Médias Transcontinental c. Ville de Mirabel | 2022 QCCS 1350 | |||||
COUR SUPÉRIEURE (chambre civile) | ||||||
| ||||||
CANADA | ||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||
DISTRICT DE | TERREBONNE | |||||
| ||||||
N° : | 700-17-016434-192 | |||||
|
| |||||
| ||||||
DATE : | 20 avril 2022 | |||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : | L’HONORABLE | JEAN-YVES LALONDE, J.C.S. | ||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
| ||||||
MÉDIAS TRANSCONTINENTAL S.E.N.C. | ||||||
demanderesse | ||||||
c. | ||||||
VILLE DE MIRABEL | ||||||
défenderesse | ||||||
| ||||||
| ||||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
JUGEMENT | ||||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
INTRODUCTION
[1] Médias Transcontinental S.E.N.C. (ci-après « MTC ») se pourvoit en contrôle judiciaire à l’encontre d’un règlement municipal adopté par la Ville de Mirabel (ci-après « Mirabel » ou « la Ville ») qui limite la distribution des « Publisacs » sur son territoire aux citoyens qui apposeront dorénavant un autocollant vert qui manifeste leur intention de recevoir le Publisac, système qualifié de « opt-in ». MTC préconise le maintien de la pratique antérieure qui permettait à ceux qui ne voulaient pas recevoir le Publisac d’afficher un autocollant rouge sur leur porte d’entrée ou boîte aux lettres afin de ne pas recevoir le Publisac, ce qui est compris comme étant la méthode « opt out ».
[2] MTC soutient que le règlement 2326 adopté par la Ville s’avère illégal parce que vicié dans son processus d’adoption, pour son caractère déraisonnable et parce que sa substance porte atteinte à maints égards de manière injustifiable à la liberté d’expression garantie par les Chartes canadienne et québécoise. Elle demande, dans ces conditions, que le règlement attaqué soit déclaré nul et incidemment de confirmer qu’elle bénéficie de droits acquis à distribuer le Publisac selon le mode « opt out ».
ORIGINES DU LITIGE
a) Les parties en cause
[3] Mirabel se caractérise par l’étendue de son territoire de près de 487 kilomètres carrés, dont 87% est agricole. La population de la Ville est constituée de près de 60 000 citoyens répartis sur ce vaste territoire dont plusieurs vivent dans des agglomérations de plus petite taille, notamment Saint-Hermas, Saint-Augustin, Saint-Canut, Saint-Jérusalem, Sainte-Monique, Sainte-Scholastique, Saint-Janvier, Mirabel- en-Haut et quelques autres communautés plus réduites en densité de population. Tous n’ont pas accès au réseau internet haute vitesse.
[4] De son côté, MTC est propriétaire de Publisac, une filiale d’affaires par laquelle elle imprime et offre, sous cette marque de commerce, des imprimés publicitaires (P-9) et des journaux locaux qu’elle distribue de porte en porte, par des camelots, auprès de 3.3 millions de foyers au Québec chaque semaine. Le sac de plastique et son contenu sont 100% recyclables. Sur le sac de plastique, on retrouve une adresse courriel et un numéro de téléphone qui permettent aux citoyens d’exiger que les Publisacs ne leur soient pas dispensés. On en comprend que MTC opère son propre système « opt-out ».
[5] Au cours de l’année 2021, plus de 90 organismes, commerçants et hebdos locaux ont retenu les services de Publisac pour communiquer leur message commercial, communautaire ou autre aux citoyens de Mirabel (P-14).
b) Le régime réglementaire antérieur au règlement 2326
[6] En janvier 2002, Mirabel adoptait le règlement 1225 relatif à la distribution d’imprimés publicitaires dans les limites du territoire de Mirabel (P-12). La définition statutaire des « imprimés publicitaires » était assez large pour inclure le Publisac.
[7] Le règlement 1225 établissait plusieurs normes encadrant la distribution des imprimés publicitaires notamment :
7.1 L’interdiction pour le distributeur de déposer des imprimés publicitaires sur la propriété privée si son propriétaire ou occupant indiquait, au moyen d’une affiche, qu’il refusait d’en recevoir (mécanisme d’opt-out);
7.2 Les imprimés publicitaires distribués aux résidences privées devaient être déposés :
i) dans une boîte ou une fente à lettres; ou
ii) dans un réceptacle prévu à cet effet; ou
iii) sur un porte-journaux; ou
iv) sur une poignée de porte; ou
v) si cela n’était pas possible, sur la galerie ou sur le perron au pied de la porte.
7.3 Si plusieurs imprimés publicitaires étaient distribués en même temps, ils devaient être contenus dans un sac de plastique;
7.4 Le distributeur devait détenir un permis délivré par Mirabel, lequel était révocable si le distributeur refusait ou négligeait de se conformer au règlement.
[8] La preuve révèle que malgré plusieurs plaintes citoyennes qui signalaient des problèmes de propreté reliés à la dispersion du contenu des Publisacs dans l’espace public (les imprimés publicitaires étaient emportés par le vent à travers les champs ou se retrouvaient autrement éparpillés dans la nature) Mirabel n’a remis aucun constat d’infraction à Publisac entre le 12 août 2018 et le 12 août 2019.
[9] Selon Mirabel, plusieurs citoyens se plaignaient de recevoir les imprimés publicitaires malgré le fait qu’un pictogramme rouge indique leur volonté de ne pas en recevoir.
c) Le processus préalable à l’adoption du règlement 2326
[10] La réflexion documentée de Mirabel débute le 4 mars 2019. Le sommaire décisionnel # 2033 portant cette date est coiffé du titre : « pouvoir légal de bannir les Publisacs ». Le sommaire fait état des plaintes reçues en provenance des citoyens (P-19). Toutefois, l’identité des plaignants et le nombre de plaintes ne sont pas précisés.
[11] Lors de cette réunion du 4 mars 2019, la direction de Mirabel recommande plusieurs mesures à mettre en œuvre pour pallier aux plaintes reçues. Parmi les recommandations suggérées, on y retrouve :
11.1 L’interdiction de distribuer les imprimés publicitaires sur tout véhicule routier;
11.2 D’interdire la distribution dans tout lieu laissé à l’abandon, vacant ou inoccupé;
11.3 D’éviter la distribution aux endroits qui peuvent être atteints par les intempéries;
11.4 Supprimer la disposition du règlement 1225 qui autorise la distribution des imprimés publicitaires sur les galeries et au pied de la porte.
[12] La direction de Mirabel suggère aussi de procéder à une campagne de sensibilisation auprès des citoyens en lien avec l’usage d’un pictogramme destiné à aviser les distributeurs qu’ils ne souhaitent pas recevoir les imprimés publicitaires. De toute évidence, c’est la distribution des Publisacs qui semble être au cœur de la préoccupation de la direction de Mirabel.
[13] Dans la poursuite de son analyse de la question, il est également prévu d’entreprendre une démarche auprès de la Ville de Blainville pour vérifier si elle éprouvait de semblables difficultés avec les distributeurs d’imprimés publicitaires.
[14] On évoque également dans ce sommaire la possibilité de procéder à un sondage auprès de la population. La preuve révèle qu’aucun tel sondage n’a été réalisé avant l’adoption du règlement 2326.
[15] Le 21 mai 2019, les conseillers municipaux se réunissent à nouveau afin d’assurer le suivi de la réunion du 4 mars 2019. On y discute notamment du résultat de la démarche réalisée auprès de la Ville de Blainville où le système « opt-out » semble satisfaisant et répondre aux préoccupations environnementales de cette municipalité. On discute aussi des coûts éventuels reliés à la réalisation d’un sondage. Le directeur de la ville considère que les frais sont trop élevés ( 8 300 $ à 12 000 $). On évoque comme solution alternative la possibilité de mener un sondage de type Survey Monkey. La preuve révèle qu’aucun tel sondage n’a été réalisé.
[16] La direction de Mirabel se dit d’avis que la combinaison des articles 4, 6 et 19 de la Loi sur les compétences municipales attribue à Mirabel le « pouvoir habilitant de bannir » les Publisacs sur son territoire (voir sommaire décisionnel du 21 mai 2019, pièce P-20).
[17] Au terme de la réunion du 21 mai 2019, les élus municipaux choisissent plutôt de réglementer la distribution du Publisac en autorisant sa distribution aux seuls citoyens qui apposeront un autocollant (vert) indiquant « je veux un Publisac » (P-20).
[18] Le 25 juin 2019, Mirabel dépose l’avis de motion 570-06-2019 (D-1) auquel est annexé le projet de règlement qui préconise une distribution des imprimés publicitaires aux seuls citoyens qui apposeront dorénavant un pictogramme indiquant aux distributeurs leur volonté de les recevoir, donc un mécanisme « opt-in » au lieu d’une méthode « opt-out ».
[19] Somme toute, Mirabel n’a pas tenu de consultations publiques ni consulté les commerçants ou les propriétaires des hebdos locaux concernés et encore moins MTC.
[20] Préalablement, Mirabel a réalisé que son projet de règlement ne pouvait pas affecter les opérations de Postes Canada, question de pure compétence ou d’absence de compétence.
d) L’adoption du règlement 2326
[21] Sans annonce ou publicité préalable autre que le dépôt d’un avis de motion, le 12 août 2019, Mirabel adopte le règlement 2326 qui entrera en vigueur le 1er octobre 2019.
[22] Le règlement 2326 reconnaît à Postes Canada le droit de poursuivre la distribution des imprimés publicitaires suivant un régime « opt-out ». Toutefois, tous les autres distributeurs sont soumis à la méthode « opt-in ». Donc, seuls les citoyens qui désirent recevoir les imprimés publicitaires, en apposant un autocollant vert, pourront les recevoir.
[23] MTC dira à l’instruction que le nouveau règlement 2326 change l’objet du précédent règlement 1225 et que Mirabel aurait dû procéder par un nouvel avis de motion en application de l’article 356 L.C.V.[1]
[24] Le règlement 2326 n’est pas en tout point identique au projet de règlement déposé le 25 juin 2019 (P-1.2). On y distingue deux catégories de distributeurs :
SECTION 2 :
Distribution effectuée par Postes Canada
ARTICLE 2 : Utilisation et affichage du pictogramme
Le propriétaire ou l’occupant désirant ne pas recevoir les imprimés publicitaires distribués par Postes Canada doit apposer à l’intérieur de sa case postale ou encore sur sa boîte à lettres privées (sic) destinée à recevoir le courrier de Postes Canada le pictogramme refusant les imprimées publicitaires
Section 3 :
Distribution effectuée autrement que par Postes Canada
ARTICLE 3 : Utilisation et affichage du pictogramme
Le propriétaire ou l’occupant désirant recevoir les imprimés publicitaires distribués par une autre source que Postes Canada doit apposer sur sa porte d’entrée ou encore sur sa boîte aux lettres privés (sic) ou à tout autre endroit visible de l’extérieur le pictogramme autorisant les imprimés publicitaires.
ARTICLE 3.1 : Interdiction de distributer(sic) des imprimés publicitaires
Il est interdit de distribuer ou faire distribuer des imprimés publicitaires sur toute propriété privé(sic), place d’affaires et autre établissement n’affichant pas un pictogramme autorisant la distribution de tels imprimés.
[25] D’après MTC, cette manière de réglementer qui implique la création de deux catégories de distributeurs s’avère discriminatoire. Au surplus, aux yeux de MTC, le nouveau règlement crée une présomption suivant laquelle les citoyens sont réputés refuser les imprimés publicitaires s’ils n’apposent aucun pictogramme sur leur résidence, ce qui affecte ses droits.
[26] MTC soutient que le règlement 2326 se révèle manifestement déraisonnable, illégal et ultra vires des pouvoirs de Mirabel. Selon MTC, le législateur n’a sûrement pas voulu accorder aux villes le pouvoir de créer un régime qui privilégie Postes Canada au détriment de MTC qui risque de perdre en conséquence une bonne partie de sa clientèle.
[27] De son côté, Mirabel s’inspire de la Loi sur les compétences municipales[2] en qualité de loi habilitante l’autorisant à régir sur son territoire les problématiques reliées à l’environnement, la salubrité, les nuisances ou encore à l’exposition, le port ou la distribution d’imprimés ou d’autres objets sur une voie publique ou sur un immeuble privé.
[28] L’ultime objectif de Mirabel en est un de protection de l’environnement, ce qui passe irrémédiablement par la réduction des matières résiduelles recyclables.
[29] Voici en résumé la trame factuelle qui explique l’éclosion du litige.
LA PREUVE HAUTEMENT CONTRADICTOIRE
La preuve de MTC
Monsieur François Taschereau
[30] Le témoin François Taschereau, vice-président aux communications chez MTC, expose en détail les renseignements relatifs à la composition et l’historique du Publisac, dont son mode de distribution.
[31] Autant le sac de plastique que son contenu papier sont entièrement recyclables.
[32] Monsieur Taschereau attire l’attention du Tribunal sur le recto du sac où on y retrouve un numéro de téléphone et une adresse courriel permettant aux destinataires de manifester aux gestionnaires de Publisac leur désir de ne plus recevoir le Publisac.
[33] Selon lui, Postes Canada serait le principal concurrent de MTC pour l’ensemble de la province; par contre, les tarifs de distribution de cet organisme public sont beaucoup plus chers.
[34] Publisac dessert près de 3.3 millions de portes au Québec. Près de 9 personnes sur 10 reçoivent le Publisac. MTC, à travers Publisac, génère plus de 1 000 emplois au Québec, que ce soit à l’impression, à la distribution ou au service auprès des consommateurs.
[35] La distribution des Publisacs s’effectue par des sous-traitants qui emploient environ 3 000 ensacheurs et camelots.
[36] Aux dires de monsieur Taschereau, Mirabel est la seule ville au Québec qui préconise la méthode « opt-in ».
[37] MTC et Publisac se sentent directement visés par le règlement 2326, ce qui, d’après eux, avantage indûment Postes Canada, leur seul véritable concurrent.
[38] Selon monsieur Taschereau, Mirabel n’a procédé à aucune consultation préalable auprès de MTC et des annonceurs avant d’adopter le règlement litigieux. Bien qu’il ait tenté de rencontrer le maire Bouchard de l’époque (aujourd’hui décédé), il dit n’avoir jamais été en mesure de discuter des enjeux du règlement 2326 avec la direction de Mirabel. Selon lui, aucun dialogue n’a été possible.
