000.
[128] Les docteurs Tremblay et Hébert ont donc évalué le déficit anatomo-physiologique à 1,5 % pour une entorse sacro-iliaque avec séquelles fonctionnelles (code 102597 du Règlement annoté sur le barème des dommages corporels[7]). Leurs examens respectifs démontrent des signes de souffrance à la sacro-iliaque gauche. À ce pourcentage s’ajoute, suivant le règlement, 0,1 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie. La travailleuse conserve donc une atteinte permanente de 1,6 %.
[129] En ce qui a trait aux limitations fonctionnelles, le docteur Tremblay avait émis les suivantes :
« Éviter les stations debout prolongées pour plus de trente à quarante minutes à la fois;
Éviter la marche sur des terrains accidentés;
Éviter de transporter des objets pesants plus de 7 kilogrammes lors de la marche. »
[130] Le docteur Hébert a recommandé celles-çi :
« Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
- se déplacer sur un terrain glissant ou accidenté;
- effectuer des mouvements de torsion du bassin. »
[131] Au début de l’audience, la travailleuse s’est désistée de sa propre contestation déposée à la suite de l’avis du docteur Hébert, agréant ainsi aux conclusions de ce dernier. Dans ces circonstances, la soussignée retient les limitations fonctionnelles telles que formulées par le docteur Hébert.
[132] Le procureur de l’employeur a fait valoir qu’il est difficile d’émettre des limitations fonctionnelles pour l’atteinte sacro-iliaque alors que de plus importantes ont été attribuées par la docteure Hamel à la suite de la prothèse totale de la hanche. Ces limitations sont ainsi formulées :
« Éviter tout emploi nécessitant de monter ou descendre un escalier de manière répétitive;
Éviter de marcher en terrain accidenté;
Éviter de marcher pour des périodes prolongées. »
[133] Sur le plan administratif, il nous faut départager ce qui relève de la lésion professionnelle de la condition personnelle de la travailleuse. Bien sûr cela demeure un peu académique puisque la condition physique de la travailleuse est globale. Cependant cela n’empêche pas de déterminer que certaines limitations découlent de l’atteinte sacro-iliaque.
[134] La Commission des lésions professionnelles conclut donc que la travailleuse conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles résultant de la dysfonction sacro-iliaque et ce suivant les conclusions du docteur Hébert.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossiers 150332-61-0011 et 150399-61-0011
REJETTE la requête du Pavillon Saint-Joseph, l’employeur;
ACCUEILLE en partie la requête de madame Pierrette Cadorette, la travailleuse;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la CSST, rendue le 10 octobre 2000 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que les diagnostics de la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 4 mai 1999 sont une dysfonction sacro-iliaque et une entorse lombosacrée greffée sur une condition dégénérative;
DÉCLARE que la lésion professionnelle était consolidée le 4 mai 2000;
DÉCLARE que la travailleuse était capable d’exercer son emploi à compter du 10 mai 2000.
Dossiers 214524-61-0308 et 214554-61-0308
ACCUEILLE la requête de la travailleuse;
REJETTE la requête de l’employeur;
DÉCLARE que la travailleuse a subi le 28 août 2000 une rechute, récidive ou aggravation;
DÉCLARE que la travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique de 1,6 %;
DÉCLARE que la travailleuse conserve les limitations fonctionnelles suivantes :
« Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
- se déplacer sur un terrain glissant ou accidenté;
- effectuer des mouvements de torsion du bassin. »
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Lucie Nadeau |
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Commissaire |
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Me Claude Stringer |
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CLAUDE STRINGER, AVOCAT |
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Représentant de l'employeur |
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Me Robert Guimond |
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CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS NATIONAUX |
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Représentant de la travailleuse |
[1]Thomas N. BERNARD Jr. et J. David CASSIDY, chap. 101: « The Sacroiliac Joint Syndrome Pathophysiology, Diagnosis, and Management » dans John W. FRYMOYER et Thomas B. DUCKER, The Adult Spine : Principles and Practice, New York, Raven Press, 1991, pp. 2107-2130
[2] Précité, note 1, p. 2117
[3] [1991] R.J.Q. 788 (C.S.)
[4] Siano et Alimentation Somerled inc., 61977-60-9408, 96-01-11, M. Zigby, (J7-12-12); Poitras et Christina Canada inc., 100370-62-9803, 99-06-29, H. Marchand, révision rejetée, 00-03-07, M. Zigby, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Longueuil, 505-05-006180-001, 01-01-09, j. Tremblay; D'Ascoli et Atco international (fermé), 179066-61-0202, 03-01-30, B. Lemay
[5] Boisvert et Halco inc. [1995] C.A.L.P. 19 ; Leblanc et Prud’homme & Frères ltée, 40863-63-9206, 94-08-19, A. Leydet; Lapointe et Compagnie Minière Québec-Cartier [1989] C.A.L.P. 38
[6] Précitée, note 5
[7] Règlement sur le barème des dommages corporels, (1987) 119 G.O. II, 5576
AVIS :
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