DÉCISION
[1] Le 21 novembre 2002, monsieur Christian Marotte (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête afin de faire révoquer une décision rendue par cette instance le 7 novembre 2002.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 19 décembre 2001.
L'OBJET DE LA REQUÊTE
[3] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision rendue par cette instance pour le motif qu’il n’a pas pu être entendu pour des raisons suffisantes.
[4] Le travailleur ainsi que Bennu Innovation inc. (l’employeur) étaient représentés à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles.
L'AVIS DES MEMBRES
[5] Tant le membre issu des associations syndicales que celui issu des associations d’employeurs estiment que le travailleur a démontré qu’il n’a pas pu être entendu par la Commission des lésions professionnelles pour une raison jugée suffisante. En effet, ils estiment que si le travailleur ne s’est pas présenté à l’audience pour laquelle il avait été convoquée, c’est dû à une erreur commise par le bureau du procureur du travailleur. Ils sont d’avis qu’il n’a pas été démontré que le travailleur a été négligent dans le suivi de son dossier et, d’autre part, ils estiment que l’employeur n’a pas démontré subir un préjudice si la décision est révoquée.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il a été démontré un motif donnant ouverture à la révocation de la décision rendue par cette instance le 7 novembre 2002.
[7] L’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[8] Au soutien de sa requête, le travailleur soulève le paragraphe 2 de l’alinéa 1 de l’article 429.56.
[9] Dans l’affaire Imbeault et SÉCAL[2], la Commission des lésions professionnelles mentionne que lorsque le paragraphe 2 de l’alinéa 1 de l’article 429.56 est soulevé par une partie, qu’il revient au tribunal d’apprécier, dans chaque cas, la preuve soumise et de décider si des raisons suffisantes ont été démontrées pour expliquer que la partie n’a pas pu se faire entendre. Dans cette décision, le tribunal précise que les raisons invoquées doivent être sérieuses et qu’il ne doit pas y avoir eu négligence de la part de la partie qui prétend n’avoir pu se faire entendre.
[10] La soussignée estime qu’à partir du moment où la partie n’a pas été négligente dans le suivi de son dossier et qu’il est démontré qu’elle n’a pas été entendue par la Commission des lésions professionnelles pour une raison hors de son contrôle que la requête en révocation doit être accueillie.
[11] Dans le présent cas, le travailleur a été convoqué par la Commission des lésions professionnelles pour une audience le 5 novembre 2002. Le 25 septembre 2002, le travailleur a consulté un avocat, Me André Laporte, et l’a mandaté afin de le représenter devant la Commission des lésions professionnelles. Lorsque le travailleur a consulté Me Laporte, il avait deux dossiers en litige à la suite de décisions rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST). Il a demandé à Me Laporte de contester la décision rendue par la CSST à la suite de l’avis émis par le Bureau d’évaluation médicale (le BEM) à la direction de la révision administrative et dans l’autre dossier, de le représenter à l’audience devant la Commission des lésions professionnelles.
[12] Me Laporte a informé son client qu’il allait demander une remise de l’audience parce qu’il n’était pas disponible le 5 novembre 2002 étant retenu devant la Cour supérieure et compte tenu du fait que le dossier médical n’était pas complet et qu’il devait demander une expertise médicale. Me Laporte a assuré à son client qu’il allait faire la demande de remise et que celle-ci serait certainement accordée compte tenu qu’il s’agissait d’une première demande de remise et des motifs invoqués. Tel qu’il a l’habitude de le faire, Me Laporte a dicté pour sa secrétaire ce qu’elle devait faire dans le dossier. Il a demandé à celle-ci de préparer un avis de comparution pour la direction de la révision administrative et une autre pour la Commission des lésions professionnelles. Il lui a également demandé de préparer une demande de remise pour l’audition devant la Commission des lésions professionnelles et de faire les entrées à son agenda pour le suivi du dossier.
[13] Selon les explications fournies par l’avocat du travailleur, toutes les instructions qu’il a dictées pour la Commission des lésions professionnelles et le suivi du dossier à son agenda n’ont pas été enregistrés et il a perdu de vue le dossier du travailleur.
[14] La Commission des lésions professionnelles n’ayant pas reçu l’avis de comparution de Me Laporte ni la demande de remise a tenu l’audience. La décision a été rendue le 7 novembre 2002, laquelle fut notifiée au travailleur le 13 novembre 2002. C’est le 19 novembre 2002 que Me Laporte a pris connaissance de cette décision. Il a alors fait des vérifications à son bureau pour savoir ce qui s’était passé et il a réalisé que les instructions pour la Commission des lésions professionnelles n’avaient pas été enregistrées.
[15] L’employeur fait valoir que l’avocat et le travailleur ont été négligents dans le suivi du dossier. Il relate que la Commission des lésions professionnelles a transmis au travailleur une note de la CSST avisant qu’elle ne serait pas présente à l’audience et un autre document déposé par l’employeur. Selon l’employeur, le travailleur aurait dû réagir lorsqu’il a reçu ces documents.
[16] Dans la présente affaire, la preuve révèle clairement que si le travailleur ne s’est pas présenté à l’audience le 5 novembre 2002 c’est parce que son avocat lui a dit qu’il allait demander une remise et l’a assuré, compte tenu des motifs invoqués, qu’elle serait accordée. Le travailleur a fait confiance à son avocat et il ne s’est pas présenté à l’audience croyant que celle-ci allait être remise.
[17] La preuve ne permet pas de conclure que le travailleur a été négligent dans le suivi de son dossier. N’étant pas familier avec la procédure à la Commission des lésions professionnelles, il est normal qu’il ait fait confiance à son avocat.
[18] Considérant les explications fournies par le travailleur et son avocat, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il a été démontré que le travailleur n’a pas pu se faire entendre, pour une raison jugée suffisante.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée par monsieur Christian Marotte le 21 novembre 2002;
RÉVOQUE la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 7 novembre 2002;
AVISE les parties qu’elles seront convoquées à nouveau à une audience.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.