[39] Par ailleurs, sous l’ancien règlement (1225) jamais Publisac n’a fait l’objet d’une contravention. En toutes circonstances, le service aux consommateurs de MTC traite attentivement chacune des plaintes reçues. Depuis qu’il est en poste, il n’a jamais été interpellé particulièrement à propos du non-respect des pictogrammes.
[40] Monsieur Taschereau dit avoir tenté de convaincre le maire Bouchard de reporter l’entrée en vigueur du règlement 2326 afin d’amorcer des discussions, mais que sa demande est demeurée lettre morte.
[41] Étant d’avis que le règlement 2326 s’avère illégal, MTC a choisi de ne pas se conformer à la méthode « opt-in » et continue plutôt de distribuer le Publisac en respectant le choix « opt-out » des citoyens, et ce malgré quelques contraventions pendantes devant la cour municipale.
Monsieur Sylvain Perreault
[42] Le prochain témoin, présenté par MTC, fut monsieur Sylvain Perreault, directeur des opérations de distribution du Publisac. Il rappelle que le Publisac est distribué au Québec de porte à porte chaque semaine. Son département s’occupe du service aux consommateurs, des ventes aux annonceurs et des opérations de distribution.
[43] Il brosse un tableau de l’identité des principaux annonceurs, notamment, des restaurants, des épiceries, des quincailleries et autres commerçants locaux ou nationaux, désireux de solliciter la population du Québec, dont celle de Mirabel. Il explique la méthode de ciblage de la clientèle potentielle.
[44] Publisac dessert près de 4 000 secteurs au Québec et livre plus de 6 000 versions différentes des Publisacs.
[45] Le témoin explique comment se gère à l’interne, la méthode « opt-out » à partir de l’expression du citoyen jusqu’aux directives émises aux camelots (via les sous-contractants). Les quantités de Publisacs sont réduites en fonction de l’exercice du choix « opt-out ». Selon monsieur Perreault, ce système fonctionne bien et donne lieu à très peu de plaintes des citoyens.
[46] Au Québec, environ 6% des portes totales (3.3 millions de portes), soit environ 200 000 citoyens ont manifesté leur intention de ne pas recevoir le Publisac.
[47] La majorité des plaintes reçues et traitées par son service aux consommateurs portent sur un retard occasionnel de livraison ou la non-réception du Publisac. Selon lui, un très faible pourcentage de la population se plaint du non-respect du pictogramme. Lorsque de telles plaintes sont reçues, les distributeurs sont immédiatement avisés. D’après monsieur Perreault, la question du respect de la propreté est au cœur des priorités de MTC. Des normes rigoureuses encadrent les camelots (P-9 / P-10 / P-11).
[48] En 2018, Publisac aurait reçu 10 plaintes pour non-respect du pictogramme et 250 pour absence de réception ou réception tardive.
[49] Puis le témoin s’attarde sur les caractéristiques particulières au territoire de Mirabel en soulignant sa grande proportion rurale et les défis additionnels que cela peut comporter notamment à propos de la distance à parcourir entre chaque propriété, ce qui exige une planification qui se veut plus efficace.
[50] Singulièrement, à Mirabel, le Publisac comprend l’un ou l’autre des hebdos locaux, le Nord info ou le Nord qui véhiculent tous deux des informations communautaires, politiques et paroissiales d’intérêt public.
[51] Le Publisac comprend aussi les annonces publicitaires des détaillants nationaux et locaux. Près de 200 clients de diverses souches font appel aux imprimés publicitaires contenus dans le Publisac pour la seule région de Mirabel.
[52] Depuis 2021 et le début de 2022, le nombre de portes desservies est passé de 20 000 à 19 500. On remarque depuis novembre 2019, après l’entrée en vigueur du règlement 2326, que seulement 7% des résidents de Mirabel ont apposé un autocollant vert (opt-in) et que 3% affichent l’autocollant rouge (opt-out). Le nombre d’autocollants verts serait plus récemment passé à 5%.
[53] Le témoin a constaté une dégradation accélérée des autocollants fournis par Mirabel, lesquels se décolorent rapidement et sont apposés de manière désordonnée par les citoyens (P-3).
[54] Toujours dans son témoignage en chef, monsieur Perreault décrit le profil des camelots employés par les sous-traitants lesquels sont souvent des travailleurs immigrants, des étudiants, des personnes qui souhaitent un revenu d’appoint ou des personnes âgées dans les plus petits secteurs.
[55] D’après le témoin, depuis l’adoption du règlement 2326, Publisac aurait reçu trente constats d’infraction qui ont tous été remis aux avocats pour contestation.
[56] Au préalable, MTC avait acheminé une mise en demeure (27 août 2019) sommant Mirabel de renoncer à la mise en application du règlement 2326.
[57] Depuis lors, Publisac continue ses opérations comme si le règlement 2326, du moins la norme « opt-in », n’existait pas.
[58] Publisac craint que son modèle d’affaires se transforme en un modèle d’abonnement et anticipe une perte substantielle de son chiffre d’affaires au bénéfice de Postes Canada.
[59] D’après monsieur Perreault, Mirabel n’a pas pris en compte les enjeux économiques, la profitabilité et la viabilité opérationnelle de Publisac avant d’adopter le règlement 2326.
[60] Tenant compte que seulement 7% des citoyens ont affiché l’autocollant vert (opt-in) monsieur Perreault considère déraisonnable le fait que les camelots aient à marcher de longues distances avant de trouver un autocollant vert.
[61] Monsieur Perreault reconnaît d’emblée que la somme de papier (19 500 exemplaires X 52 semaines) constitue une quantité importante de matières recyclables à gérer par Mirabel.
Monsieur Serge Mayer
[62] Le témoin suivant fut monsieur Serge Mayer, directeur général d’un magasin Canadian Tire à Saint-Jérôme. À la tête d’une entreprise qui connaît un bon succès financier, monsieur Mayer fait usage du Publisac chaque semaine, mais utilise aussi Postes Canada quatre fois par année en plus de diffuser des messages publicitaires sur l’internet.
[63] Il considère le Publisac moins dispendieux que Postes Canada. D’après lui les citoyens de Mirabel souhaitent continuer à recevoir le Publisac. À son avis 70% de la population préfère recevoir les imprimés publicitaires sous forme papier.
[64] Certains de ses clients se plaignent de ne pas recevoir les circulaires hebdomadaires, pourtant elles sont disponibles à l’entrée du magasin. D’ailleurs, ses employés doivent régulièrement les ramasser autour du commerce pour les mettre au recyclage.
[65] Entre 3 000 et 4 000 clients fréquentent assidûment le Canadian Tire de Saint-Jérôme, une bonne proportion de ceux-ci provient de Mirabel dont la population est en croissance.
[66] Selon lui, les promotions incitatives contenues dans le Publisac favorisent le fait que les clients se déplacent pour se rendre au magasin.
Monsieur Pierre Charbonneau
[67] Le témoin subséquent fut Pierre Charbonneau, représentant et dirigeant des opérations pour les Franchises Chico, un réseau de franchises dans le domaine de l’animalerie.
[68] Lui aussi dispense des imprimés publicitaires dans le Publisac. Il s’adresse surtout à la clientèle de Saint-Canut et Saint-Colomban. Il n’est pas au courant de la réglementation municipale, mais constate que plusieurs clients se plaignent de ne pas recevoir la circulaire de Chico. Il ne publie pas dans les journaux, considérant cette façon de faire inefficace.
[69] Pour lui, utiliser Postes Canada n’est pas une option, du moins c’est une option moins commode.
Madame Manon Hénault
[70] Le témoin suivant fut Manon Hénault. Madame Hénault est chef cuisinière d’une petite boucherie. Elle prépare de bons petits plats prêts à manger pour une clientèle locale récurrente, surtout des gens un peu plus âgés. Sa réputation est enviable dans Mirabel, surtout par l’effet du bouche-à-oreille. Elle communique ses spéciaux de la semaine par un imprimé publicitaire transmis par Publisac. Les clients veulent connaître à l’avance ce qui sera disponible la semaine suivante (ex : le pâté chinois). Actuellement, elle annonce ses plats cuisinés une fois par mois. Elle considère le Publisac comme un moyen très efficace de communiquer avec ses clients. Elle ne possède pas de site web et n’est pas familière avec les réseaux sociaux. Sa page Facebook est opérée par un membre de sa parenté. Son budget de publicité est très limité et elle considère ne pas avoir les ressources financières pour faire face aux tarifs de Postes Canada, ce qui aurait comme conséquence d’affecter substantiellement sa marge de profit.
[71] Plus souvent qu’autrement, ses clients se présentent à la boucherie avec la circulaire à la main pour revendiquer les spéciaux de la semaine. Elle craint que la réglementation qui introduit la méthode « opt-in » du Publisac nuise à son commerce.
Monsieur Patrick Braydey
[72] Le dernier témoin présenté par MTC fut monsieur Patrick Braydey, vice-président aux opérations chez MTC. Il fait aussi partie de la direction générale de Publisac. Il affirme que les opérations de distribution des Publisacs selon la méthode « opt-in » sont non viables. Il y voit une forme d’expropriation déguisée à la faveur de Postes Canada, le principal concurrent de MTC.
[73] Dans l’éventualité selon laquelle le « opt-in » est maintenu, la direction de Publisac devra s’adapter en modifiant sa main-d’œuvre, notamment par :
73.1 une embauche plus importante
73.2 une approche différente des équipes sur le terrain
73.3 une supervision accrue des opérations
73.4 un nouveau personnel technique à l’informatique
73.5 une nouvelle approche sur le site web
73.6 de nouvelles fonctions
73.7 une nouvelle structure au service des communications
[74] Selon le témoin Braydey, il faudra aussi que Publisac déploie un programme d’éducation des consommateurs qui serait unique au Québec, par une campagne d’information visant à maximiser l’usage du pictogramme vert (opt-in).
[75] Une adaptation sera aussi nécessaire pour les camelots distributeurs qui risquent de parcourir le même kilométrage pour distribuer moins de Publisacs.
[76] La question se posera aussi à propos de l’intérêt des annonceurs quand ils connaîtront le réseau véritable de consommateurs accessibles.
[77] Selon monsieur Braydey, le marché « opt-in » n’affectera pas nécessairement les plus importants annonceurs (ex : Canadian Tire), mais davantage les plus petits commerçants qui n’ont pas nécessairement les moyens de s’offrir les services de Postes Canada. Il en découlera indubitablement une baisse de visibilité pour les marchants locaux (ex : madame Hénault).
[78] Le témoin enchaîne sur les conséquences financières que la méthode « opt-in » pourrait avoir sur les hebdos locaux. Cette méthode pourrait comporter un coût de distribution difficile à supporter pour des hebdos locaux dont la santé financière s’avère déjà fragile.
[79] Monsieur Braydey considère que le résultat de la mise en œuvre du système « opt-in » favorise nettement Postes Canada au détriment du Publisac. À ses yeux ce n’est pas « fairplay ».
[80] D’après monsieur Braydey, le changement organisationnel majeur que requiert la mise en œuvre des opérations adaptées au système « opt-in » n’est pas réalisable avant une période de 19 à 24 mois.
[81] Pendant que Publisac mettra en place ses nouveaux procédés, Postes Canada aura le beau jeu et pourra récupérer la majeure partie de la clientèle à desservir.
[82] En dépit du fait que MTC ait tenté d’établir un dialogue avec Mirabel (le témoin n’a pas lui-même participé aux efforts), rien n’y fit. MTC n’aurait eu d’autre choix que de ne pas respecter le règlement 2326, du moins la norme du « opt-in ». Actuellement Publisac distribue des imprimés publicitaires comme elle le faisait auparavant.
[83] En contre-interrogatoire on apprenait que MTC génère un chiffre d’affaires annuel de 2 milliards de dollars canadiens. Toutefois, le chiffre d’affaires de Publisac n’est pas connu et demeure confidentiel.
La preuve soumise par Mirabel
Monsieur Patrick Charbonneau
[84] Il est maire de Mirabel depuis le 7 novembre 2021. Il a succédé au maire Jean Bouchard, aujourd’hui décédé. C’est le maire Bouchard qui était en poste lors de l’adoption du règlement 2326. Toutefois, monsieur Charbonneau était conseiller à l’époque de l’adoption du règlement litigieux.
[85] Monsieur Charbonneau décrit la population de Mirabel comme étant relativement jeune, la moyenne d’âge se situerait autour de 35/36 ans, elle comprend majoritairement de jeunes familles.
[86] Mirabel cherche, depuis longtemps déjà, à atteindre un juste équilibre entre le développement de son territoire et la protection de l’environnement.
[87] La direction de Mirabel, soucieuse de l’environnement, cherche à réduire les coûts associés au recyclage des matières résiduelles, dont la gestion du papier.
[88] Le règlement 1225 était plus ou moins appliqué et devenait désuet.
[89] Les dirigeants municipaux ont fait le constat préalable à l’adoption du règlement 2326 que les citoyens avaient tendance à ne pas disposer correctement des imprimés publicitaires distribués, notamment avec le Publisac. On les retrouvait fréquemment dans les champs ou dans la rue. On remarquait que les Publisacs restaient longtemps dehors ou étaient emportés par le vent.
[90] Plusieurs citoyens ont formulé des plaintes auprès des autorités municipales à propos de la malpropreté que générait l’éparpillement des imprimés publicitaires sur le territoire de la ville.
[91] Dans la perspective de Mirabel, du moins celle du maire Charbonneau, le mode « opt-in » permet de cibler ceux, parmi les citoyens, qui veulent véritablement recevoir les imprimés publicitaires et les inciter à en disposer de la bonne façon, ce qui aura inévitablement pour effet de réduire les matières résiduelles et d’éviter autant que faire se peut le gaspillage.
[92] Mirabel n’aurait pas refusé de rencontrer les dirigeants de MTC, mais celle-ci est vite arrivée avec une mise en demeure et une procédure judiciaire qui ne recherchaient qu’une seule issue, soit le retrait du règlement 2326.
