Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Montréal

MONTRÉAL, le 14 décembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

87035-73-9703

114907-73-9904

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Claude-André Ducharme

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Michel R. Giroux

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Sylvain Dandurand

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

110004314

AUDIENCE TENUE LE :

14 novembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Montréa

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TYE-SIL CORPORATION LTÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ROBERT ST-CYR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

Dossier 87035

[1]               Le 25 mars 1997, Tye-Sil Corporation ltée (l’employeur) dépose un appel à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) par lequel il conteste une décision rendue par le bureau de révision de l’Île-de-Montréal (le bureau de révision) le 28 février 1997.

[2]               Par cette décision, le bureau de révision maintient une décision de la CSST du 26 mars 1996 par laquelle elle refuse une demande de l'employeur de reconsidérer sa décision antérieure du 7 septembre 1995 acceptant la réclamation de monsieur Robert St-Cyr (le travailleur) pour une lésion professionnelle survenue le 11 juillet 1995.

[3]               Bien que l’appel ait été déposé devant la Commission d’appel, la présente décision est rendue par la Commission des lésions professionnelles, conformément à l’article 52 de la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives (L.Q. 1997, c. 27) entrée en vigueur le 1er avril 1998.  En vertu de l’article 52 de cette loi, les affaires pendantes devant la Commission d’appel sont continuées et décidées par la Commission des lésions professionnelles. La présente décision est donc rendue par le soussigné en sa qualité de commissaire de la Commission des lésions professionnelles.

Dossier 114907

[4]               Le 19 avril 1999, l'employeur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 23 mars 1999 à la suite d'une révision administrative.

[5]               Par cette décision, la CSST maintient une décision qu'elle a rendue le 26 février 1998 à la suite d'un avis émis par un membre du Bureau d'évaluation médicale portant sur les limitations fonctionnelles qu'a entraînées la lésion professionnelle.  La CSST décide que le travailleur a droit à l'indemnité de remplacement du revenu jusqu'à ce qu'elle se prononce sur sa capacité à reprendre son emploi.

[6]               L'employeur est représenté à l'audience.  Le travailleur ne s'y est pas présenté.

 

OBJET DES REQUÊTES

[7]               Par sa première contestation, l'employeur cherche à obtenir la reconsidération de la décision rendue par la CSST le 7 septembre 1995 et une déclaration à l'effet que le travailleur n'a pas subi de lésion professionnelle 11 juillet 1995.  Lors de l'audience, il n'a soumis aucune argumentation au soutien de sa prétention.

[8]               Par sa seconde contestation, l'employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d'annuler la décision rendue par la CSST le 26 février 1998 au motif que l'avis du membre du Bureau d'évaluation médicale a été émis à la suite d'une procédure irrégulière parce que le délai prévu par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q. c. A-3.001) (la loi) pour demander cet avis n'a pas été respecté par la CSST.

[9]               Il soumet que le dossier aurait dû être finalisé un an plus tôt et souhaite obtenir une déclaration de la Commission des lésions professionnelles en vertu de l'article 377 de la loi voulant que le travailleur était capable, en février 1997, d'exercer un emploi convenable dans son entreprise puisqu'un tel emploi était alors disponible, malgré que des informations à l'effet contraire soient contenues au dossier.

LES FAITS

[10]           Après avoir examiné les documents contenus au dossier, la Commission des lésions professionnelles retient les éléments suivants pour les fins de la présente décision.

[11]           Le 11 juillet 1995, dans l'exercice de son emploi d'opérateur d'une machine à tubes chez l'employeur, le travailleur subit une épicondylite au coude gauche en soulevant un rouleau de papier.  La lésion est consolidée une première fois le 14 août 1995.  Le travailleur recommence à travailler ce même jour, mais après quelques heures, la douleur revient et son médecin prolonge l'arrêt de travail. 

[12]           Le 7 septembre 1995, la CSST accepte la réclamation du travailleur et reconnaît qu'il a subi une lésion professionnelle.

[13]           Le 16 octobre 1995, le docteur F. Le Bire examine le travailleur à la demande de l'employeur.  Il diagnostique une épitrochléalgie et une épicondylalgie et considère que ces lésions sont consolidées au jour de son examen, que les traitements ne sont plus nécessaires et qu'elles n'ont pas entraîné d'atteinte permanente à l'intégrité physique ni de limitations fonctionnelles.  Il estime par ailleurs qu'il ne s'agit pas de lésions professionnelles.

[14]           Sur la base des conclusions de ce médecin, l'employeur demande à la CSST de transférer le dossier au Bureau d'évaluation médicale et de reconsidérer sa décision du 7 septembre 1995.

[15]           Le 14 décembre 1995, un membre du Bureau d'évaluation médicale émet l'avis que le diagnostic de la lésion subie par le travailleur est une épicondylite du coude gauche, que la lésion n'est pas consolidée et il recommande une chirurgie comme traitement.

