Décision

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Droit de la famille — 161752

2016 QCCS 3392

JC2308

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-12-281754-055

 

 

 

DATE :

13 juillet 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CHANTAL CORRIVEAU, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

C... D...

Demandeur

c.

M... V...

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Les parties s’opposent concernant le calcul des aliments payables au bénéfice de leurs enfants.

[2]           Le divorce est prononcé par jugement du 22 mars 2006 entérinant un consentement.  Madame a alors la garde des deux enfants et une pension alimentaire de 1 108,60 $ est payable mensuellement.  Un autre consentement est entériné par le Tribunal le 18 mars 2010.

[3]           Selon ce dernier jugement, monsieur doit verser à madame une pension alimentaire de 1 600 $ par mois au bénéfice de la fille du couple.  Le fils étant déjà sous l'entière responsabilité financière du père et sous sa garde effective depuis 2009.  L'entente prévue pour une durée de cinq ans prend fin le 31 décembre 2014.

[4]           X fréquente l’université.  Selon madame, il est autonome puisqu'il jouit de revenus importants.

 

[5]           Monsieur est d'avis que X est totalement dépendant de lui et qu'il demeure un enfant à charge.  Monsieur souhaite que madame contribue aux frais de X, ce qu'elle ne fait pas depuis 2009.

[6]           Les parties sont également les parents d'une fille âgée de 17 ans.  Y fait partie de l'équipe du Québec [dans le sport A].  En 2012, les parents conviennent de sa garde partagée.

[7]           Monsieur défraie sa participation [dans le sport A], au coût d'environ 30 000 $ annuellement.  De plus, il assume les frais de scolarité d'école privée.  Madame s'occupe des autres besoins de Y.

[8]           Par sa procédure, madame demande au Tribunal de lui accorder certains remboursements de sommes non payées en vertu de l'entente qui a pris fin en 2014 et par la suite.

[9]           Madame demande également une pension alimentaire au bénéfice de Y afin de lui permettre de conserver le niveau de vie auquel cette dernière est habituée.

[10]        Pour ces fins, elle demande au Tribunal d’attribuer à monsieur des revenus de 1 217 719,47 $ par année.  Pour sa part, elle offre de supporter 8 % de certains frais de Y, compte tenu de ses revenus de 105 000 $.

[11]        Enfin, madame demande une provision pour frais de 40 000 $.

[12]        Monsieur demande au Tribunal de reconnaître sa baisse importante de revenus en fonction de son estimé à 170 000 $.  Il ne conteste pas ceux de madame à 105 000 $.  Il estime que les deux enfants sont sous sa garde, de sorte que c'est madame qui devrait lui payer une pension alimentaire.

[13]        Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

1)    Quels sont les revenus de monsieur?

2)    Y est-elle en garde partagée?

3)    X est-il un enfant à charge?

4)    Quels sont les ajustements à appliquer à la suite de l'entente qui a pris fin le 31 décembre 2014?

5)    Quelle sera la nouvelle pension alimentaire?

 

6)    Madame a-t-elle droit à une provision pour frais de 40 000 $?

—————

1)  Quels sont les revenus de monsieur?

[14]        Dans sa procédure antérieure, madame soutenait que les revenus de monsieur étaient de 700 109,40 $[1].

[15]        La veille de l'audition, madame amende sa procédure afin que le Tribunal établisse les revenus de monsieur à 1 217 719,47 $ pour l'année 2015.

[16]        Pour appuyer sa prétention, elle utilise les données suivantes :

La moyenne des dividendes versés à monsieur de 2011 à 2014 inclusivement

786 674,25 $

L'ajout de la majoration de 38 % pour tenir compte de l'impôt payable par celui qui reçoit le dividende

298 936,20 $

Le salaire versé par [la Compagnie A] à monsieur en 2015

132 109,00 $

Total

1 217 719,45 $

[17]        Monsieur conteste et soutient qu'en 2016, son salaire sera limité à 150 000 $ et à 20 000 $ de dividendes pour un revenu global de 170 000 $.  Selon lui, ce chiffre doit servir à titre de la base du calcul pour établir la pension alimentaire au bénéfice de Y.

