Nadeau c. Agence de voyage Québec Monde (1989) inc. (Voyages Malavoy) |
2018 QCCQ 2547 |
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COUR DU QUÉBEC |
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«Division des petites créances» |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
BEDFORD |
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LOCALITÉ DE |
GRANBY |
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«Chambre civile» |
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N° : |
460-32-008291-170 |
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DATE : |
20 avril 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
PIERRE BACHAND, J.C.Q. |
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ALEXANDRE NADEAU -et- MÉLISSA PÉPIN -et-
ALEXANDRE NADEAU Es-qualités de tuteur à ses enfants mineurs KATE et LOGAN NADEAU. -et- MÉLISSA PÉPIN Es-qualités de tuteur à ses enfants mineurs KATE et LOGAN NADEAU.
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Demandeurs |
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c.
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AGENCE DE VOYAGE QUÉBEC MONDE (1989) inc, f.a.s.r.s. VOYAGES MALAVOY -et- SUNWING AIRLINES |
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Défenderesses |
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JUGEMENT |
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[1] Les demandeurs réclament des dommages-intérêts à leur agence de voyages et au transporteur aérien suite à leur expulsion de l’avion pour le vol de retour.
[2] Les demandeurs Alexandre Nadeau et Mélissa Pépin achètent de l’Agence de Voyage Québec Monde (1989) inc. faisant affaires sous la raison sociale de Voyages Malavoy (Malavoy) un forfait voyage pour une durée de sept jours sur la Riviera Maya au Mexique pour eux et leurs deux enfants mineurs. Ceux-ci sont âgés respectivement de 18 mois (Logan) et de 2 mois et demi (Kate). Le voyage est prévu pour la période du 28 août au 4 septembre 2017.
[3] Les demandeurs arrivent le lundi. Vers le vendredi, leur enfant Logan est malade. Il fait une éruption de boutons et des poussées de fièvre. Comme il avait déjà été hospitalisé lorsqu’il avait eu la méningite, les parents décident de consulter des médecins du Québec. Ils réussissent à avoir un diagnostic de la part de trois médecins différents qui leur disent que, manifestement, leur fils souffre de la maladie virale appelée pieds-mains-bouche. Il s’agit d’une maladie virale contagieuse. Les enfants et les adultes peuvent contracter le virus par contact direct ou indirect, en touchant des surfaces qui ont été contaminées. D’après le site internet de l’hôpital de Montréal pour enfants dont une copie a été déposée au dossier, cette maladie est considérée comme une maladie bénigne. Cependant, une infection persistante peut s’installer chez les patients immunodéprimés et les femmes enceintes qui contractent le virus peuvent dans certains cas transmettre le virus à leur fœtus, provoquant chez certains bébés une infection du cœur. Il semble que les enfants ne sont pas exclus des CPE lorsqu’ils sont atteints de cette maladie.
[4] Lorsque les quatre passagers s’installent dans l’avion pour leur voyage de retour, l’enfant Kate pleure et refuse de se nourrir au sein de sa mère. Une agente de bord vient voir Mme Pépin et lui demande de se rendre à l’avant avec son bébé. Elle la fait asseoir et ferme les rideaux. Elle lui demande pourquoi l’enfant pleure ainsi. La demanderesse lui explique alors que son fils Logan a contracté le pieds-mains-bouche et elle craint que sa fille Kate l’ait attrapé elle aussi. L’agente de bord lui demande en quoi cela consiste et si elle peut elle-même l’attraper. La demanderesse lui donne certaines explications puis l’agente de bord lui demande de sortir de l’avion pour calmer son enfant.
[5] On fait venir un médecin attaché à l’aéroport. Celui-ci constate que l’enfant a le pieds-mains-bouche et se dit d’avis qu’ils peuvent prendre le vol.
[6] Les informations concernant la maladie affectant les deux enfants sont toutefois relayées au pilote. Celui-ci communique, tel que le requiert le protocole, avec MedLink de l’entreprise MedAir. Cette entreprise est formée de médecins aviseurs qui peuvent donner immédiatement leur opinion sur la condition médicale d’un passager, notamment sur le fait qu’il devrait être admis ou pas à voyager sur le vol.
[7] Selon les informations produites au dossier, MedLink est avisée que l’enfant Logan a la maladie pieds-mains-bouche, qu’il prend du Tylenol pour la fièvre. Le médecin de MedLink avise qu’il s’agit d’une maladie très contagieuse pour les membres de l’équipage et les passagers et que la famille devrait attendre au moins trois ou quatre jours avant de voyager.
