Décision

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Hardy c. Agence du revenu du Québec

2015 QCCA 564

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE QUÉBEC

 

N:

200-09-008148-139

 

(400-80-001274-129) (400-80-001275-126)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE :

24 mars 2015

 

CORAM : LES HONORABLES

FRANCE THIBAULT, J.C.A. (JT1086)

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A. (JB1988)

CLAUDE C. GAGNON, J.C.A. (JG1843)

 

PARTIES APPELANTES

AVOCAT

 

MARIO HARDY et CLAUDE RIVARD

 

 

Me FRANÇOIS DAIGLE

(Daigle Gamache inc.)

 

PARTIE INTIMÉE

AVOCAT

 

L’AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC

 

 

Me SYLVAIN LACOMBE

(Larivière, Meunier)

 

 

En appel d'un jugement rendu le 19 août 2013 par l'honorable Alain Trudel de la Cour du Québec, district de Trois-Rivières.

 

 

NATURE DE L'APPEL :

 
Fiscalité

 

Greffière : Marianik Faille (TF0891)

Salle : 4.33

 


 

 

AUDITION

 

 

9 h 35

Observations de la Cour qui déclare avoir pris connaissance du dossier;

9 h 36

La Cour s'adresse à Me Daigle;

 

Observations de Me Daigle;

 

Observations de la Cour;

 

Me Daigle poursuit;

10 h 01

Observations de Me Lacombe;

 

Observations de la Cour;

 

Me Lacombe poursuit;

10 h 44

Réplique de Me Daigle;

10 h 46

Suspension;

10 h 56

Reprise;

 

Arrêt.

 

 

 

(s)

Greffière audiencière

 


PAR LA COUR

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 19 août 2013 par la Cour du Québec, district de Trois-Rivières (l’honorable Alain Trudel), qui rejette leurs avis d’appel et maintient les deux avis de cotisation de l’intimée[1].

[2]           Par ces avis de cotisation, l’intimée impute à l’appelant un revenu d’entreprise de 80 622 $ à la suite de la vente de la résidence située au [1], rue V… et elle impute à l’appelante un revenu d’entreprise de 109 806 $ pour la vente de la résidence située au [2], rue V...

*****

[3]           Le juge énonce correctement le droit, mais, avec égards, il erre dans l’application des principes relatifs au fardeau de preuve. Il écrit que, pour renverser la présomption de validité des avis de cotisation, les appelants doivent « démolir » la présomption de validité de l’avis de cotisation par une preuve prima facie. Cependant, la facture de son jugement indique plutôt qu’il a requis un niveau de preuve beaucoup plus élevé que celui d’une démonstration prima facie. De fait, il a exigé que les appelants démontrent, par prépondérance des probabilités, que les avis de cotisation étaient mal fondés. Le fardeau de preuve des appelants consistaient plutôt à apporter une preuve prima facie, c’est-à-dire un début de preuve convaincante[2].

[4]           La présomption de validité de l’avis de cotisation ne permet pas déroger aux règles relatives à l’admissibilité des moyens de preuve ou à leur valeur probante. Autrement dit, la corroboration des témoignages n’est pas une nouvelle règle de preuve en matière fiscale[3]. En conséquence, le juge devait tenir compte des témoignages présentés devant lui et des justifications apportées par les appelants quant à leurs déménagements successifs. Compte tenu de ces explications et justifications, il aurait dû conclure que la présomption a été renversée. Il ne s’agit pas d’allégations vagues et ambiguës[4]. D’ailleurs, au paragraphe 93 de son jugement, le juge reconnaît que certaines des justifications soulevées par les appelants sont « réelles et légitimes ». Par conséquent, il aurait dû conclure que ces derniers ont apporté une preuve prima facie permettant de renverser la présomption de validité des avis de cotisation.

[5]           Le juge commet une autre erreur lorsqu’il conclut que les motifs donnés par les appelants sont « subjectifs et personnels »[5]. Il adopte la position de l’intimée qui a fait abstraction des raisons fournies par les appelants, même si elle les savait véridiques. Sur le fond, les motifs donnés par les appelants ne sont pas « subjectifs et personnels ». À titre d’exemple, le fait de construire une maison ou d’en acheter une pour se libérer d’un fardeau financier trop lourd ne constitue pas une justification d’ordre subjectif. Au contraire, les moyens financiers des appelants relèvent d’une appréciation objective. D’ailleurs, l’intimée connaissait les revenus des appelants. L’achat d’une maison plus grande avec un garage, en remplacement d’une maison trop petite et sans possibilité de construire un garage, constitue aussi une réalité objective. Finalement, construire une maison ou en acheter une pour avoir une chambre supplémentaire parce qu’une enfant victime de violence conjugale doit revenir vivre chez ses parents et poursuivre ses études ne constitue pas non plus un motif non pertinent ou purement subjectif pour établir l’intention des appelants au moment de l’achat de la résidence.

[6]           La question en litige consistait à déterminer si la vente des deux résidences concernées était un « un projet comportant un risque ou une affaire de nature commerciale », de sorte que le gain réalisé lors des deux ventes constituait un revenu d’entreprise.

