Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Salaberry-de-Valleyfield

21 janvier 2005

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

217590-62C-0310

 

Dossier CSST :

121666853

 

Commissaire :

Me Maurice Sauvé

 

Membres :

Sarto Paquin, associations d’employeurs

 

Carmen Surprenant, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Jean-Paul Émond

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

Vêtements de sports Gildan Inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

Et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

[1]                Le 10 octobre 2003 monsieur Jean-Paul Émond (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 5 septembre 2003 à la suite d'une révision administrative.

[2]                Par cette décision la CSST confirme celle qu'elle a initialement rendue le 28 janvier 2004 et déclare que l'indemnité journalière à verser à titre d'indemnité de remplacement du revenu pour les périodes du 22 au 28 décembre 2002 et du 29 décembre 2002 au 4 janvier 2003 est au montant de 48,81$ une fois déduite la rémunération pour 4 jours fériés pendant cette période.

[3]                L'audience s'est tenue à Salaberry-de-Valleyfield le 7 juillet 2004 en présence du travailleur et de son représentant. La CSST était représentée. Vêtements de sports Gildan Inc. (l'employeur) n'était pas représenté à l'audience mais la représentante, après avoir reçu et demandé un délai pour décider si elle ferait des commentaires additionnels, a fait part, le 23 septembre 2004, qu'elle n'avait pas de commentaire à faire relativement aux argumentations écrites des représentants du travailleur et de la CSST. La requête a donc été prise en délibéré le 23 septembre 2004.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur conteste l'avis de paiement et demande de déclarer qu'il a droit de recevoir pendant la période de fermeture des Fêtes sa pleine indemnité de remplacement du revenu sans déduction du paiement reçu de son employeur pour les 4 jours fériés pendant cette période.

LES FAITS

[5]                Les parties ont décidé de procéder par voie d'admission de faits lors de l'audience. Ces admissions sont les suivantes:

«- L'accident de travail de monsieur Émond est survenu le 31 janvier 2002;

 

- L'indemnité journalière fut établie par la CSST à 87,76$;

 

- Monsieur Émond fut en assignation temporaire du 2 février 2002 au 8 septembre 2002;

 

- Monsieur Émond fut opéré pour sa condition le 9 septembre 2002. Il a été en arrêt de travail complet jusqu'au 4 novembre 2002, date à laquelle il y a eu reprise de l'assignation temporaire;

 

- L'entreprise où travaille Monsieur Émond a fermé temporairement ses portes pour la période des fêtes, soit du 23 décembre 2002 au 3 janvier 2003;

 

- Durant ladite période des fêtes, Monsieur Émond a reçu une indemnité journalière de la CSST établit à 48,81$;

 

- Durant la même période, Monsieur Émond a reçu paiement de son employeur pour les journées fériées du 24, 25, 26 et 31 décembre 2002 pour un montant net de 545,39$;

 

- D'autre part, Monsieur Émond a reçu comme paiement de l'employeur une somme d'argent représentant 152 heures accumulées durant l'année à titre de «vieux gagné»;

 

- Monsieur Émond est retourné travailler en assignation temporaire à compter du 6 janvier 2003;

 

- La CSST n'a pas considéré le «vieux gagné» dans l'établissement de l'indemnité journalière durant la période des fêtes;»[sic]

 

 

[6]                Les notes évolutives au dossier CSST en date du 4 février 2003 font état d'une politique de bureau de la CSST relative au paiement des indemnités de remplacement du revenu du 22 au 28 décembre et du 29 décembre au 4 janvier 2003 chez l'employeur. On y écrit:

«En respect au cadre de référence sur l'assignation temporaire et à la cueillette d'information de l'employeur et des représentants syndicaux, il a été retenu que:

 

            - La Cie ferme partiellement du 23 décembre 2002 à 8.00 hrs au 2 janvier 2003 à minuit.

            - la rémunération que les travailleurs recevront pendant la période des fêtes représente une partie de «vieux gagné» et de férié courant.

            - les fériés courant sont le 24, 25, 26 et 31 décembre 2002.

 

Considérant que la cie ferme

Considérant l'arrêt de l'assignation temporaire à cause de la fermeture

Considérant qu'il y aura reprise d'IRR pour la dite période

Considérant que les travailleur recevront une rémunération pour 4 jours de férié

 

Il a été convenu entre la CSST, l'employeur et les représentants syndicaux (E et rep syndicaux d'accord sur la façon de faire)

 

            - Que l'IRR reprendra au 24 décembre 2002 au 02 janvier 2003

            - Que l'employeur fournira le revenu net (brut - 4 déduction) pour les quatre jours fériés

            - Que la CSST procédera à une réduction de l'IRR pour la période du dimanche 22 décembre 2002 au samedi 4 janvier en appliquant la rémunération net reçu pour les 4 fériés et ce conformément à l'article 52 LATMP.

 

Demande de contestation du 28 janvier 2003 envoyée à la R.A., aucune reconsidération.» [sic]

 

 

[7]                Le 28 janvier 2003 le travailleur, à l'emploi depuis 9 ans, conteste auprès de la CSST l'avis de paiement du 27 janvier en écrivant que l'indemnité journalière de 48,81$ est erronée et qu'il demande une révision du montant.

[8]                Le 5 septembre 2003 la CSST, dans une décision suite à la révision administrative, rapporte que le représentant du travailleur a fourni une documentation au soutien du fait que le travailleur ne devrait pas être lésé pour les congés fériés payés par l'employeur et que les représentants syndicaux n'ont jamais été d'accord, avec la CSST sur le mode de paiement contrairement à ce qui est rapporté aux notes évolutives. Le réviseur écrit que ce désaccord ne peut remettre en question les politiques de la CSST concernant les calculs d'indemnité journalière à payer au travailleur. Il ajoute:

«À cet égard, considérant que la compagnie pour laquelle le travailleur est engagé ferme pendant les périodes mentionnées précédemment, considérant l'arrêt de l'assignation temporaire à cause de cette fermeture due à la période des Fêtes, considérant que le travailleur a reçu une rémunération pour quatre jours fériés, la Commission était donc justifiée, en vertu de l'article 52 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles , de procéder à une réduction de l'IR R pour la période du dimanche 22 décembre 2002 au samedi 4 janvier 2003 en retenant pour fins de calcul la rémunération nette reçue par le travailleur pour les quatre jours fériés…»

 

 

[9]                Une lettre du président du syndicat, monsieur André Lachance, adressée à la CSST le 26 février 2003 et relative à la période des Fêtes du 23 décembre 2002 au 2 janvier 2003, conteste qu'il y aurait eu entente sur la façon de faire pour le paiement de la période concernée. Le président écrit:

«Il est inscrit que la CSST, l'employeur et les représentants syndicaux ont convenu à une entente sur la façon de faire pour le paiement de la période concernée.

 

Les faits mentionnés dans ces documents sont inexacts, nous le syndicat n'avons jamais conclut d'entente avec les parties, au contraire nous croyons que le dossier doit être revisé.» [sic]

 

 

[10]           Une pièce au dossier, datée du 17 septembre 2003 et signée par Pierre Lauzon qui est sans doute un représentant syndical, se lit ainsi:

«Ce mémo est pour vous informer que M. Jean-Paul Émond qui était en assignation temporaire entre le 22 décembre 2002 et le 5 janvier 2003 n'a pas travaillé durant cette période et a été envoyé chez-lui.

 

L'usine était fermée du 23 décembre 2002 au 2 janvier 2003 inclusivement.

