Vachon et Société Asbestos ltée |
2014 QCCLP 6669 |
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[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue initialement le 15 mai 2014 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais de déplacement pour la journée du 28 avril 2014.
[3] De plus, la CSST confirme la décision qu’elle a rendue le 27 mai 2014 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des travaux de défrichage d’une haie de cèdres.
[4] Le travailleur se représente seul à l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles siégeant Thetford Mines, le 1er décembre 2014. Société Asbestos ltée (l’employeur) est absent, bien que dûment convoqué. La cause est mise en délibéré à cette date.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais de déplacement requis pour prendre livraison des chaussures ajustées dont il a besoin, à la suite de la lésion professionnelle subie le 28 décembre 1972 et des différentes récidives, rechutes ou aggravations reconnues par la suite par la CSST en regard de cette lésion professionnelle.
[6] De plus, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais de défrichage d’une haie de cèdres à titre de travaux d’entretien courant de son domicile.
L’AVIS DES MEMBRES
[7] Les membres issus des associations syndicales et d’employeur partagent le même avis.
[8] Ils considèrent que le travailleur a droit au remboursement des frais de déplacement pour prendre livraison des chaussures ajustées chez Savard Ortho Confort, à Québec.
[9] Pour en venir à cette conclusion, les membres retiennent du dossier et du témoignage non contredit du travailleur qu’il doit se déplacer à Québec, le 28 avril 2014, pour prendre livraison de chaussures ajustées et les essayer, une dernière fois, pour s’assurer qu’elles lui conviennent. Par le passé, il témoigne qu’à une occasion, il a tenté de faire livrer les chaussures plutôt que de se déplacer pour en prendre livraison et celles - ci n’étaient pas ajustées convenablement. Il a donc dû retourner à Québec pour les faire ajuster une seconde fois, générant des frais additionnels et des inconvénients pour tous.
[10] Dans ce contexte, les membres sont d’opinion que le Règlement sur les frais de déplacement et de séjour[1] (le règlement) vise ce type de situation puisqu’il permet de rembourser les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens ou accomplir une activité dans le cadre d’un plan individualisé de réadaptation.
[11] Or, les membres sont d’avis qu’en l’espèce, le travailleur doit porter des chaussures ajustées en raison des limitations fonctionnelles qu’il conserve à la suite des lésions professionnelles subies et ces chaussures sont remboursées dans le cadre du programme d’assistance médicale. Dans ce contexte, et étant donné des circonstances particulières décrites par le travailleur dans le cadre de son témoignage, il apparaît légitime aux membres d’autoriser ces frais de déplacement. D’ailleurs, les membres retiennent du témoignage du travailleur que par le passé, il pouvait, lors d’un même déplacement, faire procéder à l’ajustement des orthèses et prendre livraison des chaussures, mais depuis quelques années, la CSST exige deux déplacements puisqu’après l’ajustement des orthèses, l’orthésiste doit obtenir une approbation de la CSST avant de pouvoir procéder à la livraison. À l’époque où tout pouvait s’effectuer en une seule visite, le travailleur ne réclamait évidemment pas de frais de déplacement à deux occasions. C’est donc le changement dans la façon de faire de la CSST qui occasionne dorénavant deux déplacements. Les membres considèrent que le travailleur n’a pas à être pénalisé à la suite de ce changement de procédure instigué par la CSST.
[12] Relativement au remboursement des frais pour le défrichage d’une haie de cèdres, les membres ne l’autorisent pas pour les motifs ci-après exposés.
[13] En effet, ils sont d’avis que le défrichage d’une haie de cèdres ne fait pas partie des travaux d’entretien courant du domicile au sens où l’entendent l’article 165 de Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) et de la jurisprudence qui a eu à l’interpréter.
[14] Par conséquent, les membres sont d’avis d’accueillir en partie la requête déposée par le travailleur le 25 septembre 2014 et de modifier la décision rendue par la CSST le 22 septembre 2014 à la suite d’une révision administrative.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[15] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais de déplacement du 28 avril 2014 pour prendre livraison de chaussures ajustées et au remboursement des frais relatifs au défrichage d’une haie de cèdres.
