Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

19 décembre 2006

 

Région :

Montréal

 

Dossiers :

193426-71-0210      201428-71-0303

 

Dossier CSST :

116271321

 

Commissaire :

Marie-Hélène Côté

 

Membres :

Jacques Garon, associations d’employeurs

 

Michel Gravel, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

Latifa Beghdadi

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Les Tricots Mains inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 193426

[1]                Le 29 octobre 2002, madame Latifa Beghdadi (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 26 août 2002 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Cette décision confirme la décision initialement rendue par la CSST le 10 juillet 2002 faisant suite à l’avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale et déclare qu’il y a relation entre les diagnostics de cervico-brachialgie droite et syndrome myofascial du trapèze droit et l’évènement du 21 janvier 1999.

[3]                Elle déclare que la lésion a entraîné une atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles.  La travailleuse a droit aux indemnités de remplacement du revenu jusqu’à ce que la CSST se prononce sur sa capacité à exercer un emploi.

[4]                Elle évalue à 2,20 % le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique de la travailleuse, ce qui lui donne droit à une indemnité pour dommages corporels de 1 470,81 $.

[5]                Cette décision confirme également la décision initialement rendue par la CSST le 17 juillet 2002 et déclare qu’il n’y a pas de relation entre le nouveau diagnostic de douleurs à l’épaule gauche et l’évènement du 21 janvier 1999.

Dossier 201428

[6]                Le 7 mars 2003, la travailleuse dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la CSST le 10 février 2003 à la suite d’une révision administrative.

[7]                Cette décision confirme les décisions initialement rendues par la CSST les 23 et 27 septembre 2002 faisant suite à l’avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale et déclare qu’en l’absence de lésion identifiée par ce dernier, le 6 août 2001, la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle sous forme de rechute, récidive ou aggravation de la lésion initiale du 21 janvier 1999.

[8]                L’audience a eu lieu le 13 avril 2006.  La travailleuse était présente et représentée.  La compagnie Les Tricots Mains inc. (l’employeur) était absente et non représentée. Après l’audience, la Commission des lésions professionnelles a constaté que la question de la conformité des rapports d’évaluation médicale effectués par les docteurs A. Pelletier et B. Chartrand, respectivement le 22 février 2001 et le 23 avril 2003 n’avait pas été soulevée. Elle a donc rouvert l’enquête le 7 août 2006 afin de donner l’occasion à la travailleuse de traiter de cette question. Le dossier a été pris en délibéré le 28 septembre 2006 après réception des commentaires de la procureure de la travailleuse sur cette question.

MOYENS PRÉALABLES

Dossier 193426

[9]                La procureure de la travailleuse soulève la question de la régularité de l’avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale le 7 mai 2002 pour le motif que même si l’article 204 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) ne prévoit pas de délai, il y a quand même un délai raisonnable à respecter.  Or, en février 2001, la CSST avait en main le rapport final et le rapport d’évaluation médicale du médecin qui a charge.  En juin 2001, elle a reçu la décision de la Commission des lésions professionnelles reconnaissant l’existence d’une lésion professionnelle.  Ce n’est qu’en novembre 2001, soit neuf mois plus tard, qu’elle demande l’avis d’un médecin désigné. Il s’agit donc d’un délai déraisonnable.  Subsidiairement, elle soutient que, comme la Commission des lésions professionnelles s’était déjà prononcée sur l’admissibilité de la réclamation, la CSST ne pouvait demander au docteur Goulet de se prononcer à nouveau sur la question du diagnostic.  Ce faisant, on lui demandait de contourner la décision de la Commission des lésions professionnelles.  Elle demande donc de déclarer la procédure d’évaluation médicale irrégulière et de retenir les conclusions de la docteure A. Pelletier dans son rapport d’évaluation médicale du 22 février 2001.

[10]           Elle demande également à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que la travailleuse a subi une rechute, récidive ou aggravation en avril 2002, soit une douleur à l’épaule gauche.

Dossier 201428

[11]           La procureure de la travailleuse soulève également la question de la régularité de l’avis rendu par le docteur Beaumont qui a agi comme membre du Bureau d’évaluation médicale le 22 août 2002.  Dans un premier temps, elle soutient qu’alors que la CSST savait que la docteure Pelletier était en congé, elle n’a toutefois pas demandé de rapport complémentaire à un autre médecin, comme le prévoit l’article 205.1 de la loi.  Par ailleurs, comme l’avis du docteur Beaumont n’a été rendu que sept mois après le rapport du docteur Godin qui a agi comme médecin désigné par la CSST,  de nouveau, elle soutient qu’il s’agit-là d’un délai qui est déraisonnable.

[12]           De plus, elle rappelle que le docteur Beaumont devait se prononcer quant à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles. Alors qu’il constate l’existence de limitations de mouvement, il conclut à un problème d’ordre psychologique. Or, il n’avait pas à se prononcer sur la question du diagnostic. À son avis, il est possible qu’il y ait une composante psychique aux problèmes de la travailleuse, cependant, il appartient au médecin examinateur de les départager des problèmes physiques. Il ne peut ignorer les symptômes décelés à son examen objectif.

[13]           Enfin, elle souligne que bien que le docteur Beaumont fasse référence à la résonance magnétique du 15 août 2002 qui démontre la présence d’une bursite à l’épaule gauche, il n’en discute nullement dans son avis motivé.

[14]           Pour toutes ces raisons, elle demande de déclarer la procédure d’évaluation médicale irrégulière et de retenir l’opinion de la docteure Pelletier qui, de façon contemporaine à la réclamation du  6 août 2001, indiquait qu’il y avait détérioration de la condition et établissait la relation avec la lésion initiale, de même que les conclusions du docteur Chartrand qui a pris la travailleuse en charge à compter d’août 2002.

LES FAITS

[15]           Du dossier tel que constitué et de la preuve entendue, il ressort que la travailleuse est en fonction chez l’employeur depuis trois ans et deux mois comme opératrice de machine à coudre quand, le 21 janvier 1999, elle produit une réclamation de maladie professionnelle.  Les premiers diagnostics posés sont ceux de cervicalgie et de tendinite des épaules suivis de cervicalgie et tendinite de l’épaule droite.

[16]           Le 19 février 1999, la CSST refuse la réclamation de la travailleuse pour le motif qu’il ne s’agit pas d’une lésion professionnelle.  La travailleuse conteste cette décision, laquelle est maintenue par la CSST après révision administrative le 23 mai 2000.  La travailleuse dépose une requête à l’encontre de cette décision

[17]           Le 12 juin 2001, la Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse a subi une maladie professionnelle le 21 janvier 1999 lui ayant causé une cervico-brachialgie et un syndrome myofascial de l’épaule droite.  Ces deux diagnostics ont été posés par la docteure A. Pelletier, physiatre, qui a pris la travailleuse en charge à compter de mars 1999.

[18]           Il appert qu’avant que ne soit rendue la décision de la Commission des lésions professionnelles, la docteure Pelletier a produit un rapport final le 7 décembre 2000 dans lequel elle consolidait la lésion au jour même en prévoyant une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, elle retient les diagnostics de cervicobrachialgie droite, de syndrome myofascial du trapèze droit et léger syndrome d’accrochage à l’épaule droite secondaire. Dans un rapport d’évaluation médicale, qu’elle signe le 22 février 2001, elle fait état des constatations suivantes :

Examen physique : On note à l’inspection une contracture au niveau de l’angulaire et du trapèze droits qui sont spasmés. La mobilité cervicale montre en degrés une flexion à 90°, extension à 30°, latéro-flexion droite à 20°, latéro-flexion gauche à 30°, rotation droite à 80° et rotation gauche à 80°. La latéro-flexion droite est plus douloureuse qu’à gauche et occasionne une réaction réflexe douloureuse particulièrement à droite.

