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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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RÉGION : |
Laurentides |
SAINT-ANTOINE, le 9 octobre 2001 |
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DOSSIER : |
154442-64-0101-C |
DEVANT LE COMMISSAIRE : |
Robert Daniel |
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ASSISTÉ DES MEMBRES : |
Gisèle Lanthier |
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Associations d’employeurs |
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Andrée Bouchard |
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Associations syndicales |
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ASSISTÉ DE L'ASSESSEUR : |
Bernard Gascon, médecin |
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DOSSIER CSST : |
114875156 |
AUDIENCE TENUE LE : |
3 juillet 2001 |
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À : |
Saint - Antoine |
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DÉCISION CORRIGÉE |
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DENISE MORIN |
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PARTIE REQUÉRANTE |
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et |
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JOSÉ & GEORGES INC. |
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PARTIE INTÉRESSÉE |
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DÉCISION
[1] La Commission des lésions professionnelles a rendu une décision le 24 septembre 2001.
[2] La Commission des lésions professionnelles constate qu’une erreur d’écriture s’est glissée dans les deuxième et troisième paragraphes du dispositif. Ces paragraphes se lisent comme suit :
« INFIRME la décision rendue, le 18 janvier 2000, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, en révision administrative ;
DÉCLARE nulle la décision rendue, le 24 mai 2001, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, faisant suite à l’avis rendu par le membre du Bureau d'évaluation médicale ; »
[3] Ces paragraphes devraient se lire comme suit :
« MODIFIE la décision rendue, le 18 janvier 2001, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, en révision administrative ;
DÉCLARE nulle la partie de la décision rendue, le 24 mai 2001, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, faisant suite à l’avis rendu par le membre du Bureau d'évaluation médicale, concernant l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles ; »
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Robert Daniel |
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Commissaire |
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F.A.T.A. - Montréal (Me Pierre Leduc) |
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Représentant de la partie requérante |
DÉCISION
[1] Le 29 janvier 2001, madame Denise Morin (la travailleuse) dépose, auprès de la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle elle conteste, le 18 janvier 2001, une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme sa décision du 24 mai 2001 qui fait suite à un avis rendu par un membre du Bureau d'évaluation médicale. La CSST statue ainsi que la date de consolidation de la lésion est le 5 mai 1999 ; que les soins ou traitements ne sont plus justifiés au-delà de cette date ; que la lésion n’a entraîné aucune atteinte permanente ; et que la lésion n’a pas entraîné de limitation fonctionnelle. Elle conclut que la travailleuse est capable d’exercer son emploi à partir du 5 mai 1999 et n’a donc plus droit aux indemnités prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [L.R.Q., c. A-3.001] (la loi).
[3] À l’audience, la travailleuse est présente et représentée. José & Georges inc. (l’employeur) est également présent.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître l’existence d’une atteinte permanente évaluée à 1,5 % et les limitations fonctionnelles décrites par le docteur Fortin, lesquelles sont confirmées par le docteur Gauthier et le docteur Banville.
LES FAITS
[5] Le 15 avril 1998, la travailleuse produit une Réclamation du travailleur alléguant un événement survenu le 18 mars 1998 et ainsi décrit :
« Je prenai une pile assiettes (12) j’ai toussé et j’ai senti une douleur atroce je me suis senti très mal je croyai perdre conaissance. » (sic)
[6] Le 18 mars 1998, le docteur Perreault complète une Attestation médicale et mentionne une fracture de la sixième côte, en postérieur à droite. Pour sa part, le docteur Gauthier note, le 30 mars 1998, une fracture de la 5e côte à droite avec présence d’une douleur thoracique et possibilité d’une névralgie post-traumatique.
[7] La travailleuse suit des traitements de physiothérapie. Le docteur Gauthier retient, en septembre 1998, le diagnostic de dorsalgie avec lésion à la 5e côte postérieure.
[8] Le 10 septembre 1998, une radiographie de l’hémithorax droit, avec tomographie, fait part d’une ancienne fracture consolidée de l’arc postérieur de la 7e côte droite avec un cal osseux proéminent.
[9] Notant toujours la présence d’une dorsalgie, le docteur Hudon diagnostique une ostéochondrite thoracique à droite et procède à une infiltration, le 8 décembre 1998.
[10] Le 5 mai 1999, le docteur Fortin, physiatre, examine la travailleuse, en vertu de l’article 204 de la loi. La travailleuse accuse toujours une douleur à la région dorsale inférieure droite lorsqu’elle est appuyée en station assise sur une chaise ou encore en décubitus dorsal. Le docteur Fortin conclut que les traitements sont suffisants et, en l’absence de condition pathologique sous-jacente, consolide la lésion au 5 mai 1999. Le docteur Fortin conclut ce qui suit :
« Existence et pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique selon le barème des dommages corporels :
Il persiste un syndrome douloureux d’intensité modérée suite à cette fracture modérée de la 7e côte droite. Cette fracture présentait un décalage initial de 6 mm et une radiographie de contrôle en septembre démontrait un cal osseux important. Un DAP est justifié dans ce contexte :
Code 204675 : Fracture de côte consolidée avec séquelles fonctionnelles mineures : 1.5%
Existence et évaluation de limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle :
Madame Morin présente des difficultés avec les charges et également lors de mouvements de l’épaule droite. L’examen clinique a mis en évidence un léger déficit de l’amplitude de la flexion antérieure et de l’abduction de l’épaule droite à cause de phénomènes douloureux ressenti au niveau du pli costal inférieur droit. Les limitations fonctionnelles suivantes s’appliquent :
- Éviter de soulever ou de transporter des charges supérieures à 10 kg sur une base régulière.
- Éviter les mouvements au-dessus de la hauteur normale des épaules soit 90° de flexion antérieure et/ou d’abduction combinés avec le membre supérieur droit. »
[11] Le 10 juin 1999, le docteur Gauthier, médecin qui a charge, complète un Rapport complémentaire. Le docteur Gauthier mentionne un diagnostic de névralgie post‑traumatique, consolidée le 10 juin 1999, en soulignant que la travailleuse pourrait bénéficier de l’usage d’un « Tens » à domicile et possiblement de quelques autres infiltrations par le physiatre. Le docteur Gauthier inscrit :
« […]
4. Je suis d’accord avec le pourcentage de DAP.
5. D’accord pour limitations fonctionnelles de 10 kg et de ne pas travailler avec les bras plus haut que les épaules.
Suggère réadap. si incompatible avec son ancien emploi. »
[12] À l’audience, la travailleuse affirme ressentir des douleurs au dos et au côté en postérieur lorsqu’elle fait des mouvements de va-et-vient avec ses bras, serre la main alors que son épaule n’est pas en appui, si elle lève son bras ou si elle appuie son dos contre un mur. Elle prend de « l’Empracet » aux deux semaines et a reçu une infiltration. Elle ressent toujours les mêmes symptômes que lors des examens du docteur Fortin et du docteur Daoud.
[13] Selon les notes évolutives de la CSST du 18 février 2000, la travailleuse n’a pas revu le docteur Gauthier à la suite de l’expertise du docteur Fortin. Selon la travailleuse, le docteur Gauthier n’a pas trouvé d’explication, alors que le docteur Fortin lui a bien expliqué sa condition. La CSST demande alors à la travailleuse de :
« […]
1) demande à ® de prendre RV avec le médecin de son choix et d’apporter expertise Dr Luc Fortin on pourra alors accorder le % incapacité et les limitations si on reçoit RMF.