[16] Avant de se prononcer spécifiquement à cette fin, le tribunal croit utile de décrire succinctement les circonstances entourant cette réclamation.
[17] Le travailleur occupe un emploi de mineur-testeur d’amiante chez l’employeur au moment où il subit une lésion professionnelle le 28 décembre 1972. Il décrit ainsi les circonstances entourant la survenance de cette lésion professionnelle au formulaire de réclamation qu’il produit alors à la Commission des accidents du travail :
En descendant l’escalier du dateur #1, je me suis tordu le genou gauche en voulant me garantir pour ne pas tomber contre la scileuse.
[18] Le travailleur se blesse alors au genou, puis il fait l’objet d’un suivi médical important et subit différentes interventions chirurgicales que le tribunal n’entend pas reprendre en détail. Il produit ensuite plusieurs réclamations pour récidive, rechute ou aggravation. Certaines d’entre elles sont acceptées, dont celle du 22 janvier 1996, à la suite de laquelle il conserve un déficit anatomophysiologique additionnel de 4 % pour ankylose, de même que celle du 25 septembre 1997 où il subit une chirurgie pour prothèse totale du genou gauche et conserve une atteinte permanente supplémentaire de 20 %, ainsi que des limitations fonctionnelles. Une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation du 17 mars 2004 est d’abord refusée par la CSST et ensuite reconnue par la Commission des lésions professionnelles. D’autres récidives, rechutes ou aggravations sont reconnues les 6 décembre 2005, 23 mai et 18 décembre 2008 et 23 février 2011.
[19] Parallèlement à la lésion professionnelle subie le 28 décembre 1972 et aux récidives, rechutes ou aggravations de cette lésion, le travailleur subit une autre lésion professionnelle le 22 avril 1995 en lien avec un diagnostic de tendinite chronique du sus-épineux pour lequel trois interventions chirurgicales seront requises. Il conserve également une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles consécutives à cette lésion. Comme le résume la Commission des lésions professionnelles dans le cadre d’une décision rendue le 21 février 2014[3], le travailleur conserve les séquelles permanentes suivantes :
[…]
[14] De ces lésions professionnelles, le travailleur conserve une atteinte permanente de 52,85 % pour le genou gauche, 26,5 % pour l’épaule gauche et un déficit anatomophysiologique de 13 % pour l’épaule droite, pour ne nommer que ceux-ci. À ces pourcentages s’ajoutent les limitations fonctionnelles qui impliquent tant l’épaule que le genou gauche du travailleur, à savoir :
- Ne peut marcher à son travail plus de 15 minutes;
- Ne peut faire de travail qui nécessite des flexions et des extensions répétitives du genou gauche;
- Ne peut monter et descendre des escaliers ou des échafauds;
- Ne peut travailler en position accroupie;
- Éviter des positions statiques d’abduction et de flexion antérieure, même inférieures à 90 degrés, avec chaque épaule;
- Éviter les poids de plus de 4 à 5 livres à bout de bras avec chaque membre supérieur;
- Éviter les mouvements de rotation répétée avec les deux épaules.
[…]
[20] En raison des nombreuses lésions professionnelles subies, le travailleur a droit à l’assistance médicale que requiert son état comme le prévoit l’article 189 de la loi, dont une orthèse prescrite par les différents médecins qui l’ont suivi. Le tribunal comprend des notes évolutives contenues au dossier que cette orthèse nécessite l’achat de chaussures particulières qui sont remboursées par la CSST dans le cadre du programme d’assistance médicale.
[21] Il appert du dossier que le 29 septembre 2010, le travailleur produit à la CSST une prescription pour l’acquisition d’une orthèse, soit des chaussures profondes aptes à recevoir des orthèses plantaires. La CSST refuse le remboursement de ce type de chaussures. Cependant, le 11 juillet 2011, la Commission des lésions professionnelles se prononce en faveur du travailleur et déclare qu’il a droit au remboursement du coût d’acquisition de chaussures profondes aptes à recevoir des orthèses plantaires. À cette même occasion, la Commission des lésions professionnelles se prononce sur des frais de déplacement pour prendre livraison des chaussures en question.