[8] Le pilote sort de l’avion et va s’adresser aux demandeurs. Il dit avoir parlé à un médecin au Canada et qu’ils ne pourront prendre ce vol. Il dit que leur fils a besoin de soins médicaux urgents. La demanderesse pleure. Le pilote lui dit alors de ne pas être inquiète, Sunwing vous prend en charge et il ajoute qu’ils ne pourront prendre un prochain vol qu’avec un document médical certifiant que leurs enfants sont aptes à voyager par avion.
[9] Les demandeurs vont chercher leurs effets personnels et une équipe est déjà en train de désinfecter les sièges qu’ils occupaient ainsi que la toilette où la demanderesse était allée avec son enfant. Tout le monde est silencieux et les regarde. Les demandeurs se sentent humiliés.
[10] Leurs valises sont sorties de même que leurs deux poussettes. L’une d’entre elles est brisée.
[11] Un représentant de Sunwing est sur place et offre d’appeler un taxi. Le représentant les avise que le prochain vol de Sunwing est seulement le vendredi suivant, soit quatre jours plus tard. Lorsque les demandeurs s’informent sur ce qu’ils doivent faire entretemps, le représentant leur dit que c’est à eux de s’arranger.
[12] Quant à lui, il fournit le transport jusqu’à l’hôpital et après, ils doivent prendre en mains la suite. Les demandeurs doivent repasser les douanes. Ils demandent quelles sont les chaînes d’hôtel autour de l’hôpital, car ils doivent se loger avec leurs deux enfants malades. Le représentant les informe et pour l’une d’elles, suite à la demande en ce sens du demandeur, il indique qu’il n’irait pas à cet endroit avec son enfant. C’est le demandeur lui-même qui trouve un hôtel de la chaîne Marriott situé à cinq kilomètres de l’aéroport. Il demande au représentant d’appeler l’hôtel pour faire une réservation et le représentant fait un appel.
[13] Comme le chauffeur de taxi parle seulement espagnol, les demandeurs requièrent du représentant qu’il l’avise qu’ils désirent aller à l’hôtel d’abord puis que le chauffeur les attende pour aller à l’hôpital et les ramener et un prix est négocié pour le tout. Arrivés à l’hôtel, les demandeurs constatent qu’aucune réservation n’a été faite.
[14] Après avoir déposé leurs bagages à leur chambre, les demandeurs se rendent à l’hôpital. Le médecin semble abasourdi qu’ils se soient fait expulser, il examine les deux enfants et émet deux courts rapports ainsi que deux "fit to fly cetification", soit deux certificats d’aptitude pour voyager par avion. Des honoraires de 500,00$ US sont payés.
[15] Ensuite, les demandeurs tentent de communiquer à maintes reprises, soit une vingtaine de fois, avec le représentant qui leur avait fourni son numéro de cellulaire. Ils n’ont jamais réussi à le joindre et le représentant n’a pas retourné leurs appels ni répondu à leurs messages texte.
[16] Comme ils avaient tout pour retourner par avion et qu’ils ne voulaient pas attendre quatre jours pour ce faire, les demandeurs ont par conséquent dû prendre en charge eux-mêmes leur retour, ce qu’ils ont finalement pu faire le lendemain par un vol sur un autre transporteur, après maints téléphones, dont certains à la famille au Canada. Pour le voyage de retour, personne ne leur a demandé quelque papier médical que ce soit. Ils disent avoir été traumatisés par le fait qu’il y avait des militaires avec des mitraillettes partout dans la ville, que l’hôpital n’offrait pas des conditions d’hygiène similaires à celles du Canada et que les murs étaient troués. Le fait de devoir se débrouiller seul dans un pays étranger dont ils ne connaissaient pas la langue, contrairement à ce que leur avait annoncé le commandant de bord qui les avait assurés que Sunwing les prenait en charge, les a stressés de façon très importante de sorte que le demandeur était complètement détrempé et tremblait à la fin de la journée.
[17] Au départ, les demandeurs réclamaient 10 529,67$ en dommages-intérêts. Comme ils ont été indemnisés en partie par leur assureur, ils réclament maintenant la somme de 6 834,70$ se détaillant ainsi: 689,85$ pour le remplacement de la poussette qui a été brisée par le personnel de Sunwing et 6 000,00$ pour dommages, troubles, stress, humiliation, ennuis et inconvénients et pertes de temps subies par les demandeurs et leurs enfants et 144,85$ pour les frais d’interurbains encourus.
[18] De son côté, la défenderesse Malavoy avance qu’elle ne devrait pas être tenue responsable puisqu’il s’agit d’événements sur lesquels elle n’avait aucun contrôle. Quant à Sunwing, elle fait valoir que le protocole a été respecté, ces enfants avaient une maladie contagieuse et le commandant de bord, après avoir consulté MedLink, laquelle concluait à l’inaptitude médicale à voler des enfants et qu’il fallait faire descendre de l’avion la famille, pour la sécurité des passagers et des membres de l’équipage et pour la condition de Logan, a dû requérir que les demandeurs descendent.
