Nivellement PBR inc. et CPQMC |
2013 QCCLP 860 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 9 août 2012, Nivellement PBR inc. (l’employeur), dépose une requête en révocation à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 31 juillet 2012.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare irrecevable la requête déposée par l’employeur, le 27 juillet 2011, à l’encontre de la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 11 juillet 2011, à la suite d’une révision administrative.
[3] Une audience sur la requête en révocation se tient à Montréal, le 29 janvier 2013, en présence d’un représentant de l’employeur. Un délai lui est accordé afin de compléter la preuve documentaire. Ce complément de preuve est reçu à la Commission des lésions professionnelles, le 4 février 2013, et la cause est prise en délibéré à cette date.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision rendue le 31 juillet 2012 et de convoquer de nouveau les parties pour une nouvelle audience portant sur la recevabilité de sa requête datée du 27 juillet 2011 ainsi que sur le fond du litige.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] La membre issue des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont tous les deux d’avis que la requête en révocation doit être rejetée. En effet, ils retiennent que l’employeur a dûment été convoqué devant la Commission des lésions professionnelles et bien qu’il allègue avoir déposé au tribunal une demande de remise, la preuve soumise démontre qu’il a fait preuve de négligence dans le suivi de son dossier à cet égard. Dans ce contexte, ils considèrent que l’employeur n’a pas démontré qu’il y avait ouverture à la révocation de la décision.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] Le tribunal siégeant en révision doit déterminer s’il y a lieu de révoquer la décision rendue le 31 juillet 2012.
[7] L’article 429.49 la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu’une affaire est entendue par plus d’un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l’ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s’y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[8] Cependant, le législateur a prévu à son article 429.56 de la loi que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue dans certains cas. Cette disposition se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] Le recours en révision et en révocation s’inscrit dans le contexte de l’article 429.49 de la loi qui prévoit qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Une décision ne peut être révisée ou révoquée que si l’un des motifs prévus par l’article 429.56 est établi.
[10] Dans le présent cas, l’employeur demande la révocation de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, au motif qu’il n’a pu se présenter à l’audience prévue le 24 juillet 2012 puisqu’il était en vacances à l’extérieur de la province et qu’il avait fait une demande de remise. Il soutient donc qu’il n’a pu se faire entendre pour des raisons jugées suffisantes, ce qui correspond à une requête en vertu du deuxième alinéa du premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi.
[11] Selon la jurisprudence[2], il revient au tribunal d’apprécier la preuve et de décider si des raisons suffisantes ont été démontrées pour expliquer que la partie n’a pas pu se faire entendre. Les raisons invoquées doivent être sérieuses et il ne doit pas y avoir eu de négligence de la part de la partie qui prétend n’avoir pu se faire entendre. Par ailleurs, la règle qui doit toujours guider le tribunal, à cet égard, est le respect des règles de justice naturelle.
[12] Monsieur Pierre Biron, le représentant de l’employeur témoigne à l’audience sur la présente requête. Il reconnaît avoir bien reçu l’avis de convocation de la Commission des lésions professionnelles pour l’audience devant avoir lieu le 24 juillet 2012.
[13] Cependant, il déclare qu’environ un mois avant cette date, il a fait une demande de remise de cette audience, au motif qu’il serait en vacances à l’extérieur de la province, le 24 juillet 2012. Il précise que cette demande de remise a été envoyée par télécopieur ou par courriel à la Commission des lésions professionnelles.
[14] Par ailleurs, monsieur Biron reconnaît, toutefois, ne pas avoir fait de suivi auprès du tribunal après avoir envoyé sa demande de remise. Il reconnaît également ne pas avoir reçu non plus de décision confirmant que cette remise avait été accordée. Il affirme qu’il n’a pas agi de mauvaise foi en ne se présentant pas à l’audience, d’autant plus, qu’il connaît l’importance des sommes en jeu en lien avec l’avis de correction émis par l’inspecteur de la CSST à l’origine du présent litige.
[15] À la fin de l’audience sur la requête en révision, un délai est accordé à l’employeur afin qu’il complète sa preuve documentaire relativement au motif qu’il invoque.
[16] Le 4 février 2013, il envoie une lettre accompagnée de ce complément de preuve documentaire.
[17] En outre, il produit une lettre datée du 15 juin 2012, par laquelle son associé, monsieur François Pearson informait la Commission des lésions professionnelles du fait que monsieur Biron ne pourrait être présent à l’audience prévue le 24 juillet 2012 puisqu’il serait en vacances à l’extérieur du Québec, à cette date. Par contre, tel que le reconnaît monsieur Biron dans la lettre accompagnant le complément de preuve documentaire, le rapport de vérification de transmission de télécopie, du 15 juin 2012, ne confirme pas que la Commission des lésions professionnelles a bien reçu cette demande de remise.