[18]        À titre alternatif, monsieur déclare que si le Tribunal décide de tenir en compte les bénéfices non répartis des trois sociétés qu'il contrôle, soit [la Compagnie A] (« [la Compagnie A] »), sa compagnie de gestion personnelle [la Compagnie B] (« [la Compagnie B] ») et [la fiducie A] (« la Fiducie »)[2], un certain calcul s'impose.

[19]        Selon lui, il faut retirer des bénéfices non répartis consolidés les placements immobilisés de 1 918 065 $ qui en font partie ainsi que le «working capital» nécessaire à la continuité des opérations de [la Compagnie A] au montant de 1 610 724 $.  Le montant des bénéfices non répartis résiduels est alors de 1 943 765 $.

[20]        En application des principes jurisprudentiels, il accepte de prendre 5 % de ce dernier montant, soit une somme de 100 000 $ à ajouter à ses revenus.  Ainsi, selon ce scénario alternatif, le revenu de monsieur est de 170 000 $ (son salaire et dividendes anticipés) plus 100 000 $ (une portion des bénéfices non répartis) afin de lui reconnaître des revenus totaux de 270 000 $ pour 2016 aux fins du calcul de la pension alimentaire.

 

[21]        Le Tribunal est en désaccord avec les deux approches.

[22]        L’organigramme des sociétés de monsieur démontre une fiducie familiale dont les bénéficiaires sont les deux enfants ainsi que lui-même.  La fiducie est 100 % actionnaire de sa compagnie de gestion personnelle [la Compagnie B] et cette dernière est 100 % actionnaire de son entreprise [la Compagnie A], dont il a le contrôle exclusif depuis 2013.

[23]        Monsieur est actionnaire unique et seul administrateur des trois sociétés, dont il a été mention.  Il en est l'alter ego sans aucun doute.

[24]        Depuis sa fondation par monsieur en 2007, [la Compagnie A] a réalisé des profits très intéressants.  Jusqu’en 2015, monsieur s’est versé un généreux salaire ainsi que des dividendes importants[3].

[25]        À titre de comparatif, voici certaines données provenant des états financiers non vérifiés de [la Compagnie A][4] :

 

Années

Bénéfices bruts

Bénéfices nets

Dividendes déclarés

Bénéfices non répartis

2011

2 365 781 $

1 549 874 $

850 000 $

1 123 377 $

2012

2 928 924 $

915 521 $

-

2 040 486 $

2013

1 299 507 $

466 335 $

312 303 $

2 197 893 $

2014

217 242 $

277 268 $

615 000 $

1 861 651 $

2015

315 178 $

295 584 $

25 773 $

2 125 070 $

 

[26]        Également, il convient de préciser les revenus déclarés par monsieur au fil des années :

 

 


Revenus de monsieur selon ses déclarations d'impôts

2011

601 299,66 $[5]

2012

931 970,44 $[6]

2013

298 726,08 $[7]

2014

700 109,40 $[8]

2015

178 576,61$[9]

 

[27]        Jusqu'en 2012, [la Compagnie A] a deux actionnaires, soit [la Compagnie B] et [la Compagnie C] pour 9 %.  Par la suite, [la Compagnie B] devient la seule actionnaire de [la Compagnie A].

[28]        Ainsi, des dividendes sont versés de [la Compagnie A] à [la Compagnie B].  Voici les données de 2011 à 2015[10] :

2011

1 106 016 $

2012

1 094 174 $[11]

2013

325 637 $

2014

620 870 $

2015

48 032 $

[29]        [La Compagnie B] a toujours été sous le contrôle unique de monsieur.  De même, il a toujours été actionnaire majoritaire de [la Compagnie A] détenant un minimum de 91 % des actions jusqu'à ce qu'il obtienne 100 % des actions en 2013.

[30]        Monsieur insiste pour faire état de la baisse du marché des ressources naturelles depuis l’année 2012 pour expliquer sa prétention selon laquelle ses revenus seront limités à 170 000 $ cette année.

[31]        Pourtant, en 2013, monsieur réalise deux transactions immobilières qui illustrent sa richesse personnelle.