[22] En effet, le travailleur réclame à la CSST des frais de déplacement pour se rendre chez l’orthésiste, à Québec, pour l’ajustement des chaussures et pour en prendre livraison. Au départ, la CSST autorise les frais de déplacement pour l’ajustement des chaussures, mais pas ceux pour prendre livraison de celles-ci. La Commission des lésions professionnelles infirme cette décision et conclut plutôt que le travailleur a droit au remboursement des frais de ces deux déplacements. Le tribunal s’exprime comme suit[4] :
[…]
[25] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement de ses frais de déplacement pour la journée du 30 novembre 2009. Elle doit également déterminer si le travailleur a droit aux frais d’acquisition d’une orthèse qui consiste en des chaussures profondes aptes à recevoir des orthèses plantaires.
[26] Le travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit à l’assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion1.
[27] L’assistance médicale comprend, entre autres, les prothèses et orthèses prescrites par un professionnel de la santé2.
[28] Il est également prévu que la CSST acquitte les coûts d’achat, d’ajustement, de réparation et du remplacement d’une prothèse ou d’une orthèse visée par l’article 189, paragraphe 4, de la loi3.
[29] Dans le dossier à l’étude, on ne remet pas en question la nécessité pour le travailleur de se procurer des orthèses plantaires. Seuls les frais engagés pour en prendre possession présentent un aspect litigieux.
[30] Le Règlement sur les frais de déplacement et de séjour4 permet à un travailleur victime d’une lésion professionnelle de se faire rembourser les frais de déplacement et de séjour encourus pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre d’un plan individualisé de réadaptation5.
[31] À ce titre, la Commission des lésions professionnelles retient de la preuve que le 27 novembre 2009, le travailleur se présente à Québec pour se faire ajuster des orthèses plantaires.
[32] C’est seulement trois jours plus tard, soit le 30 novembre 2009, qu’il en prend possession.
[33] La CSST a remboursé, au travailleur, les frais de déplacement encourus pour la journée du 27 novembre 2009, mais elle refuse de lui payer ceux du 30 novembre 2009.
[34] La Commission des lésions professionnelles s’explique difficilement le rationnel utilisé par la CSST pour refuser au travailleur le droit au remboursement de ces frais de déplacement. Cette façon de faire de la part de la CSST revient à dire qu’il ne peut prendre possession de ses orthèses puisqu’elle ne l’autorise pas.
[35] Dans un souci de justice, d’équité et surtout de gros bon sens, la Commission des lésions professionnelles reconnaît au travailleur le droit au remboursement des frais de déplacement encourus pour la journée du 30 novembre 2009.
[36] Cette décision se fonde également sur l’obligation pour le travailleur de s’assurer que les ajustements faits lui conviennent.
[…]
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1 Article 188 de la loi.
2 Article 189, paragraphe 4 de la loi.
3 Article 198.1 de la loi.
4 (1993) 125 G.O. II, 4257.
5 Article 1 du règlement.
[nos soulignements]
[23] Le travailleur produit une nouvelle demande de remboursement relativement au déplacement du 28 avril 2014 pour prendre livraison de ses chaussures adaptées. Le 15 mai 2014, la CSST refuse de lui rembourser les frais de déplacement, refus confirmé à la suite d’une révision administrative du 22 septembre 2014 et qui fait l’objet de la présente requête.
[24] Par ailleurs, le 27 mai 2014, la CSST se prononce relativement à une demande de remboursement de frais de défrichage d’une haie de cèdres qu’elle refuse en indiquant qu’il ne s’agit pas de travaux d’entretien courant du domicile, au sens où l’entend la loi. Ce refus est confirmé à la suite d’une révision administrative et le tribunal est actuellement saisi de cette requête.
