Décision

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Modèle de rectification CLP - mars 2011

Bussières et Québec (Ministère du Revenu) (Continuité)

2012 QCCLP 2999

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

9 mai 2012

 

Région :

Québec

 

Dossier :

453478-31-1111-C

 

Dossier CSST :

138288964

 

Commissaire :

René Napert, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Josée Bussières

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ministère Revenu Québec - Continuité

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

RECTIFICATION D’UNE DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           La Commission des lésions professionnelles a rendu le 3 mai 2012, une décision dans le présent dossier;

[2]           Cette décision contient une erreur d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;

[3]           À la page 11, nous lisons :

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour qu’elle décide, conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles de l’admissibilité de la réclamation déposée par la travailleuse, le 8 août 2001.

[4]           Alors que nous aurions dû lire :

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour qu’elle décide, conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles de l’admissibilité de la réclamation déposée par la travailleuse, le 8 août 2011.

 

 

 

 

 

René Napert

 

 

 

 

Me Julie-Véronique Allaires

POUDRIER BRADET, AVOCATS

Représentante de la partie requérante


Bussières et Québec (Ministère du Revenu) (Continuité)

2012 QCCLP 2999

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

3 mai 2012

 

Région :

Québec

 

Dossier :

453478-31-1111

 

Dossier CSST :

138288964

 

Commissaire :

René Napert, juge administratif

 

Membres :

Michel Paré, associations d’employeurs

 

Gilles Dubé, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

 

 

Josée Bussières

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ministère Revenu Québec - Continuité

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]   Le 1er novembre 2011, madame Josée Bussières (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 24 octobre 2011, à la suite d’une révision administrative.

 

 

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 29 août 2011. Elle déclare irrecevable la réclamation de la travailleuse puisqu’elle a été produite en dehors du délai prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et qu’aucun motif raisonnable ne fut présenté lui permettant de la relever de son défaut.

[3]           Une audience se tient à Québec le 27 avril 2012. La travailleuse est présente. Revenu Québec (l’employeur) est représenté. L’audience ne porte que sur la question du délai, conformément à l’avis de convocation acheminé aux parties. La cause est mise en délibéré le même jour.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue par la CSST le 24 octobre 2011, à la suite d’une révision administrative. Elle demande d’être relevée de son défaut d’avoir agi dans le délai prévu à la loi. Elle désire que sa réclamation soit déclarée recevable.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Conformément à l’article 429.50 de la loi, le soussigné a demandé et obtenu l’avis des membres qui ont siégé avec lui sur les questions faisant l’objet de la contestation ainsi que les motifs de cet avis.

[6]           Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la requête de la travailleuse devrait être accueillie.

[7]           Selon eux, bien que la réclamation de la travailleuse soit tardive, il y a lieu d’appliquer les dispositions de l’article 352 de la loi et de la relever des conséquences de son défaut de respecter le délai imparti.

[8]           À leur avis, la travailleuse a fait la démonstration d’un motif raisonnable expliquant son retard. Par ailleurs, les membres sont d’avis qu’elle a démontré sa préoccupation concrète et constante à l’égard des droits qu’elle peut revendiquer aux termes de la loi.

 

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[9]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la réclamation de la travailleuse, déposée à la CSST le 8 août 2011, est recevable.

[10]        Les articles 270 et 272 de la loi édictent ce qui suit :

270.  Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de 14 jours complets ou a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ou, s'il décède de cette lésion, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lésion ou du décès, selon le cas.

 

L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.

 

Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, remet à l'employeur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.

__________

1985, c. 6, a. 270.

 

 

272.  Le travailleur atteint d'une maladie professionnelle ou, s'il en décède, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la date où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle ou qu'il en est décédé, selon le cas.

 

Ce formulaire porte notamment sur les nom et adresse de chaque employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle.

 

La Commission transmet copie de ce formulaire à chacun des employeurs dont le nom y apparaît.

__________

1985, c. 6, a. 272.