[32]        Il vend une maison secondaire à Ville A à sa sœur pour 300 000 $, immeuble acquis en 2007 pour 322 605 $, sans compter le prix des rénovations effectuées et qui ont coûtées entre 20 000 $ et 25 000 $.  De plus, sa sœur ne repaie pas sa dette, étant elle-même en difficulté financière.

[33]        À la même époque, en 2013, il acquiert une seconde résidence à Ville A avec sa nouvelle conjointe, copropriétaire à 10 %, au coût de 783 500 $.  Pour réaliser cet achat, [la Compagnie A] déclare en 2014 un dividende de 543 340,50 $[12]  et  prête les fonds à monsieur.  [La Compagnie A] inscrit un prêt à l'actionnaire qu'il ne rembourse pas.

[34]        Peu avant en 2011, [la Compagnie B] acquiert une résidence à Ville B au coût de 1 860 000 $ dans laquelle des rénovations de 200 000 $ sont effectuées.  [La Compagnie B] est propriétaire de l'immeuble avec la nouvelle conjointe de monsieur, cette dernière possédant un tiers du titre de propriété[13].

[35]        En application de l’article 446 C.p.c., le Tribunal peut hausser le revenu déclaré en raison du potentiel de revenus non réalisés par certains éléments d’actifs.  Également, selon l’article 9 du Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants[14], le Tribunal prendra en compte toutes les sources de revenus afin de déterminer la capacité réelle du débiteur.

[36]        Le Tribunal tient à préciser que nous ne sommes pas dans un cas où monsieur cache ses revenus ou n’est pas transparent quant à ses avoirs.  Cependant, les variations récentes des revenus que monsieur se déclare, depuis 2015, l’année où la présente procédure est instituée, ne peuvent suffire à justifier aveuglément une allégation de baisse de revenus.  Il faut creuser davantage pour analyser le portrait complet afin de déterminer le juste montant de revenus à attribuer à monsieur aux fins d’établir la pension alimentaire.

[37]        Ainsi, le niveau de vie de monsieur est un indice[15], la moyenne de ses revenus des années passées un autre, les actifs détenus immobilisés ou non des sociétés et personnels, la disponibilité de dividendes et les bénéfices non répartis des sociétés entièrement contrôlées par le débiteur[16] sont autant d’éléments à soupeser.  Bien entendu, il n’est pas approprié de simplement cumuler les bénéfices non répartis pour établir un revenu[17].  Ces bénéfices sont une des composantes à l’analyse des revenus.

[38]        Selon la preuve habilement présentée par l'avocate de madame, le Tribunal retient que monsieur a des actifs très importants et qu'il jouit d'un très haut niveau de vie, étant libre de disposer de ses actifs comme bon lui semble.

[39]        Il a les moyens de voyager régulièrement, de fréquenter les hôtels et restaurants haut de gamme et d'offrir à ses enfants tout ce que ces derniers désirent et même d'avantage.  En effet, son niveau de vie ne démontre aucun ajustement à la baisse.

[40]        Néanmoins, le Tribunal reconnaît que [la Compagnie A] a connu une période de décroissance.  Cette société a perdu en 2012 un important contrat.  Cela a nécessité une diversification des activités.  [La Compagnie A] étant active dans le domaine de la vente de ressources naturelles, elle a déjà connu des années plus profitables.

[41]        Selon le Tribunal, [la Compagnie A] pourra, grâce aux talents de monsieur, développer de nouveaux secteurs et retrouver la voie de la profitabilité, même si aujourd'hui, ce n'est pas encore le cas.  La perte récente de certains contrats et la baisse de profitabilité concernant la revente de ressources naturelles se fait sentir, mais la possibilité de retrouver la rentabilité d'antan est bien réelle.

[42]        Monsieur n'a que 48 ans et conserve une bonne capacité de gains.  Sa situation va demeurer fort avantageuse dans l'avenir.

[43]        Par ailleurs, le Tribunal note que monsieur jouit d'une discrétion totale quant à l'allocation de dividendes qu'il se verse pour combler ses revenus.