[25] Relativement à la question des frais de déplacement pour prendre livraison des chaussures du travailleur, le tribunal partage l’interprétation de la Commission des lésions professionnelles relativement au même travailleur apparaissant à la décision rendue le 11 juillet 2011[5], à laquelle il est fait référence plus haut, pour les motifs ci-après exposés.
[26] Les articles 188 et 189 de la loi traitent de l’assistance médicale à laquelle un travailleur accidenté a droit. Ils se lisent comme suit :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
__________
1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.
[27] Pour sa part, l’article 115 de la loi prévoit le remboursement de certains frais de déplacement en ces termes :
115. La Commission rembourse, sur production de pièces justificatives, au travailleur et, si son état physique le requiert, à la personne qui doit l'accompagner, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, selon les normes et les montants qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec.
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1985, c. 6, a. 115.
[28] Les modalités de remboursement de ces frais de déplacement se retrouvent au règlement.
1. Le travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit au remboursement, selon les normes prévues au présent règlement et les montants prévus à l’annexe 1, des frais de déplacements et de séjour qu’il engage pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001).
Si l’état physique du travailleur le requiert, la personne qui doit l’accompagner a droit au remboursement des frais de déplacement et de séjour qu’elle engage, selon les mêmes normes et montants.
[notre soulignement]
[29] Dans l’affaire Pilotte et Excel Cargo inc.[6], la Commission des lésions professionnelles a eu à se prononcer dans un contexte similaire à l’affaire à l’étude. Le travailleur réclamait le remboursement des frais de déplacement relatifs au dépôt de sa prescription pour une orthèse à la clinique, pour être allé chercher son orthèse, pour être retourné la faire ajuster, pour en prendre livraison et pour avoir, lors de ce dernier déplacement, été porter des radiographies dans une autre clinique.
[30] Appelé à se prononcer sur le remboursement ou non de ces frais de déplacement, le tribunal a rappelé que, dans la mesure où l’orthèse est prescrite par le médecin qui a charge, le travailleur a droit au remboursement de l’ensemble des déplacements rendus nécessaires en raison de cette orthèse, conformément à l’article 1 du règlement.
[31] Dans le même sens, dans l’affaire Bélanger et Brinks Canada ltée[7], la Commission des lésions professionnelles devait se prononcer relativement au remboursement des frais de déplacement pour obtenir et faire ajuster des orthèses plantaires. Après avoir rappelé les dispositions législatives et réglementaires applicables, le tribunal a conclu que le travailleur avait droit au remboursement de ces frais pour les motifs suivants :
[34] La CSST, en l’espèce, refuse de rembourser les frais de déplacement du travailleur alors qu’il se déplace pour faire fabriquer des souliers orthopédiques et des orthèses plantaires prescrites par son médecin traitant en lien avec les séquelles découlant de sa lésion professionnelle.
[35] Elle assimile ces déplacements, selon les propos tenus dans ce dossier, aux déplacements nécessaires pour obtenir le renouvellement des prescriptions de médicaments.
[36] Le tribunal n’est pas de cet avis. Dans le présent dossier, le travailleur conserve des séquelles neurologiques importantes qui ont nécessité, de l’avis de son médecin, le port de chaussures orthopédiques et d’orthèses plantaires afin d’améliorer le patron de marche du travailleur. Ces orthèses plantaires équivalent à un soin prescrit par le médecin pour corriger ou diminuer une des nombreuses séquelles que conserve le travailleur à la suite de sa lésion professionnelle. D’ailleurs, le tribunal constate qu’en date de l’audience, aucun rapport final n’est encore produit dans ce dossier, le travailleur continuant de recevoir plusieurs traitements en lien avec ses séquelles de l’accident du travail.
[37] Le tribunal estime que les frais de déplacement en l’espèce, sont assimilables à des frais de déplacement nécessaires pour recevoir des soins et en conséquence, ils sont remboursables.
[38] À cet égard, le tribunal constate que le travailleur ne peut se déplacer en transport en commun en raison des séquelles importantes qu’il conserve.