 

Le 23 décembre 2002 était un dimanche qui se trouvait le dernier quart de travaille de cédule et il était sur une base volontaire. Donc, tous ceux qui avaient préalablement signé la feuille de disponibilité ont été appelés, sauf ceux qui étaient en assignation temporaire, dont M. Émond.

 

Les 29 et 30 décembre 2002, quelques employés ont travaillé pour faire du ménage.

 

Les 3, 4 et 5 janvier 2003, la production a redémarée et de la même façon, les employés ayant préalablement signé une feuille de disponibilité ont travaillé, sauf les employés en assignation temporaire.

 

M. Émond a été payé pour ses congés fériés tel que défini dans notre convention collective.» [sic]

 

 

 

 

 

 

 

L’ARGUMENTATION DES REPRÉSENTANTS

Argumentation du représentant du travailleur

[11]           Après avoir rappelé la décision du réviseur qui repose notamment sur l'article 52 de la loi, le représentant du travailleur cite, outre l'article 52, les dispositions suivantes qui lui paraissent pertinentes: soit les articles 44, 52, 142, 179 et 180. Pour fins de compréhension, la Commission des lésions professionnelles cite immédiatement les articles 44 1er alinéa, 179 1er alinéa et 180:

44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.

 

(…)

__________

1985, c. 6, a. 44.

 

 

179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que:

 

1°   le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;

 

2°   ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et

 

3°   ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

 

(…)

__________

1985, c. 6, a. 179.

 

 

 

180. L'employeur verse au travailleur qui fait le travail qu'il lui assigne temporairement le salaire et les avantages liés à l'emploi que ce travailleur occupait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle et dont il bénéficierait s'il avait continué à l'exercer.

__________

1985, c. 6, a. 180.

 

 

[12]           Le représentant du travailleur écrit:

«Il n'est pas nié par quiconque que Monsieur Émond a perçu des indemnités journalières de la CSST durant ces périodes. Toutefois, ces indemnités journalières n'auraient pas du être amputées d'un montant que le salarié a reçu de son employeur à titre de paiement pour congés fériés. Son indemnité journalière aurait du être identique à celle qu'il percevait avant la période des fêtes, soit 87,76$.

 

Le réviseur Grenier réfère à l'article 52 de la LATMP à titre d'ancrage juridique pour justifier la façon de faire de la CSST dans le dossier de Monsieur Émond. En tout respect pour cette opinion, nous ne saisissons pas l'assise juridique du réviseur lorsqu'il réfère à l'article 52 de la LATMP. Cette disposition aborde la question de la réduction des indemnités de remplacement du revenu dans le contexte d'un nouvel emploi et du revenu tiré de celui-ci.

(…)

 

L'émission de politiques, par l'administration, destinées aux agents chargés de l'application de la loi et de ses règlements est sans contredit permise dans notre droit administratif. Toutefois, ces politiques se doivent d'être en harmonie avec la norme habilitante.

 

Or, retrouve-t-on dans la LATMP quelconque dispositions permettant à la CSST d'emprunter la voie adoptée dans le dossier de Monsieur Émond? Il semble bien que non.

 

Nous retrouvons dans la LATMP plusieurs dispositions où il est question de la réduction des indemnités de remplacement du revenu. La plus fragrante est celle prévue à l'article 142 cité ci-haut. Par contre, le contexte dans lequel doit s'effectuer cette réduction se révèle fort différent de la situation à laquelle nous sommes confrontés en l'espèce.

 

Or, pour la période précédent le congé des fêtes, le travailleur était en assignation temporaire et bénéficiait des avantages prévus à la convention collective. À ce titre, nous retrouvons au cœur de ladite convention des dispositions portant, entre autres, sur le paiement de congés fériés ou de congés de maladie1. Dans un tel contexte, le débiteur se trouve à être l'employeur. Celui-ci consent au salarié les avantages qui sont déterminés et convenus au contrat collectif de travail, le tout, dans un cadre de travail syndiqué. À défaut, l'employeur s'expose à la procédure de griefs.

 

Le travailleur non-syndiqué bénéficie d'avantages similaires à ceux accordés aux travailleurs syndiqués en ce qui concerne, notamment, le paiement des jours fériés. Ces conditions se trouvent aux articles 59.1 et suivants de la Loi sur les normes du travail. Ces dispositions sont d'ordre public (voir art. 93 LNT) et l'employeur doit également s'y conformer2.

 

En l'espèce, l'employeur de Monsieur Émond a respecté adéquatement les prescriptions contenues à la convention collective au chapitre des jours fériés. Dans ces conditions, le travailleur doit-il se voir pénalisé au niveau des prestations journalières à lui être versées par la CSST, du fait que l'employeur lui a consenti des sommes d'argent auxquelles le salarié était en droit de s'attendre compte tenu de sa convention collective ou de la LNT? Il est évident que non.

 

La distinction réside dans la nature même des sommes d'argent qui ont été versées au salarié. Lors de la fermeture de l'entreprise, le travailleur a recouvert son droit à l'IR R, tel qu'en fait foi la position prise par la CSST dans le présent dossier. La CSST a versé au salarié des indemnités journalières pour toute la période des fêtes (voir l'admission #6). De toute façon, l'employeur n'était pas en mesure d'offrir de l'assignation temporaire au salarié durant cette période vu la fermeture de l'usine. La jurisprudence largement majoritaire de la CLP va en ce sens. Dans le but d'appuyer notre position, nous vous référons à des extraits tirés de la décision Bruce Piironen et Mine Jeffrey inc3 ainsi qu'à la décision Réjean Gosselin et Mines Jeffrey inc4 (les gras sont de nous).

____________________

1 Voir les articles 19.1 et 19.2 de la convention collective

2 Sur la notion de jour férié payé, voir Gérard Dion, Dictionnaire canadien des relations du travail, 2e édition, Les Presses de l'Université Laval, Québec, 1986, p. 270

3 C.L.P. 173529-05-0111, 25 octobre 2002, F. Ranger

4 C.L.P. 173682-05-0111, 19 septembre 2002, M.C. Gagnon

 

[13]           Dans Bruce Piironen et Mine Jeffrey inc., il est écrit :

 

[14] Ainsi, il est évident que le travailleur n'a pas perdu le droit de recevoir une indemnité de remplacement du revenu quand l'employeur a décidé, en vertu de l'article 179 de la LATMP, de l'assigner temporairement à un nouveau travail. En effet, en contrepartie du versement de son salaire et des avantages liés à son emploi de mécanicien, cette procédure d'assignation a seulement eu pour effet de suspendre son droit de toucher cette prestation.

 

[15] Par ailleurs, entre les 24 décembre 2000 et le 2 janvier 2001, il est acquis que l'employeur n'a pas été en mesure d'offrir «un travail» à monsieur Piironen. En effet, conformément à la convention collective qu'il a signée, il a cessé ses opérations. Par conséquent, il est clair que les sommes qu'il a consenties au travailleur durant cette période n'ont pas été octroyées en contrepartie d'une prestation de travail, mais bien en vertu d'un avantage que la convention collective accordait à l'ensemble des employés. Dans ce contexte, le droit à l'indemnité de remplacement du revenu qui avait été suspendu en raison d'une assignation temporaire a cessé de l'être pendant toute la durée où cette assignation n'a pas été offerte. Il en résulte que monsieur Piironen était alors titulaire du droit au versement de son indemnité de remplacement du revenu.