[44]        Tenant en compte les données financières précitées aux fins d'établir une pension alimentaire, le Tribunal considère que monsieur, grâce à sa capacité de gain issue de son salaire et de la disponibilité de dividendes et de ses actifs, doit se faire attribuer des revenus d'un montant de 700 000 $ pour 2015 et 2016 aux fins de calcul de la pension alimentaire.

2)  Y est-elle en garde partagée?

[45]        Les parties ont déposé et commenté un calendrier démontrant l’emploi du temps de Y durant l'année 2015-2016[18].  Les parties veulent ainsi établir le pourcentage de temps que Y passe avec chacun d’eux ou est sous leur responsabilité.  Y est avec chaque parent environ le tiers du temps.

[46]        Vu sa participation à l'équipe du Québec [dans le sport A], elle est régulièrement éloignée du domicile de ses parents.

[47]        À ces fins, elle est prise en charge par l'équipe pour des entraînements ou des courses qui se déroulent du mois de juin à avril et logée hors du domicile de chacun des parents le tiers de son temps.

[48]        Selon monsieur, tout le temps que Y passe au [sport A] doit être considéré comme du temps où elle est sous sa garde, puisque c'est lui qui paie entièrement les 30 000 $ de frais reliés à cette activité.

[49]        Monsieur est d’avis qu’en cumulant les jours où Y réside chez lui avec les journées où elle est [au sport A], le Tribunal devrait lui reconnaître qu’elle est à 66 % du temps sous sa responsabilité.  Le calcul de la pension alimentaire devrait donc refléter le fait que Y est effectivement sous sa garde avec accès prolongés à la mère.

[50]         Madame, quant à elle, compare plutôt le temps réel que Y passe avec son père par rapport au temps qu'elle passe avec elle pour soutenir que le temps est semblable.  Pour madame, Y demeure en garde partagée.

[51]        Selon le Tribunal, il faut considérer que si Y n'est pas au [sport A], elle passe la moitié de son temps avec son père et l'autre moitié avec sa mère.  Le fait que monsieur débourse tous les coûts liés au [sport A], car il en a largement la capacité financière et la volonté, ne change pas le principe de base selon lequel les parents ont consenti depuis 2012 à la garde partagée de la jeune fille.

[52]        Le Tribunal retient que Y demeure en garde partagée.

3) X est-il un enfant à charge?

[53]        Madame estime que X n'est plus un enfant à charge.  Il bénéficie de revenus très importants en 2015, notamment à la lumière des dividendes qui lui ont été versés par la Fiducie familiale.

[54]          X est actuellement aux études et travaille à temps partiel en plus de recevoir des revenus de la Fiducie.  Ainsi, en 2015, il gagne 61 279,69 $, soit 21 337,37 $ en revenus d'emploi en travaillant entre autres pour la compagnie de son père, 36 012,48 $ en revenus de la Fiducie et 3 929,84 $ provenant d’un régime d'épargne-étude.

[55]        Il semble que la situation sera un peu différente cette année puisqu'il est en stage coopératif et qu'il travaillera moins souvent pour la compagnie de son père.  Ainsi, pour l'année 2016, monsieur estime que les revenus d'emploi de X seront d'environ 16 000 $.

[56]        Par ailleurs, monsieur demande à madame de contribuer aux frais de X soit directement ou par le paiement d’une pension alimentaire.  Ce dernier est en deuxième année de génie à l'Université A.  Il loge dans un condo acheté par une des compagnies de son père.  Il reçoit des dividendes importants qui lui permettent de payer un loyer, les frais afférents à son condo et ses coûts de subsistance.

 

[57]        Les revenus, salaires et dividendes lui permettent de défrayer ses coûts de logement, transports, vêtements et loisirs.

[58]        X est un enfant à charge de son père et sous sa garde depuis 2009.  Ce dernier supportant l'ensemble de ses dépenses non couvertes par les salaires qu’il gagne.  Cette situation est issue de l'accord des parties mis en œuvre il y a sept ans et découle également du fait que monsieur a beaucoup plus de ressources financières et d'actifs que madame.