 

L’examen de l’épaule montre une mobilité normale à l’exception d’une légère perturbation du rythme scapulo-huméral avec un spasme du trapèze droit. La mobilité en degré droite-gauche est : 180°-180°, abduction 180°-180°, rotation externe 80°-80°, rotation interne 60°-80°, adduction est symétrique mais plus douloureuse à droite 20°-20°. Les manœuvres d’accrochage ne sont pas particulièrement sensibles. La mise en tension contre la résistance des muscles de la coiffe est normale mais éveille une sensibilité à la région cervicale inférieure. La palpation du rachis cervical montre une tension cervicale inférieure et surtout au niveau du trapèze et de l’angulaire droits. L’angulaire étant particulièrement en spasme et douloureux à la palpation. La circonférence des bras à 10cm au-dessus de l’olécrane est de 24.5cm droite et 25cm gauche. L’examen neurologique de C5 à T1 est normal, les réflexes cutanés plantaires sont en flexion.

 

 

[19]           La docteure Pelletier évalue ainsi le déficit anatomo-physiologique :

102383           Atteinte des tissus mous du membre supérieur cervico-

scapulaire droits plus que gauche avec séquelles fonctionnelles.            2 %.

 

207449           Perte de flexion latérale droite de moins de 25 %.                                 1 %.

 

207476           Perte de latéro-flexion gauche de moins de 25 %.                          1 %. [sic]

 

 

[20]           Elle retient les limitations fonctionnelles suivantes :

La patiente devrait avoir les limitations suivantes : elle devrait éviter les mouvements répétitifs de ses membres supérieurs en élévation de plus de 90º de façon soutenue ou répétée.  Elle devrait éviter de porter des charges de plus de 2kg à bout de bras ou de 5kg près de son corps de façon répétée.  Elle devrait éviter toute posture exigeant une sollicitation de son rachis cervical soit en flexion ou extension isolées ou combinées avec des rotations ou latéro-flexions.  Elle devrait éviter tout travail impliquant des vibrations.

 

 

[21]           La CSST a reçu ce rapport d’évaluation médicale le 28 février 2001.

[22]           Le 6 août 2001 la travailleuse revoit la docteure Pelletier qui indique qu’il y a rechute de cervicobrachialgie et bursite sous-acromiale de l’épaule droite. Elle prescrit un arrêt de travail jusqu’au 17 août 2001 après quoi elle suggère la reprise de travaux légers.

[23]           Aux notes évolutives de la CSST contenues au dossier, on constate que la décision de la Commission des lésions professionnelles est reçue le 5 juillet 2001.  Le 11 juillet 2001, l’agente d’indemnisation entre en contact avec l’employeur qui confirme que la travailleuse est en arrêt de travail pour une rechute, récidive ou aggravation alléguée en août 2001.

[24]           Le 20 novembre 2001, la CSST demande au docteur C. Godin, orthopédiste, d’agir comme médecin désigné en vertu de l’article 204 de la loi et de se prononcer quant au diagnostic, à l’existence et à l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles découlant de la lésion initiale du 21 janvier 1999, de même que sur la rechute, récidive ou aggravation alléguée d’août 2001 et à la date de consolidation, s’il y a lieu.

[25]           Le 21 novembre 2001, la travailleuse revoit la docteure Pelletier qui mentionne la persistance des symptômes, autorise une assignation temporaire et la dirige en physiothérapie.

[26]           Le docteur Godin examine la travailleuse le 11 décembre 2001 et signe son rapport le 3 janvier 2002. Il inscrit les diagnostics de cervicalgie et tendinite de l’épaule droite comme diagnostics préévaluation. Il conclut que la travailleuse présente un syndrome douloureux à la région cervicale avec histoire d’irradiation ou d’atteinte aux épaules, ne constate aucun signe de tendinite ou d’accrochage ou autre problème aux épaules. Il y a une discrète limitation de la flexion cervicale associée à des allégations douloureuses sans autre anomalie. Devant un examen musculo-squelettique  normal, il est d’avis qu’il ne subsiste pas d’atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles. En ce qui concerne la rechute, récidive ou aggravation, il écrit :

Relation sur la RRA et sa consolidation s’il y a lieu :  je crois que la condition de madame Beghadi est consolidée sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle.

 

 

[27]           Le 15 mars 2002, la CSST achemine le dossier au Bureau d’évaluation médicale afin qu’il se prononce quant au diagnostic, à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles relativement à la lésion initiale. Elle oppose le rapport d’évaluation médicale effectué par la docteure Pelletier le 22 février 2001 et le rapport du docteur Godin du 8 janvier 2002. Elle indique qu’il n’y a pas de rapport complémentaire puisque la docteure Pelletier est en congé indéterminé depuis décembre 2001.

[28]           Le 11 février 2002, le docteur M. Affal pose le diagnostic de tendinite à l’épaule droite et poursuit les travaux légers. Les traitements de physiothérapie se poursuivent.

[29]           Le 25 avril 2002, la travailleuse est examinée par le docteur J. Sirzyk qui diagnostique une récidive de douleurs à l’épaule gauche et la dirige en physiothérapie.

[30]           Le 7 mai 2002, le docteur M. Djan-Chékar, orthopédiste agissant comme membre du Bureau d’évaluation médicale, examine la travailleuse. À l’historique du dossier, il mentionne l’absence de tout antécédent pertinent à la présente condition. Après avoir fait état des réclamations de rechute d’août et novembre 2001 et du 25 avril 2002, il émet le commentaire suivant :

À l’examen d’aujourd’hui, madame Beghdadi rapporte une aggravation des douleurs depuis le 25 avril 2002, alors qu’elle était en assignation aux travaux légers et suivait des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie depuis environ trois mois. Elle se plaint de douleur cervico-scapulaire bilatérale, ainsi qu’une gêne fonctionnelle importante aux mouvements du rachis cervical et des épaules rendant l’examen physique pour le moins difficile et non concluant. Il faut signaler toutefois malgré une limitation douloureuse des mouvements du rachis cervical et des épaules, l’examen ne révèle aucune atrophie ou contracture au niveau des masses musculaires para-cervicales, péri-scapulaires, aux épaules et aux membres supérieurs et aucun déficit neurologique.

 

À l’étude du dossier, en ce qui a trait à la réclamation initiale du 21 décembre 1998*, il s’agit d’une cervico-brachialgie droite d’origine myofascial, notamment du trapèze droit, ayant évolué de façon pour le moins atypique.

 

Une période d’arrêt de travail initial d’environ huit mois n’a pas résulté à une véritable amélioration des symptômes subjectifs, comme on pourrait s’attendre dans les cas de maladie professionnelle suite à l’élimination des facteurs de sollicitation et de surmenage musculo-squelettique.

 

Les quelques rechutes, donc une importante depuis un an, rapportées par le médecin traitant lors de son évaluation du 14 décembre 2000, avec des périodes d’arrêt de travail, de la physiothérapie et d’ergothérapie, de la forte médication et enfin de l’assignation travaux légers en novembre 2001, ont été suivies d’une ‘aggravation’ des douleurs cervico-brachiales bilatérales notamment à gauche, en date du 25 avril 2002, justifiant une visite à l’urgence. Il s’agit là encore d’une évolution qui demeure préoccupante et questionnable.

