COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES
QUÉBEC, le 24 juillet 1998
RÉGION:
Québec
DEVANT LE COMMISSAIRE : Me Claude Bérubé
DOSSIER : 93316-03-9801 ASSISTÉ DES MEMBRES : Bruno Laverdière
Associations d'employeurs
André Brochu
Associations syndicales
DOSSIER CSST :
1121989684 AUDITION TENUE LE : 9 juillet 1998
DOSSIER BRP :
6259 0486
À : Québec
SÛRETÉ DU QUÉBEC
255, boul. Crémazie est, 10ème étage
Montréal (Québec)
H2M 1L5
PARTIE APPELANTE
MARCEL HUOT
5, Amédée Fillion
Saint-Jean-de-Boischatel (Québec)
G0A 1H0
PARTIE INTÉRESSÉE
D É C I S I O N
Le 23 janvier 1998, l’employeur, Sûreté du Québec, dépose à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) une déclaration d'appel à l'encontre de la décision du Bureau de révision Québec rendue le 21 novembre 1997.
Dans sa décision unanime, le Bureau de révision maintient la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 26 juin 1997 à l’effet de refuser de suspendre le versement des indemnités de remplacement du revenu du travailleur, M. Marcel Huot, au motif que celui-ci avait une raison valable de refuser l’assignation temporaire, à savoir une entente prévue à sa convention collective.
Cette décision de la CSST se lit comme suit :
«Nous vous informons que nous ne pouvons appliquer l’article 142 qui permet à la CSST de suspendre le paiement des indemnités. L’alinéa 2 de l’article 142 indique que la CSST peut suspendre si le travailleur, sans raison valable, omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement.
Nous considérons que monsieur Marcel Huot a une raison valable de refuser l’assignation temporaire puisqu’il s’appuie sur une entente prévue à sa convention collective qui prévoit qu’un membre de la Sûreté du Québec n’est pas requis de se rapporter au travail pour y être assigné à des tâches légères ou différentes s’il n’est pas complètement rétabli et apte à reprendre normalement les tâches qu’il accomplissait au moment de son accident.
Si vous avez besoins de renseignements supplémentaires, n’hésitez pas à communiquer avec la soussignée.»
Bien que l’appel de l’employeur ait été déposé à la Commission d’appel, la présente décision est rendue par la Commission des lésions professionnelles conformément à l’article 52 de la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives (L.Q. 1997, c. 27) entrée en vigueur le 1er avril 1998. En vertu de l’article 52 de cette loi, les affaires pendantes devant la Commission d’appel sont continuées et décidées par la Commission des lésions professionnelles.
La présente décision est donc rendue par le soussigné en sa qualité de commissaire de la Commission des lésions professionnelles.
OBJET DE L'APPEL
L’employeur soumet que la CSST et le Bureau de révision paritaire auraient dû suspendre le droit aux indemnités de remplacement du revenu du travailleur en vertu de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chap. A -3.001) au motif que le travailleur avait refusé, sans raison valable, l’assignation temporaire. De façon plus précise, l’employeur allègue qu’un refus fondé sur une convention collective ne constitue pas un motif valable au sens de la loi.
AUDIENCE
L’employeur et le travailleur se sont tous deux présentés à l’audience devant la Commission des lésions professionnelles et étaient, pour l’occasion, assistés, le premier d’un procureur et le deuxième d’un représentant.
La preuve soumise à l'appréciation de la Commission des lésions professionnelles consiste en l'ensemble des documents contenus au dossier qui contient notamment un document intitulé : «lettre d’entente relative à l’application de l’annexe C - banque collective de maladie». Les faits ne donnant pas lieu à contestation, les parties ont soumis leur argumentation devant la Commission des lésions professionnelles et se sont entendues sur le texte d’une déclaration commune qui sera reproduite ci-après.
Après avoir analysé tous les éléments de la preuve documentaire, avoir soupesé les arguments invoqués par les représentants des parties, consulté la jurisprudence pertinente, avoir reçu l'avis des membres, conformément à la loi, et sur le tout délibéré, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante.
L'AVIS DES MEMBRES
Au moment du délibéré et avant de rendre la présente décision, la Commission des lésions professionnelles a reçu du membre issu des associations syndicales et du membre issu des associations d’employeurs, un avis unanime allant dans le sens de la présente décision et ce, pour les mêmes motifs que ceux qui sont énoncés ci-après.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST devait donner suite à la demande de l’employeur de suspendre temporairement les versements de l’indemnité de remplacement du revenu au travailleur, compte tenu du refus par celui-ci de faire le travail que l’employeur lui assignait temporairement, conformément aux termes de l’article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Plus particulièrement, la Commission des lésions professionnelles doit décider si le motif allégué par le travailleur, pour refuser de faire le travail ainsi assigné, à savoir les termes de sa convention collective et d’une clause particulière à cet effet, constitue une raison valable au sens de l’alinéa II du paragraphe 142 de la loi.