[59]        Il serait injuste que madame participe aux frais d'habitation de X, alors que monsieur est l'ultime bénéficiaire. 

[60]        À la lumière de ce fait, X, qui est déjà en deuxième année d'université et qui travaille à temps partiel pour son père, doit demeurer à la charge financière de son père.

4)  Quels sont les ajustements à appliquer à la suite de l'entente qui a pris fin le 31 décembre 2014?

[61]        Madame formule diverses réclamations.  Dans un premier temps, elle réclame l'indexation de la pension alimentaire pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014, soit 3 852,36 $.

[62]        L'entente intervenue entre les parties prévoit l'indexation et monsieur ne l'a jamais payée.  Selon monsieur, les parties ont toujours reconnu entre elles que la pension alimentaire n’était pas indexable.

[63]        Le Tribunal est d'avis que l'entente est claire, madame a droit à l'indexation de la pension alimentaire.  Ainsi, monsieur devra lui payer 3 852,36 $ représentant l'indexation de la pension alimentaire pour enfants due pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014.

[64]        Madame demande au Tribunal de condamner monsieur à lui verser la somme de 3 500 $ représentant l'allocation de vacances à laquelle elle avait droit en 2013 et que monsieur n'a jamais payée.

[65]        Selon l'entente des parties, madame doit fournir des factures de voyage et monsieur s'engage alors à lui rembourser jusqu'à 3 500 $ annuellement pour qu'elle puisse prendre des vacances avec chacun des enfants.

[66]        Or, en mai 2013, X a été arrêté pour conduite en état d'ébriété et c‘est à l’été qui a suivi qu’il n'a pas voyagé avec sa mère.  Monsieur est néanmoins parti en vacances avec lui au cours de l'été 2013.

 

[67]        Au moment de la planification des vacances de la mère, monsieur a déjà annoncé à X qu'il prend l'argent qu'il aurait autrement destiné à rembourser sa mère pour qu'elle voyage avec lui pour payer les frais d'avocat qu'il lui a embauché aux fins de contester l'infraction.

[68]        Le Tribunal ne peut accorder rétroactivement l'indemnité de voyage puisque celui-ci n'a pas eu lieu et que la preuve n'établit pas que X devait voyager avec sa mère en 2013.

[69]        Madame réclame la somme de 30 677,44 $ représentant la portion de 92  % des dépenses qu'elle souhaite obtenir de monsieur pour couvrir les dépenses de Y encourues durant la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.

[70]        À compter du 1er janvier 2015, monsieur cesse de payer la pension alimentaire estimant que sa baisse de revenus le justifie.  L'entente n'est plus en vigueur à cette époque.

[71]        Madame,  concilie l'ensemble des dépenses qu'elle a défrayé et qu’elle encourt pour Y[19].  Soulignons que certaines dépenses sont personnelles à madame comme celles relatives à ses déboursés pour assister aux courses [dans le sport A] de Y qui ont lieu à travers la province de Québec.  Elle réclame les frais de déplacements, des séjours à l'hôtel et des repas.  De plus, elle réclame ses frais de location d’un chalet à Ville A à l’époque où Y s’y entraîne de façon régulière.

[72]        Étant donné que monsieur défraie tous les frais d'inscription [pour le sport A], le Tribunal ne peut inclure dans les frais particuliers les dépenses afférentes à madame pour qu'elle puisse accompagner sa fille [au sport A].

[73]        Il n'y a aucun doute qu'il est très bénéfique pour Y d'avoir la présence de ses parents lors des courses, mais chacun doit assumer ses propres dépenses et le Tribunal n’accorde pas de remboursement de ces coûts à madame.

[74]        Monsieur a pris l'engagement de continuer de payer tous les frais afférents à la pratique du [sport A] par Y, y compris les équipements, déplacements, physiothérapie, camps d'entraînement, frais de course, etc.  Ce sont des frais particuliers qui ne sont pas tenus en compte dans le calcul de la pension alimentaire.

[75]        De plus, les frais de scolarité de Y et de X sont entièrement pris en charge par monsieur, ce sont également des frais particuliers.