 

Quant à l’établissement du déficit anatomo-physiologique et des limitations fonctionnelles en regard de la maladie professionnelle déclarée en date du 21 décembre 1998 , ceci ne peut se faire qu’en nous référant aux évaluations du médecin traitant et du médecin désigné compte tenu de la récente ‘aggravation’.  [sic]

 

 

[31]           Le docteur Djan-Chékar retient le diagnostic de cervicobrachialgie droite d’origine myofasciale du trapèze droit. Il évalue ainsi le déficit anatomo-physiologique :

Code                Description                                                                              DAP%

 

203513             Syndrome myofascial du trapèze droit avec séquelles                 2 %

                       fonctionnelles objectivées au niveau du rachis cervical

                       par analogie avec entorse cervicale avec séquelles

                       objectivées, avec ou sans changement radiologique.

 

 

[32]           Il est d’avis que les limitations fonctionnelles décrites par le médecin traitant  sont justifiées compte tenu des séquelles objectivées rapportées. La travailleuse devra donc :

Éviter de :

-           porter des charges de plus de 2 kg à bout de bras ou de 5 kg près de son corps de façon répétée;

-           toutes postures exigeant une sollicitation de son rachis cervical soit en flexion ou extension isolée ou combinée avec des rotations ou latéro-flexions;

-           Éviter d’effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion d’extension ou de torsion de la colonne cervicale;

 

________________

* Il faut rectifier qu’elle a eu lieu le 21 décembre 1999

-           Tout travail impliquant des vibrations ou des contrecoups au niveau de ses membres supérieurs.

 

Elle devrait bénéficier de possibilité de changement de position au cours de sa journée de travail.

 

 

[33]           Aux notes évolutives de la CSST contenues au dossier, le 7 juin 2002, la travailleuse informe l’agente d’indemnisation que les douleurs à l’épaule gauche ont débuté le 25 avril 2002 vers 11h00 alors qu’elle travaillait au département de l’emballage.

[34]           Le 10 juillet 2002, la CSST entérine les conclusions du docteur Djan-Chékar et évalue à 2,20 % l’atteinte permanente à l’intégrité physique de la travailleuse. Compte tenu des limitations fonctionnelles, elle conclut que la travailleuse a droit aux indemnités de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur sa capacité à exercer un emploi. La travailleuse conteste cette décision, laquelle est maintenue par la CSST après révision administrative, d’où le litige dans le dossier 193426.

[35]           Le 10 juillet 2002, la CSST achemine le dossier au Bureau d’évaluation médicale afin qu’il se prononce quant à la date de consolidation de la rechute, récidive ou aggravation du 6 août 2001, à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles. Elle indique que la réclamation de rechute, récidive ou aggravation de l’épaule gauche a été refusée.

[36]           Le 17 juillet 2002, la CSST refuse de reconnaître l’existence d’une relation entre le nouveau diagnostic de douleurs à l’épaule gauche posé le 25 avril 2002 et l’événement du 21 janvier 1999.  La travailleuse conteste cette décision.

[37]           Le 18 juillet 2002, la travailleuse est admise en réadaptation.

[38]           À partir du 2 août 2002, la travailleuse est prise en charge par le docteur B. Chartrand qui pose les diagnostics de fibromyalgie post-traumatique, de myosite aux trapèzes et de capsulite aux épaules.  Il demande une résonance magnétique cervicale et des épaules, de même qu’une consultation en rhumatologie et il prescrit également un arrêt de travail.

[39]           Le 22 août 2002, le docteur P. Beaumont, orthopédiste agissant comme membre du Bureau d’évaluation médicale, examine la travailleuse. Il mentionne que la travailleuse se présente dans un état de rigidité presque catatonique. Elle refuse de bouger la colonne cervicale. Avec persistance il obtient une flexion de 5°, une extension de 5°, des rotations à 20° et des flexions latérales de 10°. Toutefois, pendant l’entrevue, il constate des mouvements de rotations à au moins 60°. Les flexions et mouvements du tronc sont beaucoup plus amples que ceux mentionnés.

[40]           Spontanément, la travailleuse refuse de bouger les épaules. En insistant de façon passive, il obtient 40° d’abduction et d’élévation antérieure, autant à gauche qu’à droite. La rotation interne est à 70°, la rotation externe à 90°. La travailleuse se plaint de douleurs aux coudes et aux mains.

[41]           Le docteur Beaumont rend l’avis motivé suivant :

Il s’agit d’un cas difficile. Si je regarde l’évaluation faite par le docteur Chékar, semble-t-il que la travailleuse était beaucoup plus fonctionnelle qu’actuellement. L’examen physique d’aujourd’hui et l’entrevue nous montrent que cette travailleuse est en détresse psychologique importante. Elle est sous médication antidépressive et l’examen physique est, à toutes fins utiles, non conforme à la réalité.

 

J’ai bien évalué l’expertise du docteur Godin et celle du docteur Chékar qui était au mois de mai 2002, soit beaucoup plus récemment et il semble y avoir eu une détérioration psychologique depuis et suite à l’examen physique fait aujourd’hui, au point de vue anatomique, que ce soit pour la colonne cervicale et les diagnostics retenus de cervico-brachialgie droite et syndrome myofascial du trapèze droit, je ne retrouve aucune pathologie vraiment objectivable. Je crois qu’il s’agit d’un problème d’un tout autre ordre.

 

En effet, il est impossible de penser qu’on ne puisse pas mobiliser la colonne cervico-dorsale et lombaire, qu’on ne puisse pas mobiliser ni les genoux et qu’on a une douleur à toutes les articulations de tous les membres, à moins d’avoir un problème arthritique important. D’ailleurs, le docteur Chartrand demandait une consultation en rhumatologie pour éliminer une telle pathologie.

 

Je ne vois pas la nécessité d’une telle consultation. Si ceci peut réconforter le médecin traitant, il peut le faire. Toutefois, je n’ai retrouvé aucun signe clinique laissant suspecter une arthrite. Je crois qu’il s’agit d’un problème plutôt psychologique et que le traitement devrait s’orienter en ce sens.

 

 

[42]           En ce qui concerne la condition physique de la travailleuse, le docteur Beaumont est d’avis que la lésion est consolidée le 22 août 2002. Il conclut à l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.

[43]           Le 23 septembre 2002, la CSST refuse la réclamation de rechute, récidive ou aggravation du 6 août 2001 pour le motif qu’il n’y a pas de détérioration objective de l’état de santé de la travailleuse.

[44]           Le 27 septembre 2002, la CSST entérine les conclusions du membre du Bureau d’évaluation médicale.  Elle rappelle que le refus de la réclamation est maintenu et que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale s’appliquera advenant l’acceptation de la réclamation par la révision administrative ou la Commission des lésions professionnelles. La travailleuse conteste ces deux décisions, lesquelles seront maintenues par la révision administrative le 10 février 2003, d’où le litige dans le dossier 201428.

[45]           Le 7 novembre 2002, la CSST retient l’emploi convenable de commis de club vidéo que la travailleuse est capable d’exercer à compter du 6 novembre 2002. Cette décision n’est pas contestée.

[46]           D’octobre 2002 à janvier 2003, le docteur Chartrand réitère les diagnostics de fibromyalgie, myosite et capsulite des épaules.