Il importe de rappeler, de façon préliminaire, les articles pertinents de la loi, soit les articles 4, 142, alinéa 2, sous-paragraphe e) et 179, ainsi que les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (L.R.Q. s-2.1) :
4. La présente loi est d'ordre public.
Cependant, une convention ou une entente ou un décret qui y donne effet peut prévoir pour un travailleur des dispositions plus avantageuses que celles que prévoit la présente loi.
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité:
(...)
2osi le travailleur, sans raison valable:
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;
179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que:
1E le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;
2E ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et
3E ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.
Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (L.R.Q., c. S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.
37. Si le travailleur croit qu'il n'est pas raisonnablement en mesure d'accomplir les tâches auxquelles il est affecté par l'employeur, il peut demander au comité de santé et de sécurité, ou à défaut de comité, au représentant à la prévention et à l'employeur d'examiner et de décider la question en consultation avec le médecin responsable des services de santé de l'établissement ou, à défaut de médecin responsable, avec le chef du département de santé communautaire du territoire ou se trouve l'établissement.
S'il n'y a pas de comité ni de représentant à la prévention, le travailleur peut adresser sa demande directement à la Commission.
La Commission rend sa décision dans les 20 jours de la demande et cette décision a effet immédiatement, malgré une demande de révision.
37.1 Une personne qui se croit lésée par une décision rendue en vertu de l'article 37 peut, dans les 10 jours de sa notification, en demander la révision par un bureau de révision.
37.2 Le bureau de révision doit procéder d’urgence sur une demande de révision faite en vertu de l’article 37.1.
La décision rendue par le bureau de révision sur cette demande a effet immédiatement, malgré l’appel.
37.3 Une personne, sont la Commission, qui se croit lésée par une décision rendue par un bureau de révision à la suite d’une demande faite en vertu de l’article 37.1 peut, dans les 10 jours de sa notification, en interjeter appel devant la Commission d’appel.
En ce qui concerne les faits particuliers qui soutiennent le présent litige, ils ont fait l’objet d’une déclaration commune par l’employeur et le travailleur. C’est ainsi que les parties conviennent de ce qui suit :
1- L’employeur a soumis au médecin en charge du travailleur un formulaire d’assignation temporaire le 14 mai 1997.
2- Le 14 mai 1997, le médecin s’est déclaré en accord avec cette assignation temporaire et ce, au sens de l’article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
3- Le travailleur ne s’est pas prévalu de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail.
4- Le travailleur a refusé cette assignation temporaire le 15 mai 1997 en se fondant sur des dispositions de sa convention collective.
5- Le 15 mai 1997, l’employeur a demandé à la CSST la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu (I.R.R.) conformément à l’article 142, alinéa 2, paragraphe E de la loi.
6- Le 26 juin 1997, la CSST a rejeté la demande de suspension de l’indemnité de remplacement du revenu au motif qu’elle considérait comme une raison valable le refus d’assignation temporaire appuyé sur la convention collective.
7- L’employeur a contesté cette décision auprès du Bureau de révision paritaire et celui-ci a rendu une décision dans le même sens le 21 novembre 1997, à savoir que le travailleur avait un motif raisonnable de refuser l’assignation temporaire que son employeur lui proposait et ce, au sens de l’article 142, alinéa 2, paragraphe E de la loi.
8- L’employeur en a appelé de cette décision devant la Commission d’appel, maintenant la Commission des lésions professionnelles.
En considération de ce qui précède, les parties soumettent, de façon commune, que dans le cadre de l’application 142, alinéa 2, paragraphe e) de la loi, la CSST et les instances créées pour assurer l’application de la loi peuvent prendre en considération toute raison valable de leur juridiction mais ne saurait s’immiscer dans l’application d’une convention collective et a fortiori se prononcer sur le motif de refus fourni dans le cadre du présent dossier, à savoir un motif fondé sur des dispositions de la convention collective, ce qui n’est pas du ressort des dites instances puisque la juridiction exclusive d’appliquer, d’interpréter et de se prononcer sur toute disposition découlant d’une convention collective, est confiée, par le code du travail, à un arbitre.