[76]        Ainsi, seules les dépenses reliées directement à l'exercice du [sport A] pour Y qui ont été déboursées par madame devront être remboursées par monsieur.  Les conclusions précisent les montants visés.

[77]        D'ailleurs, monsieur a toujours remboursé à madame les dépenses [pour le sport A] à chaque fois qu'elle lui a remis une facture.

[78]        Les autres dépenses sont comprises dans la pension alimentaire que le Tribunal va établir rétroactivement au 1er janvier 2015.  Ainsi, il en va de même pour les dépenses réclamées pour 2016, elles sont, soit couvertes par la pension alimentaire ou remboursées, si elles sont reliées au [sport A] ainsi que les frais d’inscription d’école postsecondaire pour Y.  Celles de 2014 ne font pas l’objet de réclamation dans les procédures.

5) Quelle sera la nouvelle pension alimentaire?

[79]        Madame a tenté de convaincre le Tribunal que la pension alimentaire qu'elle doit  recevoir au bénéfice de Y doit être augmentée parce que le barème ne reflète pas le niveau de vie auquel Y est habituée.

[80]        Selon madame, Y a toujours eu un standard de vie qui comprend plusieurs vacances à l'étranger avec chaque parent, des hôtels et restaurants de luxe, des vêtements griffés, les soins esthétiques, l'accès à une carte de crédit pour achats discrétionnaires de plusieurs milliers de dollars, etc., et ce, malgré qu'elle n'a actuellement que 17 ans.

[81]         Pour le Tribunal, il demeure étonnant et malsain que chaque parent se déclare sans le sou et qu'ils continuent tous deux de défrayer pour leurs enfants autant de biens de consommation et de loisirs coûteux au motif qu'il s'agit du standard de vie auquel ces derniers sont habitués.  Les dépenses ainsi engagées ressemblent à un concours de popularité des parents auprès de la jeune fille.

[82]        Rappelons-le, madame gagne un salaire de 105 000 $ et monsieur déclare qu'il aura des revenus de 170 000 $ cette année.

[83]        Le Tribunal est d'avis que la présente situation ne commande pas de déroger au barème, surtout tenant en compte que monsieur débourse les frais d'école privée des deux enfants et les frais liés au [sport A] de compétition pour Y.  Ces montants seront en 2016-2017 d’environ 50 000 $.  De plus, ce montant n’inclut pas les frais de téléphones cellulaires et la carte de crédit discrétionnaire fournis par monsieur et ses sociétés.

[84]        La pension alimentaire ne doit pas déroger du barème dans ces circonstances particulières.

[85]        En conséquence de ce qui précède, la pension alimentaire payable par monsieur à madame au bénéfice de Y sera de 1 091,61 $ rétroactivement au 1er janvier 2015, indexable annuellement et déduction faite des montants versés par monsieur depuis le 18 septembre 2015.

6) Madame a t-elle droit à une provision pour frais de 40 000 $

[86]        Madame réclame une provision pour frais de 40 000 $ afin de la compenser pour les frais d'avocats issus des présentes procédures.

[87]        Elle déclare que la demande de pension alimentaire est faite entièrement pour le bien-être de Y.  De plus, l'organisation financière et corporative de monsieur est complexe de sorte qu'elle n'a pas eu d'autres choix que d'entreprendre les procédures et de les poursuivre.

[88]        Rappelons qu'au 1er janvier 2015, monsieur refuse de payer toute pension alimentaire estimant ne plus devoir le faire.  À cette époque, l'entente vient de prendre fin.  Il affirme que sa situation financière ne lui permet plus de la payer.  C’est dans ce contexte que madame a consulté et décidé d'entreprendre les procédures judiciaires.

[89]        Elle a refusé la proposition formulée par monsieur d'avoir recours à un arbitre privé ayant été échaudée par son expérience antérieure avec un médiateur unique.

[90]        Madame a déjà reçu 25 565,09 $ de factures d'honoraires et déboursés de ses procureurs qu'elle a entièrement acquittées.  En termes de travaux en cours jusqu'à la préparation du procès, 11 568,94 $ doivent y être ajoutés.  Évidemment, les deux journées de procès n'ont pas encore été comptabilisées.