 

 

[11]        Il résulte de ces dispositions, qu’une réclamation à la CSST doit être produite dans un délai de six mois de la survenance d’une lésion (article 270) ou de la date où il est porté à la connaissance d’un travailleur qu’il est atteint d’une maladie professionnelle (article 272).

[12]        En l’espèce, la travailleuse, une technicienne en administration à l’emploi de l’employeur depuis le 12 janvier 2009, a produit une réclamation à la CSST le 8 août 2011 pour des malaises ayant débuté à l’automne 2010, au début du mois d’octobre.

 

[13]        Sa réclamation à la CSST est accompagnée de l’attestation médicale requise par la loi, datée du 4 août 2011, pour un événement survenu le 20 octobre 2010. La docteure Paquette retient les diagnostics d’épicondylite externe bilatérale, de bursite aux épaules, de cervicalgie, de petites hernies cervicales au niveau C4-C5 et C5-C6 démontrées par résonance magnétique.

[14]        La réclamation est par ailleurs accompagnée d’une lettre émanant de la travailleuse datée du 5 août 2011. Elle écrit ce qui suit :

J’ai commencé à ressentir de la douleur au poignet droit au début octobre 2010. J’ai continué à travailler en prenant des médicaments Advil et Aleeve, en me disant que cette douleur passerait. En novembre 2010, la douleur avait augmenté et progressé au coude et à l’épaule droits. J’ai donc consulté un médecin à la clinique sans rendez-vous, docteure Jacinthe Leclerc, à la fin novembre 2010, laquelle a diagnostiqué deux tendinites et une épicondylite causées par des mouvements répétitifs à mon travail. Elle m’a prescrit des anti-inflammatoires, référé à un physiothérapeute et m’a donné un billet médical pour que mon employeur fasse réaménager mon aire de travail par un ergothérapeute. Par la suite mon gestionnaire, monsieur Jean-Rock Larouche, a été avisé de la problématique et de mon état. Une personne du groupe de l’ergonomie, (madame Valérie Aimé) est venue à quelques reprises afin de modifier mon aire de travail et d’améliorer ma situation.

 

J’ai eu une première infiltration en janvier 2011 et cinq autres par la suite, et mon bras gauche a même été blessé par certains changements apportés à mon poste de travail. Par la suite, plusieurs consultations médicales ont eu lieu jusqu’à l’arrêt de travail.

 

Le 23 juin 2011, docteure Marie Paquet a diagnostiqué que j’étais incapable d’accomplir les tâches reliées à mon travail et m’a mise au repos complet en me disant de continuer les traitements d’acupuncture déjà commencés étant donné que la physiothérapie de pouvait plus rien pour moi. En plus, elle m’a conseillée de consulter un ostéopathe ou un massothérapeute, en juillet, afin de me réhabiliter graduellement. [sic]

 

 

[15]        Dans la section information relative à la maladie professionnelle de l’annexe jointe à la réclamation présentée à la CSST, la travailleuse mentionne avoir déjà consulté, à la clinique médicale Legendre un médecin, le 29 novembre 2009, pour ses problèmes de santé et avoir reçu des traitements de physiothérapie à compter du 9 décembre 2010.

[16]        La preuve documentaire versée au dossier démontre de plus qu’une ergothérapeute est intervenue, dès le mois de novembre 2010, pour tenter d’ajuster le poste de travail de la travailleuse. Un rapport d’une finissante en kinésiologie daté du 14 janvier 2011 fait d’ailleurs état des interventions réalisées pour adapter le poste de travail.

 

[17]        Par ailleurs, le dossier contient un rapport d’une ergothérapeute daté du 6 juin 2011. Celle-ci y résume l’histoire de la maladie. Elle écrit ce qui suit :

L’apparition des symptômes s’est effectuée progressivement à l’automne 2010 (septembre) pour s’exacerber au mois de décembre 2010. Elle s’est alors procuré une orthèse de repos pour le poignet droit. Elle a ensuite consulté son médecin traitant. Ce dernier a émis un diagnostic de tendinite au poignet droit, d’épicondylite au coude droit et de bursite à l’épaule droite. Il a recommandé la prise d’anti-inflammatoires, des traitements de physiothérapie et du repos : madame n’a pas souhaité s’absenter du travail, expliquant qu’elle débutait une nouvelle assignation au sein du service des pensions alimentaires (« méga tiers »). Mme Bussières a bénéficié de quelques traitements de physiothérapie à l’hiver 2011 et les a cessé par la suite, disant qu’elle applique les modalités antalgiques à domicile : application locale de glace et TENS.

