Breton c. Santé et services sociaux |
2019 QCCAI 13 |
Commission d’accès à l’information du Québec |
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Dossiers : 1016637-J et 1018739-J |
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Date : Le 23 janvier 2019 |
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Membre : Me Rady Khuong |
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JOSÉ BRETON |
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Demandeur |
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c. |
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SANTÉ ET SERVICES SOCIAUX |
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Organisme |
DÉCISION |
DEMANDE DE RÉVISION en matière d’accès en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[1].
[1] À la demande des parties, la présente décision porte sur deux dossiers de demande d’accès qui ont été joints et entendus dans le cadre d’une même audience.
DOSSIER 1016637-J
[2] Le demandeur demande l’accès à la liste des employés salariés, ou à tout le moins au nombre d’employés salariés, du Fonds Québec en Forme en 2014-2015.
[3] En réponse, l’organisme informe le demandeur du fait que ses recherches n’ont pas permis de retracer de document détenu par l’organisme pouvant répondre à cette demande.
[4] Insatisfait, le demandeur demande la révision de cette décision auprès de la Commission d’accès à l’information (la Commission).
[5] L’organisme demande à la Commission de rejeter la demande de révision. Il soulève que si le document demandé existe, il est plutôt détenu par le Fonds Québec en Forme. L’organisme ne possède ni la détention physique ni la détention juridique du document demandé, puisqu’il ne possède pas le contrôle du Fonds Québec en Forme qui est une société privée.
[6] Pour sa part, le demandeur soulève que l’organisme possède la responsabilité de financer et de gérer le Fonds pour la promotion des saines habitudes de vie (le Fonds) et devrait détenir le document demandé à ce titre. Il lui apparait improbable que l’organisme ne sache pas le nombre d’employés du Fonds Québec en Forme qui est l’administrateur du Fonds.
DOSSIER 1018739-J
[7] Le demandeur demande l’accès au rapport que l’organisme a produit en vertu de l’article 12 de la Loi instituant le Fonds pour la promotion des saines habitudes de vie[2] pour l’année financière 2014-2015.
[8] En réponse, l’organisme transmet au demandeur le rapport annuel de performance de Québec en Forme pour 2014-2015.
[9] Le demandeur demande la révision de cette décision auprès de la Commission. Dans sa demande de révision, il indique qu’il souhaite obtenir le rapport produit par l’organisme lui-même sur les activités du Fonds plutôt que celui produit par Québec en Forme.
[10] L’organisme demande à la Commission de rejeter la demande de révision, car le document demandé n’existe pas. L’organisme n’a pas produit de rapport sur les activités du Fonds.
[11] L’organisme possède-t-il la détention juridique de la liste des employés salariés ou du nombre d’employés salariés du Fonds Québec en Forme pour 2014-2015?
[12] L’organisme a-t-il prouvé qu’il n’existe pas de rapport produit par l’organisme sur les activités du Fonds?
L’organisme possède-t-il la détention juridique de la liste des employés salariés ou du nombre d’employés salariés du Fonds Québec en forme POUR 2014-2015?
[13] La Commission conclut que l’organisme ne détient pas juridiquement la liste des employés salariés ou le nombre d’employés salariés du Fonds Québec en Forme pour 2014-2015. En conséquence, l’organisme n’a pas l’obligation d’obtenir ce document auprès du Fonds Québec en Forme s’il existe. Voici pourquoi.
[14] L’article 1 de la Loi sur l’accès se lit comme suit :
1. La présente loi s’applique aux documents détenus par un organisme public dans l’exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l’organisme public ou par un tiers.
Elle s’applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre.
[15] Le témoignage de la conseillère en accès à l’information de l’organisme est à l’effet que l’organisme ne détient pas physiquement le document demandé. Le demandeur n’a présenté aucune preuve à l’effet contraire.
[16] La question qui se pose est plutôt de savoir si l’organisme détient juridiquement ce document, auquel cas la Loi sur l’accès serait applicable et la Commission pourrait ordonner à l’organisme de récupérer ce document auprès du tiers assurant sa conservation pour l’organisme.
[17] La détention juridique est une question de fait. Elle existe lorsque la situation factuelle démontre que le document, bien que non détenu physiquement par l’organisme, est tout de même une composante de l’exercice de ses fonctions au sens de l’article 1 de la Loi sur l’accès.
[18] À l’audience, la directrice de la promotion des saines habitudes de vie témoigne sur la relation entre l’organisme et le Fonds Québec en Forme.
[19] En 2006, en collaboration avec d’autres ministères et organismes gouvernementaux, l’organisme élabore le Plan d’action gouvernemental de promotion des saines habitudes de vie et de prévention des problèmes reliés au poids 2006-2012 (le Plan).
[20] Dans la foulée du Plan, la Loi sur le Fonds entre en vigueur. Cette loi institue le Fonds qui est affecté au financement d’activités, de programmes et de projets visant à favoriser une saine alimentation et un mode de vie physiquement actif, à promouvoir des normes sociales encourageant de saines habitudes de vie, à améliorer les services aux personnes aux prises avec un problème de poids ainsi qu’à soutenir l’innovation de même que l’acquisition et le transfert de connaissances en ces matières.
[21] Les activités, les programmes et les projets qui peuvent être ainsi financés ne comprennent pas ceux qui résultent de programmes réguliers établis ou approuvés par le gouvernement[3].
[22] Tel qu’il appert du Protocole d’entente intervenu en 2007 (le Protocole d’entente), le Fonds est financé à parts égales par le gouvernement du Québec et par la Fondation Lucie et André Chagnon. La part du gouvernement provient du produit de l’impôt sur le tabac prélevé en vertu de la Loi concernant l’impôt sur le tabac[4]. L’organisme est responsable du versement de la part du gouvernement du Québec au Fonds.