[…] » (sic)
[14] Subséquemment, le même jour, à la suite d’un appel auprès de l’employeur pour vérifier les possibilités d’emploi, la CSST convient qu’elle devra déterminer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail. Une rencontre est fixée avec la travailleuse, le 21 février 2000, dans le but d’expliquer le processus de réadaptation. Il est fait mention de réadaptation physique, sociale et professionnelle. Il est convenu que la travailleuse trouvera un médecin pour produire un Rapport final et qu’une rencontre est à prévoir pour déterminer un emploi convenable, dès la réception d’un Rapport final.
[15] Le 4 avril 2000, les notes évolutives font part que :
« Dossier doit aller au BEM avec conso. att.perm + limitation ».
[16] Un formulaire de transmission auprès du membre du Bureau d'évaluation médicale est complété le 19 avril 2000. Dans ce formulaire, les conclusions médicales du docteur Fortin sur la date de consolidation, la suffisance des soins, l’existence de limitations fonctionnelles et d’une atteinte permanente y sont spécifiées. Il n’est, cependant, aucunement fait mention du Rapport Complémentaire et des conclusions médicales du docteur Gauthier, médecin qui a charge.
[17] Le 1er mai 2000, le docteur Daoud, orthopédiste, examine la travailleuse à titre de membre du Bureau d'évaluation médicale. Dans son historique, il rapporte l’ensemble des rapports médicaux présents au dossier, le dernier étant celui du 5 mai 1999 complété par le docteur Fortin, physiatre. Il n’est aucunement fait mention du Rapport complémentaire rédigé par le docteur Gauthier, le 10 juin 1999. Le docteur Daoud fixe la date de consolidation de la lésion au 5 mai 1999, avec suffisance des soins, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[18] La CSST rend, le 24 mai 2000, une décision faisant suite à cet avis, décision qui est contestée par la travailleuse, donnant lieu au présent litige.
[19] Le 17 janvier 2001, la travailleuse est examinée par le docteur Banville. Ce dernier note une douleur à la palpation de l’espace intercostale entre la 6e et la 7e côte et une douleur à l’articulation costo-vertébrale, suggérant une ostéochondrite par subluxation de l’articulation costo-vertébrale. Il pose un diagnostic de séquelles de fracture de la 7e côte avec névralgie intercostale et ostéochondrite. Il attribue un déficit anatomo‑physiologique de 1,5 % pour une fracture de côte consolidée avec séquelles fonctionnelles et retient les limitations fonctionnelles émises par le docteur Fortin.
L'ARGUMENTATION DES PARTIES
[20] Le procureur de la travailleuse plaide l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale. Si le médecin traitant est d’accord avec les conclusions médicales retenues par le médecin désigné, il n’y a pas de litige et la CSST devient alors liée par ces conclusions, le Rapport complémentaire devenant alors le Rapport final du médecin qui a charge. Les seuls litiges demeurent la date de consolidation et la nature des soins, contestations qui auraient pu être soumises au Bureau d'évaluation médicale. De plus, le formulaire de transmission ne fait aucune mention du Rapport Complémentaire. Il s’étonne, de plus, que le dossier soit soumis au Bureau d'évaluation médicale un an plus tard, sans qu’aucune raison ne soit indiquée au dossier. Il s’agit d’une procédure déraisonnable et ce processus cause un préjudice sérieux à la travailleuse.
[21] Enfin, la preuve médicale prépondérante est à l’effet que la travailleuse possède les limitations fonctionnelles et l’atteinte permanente décrites par le docteur Fortin. Il demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue en révision administrative à cet égard.
L'AVIS DES MEMBRES
[22] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que le dossier ne pouvait être soumis au Bureau d'évaluation médicale, aucun litige ne subsistant quant à l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. La procédure est donc irrégulière. De plus, la preuve médicale prépondérante permet de reconnaître l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, telles que constatées par l’ensemble des médecins examinateurs.
[23] Le membre issu des associations d’employeurs estime, pour sa part, que la CSST pouvait soumettre le dossier au Bureau d'évaluation médicale. À son avis, le membre du Bureau d’évaluation médicale possède la compétence pour se prononcer sur l’ensemble des sujets, puisqu’il existe une différence entre l’évaluation du médecin désigné et celle du médecin qui a charge, quant au diagnostic et à la date de consolidation. La procédure est donc régulière en vertu de la loi. Aussi, l’examen du docteur Daoud, membre du Bureau d'évaluation médicale, constitue la preuve médicale prépondérante et ses conclusions doivent être reconduites.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[24] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse, à la suite de sa lésion professionnelle subie le 18 mars 1998, demeure avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[25] En réponse à l’argument du procureur de la travailleuse, la Commission des lésions professionnelles doit d’abord déterminer si la procédure d’évaluation médicale prévue au chapitre VI de la loi est régulière.
[26] Les articles pertinents au présent débat sont les articles 204, 205.1, 206 et 217 de la loi qui s’énoncent ainsi :
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui‑ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.
________
1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui‑ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.
________
1997, c. 27, a. 3.
206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.
________
1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.
217. La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.
________
1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.
[27] Subséquemment, la CSST devra rendre une décision en vertu des articles 224 ou 224.1 de la loi qui stipulent :
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
________
1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.
Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.
Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.
La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.
________
1992, c. 11, a. 27.
[28] Dans le présent dossier, la CSST obtient de la part du docteur Fortin, en vertu de l’article 204 de la loi, un rapport daté du 5 mai 1999, consolidant la lésion à cette date, avec suffisance des soins mais avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Le docteur Fortin ne se prononce pas sur le diagnostic, mais attribue un déficit anatomo-physiologique découlant d’un syndrome douloureux d’intensité modéré secondaire à une fracture modérée de la 7e côte droite laquelle démontre un cal osseux important.
[29] Pour sa part, le Rapport Complémentaire du docteur Gauthier précise un diagnostic de névralgie post-traumatique, laquelle est consolidée le 10 juin 1999. Le docteur Gauthier soumet que la travailleuse pourrait bénéficier d’un « TENS » et possiblement de quelques infiltrations. Il précise, sans équivoque, être d’accord avec le pourcentage du déficit anatomo-physiologique et reprend l’énumération des limitations fonctionnelles retenues par le docteur Fortin.
[30] Enfin le dossier est acheminé, le 19 avril 2000, au membre du Bureau d'évaluation médicale, lequel conclut en l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.
[31] De cette séquence d’événement, trois constatations demeurent à la source d’une remise en question de la régularité de la procédure d’évaluation médicale.
[32] Dans un premier temps, il n’y a aucune opposition entre l’opinion du médecin désigné en vertu de l’article 204 de la loi et l’avis du médecin qui a charge, en ce qui a trait à l’existence d’une atteinte permanente et la détermination spécifique de celle-ci par le déficit anatomo‑physiologique (1,5%), et en ce qui a trait à l’existence et la détermination des limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle.
[33] Dans un deuxième temps, le formulaire de transmission au membre du Bureau d'évaluation médicale ne fait aucunement part des conclusions médicales auxquelles parvenait le docteur Gauthier, médecin qui a charge. Ce formulaire ne précise que les conclusions médicales du docteur Fortin, médecin désigné, quant à la date de consolidation, la suffisance des soins, l’existence et le pourcentage de l’atteinte permanente et de l’existence et la détermination des limitations fonctionnelles.