[39] Le tribunal estime également que ces frais de déplacement auraient pu également être remboursés en vertu du chapitre sur la réadaptation en ce que le port de ces orthèses plantaires vise à diminuer les conséquences de la lésion professionnelle au plan social en lui permettant de se déplacer plus facilement. La CSST aurait pu rembourser ces frais de déplacement dans ce cadre-là également.
[40] Le tribunal rappelle que la loi vise la réparation des lésions professionnelles et par le fait même à diminuer les conséquences d’une telle lésion. Dans ce contexte, le remboursement de ces frais de déplacement doit être accordé.
[nos soulignements]
[32] Le tribunal partage cette interprétation et considère qu’elle s’applique au dossier à l’étude.
[33] En effet, en l’espèce, les chaussures que le travailleur est allé chercher chez l’orthésiste, à Québec, ont été prescrites par le médecin qui a charge et remboursées par la CSST. Ainsi, les frais requis pour aller les choisir, les faire ajuster et en prendre livraison sont assimilables à des frais de déplacement nécessaires pour recevoir des soins, au sens où l’entend l’article 1 du règlement. Ils sont donc tous remboursables et non seulement ceux déboursés pour faire le choix et l’ajustement de ces chaussures, comme le prétend la CSST.
[34] Pour en venir à cette conclusion, le tribunal retient du témoignage du travailleur qu’il doit se déplacer à deux occasions, soit pour le choix des chaussures et l’ajustement de l’orthèse dans celles-ci et, par la suite, pour prendre livraison des chaussures en question.
[35] Interrogé sur la raison pour laquelle le travailleur ne fait pas livrer à son domicile les chaussures ajustées, ce dernier indique qu’il l’a déjà fait par le passé et s’est retrouvé devant une situation où les chaussures ne convenaient pas, malgré les ajustements faits. Il a dû retourner chez l’orthésiste pour faire réajuster le tout. Dans ce contexte, le travailleur est d’avis qu’il est beaucoup plus sage, simple et économique de se déplacer que de faire livrer les chaussures. Il s’agit là, de l’avis du tribunal, de raisons légitimes qui justifient le déplacement.
[36] D’autre part, le tribunal retient également du témoignage du travailleur que par le passé, l’ajustement et la livraison s’effectuaient en une même occasion, mais que cette façon de faire a été modifiée à la suite de politiques particulières de la CSST. La modification de cette politique interne exige de la part de l’orthésiste qu’il lui soumette le tout pour approbation après l’ajustement, ce qui ne permet plus la livraison le même jour. Le travailleur se dit donc en quelque sorte « victime » des choix de la CSST en termes de gestion administrative.
[37] En s’appuyant sur les dispositions législatives et réglementaires applicables et sur la jurisprudence, le tribunal est d’opinion que les frais de déplacement réclamés par le travailleur pour prendre livraison et s’assurer du bon ajustement de ses chaussures adaptées constituent des frais remboursables. Conclure autrement, en ne remboursant que le frais du premier déplacement pour le choix de la chaussure et l’ajustement de l’orthèse constitue, avec respect pour l’opinion contraire, un non-sens pour le tribunal puisque cette interprétation restrictive ne respecte pas l’esprit de la loi.
[38] Par ailleurs, en ce qui a trait au remboursement des frais de défrichage d’une haie de cèdres, le tribunal est d’avis que le travailleur n’y a pas droit pour les motifs ci-après exposés.
[39] L’article 165 de loi prévoit la possibilité pour un travailleur de se faire rembourser certains frais d’entretien courant du domicile. Cet article se lit comme suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d’une lésion professionnelle et qui est incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile qu’il effectuerait normalement lui-même si ce n’était de sa lésion peut être remboursé des frais qu’il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu’à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c. 6, a. 165.
[40] Il en ressort certaines conditions que le travailleur doit satisfaire pour avoir droit à ce type de remboursement.
[41] Dans un premier temps, il doit démontrer qu’il a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d’une lésion professionnelle. Par la suite, il doit démontrer qu’il est incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile. Finalement, il doit prouver qu’il aurait normalement effectué lui-même ces travaux, n’eût été sa lésion professionnelle.