[91]        Ainsi, l'on peut estimer que les 40 000 $ demandés par madame sont insuffisants pour couvrir l'ensemble des honoraires et déboursés qu'elle aura à acquitter aux fins des présentes procédures.

[92]        Monsieur s'oppose à toute provision pour frais estimant que madame n'a offert aucune collaboration. 

[93]        De plus, dès après le jugement d'ordonnance intérimaire prononcé par l'honorable juge Poisson le 18 septembre 2015, monsieur a accepté de se soumettre à un interrogatoire qui a eu lieu en octobre 2015.  Une masse de documents a alors été échangée.  D'ailleurs, la très grande majorité des documents financiers présentés à l'audience ont été colligés par l'avocate de madame.

[94]        Cette dernière a jugé inutile d'encourir des frais ou de participer à l'obtention d'une expertise commune comptable pour établir les revenus de monsieur, soit le notional income.

[95]        Monsieur a même obtenu des devis de deux firmes comptables, la plus basse étant 8 000 $, la plus haute à 15 000 $ afin d'établir ses revenus.  L'offre a été refusée, même s'il a offert d'acquitter l'entièreté de ces coûts.  L'avocate de madame estimant qu'elle n'a pas besoin d'une telle expertise pour établir les revenus de monsieur.

[96]        Ce dernier se plaint donc d'avoir lui-même dû encourir des frais d'avocats face au refus de madame de négocier.

[97]        En matière de provision pour frais, le Tribunal doit bien entendu examiner la situation financière des parties et leur comportement au cours du litige.

[98]        Dans le cas présent, tel que précédemment indiqué, les revenus de madame sont de 105 000 $ et le Tribunal établit les revenus de monsieur aux fins de pension alimentaire à 700 000 $.  Par ailleurs, monsieur jouit d'actifs immobilisés actuellement nettement supérieurs.  Le sommaire apparaissant à la dernière page de son bilan révèle ce qui suit.

[99]        Selon le sommaire des trois sociétés, monsieur possède des actifs de 2 374 373 $ duquel on doit déduire le passif de 763 649 $ pour un résidu de 1 610 724 $.  En y ajoutant les immobilisations nettes (moins dettes à long terme) de 1 918 065 $ et les placements 1 943 765 $, les actifs des sociétés de monsieur valent 5 472  554 $, sans compter ses actifs personnels.

[100]     Selon l’état du patrimoine de madame du 5 août 2015, elle a des actifs d’une valeur nette de 611 080,00 $.  La disparité financière entre les parties est donc énorme.

[101]     Peut-on estimer que l'attitude de madame a été telle que le Tribunal doive lui refuser une provision pour frais?

[102]     En l'occurrence, madame explique avoir appris après la fin de l'entente de 2010 quelle est la véritable étendue des revenus et des actifs de monsieur.  À l'époque où l'entente de 2010 a été négociée et entérinée par jugement, madame n'a obtenu que les copies des déclarations d'impôts personnelles de monsieur.

[103]     L'avocate de ce dernier explique qu'à l'époque, il n'était aucunement nécessaire d'inclure dans les revenus de particuliers les revenus de fiducie.  La jurisprudence ayant depuis évolué.

[104]     N'eut été de la recherche documentaire effectuée par l'avocate de madame, le dossier ne permet pas de conclure que sans les procédures judiciaires, toute l'information financière émanant de monsieur aurait été communiquée à madame.

[105]     Aurait-il été possible après que tous les engagements aient été répondus dans le cadre de la préparation du dossier en vue de la présente requête, que des négociations puissent avoir lieu?  Certes, mais peut-on reprocher à madame d'avoir mené de l'avant les présentes procédures?  Le Tribunal ne peut conclure en ce sens.  Rappelons que monsieur a maintenu au procès que ses revenus se limiteront à 170 000 $ cette année.

[106]     Ainsi, de la somme de 40 000 $ que réclame madame, le Tribunal est d'avis qu'une somme de 30 000 $ à titre de provision pour frais doit lui être attribuée.