[34] Dans un troisième temps, le dossier est soumis au membre du Bureau d'évaluation médicale au-delà de 10 mois suivant la réception du Rapport Complémentaire du docteur Gauthier, médecin qui a charge
[35] De ces trois constats, deux questions se posent : la CSST se devait-elle de soumettre le dossier au membre du Bureau d'évaluation médicale le 19 avril 2000? Cette procédure, entreprise par la CSST, est-elle irrégulière ou conforme à la procédure prévue aux articles 206 et 217 de la loi?
[36] À la question de savoir si la CSST pouvait ou devait obligatoirement soumettre le dossier au membre du Bureau d'évaluation médicale, comme le prévoit l’article 206 de la loi, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles nous indique qu’il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire. Comme signalé dans la cause Levac et Métro-Richelieu-Jardin Mérite[1] :
« […]
[24] Par l’utilisation du terme « peut » dans ces dispositions, le législateur confère à la CSST le pouvoir discrétionnaire de décider de l’opportunité d’exiger du travailleur qu’il se soumette à l’examen du professionnel de la santé qu’elle désigne et d’ensuite décider de l’opportunité de soumettre le rapport ainsi obtenu au Bureau d’évaluation médicale.
[25] Aucune disposition de la LATMP n’exige, lorsque la CSST utilise ces pouvoirs, qu’elle le fasse pour tous les sièges de lésion identifiés au dossier. Elle a tout le loisir de décider, ayant le pouvoir discrétionnaire de le faire, de n’utiliser la procédure d’évaluation médicale que pour un seul siège de lésion. Ainsi dans la présente affaire, le fait d’obtenir l’avis du docteur Décarie pour le seul siège de lésion de l’épaule et de diriger le dossier au Bureau d’évaluation médicale sur ce seul aspect ne comporte aucune irrégularité.
[…] »
[37] Cette position est également réitérée dans la cause De Chantal et Pepsi-Cola[2], dans laquelle la Commission des lésions professionnelles indique que :
« […]
[31] La jurisprudence de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles et celle de la Commission des lésions professionnelles reconnaît que l'assentiment du médecin qui a charge aux conclusions du médecin désigné par la CSST, lorsque clair et sans ambiguïté, fait en sorte qu'il s'agit d'une conclusion d'ordre médical valablement établie par le médecin qui a charge et qui lie la CSST aux termes de l'article 224 de la loi. Dans l'affaire Grignano et Récital Jeans inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail-Lava2, la Commission des lésions professionnelles fait état de cette jurisprudence et elle s'exprime ainsi :
«
La Commission des lésions professionnelles estime en effet que la réponse
donnée à la CSST le 11 janvier 1999 par le médecin traitant de la travailleuse,
soit le docteur Coughlin, se disant d'accord avec les constatations et
conclusions du docteur Tadros contenues dans rapport d'évaluation médicale du
17 décembre 1998, lie valablement la CSST, conformément aux dispositions de
l'article 224 de la loi.
S'autorisant
valablement des dispositions de l'article 204 de la loi, la CSST a soumis la
travailleuse à une expertise médicale et se pliant aux prescriptions de
l'article 205.1 de la loi, la CSST a soumis le 29 décembre 1998 le rapport
d'évaluation médicale du docteur Tadros au médecin ayant charge de la
travailleuse, le docteur Coughlin, pour commentaires.
Le
docteur Coughlin, ayant répondu clairement et sans ambiguïté le 11 janvier 1999
qu'il convenait des constatations et conclusions avancées par le docteur Tadros
dans son rapport d'évaluation médicale, de l'avis de la Commission des lésions
professionnelles, cette réponse en l'espèce, contenue dans un formulaire de
rapport complémentaire, pouvait valablement lier la CSST aux termes de
l'article 224 de la loi et ainsi donc l'autoriser à se prononcer tel qu'elle
l'a fait le 19 janvier 1999.
La
Commission d'appel en matière de lésions professionnelles et par la suite la
Commission des lésions professionnelles ont déjà décidé que la CSST est liée
par l'avis d'un médecin ayant charge qui se déclare d'accord avec l'opinion du
médecin désigné par la CSST en vertu de l'article 204 de la loi, qui a examiné
la travailleuse3.
Puisque
le législateur n'a pas prévu qu'un travailleur puisse demander une révision ou
en appeler d'une décision de la CSST quant celle-ci vient confirmer les
conclusions du médecin ayant charge de ce même travailleur, la Commission des
lésions professionnelles doit conclure que la décision du 19 janvier 1999 de la
CSST est bien fondée sur ce premier volet de la contestation de la
travailleuse, à savoir d'être liée par le rapport complémentaire du docteur
Coughlin, et il ne saurait donc être question de renvoyer le dossier à la CSST
pour que la travailleuse puisse faire procéder à une nouvelle évaluation
médicale de son atteinte permanente, lui résultant de sa lésion professionnelle
du 3 mars 1997.
_____________
3 Grandbois et Atelier Poly-teck inc.
[1996] CALP 483
;
Béliveau et Relance Aide Emploi Relais (fermée),
C.L.P. 105132-63-9809/105133-63-9809, le 22 juin 1999, Carole Lessard,
commissaire; Charbonneau et Emballages Godin et CDR inc., CLP 106362-32-9811,
le 19 avril 1999, Marie Beaudoin, commissaire; Pouliot et Glassine Canada inc.,
CLP 118707-31-9906, le 28 janvier 2000, Hélène Thériault, commissaire; Marceau
et Gouttière Rive-Sud Fabrication inc., CLP 91084-62-9709, le 2 novembre 1999,
Hélène Marchand, commissaire. »
[32] Il n'est évidemment pas exclu pour la CSST de soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport obtenu du médecin désigné malgré l'assentiment donné par le médecin qui a charge aux conclusions qui y sont retenues.
[33] En effet, les dispositions des articles 204, 205.1 et 206 de la loi sont telles qu'elles permettent à la CSST de soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport obtenu d'un médecin désigné même si celui-ci n'infirme pas les conclusions du médecin qui a charge. Le fait que le médecin désigné infime ou confirme les conclusions de ce médecin constitue un critère qui sert plutôt à déterminer l'obligation qu'a ou non la CSST d'obtenir du médecin qui a charge un rapport complémentaire dans lequel il étaye ses conclusions avant qu'elle ne soumette le rapport du médecin désigné au Bureau d'évaluation médicale.
____________________________
2
[2000] C. L. P. 329
. Voir aussi : Robert et Les Boulangeries
Comas, C. L. P. 134258-71-0003, 31 août 2000, Carmen Racine, révision
rejetée, 8 mars 2000, Micheline Bélanger; Lussier
et Berlines RCL inc. et Commission Scolaire de la
Région-De-Sherbrooke et Commission de
la santé et de la sécurité du travail-Estrie, C. L. P. 122844‑05‑9908,
127984-05-9912 et 128005-05-9912, 21 septembre 2000, Luce Boudreault; Rougas et Commission scolaire Deux-Montagnes, C. L. P. 133643-61-0003, 15
novembre 2000, Santina Di Pasquale; Major
et Industries Mondiales Armstrong, C.