[47]           La résonance magnétique des épaules demandée par le docteur Chartrand est effectuée en août 2002.  Le radiologiste conclut que l’examen de l’épaule droite est normal.  À gauche, il existe une légère bursite sous-acromio-sous-deltoïdienne. Par ailleurs l’examen est normal.

[48]           La résonance magnétique cervicale est effectuée le 18 février 2003 et démontre des signes de discopathie à C6-C7.  Il n’y a pas de signe de hernie discale, ni d’autre anomalie.

[49]           Le 20 mars 2003, à la demande de sa procureure, le docteur R. Banville examine la travailleuse afin de se prononcer sur les cinq sujets prévus à l’article 212 de la loi.  Au moment de l’examen, la travailleuse se plaint de douleur constante et raideur à la mobilisation et à l’effort au cou, irradiant vers les deux épaules et trapèzes, à prédominance gauche, d’une diminution de la force et de l’endurance. Elle présente des problèmes d’irritation à l’estomac dus à la consommation d’anti-inflammatoires. Elle est anxieuse et présente des idées noires. Il convient de rapporter son examen objectif :

Inspection :

 

-         Attitude antalgique en légère protraction de la tête ;

-         Rigidité de la colonne cervicale et perte de la lordose physiologique ;

-         La travailleuse a beaucoup de difficultés à se déshabiller pour fins d’examen ;

 

Palpation :

 

-         Spasme musculaire en paravertébral, de C3 à C7, bilatéralement ;

-         Point cervical du dos à D4-D5 ;

-         Douleur exquise à palpation du chef supérieur du trapèze, bilatéralement ;

-         Douleur à la palpation de la fosse sus-épineuse, bilatéralement, et amyotrophie bilatérale du sus-épineux ;

-         Douleur au site d’insertion de la coiffe des rotateurs, bilatéralement ;

-         Jobe positif bilatéralement ;

-         Les réflexes ostéo-tendineux bicipital, tricipital et stylo-radial sont présents et symétriques ;

-         Sudation des deux mains ;

-         Diminution de la force de préhension bilatéralement ;

-         Il n’y a pas de différence à la mensuration comparative des membres supérieurs ;

 

 

 

Mobilité articulaire :

 

La travailleuse est limitée dans ses mouvements en ce qui concerne sa colonne cervicale et ses épaules.  Les mouvements du rachis cervical et des épaules sont restreints et douloureux durant et en fin d’exécution, et s’accompagnent de douleurs au niveau du chef supérieur du trapèze.

 

La travailleuse soulève à peine les bras à 90º d’élévation antérieure, et abduction.  Les mouvements déclenchent des douleurs.

 

 

[50]           Le docteur Banville retient les diagnostics de tendinite des épaules et de syndrome myofascial avec myosite du trapèze et émet le commentaire suivant :

Les plaintes de douleurs aux deux épaules et le diagnostic de tendinite aux deux épaules apparaissent au tout début de l’histoire traumatique.

 

Le diagnostic énoncé par le Dr Sirzik le 25/04/2002, le diagnostic de fibromyalgie post-traumatique, myosite secondaire aux trapèzes, capsulite des deux épaules et la symptomatologie alléguée au moment de la rechute, récidive, aggravation sont très compatibles avec la nature de la lésion initiale.

 

La rechute, récidive, aggravation vient donc de se greffer, sur un site lésionnel identique à celui de la pathologie initiale.

 

De plus, la patiente présente actuellement une symptomatologie douloureuse et incapacitante beaucoup plus prononcée.  Nous retrouvons également des signes d’aggravation, une mobilité très restreinte et douloureuse, une douleur à la palpation exquise au niveau des trapèzes.

 

De plus, la patiente est soumise à une investigation très approfondie à la suite de sa rechute, incluant une résonance magnétique cervicale, une consultation en rhumatologie, etc.

 

 

[51]           Le docteur Banville est d’avis que la lésion n’est pas consolidée, que la travailleuse a besoin d’un suivi par une équipe multidisciplinaire avec des traitements de physiothérapie, d’ergothérapie ainsi que des traitements contre la douleur et qu’il est trop tôt pour se prononcer quant à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles.

[52]           Dans un rapport final du 23 avril 2003, le docteur Chartrand pose le diagnostic de fibromyalgie post-traumatique et indique qu’il y a invalidité.  Il prévoit une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles qu’il précise dans son rapport d’évaluation médicale du 23 avril 2003.  Il retient les diagnostics de cervico-brachialgie droite avec syndrome myofascial du trapèze droit et accrochage de l’épaule droite avec fibromyalgie secondaire. Sur le plan subjectif, les douleurs, qui initialement étaient situées à la région cervicale, du trapèze et au membre supérieur du côté droit, se sont dispersées à toute la région vertébrale et aux membrue supérieurs et inférieurs. La travailleuse se sent déprimée. Il convient de rapporter une partie de son examen physique :

[…]

 

Elle a eu des anti-inflammatoires, des anti-douleurs, des relaxants musculaires, de la physiothérapie, des blocs facettaires cervicaux, et un ré-entraînement au travail, sans que tout cela ne l’aide.

 

C’est une dame inquiète, qui nous apparaît déprimée, en douleur, souffrante.  Elle collabore cependant à l’examen.  Elle fait 5 pieds 9 pouces, et pèse 64 kg.  À l’inspection on peut remarquer qu’il y a une raideur très importante au niveau du cou avec des mouvements particulièrement diminués.  La flexion ne se fait qu’à environ 20 degrés, et il y a perte de 40 degrés.  L’extension a une perte de 20 degrés.  Les mouvements latéraux, flexion et rotation, ont une perte d’une vingtaine de degrés chacun à droite et à gauche.  Les mouvements aux deux épaules sont aussi beaucoup diminués avec un accrochage douloureux à une centaine de degrés en abduction bilatéralement.  L’abduction et l’élévation aux deux épaules ne se font qu’à 140 degrés, perte donc de 40 degrés.  La rotation interne et externe, à droite et à gauche, a une perte de 10 degrés, et l’élévation a aussi une perte de 40 degrés bilatéralement aux deux épaules.

 

Les manœuvres de Neer et de Hawkins sont positives aux deux épaules.  Les mouvements aux deux coudes sont normaux de même qu’aux deux poignets.  Les mouvements au niveau du rachis lombaire sont diminués, la flexion et l’extension ont une perte de 15 degrés chacun.  Les mouvements latéraux, flexion et rotation, ont une perte de 10 degrés chacun, à droite et à gauche.  Les mouvements au niveau des deux genoux et des deux chevilles sont normaux de même qu’aux deux hanches.

 

Nous retrouvons des points gâchettes à tous les sites connus de la fibromyalgie au nombre de dix-huit avec réponse positive à la palpation.  Il n’y a pas de déficit neurologique aux deux membres supérieurs et inférieurs.  Pas de signe d’arthrite inflammatoire à aucune articulation.  Les masses musculaire sont symétriques au niveau des deux membres supérieurs et inférieurs.  [sic]

 

 

[53]           Le docteur Chartrand fait état d’un bilan sanguin qui a démontré une sédimentation à 35 et un facteur rhumatoïde à 2560 et d’une cartographie du 2 août 2002 qui a démontré la présence d’un phénomène ostéodégénératif aux pieds, de même qu’une possibilité de fracture de stress au tiers moyen du tibia droit.  Il est d’avis qu’il y a aggravation par rapport à l’évaluation effectuée par la docteure Pelletier en décembre 2000.  Il recommande une évaluation en psychiatrie.  Il évalue ainsi le bilan des séquelles :

Madame a les caractéristiques de la fibromyalgie.  Compte tenu du fait que cette pathologie s’installe suite à des douleurs qui originellement ont été reconnues comme étant liées au travail, nous pensons que cela relève de la CSST.