 

Au moment de la visite, Mme Bussières explique qu’elle a subi, à ce jour, deux infiltrations de cortisone à chacun des sites douloureux soit au mois de janvier, février et mai 2011. Lors de la dernière visite médicale du 20 mai 2011, le coude gauche a aussi été infiltré puisqu’elle y développe des symptômes. Il semble que le soulagement soit très partiel à la suite de cette dernière série d’infiltrations (épaule et coude droits). Elle poursuit la prise de médication anti-inflammatoires et analgésique. Encore une fois, elle dit ne pas vouloir s’absenter du travail, comptant sur l’aménagement du poste de travail et sur la période de vacances pour favoriser la guérison. [sic]

 

 

[18]        À la suite de la réception de ces différents documents, l’agente d’indemnisation de la CSST enquête sur les motifs expliquant le retard de la travailleuse à produire sa réclamation. Dans une note évolutive datée du 25 août  2011, elle écrit ce qui suit :

Dx et traitements reçus en novembre 2010 tel que mentionné aux documents joints au dossier.

 

T explique le délai de réclamation par le fait qu’elle croyait que la cause était son travail, mais qu’elle n’aurait pas besoin d’être en arrêt de travail. T ajoute qu’elle croyait que ça passerait. De plus, T faisait la relation avec son travail depuis la première consultation en 2010.

 

Des collègues lui auraient mentionné que son cas ne passerait pas à la CSST. T n’a pas téléphoné à la CSST pour connaître le fonctionnement, avant le mois de juillet 2011.

 

 

[19]        Le même jour, l’agente d’indemnisation de la CSST analyse la réclamation. Elle estime qu’elle n’est pas recevable parce que déposée hors des délais prévus à la loi et que la travailleuse n’a pas démontré à la CSST des motifs raisonnables pour être relevée de son défaut. Elle consigne ce qui suit dans les notes évolutives du dossier de la CSST :

-Considérant que T explique le délai de réclamation par le fait qu’elle ne croyait pas avoir besoin d’un arrêt de travail, qu’elle pensait que ça passerait, et que des collègues lui avaient mentionné que son cas ne passerait pas;

-Considérant que T n’a pas téléphoné à la CSST pour en connaître le fonctionnement avant juillet 2011;

-Considérant que T est dans la capacité de comprendre information pour remplir sa réclamation;

-Considérant que T n’a pas eu un état de santé qui l’empêchait de remplir une RTR;

-Considérant qu’elle n’a pas remis la production de sa réclamation à une tierce personne;

-Considérant que la simple ignorance de la loi n’est pas un motif raisonnable;

 

La réclamation est non admissible car T na pas démontré de motifs raisonnables et justifiables.

 

 

[20]        Le 2 septembre 2011, la travailleuse conteste la décision rendue par la CSST le 29 août 2011, laquelle est maintenue à la suite d’une révision administrative, d’où la contestation à la Commission des lésions professionnelles.

[21]        À l’audience, la travailleuse passe en revue les différentes consultations médicales effectuées dans son dossier. Elle indique que dès sa consultation du mois de novembre 2010, elle en a informé son employeur. Elle mentionne qu’elle lui a par ailleurs remis une lettre émanant du physiothérapeute, datée du 8 décembre 2010, requérant l’ajustement ergonomique de son poste de travail de façon prioritaire. Elle indique qu’elle croyait que la dénonciation de sa maladie à son employeur et la remise des rapports médicaux subséquents suffisaient pour que son dossier soit ouvert à la CSST.