 

[16] Enfin, pour répondre à l'argument de l'employeur, on peut signaler que la Commission des lésions professionnelles a pris soin par le passé de bien distinguier l'indemnité de remplacement du revenu des gains que peut recevoir une personne en vertu de ses conditions de travail2. Ces deux types d'avantages étant accordés pour des motifs et par des créanciers différents, elle a jugé qu'il n'y a rien de choquant à ce qu'une personne touche à la fois l'un et l'autre.» [sic]

_______________________

2 Réjean Gosselin et Mines Jeffrey inc., C.L.P. 173682-05-0111, 19 septembre 2002, M.C. Gagnon; C.S. Brooks Canada inc. et René St-Cyr, C.L.P. 117324-05-9905, 13 octobre 1999, M. Allard; Komatsu International inc. et Gagnon, [1999] C.L.P., p. 130

 

 

[14]           Le représentant cite ensuite de nombreux extraits de la décision précitée Réjean Gosselin et Mines Jeffrey inc. Antérieurement à cette décision, la CSST avait décidé que le travailleur Gosselin n'avait pas droit au versement des indemnités de remplacement du revenu pour la période du 24 décembre 2000 au 2 janvier 2001. De fait, le travailleur accidenté et en assignation temporaire avait eu au cours de l'année des primes pendant 4 périodes de fermeture d'entreprise dont la période du 24 décembre 2000 au 2 janvier 2001. Pendant les périodes de fermeture, il recevait tout de même des indemnités de remplacement du revenu à l'exception de la période du 24 décembre 2000 au 2 janvier 2001, la CSST invoquant alors que le travailleur reçoit déjà une rémunération de son employeur pendant ladite période.

[15]           La convention collective prévoit effectivement le paiement de ces jours à titre de "jours de fête". Elle prévoit de plus qu'advenant un besoin d'opérations, les salariés rappelés seront considérés en temps supplémentaire et rémunérés à taux double. En gros, le boni pour chacun des congés payés est calculé sur la base de 8 fois ses gains horaires moyens de l'année de convention collective. À l'audience le travailleur Gosselin a confirmé qu'il était au repos pendant la période des Fêtes et que la prime ou paiement des jours de Fêtes représentait approximativement son salaire régulier, soumettant cependant qu'il ne pouvait faire des heures supplémentaires pendant cette période comme pendant toutes les périodes d'assignation temporaire.

[16]           Dans cette décision, le commissaire Gagnon retient qu'en vertu de l'article 44 de la loi, le droit à l'indemnité de remplacement du revenu est acquis dès qu'un travailleur est incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle. Il retient de plus que pendant l'assignation temporaire le travailleur qui reçoit un salaire et des avantages liés à l'emploi voit son indemnité de remplacement du revenu suspendu pendant la période d'assignation temporaire. Dès que cesse l'assignation temporaire, le travailleur recouvre cependant le droit aux indemnités de remplacement du revenu.

[17]           Le commissaire Gagnon rappelle que la CSST a refusé, pour cette période, de verser les indemnités de remplacement du revenu contrairement aux autres périodes d'assignation temporaire pendant l'année. Il rappelle également que des commissaires de la C.A.L.P. et de la Commission des lésions professionnelles ont décidé que le droit à l'indemnité de remplacement du revenu demeurait suspendu lorsqu'un employeur verse le salaire des vacances à des travailleurs. Le commissaire se déclare en désaccord avec cette jurisprudence. Il se déclare plutôt en accord avec le courant qui reconnaît le droit aux indemnités de remplacement du revenu lors des fermetures d'usine, puisque l'employeur n'est plus alors en mesure d'offrir une assignation temporaire au travailleur qui recouvre, dès lors, son droit aux indemnités de remplacement du revenu puisqu'il est toujours incapable d'exercer son emploi.

[18]           Au paragraphe 40 le commissaire Gagnon écrit:

[40] D'ailleurs, il est intéressant de souligner la position prise par la Cour d'appel du Québec6 en ce qui a trait au droit d'un travailleur de bénéficier à la fois d'une indemnité de remplacement du revenu et d'une indemnité de vacances. Les juges saisis de cette affaire se son exprimés ainsi:

 

[25] Le juge Rothman, à l'opinion duquel souscrivent les juges McCarthy et Baudoin, décide qu'il n'y a pas là double indemnité et déclare le droit du travailleur de recevoir à la foi l'une et l'autre. Les principaux motifs étant que l'indemnité de remplacement du revenu reçue de la CSST représente une compensation pour une lésion et non une compensation pour une période de vacances et que les deux indemnités sont versées en vertu de lois différentes, pour des motifs différents et par des créanciers différents.» [sic]

 

____________________

6 Kraft limitée et Commission des normes du travail, [1989] R.J.Q. 2678-2680, jj. Mc Carthy, Rothman, Beaudoin

 

 

[19]           Le commissaire Gagnon estime qu'il y a lieu de faire une distinction entre les bénéfices qui proviennent de l'application d'une convention collective et de ceux que peuvent obtenir les travailleurs victimes de lésion professionnelle. Il estime de plus que les normes en matière de congés et d'heures travaillées ne peuvent être inférieures aux normes minimales prévues par la Loi sur les normes du travail[1]. Il ajoute que le travailleur victime d'une lésion professionnelle "ne peut être privé du versement de l'indemnité de remplacement du revenu qui sert justement à le compenser pour la situation d'incapacité dans laquelle il se trouve à la suite de sa lésion professionnelle". Le commissaire rapporte que le travailleur n'a pu faire d'heures supplémentaires pendant la période en question ne pouvant bénéficier de cet avantage en raison de son état d'incapacité.

[20]           Le représentant du travailleur, dans la présente cause, écrit:

«Là où le bât blesse porte sur ce qui est à considérer par la CSST dans l'établissement des prestations d'indemnités de remplacement du revenu. Avant tout, le montant des prestations d'indemnités est établi en fonction du revenu brut annuel assurable (art. 67 LATMP). Il arrive parfois, et cela va de soit, que les indemnités journalières soient modifiées pour tenir compte de circonstances particulières (ex. lorsque le travailleur en assignation temporaire à demi-temps).

 

La situation en l'espèce se veut comme étant fort différente. Il n'y a plus d'assignation temporaire d'offert par l'employeur vu la fermeture temporaire de l'usine. Le droit à l'IRR reprend intégralement pour le compte du salarié. D'autre part, monsieur Émond ne fait pas l'objet d'une suspension ou d'une réduction d'indemnités tel que prévu à l'article 142 LATMP. Au moment de la période des fêtes 2002-03, Monsieur Émond est toujours incapable d'exercer son emploi et conserve ainsi le droit d'obtenir des prestations d'indemnités (voir art. 44 et 57 LATMP), chose qui lui est dûment reconnu en l'espèce. Toutefois, un droit ne peut être accordé qu'à moitié à moins d'assise juridique contraire à cet effet. Ce n'est pas le cas en l'espèce.