 

Elle répond très mal à toutes formes de médication, il est donc difficile de contrôler ses douleurs.

 

En terme d’équivalence nous utiliserons les codes des atteintes des tissus mous et la bilatéralité.

 

[…]

 

Fibromyalgie, équivalence faite avec l’atteinte des tissus mous :

 

 

Pour le membre supérieur droit

Code 102383                                                                                                      2.     %

Pour le membre supérieur gauche

Code 102383                                                                                                      2.     %

Bilatéralité

Code 102383                                                                                                      2.     %

 

Fibromyalgie, équivalence faite avec l’atteinte des tissus mous :

Pour le membre inférieur droit

Code 103499                                                                                                      2.     %

Pour le membre inférieur gauche

Code 103499                                                                                                      2.     %

Bilatéralité

Code 103499                                                                                                      2.     %

 

Total du DAP :                                                                                                 12.     %

 

 

Déficit de perte de jouissances de la vie et de la

douleur sur ce pourcentage

Code 225125                                                                                                     2.4    %

 

 

[54]           Il retient les limitations fonctionnelles suivantes :

Madame est une Classe 4 selon la classification de l’IRSST pour les cervicalgies et les lombalgies, de même qu’on peut dire qu’elle serait un équivalent d’une Classe 4 pour les deux membres supérieurs et inférieurs.

 

 

L’AVIS DES MEMBRES

Dossier 193426

[55]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la procédure d’évaluation médicale menant à l’avis rendu par le docteur Djan-Chékar est irrégulière et que les conclusions de la docteure Pelletier, médecin qui a charge de la travailleuse doivent être maintenue en ce qui a trait à l’évaluation des séquelles découlant de la lésion professionnelle du 21 janvier 1999. Il est également d’avis que la preuve prépondérante démontre qu’il y a relation entre cette lésion et le nouveau diagnostic de douleurs à l’épaule gauche. La travailleuse a donc subi une rechute, récidive ou aggravation en avril 2002.

[56]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la procédure d’évaluation médicale est régulière et que les conclusions du docteur Djan-Chékar doivent être maintenues en ce qui a trait à l’évaluation des séquelles découlant de la lésion professionnelle du 21 janvier 1999. Il est également d’avis que la travailleuse n’a pas présenté de preuve permettant de conclure qu’elle a subi une rechute, récidive ou aggravation ni le 6 août 2001 ni en avril 2002.

Dossier 201428

[57]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la procédure d’évaluation médicale menant à l’avis rendu par le docteur Beaumont est irrégulière et que l’opinion de la docteure Pelletier, médecin qui a charge de la travailleuse, doit être retenue quant au fait que le 6 août 2001, cette dernière a subi une lésion professionnelle soit une rechute, récidive ou aggravation de la lésion professionnelle initiale et que l’évaluation des séquelles effectuée par le docteur Chartrand doit être retenue.

[58]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la procédure d’évaluation médicale est régulière et que les conclusions du docteur Beaumont qui a agi comme membre du Bureau d’évaluation médicale doivent être maintenues, à savoir que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 6 août 2001.

LES MOTIFS SUR LES MOYENS PRÉALABLES

Dossier 193426

[59]           La Commission des lésions professionnelles doit d’abord déterminer si la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi a été suivie de façon régulière, d’abord en ce qui concerne l’avis rendu par le docteur Djan-Chékar le 7 mai 2002.

[60]           Les articles suivants sont pertinents au présent litige :

204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.

__________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.

__________

1997, c. 27, a. 3.

 

 

206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.

__________

1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

215. L'employeur et la Commission transmettent, sur réception, au travailleur et au médecin qui en a charge, copies des rapports qu'ils obtiennent en vertu de la présente section.

 

La Commission transmet sans délai au professionnel de la santé désigné par l'employeur copies des rapports médicaux qu'elle obtient en vertu de la présente section et qui concernent le travailleur de cet employeur.

__________

1985, c. 6, a. 215; 1992, c. 11, a. 17.

 

217. La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.

__________

1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.

 

 

221. Le membre du Bureau d'évaluation médicale, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la Commission ou l'employeur, relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu.

 

Il peut aussi, s'il l'estime approprié, donner son avis relativement à chacun de ces sujets, même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet.

__________

1985, c. 6, a. 221; 1992, c. 11, a. 23.

 

 

224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.

 

Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.

 

Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.

 

La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.

__________

1992, c. 11, a. 27.

 

 

[61]           Après analyse de la preuve et de l’argumentation soumise, la soussignée en vient à la conclusion que la procédure d’évaluation médicale est irrégulière en ce qui concerne l’avis du 7 mai 2002.

[62]           Il est vrai que selon l’article 204 de la loi, la CSST n’est soumise à aucun délai pour amorcer la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi.  Toutefois, à l’instar de la Commission des lésions professionnelles, dans la décision Roudenko  et Korum Design inc. et CSST[2], tout en reconnaissant qu’il ne s’agit pas de remettre en cause le pouvoir de la CSST d’utiliser la procédure d’évaluation médicale, la soussignée rappelle que, compte tenu de sa nature et de ses frais, cette procédure doit être suivie de façon rigoureuse :

[42.]     La Commission d'appel en matière de lésions professionnelles a déjà indiqué que le processus d’évaluation médicale devait être suivi de façon rigoureuse et le présent tribunal estime que même si l’article 204 a été modifié en 1992, le principe énoncé par la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles s’applique toujours :

 

Le législateur, dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, a voulu pallier à l’intrusion dans la vie privée d’une personne que peut constituer l’examen médical obligatoire, en prescrivant une procédure spécifique et rigoureuse permettant à la fois d’atteindre l’objectif de la loi énoncé à l’article 1, et la protection du droit fondamental à la vie privée. Il s’agit évidemment des articles 199 et suivants de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles qui doivent être, pour en respecter la nature et les fins, suivis scrupuleusement2.

 

(notre soulignement)

______________________

2             Aires Pedro et Construction Easy Pilon et Commission de la santé et de la sécurité du travail, [1990] C.A.L.P. 776 .

 

 

[63]           Par ailleurs, la jurisprudence a déjà reconnu que l’article 204 devait se lire en tenant compte de l’ensemble des dispositions prévues à la procédure d’évaluation médicale. Dans la décision Panor et Garderie expression inc.[3] la Commission des lésions professionnelles écrit :

[33]      On constate également que la CSST n’est soumise à aucun délai particulier afin de se prévaloir de cette demande. [2][3]  Toutefois, même si l’article 204 de la Loi n’édicte aucun délai particulier, il doit tout de même se lire dans l’ensemble des dispositions législatives et particulièrement en tenant compte de l’article 224 de la Loi qui édicte que la CSST est liée par le diagnostic et les autres conclusionsétablis par le médecin qui a charge du travailleur.  [sic]

                                  

[2]        Marchand et les habitations Le Domaine enr., C.A.L.P. 64802-60-9412, 1er août 1996, M. Cuddihy.