[22]        Elle ajoute que son employeur ne lui a pas fourni d’information relative à la procédure de réclamation à la CSST. Elle admet toutefois avoir reçu une formation de son employeur relativement aux accidents du travail survenant dans l’établissement, mais ne se souvient nullement du fait qu’elle devait remplir un formulaire de la CSST pour déclencher un processus de réclamation.

[23]        Elle admet que depuis le mois de novembre 2010, à la suite de la consultation avec sa médecin traitant, elle savait que sa lésion était liée à son travail. Elle admet de plus que sa médecin traitant lui a prescrit des médicaments pour soulager sa douleur de même qu’elle a procédé à différentes infiltrations dans ses deux membres supérieurs. Elle admet en outre avoir reçu quelques traitements de physiothérapie, lesquels furent toutefois cessés assez rapidement compte tenu de l’inflammation de son membre supérieur droit.

[24]        Elle indique que les coûts de ses médicaments et traitements lui ont été remboursés par son assureur privé à qui elle a produit une réclamation. Elle affirme que ce n’est qu’à la réception de sa paie suivant son arrêt de travail, qu’elle a pris conscience de la nécessité de réclamer à la CSST, étant alors privée de son salaire habituel.

 

[25]        C’est alors qu’elle a consulté des collègues qui lui ont prodigué les conseils nécessaires à cette fin. Elle a par la suite consulté son syndicat lorsque sa réclamation fut refusée par la CSST. Elle ajoute qu’elle n’a jamais été syndiquée auparavant au cours de ses 25 années sur le marché du travail et qu’elle n’a jamais produit de réclamation à la CSST.

La contestation de la travailleuse est-elle bien fondée?

[26]        Dans le présent dossier, manifestement, que l’on applique les dispositions de l’article 270 de la loi ou celles de l’article 272, le résultat est le même. Le dépôt de la réclamation à la CSST effectué le 8 août 2011 survient après l’expiration du délai de six mois prescrit par la loi.

[27]        Conséquemment, le tribunal conclut que la réclamation de la travailleuse est tardive. D’ailleurs, la représentante de la travailleuse admet ce fait.

[28]        Y a-t-il lieu d’appliquer les dispositions de l’article 352 de la loi et de relever la travailleuse des conséquences de son défaut de respecter les délais prévus à l’article 270 ou 272.

[29]        L’article 352 édicte ce qui suit :

352.  La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.

__________

1985, c. 6, a. 352.

 

 

[30]        Dans plusieurs affaires, le tribunal a circonscrit la notion de motif raisonnable. Ainsi, il appert que dans le cadre de son appréciation de cette notion, le tribunal doit considérer un ensemble de facteurs susceptibles d’indiquer, à partir des faits, des démarches, des comportements, de la conjoncture et des circonstances, si une personne a un motif non farfelu, crédible, faisant preuve de bon sens, de mesure et de réflexion[2], pour être relevé de son défaut.

[31]        En l’espèce, le tribunal estime que la travailleuse a démontré un tel motif.

 

[32]        En effet, il résulte de l’ensemble de la preuve administrée que la travailleuse a pu croire erronément qu’elle n’avait pas à remplir un formulaire de réclamation à la CSST tant qu’elle n’avait pas cessé le travail.

[33]        Certes, la travailleuse a reçu des traitements de physiothérapie et a consommé des médicaments avant son arrêt de travail. En outre, elle a reçu des infiltrations. Conséquemment, elle avait un intérêt à présenter sa réclamation à la CSST puisqu’elle était remboursée partiellement par son assureur privé pour les médicaments achetés et les traitements administrés.

[34]        Cette question de l’intérêt réel et actuel à soumettre une réclamation fut débattue dans une multitude de décisions, aux fins d’apprécier le motif raisonnable soumis par les travailleurs pour expliquer leur retard à produire une réclamation dans le délai de six mois prévu à la loi.

