Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Laurentides

SAINT-JÉRÔME

 

Le

5 septembre 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS :

122530-64-9908-2

122533-64-9908-2

124741-64-9910-2

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Martine Montplaisir

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Jean E. Boulais

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Claudette Lacelle

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR :

Bernard Gascon, médecin

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

114183247

AUDIENCES TENUES LES :

30 avril 2002

21 octobre 2002

11 février 2003

11 mars 2003

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

11 mars 2003

 

 

 

 

 

 

À :

Saint-Jérôme

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

UNIMIN CANADA LTÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

GEORGES LABELLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

122530-64-9908

[1]               Le 31 août 1999, Unimin Canada Ltée (l'employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative, le 28 juillet 1999.

[2]               Par cette décision, la CSST confirme les décisions rendues les 6 et 11 août 1998 et se déclare liée par l'avis du Comité Spécial des présidents selon lequel monsieur Georges Labelle conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique de 5,75 % à la suite de la silicose simple dont il est atteint depuis le 17 février 1998.  La CSST déclare que ce pourcentage donne droit à monsieur Labelle à une indemnité pour préjudice corporel de 2 524,65 $, montant auquel s'ajoutent les intérêts à compter de la date de la réclamation pour la lésion professionnelle.  La CSST déclare également que monsieur Labelle ne peut être en contact avec la poussière de silice, qu'il ne peut exercer son emploi et qu'il a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1](la loi) à compter du 11 août 1998.

122533-64-9908

[3]               Le 31 août 1999, l'employeur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la CSST à la suite d'une révision administrative, le 28 juillet 1999.

[4]               Par cette décision, la CSST confirme la décision du 7 août 1998 et impute à l'employeur la totalité du coût des prestations dues en raison de la lésion professionnelle subie par monsieur Labelle le 17 février 1998.

124741-64-9910

[5]               Le 6 octobre 1999, l'employeur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la CSST à la suite d'une révision administrative, le 16 septembre 1999.

[6]               Par cette décision, la CSST confirme la décision du 5 août 1998 par laquelle elle se déclare liée par l'avis du Comité Spécial des présidents selon lequel le diagnostic de la maladie de monsieur Labelle est celui de silicose simple, que cette maladie n'entraîne aucune limitation fonctionnelle, mais que monsieur Labelle demeure avec une atteinte permanente à l’intégrité physique.  De plus, la CSST déclare que la réclamation de monsieur Labelle est acceptée à titre de maladie pulmonaire professionnelle et qu'il a droit aux prestations prévues par la loi.  Par cette décision, la CSST se prononce également quant à l'imputation des coûts et à la capacité de travail dans les termes suivants :

« […]

La Révision administrative amende partiellement sa décision du 28 juillet 1998 portant le numéro (R-114183247-00002) en ajoutant cette mention :

- « Qu'elle prend acte de la décision de la CSST du 11 août 1998 relative à un partage d'imputation de 21 % du coût des prestations à l'employeur et du reste aux autres employeurs en cause. »

Maintient, parce que conforme à la loi et à l'ensemble des dossiers du travailleur en relation avec sa maladie professionnelle actuelle, la décision de la CSST du 11 août 1998 et réitère sa conclusion à l'effet que le travailleur n'est plus apte à occuper son travail de mouleur et de travailler pour son employeur […]. » [sic]

 

 

 

[7]               Les 30 avril 2002, 21 octobre 2002, 11 février 2003 et 11 mars 2003, la Commission des lésions professionnelles tient des audiences à Saint - Jérôme auxquelles l'employeur est représenté par Me Carl Lessard.  Monsieur Labelle est présent aux audiences et est représenté par Me Pierre Lalonde.

L'OBJET DES CONTESTATIONS

[8]               L'employeur demande d'établir que monsieur Labelle n'est pas atteint d'une silicose simple et, par conséquent, qu'il n'a pas subi de maladie pulmonaire professionnelle et n'a pas droit aux prestations prévues par la loi.

[9]               L'employeur demande de déclarer sans effet les décisions portant sur les autres objets en litige.