[3]            Guillemette et Communauté urbaine de Montréal, C.L.P. 109926-62 C-9901 et 110165-62C-9902, 12 octobre 1999, C. Racine, commissaire

 

 

[64]           De plus, dans la décision Montigny et Nettoyeurs Prof de Conduits d’air et CSST[4], la Commission des lésions professionnelles conclut que la CSST doit faire preuve de diligence et de célérité dans la gestion de la procédure d’évaluation médicale et qu’un délai injustifié avant de demander l’avis d’un médecin désigné peut, dans des situations particulières, devenir source d’injustice. Il convient de citer cette décision :

[43]      On le voit, la loi n’impose aucun délai à la CSST pour contester les conclusions émises par le médecin qui a charge d’un travailleur. Toutefois, le tribunal estime qu’elle doit faire preuve de diligence et célérité. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle en arrive la jurisprudence consultée par le soussigné, notamment dans la cause Mitchell Inc. et CSST-Laval2 alors qu’on y mentionne ceci :

___________________

2             Mitchell Inc. et CSST-Laval, 128440-61-9912, 128444-61-9912, 21 juillet 2000, G. Morin

 

 

[43]      La Commission d'appel en matière de lésions professionnelles a déjà déterminé, dans un contexte où elle devait décider de la régularité de la procédure de contestation des questions d'ordre médical, que l'expression « sans délai » introduite à l'article 217 de la loi traduisait la volonté du législateur quant à l'obligation de la CSST d'agir avec célérité et diligence et que son défaut de respecter telle obligation n'était assorti d'aucune sanction et n'avait pas pour effet de compromettre la légalité de la procédure initiée sauf si le délai est injustifiable et qu'il entraîne une injustice4.

_____________________

4          Tremblay et Les Coffrages C.C.C. Ltée, C.A.L.P. 78853-03-9604, le 5 septembre 1997, Jean-Guy Roy.  Ruiz et Plastexpert inc., C.A.L.P. 69967-60-9505, le 17 juillet 1996, Réal Brassard.  Provencher et CLSC Longueuil ouest, C.A.L.P. 04445-62-8708, le 30 juillet 1990, Réginald Boucher.  Dessaint et Ministère des anciens combattants, C.A.L.P. 12672-62-8903, le 16 mars 1992, Antonio Discepola.

 

 

[44]      Plus récemment, dans l'affaire Blais5 la Commission des lésions professionnelles s'exprime ainsi sur cette question:

 

« Même si cette disposition traduit la volonté du législateur pour que la CSST agisse avec célérité lorsqu'une contestation semblable prend naissance, il faut observer que la LATMP ne fixe explicitement aucune sanction si le délai qui y est énoncé n'est pas respecté.  Dans ces circonstances, comme il s'agit d'une disposition procédurale, l'irrespect de cette règle ne devrait pas être interprétée de façon à faire perdre l'exercice d'un droit qu'elle encadre.  Conséquemment, la Commission des lésions professionnelles doit se garder d'intervenir en cette matière à moins qu'il lui soit démontré qu'elle est confrontée à un délai injustifiable qui devient la source d'une injustice. »

____________________

            5             Daniel Blais, C.L.P. 114971-05-9903, le 9 septembre 1999, François Ranger.

 

 

[44]      Par ailleurs, dans la cause Denise Morin et José & George inc.3 le commissaire Robert Daniel s’exprime ainsi :

____________________

            3             Denise Morin et José & George inc, 154442-64-0101, 24 septembre 2001, R. Daniel

 

[60]      Il est à noter également que le législateur fait part, dans l’article 217 de la loi, de la notion de « sans délai » et non pas de délai raisonnable.  La Commission des lésions professionnelles considère cette expression « sans délai » comme beaucoup plus contraignante de par ce libellé que l’expression « dans un délai raisonnable », et ce, dans un but avoué, d’obtenir le plus rapidement possible les conclusions médicales d’un arbitre pour déterminer les conséquences juridiques découlant de celles-ci afin de ne pas pénaliser un travailleur ou une travailleuse indûment.

 

 

[45]      Le présent tribunal fait siens les commentaires du commissaire Daniel qui estime qu’à cause du terme « sans délai » utilisé par le législateur, la CSST doit faire preuve de diligence et de célérité. Par ailleurs, retenant les principes énoncés dans l’affaire Blais dont il a été question plus avant, la Commission des lésions professionnelles doit intervenir s’il lui est démontré qu’elle est confrontée à un délai injustifiable qui devient source d’une injustice.

 

 

[65]           En accord avec cette jurisprudence, la soussignée est d’avis qu’en l’espèce, nous sommes en présence d’un délai injustifié qui, dans les circonstances, est devenu source d’injustice pour la travailleuse.

[66]           En l’espèce, il s’agit d’un dossier où la CSST a d’abord refusé la réclamation de la travailleuse. En juin 2001, après la décision de la Commission des lésions professionnelles qui a reconnu l’existence d’une lésion professionnelle, la CSST a retenu la date de consolidation établie par la docteure Pelletier, médecin qui a charge de la travailleuse, soit le 7 décembre 2000. Alors qu’elle avait en main le rapport d’évaluation médicale produit par la docteure Pelletier le 22 février 2001, elle ne s’est pas prononcée quant aux séquelles découlant de la lésion professionnelle du 21 janvier 1999 pourtant consolidée depuis six mois. Ce n’est que cinq mois plus tard, soit en novembre 2001, et après que la travailleuse ait produit une réclamation de rechute, récidive et aggravation en août 2001, que l’avis d’un médecin désigné est demandé sur ces questions. Ce n’est que le 15 mars 2002 que le dossier est transmis au Bureau d’évaluation médicale, soit quatre mois après réception du rapport du médecin désigné.

[67]           La soussignée est d’avis qu’à partir du moment où la CSST a retenu les conclusions du médecin qui a charge en ce qui a trait à la consolidation de la lésion, la CSST devait, soit retenir les conclusions de ce médecin quant aux séquelles découlant de la lésion, soit amorcer la procédure d’évaluation médicale sur cette question. Et ce, d’autant plus qu’elle était informée d’un nouvel arrêt de travail depuis juillet 2001.

[68]           Le retard à entreprendre la procédure d’évaluation médicale quant aux séquelles, a eu comme conséquence que, malgré les limitations fonctionnelle qui seront ultérieurement reconnues, la travailleuse a repris son travail régulier après la consolidation de la lésion. Elle a donc été pénalisée indûment.

[69]           En conséquence, la soussignée est d’avis que la procédure d’évaluation médicale est irrégulière et que la décision du 10 juillet 2002, entérinant les conclusions du membre du Bureau d’évaluation médicale, doit être annulée.

[70]           Compte tenu de cette conclusion, aux fins de rendre la présente décision, la Commission des lésions professionnelles est liée par les conclusions de la docteure Pelletier, médecin qui a charge de la travailleuse en vertu de l’article 224 de la loi, en ce qui a trait au diagnostic, à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles découlant de la lésion initiale.

[71]           Il y a toutefois lieu de souligner que l’évaluation du déficit anatomo-physiologique de la docteure Pelletier n’est pas conforme au Règlement sur le barème des dommages corporels[5] (le Barème). La jurisprudence est constante pour reconnaître que la Commission des lésions professionnelles a compétence pour vérifier la conformité de l’évaluation des séquelles faite par le médecin qui a charge et corriger toute erreur d’interprétation ou d’application du Barème[6]. Le présent tribunal entend donc corriger l’évaluation de la docteure Pelletier pour la rendre conforme au Barème.