[16]           Le 23 mars 1996, la CSST refuse de reconsidérer sa décision du 7 septembre 1995 au motif que les éléments invoqués par l'employeur au soutien de sa demande ne justifiaient pas une reconsidération de cette décision.  L'employeur conteste cette décision.

[17]           Le travailleur est opéré par le docteur S. Gagnon le 8 août 1996.  La lésion est consolidée par ce médecin le 12 décembre 1996.  Le 17 décembre 1996, le docteur S. Dubuc complète un rapport d'évaluation médicale dans lequel il conclut qu'il n'y a pas d'atteinte permanente à l'intégrité physique mais que le travailleur demeure avec des limitations fonctionnelles et qu'il doit éviter de soulever des charges excédant 5 kilos et d'effectuer des mouvements répétitifs.

[18]           Le 27 février 1998, la CSST rend une décision par laquelle elle statue que la lésion professionnelle n'a pas entraîné d'atteinte permanente à l'intégrité physique.

[19]           À la lecture des notes évolutives du dossier, il ressort que le médecin de la CSST a communiqué à la fin du mois de mars avec le docteur Dubuc pour discuter des limitations fonctionnelles qu'il jugeait excessives.  Une première analyse du dossier est effectuée par une conseillère en réadaptation au mois d'avril suivant.  Elle communique avec madame Marie-Josée Normand, chez l'employeur, qui l'informe que le travailleur n'a pas recommencé à travailler et qu'aucun travail respectant la limitation fonctionnelle de ne pas lever de charge supérieure à 5 kilos ne peut lui être offert à ce moment-là. 

[20]           Au cours de l'été 1997, l'agent d'indemnisation tente de communiquer avec madame Normand pour savoir si l'employeur contestera le rapport d'évaluation du docteur Dubuc.  Des messages sont laissés à cinq reprises entre le 2 juillet et 12 septembre. 

[21]           Le 23 septembre 1997, l'agent d'indemnisation peut enfin parler à madame Normand.  Celle-ci lui indique qu'elle doit consulter une personne de l'entreprise avant de pouvoir lui fournir l'information requise.  Le 7 octobre suivant, elle informe l'agent qu'elle n'a pas pu parler à l'avocat responsable du dossier.  La note du 9 octobre est difficile à lire, mais il semble que l'employeur manifeste son accord avec le fait que la CSST demande une expertise à un médecin en vertu de l'article 204 de la loi.

[22]           Le 14 novembre 1997, le docteur C. Godin examine le travailleur à la demande de la CSST et retient comme limitations fonctionnelles qu'il doit éviter de forcer ou de faire des efforts importants avec son coude gauche et des mouvements répétitifs impliquant la supination de l'avant-bras ou l'extension du poignet.  Il accorde également une atteinte permanente de 2 %, ce qui amène la CSST à lui demander une correction de son rapport parce que le docteur Dubuc a conclu à l'absence d'atteinte permanente, correction qui sera effectuée le 17 décembre suivant.

[23]           À la fin du mois de janvier 1998, la CSST transfère le dossier au Bureau d'évaluation médicale en opposant les conclusions du docteur Godin à celles du docteur Dubuc.  Le 20 février suivant, le docteur D. Laflamme, agissant en qualité de membre du Bureau d'évaluation médicale, émet un avis dans lequel il établit comme limitations fonctionnelles que le travailleur doit éviter les mouvements répétitifs de flexion et d'extension de son coude gauche, de soulever, porter ou tirer des charges de plus de 10 kg de manière répétitive de son membre supérieur gauche et de faire des gestes de visser ou dévisser.

[24]           Le 26 février 1998, la CSST rend une décision à la suite de cet avis par laquelle elle informe le travailleur qu'il a droit aux indemnités de remplacement du revenu jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur sa capacité à exercer son emploi.  L'employeur conteste cette décision.

[25]           Le 23 mars 1998, la CSST reconnaît au travailleur le droit à la réadaptation professionnelle.  À la suite des informations obtenues de l'employeur voulant qu'il n'ait pas d'emploi convenable disponible à ce moment-là pour le travailleur, la CSST détermine le 16 avril 1998 qu'il est capable d'exercer l'emploi convenable de livreur de mets préparés.  L'employeur ne conteste pas cette décision.

AVIS DES MEMBRES

[26]           Les membres issus des associations d'employeurs et des associations syndicales sont d'avis que les requêtes de l'employeur doivent être rejetées.

[27]           Ils considèrent que la CSST était justifiée de refuser de reconsidérer sa décision du 7 septembre 1995 parce que l'opinion du docteur Le Bire ne constituait pas un fait essentiel permettant la reconsidération de la décision.