[93] Selon le maire Charbonneau, il n’est pas question de bannir le Publisac, mais plutôt de cibler singulièrement ceux qui veulent réellement le recevoir avec l’objectif de protéger l’environnement et ce, malgré le sommaire décisionnel (2033) du 4 mars 2019 (P-19).
[94] C’est à travers le bulletin d’information « Mirabel vous informe » distribué par la poste et internet que Mirabel a choisi de diffuser une campagne publicitaire ou de sensibilisation expliquant aux citoyens comment faire usage des pictogrammes vert (opt-in) et rouge (opt-out pour Postes Canada). Le bulletin d’information est publié à 26 500 exemplaires disponibles à plusieurs points de chute.
[95] Le maire Charbonneau est d’avis que Mirabel n’a pas à gérer les affaires municipales par sondage auprès des citoyens. C’est l’orientation politique relative à la protection de l’environnement préconisée par le conseil de ville qui a été privilégiée pour adopter le règlement 2326.
[96] Mirabel est très consciente que les coûts reliés à la distribution des imprimés publicitaires sont supérieurs chez Postes Canada par rapport au Publisac. Ce facteur a été considéré dans la balance des avantages et inconvénients. C’est la protection de l’environnement qui est apparue prioritaire aux élus municipaux.
[97] Le maire reconnaît que la mise en demeure reçue le 27 août 2019 a eu l’effet de refroidir les ardeurs des dirigeants de Mirabel à poursuivre des discussions avec MTC, d’autant plus que la procédure judiciaire a suivi peu de temps après (le 5 septembre 2019). Au souvenir du maire Charbonneau, la position de MTC était déjà bien campée et seul le retrait du règlement 2326 était la solution recherchée par celle-ci, ce que Mirabel n’acceptait pas.
Le conseiller Marc Laurin
[98] Monsieur Laurin est conseiller municipal de Saint-Canut depuis 2017. Son secteur compte plusieurs développements résidentiels qui sont occupés par de jeunes familles, mais qui comporte également un bon pourcentage de zone agricole.
[99] Depuis son arrivée au conseil municipal (2017), la propreté et les problèmes de dispersion des imprimés publicitaires sur le territoire sont source de discussion à la table du conseil municipal.
[100] De manière générale, Mirabel a choisi de privilégier un virage environnemental et la question de la gestion de matières résiduelles, surtout le papier, est au cœur de cet objectif. Mais ce n’est pas tout, il y a aussi la question des bidons de lave-glace, le reboisement, un moratoire pour ralentir le développement industriel, commercial et résidentiel.
[101] Selon les informations recueillies par le conseiller Laurin auprès des citoyens (lors de sa cabale électorale), plusieurs citoyens jettent directement le Publisac au recyclage sans en extraire les imprimés publicitaires (en papier) du sac de plastique.
[102] Ainsi, par l’effet du règlement 2326, seuls ceux qui sont désireux de prendre connaissance des imprimés publicitaires ou des hebdos pourront les recevoir en affichant le pictogramme vert (opt-in).
[103] Monsieur Laurin reconnaît que Mirabel n’a procédé à aucun sondage ni consultation auprès de la population ou des commerçants. Bien qu’elle ne soit pas empirique, l’information relative aux Publisacs et son usage viennent des propos recueillis par les conseillers municipaux et la direction de la Ville de la part des citoyens.
[104] En ce qui a trait à Postes Canada, à ses yeux, il ne s’agit pas d’un privilège accordé, mais plutôt d’une absence de compétence à régir un organisme fédéral.
[105] Rigoureusement, le conseiller Laurin reconnaît que par l’effet du règlement 2326, l’absence d’un pictogramme vert établit une présomption à l’effet que les citoyens qui s’abstiennent d’en apposer un ne veulent pas recevoir le Publisac.
[106] D’après le conseiller Laurin, 70% de la population ne veut plus du Publisac. Il aurait personnellement consulté près de 4 800 personnes dans les agglomérations de Saint-Canut, Saint-Hermas et Saint-Jérusalem pour en arriver à son constat.
[107] Monsieur Laurin ne connaît pas véritablement la portée du règlement antérieur (1225) et demeure incapable de dire dans quelle mesure il était appliqué ou pas.
[108] Il estime qu’environ 2 000 foyers peuvent être qualifiés comme étant à faibles revenus sur l’entièreté du territoire de Mirabel.
Monsieur Simon Côté-Thivierge
[109] Monsieur Coté-Thivierge est résident du secteur Saint-Augustin. Il est secrétaire-trésorier d’un immeuble indivis comportant trois condominiums. Il dit qu’il doit jeter les Publisacs directement au recyclage parce qu’aucun des occupants de l’immeuble ne veut les recevoir. Il a commencé par s’adresser à la ville pour s’en plaindre pour ensuite manifester son mécontentement directement auprès de Publisac parce qu’il les recevait toujours.
[110] Il considère que l’affichage des autocollants n’est pas esthétique et préfère ne pas avoir à en apposer sur sa propriété indivise.
[111] Malgré l’entrée en vigueur du règlement 2326, il persiste à recevoir les Publisacs et cela l’exaspère. Il est d’avis qu’il n’a plus besoin du papier généré par les imprimés publicitaires et préfère s’en remettre à la publicité diffusée par internet.
Me Suzanne Mireault
[112] Elle occupe la fonction de greffière pour l’administration publique de Mirabel depuis 1991. C’est elle qui est chargée d’organiser les assemblées publiques. Son rôle l’appelle aussi à préparer des projets de règlements et des résolutions qui sont, comme on le sait, la seule façon pour une ville de s’exprimer. C’est elle qui a rédigé le projet de règlement 2326.
[113] Elle explique que les sommaires décisionnels (de mars et mai) sont la manifestation des orientations politiques de la Ville. C’est en mai 2019 que le conseil de ville a d’abord décidé que dorénavant le citoyen devrait poser un geste ( opt-in ) pour manifester son intention de recevoir les imprimés publicitaires.
[114] C’est ainsi que le 25 juin 2019, un avis de motion (D-1) a été déposé. Du coup, le projet de règlement 2326 y a été annexé. Une copie du projet de règlement était ainsi mise à la disposition du public.
[115] Le 12 août 2019, le règlement 2326 fut adopté par le conseil de ville. Ce règlement remplace le règlement 1225.
[116] L‘adoption du règlement 2326 fut annoncée dans le bulletin municipal (Mirabel vous informe) et sur le site internet de la ville. Le règlement 2326 n’allait entrer en vigueur qu’en octobre 2019 afin de permettre à Mirabel le temps nécessaire à l’impression des autocollants verts et rouges.
[117] À sa connaissance, aucune discussion préalable avec les représentants de MTC ou Publisac n’a précédé l’adoption du règlement 2326.
Madame Caroline Thibault
[118] Elle occupe le poste de directrice du service des communications à Mirabel. Elle explique que le bulletin municipal (Mirabel vous informe) est distribué à la population 25 fois par année, majoritairement par la poste, mais aussi sur le site internet de la ville. Des exemplaires sont également disponibles à l’hôtel de ville.
[119] Pour communiquer avec les citoyens, Mirabel se sert principalement du bulletin municipal, des réseaux sociaux, du site internet et d’annonces sur les panneaux communautaires. C’est à l’aide de ces moyens que Mirabel a procédé à sa campagne de sensibilisation à propos de la gestion des imprimés publicitaires et de l’usage des autocollants (D-11 et D-12 et D-13).
[120] Le bulletin d’information (Mirabel vous informe) ne contient aucune publicité commerciale. Chaque exemplaire est livré singulièrement par la poste pour un coût total de 3 500 $ plus les taxes applicables. On s’en est servi pour distribuer les autocollants (rouge et vert) qui sont à la base conçus pour résister aux intempéries. Dans l’éventualité d’une détérioration prématurée, Mirabel accepte de remplacer les autocollants.
[121] Madame Thibault attire l’attention du Tribunal sur le fait que dans sa déclaration assermentée, madame Hénault aurait commis une erreur dans son calcul des coûts associés à l’utilisation des services de livraison par Postes Canada. Le coût total annuel serait de 18 000 $ plutôt que 23 000 $ comme le suggère madame Hénault.
[122] Elle ignore le coût d’impression du bulletin municipal, mais confirme que la Ville ne bénéficie d’aucun escompte de volume en faisant affaire avec Postes Canada pour en assurer la distribution.
[123] Elle reconnaît que malgré l’utilisation de plusieurs moyens de communication (bulletin, internet, babillard etc) Mirabel n’arrive pas rejoindre tout le monde. Elle estime qu’environ 20% de la population n’ouvre pas le bulletin d’information distribué par Mirabel, mais demeure convaincue que la grande majorité de la population est atteinte par cette publication.
[124] Elle reconnaît que Mirabel a recours ponctuellement aux sondages publics auprès de sa population, puis concède qu’elle y fait appel somme toute assez fréquemment. Toutefois, la direction de Mirabel ne se sert pas du « Monkey Survey ».
[125] Outre les annonces parues dans le bulletin municipal (D-11 / D-12 / D-13), il n’y a eu aucune annonce préalable de sensibilisation à l’adoption du règlement 2326.
[126] Madame Thibault s’est présentée à l’instruction comme un témoin très défensif et protectrice des mesures publicitaires qui ont entouré l’adoption du règlement 2326.
Monsieur Guy Lussier
[127] Il a été présenté comme un expert, ingénieur en télécommunication et consultant. Son rôle fut celui d’analyser la couverture internet haute vitesse sur le territoire de Mirabel. Selon sa perspective, la couverture est acceptable, mais demeure limitative.
[128] D’après son estimation, sur environ 17 000 habitations, près de 98% d’entre elles sont desservies par l’internet. Ce qui laisse environ 200 foyers qui n’ont pas accès à ce service. La partie de la ville qui n’aurait pas accès à un service acceptable représente approximativement 5% de la population.
[129] Sur le 98% des habitations qui accèdent au réseau internet, toutes ne sont pas nécessairement branchées. Il n’est pas en mesure d’établir un pourcentage de branchement. Le coût de branchement peut varier dans une fourchette de 27 à 80 $ par mois, dépendamment du service requis, ce à quoi il faut ajouter un coût d’activation.
Me Mario Boily
[130] Il est le directeur général de Mirabel depuis 10 ans. Pour l’essentiel, il a témoigné à partir des notes manuscrites de quelqu’un d’autre, ce qui atténue la fiabilité de son témoignage.
[131] Il explique que Mirabel investit et subventionne l’amélioration du réseau internet disponible sur le territoire de la ville.
[132] Il n’était pas présent à la seule rencontre qui s’est tenue le 12 septembre 2019 entre le maire Bouchard et un représentant de MTC. Il sait tout de même que la position de MTC était et demeure d’affirmer que le règlement 2326 est illégal. De son côté, le conseil de ville refusait d’abdiquer et a choisi d’aller de l’avant avec le règlement litigieux. Dans ce contexte, à ses yeux, la discussion apparaissait stérile.
[133] Tout de même, une première rencontre était prévue pour se tenir le 6 septembre 2019 à 10h. Ayant reçu la signification de la demande en justice de MTC, le 5 septembre 2019, la rencontre a été forcément annulée. Malgré cela, le maire Bouchard a accepté de tenir une rencontre le 12 septembre 2019 avec peu d’espoir d’un compromis en raison de la position inflexible de MTC d’exiger le retrait du règlement 2326.
Monsieur Jérôme Duguay
[134] Il est directeur du service de l’environnement à Mirabel depuis 2013 et détenteur d’un baccalauréat en biologie. Il s’intéresse à la gestion des matières résiduelles depuis 20 ans, notamment à travers les divers écocentres situés sur le territoire de Mirabel.
[135] Il est le principal précurseur du virage environnemental privilégié par Mirabel depuis 2017. Il s’inspire du plan d’orientation (les trois « R ») provincial qui vise à :
135.1 réduire les matières résiduelles
135.2 réutiliser certaines matières
135.3 recycler les matières recyclables
[136] Dans sa gestion des matières résiduelles, les imprimés publicitaires représentent une grande quantité de la matière recyclable qu’on a la volonté de réduire à Mirabel. Selon lui, la seule façon consiste à changer la manière de faire en présumant que la majorité des citoyens ne veulent pas des imprimés publicitaires qui se retrouvent en toutes circonstances au recyclage.
[137] On doit disposer de 500 tonnes par année de matières résiduelles provenant des imprimés publicitaires. On y ajoute un poids considérable si les imprimés sont récupérés après avoir été mouillés. Les imprimés publicitaires représentent 20% des matières recyclables récupérées sur le territoire de Mirabel, ce qui constitue un apport important, un coût énergétique accru et un impact environnemental démesuré d’après monsieur Duguay. Sans compter que le transport des matières recyclables contribue à l’émission des gaz à effet de serre, ce qui ajoute à la nécessité de réduire les matières résiduelles. D’après le témoin, les coûts reliés à la gestion des matières recyclables iront en augmentant. Dans sa perspective, il est urgent d’agir maintenant car le plus important des trois « R » du plan d’orientation provincial s’avère définitivement celui de réduire les matières résiduelles.
[138] Considérant que très peu de personnes utilisent le Publisac, le règlement 2326 (opt-in) aura comme conséquence de réduire le nombre de Publisacs à recycler.
[139] Interrogé à savoir comment il peut raisonnablement conclure que très peu de gens utilisent le Publisac, monsieur Duguay se fie sur sa participation à plusieurs activités communautaires auxquelles le service de l’environnement de la ville met à la disposition du public un kiosque d’information. Selon lui, la majorité des personnes participant à ces événements sociaux ne manquent pas de l’interpeller au sujet des imprimés publicitaires. Il en conclut que cinq personnes sur huit ne lisent pas le contenu du Publisac. D’ailleurs, le pictogramme vert ( opt-in ), a-t-il constaté en parcourant le territoire, n’est que très peu affiché depuis l’adoption du règlement 2326.
[140] Monsieur Duguay a cherché à se référer à un rapport du BAPE pour appuyer son témoignage, ce qui a fait l’objet d’une objection à la preuve. Il est sûr que ce genre de rapport contient des recommandations qui n’ont pas force de loi. Le rapport est recevable en preuve, mais ne fait pas la preuve de l’entièreté de son contenu, sauf à l’égard de certains constats purement factuels. Pour les fins du présent débat, le Tribunal considère que l’organisme provincial a réalisé le constat que la problématique de gestion des matières résiduelles est une préoccupation et un enjeu environnemental qui prévaut sur l’étendue de la province. L’objection sera donc rejetée.