 

Pour terminer, il est parfois même arrivé que la CSST intervienne dans le but d'obliger un employeur à verser à un salarié une IRR pour les 14 premiers jours en entier, malgré le fait que durant cette même période, nous retrouvions deux jours fériés qui se devaient d'être payés au salarié en vertu de sa convention collective, tel que c'est le cas dans notre dossier. Voici l'extrait pertinent de la décision rendue dans Britton électrique et Francesco De Fronzo5 [sic]

___________________________

5 C.L.P. 106632-71-9810, 21 mai 1999, M. Zigby

 

 

[21]           Dans la dernière cause citée il s'agissait de déterminer si un travailleur qui venait de subir une lésion professionnelle avait droit à l'indemnité de remplacement du revenu pour les congés fériés des 24 juin et 1er juillet 1997 qui tombaient pendant les 14 premiers jours de la lésion professionnelle. L'employeur soutenait que ce travailleur de la construction qui recevait en vertu de l'article 19.05 de sa convention collective une somme de 5% du salaire gagné durant la semaine pour fins de paiement de jours fériés chômés, bénéficierait d'une double rémunération si l'employeur devait payer les 14 premiers jours puisque le 5% du salaire gagné compensait pour les jours fériés survenant dans ces 14 premiers jours. Dans cette dernière décision, la commissaire Zigby retient les propos du commissaire Neuville Lacroix qui, dans Merino et Sacco électrique 1976[2], rapporte des jurisprudences dans lesquelles «La Commission d'appel a donc interprété l'article 60 de la loi de façon à conclure que l'application de cette disposition ne peut avoir pour effet d'enlever au travailleur, pour toute cause extrinsèque à son incapacité de travailler, le droit à son indemnité de remplacement du revenu que lui accorde l'article 44 de la loi.» Le commissaire Lacroix poursuivait ainsi

«La Commission d'appel ajoute que le but visé par l'article 60 de la loi, mis en contexte avec les autres dispositions législatives, se rattache à l'idée que "l'indemnité de remplacement du revenu ne vise pas à compenser la perte réelle ou effective du revenu, mais plutôt à compenser la perte de capacité de gains"[3]

 

 

[22]           Enfin, la commissaire Zigby, dans sa décision, écrit:

«(...)

La soussignée souscrit entièrement à ces propos et tout comme le commissaire Lacroix, ne voit pas de raison de s’écarter de la jurisprudence quasi constante de la Commission d’appel sur le sujet. L’argument de la double rémunération, invoqué par l’employeur, est peu convaincant à la lumière du jugement de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Giroux 6, qui a statué que les indemnités de congés annuels qu’un travailleur reçoit par le biais de l’Office de la construction n’avait pas valeur de rémunération. Le tribunal constate qu’aucune des décisions citées par l’employeur ne fait mention de ce jugement.

___________________________

6 Giroux c. Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada, [1989], 1 C.F. 279 .

 

 

Argumentation de la représentante de la CSST

[23]           Dans son argumentation, la représentante de la CSST écrit:

«En premier lieu, nous voudrions attirer votre attention sur le fait que pour les périodes d'indemnisation litigieuses, la CSST a autorisé le versement des indemnités de remplacement du revenu  de M. Émond tout en faisant la déduction des sommes qui lui avaient été versées par l'employeur à titre de journées fériés (24, 25, 26, 31 décembre 2002, selon l'information fournie). Cependant, la CSST n'a pas considéré, dans l'établissement de l'indemnité journalière de remplacement du revenu, les sommes versées par l'employeur en application de l'article 19.1 de la convention collective applicable puisqu'il s'agissait d'un paiement équivalent à 152 heures de travail qui était dû au travailleur en vertu de prestation de travail antérieurement fournies lors de diverses fêtes (voir article 19.1 b) de la convention). D'où l'expression utilisée par Me Martineau de «vieux gagné».

 

Cette distinction faite par la CSST entre les sommes reçues à titre de «vieux gagné» et les sommes reçues à titre de paiement par l'employeur de certaines journées fériées constitue selon nous, le cœur même du litige actuel.

 

Il faut rappeler que plusieurs décisions de ce tribunal ont déjà traité de la reprise du versement des pleines indemnités de remplacement du revenu d'un travailleur, alors qu'il n'y a plus d'assignation temporaire disponible, et ce même s'il y avait eu une certaine rémunération par l'employeur. Nous vous référons notamment aux décisions de principe Caron et Prévost Car inc., décision du 23 juin 1998 de la commissaire Ginette Godin, Komatsu International Inc et Gagnon et CSST, décision du 28 avril 1999 de la commissaire Hélène Marchand et C.S. Brooks Canada inc. et St-Pierre, décision de Me Micheline Allard du 6 octobre 1999.

 

Lorsque nous portons une attention particulière au ratio des décisions précitées, un constat s'impose: l'analyse de la nature même des sommes versées au travailleur s'avère essentielle. En effet, pour disposer des litiges, les commissaires exposent clairement en quoi le paiement par l'employeur d'une paie de vacances ne constitue pas du salaire mais représente plutôt une compensation pour un cumul de temps, pour du travail déjà accompli par un travailleur et en vertu duquel il a droit d'être indemnisé.

 

Cette position ou interprétation découle d'un jugement de la Cour d'Appel dans l'affaire Kraft limitée c. Commission des normes du travail [1989] R.J.Q., décision citée abondamment dans les diverses décisions de la Commission des lésions professionnelles portant sur le cumul d'indemnités. Dans cette affaire, la Cour était saisie d'une action en réclamation de vacances par un travailleur qui, ayant été indemnisé par la CSST suite à une lésion professionnelle, n'avait pas reçu de son employeur le paiement de ses vacances. La Cour provinciale avait donné droit à l'action du travailleur d'où l'appel de l'employeur qui prétendait à une double indemnisation. Ce jugement, du plus haut tribunal de la province, porte donc sur l'analyse de la notion d'indemnités de congé annuel ou «paye de vacances».

 

La Cour d'Appel, sous la plume du juge Rothman écrit:

«

(…)

L'on ne peut prétendre, non plus qu'il y ait double indemnité, vu que ces indemnités ne sont pas de même nature et ne couvrent pas une seule et même situation, puisque nous sommes en présence d'une indemnité pour congé annuel acquis en 1981, d'une part, et d'une indemnité pour accident de travail survenu le 10 juillet 1982, d'autre part, et les articles 19 (1) de la loi des accidents du travail et 49 de la Loi sur les normes du travail ne permettent pas à l'employeur d'opérer la retenue qu'il a faite.

 

(…)

 

La Cour d'Appel conclut donc qu'une indemnité de remplacement du revenu, versée par la CSST, et une paye de vacances, versée par l'employeur, sont de nature différente et ne couvrent pas une seule et même situation. En effet, l'une couvre la période contemporaine à son versement et l'autre couvre une période de travail antérieure. De ce fait, il n'y a pas présence d'une double indemnisation.

 

C'est à partir de cette prémisse que la Commission des lésions professionnelles, malgré quelques divergences, a permis la reprise du versement d'indemnités de remplacement du revenu lorsqu'une assignation temporaire n'était plus disponible, sans pour autant déduire les sommes reçues à titre de paye de vacances. Nous croyons pertinent de rapporter ici quelques passages des décisions de la Commission des lésions professionnelles précitées afin de démontrer que l'essence même de ces décisions réside dans l'analyse de ce qui constitue le paiement d'une indemnité pour congés annuels.

 

Dans l'affaire Caron et Prévost Car Inc., décision du 23 juin 1998, la commissaire Me Ginette Godin écrivait:

 

«Pour la soussignée, une prime de vacances relève d'un cumul de temps en vertu duquel un employeur est tenu de compenser un travailleur pour du travail déjà accompli et en raison d'un droit reconnu à des vacances.