[35]        Ma collègue Nadeau écrit ce qui suit à cet égard dans l’affaire Bonnenfant et Fondation Pétrifond Cie ltée et Géodex inc.[3] :

[22]      Le travailleur, comme on l'observe souvent dans les dossiers, soumet sa réclamation à la CSST lorsqu’il devient incapable de travailler. Cette façon de procéder ne peut lui faire perdre ses droits et peut constituer un motif raisonnable. C’est l’approche déjà retenue par la Commission des lésions professionnelles dans Lapointe et 29411902 Canada inc.6 :

 

Par ailleurs, le fait pour le travailleur d'avoir tardé à présenter sa réclamation parce qu'il n'avait pas eu d'arrêt de travail entre février 1998 et juin 2000, qu'il n'a subi aucune perte salariale et que ses infiltrations étaient remboursées par son assurance, peut constituer un motif raisonnable permettant au tribunal de le relever de son défaut. Ce motif est retenu, à titre d'exemple, dans Wojtaszczyk et Bas de nylon Doris ltée(10) et Gascon et Compuset Canada inc.(11).

_____________

10. [1996] C.A.L.P. 1472

11. C.L.P. 125533-62-9910, 14 mars 2000, G. Godin

 

 

[23]      La Commission des lésions professionnelles a conclu également en ce sens dans Viger et C.H.U.Q. (Pavillon Hôtel-Dieu)7 et dans Arsenault et Ass. Coop. Forestière St-Elzéar8.

[...]

 

[28]      Mais même si la preuve démontrait que le travailleur a choisi de réclamer à son régime d’assurance, cela peut-il lui faire perdre le droit de réclamer à la CSST lors d’un arrêt de travail ultérieur si plus de six mois se sont écoulés ? Le Tribunal ne le croit pas.

 

[29]      En matière de délai, il faut privilégier une interprétation qui favorise l'exercice des droits plutôt que l'inverse. La Commission des lésions professionnelles l’a rappelé dans l’affaire Viger et C.H.U.Q. (Pavillon Hôtel-Dieu)10 en s’appuyant sur l’arrêt rendu par la Cour d’appel dans N.A. Crédit services inc. c. 153226 Canada inc.11.

__________________

6        155972-63-0102, 02-04-15, R.M. Pelletier

7        [2003] C.L.P. 1669

8        C.L.P. 219118-01C-0310, 4 juin 2004, Y. Vigneault

10       Précitée note 7

11       [1988] R.D.J. 83 (C.A.)

 

 

[36]        Dans l’affaire Vêtements Peerless inc. et Raposo[4], la Commission des lésions professionnelles a également relevé la travailleuse de son défaut d’avoir présenté sa réclamation dans le délai même si elle avait réclamé le coût des traitements de physiothérapie à son assureur et qu’elle avait attendu un arrêt de travail ultérieur pour produire sa réclamation.

[37]        C’est également l’approche que retient ma collègue Vaillancourt dans l’affaire Boudreault et Centres Jeunesse de Montréal[5]. Elle retient comme motif raisonnable le fait d’attendre un arrêt de travail pour produire une réclamation à la CSST ce, même si dans l’intervalle, certains traitements ont fait l’objet de réclamation à une compagnie d’assurance privée. Cette décision fut confirmée lors d’une requête en révision[6].

[38]        La preuve non contredite révèle par ailleurs que l’employeur n’a pas prêté assistance à la travailleuse afin de remplir le formulaire prévu à la loi et ne lui a pas fourni d’informations à cet effet, bien qu’il ait été informé de la lésion de la travailleuse et reçu la lettre de la clinique de physiothérapie attestant de la nécessité de modifier le poste de travail.

[39]        Or, à de multiples reprises, la Commission des lésions professionnelles a également relevé un travailleur de son défaut d’agir dans le délai en raison du manquement par l’employeur à son devoir d’assistance prévu à l’alinéa 2 de l’article 270 de la loi[7] ou de la communication d’informations ambiguës :

L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.

__________

1985, c. 6, a. 270.

 

[40]        Certes, le devoir d’assistance qu’impose l’article 270 de la loi n’implique pas que l’employeur doive inciter un travailleur à soumettre une réclamation pour une lésion professionnelle ou décider pour lui de soumettre cette réclamation[8]. Il doit toutefois lui fournir les informations requises à cette fin.