[141] Lorsque que contre-interrogé, le témoin reconnaît que Publisac n’est pas le seul distributeur d’imprimés publicitaires sur le territoire de Mirabel et que Postes Canada en fait partie. Gardons à l’esprit que le bulletin municipal est aussi distribué sous une forme papier.
[142] Monsieur Duguay explique que Mirabel adhère au « Plan métropolitain de Gestion des Matières Résiduelles » PGMR (sommaire P-6) comportant sept grandes orientations visant une gestion plus responsable de l’environnement. Le témoin en a compris que dans l’ordre, la priorité doit être mise sur la réduction des matières résiduelles et c’est cet objectif que vise le règlement 2326.
[143] Dans une modification récente du PGMR (juin 2020) on peut lire : « …. De plus la gestion des circulaires doit être faite selon l’approche d’une distribution volontaire plutôt que systématique. Par contre, les journaux locaux, étant une importante source d’information locale, ne devraient pas être touchés par cette mesure. » Évidemment MTC s’insurge du fait que Mirabel puisse faire appel à une modification du PGMR de juin 2020 puisqu’elle est postérieure à l’adoption du règlement 2326.
[144] Finalement, le témoin a évoqué la problématique reliée à la ségrégation de plusieurs matières résiduelles lorsqu’il est question du Publisac. Il arrive fréquemment que le Publisac dans son ensemble soit mis au recyclage sans séparer le sac de plastique du papier, ce qui ajoute au travail de triage.
Commentaire
[145] Avec un objectif de concision et de clarté, la preuve administrée a été volontairement présentée sous la forme d’un sommaire exécutif. Plusieurs éléments de preuve considérés comme plus périphériques ont été écartés parce que considérés moins pertinents à la résolution des questions centrales en litige.
[146] Pour l’essentiel, il s’agit là du contexte qui explique les origines du litige.
Les questions en litige
A) La procédure d’adoption du règlement 2326 comporte-t-elle des vices qui affectent fatalement sa légalité ?
B) Le règlement 2326 serait-il nul en raison de son caractère déraisonnable ?
C) La substance du règlement 2326 porte-t-elle atteinte de manière injustifiable à la liberté d’expression ?
D) MTC peut-elle revendiquer des droits acquis à distribuer les Publisacs selon la méthode « opt-in » ?
La norme de contrôle judiciaire et le droit applicable aux questions en litige
Modification vs remplacement
[147] Pour répondre à la première question, il est impératif de référer à l’article 356 de la Loi sur les cités et villes (L.C.V.)[3]. Qu’il suffise pour l’instant d’examiner de plus près les alinéas 8 et 9 de cette disposition :
8e al. «Les changements apportés au règlement soumis pour adoption ne doivent pas être de nature à changer l’objet de celui-ci, tel que prévu dans le projet déposé.»
9e al. «Toute contravention à l’un ou l’autre des premier, deuxième, quatrième ou huitième alinéas entraîne la nullité du règlement.»
(Notre emphase)
[148] Ainsi, le projet de règlement ne doit pas, sous peine de nullité, être modifié au point d’en changer sa nature. À défaut, un nouveau projet de règlement précédé d’un nouvel avis de motion doit être adopté.
[149] MTC plaide que le projet de règlement constituait en principe un règlement modificateur du règlement 1225 relatif à la distribution d’imprimés publicitaires à Mirabel alors que le règlement 2326 remplace plutôt celui-ci, ce qui aurait requis un nouvel avis de motion.
[150] Mirabel oppose à cet argument que l’avis de motion (D-1) déposé le 25 juin 2019 annonçait clairement l’intention de la Ville qu’elle entendait présenter un règlement remplaçant le règlement 1225.
[151] Selon Mirabel, l’avis de motion était suffisamment précis pour permettre aux membres du conseil de se préparer sans surprise à la discussion sur le projet de règlement 2326, principalement sur les règles relatives à la distribution des imprimés publicitaires.
Devoir d’équité et de transparence
[152] Selon MTC, Mirabel a manqué à son obligation d’équité procédurale, d’impartialité, de franchise et de transparence, avant tout en mettant MTC et Publisac devant un fait accompli et en prenant l’initiative de ne consulter que Postes Canada, sa principale concurrente.
[153] Ici, on ne peut pas parler d’iniquité procédurale comme le propose MTC puisque Mirabel ne rend pas une décision administrative ( ex : Témoins de Jéhovah c. Lafontaine (Village) [2004] 2 S.C.R. 650), mais procède plutôt à l’adoption d’un règlement. Néanmoins Mirabel devait respecter son obligation d’agir en toute impartialité, de manière équitable (fairplay), franche et transparente.
[154] L’argument de MTC repose sur les retombées de l’arrêt rendu par la Cour d’appel du Québec dans (ville de) Mont-Saint-Hilaire c. 9193-4463 Québec inc.[4], le passage pertinent se lit comme suit :
32.2 La mauvaise foi du maire et du conseil municipal
[96] La crainte de partialité, le manque d'équité, de franchise et de transparence sont des facteurs permettant de conclure à la mauvaise foi d’un conseil municipal dans l’exercice de ses pouvoirs délégués de réglementation. En effet, comme le soulignait la Cour supérieure de l’Ontario, retenant les enseignements de la Cour d’appel de la même province :
Two of the most important indicia of good faith are “frankness and impartiality”. Not inviting input from affected persons before passing a By-law may militate against a finding of frankness and impartiality but is not determinative.
(Références omises)
(Notre emphase)
[155] De son côté, Mirabel répond qu’elle a simplement réalisé qu’elle ne pouvait pas exercer sa compétence réglementaire à l’encontre de Postes Canada. Elle argumente qu’elle ne traite pas Postes Canada différemment des autres distributeurs, mais que le règlement 2326 fait strictement état d’un régime qui respecte la compétence fédérale.
[156] Au surplus, Mirabel plaide que MTC est malvenue de soulever le non-respect du principe d’équité parce qu’elle a choisi de ne pas respecter le règlement 2326 après son adoption.
[157] Selon Mirabel, la discrétion judiciaire sous-jacente à l’exercice de contrôle judiciaire ne devrait pas jouer à la faveur de MTC puisque celle-ci n’a pas les mains propres. À partir de là, le litige s’envenime.
La norme de contrôle judiciaire applicable
[158] La Cour d’appel du Québec, à plus d’une reprise, a confirmé que l’arrêt Catalyst conserve sa prédominance en droit municipal.[5]
[159] Pourquoi réinventer la roue alors que mon collègue l’honorable Pierre C. Gagnon, j.c.s. a déjà tracé le chemin avec approbation de la Cour d’appel dans la décision 9193-4463 Québec inc. c. Ville de Mont-Saint-Hilaire, 2020 QCCS 1585. Il convient d’emprunter et de faire mienne l’analyse juridique judicieuse du juge Gagnon en rapportant fidèlement ses propos :
[90] Au Canada, les institutions municipales sont des créations du législateur provincial et ne détiennent que les pouvoirs conférés par les lois provinciales[40].
[91] Les municipalités sont assujetties au pouvoir de contrôle et de surveillance des cours supérieures quant à la légalité de leurs règlements et résolutions[41].
[92] Ainsi, les tribunaux de droit commun peuvent tout d’abord annuler un règlement municipal parce que les lois habilitantes ne conféraient pas à la municipalité le pouvoir de l’adopter.
Mais aussi, la notion d’ultra vires s’étend à des situations où ce qui est en cause n’est pas tant l’existence de la compétence municipale que les modalités de son exercice. C’est le cas quand la municipalité commet des illégalités graves qui ne sont pas de simples irrégularités ou informalités, mais des illégalités substantielles ou affectant un droit fondamental[43].
[94] Quant à ce deuxième cas de figure, l’arrêt clé est celui que la Cour suprême a prononcé en 2012 dans Catalyst Paper Corporation c. North Cowichan (District)[44].
[95] Un examen détaillé est de mise.
[96] L’arrêt Catalyst débute en rappelant le concept fondamental de primauté du droit, auquel les municipalités ne sauraient échapper :
[10] La primauté du droit pose comme principe fondamental que le pouvoir de l’État doit être exercé en conformité avec la loi. Ce principe protégé par la Constitution a pour corollaire que les cours supérieures peuvent être appelées à examiner si un exercice particulier du pouvoir de l’État est conforme à la loi ou non. C’est ce que nous appelons le « contrôle judiciaire ».
[11] Les municipalités ne jouissent d’aucun pouvoir leur étant directement accordé par la Constitution. Elles n’ont que les pouvoirs que leur délèguent les législatures provinciales. Cela signifie qu’elles doivent s’en tenir aux contraintes législatives que la province leur impose, à défaut de quoi leurs décisions et leurs règlements peuvent être annulés à l’issue d’une procédure de contrôle judiciaire.
[12] Les décisions et les règlements d’une municipalité, à l’instar de tout acte administratif, peuvent être révisés de deux façons. D’abord, les exigences en matière d’équité procédurale et le régime législatif qui régit la municipalité peuvent l’obliger à respecter certaines exigences de nature procédurale, notamment en matière d’avis ou de vote, et sa décision ou son règlement peut être jugé invalide si elle néglige de suivre ces procédures. Mais en plus de pouvoir être annulés au motif que ces exigences légales minimales n’ont pas été respectées, il se peut que les actes d’une municipalité le soient parce qu’ils outrepassent ce que le régime législatif permettait de faire. Cette révision sur le fond est fondée sur la présomption fondamentale, découlant de la primauté du droit, selon laquelle le législateur ne peut avoir voulu que le pouvoir qu’il a délégué soit exercé de façon déraisonnable, ou, dans certains cas, incorrecte.
[soulignement ajouté]
[97] Ensuite, s’appuyant sur la norme de la décision raisonnable circonscrite dans l’arrêt Dunsmuir[45], la Cour suprême expose qu’en règle générale, les lois provinciales confèrent aux municipalités de larges pouvoirs discrétionnaires, étant donné qu’il s’agit d’institutions démocratiques qui doivent concilier des considérations juridiques et non juridiques, notamment sur les plans social, économique et politique[46].
[98] La Cour suprême s’appuie notamment sur le jugement centenaire de Kruse c. Johnson[47], qui a fortement influencé l’évolution de la common law en cette matière.
[99] Le juge en chef Lord Russell of Killowen s’exprime comme suit (traduction de la Cour suprême) :
…les cours de justice doivent faire preuve de circonspection avant de déclarer invalide un règlement pris dans ces conditions au motif qu’il serait déraisonnable. Malgré ce que le juge en chef Cockburn dit dans une affaire analogue, Bailey c. Williamson [1873], L.R. 8 Q.B. 118, p. 124], je ne veux pas dire qu’il ne peut y avoir de cas où la Cour aurait le devoir d’invalider des règlements, pris en vertu du même pouvoir que ceux-ci l’ont été, en se fondant sur leur caractère déraisonnable. Mais déraisonnable en quel sens? On peut penser, par exemple, à des règlements partiaux et d’application inégale pour des catégories distinctes, à des règlements manifestement injustes, à des règlements empreints de mauvaise foi, à des règlements entraînant une immixtion abusive ou gratuite dans les droits des personnes qui y sont assujettis, au point d’être injustifiables aux yeux d’hommes raisonnables; la Cour pourrait alors dire « le Parlement n’a jamais eu l’intention de donner le pouvoir de faire de telles règles; elles sont déraisonnables et ultra vires.» C’est en ce sens et uniquement en ce sens qu’il faut, à mon avis, considérer la question du caractère raisonnable. Un règlement n’est pas déraisonnable simplement parce que certains juges peuvent estimer qu’il va au-delà ce qui est prudent ou nécessaire ou commode, ou parce qu’il n’est pas assorti d’une réserve ou d’une exception qui devrait y figurer de l’avis de certains juges.
[soulignement par la juge en chef McLachlin]
[100] La Cour suprême enchaîne en précisant que ce qui est déraisonnable dépendra du cadre législatif applicable[48].
[101] Comme résultat, l’arrêt Catalyst énonce la norme de révision du caractère raisonnable des règlements municipaux :
[24] Il est donc clair que les tribunaux appelés à réviser le caractère raisonnable de règlements municipaux doivent le faire au regard de la grande variété de facteurs dont les conseillers municipaux élus peuvent légitimement tenir compte lorsqu’ils adoptent des règlements. Le critère applicable est le suivant : le règlement ne sera annulé que s’il s’agit d’un règlement qui n’aurait pu être adopté par un organisme raisonnable tenant compte de ces facteurs. Le fait qu’il faille faire preuve d’une grande retenue envers les conseils municipaux ne signifie pas qu’ils ont carte blanche.
[25] La norme de la décision raisonnable restreint les conseils municipaux en ce sens que la teneur de leurs règlements doit être conforme à la raison d’être du régime mis sur pied par la législature. L’éventail des issues raisonnables est donc circonscrit par la portée du schème législatif qui confère à la municipalité le pouvoir de prendre des règlements. [soulignements ajoutés]
[102] La Cour suprême reformule plus loin :
[32] En résumé, il faut déterminer en définitive si le règlement contesté s’inscrit dans un éventail raisonnable d’issues possibles en suivant l’approche que les tribunaux ont adoptée au fil des ans en matière de révision des règlements adoptés par des conseils municipaux. Les conseils municipaux ne sont pas tenus, dans le cadre du processus d’adoption de règlements, de s’en remettre aux seules considérations objectives ayant une incidence directe sur l’affaire; ils peuvent aussi prendre en compte des enjeux plus généraux d’ordre social, économique et politique. Pour apprécier le caractère raisonnable d’un règlement, il convient donc d’examiner le processus qui a mené à son adoption ainsi que sa teneur.