[42] En l’espèce, la présence d’une « atteinte permanente grave » est démontrée puisque le travailleur conserve notamment une atteinte permanente à l’intégrité physique de 52,85 % pour le genou gauche, de 26,5 % pour l’épaule gauche et un déficit anatomophysiologique de 13 % pour l’épaule droite, en regard des lésions professionnelles subies.
[43] Quant à la question de l’incapacité du travailleur à effectuer les travaux, le tribunal considère que les limitations fonctionnelles qu’il conserve, énumérées plus haut, font en sorte qu’il n’est pas en mesure d’effectuer des travaux de défrichage d’une haie de cèdres.
[44] Cependant, en l’espèce, le réel enjeu consiste à déterminer si les travaux de défrichage de haie de cèdres constituent des travaux d’entretien courant du domicile, au sens où l’entendent la loi et la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles.
[45] À ce propos, la jurisprudence majoritaire a établi que les travaux d’entretien courant du domicile font référence à des travaux habituels, normaux et ordinaires qui doivent être faits périodiquement ou selon les saisons et qui sont nécessaires pour conserver les biens en bon état.
[46] Dans l’affaire Fiset et Transport Meloche inc.[8], la Commission des lésions professionnelles a décidé que les travaux de réaménagement d’un terrain ne constituaient pas des travaux d’entretien courant du domicile au sens où l’entend l’article 165 de la loi.
[47] De même, dans l’affaire Robitaille et Servisair inc.[9], le tribunal a conclu que la plantation d’une haie de cèdres ne constituait pas des travaux d’entretien courant du domicile, mais s’apparentait plutôt à des « travaux majeurs et inhabituels de rénovation » qui ne sont pas couverts par l’article 165 de la loi.
[48] Dans le présent dossier, il appert des notes évolutives que le travailleur se fait rembourser, annuellement, la taille de sa haie de cèdres.
[49] Par ailleurs, le tribunal retient du témoignage du travailleur que le défrichage d’une haie de cèdres a été rendu nécessaire en raison des intempéries de l’hiver et que ce dernier n’avait installé aucune protection, considérant que cette haie était beaucoup trop volumineuse pour ce faire. Ce défaut de protection a fait en sorte que la neige et la glace se sont infiltrées au centre de la haie et l’ont sectionnée, ce qui a rendu nécessaire son défrichage.
[50] De l’avis du tribunal, le défrichage d’une haie de cèdres ne constitue pas des travaux d’entretien courant du domicile, car il ne s’agit pas de « travaux habituels, normaux et ordinaires qui doivent être faits périodiquement ou selon les saisons et qui sont nécessaires pour conserver les biens en bon état », mais il s’agit plutôt de « travaux majeurs et inhabituels de rénovation » rendus nécessaires en raison d’intempéries de l’hiver contre lesquelles le travailleur ne s’est pas prémuni.
[51] Par conséquent, le tribunal est d’avis que le travailleur ne peut bénéficier du remboursement des frais de défrichage de sa haie de cèdres.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête déposée par monsieur Raymond Vachon, le travailleur, le 25 septembre 2014;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 22 septembre 2014 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais de déplacement du 28 avril 2014 liés à la livraison et à la prise de possession des chaussures adaptées requises en raison de sa lésion professionnelle;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais de défrichage d’une haie de cèdres.
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Ann Quigley |
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[1] RLRQ, c. A-3.001, r. 8.
[2] RLRQ, c. A-3.001.
[3] Vachon, 2014 QCCLP 1156.
[4] Vachon et Société Asbestos ltée, 2011 QCCLP 4669.
[5] Précitée, note 4.
[6] C.L.P. 130700-64-001, 29 juin 2000, R. Daniel. Voir au même effet : Quirion et McKerlie Millen Québec, 11 août 2000, M. Cusson; Thibault et 90442807 Québec inc., C.L.P. 136592-03B-0004, 2 novembre 2000, P. Brazeau.
[7] 2013 QCCLP 7230.
[8] C.L.P. 224392-62A-0401, 24 août 2004, C. Demers.
[9] 2012 QCCLP 3162.