[7]           Avec égards, le juge commet une autre erreur en omettant de considérer les critères pertinents énumérés dans le bulletin d’interprétation IT-218R[6] qui reflète, avec certaines réserves[7], l’état de la jurisprudence[8]. Plus particulièrement, il omet de tenir compte de la nature du bien et de l’intention des appelants au moment de l’acquisition. Ici, le bien est une résidence principale dédiée aux besoins de la famille et habitée par ses membres. L’intention des appelants était de loger leur famille et non de faire un profit. Comme la preuve l’indique, ils ont construit ces résidences pour répondre à leurs besoins et ceux-ci ont été établis par une preuve probante. En conséquence, les profits découlant de ces deux ventes ne constituent pas des revenus d’entreprises. Selon la preuve, ces deux maisons ont constitué, consécutivement, la résidence principale des appelants, soit un bien d’usage personnel.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[8]           ACCUEILLE l’appel;

[9]           INFIRME le jugement de première instance;

[10]        DÉCLARE que les revenus tirés des ventes des résidences situées au [1] et [2], rue V… à Trois-Rivières ne constituent pas des revenus d’entreprises;

[11]        RENVOIE l’affaire à l’Agence du revenu du Québec pour l’établissement de nouvelles cotisations, le tout en conformité avec les présents motifs;

[12]        Avec dépens, tant en première instance qu’en appel.

 

 

 

FRANCE THIBAULT, J.C.A.

 

 

 

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

 

 

 

CLAUDE C. GAGNON, J.C.A.

 


Annexe 1

1. Un gain provenant de la vente de biens immeubles sera considéré comme un revenu d'entreprise, un revenu tiré d'un bien ou un gain en capital. Ce bulletin ne traite pas des gains résultant de la vente de biens immeubles qui sont ou étaient désignés comme résidence principale, étant donné que de tels gains sont expliqués dans le IT-120R3.

2. Le terme "entreprise" est défini dans le paragraphe 248(1) et comprend entre autres choses, un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial. En vertu de cette définition, une transaction isolée mettant en cause des biens immeubles peut être considérée comme une transaction d'entreprise. Comme pour toute entreprise, les gains ou les pertes qui en découlent doivent, en vertu de l'article 9, être pris en compte dans le calcul du revenu ou de la perte, selon le cas.

3. Dans la Loi de l'impôt sur le revenu, aucune disposition ne précise dans quelles circonstances des gains provenant de la vente de biens immeubles doivent être considérés comme un revenu ou une recette en capital. Toutefois, en faisant de telles déterminations, les tribunaux ont considéré des facteurs du genre de ceux qui sont énumérés ci-dessous. En voici une liste qui ne doit pas être considérée comme limitative:

a) l'intention du contribuable en ce qui concerne le bien immeuble au moment de l'achat;

b) la vraisemblance de l'intention du contribuable;

c) l'emplacement géographique du bien immeuble acquis et son zonage;

d) la mesure dans laquelle l'intention du contribuable est réalisée;

e) la preuve que l'intention du contribuable a changé après l'achat du bien immeuble;

f) la nature de l'entreprise, de la profession, du métier ou de l'occupation du contribuable et des associés;

g) la mesure dans laquelle l'argent emprunté a servi à financer l'acquisition du bien immeuble et les modalités arrêtées pour le financement s'il y a lieu;

h) la période pendant laquelle le bien immeuble a été détenu par le contribuable;

i) le fait que la possession du bien immeuble soit partagée avec des personnes autres que le contribuable;

j) la nature de la profession des autres personnes mentionnées en i) ci-dessus, de même que leurs intentions avouées et leur ligne de conduite;

k) les facteurs qui ont motivé la vente du bien immeuble;

l) la preuve que le contribuable et/ou les associés se livrent sur une grande échelle au commerce de l'immeuble.

4. Aucun des facteurs mentionnés en 3 ci-dessus n'est en soi un facteur concluant pour déterminer si un gain provenant de la vente de biens immeubles représente un revenu ou un gain en capital. La pertinence de tout facteur dans cette détermination dépendra des circonstances entourant chaque cas.

5. L'intention du contribuable au moment de l'achat du bien immeuble est un facteur important à considérer pour déterminer si un gain provenant de sa vente sera traité comme un revenu d'entreprise ou un gain en capital. Au moment de l'acquisition du bien immeuble, le contribuable peut avoir comme deuxième intention de le revendre à profit s'il doit abandonner son intention première. S'il réalise sa deuxième intention, tout gain réalisé sur la vente sera habituellement imposé à titre de revenu tiré d'une entreprise.

6. Plus l'entreprise ou la profession d'un contribuable (par exemple, un entrepreneur, un agent immobilier) est liée aux transactions immobilières, plus il est probable que tout gain réalisé par le contribuable sur cette transaction sera considéré comme un revenu tiré d'une entreprise plutôt que comme un gain en capital (se reporter aux numéros 3f) et j) ci-dessus).

[…]

(Accentuation prononcée)

 



[1]     Hardy c. Agence du revenu du Québec, 2013 QCCQ 12263, J.E. 2013-2019 (C.Q.).

[2]     9027-5967 Québec inc. c. Québec (Sous-ministre du revenu), [2007] R.D.F.Q. 84 (rés.), 2007 QCCA 47, paragr. 14.

[3]     Québec (Sous-ministre du Revenu) c. Valentini, [2007] R.D.F.Q. 29 (C.A.), 2007 QCCA 886, paragr. 19 et 20.

[4]     St-Georges c. Québec (Sous-ministre du Revenu), [2007] R.D.F.Q. 78 (C.A.), 2007 QCCA 1442, paragr. 11.

[5]     Hardy c. Agence du revenu du Québec, note 1, paragr. 67 et 88.

[6]     Voir les dispositions du bulletin d’interprétation à l’Annexe 1.

[7]     Fletcher c. La Reine, 2002 CanLII 1133 (CCI), [2002] 4 CTC 2539.

[8]     Fiducie Charbonneau c. Québec (Sous-ministre du Revenu), [2010] R.D.F.Q. 3 (C.A.), 2010 QCCA 400, paragr. 22; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, AZ-95111095 (CSC), paragr. 17.

AVIS :
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