[18] Le tribunal doit déterminer si les raisons soulevées par l’employeur, pour ne pas avoir été entendu, peuvent être qualifiées de suffisantes au sens où l’entend le second alinéa du premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi.
[19] En tenant compte de la preuve soumise, le tribunal en vient à la conclusion que la preuve prépondérante démontre que l’employeur a été négligent dans le suivi de sa demande de remise et que, conséquemment, il n’a pas soumis de preuve démontrant qu’il n’a pu se faire entendre pour des raisons jugées suffisantes.
[20] La preuve démontre que l’employeur a dûment été convoqué à l’audience. Il allègue qu’il n’a pas pu se présenter à l’audience parce qu’il était en vacances à l’extérieur du Québec et qu’il a envoyé une demande de remise à cet égard. Cependant, le tribunal siégeant en révision retient que la demande de remise n’a jamais été reçue par la Commission des lésions professionnelles. La preuve démontre que l’employeur a envoyé sa demande par télécopieur et qu’il a dûment été informé par l’avis de transmission de télécopie que la demande de remise ne s’est jamais rendue à la Commission des lésions professionnelles.
[21] Certes, l’employeur soutient qu’il n’était pas de mauvaise foi, en ne se présentant pas à l’audience prévue le 24 juillet 2012. Cependant, cette affirmation de l’employeur ne démontre pas pour autant qu’il a été diligent dans le suivi de la demande de remise. En effet, alors que l’employeur est informé que la demande de remise n’a pas été reçue par la Commission des lésions professionnelles et qu’il n’a reçu aucune décision du tribunal accordant la remise et, malgré le fait qu’il connaissait l’importance de l’enjeu du dossier, la preuve démontre qu’aucun suivi n’est fait par l’employeur pour s’assurer que l’audience ne procèdera pas sans sa présence.
[22] Dans ces circonstances, le tribunal siégeant en révision considère que l’employeur a eu l’opportunité de se faire entendre, mais qu’il a été négligent dans le suivi de sa demande de remise qui ne s’est jamais rendue au tribunal.
[23] Dans le cadre de la lettre qu’il fait parvenir à la Commission des lésions professionnelles le 4 février 2013, monsieur Biron ajoute que son dossier peut donner l’apparence d’être confus, cependant, soutient-il, cette confusion peut s’expliquer par un grave accident de VTT qu’il a subi en date du 1er juillet 2012 et qui lui a causé des troubles de mémoires sévères pendant quelques mois.
[24] Or, cette explication ne peut être retenue comme motif de révocation. D’une part, le tribunal retient que cet événement n’efface pas la négligence dont l’employeur a fait preuve au regard du suivi de sa demande de remise qu’il aurait très bien pu faire entre le 15 juin et le 1er juillet 2012.
[25] De surcroît, rien n’empêchait l’associé de monsieur Biron de faire lui-même le suivi de la demande de remise et même d’invoquer ce nouveau motif pour demander une remise de l’audience. Pourtant, non seulement, cet élément n’a pas été invoqué en guise de motif pour la remise de l’audience du 24 juillet 2012, mais de surcroît, il n’est même pas invoqué comme motif de révocation dans la requête qui est soumise au tribunal, en date du 9 août 2012, ni même lors de l’audience sur la requête en révision. De fait, cette affirmation est invoquée pour la première fois dans la lettre du 4 février 2013 et elle n’est appuyée d’aucune preuve médicale confirmant les pertes de mémoires de monsieur Biron ni son incapacité à travailler. Le tribunal siégeant en révision estime qu’il ne s’agit pas d’une raison sérieuse pouvant être prise en considération dans le cadre de la présente requête.
[26] Par conséquent, la preuve ne démontre pas qu’il y a eu accroc au droit d’être entendu ni que l’employeur avait des raisons suffisantes de ne pas avoir pu se faire entendre par le tribunal. Par sa négligence, l’employeur avait renoncé implicitement, à son droit d’être entendu.
[27] Pour toutes ces raisons, la requête en révocation de l’employeur est rejetée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de Nivellement PBR inc., l’employeur.
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Monique Lamarre |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Imbeault et S.E.C.A.L., C.L.P. 84137-02-9611, 24 septembre 1999, M. Carignan; Viandes du Breton inc. et Dupont, C.L.P. 89720-01A-9707, 18 décembre 2000. M. Carignan; Garcia-Cocina et Bombardier Aéronautique inc., C.L.P. 344341-71-0804, 17 septembre 2009, S. Sénéchal; Chassé et Conciergerie Sperco inc., C.L.P. 456010-31-1111, 23 janvier 2013, A. Quigley.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.