[soulignement ajouté]
[103] Déjà en 1985, sous la plume du juge Beetz, la Cour suprême résumait les enseignements de Kruse c. Johnson[49], comme suit :
Lord Russel of Killowen distingue donc entre l’aspect d’opportunité politique d’un règlement, qu’il appelle son caractère raisonnable ou déraisonnable dans le sens étroit, et son caractère raisonnable ou déraisonnable dans le sens large dont il donne une définition juridique négative. Selon cette définition, seuls sont déraisonnables au sens large ou juridique et ultra vires : (1) les règlements qui font acception de personne et s’appliquent de façon inégale à différentes classes (2) ceux qui sont manifestement injustes (3) ceux qui sont empreints de mauvaise foi; et (4) ceux qui soumettent les droits qu’ils visent à des entraves si oppressives ou si arbitraires qu’ils ne peuvent se justifier dans l’opinion des gens raisonnables. Il importe de noter que la première catégorie de règlements déraisonnables dans le sens juridique retenus par lord Russell of Killowen est celle des règlements discriminatoires suivant l’acceptation non pas péjorative, mais la plus neutre du terme et qui sont frappés de nullité quand même la distinction qui en forme le pivot serait parfaitement rationnelle ou raisonnable dans le sens étroit ou sans esprit de favoritisme ni de malice. (m.a. pp. 71 et 72)[50].
[104] En 2019, dans l’arrêt Vavilov[51], la Cour suprême a remanié les normes de contrôle judiciaire découlant principalement de l’arrêt Dunsmuir[52]. Elle y cite avec approbation l’arrêt Catalyst qui, de la sorte, conserve sa prédominance en droit municipal. Par contre, l’arrêt Vavilov prescrit une nouvelle méthodologie d’analyse du caractère raisonnable d’une décision soumise au contrôle judiciaire.
[105] L’arrêt Vavilov constitue présentement l’arrêt fondamental concernant le contrôle judiciaire des décisions administratives de toutes sortes.
[106] L’arrêt Vavilov remet à jour la méthode de détermination de la norme de contrôle et l’application de cette norme.
[107] Les règles édictées dans l’arrêt Dunsmuir gardent en général leur utilité, mais il convient d’y recourir prudemment[53].
[108] Au départ, le contrôle judiciaire repose sur la présomption que le tribunal de révision doit appliquer la norme de la décision raisonnable[54]. La norme de la décision correcte est réservée à des situations exceptionnelles et relativement rares[55].
[109] La partie qui prétend que le décideur administratif a rendu une décision déraisonnable doit se décharger du fardeau de le démontrer[56].
[110] La norme de la décision raisonnable est une norme unique, mais qui s’applique en tenant compte de son contexte[57].
[111] Certaines décisions administratives doivent être motivées, par exemple celles rendues par un tribunal administratif après audition des parties. En tel cas, il ne suffit pas que la décision soit justifiable; plutôt, il faut qu’elle soit adéquatement justifiée[58].
[112] Dans les cas où le décideur administratif rend une décision sans être tenu d’exprimer des motifs explicites, le tribunal de révision doit examiner le dossier dans son ensemble, à la recherche d’une justification claire de la décision[59]. Ainsi, un règlement municipal n’énonce pas les motifs qui sous-tendent ses dispositions.
[113] Contrairement à une tendance jurisprudentielle pré-Vavilov, le tribunal de révision ne peut, face à une décision dont il considère que le fondement est erroné, substituer une autre justification du résultat[60].
[114] Une décision raisonnable doit être rationnelle, cohérente et logique[61].
[115] La Cour suprême énonce sept éléments juridiques ou factuels qui peuvent servir à vérifier comment le décideur administratif a géré les contraintes qui encadraient son processus décisionnel. Ce sont des éléments suggérés et non obligatoires[62] :
1) le régime législatif applicable[63];
2) les autres règles législatives ou de common law[64];
3) les principes d’interprétation législative[65];
4) la preuve dont disposait le décideur[66];
5) les observations des parties[67];
6) les pratiques et décisions antérieures[68];
7) l’incidence de la décision sur l’individu visé[69].
[116] On peut donc résumer qu’un pourvoi de contrôle judiciaire pourra être accueilli à l’encontre d’une municipalité :
dans les cas d’actes ultra vires, de fraude, de violation évidente de la loi, d’abus de pouvoir qui équivaut à fraude et entraîne une injustice flagrante, d’erreurs déraisonnables ou de manquement à l’obligation d’équité procédurale, de mauvaise foi, de considérations non pertinentes, d’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dans un but incorrect, et de décisions arbitraires qui relèvent du caprice, de la fantaisie, de l’ignorance volontaire, ou son plaisir ou de la négligence. (Références omises)
[160] À cela, quelques principes généraux peuvent s’ajouter à l’exercice du contrôle judiciaire. Il est établi que le règlement municipal en cause doit être de prime abord présumé valide. S’il existe une interprétation raisonnable qui permet de soutenir sa validité, elle doit être privilégiée.[6]
[161] Il faut aussi parler du principe de retenue judiciaire et des critères à la base de celui-ci. Récemment la Cour d’appel du Québec enseigne que :
[24] Néanmoins, il y a lieu de garder à l’esprit que cette jurisprudence antérieure a aussi établi qu’en raison de l’évolution de la municipalité moderne et de l’importance sociale et politique des administrations publiques locales, il fallait désormais privilégier une interprétation téléologique large des pouvoirs municipaux. Il a également été souligné que les pouvoirs des autorités municipales devaient être interprétés généreusement parce que leurs relations de proximité avec les citoyens qui habitent ou travaillent sur leur territoire les rendent plus sensibles aux problèmes qu’ils connaissent. Notre Cour a d’ailleurs affirmé, en 2012, que les municipalités bénéficient d’un large pouvoir discrétionnaire dans l’exercice de leur pouvoir de réglementation, singulièrement en matière de zonage.
[28] Précisant ensuite comment devait être effectué le contrôle en vertu de la norme de décision raisonnable, la Cour suprême a fait un certain nombre de constats que l’on peut résumer comme suit :
(Notre emphase)
[162] Quelles que soient les règles d’interprétation appliquées, elles ne doivent pas servir à usurper le rôle légitime de représentants de la collectivité que jouent les conseils municipaux.[8]
[163] Dans ce contexte, la norme de la décision raisonnable qui s’applique aux faits de l’instance signifie que les tribunaux doivent respecter le devoir qui incombe aux conseillers élus de servir loyalement leurs citoyens qui les ont élus et envers qui ils sont ultimement imputables. Le critère applicable est le suivant : le règlement ne sera annulé que s’il s’agit d’un règlement qui n’aurait pu être adopté par un organisme raisonnable en tenant compte des facteurs précités.[9]
La liberté d’expression
[164] MTC soutient que le règlement 2326 porte atteinte d’une manière injustifiable à la liberté d’expression.
[165] Pour des fins de commodité et d’allègement de texte, le Tribunal traitera de la question de la liberté d’expression sous l’angle des dispositions de la Charte canadienne, puisque les garanties prévues à la Charte québécoise ont la même portée et s’analysent sous un prisme juridique similaire.[10]
[166] Le droit à la liberté d’expression est un droit fondamental fortement protégé par les Chartes fédérale et provinciale. Son rôle primordial est maintenant bien ancré dans le paysage juridique.[11]
[167] Ce droit fondamental englobe également le discours commercial et la publicité, tels que l’affichage et la distribution de pamphlets et de feuillets.[12]
[168] La publicité est un mode d’expression protégé, puisqu’elle instruit les choix économiques des citoyens.[13]
[169] La garantie protège tant l’émetteur de la publicité que le destinataire.[14]
[170] Ainsi, l’occupant d’une maison est réputé consentir l’autorisation à tout membre du public de s’approcher de sa porte et d’y frapper dans un but licite.[15]
[171] En dépit des garanties bien acquises, le fardeau de la preuve incombe toutefois à MTC de démontrer que l’essence du règlement 2326 porte atteinte à la protection prévue à l’alinéa 2b) de la Charte canadienne.
[172] C’est le test de l’arrêt Oakes[16] complété par les principes de l’arrêt Frank[17] qui doivent guider le Tribunal dans son analyse des questions pertinentes à ce chapitre.
[173] La première question sera celle de décider si MTC s’est déchargée de son fardeau de la preuve de démontrer une atteinte à l’alinéa 2 b) de la Charte qui confère une garantie constitutionnelle à la liberté d’expression de celle-ci. En l’espèce, cette question demeure hautement litigieuse.
[174] Si l’analyse de la preuve justifie une conclusion d’atteinte au droit protégé, il faut passer à l’étape de l’analyse de sa justification en vertu de l’article 1 de la Charte et des critères fondamentaux applicables.
[175] Pour bien comprendre l’exercice, il est impératif de connaître les paramètres établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Frank précité :
[38] Deux critères fondamentaux doivent être respectés pour que la restriction d’un droit garanti par la Charte soit justifiée en vertu de l’article premier. En premier lieu, l’objectif de la mesure doit être urgent et réel pour justifier l’imposition d’une restriction à un droit garanti par la Charte. Il s’agit d’une condition préalable, dont l’analyse s’effectue sans tenir compte de la portée de l’atteinte, du moyen retenu ou des effets de la mesure (R. c. K.R.J., 2016 CSC 31, [2016] 1 R.C.S. 906, par. 61). En deuxième lieu, le moyen par lequel l’objectif est réalisé doit être proportionné. L’analyse de la proportionnalité comporte trois éléments : (i) le lien rationnel avec l’objectif, (ii) l’atteinte minimale au droit, et (iii) la proportionnalité entre les effets de la mesure (y compris une mise en balance de ses effets préjudiciables et de ses effets bénéfiques) et l’objectif législatif énoncé (Oakes, p. 138-139; Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 1, [2015] 1 R.C.S. 3, par. 139; K.R.J., par. 58). L’examen de la proportionnalité se veut à la fois normatif et contextuel, et oblige les tribunaux à soupeser les intérêts de la société et ceux de particuliers et de groupes (K.R.J., par. 58; Oakes, p. 139).
[39] Lors de l’examen fondé sur l’article premier, le fardeau incombe à la partie qui demande le maintien de la restriction — en l’espèce, le PGC (Oakes, p. 136-137). Pour s’acquitter de ce fardeau, le PGC doit satisfaire à la norme de preuve qui s’applique en matière civile, c’est-à-dire la preuve selon la prépondérance des probabilités (Oakes, p. 137; RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, par. 137-138).
(Notre emphase)
[176] C’est sous l’éclairage de ces principes juridiques que le Tribunal devra trancher chacune des questions en litige en lien avec l’application des garanties constitutionnelles. Pas une mince tâche.
Analyse et réponse aux questions
A) La procédure d’adoption du règlement 2326 comporte-t-elle des vices qui affectent fatalement sa légalité ?
[177] Aux yeux de MTC, les différences qui existent entre le projet de règlement initial (P-12) et le résultat final (2326) sont si importantes que Mirabel aurait dû procéder par un nouvel avis de motion pour se conformer à l’article 356 L.C.V. (précité). MTC est d’avis que cette lacune procédurale entache irrémédiablement la validité de la procédure d’adoption du règlement 2326, ce qui le rendrait nul pour vice de forme.
[178] D’après MTC, le projet de règlement ne doit pas, sous peine de nullité, être modifié au point d’en changer sa nature. À défaut, un nouveau projet de règlement, précédé d’un nouvel avis de motion, doit être adopté.
[179] Sous un autre angle, MTC plaide que le cheminement qui a conduit Mirabel à adopter le règlement 2326 fut inéquitable en raison du fait que Mirabel a choisi au préalable de ne consulter que Postes Canada. MTC y voit une invitation aux jeux de coulisses qui se traduit par un accroc important aux préceptes juridiques fondamentaux d’équité et d’impartialité qui doivent guider Mirabel lorsqu’elle réglemente les activités sociales et économiques municipales de sa compétence.
[180] MTC se plaint d’avoir été la seule distributrice d’imprimés publicitaires nommée par la Ville dans la phase préalable à l’adoption du règlement 2326. (P-19 et P-20) mais d’avoir été écartée du processus décisionnel alors que Mirabel savait que ses droits étaient affectés. S’insurgeant contre cette façon de faire, MTC est d’avis que Mirabel aurait piétiné les principes de franchise et de transparence burinés dans la loi.
[181] Pour répondre à cette question le Tribunal ne doit pas perdre de vue que le premier but de l’avis de motion consiste à aviser les élus municipaux de la teneur et de l’objet d’un projet de règlement proposé. Ce qui importe c’est d’informer et permettre aux intéressés de se faire entendre. L’article 356 L.C.V. prévoit que l’adoption de tout règlement doit être précédée du dépôt d’un projet de règlement, soit en même temps que l’avis de motion ou lors d’une séance distincte. Ce qui importe aussi c’est que les membres du conseil municipal puissent se préparer de manière efficace et constructive à toute discussion ultérieure.
[182] En l’instance, l’avis de motion (P-1.1 ou D-1) a été déposé le 25 juin 2019. On y indiquait clairement que la Ville entendait présenter un règlement qui remplaçait le règlement 1225.
[183] À l’examen, force est de constater que l’avis de motion s’avère suffisamment détaillé quant à l’objet du règlement proposé, soit celui portant sur la distribution d’imprimés publicitaires dans les limites du territoire de Mirabel.[18]
[184] Nul doute que les membres du Conseil savaient à l’avance à quoi s’attendre et qu’ils pouvaient se préparer à discuter des règles relatives à la distribution des imprimés publicitaires puisque le projet de règlement a été déposé au moment où l’avis de motion a été donné.
[185] Ici, le Tribunal est d’avis que les faits particuliers à la présente instance montrent que le but recherché par la loi (356 L.C.V.) a été atteint. Le Tribunal est d’avis que cette partie de l’argumentaire de MTC revêt une importance marginale qui ne saurait occulter ce qui constitue le cœur du litige.
[186] Reste à déterminer si Mirabel s’est acquittée de son devoir d’équité (fairplay) et de transparence.
[187] Il est su que la direction de la Ville n’a pas consulté MTC alors qu’elle a procédé à certaines vérifications auprès de Postes Canada pour réaliser rapidement que Mirabel ne pouvait pas exercer sa compétence sur un organisme fédéral. Il est également vrai de dire que Mirabel a placé MTC devant un fait accompli.
[188] Dans un monde idéal, il aurait été préférable que Mirabel consulte préalablement MTC, les autres distributeurs, les annonceurs, voire même procéder à un sondage public auprès des citoyens. Rien dans la loi n’obligeait Mirabel à faire tout cela, sinon qu’une obligation générale de transparence.