L. P. 149315-61-0011, 12 février 2001, Daniel Martin; Cloutier et LS Ascenseurs
Montenay Div., C. L. P. 141270-63-0006, 15 février 2001,
Michel Denis.
[…] »
[38] Selon cette jurisprudence, la CSST peut, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, soumettre le dossier en tout temps à un membre du Bureau d’évaluation médicale afin que ce dernier procède à l’étude du dossier et rende son avis, et ce, peu importe les conclusions médicales retenues par le médecin désigné et le médecin qui a charge, qu’elles s’opposent ou non. Il s’agit d’une interprétation littérale du texte de loi.
[39] Toutefois, se dégage également une autre interprétation de la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles sur cette question spécifique, et ce, lorsque les opinions médicales ne s’opposent pas.
[40] Ainsi, dans la cause Huaracha et Riviera Fur Styles Inc.[3], la Commission des lésions professionnelles procède à une analyse des dispositions prévues à l’article 206 en relation avec l’article 217 de la loi. Ainsi, s’exprime la Commission des lésions professionnelles :
« […]
[10] À l’article 205.1 de la loi, le législateur utilise les mots «infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur» et à l’article 217, les mots «soumet sans délai les contestations». Or, puisque le médecin désigné par la CSST n'infirme pas les conclusions du médecin ayant charge du travailleur quant au diagnostic d'entorse lombaire, la CSST ne pouvait pas remettre en cause, par la procédure d’évaluation médicale, ce diagnostic non contesté. La CSST pouvait soumettre au Bureau d’évaluation médicale la question du diagnostic en regard des genoux vu la divergence d’opinion des médecins sur ce point.
[11] Il est vrai qu’en vertu du deuxième alinéa de l’article 221 de la loi, le membre du Bureau d’évaluation médicale peut donner son avis sur un des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l’article 212 et ce, même si le médecin ayant charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l’employeur ou par la CSST ne s’est pas prononcé relativement à ce sujet. Toutefois, ce n’est pas le cas présentement puisque les deux médecins se sont prononcés sur le diagnostic et ont tous deux retenu le diagnostic d’entorse lombaire.
[12] Compte tenu de cette irrégularité, la Commission des lésions professionnelles n’est pas compétente pour revoir le diagnostic d’entorse lombaire.
[…] »
[41] Cette interprétation est davantage développée dans la cause Lussier et Berlines RCL inc. et CSST-Estrie[4], dans laquelle la Commission des lésions professionnelles énonce que :
« […]
[44] La jurisprudence soumise et les recherches effectuées par le Tribunal démontrent que lorsqu’un médecin traitant est en accord avec les conclusions d’un professionnel de la santé désigné par la Commission, cette réponse du médecin traitant permet à la CSST de rendre une décision conformément aux dispositions de l’article 224 de la loi. Il a donc été jugé, à plusieurs reprises, qu’il n’était pas nécessaire de soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale dans un tel cas. À cet égard, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles s’exprimait ainsi dans l’affaire Grandbois et Atelier Poly-Teck inc.
«(…)
De
l’avis de la Commission d’appel, la loi n’exige pas qu’un médecin traitant
réponde spécifiquement sur un rapport final et la réponse du docteur Oulianine
contenue dans le formulaire Information médicale complémentaire écrite du 31
mars 1994 correspond aux exigences de la loi.
La
Commission d’appel estime par ailleurs qu’elle en serait arrivée à des
conclusions différentes si le médecin traitant de la travailleuse s’était dit
en désaccord avec les conclusions du professionnel de la santé désigné par la
Commission contenues dans le rapport d’évaluation médicale du 22 février 1994
et que malgré ce désaccord, la Commission avait fondé ses conclusions sur le
rapport d’évaluation du docteur Lamoureux.
Dans ces circonstances, la Commission aurait effectivement contourné les
dispositions de la loi en ne soumettant pas le dossier de la travailleuse au
Bureau d’évaluation médicale.
Or,
pour les motifs exposés précédemment, le médecin traitant de la travailleuse
étant en parfait accord avec les conclusions du professionnel de la santé
désigné par la Commission, la réponse du médecin traitant habilitait donc la
Commission à rendre une décision conformément aux dispositions de l’article 224
de la loi.
(…)»3
___________
3 [1996]
CALP 483-489. Au même effet,
voir : Lafond et Garderie Yogi inc., CALP, 61737-63-9408,
1996‑06‑10, B. Lemay commissaire; Ernst Briceus et Les
teintures Concorde, CLP 105960-73-9810, 1999‑02-08, L. Boudreault
commissaire.
[…] »
[42] De l’avis du soussigné, cette position reflète davantage l’esprit de la loi, laquelle reconnaît la primauté du médecin qui a charge, et le but visé par la procédure d’évaluation médicale prévue au chapitre VI de la loi. Le Bureau d'évaluation médicale doit son existence dans un but de règlement d’un conflit entre deux conclusions médicales contradictoires au dossier. Le rôle du membre du Bureau d'évaluation médicale demeure, après avoir pris connaissance du dossier et des opinions médicales émises par les parties et avoir examiné le travailleur, de donner une appréciation médicale, en tenant compte des conclusions déjà présentes au dossier et de les pondérer en fonction de son propre avis dans un but d’arbitrage. C’est ce que signale l’article 220 de la loi qui édicte :
220. Le membre du Bureau d'évaluation médicale étudie le dossier soumis. Il peut, s'il le juge à propos, examiner le travailleur ou requérir de la Commission tout renseignement ou document d'ordre médical qu'elle détient ou peut obtenir au sujet du travailleur.
Il doit aussi examiner le travailleur si celui‑ci le lui demande.
________
1985, c. 6, a. 220; 1992, c. 11, a. 22.
[43] Et ce rôle se voit confirmer par les dispositions énumérées à l’article 221 de la loi qui stipule :
221. Le membre du Bureau d'évaluation médicale, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la Commission ou l'employeur, relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu.
Il peut aussi, s'il l'estime approprié, donner son avis relativement à chacun de ces sujets, même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet.
________
1985, c. 6, a. 221; 1992, c. 11, a. 23.
[44] Comme le souligne la Commission des lésions professionnelles dans la cause Lussier et Berlines RCL Inc. et CSST-Estrie[5] :
« […]
[54] Le Tribunal estime donc qu’on ne peut conclure, de cette seule décision, que la CSST doit, nécessairement, et dans tous les cas, soumettre au Bureau d’évaluation médicale un dossier lorsqu’elle fait examiner un travailleur par le médecin désigné et qu’elle demande les commentaires du médecin traitant par la suite puisque cela est faire une abstraction totale de l’article 205.1, qui est en vigueur depuis 1997.
[55] En effet, le deuxième alinéa indique bien que la CSST peut (et non doit) soumettre les rapports au Bureau d'évaluation médicale. Lorsqu’un médecin traitant est d’accord sur toutes les conclusions d’ordre médical émises par un autre médecin, que cet accord est clairement exprimé et que le travailleur est dûment informé par son médecin de cet accord, le Tribunal ne voit alors pas l’utilité ou la nécessité d’acheminer le tout au Bureau d'évaluation médicale, aucune opinion contradictoire ne le nécessitant. Il est possible qu’un travailleur ne soit pas en accord avec son propre médecin, cela s’est déjà vu, mais la loi ne lui permet pas de contester son propre médecin.