En conséquence, et dans le cadre du présent dossier, le refus fondé sur les dispositions de la convention collective ne peut donc être considéré comme une raison valable au sens de l’article 142, alinéa 2, paragraphe e) de la loi.
Il y a lieu de référer, ci-après, à la lettre d’entente annexée à la convention collective qui lie les parties et qui contient les mentions suivantes :
«Sous réserve du paragraphe 2, le membre de la Sûreté absent de son travail pour cause de maladie ou accident ne peut être requis de se rapporter au travail pour y être assigné à des tâches légères ou différentes:
a) s’il continue à recevoir des soins médicaux ou traitements thérapeutiques; ou
b) s’il n’est pas complètement rétabli et apte à reprendre normalement les tâches qu’il accomplissait au moment de sa maladie ou accident.»
C’est en raison de la présence de cette lettre d’entente et des termes de la convention collective que le travailleur a laissé savoir à son employeur son refus d’occuper le poste qui lui était déterminé en assignation temporaire, puisque d’une part il n’était pas requis de le faire, en vertu des termes mêmes de cette convention et que, d’autre part, il ne subissait aucune perte financière puisque son salaire, pendant une période d’absence, continuait de lui être versé par l’employeur.
La Commission des lésions professionnelles, après analyse des articles pertinents de la loi et consultation de la jurisprudence qui a été déposée en l’instance, conclut que la CSST devait donner suite à la demande que lui présentait l’employeur à l’effet de suspendre les versements d’indemnité du remplacement du revenu puisque le travailleur, qui refusait de faire le travail qu’on lui avait assigné temporairement, suivant les termes de l’article 142, alinéa 2, n’a pas démontré pour ce faire une raison valable au sens de la loi.
C’est avec intérêt que la Commission des lésions professionnelles a suivi le cheminement décisionnel du Bureau de révision. C’est ainsi qu’elle est en accord avec les énoncés suivants que l’on retrouve à cette décision :
«Dans un premier temps, le Bureau de révision ne peut retenir l’argument de l’employeur voulant qu’un motif raisonnable prévu à l’article 142 découle uniquement et obligatoirement de la procédure de contestation prévue à l’article 37 de la LSST.
Le Bureau de révision a procédé à une lecture attentive de la jurisprudence déposée par l’employeur et il n’en retient pas les mêmes conclusions que ce dernier à savoir, l’application des articles 37 et suivants de la LSST au cas en l’espèce.
Un tel argument, aussi général dans son application, omet le libellé prévu expressément à l’article 179, alinéa 3, paragraphe 2 qui prévoit que :
«Si le travailleur croit qu’il n’est pas raisonnablement en mesure d’accomplir les tâches auxquelles il est affecté par l’employeur (...)»
L’article 179 susmentionné réfère donc à une contestation que le travailleur peut loger à l’encontre de son assignation temporaire décidée par son médecin traitant lorsqu’il est en désaccord avec ce dernier.
Le Bureau de révision estime que l’article 37 fait également référence à des motifs qui reposent sur des raisons médicales ou professionnelles qui empêchent le travailleur d’accepter d’accomplir une assignation temporaire. Ainsi, le libellé de l’article 37 fait reposer le recours sur la capacité personnelle du travailleur à exercer le travail qui lui assigné :
«Si le travailleur croit qu’il n’est pas raisonnablement en mesure d’accomplir les tâches auxquelles il est affecté par l’employeur (...)»
Ainsi, des expressions telles que «raisonnablement en mesure d’accomplir les tâches» et «n’est pas d’accord avec le médecin traitant» doivent être lues ensemble pour comprendre que la finalité de ces articles repose principalement sur des questions d’ordre médical ou de capacités personnelles à accomplir l’emploi auquel l’employeur veut assigner le travailleur (...)»
Cependant, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure, comme l’a fait préalablement le Bureau de révision, que l’article 179 inclut, de façon accessoire, des questions relatives à la régularité de la procédure d’assignation temporaire.
Ce n’est pas non plus ce que soutient le procureur de l’employeur devant la Commission des lésions professionnelles puisqu’il soumet que l’article 37 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail doit être lu en conjonction avec l’article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles mais que cela n’exclut pas pour autant la possibilité, pour un travailleur, de faire valoir en application du sous-paragraphe e) de la l’alinéa 2 de l’article 142, toute autre raison qu’il appartiendra à la CSST de déclarer valable ou non.