[189] La Ville a raison de plaider qu’elle n’a pas à réglementer les activités sociétales municipales en se fondant nécessairement sur des sondages.
[190] De l’avis du Tribunal, les informations recueillies par les élus municipaux (le maire Bouchard, le conseiller Marc Laurin, le plaintes reçues à travers différents événements) étaient suffisantes pour enclencher la décision politique de régir autrement la distribution des imprimés publicitaires sur le territoire de Mirabel.
[191] Postes Canada est-elle une véritable compétitrice de MTC? Le Tribunal en doute, du moins ce n’est certes pas sa vocation première.
[192] Le règlement 2326 est un règlement d’intérêt public justifié par la volonté de réduire la gestion des matières résiduelles et favoriser la propreté du territoire. Ce sont là des enjeux environnementaux prépondérants qui ne requièrent pas un grand degré d’expertise préalable avant de conclure que ce sont là des enjeux favorables au bien-être des citoyens.
[193] Le principe consacré est le suivant : « Not inviting input from affected persons before passing a By-law may militate against a finding of frankness and impartiality but is not determinative. »
(Notre emphase)
- C.A. de l’Ontario citée avec approbation par la C.A. du Québec dans l’affaire Mont-Saint-Hilaire, précitée.
[194] De l’avis du Tribunal, le fait pour la direction de Mirabel de ne pas avoir consulté MTC alors qu’elle a procédé à certaines vérifications auprès de Postes Canada n’est pas un facteur déterminant dans le processus d’adoption du règlement 2326.
[195] À propos des sommaires décisionnels 2033 et 2171, respectivement datés du 4 mars 2019 (P-19) et du 21 mai 2019 (P-20), le Tribunal constate que malgré le fait qu’en objet on puisse y lire « Élimination des Publisacs/déchets domestiques » et «Publisac» il n’en demeure pas moins que dans la réalité le règlement 2326 ne vise pas l’élimination des Publisacs. Le Tribunal en retient plutôt la « Mise en situation » :
La conseillère Guylaine Coursol se questionne sur la distribution de Publisac (sic) sur le territoire de la municipalité. En effet, plusieurs citoyens se plaignent que lesdits Publicac (sic) se retrouvent souvent sur la propriété privée ou publique et bien souvent dans un état lamentable en raison de la pluie ou de la neige. Plusieurs citoyens ne désirent pas recevoir le Publisac et malgré une « affiche » ou un « pictogramme » à cet effet, le distributeur ne respecte pas la volonté du citoyen. Finalement, cette pratique va, selon les citoyens, à l’encontre des bonnes pratiques en matière de protection de l’environnement (sac de plastique).
[196] Certains pourront y voir un manque de transparence, mais ce facteur s’estompe quand on constate que MTC n’a manifesté aucun sens de l’autocritique à propos de la gestion des matières résiduelles en ignorant complètement l’adoption du règlement litigieux.
[197] Les faits subséquents démontrent que la position de MTC était déjà bien campée : le seul résultat ou la seule issue possible était et demeure le retrait du règlement 2326.
[198] Le Tribunal est d’avis que MTC n’a pas subi de véritable préjudice, du moins n’en a démontré aucun, né et actuel en lien avec le processus d’adoption du règlement 2326.
[199] En l’espèce, l’absence de transparence de Mirabel, s’il en est une, ne s’avère ni fatale ni déterminante. L’argument à ce titre est non fondé.
B) Le règlement 2326 serait-il nul en raison de son caractère déraisonnable ?
[200] D’abord, il convient de constater que le règlement 2326 est supporté par une loi habilitante claire. La loi sur les compétences municipales[19] doit être interprétée de façon libérale qui permet de répondre aux besoins municipaux, divers et évolutifs, dans l’intérêt de la population (art. 2).
[201] Mirabel est habilitée à régir la distribution des imprimés publicitaires sur son territoire, qu’il suffise de référer aux articles 4, 6, 10 et 85 de la Loi sur les compétences municipales.[20]
[202] Dans l’exercice de son pouvoir réglementaire, Mirabel peut notamment prévoir « toutes prohibitions » (art. 6 al. 1). Ici, s’il en est une, la prohibition ne serait que partielle, ce qui est nettement autorisé par la loi.
[203] Force est de constater que Mirabel agit à l’intérieur de sa compétence lorsqu’elle adopte le règlement 2326. Impossible de conclure à un acte ultra vires ou même à une violation de la loi.
[204] Bien sûr que Mirabel a compartimenté sa réglementation en fonction de son absence de compétence envers Postes Canada, mais il serait exagéré d’y voir une injustice flagrante. MTC et Postes Canada n’ont pas la même vocation et ce n’est que de manière incidente que Postes Canada se voit investie de la capacité de distribuer des imprimés publicitaires. Mirabel ne traite pas MTC de façon discriminatoire, elle se contente de constater la limite de sa compétence et de la traduire par un régime qui est respectueux du partage des compétences. Mirabel n’était pas en mesure d’aller plus loin en ce qui a trait à Postes Canada, ce qui n’était pas le cas pour les autres distributeurs, dont MTC. Le Tribunal n’y voit aucune entrave déraisonnable.
[205] Le règlement 2326 n’a pas pour effet de déposséder MTC de sa clientèle. Il permet plutôt au citoyen d’user de son libre arbitre en décidant de recevoir ou non les imprimés publicitaires sur sa propriété privée, à sa résidence ou à sa place d’affaires.
[206] Le conseil municipal a choisi d’adopter le règlement 2326 dans l’intérêt public en fonction de nombreuses plaintes reçues en lien avec la distribution d’imprimés publicitaires sur son territoire.
[207] Le règlement 2326 ne mène pas à un résultat abusif ou oppressif. Les activités de distribution des imprimés publicitaires (dont le Publisac) peuvent poursuivre leur cours dans le respect du choix des citoyens du territoire de Mirabel.
[208] Dans l’éventualité selon laquelle les citoyens qui choisissent de recevoir les imprimés publicitaires sont dispersés sur un territoire éclectique, il en découle que la tâche des distributeurs deviendra plus complexe et ardue. Cet inconvénient ne surpasse certainement pas l’avantage pour Mirabel de pouvoir amoindrir la gestion des matières résiduelles, de réduire le gaspillage de papier, d’améliorer la propreté en évitant que les citoyens(nes) reçoivent contre leur gré d’innombrables imprimés publicitaires qui se retrouvent fréquemment jetés directement au recyclage sans séparer le plastique du papier ou éparpillés dans la nature. En ce sens le règlement 2326, correctement appliqué, devient un projet collectif axé sur l’intérêt public.
[209] Mirabel a choisi d’ajouter une dimension plus moderne en accordant à sa population l’opportunité de choisir ce qu’elle veut véritablement recevoir comme imprimés publicitaires dans un contexte de sensibilisation à la protection de l’environnement. Le gaspillage des ressources, la propreté, la modernité des moyens alternatifs de communication et de publicité sont au cœur des préoccupations collectives contemporaines et actuelles, Mirabel n’y échappe pas et MTC devait y souscrire. Le règlement 2326 s’inspire de ces facteurs, impossible de conclure que les considérations de Mirabel seraient non pertinentes, de mauvaise foi ou qu’elles résultent de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dans un but incorrect.
[210] Les informations préalables recueillies par Mirabel, notamment les nombreuses plaintes à l’effet que plusieurs citoyens dénoncent le fait que le Publisac se retrouve souvent sur la propriété privée ou publique et bien souvent dans un état lamentable en raison de la pluie ou de la neige, constituent en soi un motif valable d’intervenir (P-19). À cela s’ajoutent les plaintes à l’effet que le distributeur ne semble pas respecter en tout temps le pictogramme rouge (opt-out) et par conséquent la volonté des citoyens. Ce sont les citoyens qui à la base ont manifesté leur préoccupation en matière de protection de l’environnement. Le témoignage du conseiller Laurin, corroboré par celui du témoin Côté-Thivierge, en fait la démonstration.[21]
[211] La mission adoptée par le conseil municipal est celle de « répondre aux besoins des générations actuelles sans compromettre les besoins des générations futures » (P-19). Inutile de fouiller plus loin dans les arcanes de la politique municipale.
[212] Impossible d’être contre la vertu ou de conclure que Mirabel a décidé d’adopter le règlement 2326 pour une considération arbitraire qui relève du caprice ou de la fantaisie ou d’une ignorance volontaire.
[213] La démarche de Mirabel s’inscrit dans un processus logique, cohérent qui mène à une issue possible fort acceptable sur le plan environnemental.
[214] Déjà en 2001, madame la juge L’Heureux-Dubé s’exprimait ainsi :
Le contexte de ce pourvoi nous invite à constater que notre avenir à tous, celui de chaque collectivité canadienne, dépend d’un environnement sain. Comme l’a affirmé le juge de la Cour supérieure : « il y a vingt ans, on se préoccupait peu de l’effet des produits chimiques, tels les pesticides sur la population. Aujourd’hui, nous sommes plus sensibles au genre d’environnement dans lequel nous désirons vivre et à la qualité de vie que nous voulons procurer à nos enfants. » ( 1993, 19 M.P.L.R. (2d) 224, p. 230). Notre Cour a reconnu que « nous savons tous que, individuellement et collectivement, nous sommes responsables de la préservation de l’environnement naturel [ … ] la protection de l’environnement est [ … ] devenu une valeur fondamentale au sein de la société canadienne.» [22]
(Notre emphase)
[215] Le Tribunal est d’avis que l’interprétation qu’on doit donner au règlement 2326 s’harmonise avec les pouvoirs que Mirabel cherche à exercer dans sa localité en vue d’en améliorer l’environnement et le bien-être de sa population.[23] La distribution des imprimés publicitaires en format papier (circulaires) serait-elle devenue un moyen de communication suranné? Trop tôt pour y répondre de manière définitive!
[216] Mirabel a choisi de responsabiliser ses citoyens(nes) en leur demandant d’apposer un autocollant vert « opt-in » s’ils veulent recevoir les imprimés publicitaires autres que ceux distribués par Postes Canada. Cette responsabilisation citoyenne aura sans doute pour effet de renforcer la cohésion du lien social. Cette mesure apparaît au Tribunal raisonnable au regard des objectifs environnementaux légitimes de la ville et de l’intérêt public.
[217] Si la portée du règlement 2326 a une incidence sur MTC et Publisac, le Tribunal n’en disconvient pas, il appartiendra à ceux-ci, par une campagne de sensibilisation de convaincre ceux qui sont véritablement désireux de recevoir les imprimés publicitaires d’apposer l’autocollant vert (opt-in) à l’endroit approprié de leur propriété.
[218] En ce qui a trait aux hebdos locaux, ils auront des choix à faire pour promouvoir la distribution de leurs publications, soit en continuant d’utiliser le Publisac, ce qui pourrait être un incitatif à le recevoir, ou en le distribuant à certains points de chute ou sur support informatique (La Presse).
[219] Pour ce qui est des commerçants, rien ne les empêche de continuer à distribuer leurs imprimés publicitaires à travers le Publisac ou par la poste en respectant la réglementation municipale.
[220] Le Tribunal en conclut que l’adoption du règlement 2326 s’avère tout à fait proportionnelle aux enjeux environnementaux qui sont au cœur de la politique municipale préconisée par Mirabel et dans l’ordre du plan de gestion des matières résiduelles (PGMR) (D-6 / D-7). Le règlement litigieux s’avère rationnellement justifiable en lien avec la preuve administrée et le droit applicable.
[221] Le Tribunal se convainc aisément qu’en l’espèce le législateur a voulu déléguer aux municipalités, dont Mirabel, le pouvoir de restreindre légalement la distribution des imprimés publicitaires. Mirabel a exercé ce pouvoir de manière raisonnable et justifiable aux yeux d’une personne raisonnable moderne placée en pareilles circonstances.
[222] Devant l’exercice rationnel de la compétence municipale, la retenue judiciaire est de mise en l’instance.
C) La substance du règlement 2326 porte-t-elle atteinte de manière injustifiable à la liberté d’expression ?
[223] Pour des fins de commodité et de concision, le Tribunal traitera de la question de la liberté d’expression en référant essentiellement aux dispositions de la Charte canadienne (« la Charte ») dont la portée est similaire à celle de la Charte québécoise.[24]
[224] Le droit à la liberté d’expression s’avère un droit constitutionnel fortement protégé par la Charte. Le droit fondamental protégé (art. 2b)) englobe également le discours commercial, les activités de promotion et l’affichage.[25] En somme, la garantie protège tant l’émetteur que le destinataire.[26]
[225] Nul doute que le Publisac et son contenu font l’objet de la garantie de l’article 2b) de la Charte en ce que :
225.1 La distribution du Publisac est une activité à caractère expressif visée par la garantie.
225.2 La publicité qu’il contient permet d’éclairer les choix économiques des citoyens de Mirabel (ex : rabais, promotions, coupons, gratuités) et des consommateurs en général.
225.3 Les hebdos locaux distribués par Publisac contiennent des renseignements d’intérêt public à caractère politique, social, artistique, économique et communautaire.[27]
[226] Un mot de plus sur les hebdos locaux qui couvrent régulièrement des sujets d’intérêt public débattus en politique municipale. Le côté éditorialiste contenu dans les hebdos locaux est nécessaire à faire la juste contrepartie au caractère unilatéral du bulletin municipal (Mirabel vous informe) qui ne véhicule aucun propos critique de l’administration municipale.
[227] C’est l’évidence même que plusieurs aspects associés au mode d’expression véhiculé par le Publisac bénéficient de la protection de la garantie constitutionnelle découlant de la liberté d’expression consacrée par l’article 2b) de la Charte.
[228] Comme l’a souligné notre Cour d’appel,[28] il existe un principe fondamental selon lequel un occupant d’une maison est réputé consentir l’autorisation à tout membre du public de s’approcher de sa porte et d’y frapper dans un but licite. Le juge Dalphond ajoute même : « Dans une société libre et démocratique, il n’appartient pas au conseil municipal de jouer à Big Brother en décidant qui le citoyen peut recevoir chez lui le soir et la fin de semaine. »
[229] En l’instance, comme l’a reconnu le conseiller Marc Laurin, lors de son témoignage, le régime « opt-in » préconisé par le règlement 2326, par ses effets, crée une présomption que les citoyens qui n’apposent pas un autocollant vert (opt-in) sont présumés refuser de recevoir le Publisac.