 

La Commission des lésions professionnelles ne croit pas qu'il s'agisse là d'une double rémunération car, tel que dit précédemment, une prime de vacances ne peut être assimilée à du salaire.»(nos soulignements)

 

La commissaire Marchand, reprenant le jugement de la cour d'Appel dans Kraft limitée, écrit dans Komatsu International Inc et Gagnon et CSST, décision du 28 avril 1999:

 

            (…)

 

28. Quant à l'argument de l'enrichissement sans cause, il ne passe pas non plus le test de la situation sous étude. En effet, parler d'enrichissement alors que le travailleur reçoit une indemnité de remplacement du revenu à laquelle il a droit pour une lésion incapacitante et une indemnité pour des vacances qu'il ne peut prendre et qui découle du travail effectué au cours de toute une année, constitue une négation du droit édicté par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et du droit à des vacances annuelles prévues à la Loi sur les normes du travail, L.R.Q., chapitre N-1.1 et aux conventions collectives lorsqu'elles existent. De plus, cette notion va tout à fait à l'encontre des principes élaborés par la Cour d'appel dans l'affaire Kraft citée plus haut.

 

Cette dernière décision a été suivie par la commissaire Allard dans C.S. Brooks Canada Inc et St-Pierre, décision du 6 octobre 1999 alors qu'elle mentionne:

 

            (…)

 

24. Rappelons-le. l'employeur n'a pas, pendant cette période, versé un salaire à la travailleuse en contrepartie d'une prestation de travail fournie dans le cadre d'une assignation temporaire mais bien une indemnité pour des vacances prévues à la convention collective en raison du travail déjà accompli.

 

C'est en respect de ces principes établis par la jurisprudence que la CSST a repris le versement des indemnités de remplacement du revenu de M. Émond le 22 décembre 2002 sans y déduire les sommes qu'il a reçues à titre de «vieux gagné». En effet, le paiement par l'employeur de l'équivalent de 152 heures de travail sont de la même nature qu'une «paye de vacances» puisqu'il s'agit de sommes versées en vertu d'un cumul de temps, pour du travail déjà accompli.

 

Qu'en est-il maintenant des journées fériées des 24, 25, 26 et 31 décembre 2002?

 

Contrairement au paiement des 152 heures accumulées au fil de l'année précédente, le paiement des journées fériés ne constitue pas du «vieux gagné» mais bien une rémunération payable par l'employeur pour des journées contemporaines à une période visée, période dans laquelle M. Émond devait exécuter un travail qui lui était temporairement assigné. Comme tous les autres travailleurs, il a été rémunéré pour ces journées non-travaillées. Ainsi, nous croyons que les sommes reçues par le travailleur pour ces journées sont de la même nature et couvrent la même situation que les indemnités de remplacement du revenu: elles sont assimilables à du salaire.

 

Malheureusement, aucune décision de la Commission des lésions professionnelles ne traite de cette distinction importante et fondamentale. D'ailleurs, nous vous soumettons respectueusement que c'est erronément que certains commissaires ont appliqué le principe établi par la Cour d'Appel dans Kraft limitée, à des situations où un travailleur recevait non pas une prestation qui lui était due en vertu d'heures déjà travaillées, mais bel et bien du salaire payable par l'employeur en vertu d'une loi ou convention collective. Nous vous référons notamment aux décisions citées par notre confrère Me Martineau, Piironen et Mines Jeffrey inc. et Gosselin et Mines Jeffrey inc.

 

Dans ces décisions, le principe initialement établi par la Cour d'Appel a été appliqué aveuglément, sans qu'il n'y ait eu de véritable analyse de la nature des sommes versées en l'espèce. L'affaire Piironen et Mines Jeffrey inc. l'illustre bien. Dans cette décision, le commissaire Ranger mentionne, à son paragraphe 16, que la Commission des lésions professionnelles a pris soin par le passé de bien distinguer l'indemnité de remplacement du revenu, des gains que peut recevoir une personne en vertu de ses conditions de travail. Au soutient de sa prétention, le commissaire cite notamment C.S. Brooks Canada inc. et St-Pierre et Komatsu international inc. et Gagnon et CSST. Or, ce n'est point ce qui se dégage de ces décisions qui sont à l'effet qu'un travailleur peut cumuler une indemnité de remplacement du revenu et des sommes versées par l'employeur si ces sommes ne sont pas assimilables à du salaire, comme c'est le cas pour une paye de vacances. Nous vous soumettons que ce principe ne peut être appliqué de façon générale à tous gains, de quelque nature que ce soit, reçus par un travailleur en vertu de ses conditions de travail. [sic]

 

En effet, si la rémunération reçue par le travailleur constitue du salaire dû par l'employeur, la conséquence est toute autre. Le régime d'indemnisation prévu par la LATMP ne peut permettre la double indemnisation. Bien que ce principe ne fasse pas l'objet d'une disposition précise dans la loi, il a été largement reconnu par la jurisprudence et découle du principe de l'enrichissement injustifié établi en droit commun québécois et codifié aux articles 1493 et suivants du Code civil du Québec. Or, si un travailleur, pour une période donnée, reçoit un revenu, cela devra nécessairement être considéré dans l'établissement du montant  de son indemnité de remplacement du revenu sans pour autant influer sur son droit à une telle indemnité. À cet effet, nous vous soumettons une décision de votre collègue, Me Hudon, dans l'affaire Demix Béton Agrégats et Wilford, décision du 20 octobre 2001. Les faits sont quelque peu différents de ceux sous étude en ce que, dans cette entreprise, le paiement des jours fériés était échelonné sur toute l'année. Le travailleur avait donc été payé pour les jours fériés et l'employeur s'objectait au versement des pleines indemnités de remplacement du revenu par la CSST. Sur ce, le commissaire Hudon mentionne:

 

[29] Donc, le travailleur est présumé incapable d’exercer son emploi, il est assigné temporairement à un autre travail et il reçoit le salaire et les avantages liés à l’emploi. Dans ces conditions, peut-il prétendre avoir aussi droit à une indemnité de remplacement du revenu pour les périodes concernées?

 

[30] La Commission des lésions professionnelles est en accord avec les principes émis dans les décisions déposées par Me Toupin. La loi n’a pas pour but de permettre à un travailleur de s’enrichir du seul fait qu’il a subi une lésion professionnelle. Il peut parfois être un peu plus avantagé mais il ne peut prétendre au droit d’être payé en double. L’article 2 de la loi est clair; la loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et non la surindemnisation. Lorsque le travailleur reçoit de son employeur les indemnités pour les congés fériés, il ne subit aucune perte de revenu et sur ce point, puisque la lésion n’entraîne pas de conséquences, le travailleur ne peut avoir droit au paiement d’indemnités de remplacement du revenu.

 

[31] Évidemment, chaque situation doit être étudiée selon son mérite réel. Ainsi, s’il était démontré, ce qui n’est pas le cas ici, qu’un travailleur recevait moins, pour le paiement de ses congés fériés, que ce qu’il aurait touché en indemnités de remplacement du revenu, il pourrait s’attendre à ce que la CSST comble la différence.

 

[32] Ou encore, un employeur, qui assigne temporairement un travailleur à un autre travail la veille de la fermeture de l’entreprise, ne pourrait alléguer qu’un travailleur ne peut réclamer des indemnités de remplacement du revenu s’il est démontré, ce qui non plus n’est pas le cas ici, que les indemnités pour congés fériés n’ont pas été effectivement versées.