En l’espèce, les seules prétentions de l’employeur, qui rejoint en cela celles du travailleur, sont à l’effet que la convention collective qui lie les parties ne peut être opposée à l’employeur dans le contexte d’une décision de suspension temporaire des versements d’indemnité de remplacement du revenu puisque la CSST n’a aucune juridiction sur l’interprétation et l’application de ladite convention collective.
Appelée à se prononcer sur une question présentant des similitudes avec la présente affaire, la Commission d’appel a rendu une décision, le 29 septembre 1987, sous la signature du commissaire Laurent McCutcheon[1]. À cette occasion, la Commission d’appel décidait que les dispositions contenues dans une convention collective, par ailleurs plus avantageuses que celles prévues à la loi, ne pouvaient être opposées à la CSST pour obtenir que celle-ci déclare une affection non conforme et que, de ce fait, elle verse des indemnités de remplacement du revenu.
Ce principe a été depuis repris à plusieurs occasions et notamment dans l’affaire Rachel Monast et Hôtel-Dieu de Sorel[2]. Dans la décision qu’elle rend à cette occasion, la Commission d’appel écrit :
«Ce 16 septembre 1988, la travailleuse refuse cette affectation, non pas parce que l'affectation proposée n'est pas conforme aux restrictions contenues au certificat ou parce qu'elle estimait n'être pas raisonnablement en mesure d'effectuer le travail (elle a d'ailleurs confirmé devant la Commission d'appel qu'elle n'a pas fait une telle contestation) mais elle refuse l'affectation proposée en invoquant une disposition de sa convention collective qui exigerait son consentement à une telle affectation.
Peut-on, par convention, élargir la portée de la loi en ajoutant une condition additionnelle à l'affectation, en l'occurrence le consentement de la travailleuse?
Requérir le consentement de la travailleuse à une réaffectation, c'est ajouter à la loi, qui ne prévoit pas une telle condition à la réaffectation.
Quand il s'agit de payer une indemnité (c'est la conséquence qui découle de la non affectation, en l'espèce), la Commission qui est un organisme public est régie par une loi d'ordre public. On ne peut, par convention, stipuler pour un tiers, c'est-à-dire, en l'espèce, obliger en fait la Commission à payer des indemnités qu'elle n'aurait pas à payer en vertu de la loi.
Si l'affectation proposée par l'employeur était conforme à la loi et au certificat émis, le refus d'occuper l'affectation et la cessation de travail ne pouvait conférer à la travailleuse le droit aux indemnités prévues par la loi.
Il est vrai que le deuxième alinéa de l'article 4 de la loi prévoit expressément qu'une convention peut prévoir des dispositions plus avantageuses que la loi. Mais si tel est le cas, ces dispositions doivent être résolues dans le cadre de la convention collective, par voie de grief et, surtout, elles ne peuvent engager la Commission, qui n'est pas partie prenante à une telle convention, à verser des indemnités.
C'est dans ce sens que la Commission d'appel a tranché dans l'affaire Séguin et Hôtel-Dieu de Montréal [CALP dossier 01527-62-8612, 29 septembre 1987, monsieur le commissaire Laurent McCutcheon]:
«Les articles 4 et 5 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail édictent que:
4. La présente loi est d'ordre public et une disposition d'une convention ou d'un décret qui y déroge est nulle de plein droit.
Cependant une convention ou un décret peut prévoir pour un travailleur, une personne qui exerce une fonction en vertu de la présente loi ou une association accréditée des dispositions plus avantageuses pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur.
5. Rien dans la présente loi ou les règlements ne doit être interprété comme diminuant les droits d'un travailleur ou d'une association accréditée en vertu d'une convention, d'un décret, d'une loi, d'un règlement, d'un arrêté en conseil ou d'une ordonnance.
Par ces dispositions, le législateur a voulu que les travailleurs puissent obtenir des conditions plus avantageuses que ce qu'il a lui-même édicté. Par ailleurs, il a voulu que la Loi sur la santé et la sécurité du travail ne puisse diminuer les droits que la travailleuse a obtenus en vertu de sa convention collective.
Toutefois, de telles dispositions contenues dans une convention collective ne peuvent être opposées à la Commission pour obtenir de celle-ci qu'elle déclare une affectation non conforme et de ce fait, qu'elle verse des indemnités de remplacement du revenu. La Loi sur la santé et la sécurité du travail n'accorde pas un tel droit. Si la travailleuse voulait faire valoir un tel droit, elle devait exercer le recours approprié en vertu de sa convention collective».