[19] Par ailleurs, le commandant de bord a pris une décision qui était sûrement difficile et désagréable de part et d’autre, mais il a rempli son obligation de sécurité envers les passagers et les membres de l’équipage en agissant comme il l’a fait. Sa décision n’était pas prise à la légère, mais elle était fondée sur un avis médical qu’il était tenu de suivre. Comme le soulignait mon collègue le juge De Pokomandy dans Viens c. Sunwing, 2016 QCCA 15820:
"Il est acquis qu’un transporteur aérien peut refuser l’embarquement à une personne lorsqu’il juge que l’état de santé de celle-ci est problématique."
Le commandant de bord était donc justifié d’agir de la sorte.
[20] Le médecin qui a examiné les deux enfants à l’hôpital de Cancun a donné pour les deux le diagnostic suivant: "Enfermedad pie mano boca." Ce qui veut dire maladie pieds-mains-bouche pour les deux enfants. Il ne faut pas voir cette affaire seulement du point de vue des demandeurs, qui ont forcément été choqués, ébranlés, déroutés et stressés par cet événement imprévu. D’un autre côté, quel passager aurait été à l’aise de s’assoir près d’un enfant infecté par cette maladie contagieuse et possiblement de toucher un endroit qui aurait pu être contaminé? Quelle femme enceinte aurait été prête à courir le risque, par exemple? Évidemment, personne n’a d’intérêt pour jouer les cobayes même si cette maladie contagieuse est de façon générale bénigne.
[21] Mais, il faut le répéter, la décision n’a pas été prise seulement sur la base d’une peur irraisonnée, mais plutôt sur une expression diagnostique d’un médecin de MedLink.
[22] Le Tribunal est toutefois d’avis que le commandant de bord a commis une faute qui engage la responsabilité de Sunwing lorsqu’il a dit aux demandeurs "ne soyez pas inquiets, Sunwing vous prend en charge." Cela n’a pas été contredit. Le Tribunal note de plus que dans le jugement cité plus haut, déposé par Sunwing, le juge De Pokomandy rapportait sommairement qu’une agente de bord avait avisé les passagers devant quitter l’appareil "que les agents au sol allaient s’occuper d’eux." S’agit-il là simplement d’une formule creuse destinée à pacifier les passagers très mécontents d’avoir à rater leur vol et à obtenir une consultation médicale d’urgence? Cependant, en ne donnant pas suite à cet engagement, Sunwing faisait fi de son obligation de sécurité et d’assistance envers ses passagers. Ses obligations ne pouvaient se réduire à mettre les passagers dans un taxi, les assurer faussement qu’ils pouvaient communiquer avec eux pour la suite et leur dire qu’ils avaient réservé une chambre, alors que ce n’était pas le cas, sans engager la responsabilité de Sunwing.
[23] Les demandeurs avaient payé 632,36$ pour la poussette. Comme elle a été endommagée par Sunwing et que son mécanisme normal pour la déplier ne fonctionne plus, il y a lieu d’indemniser les demandeurs pour ce montant. Ils devront toutefois remettre la poussette à Sunwing, si celle-ci le requiert dans un délai de 30 jours. Il est regrettable que Sunwing n'ait pas pris en charge la réparation qui aurait peut-être été possible, mais rendue à cette étape, le coût de réparation étant tout aussi inconnu que la possibilité de réparer, l’indemnité doit servir à remplacer le bien. Le Tribunal arbitre à 1 000,00$ le montant auquel les demandeurs ont droit pour les troubles et inconvénients et pertes de temps qu’ils ont subie ainsi que pour les frais interurbains encourus. Le tout forme un total de 1 632,36$.
[24]
La défenderesse Malavoy encourt la même responsabilité en tant qu’agente
de voyage. Elle sera donc condamnée solidairement à payer les mêmes sommes.
Toutefois, en conformité avec l’article
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[25]
CONDAMNE solidairement les défenderesses à payer aux demandeurs
une somme de 1 632,36 avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle
prévue à l’article
[26] LE TOUT avec frais de justice.
[27] ÉTABLIT, pour valoir entre les défenderesses seulement, la part de Sunwing Airlines à 100 % et celle de Agence de Voyage Québec Monde (1989) inc. f.a.s.r.s. Voyages Malavoy à zéro pour cent.
[28] ORDONNE aux demandeurs de remettre la poussette endommagée à Sunwing, sur demande de sa part, qui devra être formée dans un délai de 30 jours de la date du jugement.
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__________________________________ Pierre Bachand, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
28 mars 2018 |
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