[…] »
[45] Par ailleurs, cette interprétation est retenue dans une cause très récente, Blanchette et Pétroles J.C. Trudel Inc. et CSST-Abitibi-Témiscamingue[6], dans laquelle, à la suite d’une revue de la jurisprudence, la Commission des lésions professionnelles se prononce ainsi :
« […]
[51] Tel que le rappellait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire St-Louis et Centre hospitalier de soins de longue durée René-Lévesque4, par ces dispositions, le législateur consacre le principe de la primauté de l’avis du médecin ayant charge du travailleur sur les questions d’ordre médical.
[…]
[54] Dans le présent cas, la Commission des lésions professionnelles constate que le médecin qui a charge ne diverge pas d’opinion avec le médecin désigné par la CSST sur la question du diagnostic. Ils sont tous les deux d’avis que le travailleur a subi une entorse dorsolombaire, le 13 décembre 1998. Cependant, ils divergent d’opinion sur la question de la date de consolidation de la lésion et sur l’existence ou non d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles attribuables à cette lésion. La CSST demande tout de même au Bureau d'évaluation médicale de se prononcer sur l’ensemble des éléments de l’article 212 y compris la question du diagnostic. Le membre du Bureau d'évaluation médicale retient aussi le diagnostic d’entorse dorsolombaire et il est du même avis que le médecin désigné par la CSST sur tous les autres éléments médicaux prévus à l’article 212. Le travailleur conteste la décision de la CSST faisant suite à l’avis du membre du Bureau d'évaluation médicale et il demande à la Commission des lésions professionnelles de retenir un nouveau diagnostic de hernie discale L5-S1 non consolidée tel que déterminé par le docteur Bergeron.
[55] La CSST pouvait-elle demander l’avis du Bureau d'évaluation médicale sur le diagnostic alors que le médecin désigné par la CSST ne contredisait pas l’opinion du médecin qui a charge sur cette question?
[56] Après avoir analysé la jurisprudence sur le sujet, la Commission des lésions professionnelles constate qu’il s’en dégage trois courants.
[57] Selon une jurisprudence minoritaire de la Commission des lésions professionnelles, en vertu des articles 204, 205.1, 206 et 221, la CSST a toute latitude pour soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport du médecin qu’elle a désigné même si celui-ci confirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur6.
[58] Par ailleurs, il se dégage d’une autre tendance jurisprudentielle de la Commission des lésions professionnelles que le 1er alinéa de l’article 221 permet au membre du Bureau d'évaluation médicale de donner son avis sur tous les sujets prévus à l’article 212 du moment que le médecin désigné par l’employeur ou la CSST infirme l’opinion du médecin qui a charge sur un seul de ces sujets7.
[59] D’autre part, il se dégage un troisième courant de jurisprudence selon lequel la CSST peut demander au membre du Bureau d'évaluation médicale de donner son avis sur un sujet prévu à l’article 212 de la loi lorsque le médecin désigné par la CSST ou l’employeur infirme l’opinion du médecin qui a charge relativement à ce sujet8. Dans certaines de ces décisions, la Commission des lésions professionnelles précise aussi que, en vertu du 2e alinéa de l’article 221, le Bureau d'évaluation médicale peut donner son avis sur les sujets prévus à l’article 212 lorsque le médecin qui a charge ou le médecin désigné ne s’est pas prononcé sur un tel sujet. Cependant, l’article 221(2) ne concerne pas le cas où les deux médecins se prononcent dans le même sens sur la même question médicale.
[60] En outre, dans l’affaire Bouliane et Hervé Pomerleau9, la Commission des lésions professionnelles a retenu ce qui suit :
« 59. Il en résulte que l’avis du membre du BEM
est illégal puisque les articles 204, 205.1 et 206 de la loi permettent à ce
membre de se prononcer sur l’un des sujets prévus à l’article 212 dans les deux
situations suivantes : ou bien le médecin désigné par la CSST infirme
l’opinion du médecin qui a charge ou bien le médecin qui a charge ne s’est pas
prononcé sur un sujet précis, auquel cas le membre du BEM peut tout de même
donner son avis. Aucune de ces
situations ne se retrouve en l’instance pour le diagnostic. » [sic]
[61] Ainsi, dans cette cause, la Commission des lésions professionnelles a conclu que le membre du Bureau d'évaluation médicale ne pouvait se prononcer sur le diagnostic qui n’était pas remis en question par le médecin désigné par la CSST.
[…]
[63] La soussignée est d’avis que le même raisonnement doit s’appliquer au présent cas. À la lecture du 1er alinéa de l’article 221 et de l’ensemble des dispositions relatives à la procédure d’évaluation médicale, la Commission des lésions professionnelles retient que le rôle du Bureau d'évaluation médicale est d’abord de donner son opinion sur des questions d’ordre médical sur lesquelles il y a un litige. En effet, le pouvoir du Bureau d'évaluation médicale est d’ « infirmer » ou de « confirmer » les conclusions d’ordre médical, ce qui implique l’existence d’une différence ou d’une contradiction entre deux opinions médicales. Cette interprétation respecte aussi le principe de la primauté de l’avis du médecin traitant. D’autre part, à l’instar de la Commission des lésions professionnelles dans la cause précitée, la soussignée est d’avis que l’article 221(2) ne concerne pas le présent cas puisque les deux médecins ont retenu le même diagnostic.
[64] En conséquence, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la CSST ne pouvait soumettre la question du diagnostic au Bureau d'évaluation médicale en l’absence de litige sur cette question.
___________________
4 CLP,
114337-62-9903, 2000-06-15, L. Vallière
6 Herrerra et Construction Albert Jean ltée, CLP, 110671-61-9902, 1999-07-05, M.
Denis; De Chantal et Pepsi Cola ltée, ltée, CLP,
151978-61-0012, 2001-05-07, G. Morin
7 Rondeau et Société en commandite PH Entreprises, CLP, 125130-71-9910,
2000-05-05, A. Vaillancourt; Tremblay
et Société de transport de la communauté
urbaine de Montréal, CLP, 122618-71-9908 et 135516-71-0004, 2000-09-29, A.
Vaillancourt; Gilbert et Resto-Pub 57, CLP, 132775-04-0002, 2000‑07‑27,
L. Boudreault; Lapierre et Les Produits
aluminium CBC inc., CLP, 127080-64-9911, 2000‑08‑22, D. Martin
8 Précitée note 4.
Huaracha et Riviera Fur Styles inc., CLP,
118441-73-9906, 2000-01-07, D. Taillon; Montecalvo
et André Créations de cuir inc., CLP,
126403-73-9910, 2000-07-14, F. Juteau; Courcelles
et Gazette (the), CLP, 126795-72-9911
et 126874-72-9911, 2000-03-31, R. Langlois; Bouliane
et Hervé Pomerleau, CLP,
120026-05-9907-C, 2000-10-19, M. Allard; Lapointe
et Les Entreprises agricoles et
forestières de Percé, CLP, 126312-01B-9911, 2000-12-14, L. Desbois
9 Précitée
note 8
[…] »
[46] La Commission des lésions professionnelles, à la suite de l’analyse de cette jurisprudence, conclut que le processus entrepris par la CSST, dans le présent dossier, dénature l’essence même de la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi et entache la régularité de celle-ci. La procédure d’évaluation médicale mise de l’avant par la CSST, dans le présent dossier, n’est pas conforme à l’esprit de la loi et doit être annulée pour cause d’irrégularité.