[23] Quant à l’administration du Fonds, le Protocole d’entente prévoit la création d’une société de gestion administrant directement 25 % des sommes versées au Fonds pour financer des projets concertés d’envergure nationale (la Société de gestion).
[24] La balance des ressources financières du Fonds, soit 75 %, est affectée au financement de projets de mobilisation des communautés locales. L’administration de ces projets est confiée par la Société de gestion à Québec en Forme.
[25] En 2010, Québec en Forme et la Société de gestion fusionnent. La personne morale née de la fusion, le Fonds Québec en Forme, devient gestionnaire de la totalité des sommes octroyées au Fonds. Cette nouvelle personne morale compte désormais 12 administrateurs, dont deux proviennent de l’organisme.
[26] À l’audience, le demandeur dépose la version de la Loi sur le Fonds qui prévalait lors de son adoption en 2007 et plaide que les articles 4 et 8 de la Loi sur le Fonds démontrent que l’organisme agit comme administrateur des sommes du Fonds et de la rémunération des employés du Fonds Québec en Forme.
[27] Lors de l’adoption de la Loi sur le Fonds, l’article 4 prévoyait que la comptabilité du Fonds et l’enregistrement des engagements financiers qui lui sont imputables étaient tenus par l’organisme. Pour sa part, le deuxième alinéa de l’article 8 de la Loi sur le Fonds prévoyait que le paiement de la rémunération et des dépenses afférentes aux avantages sociaux et autres conditions de travail des personnes qui sont affectées aux activités liées au Fonds était pris sur le Fonds.
[28] Sans se prononcer sur l’interprétation à donner à ces deux articles, la Commission constate qu’ils ont été abrogés en 2012. La Commission est d’avis qu’ils ne peuvent pas servir à démontrer que l’organisme détient juridiquement le document demandé pour 2014-2015. Ces articles n’étaient plus applicables à ce moment.
[29] La Commission conclut que la preuve qui a été présentée par l’organisme démontre que l’organisme ne contrôle pas le Fonds Québec en Forme.
[30] Au niveau financier, le Fonds est financé à parts égales par le gouvernement du Québec et par une fondation privée.
[31] La directrice de la promotion des saines habitudes de vie témoigne sur le rôle de l’organisme. Ce dernier consiste à détenir deux sièges sur le conseil d’administration du Fonds Québec en Forme, à verser la portion des sommes affectées par le gouvernement du Québec au Fonds et à rendre des comptes à l’Assemblée nationale sur les activités du Fonds.
[32] Comme toute autre société privée, le Fonds Québec en Forme possède sa propre direction et ses employés sont directement à l’emploi de celui-ci. Ils ne sont pas des employés de l’organisme ou du gouvernement du Québec.
[33] L’organisme n’a donc pas accès à la liste des employés du Fonds Québec en Forme ni à son nombre. Par ailleurs, la Loi sur le Fonds et le Protocole d’entente ne prévoient pas que ces documents, s’ils existent, doivent être transmis à l’organisme.
[34] La Commission conclut que l’organisme ne détient pas le contrôle du Fonds Québec en Forme qui est une entité distincte. En conséquence, l’organisme ne détient pas juridiquement les documents demandés au sens de l’article 1 de la Loi sur l’accès et n’a pas l’obligation de les obtenir auprès du Fonds Québec en Forme.
L’organisme a-t-il prouvé qu’il n’existe pas de rapport produit par l’organisme sur les activités du Fonds?
[35] Lorsqu’un organisme invoque l’inexistence d’un document au soutien de sa réponse, le fardeau de preuve repose sur ses épaules. La preuve doit être suffisamment concluante et permettre à la Commission de conclure de façon prépondérante à son inexistence.
[36] La soussignée constate que l’organisme a démontré l’inexistence d’un document pouvant répondre à la demande.
[37] La demande visait à obtenir le rapport que l’organisme a produit en vertu de l’article 12 de la Loi sur le Fonds pour l’année financière 2014-2015, qui se lit comme suit :
Le ministre de la Santé et des Services sociaux dépose à l’Assemblée nationale, pour chaque année financière, un rapport sur les activités du fonds.
[38] En réponse, le demandeur reçoit le Rapport annuel de performance de Québec en Forme pour 2014-2015. Dans sa demande de révision, il questionne l’existence ou non d’un rapport produit par l’organisme lui-même sur les activités du Fonds en se basant sur l’article 12 de la Loi sur le Fonds.
[39] À l’audience, la conseillère en accès à l’information de l’organisme affirme sous serment que l’organisme n’a pas produit de rapport sur les activités du Fonds pour 2014-2015. Le seul rapport qu’il détient à ce sujet est le Rapport annuel de performance de Québec en Forme pour ces années. Bien que ce dernier soit disponible en ligne, une copie a été transmise au demandeur.
[40] Ainsi, la Commission retient le témoignage de la conseillère en accès à l’information de l’organisme et conclut que l’organisme ne détient pas de document pouvant répondre à la demande d’accès autre que le Rapport annuel de performance de Québec en Forme qui a été remis au demandeur.
[41] La Commission est par ailleurs d’avis que le demandeur n’a pas fait la démonstration d’éléments probants qui démontreraient l’existence et la détention par l’organisme d’un rapport produit par l’organisme lui-même. La Commission constate que la Loi sur le Fonds ne précise pas qui doit rédiger ledit rapport, seulement que le ministre de la Santé et des Services sociaux doit déposer un tel rapport à l’Assemblée nationale pour chaque année financière.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION :
[42] REJETTE la demande de révision.
Lavoie, Rousseau (Justice-Québec)
(Me Valérie Lamarche)
Procureurs de l’organisme
Date de la dernière audience : 8 janvier 2019
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.