[41]        En l’espèce, le tribunal estime que la travailleuse, visiblement peu informée sur le processus de réclamation à la CSST, peut avoir été induite en erreur, de bonne foi, par la dénonciation à son employeur de la lésion dont elle était porteuse, la remise de la lettre du physiothérapeute demandant l’aménagement du poste de travail de façon prioritaire et par les actions immédiates de l’employeur pour remédier à la situation.

[42]        Dans les circonstances, vu ce qui précède, le tribunal estime que le retard de la travailleuse peut s’expliquer par la conjoncture. Il ne doute pas de la sincérité de la travailleuse qui admet candidement à l’audience ne pas avoir agi dans le délai.

[43]        La Commission des lésions professionnelles estime donc que la travailleuse a démontré un motif raisonnable pour être relevée des conséquences de son défaut d’avoir présenté sa réclamation dans le délai imparti à la loi.

[44]        Conclure autrement causerait préjudice à la travailleuse et irait à l’encontre des enseignements de la Cour supérieure, en pareille matière[9] :

[57]      Il faut que les organismes administratifs cessent d’être plus rigides que les tribunaux de droit commun, quant à la procédure. Rarement devant un tribunal ordinaire, un justiciable perd un droit à cause de la procédure. L’article 352 de ladite loi permet de prolonger un délai lorsqu’on a des motifs raisonnables. Tout cet imbroglio dans lequel se trouve la demanderesse n’est-il pas un motif raisonnable?

 

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de madame Josée Bussières, la travailleuse;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 24 octobre 2011, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE recevable la réclamation produite par la travailleuse le 8 août 2011;

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour qu’elle décide, conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles de l’admissibilité de la réclamation déposée par la travailleuse, le 8 août 2001.

 

 

 

 

 

René Napert

 

 

 

 

Me Julie-Véronique Allaires

POUDRIER BRADET, AVOCATS

Représentante de la partie requérante

 

 



[1]           L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           Roy c. Communauté urbaine de Montréal, [1990] C.A.L.P. 916 .

[3]           C.L.P. 269913-61-0508, 14 juillet 2006.

[4]           C.L.P. 161653-61-0105, 11 septembre 2002, L. Nadeau.

[5]           2011 QCCLP 1962 .

[6]           Bureau et Centres Jeunesse de Montréal, 2012 QCCLP 1583 .

[7]           Lemire et Dollarama #37, C.L.P. 91329-04-9709, 11 janvier 1999, M. Carignan; Blacksmith et Produits Forestiers Nabakatuk inc., C.L.P. 146383-10-0009, 8 novembre 2000, M. Duranceau; Exceldor Coop. Agricole GR Dorchester et Bolduc-Lachance, [2005] C.L.P. 244 ; C.H. Maisonneuve et Deloge, C.L.P. 225399-71-0312, 18 juillet 2005, L. Couture; Landry et Construction LFG inc., C.L.P. 352989-62C-0807 16 février 2010, B. Roy.

[8]           Dyall et Ville de Hamstead, C.A.L.P. 57743-62-9403, 7 mars 1996, G. Perreault; Boisvert et Tech-Mobile 1996 inc. et CSST, C.L.P. 110524-71-9902, 14 juin 1999, C. Racine; Vallée et Forpan (Div. Panneaux Gauffrés), C.L.P. 107003-08-9811, 24 octobre 2000, P. Prégent; Perreault et S.T.M. (Réseau des autobus), C.L.P. 8 octobre 2004, T. Demers; Poirier et Ascolectric (Div. De Trv Électricité), C.L.P. 239270-64-0407, 25 février 2005, T. Demers; Lacombe et Aliments Original Division Cantin inc., C.L.P. 296125-31-0608, 26 septembre 2007, S. Sénéchal; Gagné et Gestion Roy Beaulieu, C.L.P. 353626-01A-0807, 1er avril 2009, M. Lamarre; Garrett et Sonaca Canada inc., C.L.P. 387358-64-0908, 10 mars 2010, R. Daniel.

[9]           Cormier c. Commission des lésions professionnelles, C.S. Québec, 200-17-009443-086, 12 février 2009, j. Pronovost.

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