[47] Le soussigné conclut, dans le présent dossier, qu’il était totalement inutile de soumettre le dossier pour fins d’évaluation au membre du Bureau d'évaluation médicale en ce qui a trait à la détermination de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Certes, subsiste une contradiction eu égard à la date de consolidation et la suffisance des soins. Sur cet aspect, notons qu’il n’y a qu’un mois entre la date de consolidation par le médecin désigné par la CSST et le médecin qui a charge. De plus, le médecin qui a charge, malgré la consolidation de la lésion professionnelle au 10 juin 1999, proposait la poursuite de certains soins ce que ne reconnaissait pas, le médecin désigné. À cet effet, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que le dossier pouvait alors être soumis pour fins d’évaluation au membre du Bureau d'évaluation médicale, mais seulement sur ces deux seules questions. Certains argumenteront que le dossier, une fois transmis au Bureau d'évaluation médicale, pouvait faire l’objet d’un avis par le membre du Bureau d'évaluation médicale, à sa discrétion, sur tous les aspects touchant les conclusions médicales y compris l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.
[48] Cependant, le soussigné considère qu’il n’était pas de la compétence du membre du Bureau d'évaluation médicale de se prononcer sur l’existence et la détermination d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.
[49] En effet, le deuxième alinéa de l’article 221 de la loi est bien précis à cet égard. Il y est mentionné que le membre du Bureau d'évaluation médicale peut donner son avis relativement à chacun des sujets même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l’employeur ou la Commission ne s’est pas prononcé relativement à ce sujet. Or, dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles constate que, et le médecin désigné par la Commission et le médecin qui a charge se sont prononcés sur le sujet. Ils se sont prononcés d’autant plus qu’ils sont également en parfaite harmonie quant aux conclusions médicales à retenir eu égard à l’existence et à la détermination de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Il ne devenait pas du ressort du membre du Bureau d'évaluation médicale de substituer alors son opinion dans une telle situation.
[50] Dans un deuxième volet, le fait que la CSST, dans son formulaire de transmission au Bureau d'évaluation médicale ne fasse part que de l’avis du médecin désigné, alors qu’elle est en possession d’un Rapport complémentaire complété par le médecin qui a charge, invalide-t-il la procédure d’évaluation médicale?
[51] Dans la cause Bisceglia et Plimétal Inc. et CSST-Mtl-4.[7], la Commission des lésions professionnelles énonce ceci :
« […]
[50] L’article 204 de la loi lui permet d’exiger du travailleur qu’il se soumette à l’examen d’un professionnel de la santé qu’elle désigne, afin d’obtenir un rapport sur toute question relative à la lésion. Aucun délai n’est prévu et la CSST peut exercer ce pouvoir en tout temps.
[51] L’article 206 de la loi lui permet de soumettre le rapport ainsi obtenu au Bureau d’évaluation médicale afin qu’il se prononce sur l’une ou plusieurs des questions d’ordre médical prévues à l’article 212 et ce, même si le médecin qui a charge ne s’est pas prononcé, comme en l’espèce.
[52] Il n’y a donc aucune irrégularité à ce que le formulaire de transmission au Bureau d’évaluation médicale ne comporte pas l’identification du rapport contesté du médecin qui a charge du travailleur.
[…] »
[52] Bien que la jurisprudence statue que ce motif à lui seul n’invalide pas la procédure, il y a tout de même lieu de se questionner sur l’intention véhiculée par la CSST par un tel geste. Peut‑on penser que le membre du Bureau d'évaluation médicale, constatant l’unanimité entre le médecin désigné et le médecin qui a charge quant à l’existence et la détermination de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, ne se serait pas prononcé sur ces sujets? Ou encore, qu’à défaut, il ait jugé opportun de substituer son opinion, comme le prévoit le deuxième alinéa de l’article 221 de la loi, notant que le médecin qui a charge ne s’était pas prononcé sur la question? Ces interrogations demeurent, certes, sans réponse. Toutefois, le soussigné considère que le membre du Bureau d'évaluation médicale a été induit en erreur dans son appréciation du dossier en ne connaissant pas l’opinion du médecin qui a charge et l’unanimité des conclusions médicales entre les médecins examinateurs quant à l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. L’appréciation du dossier par le membre du Bureau d'évaluation médicale devient ainsi grandement amoindrie, étant initialement faussé par l’analyse du dossier transmis.
[53] Dans un troisième volet, la Commission des lésions professionnelles constate que la CSST transmet le dossier au membre du Bureau d'évaluation médicale au-delà de plus de dix mois de la réception du Rapport Complémentaire, complété par le médecin qui a charge. Ce délai invalide-t-il pour autant la procédure ?
[54] À cette question, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles nous indique que l’article 217 de la loi, tout en ne spécifiant pas de délai précis, comporte cependant la notion de la nécessité d’agir avec célérité Ainsi s’exprime la Commission des lésions professionnelles dans la cause Mitchell Inc. et CSST-Laval[8], dans laquelle un délai de deux mois n’est pas jugé déraisonnable :
« […]
[43] La Commission d'appel en matière de lésions professionnelles a déjà déterminé, dans un contexte où elle devait décider de la régularité de la procédure de contestation des questions d'ordre médical, que l'expression « sans délai » introduite à l'article 217 de la loi traduisait la volonté du législateur quant à l'obligation de la CSST d'agir avec célérité et diligence et que son défaut de respecter telle obligation n'était assorti d'aucune sanction et n'avait pas pour effet de compromettre la légalité de la procédure initiée sauf si le délai est injustifiable et qu'il entraîne une injustice4.
[44] Plus récemment, dans l'affaire Blais5, la Commission des lésions professionnelles s'exprime ainsi sur cette question:
«
Même si cette disposition traduit la volonté du législateur pour que la CSST
agisse avec célérité lorsqu'une contestation semblable prend naissance, il faut
observer que la LATMP ne fixe explicitement aucune sanction si le délai qui y
est énoncé n'est pas respecté. Dans ces
circonstances, comme il s'agit d'une disposition procédurale, l'irrespect de
cette règle ne devrait pas être interprétée de façon à faire perdre l'exercice
d'un droit qu'elle encadre.
Conséquemment, la Commission des lésions professionnelles doit se garder
d'intervenir en cette matière à moins qu'il lui soit démontré qu'elle est
confrontée à un délai injustifiable qui devient la source d'une injustice. »
[45] S'inspirant de ces principes, la Commission des lésions professionnelles estime que le délai qui s'est écoulé avant que la CSST transmette la contestation de l'employeur au bureau d'évaluation médicale n'est pas déraisonnable ni injustifié.
[46] Il s'agit en effet d'un délai de deux mois et il est expliqué par la période estivale et principalement par la prise en charge du dossier physique par un intervenant autre que l'agent d'indemnisation afin de favoriser une assignation temporaire. De plus, tel qu'il appert des notes évolutives consignées par cet intervenant, cette intervention s'est avérée longue en raison de la réticence manifestée par l'employeur à une telle mesure.