[72]           En effet, la docteure Pelletier accorde un déficit anatomo-physiologique de 2 % selon le code 102 383, soit pour une atteinte des tissus mous du membre supérieur droit avec séquelles fonctionnelles. Ce code prévoit qu’il faut de plus se référer au tableau des ankyloses de l’articulation atteinte, ainsi qu’au tableau 5 des atrophies du membre supérieur, s’il y a lieu.

[73]           L’examen physique ne démontrant pas d’atrophie, la docteure Pelletier ne réfère donc pas au tableau 5 du barème. Il ne démontre pas non plus de perte de mobilité de l’épaule droite. Elle accorde toutefois un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour les ankyloses avec les codes 207 449 et 207 476, ce qui correspond au tableau II et qui concerne les ankyloses permanentes de la colonne cervicale. Or, la colonne cervicale ne constitue pas une articulation du membre supérieur.

[74]           Considérant l’examen physique effectué par la docteure Pelletier, qui démontre une perte de mobilité cervicale plutôt que de l’épaule droite, le déficit anatomo-physiologique devrait donc être évalué à 2 % selon le code 203 513, soit par analogie avec une entorse cervicale avec séquelles objectivées, avec ou sans changement radiologique. Le Barème ne prévoit pas de déficit anatomo-physiologique supplémentaire pour les ankyloses. À ce pourcentage s’ajoute 0,2 % pour douleur et perte de jouissance de la vie pour un pourcentage de 2,2 % d’atteinte permanente.

[75]           Considérant les séquelles objectivées par la docteure Pelletier, les limitations fonctionnelles qu’elle retient sont justifiées.

Dossier 201428

[76]           La Commission des lésions professionnelles doit maintenant déterminer si l’avis rendu par le docteur Beaumont, qui a agi comme membre du Bureau d’évaluation médicale le 22 août 2002, a été rendu de façon régulière.

[77]           Bien que la CSST soit tenue d’obtenir le rapport complémentaire du médecin qui a charge de la travailleuse en vertu de l’article 205.1, la soussignée est d’avis que dans ce cas particulier, compte tenu de l’absence pour maladie de la docteure Pelletier, la soussignée est d’avis que la CSST était dans l’impossibilité d’obtenir ce rapport. Dans ce contexte, l’absence de ce rapport n’a pas pour effet d’invalider le processus d’évaluation médicale.

[78]           La soussignée est également d’avis que, dans la mesure où la CSST avait demandé au docteur Godin, qui a gi comme médecin désigné en janvier 2002, de se prononcer quant à la rechute, récidive ou aggravation du 6 août 2001, elle pouvait réutiliser cet avis et l’acheminer au membre du Bureau d’évaluation médicale.

[79]           La soussignée est également d’avis que l’on ne peut conclure qu’il y a eu délai dans ce cas-ci puisque la demande a été acheminée au Bureau d’évaluation médicale le jour même où la CSST entérinait les conclusions du docteur Djan-Chékar qui a agi comme membre du Bureau d’évaluation médicale relativement à la lésion initiale.

[80]           Par ailleurs, on ne peut non plus conclure que le docteur Beaumont a ignoré les symptômes décelés à son examen objectif. Il a plutôt constaté la présence de douleur et une difficulté de mobilisation tant de la colonne cervico-dorsale et lombaire qu’au niveau des genoux et à toutes les articulations de tous les membres. Compte tenu des diagnostics retenus de cervicobrachialgie droite et syndrome myofascial de trapèze droit, il ne retrouvait aucune pathologique vraiment objectivable et a émis ses conclusions quant à la condition physique de la travailleuse, tout en faisant état d’une détresse psychologique importante.

[81]           Enfin, comme la CSST avait mentionné le refus du diagnostic concernant l’épaule gauche, on ne peut lui reprocher d’avoir ignoré les résultats de la résonance magnétique  de l’épaule gauche du 15 août 2002.

[82]           Tous ces éléments amènent la soussignée à déclarer que l’avis du docteur Beaumont a été rendu de façon régulière.

Rechute, récidive ou aggravation du 6 août 2001 et d’avril 2002

[83]           La Commission des lésions professionnelles doit maintenant déterminer si le 6 août 2001, la travailleuse a subi une  rechute, récidive ou aggravation de la lésion initiale du 21 janvier 1999.

[84]           L’article 2 de la loi donne la définition suivante d’une lésion professionnelle :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[85]           Les notions de rechute, récidive ou aggravation ne sont pas définies à la loi. La jurisprudence est constante pour reconnaître qu’il faut leur attribuer leur sens courant, à savoir une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes.

[86]           La travailleuse doit démontrer par une preuve prépondérante l’existence d’une relation entre la lésion initiale et la rechute, récidive ou aggravation.

[87]           La jurisprudence a développé plusieurs paramètres permettant de déterminer l’existence de cette relation, entre autres : la gravité de la lésion initiale, la continuité de la symptomatologie, l’existence ou non d’un suivi médical, l’existence de limitations fonctionnelles et d’atteinte permanente. Aucun de ces paramètres n’est déterminant à lui seul mais pris dans leur ensemble, ils permettent de décider du bien fondé d’une réclamation.

[88]           En l’espèce, compte tenu de l’expertise du docteur Godin qui confirmait les diagnostics posés par la docteure Pelletier en août et novembre 2001, la question du diagnostic n’a pas fait l’objet de la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi. Aux fins de rendre la présente décision, la Commission des lésions professionnelles est donc liée par les diagnostics de cervicobrachialgie droite et bursite sous-acromiale à l’épaule droite posés par la docteure Pelletier en août 2001.

[89]           Après analyse et appréciation de l’ensemble de la preuve et de l’argumentation soumise, la soussignée est d’avis que la preuve prépondérante démontre que, le 6 août 2001, la travailleuse a subi une lésion professionnelle sous forme de rechute, récidive ou aggravation de la lésion initiale du 21 janvier 1999.

[90]           Au risque de se répéter, la Commission des lésions professionnelles rappelle que, malgré les limitations fonctionnelles qui seront ultérieurement reconnues en 2002, la preuve révèle que la travailleuse a repris son travail régulier avant la consolidation de décembre 2000. Considérant que la Commission des lésions professionnelles reconnaissait les problèmes à l’épaule droite comme étant reliés aux risques particuliers du travail, la soussignée est d’avis que la reprise du travail régulier est susceptible d’avoir causé l’aggravation de la condition de l’épaule droite de la travailleuse. Elle retient donc l’opinion de la docteure Pelletier qui est la physiatre traitante de la travailleuse depuis mars 1999 et qui, après avoir consolidé la lésion en décembre 2000 et produit le rapport d’évaluation médicale en février 2001, indiquait qu’il y avait rechute des problèmes à l’épaule droite en août et novembre 2001.

[91]           Par la suite, soit en août 2002, la travailleuse est prise en charge par le docteur Chartrand qui pose les diagnostics de cervicobrachialgie droite avec syndrome de myofascial droit et accrochage de l’épaule droite avec fibromyalgie secondaire et consolidera la lésion au 23 avril 2003, avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.

[92]           Considérant que, de façon contemporaine à cette rechute, récidive ou aggravation, à partir de novembre 2001 la docteure Pelletier autorise une assignation temporaire, et considérant les examens des docteurs Godin et Djan-Chékar qui ont agi respectivement comme médecin désigné et membre du Bureau d’évaluation médicale en décembre 2001 et mai 2002, la soussignée est d’avis que la lésion était consolidée le 11 décembre 2001, soit au moment où la travailleuse est examinée par le docteur Godin.