[230] Il s’agit en définitive d’une présomption de refus à une activité expressive protégée par la Charte. La norme du « opt-in » vise conséquemment à restreindre la distribution des imprimés publicitaires et leur contenu.
[231] Il faut y voir une atteinte minimale, mais non négligeable à la liberté d’expression, puisque dans l’éventualité selon laquelle l’ensemble des citoyens de la population de Mirabel appose un autocollant vert (opt-in), MTC ne sera plus en mesure de soutenir une atteinte maximale.
[232] Le Tribunal est d’avis que la substance des dispositions contestées du règlement 2326 instaure manifestement une restriction à la liberté d’expression protégée par l’article 2b) de la Charte, dont bénéficie MTC et les annonceurs.
[233] Reste à savoir s’il s’agit d’une restriction de droit dont la justification peut se démontrer comme étant acceptable dans le cadre d’une société libre et démocratique (art. 1 de la Charte).
[234] Deux critères fondamentaux doivent être respectés pour que la restriction d’un droit garanti par la Charte soit justifiée :
234.1 L’objectif de la mesure doit être urgent et réel pour justifier l’imposition d’une restriction au droit garanti.
234.2 Le moyen par lequel l’objectif est réalisé doit être proportionné.
[235] L’analyse de la proportionnalité comporte trois éléments :
235.1 Le lien rationnel avec l’objectif.
235.2 L’atteinte minimale au droit.
235.3 La proportionnalité entre les effets de la mesure et l’objectif législatif énoncé.
[236] L’examen de la proportionnalité se veut à la fois normatif et contextuel et oblige les tribunaux à soupeser les intérêts de la société et ceux de particuliers et de groupes (arrêt Oakes, précité, page 139).
[237] La liberté d’expression n’est pas un droit absolu,[29] elle n’est pas à l’abri de toute forme d’entrave et comporte des limites intrinsèques qui tiennent en compte des enjeux plus généraux d’ordre social, économique, environnemental et politique. MTC n’est pas à l’abri de tout sacrifice ou de tout compromis dans l’exercice de son droit à la libre expression si dans la balance d’autres enjeux sociétaux l’exigent.
L’objectif législatif urgent, réel et suffisamment important
[238] D’abord, il convient de souligner que le règlement 2326 est axé sur un objet d’intérêt public, le virage environnemental, dont parle le maire Bouchard dans son interrogatoire préalable.[30].
[239] Le Tribunal est d’avis qu’il s’agit là d’une préoccupation légitime, concrète et sérieuse dans le cadre de l’évolution d’une municipalité moderne. Dans cette perspective, les pouvoirs des autorités municipales doivent être interprétés généreusement parce que leurs relations de proximité avec les citoyens qui habitent ou travaillent sur leur territoire les rendent plus sensibles aux problèmes locaux qu’ils connaissent.[31]
[240] De nos jours, les objectifs collectifs environnementaux revêtent une importance fondamentale, cela relève de la qualité de vie que nous devons aux générations futures.
[241] Dans cette optique, la gestion des matières résiduelles constitue un enjeu urgent, réel et suffisamment important pour laisser place à une solution raisonnable en autant qu’elle fasse partie des issues possibles acceptables. Ici, la solution préconisée par Mirabel (opt-in) fait partie intégrante de la marge d’appréciation qui appartient davantage à l’administration publique municipale qu’à l’appareil judiciaire.
[242] Dans l’arrêt Ville de Montréal c. Astral Média Affichage[32], la Cour d’appel du Québec a décidé que l’objectif de prévenir la « pollution visuelle » constituait un objectif urgent et réel. On peut aisément penser que le respect de l’environnement, la gestion des matières résiduelles à la source et la propreté des propriétés privées et publiques peuvent tout autant constituer un objectif urgent et réel.
[243] Tout ce que fait Mirabel par son règlement 2326, c’est d’offrir à ses citoyens d’exercer un choix de recevoir ou non les imprimés publicitaires avec l’objectif de réduire la gestion des matières résiduelles et de protéger l’environnement de son territoire.
[244] Il faut rappeler que l’analyse du caractère réel et urgent de l’objectif poursuivi s’effectue sans tenir compte de la portée de l’atteinte, du moyen retenu ou des effets de la mesure.[33]
[245] Le fait que d’autres municipalités entérinent le mode « opt-out » n’est pas pertinent.[34]
[246] Somme toute le Tribunal est d’avis que la preuve administrée (les témoignages de l’ex-maire Bouchard, du conseiller Laurin et du citoyen Côté-Thivierge) permet de conclure que l’adoption du règlement 2326 répond à une préoccupation sérieuse et concrète et qu’elle vise des objectifs collectifs d’une importance fondamentale. En ce sens, la mesure adoptée (opt-in) comporte un caractère urgent et réel qui justifie l’imposition d’une restriction à un droit garanti par la Charte (la liberté d’expression commerciale).
Le lien rationnel
[247] On peut penser qu’il existe sûrement un lien entre la mesure restrictive (opt-in) et l’objectif puisque MTC se bat bec et ongles contre l’adoption du règlement 2326 et qu’elle refuse de le respecter. La volonté de changement, surtout dans le domaine de la protection de l’environnement se heurte souvent au mur des situations acquises.
[248] Le degré de preuve requis pour établir le lien rationnel en est un de prépondérance de la preuve, dont le fardeau appartient à Mirabel.[35]
[249] La question à laquelle le Tribunal doit répondre est celle de déterminer : si la restriction comporte un lien rationnel avec l’objectif, ou autrement, si le moyen choisi pour atteindre l’objectif s’avère proportionné ?
[250] Pour prouver l’existence d’un lien rationnel, Mirabel devait établir un lien causal, fondé sur la raison ou la logique, entre la restriction à la liberté d’expression et l’avantage recherché. La Ville doit démontrer qu’il est raisonnable de supposer que la restriction peut contribuer à la réalisation de l’objectif, et non qu’elle y contribuera effectivement.[36]
[251] Bien que le règlement 2326 ait été adopté en 2019, il est difficile de mesurer adéquatement l’incidence de la mesure restrictive (opt-in) puisque MTC a littéralement refusé de respecter le règlement 2326.
[252] Cela a été dit, le mode restrictif du « opt-in » instaure une présomption à l’effet que la majorité des citoyens de Mirabel ne veulent pas recevoir les imprimés publicitaires, notamment ceux inclus dans le Publisac. Mirabel est convaincue que la portée de son règlement 2326 aura un lien causal sur la réduction à la source de sa gestion des matières résiduelles et singulièrement sur la quantité de papier à recycler. Le Tribunal est d’avis que la préoccupation environnementale de Mirabel ne relève pas d’un caprice ou d’une dérive idéologique, elle s’avère réelle et bien appuyée sur l’opinion citoyenne et l’information disponible.
[253] Le témoignage de monsieur Jérôme Duguay, directeur du service de l’environnement fut fort éloquent et convaincant. La gestion des matières résiduelles à Mirabel comprend 20% de papiers recyclables qui proviennent principalement des imprimés publicitaires. L’impact environnemental de ce constat s’avère démesuré d’après ce témoin expérimenté, fort de 20 ans d’expérience dans le domaine de la gestion des écocentres.
[254] L’objectif de réduire les matières résiduelles est le premier objectif sur la liste du plan d’orientation provincial (R.R.R.).[37]
[255] Le Tribunal est d’avis qu’il est raisonnable de supposer que la restriction (opt-in), caractérisée par la présomption qui en découle, peut contribuer effectivement à la réalisation de l’objectif visé par Mirabel.
[256] Il est logique de penser que l’effet de la méthode « opt-in » aura un impact plus que probable de diminuer la quantité de papier utilisée si seulement ceux qui le désirent vraiment reçoivent les imprimés publicitaires. Mirabel n’avait pas à administrer une preuve scientifique à cet égard.[38] Les objectifs environnementaux de Mirabel s’harmonisent favorablement avec le « principe de précaution » tel que défini par le droit international.[39] Ici, nul doute que les mesures adoptées cherchent à anticiper, prévenir et combattre les causes de la détérioration de l’environnement.
[257] Le Tribunal est d’avis que Mirabel a présenté suffisamment d’éléments de preuve à l’instruction pour conclure de façon prépondérante que le règlement 2326 sert logiquement l’objectif de réduire les matières résiduelles.[40]
[258] En l’instance, la restriction à la liberté d’expression ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour atteindre l’objectif visé puisque le Publisac continuera d’être distribué à ceux qui désirent véritablement le recevoir.
[259] Force est de constater qu’il existe bel et bien un lien rationnel entre la mesure adoptée et l’objectif recherché.
Le critère de l’atteinte minimale
[260] La norme de contrôle de la constitutionnalité à ce titre ne doit pas être rigoureuse au point de faire obstacle à l’application de solutions responsables, créatives et novatrices à des problèmes complexes. Une certaine déférence s’impose.[41]
[261] La question consiste à déterminer si la restriction porte le moins possible atteinte au droit à la liberté d’expression.
[262] Le problème auquel s’attaque Mirabel est un problème social complexe. Il peut exister plusieurs façons d’aborder un problème, sans que l’on sache avec certitude laquelle sera la plus efficace. L’exigence d’une atteinte minimale sera respectée si le législateur, en l’occurrence le conseil municipal, a choisi l’une des diverses solutions raisonnables en lien avec les informations disponibles.
[263] Le Tribunal saisi d’un pourvoi en contrôle judiciaire doit éviter le piège de la réévaluation de l’opportunité politique et du rôle législatif en cherchant à favoriser une solution qui lui apparaîtrait plus adéquate. Lors de l’analyse de la validité constitutionnelle d'une disposition réglementaire au regard des Chartes, le juge se penche sur la question de sa légalité, non sur celle de son opportunité.
[264] En l’instance, force est de constater que les dispositions réglementaires litigieuses (opt-in) ne créent pas une interdiction totale de distribuer des imprimés publicitaires. La restriction n’a pas pour effet de supprimer le discours commercial dont jouit MTC à travers la distribution du Publisac.
[265] Si d’aventure MTC, par l’effet d’une campagne de sensibilisation, réussit à convaincre la majorité de la population de recevoir le Publisac, elle ne subira aucun préjudice. En ce sens, l’atteinte serait neutre.
[266] Pour l’heure, étant donné que MTC refuse de respecter le règlement 2326, impossible de mesurer le préjudice économique qui découle de la restriction. L’atteinte s’avère actuellement non seulement minimale, mais difficile à mesurer.
[267] Il faut garder à l’esprit que la mesure restrictive « opt-in » ne s’attaque pas au contenu du Publisac mais plutôt à sa distribution désordonnée aux yeux des élus municipaux. On peut y voir une entrave à la liberté d’expression, mais certes pas une menace ou une suppression du discours commercial. Ici, le degré de gravité du préjudice économique s’avère faible, hypothétique ou du moins non prouvé.
[268] Bref, avant toute chose, en l’instance, la retenue judiciaire s’impose en présence d’une atteinte minimale au droit à la liberté d’expression, laquelle ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour atteindre l’objectif environnemental envisagé par Mirabel.
[269] En ce qui a trait aux annonceurs commerciaux, les bénéficiaires de première ligne de la liberté d’expression commerciale, ils ne sont pas privés de moyens pour rejoindre leur clientèle cible. Ils pourront continuer à le faire par le Publisac ou autrement par l’internet, les réseaux sociaux, la poste ou en remettant les imprimés publicitaires aux clients à la porte de leurs commerces.[42] Il demeure possible que la restriction réglementaire (2326) puisse avoir un effet concret sur la diffusion de leur discours commercial, mais il s’agit là d’un sacrifice raisonnable qu’on exige d’eux. Dans la foulée de cette logique, l’atteinte minimale à leur liberté d’expression doit être acceptée par les commerçants annonceurs au nom des intérêts environnementaux collectifs de premier plan des citoyens de Mirabel. C’est un juste et raisonnable compromis à faire. Rares sont les facettes de la vie commerciale qui échappent à la réglementation.
[270] Somme toute, la preuve administrée en l’instance permet de conclure que l’atteinte à la liberté d’expression commerciale s’avère minimale.
[271] Encore une fois, la retenue judiciaire s’impose en présence d’une atteinte minimale au droit à la liberté d’expression, laquelle ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour atteindre les objectifs environnementaux visés par Mirabel.
La proportionnalité entre les effets et l’objectif législatif
[272] L’exercice consiste à examiner les effets de la mesure restrictive afin de déterminer si l’atteinte au droit à la liberté d’expression peut se justifier dans une société libre et démocratique.[43]
[273] Les dispositions réglementaires attaquées doivent être proportionnelles à l’objectif poursuivi, en ce sens qu’elles doivent favoriser la réalisation de cet objectif, éviter toute atteinte excessive au droit à la liberté d’expression et produire des avantages qui l’emportent sur les effets négatifs de l’atteinte au droit protégé.[44]
[274] Concrètement, Mirabel devait démontrer que les effets du régime « opt-in » en lien avec les objectifs visés l’emportent sur les effets attentatoires à la liberté d’expression.
[275] Il s’agit d’un exercice de pondération en fonction de :
275.1 la nature du droit ou la liberté faisant l’objet d’une atteinte
275.2 l’ampleur de l’atteinte et du degré d’incompatibilité des mesures restrictives avec les principes inhérents à une société libre et démocratique.[45]
[276] MTC plaide que l’effet du règlement 2326 est hautement attentatoire puisqu’il mènera vers la cessation de ses activités commerciales dans Mirabel et la perte de sa clientèle à la faveur de Postes Canada. Ce postulat est purement hypothétique et conjectural. La preuve administrée ne permet pas de tirer cette inférence et encore moins une conclusion en ce sens.
[277] La Cour suprême reconnaît la valeur de la liberté d’expression commerciale. Or, elle reconnaît également que le fait que l’expression relève entièrement du domaine commercial est un élément à considérer lors de l’analyse sur la justification.[46]
[278] La preuve soumise par MTC porte essentiellement sur les conséquences économiques et administratives de la portée du règlement 2326.[47] Une partie importante du contexte sous-jacent à la présente affaire réside dans le fait que l’expression visée relève entièrement du domaine commercial.