_____________
4 Tremblay
et Les Coffrages C.C.C. Ltée,
C.A.L.P. 78853-03-9604, le 5 septembre 1997, Jean-Guy Roy. Ruiz
et Plastexpert inc., C.A.L.P.
69967-60-9505, le 17 juillet 1996, Réal Brassard. Provencher et CLSC Longueuil
ouest, C.A.L.P. 04445-62-8708, le 30 juillet 1990, Réginald Boucher. Dessaint
et Ministère des anciens combattants, C.A.L.P. 12672-62-8903, le 16 mars 1992,
Antonio Discepola.
5 Daniel
Blais, C.L.P. 114971-05-9903, le 9 septembre 1999, François Ranger.
[…] »
[55] Également, dans la cause Agri-Aide Laurentides Inc. et Prévost[9], la Commission des lésions professionnelles réitère sa position en soulignant que :
« […]
[41] Dans un premier temps, la loi ne prévoit aucun délai pour soumettre un rapport obtenu en vertu de l'article 204 au Bureau d'évaluation médicale. La Commission d'appel dans l'affaire René Tremblay et Les coffrages c.c.c. ltée2 interprète l'expression «sans délai» qu'on retrouve à l'article 217 de la loi comme signifiant que la CSST doit agir avec célérité et diligence. De plus, le commissaire ajoute que la loi ne prévoit aucune sanction en cas de défaut par la CSST de respecter l'article 217. Le commissaire Roy s'exprime ainsi :
«Dans
un tel contexte, il apparaît à la Commission d'appel que ce serait ajouter à la
loi que d'imposer une sanction là où le législateur n'a pas cru opportun d'en
prévoir.
La
Commission d'appel est d'avis que nous sommes ici en matière de procédure et
qu'il y a lieu de rappeler les enseignements du juge Pigeon qui veulent que la
procédure soit «la servante du droit et non sa maîtresse».
Sur
ce sujet, d'ailleurs, la Commission d'appel est d'avis qu'à moins qu'une
disposition procédurale ne prévoit clairement la conséquence de son non-respect
ou qu'une injustice ou iniquité en résulte, il faut interpréter la règle de
procédure de façon à ne pas permettre qu'un droit se perde ou s'acquiert du
seul fait d'un tel non-respect.
Dans
la présente affaire, la Commission d'appel est d'avis, compte tenu de l'absence
de sanction prévue par le législateur à l'article 217 de la loi, que le délai
de près de deux mois utilisé par la CSST pour diriger le dossier du travailleur
au Bureau d'évaluation médicale, quoique relativement long, n'a cependant pas
entraîné pour le travailleur quelque injustice ou iniquité qui ne pourrait
autrement être réparée.»
_______________
2 CALP.
no. 78853-03-9604, 11 juin 1997, Jean-Guy Roy, commissaire.
[…]
[43] La Commission des lésions professionnelles ne croit pas qu'elle est confrontée à un délai déraisonnable qui a entraîné pour l'employeur une injustice ou iniquité irréparable. En effet, il suffit de rétablir les faits dans ce dossier pour se convaincre que l'argument soulevé par l'employeur ne résiste pas à l'analyse du dossier.
[44] Le représentant de l'employeur soumet que la CSST voulait contester le rapport d'évaluation médicale du docteur Brouillard. Ce rapport d'évaluation médicale date du 27 octobre 1998 et il n'est soumis au Bureau d'évaluation médicale que le 29 juillet 1999, soit neuf mois plus tard. Il qualifie ce délai de déraisonnable.
[…] »
[56] Il est à signaler, toutefois, que dans cette cause, la commissaire après avoir analysé le délai, constate que le dossier faisait toujours l’objet d’un suivi médical important durant cette période de neuf mois, ce qui justifiait la CSST d’attendre, considérant que la travailleuse avait changé de médecin, les conclusions de celui-ci avant de soumettre les contestations au membre du Bureau d'évaluation médicale. Tel n’est pas le cas dans la présente affaire.
[57] La Commission des lésions professionnelles se questionne sur le fait que le dossier ait été soumis au Bureau d'évaluation médicale le 19 avril 2000, considérant la note évolutive du 15 février 2000. Cette note indique que la CSST semble être en attente d’un Rapport d’évaluation médicale de la part du médecin qui a charge. Or, la travailleuse indique qu’elle n’a pas revu le docteur Gauthier, le docteur Fortin lui a expliqué la nature de son problème médical. La CSST semble demander à la travailleuse de fournir un Rapport d’évaluation médicale. Il faut s’interroger sur cette demande, considérant que le Rapport complémentaire du docteur Gauthier fait office de Rapport d’évaluation médicale. En effet, ce médecin s’est prononcé sur l’ensemble des sujets couverts par l’article 203 de la loi et souligne être d’accord avec le pourcentage de l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles décrites par le docteur Fortin. Ce seul fait ne peut justifier la CSST de soumettre le dossier au Bureau d'évaluation médicale un an plus tard.
[58] En effet, aucune raison ne figure au dossier pour justifier un tel délai de transmission au Bureau d'évaluation médicale. Il n’y a aucune note évolutive entre le 21 mai 1999 et le mois de février 2000. Il faut noter d’autant plus, qu’à compter de cette date, le dossier de la travailleuse démontre que la CSST entreprend alors une démarche de réadaptation auprès de son employeur et auprès de la travailleuse pour l’informer des buts visés par la réadaptation.
[59] De plus, bien que ne soit fixé aucun délai à l’article 217 de la loi, la Commission des lésions professionnelles constate qu’il s’agit d’un rare article de la loi comportant cette situation. La loi prévoit, entre autres, des délais pour l’employeur qui désire faire examiner le travailleur, des délais pour la production de réclamations ou de contestations. La Commission des lésions professionnelles comprend que le législateur n’a pas voulu imposer un délai précis à la CSST pour transmettre le dossier au membre du Bureau d'évaluation médicale. Il y a lieu de faire un parallèle avec l’absence de délai notée à l’article 429.57 pour demander la révision d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles. Cet article de loi fait part que le recours en révision est formé par requête déposée à la Commission des lésions professionnelles dans un délai raisonnable. La Commission des lésions professionnelles a interprété cette notion de délai raisonnable et a conclu qu’il y avait lieu d’appliquer les mêmes dispositions que celles prévues à l’article 359 pour contester une décision rendue en vertu de l’article 358, soit de 45 jours.
[60] Il est à noter également que le législateur fait part, dans l’article 217 de la loi, de la notion de « sans délai » et non pas de délai raisonnable. La Commission des lésions professionnelles considère cette expression « sans délai » comme beaucoup plus contraignante de par ce libellé que l’expression « dans un délai raisonnable », et ce, dans un but avoué, d’obtenir le plus rapidement possible les conclusions médicales d’un arbitre pour déterminer les conséquences juridiques découlant de celles-ci afin de ne pas pénaliser un travailleur ou une travailleuse indûment.
[61] La Commission des lésions professionnelles conclut que, dans le présent dossier, la travailleuse subit un préjudice sérieux, faisant déjà l’objet de mesures de réadaptation alors que la CSST transmet son dossier au Bureau d'évaluation médicale dix mois plus tard. Ce délai remet en question le principe de la stabilité des décisions, considérant que l’on avait déjà informé la travailleuse et entrepris des démarches en vue de sa réadaptation. La CSST s’est alors comportée comme si le dossier était finalisé, alors que toute cette démarche est remise en question dix mois plus tard. Il s’agit d’un délai injustifiable et il y a lieu pour la Commission des lésions professionnelles d’intervenir.