 

[33] La Commission des lésions professionnelles en arrive donc à la conclusion que le travailleur, pour les périodes du 24 décembre 1999 au 3 janvier 2000 et du 23 décembre 2000 au 2 janvier 2001, n’avait pas le droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu puisque, dans les faits, il n’a subi aucune perte de revenu pour ces périodes. (nos soulignements)

 

Nous croyons que cette décision s'applique, en faisant les adaptations nécessaires, au cas en l'espèce.

 

Pour disposer du litige, nous invitons donc le présent tribunal à faire ce qu'aucun commissaire n'a fait jusqu'à présent c'est-à-dire à distinguer la nature du paiement d'une prime de vacances ou de «vieux gagné» et le paiement, à même les fonds de l'employeur, d'une journée fériée. C'est d'ailleurs ce que la CSST a fait en élaborant, en octobre 2002, un cadre de référence sur l'assignation temporaire. Bien que ce cadre de référence ne lie aucunement le présent tribunal, il peut être utile afin de comprendre les motifs de la décision contestée. Il y est notamment mentionné:

 

«Contrairement à la paie de vacances, les congés fériés payés ne constituent pas du «vieux gagné» auquel le travailleur a droit pour compenser une période de travail fournie antérieurement.

 

Les congés fériés payés découlent de l'application de la convention collective ou d'une obligation égale et sont généralement payables à la période de paie contemporaine au congé. Ainsi, lorsque le travailleur en assignation reçoit comme les autres travailleurs son salaire et les montants prévus pour les congés fériés, il ne subit aucune perte de revenu: la commission ne verse alors pas d'IRR.»

 

 

Vous trouverez ci-joint, copie des dispositions pertinentes de ce cadre de référence.

 

Puisque dans le cas sous étude, le paiement par l'employeur des 24, 25, 26 et 31 décembre 2002 constitue du «salaire», ces sommes doivent être déduites du montant de l'indemnité journalière de remplacement du revenu de m. Émond fixée à 87,83$. Cette déduction est justifiée en vertu du principe selon lequel il ne peut y avoir une double indemnisation. Nous sommes d'ailleurs d'accord avec Me Martineau pour dire que ni l'article 52 et ni l'article 142 de la loi trouvent application en l'espèce.

 

Quant à la décision citée par mon confrère dans l'affaire Britton Élect Ltée et De Tonzo qui s'avère traiter d'une toute autre question, nous constatons que la jurisprudence citée par la commissaire Zigby et suivie par celle-ci réfère encore une fois à la nature des sommes versées au travailleur.

 

(…)

 

En conclusion, nous vous soumettons que puisque l'assignation temporaire de M. Émond n'était plus disponible entre le 22 décembre 2002 et le 3 janvier 2004, ce dernier avait droit à la reprise des versements d'indemnités de remplacement du revenu. Compte tenu que pour cette période M. Émond a entre autre reçu une rémunération de son employeur représentant 152 heures travaillées donc du «vieux gagné», ces sommes n'ont pas à être déduites de son montant journalier d'indemnité de remplacement du revenu puisqu'il ne saurait être question de cumul d'indemnités ou de double rémunération.

 

Toutefois, puisque l'employeur lui a versé, non pas à même des heures travaillées antérieurement, un montant de 545,39$, cela constitue du salaire et ce montant doit être déduit de son indemnité de remplacement du revenu journalière sans quoi, il y aurait double indemnisation pour les 24, 25, 26 et 31 décembre 2002. Ainsi, l'indemnité  journalière doit être fixée à 48,81 pour cette période [1 228.64$ (87.76$ X 14 jours) - 545.39$ = 683.25$ / 14 jours = 48.81$ / jour].» [sic]

 

 

L'AVIS DES MEMBRES

[24]           Conformément aux dispositions de l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[4] le commissaire soussigné a demandé aux membres qui ont siégé auprès de lui leur avis sur la question faisant l’objet de la présente contestation de même que les motifs au soutien de cet avis.

[25]           La membre issu des associations syndicales ferait droit à la requête du travailleur. Pour cette membre, dès la fin de l'assignation temporaire, le travailleur recouvre son statut de victime d'accident du travail et recouvre du même coup son droit aux indemnités de remplacement du revenu. La CSST ne pouvait réduire ses indemnités de remplacement du revenu du paiement des jours fériés effectué par l'employeur car ce dernier les avait payés en vertu de la convention collective, autre source de droit qui lie l'employeur et n'interfère pas dans le paiement des indemnités de remplacement du revenu versées par la CSST. Il n'y a ni enrichissement sans cause ni double rémunération dans le fait de payer les pleines indemnités même si dans le présent cas le travailleur a reçu paiement de son employeur de 4 jours fériés.

[26]           Le membre issu des associations d'employeurs ne ferait pas droit à la requête du travailleur. Il est d'accord avec la politique de la CSST sur le sujet de façon, soutient-il, à éviter la double rémunération ou encore à éviter qu'un accidenté du travail reçoive pour les 4 jours fériés une somme supérieure à celle reçue par un salarié non accidenté.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[27]           La Commission des lésions professionnelles doit donc décider si la CSST était justifiée de réduire les indemnités de remplacement du revenu journalières pour les périodes du 24 au 28 décembre 2002 et du 29 décembre 2002 au 4 janvier 2003 de 87,76$ qui était la pleine indemnité de remplacement du revenu à 48,81$ pour tenir compte du paiement par l'employeur de 4 jours fériés pendant cette période de fermeture d'usine. Pour la Commission des lésions professionnelles, la CSST n'était pas justifiée de réduire les indemnités de remplacement du revenu journalières.

[28]           Le premier principe en la matière est claire et non discuté. En vertu de l'article 44 «le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion». Dans le présent cas, le travailleur a été victime d'un accident du travail le 31 janvier 2002 et son indemnité de remplacement du revenu a été établie par la CSST à 87,76$.

[29]           Hormis la période du 9 septembre au 4 novembre 2002 le travailleur a ensuite été le sujet d'une assignation temporaire par l'employeur et ce jusqu'à la fermeture de l'usine le 23 décembre 2002. Pendant son assignation temporaire, l'indemnité de remplacement du revenu du travailleur a été suspendue et le travailleur a reçu son salaire de l'employeur. L'employeur s'est en effet prévalu de l'article 179 de la loi qui prévoit que: «L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si la lésion n'est pas consolidée…». Dans une telle circonstance, l'article 180 de la loi prévoit:

180. L'employeur verse au travailleur qui fait le travail qu'il lui assigne temporairement le salaire et les avantages liés à l'emploi que ce travailleur occupait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle et dont il bénéficierait s'il avait continué à l'exercer.

__________

1985, c. 6, a. 180.

 

 

[30]           Ce deuxième point concernant l'assignation temporaire ne fait pas non plus l'objet de débat chez les décideurs appelés à considérer une telle situation. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle, assigné temporairement, garde son statut de victime de lésion professionnelle tant que dure son assignation temporaire.

[31]           Un troisième point concerne ce qu'il advient lorsque l'employeur met fin temporairement ou définitivement à l'assignation temporaire. Dans ce cas, à moins que la fin de l'assignation temporaire ne soit causée par la consolidation de la lésion du travailleur et des conséquences qui s'en suivent, le travailleur recouvre son droit aux indemnités de remplacement du revenu recouvrant en totalité son statut de victime de lésion professionnelle. Il en est ainsi à la fermeture de l'entreprise par l'employeur le 23 décembre 2002. Le travailleur recouvre alors tous ses droits de victime de lésion professionnelle.