[93]           En effet, le docteur Godin fait état d’un examen musculo-squelettique  normal tant au niveau cervical que des épaules. Quant au docteur Djan-Chékar, bien qu’il ait eu pour mandat de se prononcer quant au diagnostic, à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles découlant de la lésion initiale, et que son examen ait lieu après les réclamations de rechute, récidive ou aggravation d’août 2001 et d’avril 2002, il n’en demeure pas moins qu’il procède à un examen objectif très détaillé. Malgré la limitation douloureuse du rachis cervical et des épaules, cet examen ne révèle aucune atrophie ou contracture des masses musculaires paracervicales, péri-scapulaires, aux épaules et aux membres supérieurs et aucun déficit neurologique. Il est d’avis qu’il s’agit d’une évolution atype et questionnable et que son examen est difficile et non concluant.

[94]           Compte tenu de son mandat et des rechutes, récidives ou aggravations alléguées suite à la lésion initiale, c’est en se référant au rapport d’évaluation médicale de la docteure Pelletier et au rapport du docteur Godin que le docteur Djan-chekar se prononce quant à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles découlant de la lésion initiale.

[95]           C’est donc sur la base de l’examen du docteur Godin et de l’examen et des commentaires du docteur Djan-Chékar, de même que sur les conclusions du docteur Beaumont qui, en août 2002 ne retrouve aucune pathologie objectivable relativement aux problèmes de cervicobrachialgie droite et bursite de l’épaule droite, que la soussignée est d’avis que, suite à la rechute, récidive ou aggravation d’août 2002, la lésion était consolidée en décembre 2001 et que les soins n’étaient plus nécessaires. Elle est également d’avis qu’il n’y a pas eu augmentation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles découlant de la lésion initiale suite à cette rechute, récidive ou aggravation.

[96]           La Commission des lésions professionnelles doit maintenant déterminer s’il y a relation entre le diagnostic de douleur à l’épaule gauche posé en avril 2002 et l’événement du 21 janvier 1999.

[97]           La travailleuse ne prétend pas qu’il est survenu un nouvel événement, ou qu’elle a subi une nouvelle lésion sous forme de maladie professionnelle en avril 2002. Après analyse et appréciation de l’ensemble de la preuve et de l’argumentation soumise, la soussignée est d’avis que la preuve prépondérante ne démontre pas qu’il y a eu rechute, récidive ou aggravation de la lésion initiale en avril 2002.

[98]           En effet, bien que les premières consultations de janvier 1999 fassent état de douleur aux deux épaules, la preuve révèle qu’à partir de mars 1999, la travailleuse est prise en charge par la docteure Pelletier qui, à aucun moment, ne retient un diagnostic pour l’épaule gauche et n’en fait pas non plus état dans son rapport d’évaluation médicale du 22 février 2001. Dans ce contexte et dans la mesure où la travailleuse elle-même affirme que la douleur à gauche est apparue en avril 2002,  on ne peut conclure à une récidive de douleur à l’épaule gauche en avril 2002. Et ce, d’autant plus que dans son rapport d’évaluation médicale d’avril 2003, le docteur Chartrand ne retient pas non plus de diagnostic relatif à ce site de lésion. Quant au docteur Banville, il prend pour acquis que la douleur est apparue initialement aux deux épaules et que la lésion a été acceptée bilatéralement, ce qui atténue la valeur probante de ses conclusions.

[99]           En conséquence, la travailleuse n’a pas démontré qu’il y avait relation entre la douleur aux épaules constatée en avril 2002 et la lésion initiale.

[100]       La soussignée est enfin d’avis que la preuve prépondérante démontre qu’il n’y a pas de relation entre le diagnostic de fibromyalgie, posé par le docteur Chartrand, et la lésion initiale.

[101]       En effet, bien qu’en août 2002 le docteur Beaumont n’ait pas eu à se prononcer sur la question du diagnostic, il n’en demeure pas moins que son examen ne démontrait pas de pathologie objectivable.

[102]       De plus, il y a lieu de rappeler qu’alors que le docteur Chartrand pose le diagnostic de fibromyalgie depuis août 2002, lors de son examen du 26 mars 2003, le docteur Banville ne retient pas ce diagnostic. Tant sur le plan subjectif qu’objectif, son examen ne concerne que le cou et les épaules. Il est donc difficile d’expliquer que quelques semaines plus tard, la symptomatologie présentée par la travailleuse se soit dispersée à toute la région vertébrale et aux membres supérieurs et inférieurs, comme le constate le docteur Chartrand en avril 2003.  

[103]       En conséquence, la travailleuse n’a pas démontré de façon prépondérante que la fibromyalgie diagnostiquée par le docteur Chartrand en août 2002 soit secondaire à la lésion initiale  

[104]       Il appert que les docteurs Chartrand, Beaumont et Banville constatent la présente de symptômes dépressifs importants chez la travailleuse. Le docteur Chartrand suggérait une évaluation en psychiatrie, alors qu’il n’a jamais posé de diagnostic à caractère psychologique depuis août 2002, ce qui explique l’absence de décision de la CSST quant à ces symptômes.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 193426

ACCUEILLE la requête de madame Latifa Beghdadi, la travailleuse;

INFIRME en partie la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 26 août 2002 à la suite d’une révision administrative;

 

DÉCLARE qu’il y a relation entre les diagnostics de cervicobrachialgie droite et syndrome myofascial du trapèze droit et l’événement du 21 janvier 1999;

 

DÉCLARE que la lésion a entraîné une atteinte permanente de 2,20 %. La travailleuse a donc droit a une indemnité pour dommages corporels correspondant à ce pourcentage, comme le prévoit l’article 84 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

DÉCLARE qu’il subsiste des limitations fonctionnelles, telles qu’évaluées par la docteur A. Pelletier dans son rapport d’évaluation médicale du 22 février 2001;

DÉCLARE qu’il n’y a pas de relation entre le diagnostic de douleur à l’épaule gauche et l’événement du 21 janvier 1999. La travailleuse n’a donc pas subi de rechute, récidive ou aggravation en avril 2002.

 

 

 

Dossier 201428

 

ACCUEILLE la requête de madame Latifa Beghdadi, la travailleuse;

 

DÉCLARE que, le 6 août 2001 la travailleuse a subi une lésion professionnelle, soit une rechute, récidive ou aggravation de la lésion initiale du 21 janvier 1999;

 

DÉCLARE que la lésion était consolidée le 11 décembre 2001, date à laquelle les traitements n’étaient plus nécessaires;

 

DÉCLARE que la lésion n’a pas entraîné d’atteinte permanente supplémentaire ni de nouvelles limitations fonctionnelles;

 

 

 

 

 

__________________________________

 

Marie-Hélène Côté

 

Commissaire

 

 

 

Me Maryse Rousseau

F.A.T.A. - MONTRÉAL

Représentante de la partie requérante

 

 

 

Me Gaétane Beaulieu

PANNETON LESSARD

Représentante de la partie intervenante

 

 



[1]          L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 103460-72-9807, 26 mai 1999, L. Boudreault

[3]          C.L.P. 127645-72-9911, 8 juin 2000, P. Perron.

[4]           C.L.P., 225935-71-0401, 29 mars 2005, R. Langlois

[5]           (1987) 119 G.O. II 5576

[6]           Voir entre autre Leduc et Forains Abypsaux inc., C.L.P. 183879-64-0205, 19 décembre 2002, J.-F. Martel; [2004] C.L.P. 1172 à 1193, J.F. Clément

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