[62] La Commission des lésions professionnelles conclut ainsi, dans le présent dossier, que la procédure enclenchée, le 19 avril 2000, alors que la CSST soumet au membre du Bureau d'évaluation médicale le dossier médical de la travailleuse, est irrégulière car à l’encontre de l’esprit de la loi et de la procédure médicale prévue au chapitre VI en sa section I de la loi. La Commission des lésions professionnelles conclut ainsi en prenant en considération :
1) qu’il n’y a aucune opposition entre les conclusions médicales du médecin désigné et du médecin qui a charge quant à l’existence et la détermination de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles ;
2) que le membre du Bureau d'évaluation médicale n’a pas été informé de l’unanimité entre les conclusions médicales retenues par le médecin désigné et par le médecin qui a charge ;
3) le délai d’au-delà de dix mois entre la réception du Rapport Complémentaire du médecin qui a charge et la transmission du dossier au membre du Bureau d'évaluation médicale, et ce, sans qu’aucune explication au dossier ne justifie un tel délai.
[63] Il en découle que la décision rendue par la CSST le 24 mai 2001 est nulle et que les conclusions retenues par le membre du Bureau d'évaluation médicale ne lient pas la CSST et la Commission des lésions professionnelles. La CSST et la Commission des lésions professionnelles deviennent liées par les conclusions retenues par le médecin qui a charge, le docteur Gauthier, lesquelles sont retrouvées dans le Rapport Complémentaire qui, selon la jurisprudence, constitue le Rapport Final. La travailleuse demeure affligée d’un déficit anatomo-physiologique de 1,5 % en raison d’une fracture à la 7e côte, auquel s’ajoute un pourcentage de 0,1 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie, totalisant une atteinte permanente de 1,6 %, comme le reconnaissent le docteur Gauthier et le docteur Fortin. Ce pourcentage donne également droit à une indemnité pour dommages corporels prévue à l’article 83 de la loi. Il reviendra à la CSST de calculer le montant d’une telle indemnité en fonction des paramètres prévus à l’article 84 de la loi.
[64] Pour les mêmes motifs, il y a également lieu de reconnaître l’existence de limitations fonctionnelles telles que décrites par le docteur Fortin et réitérées par le docteur Gauthier, le 10 juin 1999, médecin qui a charge.
[65] Subsidiairement, la Commission des lésions professionnelles serait, pour les fins du présent dossier, parvenue aux mêmes conclusions, nonobstant la régularité ou l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale. Considérant l’examen réalisé par le docteur Fortin, l’opinion retenue par le docteur Gauthier et celle exprimée par le docteur Banville, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il s’agit d’une preuve médicale prépondérante eu égard à l’existence et la détermination d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.
[66] Enfin, la Commission des lésions professionnelles estime pertinent de reproduire la conclusion à laquelle parvenait la Commission des lésions professionnelles dans la cause Roudenko et Korum Design Inc. et CSST-Montréal-5[10] :
« […]
[45] Cette façon de
faire amène le travailleur devant le fait que la CSST se trouve dorénavant à ne
plus reconnaître l’existence d’une lésion qu’elle reconnaissait la veille… La
Commission des lésions professionnelles veut bien admettre que le pouvoir
accordé à la CSST par l’article 204 est
large, mais il y a des circonstances particulières, comme le présent cas, où
des limites doivent être posées.
[…]
[48] Le tribunal réitère qu’il s’agit d’une situation particulière, qui mène à des conclusions tout autant particulières et qu’il n’est pas ici question de remettre en cause le pouvoir de la CSST d’utiliser la procédure d’évaluation médicale initiée par l’article 204 lorsqu’elle le juge nécessaire. »
(nos italiques)
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée, le 29 janvier 2001, par madame Denise Morin ;
INFIRME la décision rendue, le 18 janvier 2000, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, en révision administrative ;
DÉCLARE nulle la décision rendue, le 24 mai 2001, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, faisant suite à l’avis rendu par le membre du Bureau d'évaluation médicale ;
DÉCLARE qu’à la suite de la lésion professionnelle survenue le 15 avril 1998, la travailleuse demeure affligée d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles ;
DÉCLARE que le pourcentage de déficit anatomo-physiologique découlant de la lésion professionnelle est de 1,5 % auquel s’ajoute un pourcentage de 0,1 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie, totalisant un pourcentage d’atteinte permanente de 1,6 % ;
DÉCLARE que la travailleuse a droit à une indemnité pour dommages corporels à la suite d’une atteinte permanente de 1,6 % ;
DÉCLARE qu’il subsiste, à la suite de la lésion professionnelle, les limitations fonctionnelles suivantes : éviter de soulever ou de transporter des charges supérieures à dix kilogrammes sur une base régulière ; éviter des mouvements au-dessus de la hauteur normale des épaules soit 90° de flexion antérieure et/ou d’abduction combinés avec le membre supérieur droit.
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Robert Daniel |
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Commissaire |
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F.A.T.A. - Montréal (Me Pierre Leduc) |
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Représentant de la partie requérante |
[1] Levac et Métro-Richelieu-Jardin Mérite,
C.L.P.,137519-72-0005, le 12 octobre 2000, L. Crochetière.
Voir également : Larouche et
Les Rôtisseries St-Hubert, C.L.P.
108177-72-92812, le 16 avril 1999, L. Crochetière; Castilloux et Entreprises Bon Conseil Ltée., C.L.P. 107676‑62‑9812,
le 12 août 199, H. Marchand ; Lussier et Berlines RCL Inc. et CSST-Estrie,
C.L.P. 122844‑05‑9908, 127984-05-9912, 128005-05-9912, le 21
septembre 2000, L. Boudreault.
[2] De Chantal et Pepsi-Cola, C.L.P. 151978-61-0012, le 7
mai 2001, G. Morin.
[3] Huaracha et Riviera Fur Styles Inc, C.L.P.
118441-73-9906, le 7 janvier 2000, D. Taillon.
Voir également : Montecalvo
et André Créations de cuir Inc,
C.L.P. 126403-73-9910, le 14 juillet 2000, F. Juteau.
[4] Précitée, note 1
[5] Précitée, note 1.
Voir également au même effet : De
Chantal et Pepsi-Cola, C.L.P.
151978-61-0012, le 7 mai 2001, G. Morin.
(paragraphes 34 à 36).
[6] Blanchette et Pétroles J.C. Trudel Inc. et CSST-Abitibi-Témiscamingue, C.L.P.
132329-08-0002, le 13 septembre 2001, M. Lamarre.
[7] Bisceglia et Plimétal Inc. et CSST-Mtl-4, C.L.P. 133686-71-003, le 29 mai 2001, L. Crochetière
[8] Mitchell Inc. et CSST-Laval, C.L.P. 128440-61-9912,
128444-61-9912, le 21 juillet 2000, G. Morin.
[9] Agri-Aide Laurentides
Inc. et Prévost, C.L.P.
133153-61-0003, le 29 août 2000, S. Di Pasquale.
[10] Roudenko et Korum Design Inc. et CSST-Montréal-5, C.L.P.103460-72-9807,
le 26 mai 1999, L Boudreault.
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