[279] Aux dires de la Cour suprême : « … la protection accordée au discours commercial est limitée, tant du point de vue du contenu que celui du redressement. »[48]
[280] Sans diminuer l’importance de l’expression commerciale, cet aspect doit être mis dans la balance lorsqu’il s’agit de pondérer un règlement d’intérêt public ou collectif en application du critère de proportionnalité.
[281] Le fait que les imprimés publicitaires, notamment ceux contenus dans le Publisac, ne sont pas interdits sur le territoire de Mirabel constitue un facteur capital dans l’évaluation du critère de proportionnalité.
[282] Les distributeurs d’imprimés publicitaires, dont Publisac, conservent l’opportunité de rejoindre leur clientèle cible, soit ceux qui veulent véritablement recevoir les imprimés publicitaires réglementés.
[283] Le sacrifice économique exigé de Publisac et des annonceurs commerciaux sera largement compensé par les avantages qui découleront de la réduction des matières résiduelles, du transport de celles-ci, des émanations des véhicules les transportant, de la manutention, du tri et de la disposition des matières recyclables.[49]
[284] Mirabel ne s’en sortira que plus propre en tout respect du libre choix des citoyens.
[285] La protection de l’environnement est devenue une valeur fondamentale au sein de la société canadienne qui se veut libre et démocratique. L’examen de la proportionnalité exige une analyse à la fois normative et contextuelle, ce qui oblige les tribunaux à soupeser les intérêts de la société et ceux des particuliers et de groupes.[50]
[286] En l’espèce, les effets bénéfiques du règlement 2326 surpassent largement les effets préjudiciables encore inconnus qui pourraient découler de l’atteinte minimale à la liberté d’expression commerciale de MTC. Le critère de la proportionnalité est respecté. Ici, les intérêts particuliers de MTC doivent céder le pas aux intérêts collectifs des citoyens(nes) de Mirabel.
[287] De tout cela, le Tribunal conclut que la substance du règlement 2326 ne porte pas atteinte de manière injustifiable à la liberté d’expression de MTC.
D) MTC peut-elle revendiquer des droits acquis à distribuer les Publisacs selon la méthode « opt-out » ?
[288] MTC ne bénéficie d’aucun droit acquis en lien avec la distribution du Publisac selon un mode « opt-out » qui n’est pas en soi un usage au sens de la réglementation de zonage à Mirabel.
[289] De la même manière, il n’y a pas de droits acquis en matière de protection de l’environnement.
[290] Il est su que, dans l’exercice de son pouvoir de réglementation, une municipalité peut établir des normes qui dans les faits constituent une forme de prohibition partielle.[51]
[291] Ici, la prohibition, s’il en est une, n’est que partielle puisque le règlement 2326 n’empêche pas MTC de continuer son activité commerciale de distribution du Publisac pourvu qu’elle respecte le choix des citoyens.
[292] L’absence de droits acquis s’infère du caractère public du règlement adopté.[52] Une disposition légale spécifique restreignant les droits acquis n’était pas nécessaire.
[293] De tout cela, il faut conclure que MTC n’est pas en droit de revendiquer des droits acquis à la poursuite des activités de distribution du Publisac sur le territoire de Mirabel suivant un modèle « opt-out ».
Commentaires
[294] Le Tribunal tient à souligner le haut degré de qualité des arguments plaidés de part et d’autre et la préparation minutieuse des argumentaires. Le comportement des avocats à l’instruction, malgré l’adversité, fut irréprochable. Un beau procès.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
[295] REJETTE la demande introductive d’instance modifiée du 4 décembre 2019 de la demanderesse Médias Transcontinental S.E.N.C.;
[296] REJETTE la demande de pourvoi en contrôle judiciaire;
[297] DÉCLARE valide et opposable à la demanderesse, le règlement 2326 adopté par la ville de Mirabel le 12 août 2019;
[298] DÉCLARE que Médias Transcontinental S.E.N.C. ne bénéficie d’aucun droit acquis à distribuer le Publisac selon la méthode « opt out »;
[299] AVEC LES FRAIS de justice à la faveur de la Ville de Mirabel.
| ||
| ||
|
JEAN-YVES LALONDE, J.C.S. | |
| ||
Me Marc-André Nadon | ||
Me Mathieu Quenneville | ||
Prévost Fortin D’Aoust Avocats de la demanderesse | ||
| ||
Me Carl-Éric Therrien | ||
Therrien, Lavoie, avocats Me Karine Lalonger | ||
Contentieux de Ville de Mirabel Avocats de la défenderesse | ||
| ||
Dates d’audience: | 31 janvier, 1, 2, 3 février 2022 | |
ANNEXE A
Loi sur les compétences municipales, L.R.Q. C-47.1
4. En outre des compétences qui lui sont conférées par d’autres lois, toute municipalité locale a compétence dans les domaines suivants :
1° la culture, les loisirs, les activités communautaires et les parcs ;
2° le développement économique local, dans la mesure prévue au chapitre III ;
3° la production d’énergie et les systèmes communautaires de télécommunication ;
4° l’environnement ;
5° la salubrité ;
6° les nuisances ;
7° la sécurité ;
8° le transport.
Elle peut adopter toute mesure non réglementaire dans les domaines prévus au premier alinéa ainsi qu’en matière de services de garde à l’enfance. Néanmoins, une municipalité locale ne peut déléguer un pouvoir dans ces domaines que dans la mesure prévue par la loi.
6. Dans l’exercice d’un pouvoir réglementaire prévu par la présente loi, toute municipalité locale peut notamment prévoir:
1° toute prohibition;
2° les cas où un permis est requis et en limiter le nombre, en prescrire le coût, les conditions et les modalités de délivrance ainsi que les règles relatives à sa suspension ou à sa révocation;
3° l’application d’une ou de plusieurs dispositions du règlement à une partie ou à l’ensemble de son territoire;
4° des catégories et des règles spécifiques pour chacune;
5° l’obligation de fournir une sûreté pour assurer la remise des lieux en état lorsqu’une personne exerce une activité ou effectue des travaux sur le domaine public;
6° des règles qui font référence à des normes édictées par un tiers ou approuvées par lui. Ces règles peuvent prévoir que des modifications apportées à ces normes en font partie comme si elles avaient été adoptées par la municipalité locale. De telles modifications entrent en vigueur à la date fixée par la municipalité aux termes d’une résolution dont l’adoption fait l’objet d’un avis public conformément à la loi qui la régit.
Par ailleurs, lorsqu’une municipalité locale requiert, en vertu du paragraphe 2° du premier alinéa, un permis d’un commerçant itinérant, ce permis ne peut être délivré qu’à
une personne qui démontre qu’elle a préalablement obtenu un permis conformément à la Loi sur la protection du consommateur (chapitre P-40.1).
…/2
10. Toute municipalité locale peut, par règlement, régir:
1° l’utilisation des services offerts dans les équipements prévus au premier alinéa de l’article 9;
2° les activités économiques;
3° l’exposition, le port ou la distribution d’imprimés ou d’autres objets sur une voie publique ou sur un immeuble privé.
10.(3) l’exposition, le port ou la distribution d’imprimés ou d’autres objets sur une voie publique ou sur un immeuble privé.
85. En outre des pouvoirs réglementaires prévus à la présente loi, toute municipalité locale peut adopter tout règlement pour assurer la paix, l’ordre, le bon gouvernement et le bien-être général de sa population.
ANNEXE B
Loi sur les cités et villes, L.R.Q. C-19
356. L’adoption de tout règlement doit être précédée d’un avis de motion donné en séance par un membre du conseil.
Sous réserve de toute disposition d’une loi particulière régissant le dépôt, l’adoption ou la présentation d’un projet de règlement, l’adoption d’un règlement doit également être précédée du dépôt, par un membre du conseil, d’un projet du règlement lors de la même séance que celle au cours de laquelle l’avis de motion a été donné ou lors d’une séance distincte.
Le plus tôt possible après ce dépôt, des copies du projet de règlement doivent être mises à la disposition du public.
Le conseil adopte, avec ou sans changement, le règlement lors d’une séance distincte de celle au cours de laquelle l’avis de motion a été donné et de celle au cours de laquelle le projet de règlement a été déposé et tenue au plus tôt le deuxième jour suivant celui de la dernière de ces séances.
Dès le début de la séance au cours de laquelle l’adoption du règlement sera prise en considération, des copies du projet sont mises à la disposition du public.
Avant l’adoption du règlement, le greffier ou un membre du conseil mentionne l’objet de celui-ci et, s’il y a lieu, les changements entre le projet déposé et le règlement soumis pour adoption.
En outre, si le règlement entraîne une dépense, le greffier ou un membre du conseil le mentionne également de même que tout mode de financement, de paiement ou de remboursement de celle-ci.
Les changements apportés au règlement soumis pour adoption ne doivent pas être de nature à changer l’objet de celui-ci, tel que prévu dans le projet déposé.
Toute contravention à l’un ou l’autre des premier, deuxième, quatrième ou huitième alinéas entraîne la nullité du règlement.
ANNEXE C
Garantie des droits et libertés
1 La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.
Libertés fondamentales
2 Chacun a les libertés fondamentales suivantes :
[1] L.R.Q., chap. C-19.
[2] L.R.Q. c. C-47.1 / art. 4, 10(3) et 85, voir Annexe A.
[3] L.R.Q. c. C-19 / pour alléger le texte l’article 356 L.C.V. sera repris in extenso en annexe B.
[4] 2021 QCCA 1865 par. 96.
[5] Ville de Mont-Saint-Hilaire c. 9193-4463 Québec inc., 2021 QCCA 1685 par. 74. Voir aussi Ville de Québec c. Galy 2020 QCCA 1130 par. 45. Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District) [2012] 1 R.C.S. 5.
[6] Ville de Montréal c. Astral Media Affichage, 2019 QCCA 1609 par. 81.
[7] Restaurants Canada c. Ville de Montréal, 2021 QCCA 1639 par. 24 et 28.
[8] Produits Shell Canada Ltée c. Vancouver (Ville) [1994] 1 R.C.S. 231, Madame la juge McLachlin p. 244.
[9] Catalyst Paper précité note 5, par. 24.
[10] Les dispositions 2 b et 1 de la Charte canadienne des droits e libertés sont reproduite en annexe «C».
[11] R..c. Guignard [2002] 1 R.C.S. 472 par. 23 et 25, voir aussi Montréal (Ville) c. 2952-1366 Québec inc. [2005] 3 R.C.S. 141 par.74.
[12] Gilles E. Néron, Communication Marketing inc. c. Chambre des notaires.
[13] Rocket c. Collège royal des chirurgiens-dentistes de l’Ontario [1990] 2 R.C.S. 232 p. 241 à
[14] Irwin Roy Ltd c. Quebec (P.G.) [1989] 1 R.X.S. 927 p. 967 à 971.
[15] Blainville (Ville) c. Beauchemin, 2003 CanLII 12922 (QCCA), par. 5.
[16] R. c. Oakes [1986] 1 R.C.S. 103.
[17] Frank c. Canada (P.G.) [2019] 1 R.C.S. 3.
[18] Nore-Dame du Laus (Municipalité) c. Feuerbach, J.E. 2004 – 763 (C.S.).
[19] L.R.Q., C-47.1.
[20] Voir annexe « A ».
[21] Voir aussi l’interrogatoire hors cour de l’ex-maire Bouchard aux pages 18, 19, 31, 34, 35, 36, 46, 67 et 68, 70, 76 et 83.
[22] 114957 Canada inc. c. Hudson [2002] 2 R.C.S. 248.
[23] Produits Shell Canada Ltée c. Vancouver (Ville de) [1994] 1 R.C.S. 231 p. 376 et 377.
[24] Les articles 2b) et 1 de la Charte canadienne des droits et liberté sont reproduits en Annexe C.
[25] R. c. Guignard [2002] 1 R.C.S. 472 par. 23 à 25.
[26] Irwin Toy Ltd c. Quebec (P.G.) [1989] 1 R.S.C. 927 p. 967 à 971.
[27] Pièce P-9.
[28] Blainville (ville) c. Beauchemin 2003 CanLII 12922 QCCA par. 52.
[29] Gilles E. Néron Communication Marketing inc. c. Chambre des notaires du Québec [2004] 3 R.C.S. 95 par. 52.
[30] Voir l’interrogatoire hors cour de l’ex-maire Bouchard aux pages 18, 19, 31, 34, 35, 36, 46, 67 et 68, 79, 76 et 83.
[31] Restaurants Canada c. Ville de Montréal 2021 QCCA 1639 par. 24.
[32] 2019 QCCA 1609 par. 108.
[33] Frank c. Canada (P.G.) précité.
[34] Alberta c. Hutterian Brethren of Colony of Wilson [2009] 2 R.C.S. 567.
[35] R. c. Oakes, précité.
[36] Alberta c. Hutterian Brethren Colony of Wilson, précité par. 48.
[37] Réduire les matières résiduelles. Rentabiliser certaines matières. Recycler les matières recyclables.
[38] Ville de Montréal c. Astral Media Affichage 2019 QCCA 1609 par. 127.
[39] 114957 Canada Ltée c. Hudson [2001] 2 R.C.S. 241 par. 66.
[40] RJR-MacDonald c. Canada (P.G.) [1995] 3 R.C.S. 199 par. 83.
[41] Alberta c. Hutterian Brethren Colony of Wilson, précité par. 37.
[42] Ville de Montréal c. Astral Médias Affichage, précité, par. 156.
[43] Frank c. Canada (P.G.) précité par. 76.
[44] R. c. Guignard, précité par. 28.
[45] Alberta c. Hutterian Brethren Colony of Wilson, précité par. 72 et ss.
[46] Rocket c. Collège royal des chirurgiens-dentistes d’Ontario, précité p. 241.
[47] Les témoignages de Sylvain Perreault et Patrick Braydey.
[48] Voir arrêt Rocket précité page 242 in fine.
[49] Voir le témoignage de Jérôme Duguay, directeur du service de l’environnement.
[50] Frank c. Canada (P.G.), précité par. 38.
[51] Grubb c. Municipalité du Canton de Shefford 2019 QCCS 1637 par. 59.
[52] Eric Martel, Droits acquis en matière de réglementation municipale en environnement. Développements récents en droit municipal 2015, p. 9 et ss.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.