En conséquence, ayant refusé l'affectation sans motif relié à la loi, la travailleuse n'a pas droit aux indemnités prévues à l'article 36 de cette loi, à compter de la date du refus d'occuper l'affectation proposée, soit à compter du 16 septembre 1988.»
Dans la décision du Bureau de révision faisant l’objet du présent appel, on peut lire :
«L’article 142, alinéa 2, est rédigé de façon suffisamment large pour comprendre les motifs raisonnables ou valables que peut avoir un travailleur non seulement ceux correspondant à la finalité des articles 37 et suivants mais pour tous autres motifs, y compris celui invoqué en l’espèce.
Le Bureau de révision estime que le travailleur, qui a refusé d’accomplir l’assignation temporaire en évoquant le respect de sa convention collective, opposait ainsi un motif raisonnable au sens de l’article 142, alinéa 2, paragraphe e), un motif lui permettant de bénéficier de conditions supérieures à la loi, c’est-à-dire le droit de recevoir une indemnité de remplacement du revenu alors que son employeur lui permet spécifiquement un tel droit en vertu de sa convention collective.
Si l’employeur est insatisfait du droit qu’il a accordé en vertu de la convention collective, un droit supérieur à la loi, il peut revoir ce droit dans le cadre de la renégociation de la convention collective. Il n’appartient pas à la Commission d’arbitrer les droits supérieures qu’un employeur accorde à ses travailleurs en vertu d’une convention collective. Il s’agit là d’un litige d’ordre contractuel qui n’a pas à être tranché par la Commission.»
La Commission des lésions professionnelles souscrit en partie à cet énoncé qui veut que l’alinéa 2 de l’article 142 soit rédigé de façon suffisamment large pour comprendre les motifs raisonnables ou valables que peut avoir un travailleur et qui sont non associés à la finalité des articles 37 et suivant de la Loi sur la santé et la sécurité du travail.
Elle ne peut cependant conclure, comme le fait le Bureau de révision, que l’employeur pouvait convenir par entente d’accorder un droit relevant de la loi mêmes si les conditions d’application de la loi ne sont pas rencontrées. Ce dont convient l’employeur, dans le cadre d’une convention collective ou d’une entente particulière n’est pas illégal ou irrégulier, ainsi qu’il est stipulé à l’article 4 de la loi mais cela ne saurait intervenir dans le processus d’application de la loi et ne peut être mise en application par le biais de la loi mais uniqueemnt suivant le processus prévu à la convention collective, ce qui, de toute évidence ne relève pas de la CSST.
La Commission des lésions professionnelles, dans le cadre du présent dossier, doit conclure qu’elle n’a pas juridiction pour appliquer, interpréter ou apprécier les termes de la convention collective liant l’employeur et le travailleur, pouvoir que ne détenait pas non plus la CSST qui n’avait pas à retenir ce motif comme valable au sens de l’article 142, alinéa 2.
Qui plus est et de façon subsidiaire, la Commission des lésions professionnelles note que l’intervention de la CSST dans un processus qui relève de l’appréciation de la convention collective n’a eu pour seul effet que de pénaliser l’employeur au chapitre de l’imputation, en regard du taux de chargement puisqu’en ce qui concerne le travailleur, celui-ci pouvait toucher, pendant la suspension des versements de l’indemnité de remplacement du revenu, la rémunération prévue à sa convention collective et continuait de bénéficier des autres indemnités et prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Dans ces circonstances, il y a donc lieu de faire droit à l’appel de l’employeur et d’infirmer la décision du Bureau de révision ainsi que la décision rendue par la CSST le 26 juin 1997.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE l’appel de l’employeur, Sûreté du Québec;
INFIRME la décision du Bureau de révision Québec rendue le 21 novembre 1997;
et
DÉCLARE qu’en absence de raisons valables, la CSST se devait de suspendre les versements d’indemnité de remplacement du revenu au travailleur, M. Marcel Huot, et ce conformément au sous-paragraphe e de l’alinéa 2 de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour la durée de la période correspondant au refus, par le travailleur, de faire le travail que son employeur lui avait assigné temporairement, en conformité des prescriptions des articles 179 et 180.
Me Claude Bérubé
Commissaire
HUOT LAFLAMME, AVOCATS
(Me Louis-P. Huot)
500, Grande-Allée est, bureau 102
Québec (Québec)
G1R 2J7
Représentant de la partie appelante
A.P.P.Q.
(M. Robert Bronsard)
1981, rue Léonard-de-Vinci
Sainte-Julie (Québec)
J3E 1Y9
Représentant de la partie intéressée
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.