[32]           Lors de la fermeture de l'entreprise qui entraîne la fin de l'assignation temporaire de travail, le travailleur recouvre son droit à l'indemnité de remplacement du revenu. Qu'en est-il alors des prétentions de la CSST à l'effet qu'elle peut réduire les indemnités de remplacement du revenu pour tenir compte de la nature de certains paiements reçus de l'employeur pendant cette période de fermeture? Dans son argumentation écrite, la représentante de la CSST reproche au décideur de ne pas avoir analysé la nature de certaines sommes versées par l'employeur pour décider si la CSST peut déduire ces sommes de l'indemnité de remplacement du revenu. Elle écrit:

«Dans ces décisions, le principe initialement établi par la Cour d'Appel a été appliqué aveuglément, sans qu'il n'y ait eu de véritable analyse de la nature des sommes versées en l'espèce. L'affaire Piironen et Mines Jeffrey inc. l'illustre bien. Dans cette décision, le commissaire Ranger mentionne, à son paragraphe 16, que la Commission des lésions professionnelles a pris soin par le passé de bien distinguer l'indemnité de remplacement du revenu, des gains que peut recevoir une personne en vertu de ses conditions de travail. Au soutient de sa prétention, le commissaire cite notamment C.S. Brookd Canada inc. et St-Pierre et Komatsu international iinc et Gagnon et CSST. Or, ce n'est point ce qui se dégage de ces décisions qui sont à l'effet qu'un travailleur peut cumuler une indemnité de remplacement du revenu et des sommes versées par l'employeur si ces sommes ne sont pas assimilables à du salaire, comme c'est le cas pour une paye de vacances. Nous vous soumettons que ce principe ne peut être appliqué de façon générale à tous gains, de quelque nature que ce soit, reçus par un travailleur en vertu de ses conditions de travail.» [sic]

 

 

[33]           La représentante de la CSST invite «le présent tribunal à faire ce qu'aucun commissaire n'a fait jusqu'à présent c'est-à-dire distinguer la nature du paiement d'une prime de vacances ou de "vieux gagné" et le paiement, à même les fonds de l'employeur d'une journée fériée…». Elle réfère à un cadre de référence élaboré en octobre 2002 qui mentionne:

«Contrairement à la paie de vacances, les congés fériés payés ne constituent pas du "vieux gagné" auquel le travailleur a droit pour compenser une période de travail fournie antérieurement.

 

Les congés fériés payés découlent de l'application de la convention collective ou d'une obligation légale et sont généralement payables à la période de paie contemporaine au congé. Ainsi, lorsque le travailleur en assignation reçoit comme les autres travailleurs son salaire et les montants prévus pour les congés fériés, il ne subit aucune perte de revenu: la commission ne verse alors pas d'IRR.»

 

            Elle conclut qu'à cause des jours fériés des 24, 25, 26 et 31 décembre qui constituent du salaire, selon elle, ces sommes doivent être déduites de l'indemnité de remplacement du revenu journalière et ce au nom du principe qu'il ne peut y avoir de double indemnisation.

[34]           La Commission des lésions professionnelles doit ici se demander si la loi (LATMP) lui permet de faire le raisonnement tenu par la représentante de la CSST dans le présent dossier. À la lumière de la loi on a déjà vu que le travailleur victime d'une lésion a droit à une indemnité de remplacement du revenu lorsqu'il est incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion et ce en vertu de l'article 44. Selon l'article 57 de la loi, ce droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants soit: lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, soit à son décès, soit au 68e anniversaire de naissance. Compte tenu du dossier, aucun de ces trois événements n'est applicable dans ce dossier de sorte que le droit à l'indemnité de remplacement du revenu ne peut s'éteindre en vertu de cet article.

[35]           En vertu de l'article 142 qui prévoit que la CSST peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité, seul le point E de l'alinéa 2 de l'article pourrait s'appliquer. Cet article se lit:

142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité:

 

2°   si le travailleur, sans raison valable:

 

(…)

 

e)   omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;

 

(…)

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

 

[36]           On voit que cet article ne peut s'appliquer dans le présent cas puisque le travailleur n'a cessé son assignation temporaire que lors de la fermeture de l'entreprise pour la période des Fêtes. Même si la CSST invoquait l'article 52 au soutien de sa décision suite à la révision administrative, la représentante de la CSST et le représentant du travailleur s'entendent pour dire que cet article n'est d'aucune utilité dans la présente affaire. Cet article se lit ainsi:

52. Malgré les articles 46 à 48 et le deuxième alinéa de l'article 49, si un travailleur occupe un nouvel emploi, son indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu'il tire de son nouvel emploi.

__________

1985, c. 6, a. 52.

 

 

[37]           Quant à l'article 179 qui prévoit la possibilité d'assigner temporairement un travailleur à un emploi, cet article a été respecté et ne nous est d'aucune utilité pour disposer de la question soumise. L'article 180 peut cependant nous éclairer. Cet article se lit ainsi:

180. L'employeur verse au travailleur qui fait le travail qu'il lui assigne temporairement le salaire et les avantages liés à l'emploi que ce travailleur occupait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle et dont il bénéficierait s'il avait continué à l'exercer.

__________

1985, c. 6, a. 180.

 

 

[38]           On comprend donc, à la lumière de cet article, que l'employeur lorsqu'il assigne un travailleur l'assigne à certaines conditions c'est-à-dire au salaire et aux avantages liés à l'emploi. À la fin ou à la levée de l'assignation temporaire, il ne peut pour autant se soustraire à ses obligations. Il ne peut invoquer que puisque le salarié reçoit des indemnités de remplacement du revenu journalières il est délié de ses obligations et avantages liés à l'emploi que le travailleur occupait lorsque s'est manifestée sa lésion. La représentante de l'employeur est d'ailleurs d'accord que le jugement de la Cour d'Appel dans l'affaire Kraft ltée c. Commission des normes du travail[5] confirme qu'une indemnité de remplacement du revenu versée par la CSST et une paye de vacances versée par l'employeur sont de nature différente. Elle a cité à cet effet la décision Komatsu international inc. et Gagnon et CSST. Au paragraphe 25 on peut lire:

[25] Le juge Rothman, à l'opinion duquel souscrivent les juges Mc Carthy et Baudouin, décide qu'il n'y a pas là double indemnités et déclare le droit du travailleur de recevoir à la fois l'une et l'autre. Les principaux motifs étant que l'indemnité de remplacement du revenu reçue de la CSST représente une compensation pour une lésion et non une compensation pour une période de vacances et que les deux indemnités sont versées en vertu de lois différentes, pour des motifs différents et par des créanciers différents.

 

 

[39]           La commissaire écartera, compte tenu d'une telle réalité, l'argument de l'enrichissement sans cause et l'argument à l'effet qu'une telle situation crée une injustice à l'égard des autres travailleurs.

[40]           Si la représentante de la CSST plaide ainsi que la paye de vacances ne constitue pas une double rémunération, elle plaide cependant que si la CSST payait pleine indemnité de remplacement du revenu journalière elle accorderait une double rémunération lorsque l'employeur paie déjà, comme dans le cas présent, les jours fériés. Elle invoque les articles 1493 et suivants du Code civil pour prétendre que payer pleine indemnité de remplacement du revenu équivaudrait à de l'enrichissement sans cause. Elle écrit:

«Or, si un travailleur, pour une période donnée, reçoit un revenu, cela devrait nécessairement être considéré dans l'établissement du montant de son indemnité de remplacement du revenu sans pour autant influer sur son droit à une telle indemnité.»