[107]     En effet, même si madame réclame des aliments pour sa fille, il demeure qu'elle n'est pas sans ressource et qu'elle doit supporter une partie de ses coûts.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[108]     CONFIE aux parties la garde partagée de l'enfant Y;

[109]     CONDAMNE à M. C... D... à payer à Mme M... V... la somme de 3 852,36 $ représentant l'indexation de la pension alimentaire pour enfants due pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014;

[110]     PREND ACTE de l'engagement de M. C... D... de rembourser à Mme M... V... les dépenses encourues directement au bénéfice de Y aux fins de ses activités [du sport A], à savoir la somme de 2 435,02 $, laquelle se détaille comme suit :

2015

camp de vitesse

95,00 $

vêtements [pour le sport A]

432,27 $

équipement [pour le sport A]

1 289,17 $

mouthpiece

90,00 $

2016

Équipement [pour le sport A]

478,58 $

mouthpiece

50,00 $

[111]     PREND ACTE de l'engagement de M. C... D... de continuer de payer  l'ensemble des coûts reliés à l'exercice du [sport A] par Y;

[112]     PREND ACTE de l'engagement de M. C... D... de continuer de payer l'ensemble des coûts, y compris les frais d’inscription postsecondaire, les manuels et les activités pour l'éducation de Y et de X alors que les vêtements, nourriture et transports de Y sont à la charge de madame;

[113]     PREND ACTE de l'engagement de Mme M... V... de rembourser M. C... D... de toute indemnité à être reçue de son programme d'assurance en remboursement de dépenses encourues par ce dernier au bénéfice de Y et X;

[114]     CONDAMNE M. C... D..., à compter du 1er janvier 2015, à verser à Mme M... V..., au bénéfice de Y, une pension alimentaire mensuelle de 1 091,61 $, indexable annuellement, déduction faite des montants versés par monsieur à la suite du jugement rendu par l'honorable juge Élise Poisson le 18 septembre 2015;

[115]     CONDAMNE M. C... D... à payer à Mme M... V... une somme de 30 000 $ à titre de provision pour frais;

[116]     REJETTE la réclamation de M. C... D... pour obtenir une pension alimentaire de Mme M... V... payable au bénéfice de X;

[117]     ORDONNE aux parties de respecter leurs engagements indiqués aux présentes;

[118]     LE TOUT, sans frais de justice.

 

 

__________________________________

CHANTAL CORRIVEAU, j.c.s.

 

Me Joanne Biron et

Me Vanessa Leblanc

Miller, Thomson

Avocates du demandeur

 

Me Natacha Calixte

Robinson, Sheppard, Shapiro

Avocate de la défenderesse

 

Dates d’audience :

4 et 5 juillet 2016

 



[1]     Selon le formulaire Annexe 1 signé par madame en date du 5 août 2015.

[2]     Les bénéficiaires de la Fiducie sont monsieur et les deux enfants, Y et X.

[3]     Nous reviendrons plus loin sur l'année 2013.

[4]     A-12 a été préparé par monsieur et l’information concernant les dividendes de 2012 n’a pas été communiquée.

[5]     D-12, p. 7.

[6]     Id., p. 46.

[7]     Id., p. 111.

[8]     Id., p. 174.

[9]     D-31, p.3.

[10]    A-13, ce tableau a été préparé par monsieur.

[11]    En 2012, l’année financière de [la Compagnie A] est passée du 31 mars au 30 septembre ainsi l’état financier à cette dernière date indique un autre dividende de 3 467 $.

[12]    D-12, p. 174.

[13]    Monsieur possède via ses sociétés d'autres immeubles, soit un condo à Ville C où loge X et un autre condo à Ville B, rue A.

[14]    RLRQ, c. C-25, r. 6.

[15]    Droit de la famille - 07934, [QCCA] 579 (C.A.); Droit de la famille - 15256, 2015 QCCA 318.

[16]    R. (R.) c. S. (J.), REJB 2003-47908 (C.A.).

[17]    Droit de la famille - 15319, 2015 QCCS 690.

[18]    A-7 et A-7a.

[19]    D-23.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.