[28]           Ils estiment également que l'avis émis par le membre du Bureau d'évaluation médicale n'est pas irrégulier parce que la loi n'impose aucun délai à la CSST pour recourir à cette procédure et qu'il n'est pas déraisonnable dans les circonstances de la présente affaire.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

[29]           Après considération de la preuve au dossier et de l'argumentation soumise par le représentant de l'employeur, la Commission des lésions professionnelles en vient aux conclusions suivantes.

[30]           Premièrement, la Commission des lésions professionnelles estime que la CSST était justifiée de ne pas reconsidérer sa décision du 7 septembre 1995.  L'article 365 de la loi autorise la CSST à reconsidérer une décision qu'elle a rendue sur la base d'un fait essentiel qui était inconnu au moment où elle a rendu sa décision.  La jurisprudence établit clairement qu'une opinion médicale, comme celle du docteur Le Bire sur laquelle l'employeur a fondé sa demande, ne constitue pas un fait essentiel donnant ouverture à la reconsidération en vertu de l'article 365.

[31]           Deuxièmement, la Commission des lésions professionnelles considère qu'il n'y a pas lieu d'annuler la décision rendue par la CSST le 26 février 1998 au motif que l'avis émis par le membre du Bureau d'évaluation médicale le 20 février 1998 est irrégulier.

[32]           En argumentation, le représentant de l'employeur a soumis que cet avis était irrégulier parce qu'à l'époque où il a été demandé et rendu, la loi imposait à la CSST l'obligation d'agir dans un délai précis.

[33]           La Commission des lésions professionnelles ne peut retenir cette prétention.  Le seul délai auquel la CSST a déjà été assujettie en matière de contestation des questions médicales est celui qui était prévu dans le cadre de la procédure d'arbitrage médical.  En vertu de l'article 214 qui régissait alors la CSST, celle-ci ne pouvait recourir à l'arbitrage médical que si elle avait obtenu le rapport d'un médecin qui infirmait les conclusions du médecin du travailleur dans les 30 jours du rapport qu'elle voulait contester.

[34]           L'arbitrage médical a été aboli le 1er novembre 1992 et depuis ce temps, ce sont de nouvelles dispositions, lesquelles sont énoncées aux articles 204 et 206 de la loi, qui prévoient la possibilité pour la CSST d'acheminer un dossier au Bureau d'évaluation médicale pour l'obtention d'un avis.

204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui - ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.

________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.

________

1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

[35]           En vertu de ces dispositions, la CSST n'est astreinte à aucun délai dans l'exercice de cette procédure et s'il est possible d'envisager que dans certaines circonstances, elle ne puisse le faire en raison de décisions antérieures ayant acquis un caractère final ou parce que le délai écoulé est nettement déraisonnable, ce n'est pas le cas en l'espèce.

[36]           Certes, le délai écoulé entre la production du rapport d'évaluation médicale du docteur Dubuc et la transmission du dossier par la CSST au Bureau d'évaluation médicale est appréciable, mais il s'explique en partie par les démarches entreprises auprès de l'employeur pour vérifier la possibilité d'un retour au travail du travailleur dans l'entreprise et pour connaître son intention en regard d'une contestation du rapport du docteur Dubuc.  Dans une certaine mesure, le délai est également imputable aux hésitations de l'employeur à communiquer son intention à ce sujet.  La Commission des lésions professionnelles estime que, compte tenu de ces circonstances, le délai n'apparaît pas déraisonnable au point de rendre irrégulier l'avis du membre du Bureau d'évaluation médicale et de justifier l'annulation de la décision qui fait suite à cet avis.

[37]           Par ailleurs, même si tel était le cas, l'annulation de cette décision n'aurait pas pour effet d'autoriser la Commission des lésions professionnelles à accorder à l'employeur la conclusion ultime qu'il recherche, soit décider que le travailleur était capable d'exercer un emploi convenable en février 1997.  Contrairement à la prétention du représentant de l'employeur, le pouvoir que confère l'article 377 de la loi à la Commission des lésions professionnelles de rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu ne peut être exercé qu'en regard de la décision contestée, ce qui n'est pas le cas, en l'espèce, de la décision de la CSST portant sur l'emploi convenable déterminé pour le travailleur.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 87035

REJETTE la requête de Tye-Sil Corporation ltée;

CONFIRME la décision rendue par le bureau de révision de l’Île-de-Montréal le 28 février 1997;

 

Dossier 114907

REJETTE la requête de Tye-Sil Corporation ltée; et

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 23 mars 1999 à la suite d'une révision administrative.

 

 

 

 

 

Claude-André Ducharme

 

Commissaire

 

 

 

 

 

DION, DURRELL & ASSOCIÉS

(Me Michel J. Duranleau)

630, boul. René-Lévesque Ouest

Bureau 2940

Montréal (Québec)

H3B 1S6

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

TEAMSTERS QUÉBEC

(Monsieur Martin Savoie)

8200, rue Grenache

Bureau 101

H1J 1C5

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

AVIS :
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