 

 

[41]           Elle cite la décision précitée Demix Béton Agrégats et Wilford. Avant d'analyser cette décision, la Commission des lésions professionnelles voudrait établir à ce stade-ci que les sommes versées par la CSST à la suite de la fermeture d'usine, donc lors de la fin de l'assignation temporaire, constituent des indemnités et que les sommes versées par l'employeur en vertu de l'article 180 constituent du salaire et des avantages liés à l'emploi. Une fois ces assises établies comment prétendre, comme le fait la représentante de la CSST, que le paiement par l'employeur de jours fériés, fussent-ils contemporains, pourrait constituer du salaire permettant du coup la réduction du paiement des indemnités de remplacement du revenu, indemnités qui sont d'une nature différente du salaire. Pour la Commission des lésions professionnelles, il s'agit là d'une vue de l'esprit qui ne s'appuie aucunement sur le sens à donner au mot "salaire" et au mot "indemnité". De fait, le paiement de congés fériés non travaillés constitue un avantage lié à l'emploi.

[42]           Dans le cas sous étude l'employeur a versé au travailleur une somme d'argent représentant 152 heures accumulées durant l'année à titre de "vieux gagné" et le travailleur a reçu 545,39$ pour les journées fériés des 24, 25, 26 et 31 décembre 2002. Pour la Commission des lésions professionnelles, ces sommes ont été payées par l'employeur à cause de la relation du salarié à l'employeur et à titre d'avantages liés à l'emploi, avantages négociés entre l'employeur et l'association syndicale en place.

[43]           L'article 19 de la convention collective contient des dispositions à cet effet. On lit au paragraphe e) de 19.2:

« e) Pour les journées payées à Noël concernant la CSST ou Assurance:

 

            Un salarié accidenté du travail ou atteint d'une maladie professionnelle qui reçoit une indemnité de remplacement de revenu de la CSST ou de l'assurance collective verra sa paye de vacances retenu par la compagnie jusqu'au moment ou celui étant rétablie, il pourra prendre ses vacances. La paie de vacances auquel il a droit lui sera versée à ce moment ou au choix du salarié et ce sans intérêt. Le salarié a toujours le choix de se faire payer pour ses journées de Noël ou d'attendre le moment ou il reviendra de maladie ou accident.» [sic]

 

 

[44]           Cet article démontre bien que le travailleur qui reçoit des prestations de la CSST n'est aucunement privé du paiement des congés fériés à l'occasion du temps des Fêtes et précisément pour les congés survenant pendant cette période contrairement à ce que prétend la représentante de la CSST. Par analogie, l'article 19.6 de la convention collective nous laisse bien comprendre qu'en vertu de cette convention collective un congé statutaire ne se perd pas puisqu'on prévoit qu'un congé survenant durant les vacances sera ajouté à la paie due au salarié après son retour de vacances ou encore que le travailleur pourra reporter ce congé à une date ultérieure.

[45]           Revenant à la décision Demix Béton Agrégats et Wilford, la représentante de la CSST soumet que: «Les faits sont quelque peu différents de ceux sous étude en ce que dans cette entreprise, le paiement des jours fériés était échelonné sur toute l'année. Le travailleur avait donc été payé pour les jours fériés et l'employeur s'objectait au versement des pleines indemnités de remplacement du revenu par la CSST.» Lors des périodes de fermeture du 24 décembre 1999 au 3 janvier 2000 et du 23 décembre 2000 au 2 janvier 2001, le travailleur avait vu l'employeur lui verser le paiement des jours fériés.

[46]           Quoique les fait diffèrent, la Commission des lésions professionnelles ne saurait souscrire à toute l'analyse faite par le commissaire dans cette décision. La Commission des lésions professionnelles ne peut notamment retenir le point de vue exprimé au paragraphe 26 lorsque le commissaire écrit:

[26] La Commission des lésions professionnelles considère que l’employeur n’a pas mis fin à l’assignation temporaire du travailleur lorsqu’elle procède à une fermeture de l’usine pour les périodes des fêtes. Le travailleur est placé dans la même situation que tous les autres travailleurs de l’usine.

 

 

[47]           Contrairement à ce qui est exprimé dans ce paragraphe, la Commission des lésions professionnelles est d'avis qu'il y a eu, tel que dit antérieurement, lors de la fermeture du temps des Fêtes, fin de l'assignation temporaire de travail, assignation qui a repris le 6 janvier 2003. De plus le travailleur n'est pas placé dans la même situation que tous les autres travailleurs de l'usine. En effet, alors que les autres travailleurs de l'usine peuvent être rappelés selon les besoins en temps supplémentaire, le travailleur qui a vu son assignation temporaire de travail cesser ne peut être appelé en temps supplémentaire. Même si l'employeur a assumé ses obligations prévues à la convention collective et ce en vertu de l'article 180 de la loi, la CSST n'est pas exempte d'assumer les siennes. Redevenant un travailleur victime d'une lésion professionnelle, elle doit assumer ses obligations quant au versement des indemnités de remplacement du revenu journalières indépendamment de ce qui a été versé au travailleur par l'employeur qui agissait en vertu de lois différentes et pour des motifs différents.

[48]           Outre le raisonnement de la Cour d'appel dans Kraft ltée et Commission des normes du travail, raisonnement auquel adhère la Commission des lésions professionnelles, comme la source de paiement est différente on ne pourrait prétendre à double paiement sans faire une analyse exhaustive des avantages et inconvénients d'être en état de lésion professionnelle. La Commission des lésions professionnelles est d'avis que le travailleur est suffisamment pénalisé par les conséquences d'une lésion professionnelle qu'on ne peut parler de surindemnisation d'une victime d'accident du travail. Le commissaire, dans la décision précitée, reconnaissait d'ailleurs que chaque situation doit être étudiée selon son mérite réel.

[49]           Pour la Commission des lésions professionnelles, il n'y a pas lieu de retenir l'argumentation de la CSST en regard des jours fériés, cette argumentation n'étant pas plus fondée, selon son avis, que celle qui prévalait lorsqu'elle refusait d'indemniser le travailleur qui recevait une paye de vacances de son employeur. Pour l'ensemble des motifs énoncés, la requête du travailleur doit être accueillie.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Jean-Paul Émond, le travailleur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 5 septembre 2003 suite à une révision administrative;

DÉCLARE que la CSST ne pouvait réduire les indemnités de remplacement du revenu journalières du travailleur pour les périodes du 22 au 28 décembre 2002 et du 29 décembre 2002 au 4 janvier 2003 de la somme nette qu'il avait reçue de son employeur à titre de paiement pour congés fériés;

DÉCLARE que le travailleur a droit de recevoir la pleine indemnité de remplacement du revenu journalière soit 87,76$ et de verser ce montant au travailleur avec intérêts conformément à la loi.

 

 

__________________________________

 

Maurice Sauvé

 

Commissaire

 

 

 

Me Dominic Martineau

T.U.A.C. (Local 501)

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Manon Savard

Ogilvy Renault

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Sonia Sylvestre

Panneton Lessard

Représentant de la partie intervenante

 



[1]          L.R.Q.  , c. N-1.1

[2]          [1995] C.A.L.P. p. 50

[3]          Jean-Paul Chouinard et Gastien inc. 36178-02-9202, 25 mars 1994, R. Ouellet

[4]          L.R.Q. c. A-3.0001

[5]          1989 R.J.Q. 2678-2680, JJ. McCarthy, Rothman, Beaudouin

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