L'AVIS DES MEMBRES (122530-64-9908 et 124741-64-9910)

[10]           Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis que la prépondérance de preuve médicale ne permet pas de retenir le diagnostic de silicose simple, que monsieur Labelle n'a pas subi de maladie pulmonaire professionnelle et qu'il n'a ainsi pas droit aux prestations prévues par la loi.

[11]           Le membre issu des associations syndicales est d'avis que monsieur Labelle est atteint d'une silicose simple et qu'il s'agit d'une maladie professionnelle en application de la présomption de l'article 29 de la loi.

[12]           Le membre issu des associations syndicales estime qu'il y a lieu de maintenir l'avis du Comité des maladies pulmonaires professionnelles et du Comité Spécial des présidents et de poser le diagnostic de silicose simple en raison d'un P.P.D. négatif et des lésions pulmonaires biapicales sans histoire de syndrome infectieux pulmonaire antérieur.  Selon les experts, il y a des nodules et pas seulement des opacités linéaires.  Le docteur Gauthier explique que le cas de monsieur Labelle n'est pas classique.  Le docteur Gauthier fait référence à la littérature médicale[2].  

[13]           Il ne s'agit pas d'un cas d'histoplasmose puisque cette maladie produit des nodules denses, blancs et calcifiés, ce qui n'est pas le cas de monsieur Labelle.  De plus, selon la littérature, l'histoplasmose laisse des séquelles radiologiques dans les lobes inférieurs des poumons alors que dans le cas de monsieur Labelle, il s'agit des lobes supérieurs.  En outre, le docteur Gauthier explique que la calcification n'est pas en forme de mûre, comme le soutient le docteur Péloquin.

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Remarques préliminaires

[14]           À l'audience, le procureur de l'employeur soulève une objection relativement au fait que monsieur Labelle veut faire entendre le pneumologue J.-J. Gauthier à titre de témoin expert.

[15]           Le procureur de l'employeur ne remet pas en question la qualité d'expert du docteur Gauthier relativement à ses compétences professionnelles.  Il soulève plutôt un questionnement quant à l'indépendance et à l'autonomie professionnelle du docteur Gauthier par rapport à monsieur Labelle.

[16]           Ce médecin fait partie du comité auquel monsieur Labelle a été référé par la CSST en vertu de l'article 226 de la loi.

[17]           Cet article prévoit que la CSST réfère les travailleurs qui produisent une réclamation alléguant qu'ils sont atteints d'une maladie pulmonaire professionnelle à un Comité des maladies pulmonaires professionnelles. 

[18]           L'article 227 de la loi prévoit que ce comité est composé de trois pneumologues, dont un président qui est professeur agrégé ou titulaire dans une université québécoise.

[19]           L'article 228 précise que ces pneumologues sont nommés pour quatre ans par le ministre, à partir d'une liste fournie par l’Ordre des médecins du Québec et après consultation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'œuvre.

[20]           L'article 230 stipule que ce comité fait un rapport écrit à la CSST en ce qui a trait au diagnostic et, le cas échéant, aux limitations fonctionnelles, au pourcentage d'atteinte à l'intégrité physique et à la tolérance au contaminant qui a provoqué la maladie ou qui risque d'exposer le travailleur à une récidive, une rechute ou une aggravation.

[21]           En vertu de l'article 231, la CSST soumet le rapport du premier comité à un comité spécial composé de trois présidents.  Ce comité spécial confirme ou infirme le diagnostic et les autres conclusions du Comité des maladies pulmonaires professionnelles et y substitue les siens s'il y a lieu.

[22]           Le docteur Gauthier a donc siégé au Comité des maladies pulmonaires professionnelles qui a émis un rapport relativement au diagnostic, aux limitations fonctionnelles et au pourcentage d'atteinte permanente à l’intégrité physique de monsieur Labelle.  L'avis de ce comité a été entériné par le Comité Spécial des présidents et la CSST a rendu sa décision conformément à cet avis par lequel elle était liée.

[23]           La jurisprudence sur la notion de témoin expert établit quatre critères pour la reconnaissance de la qualité d'expert à savoir ses qualifications, ses compétences, son expérience et le fait que la question sur laquelle il est appelé à témoigner se prête à une expertise.  Le statut d'expert d'un témoin lui permettra d'émettre son opinion de même que des hypothèses, ce qu'un témoin ordinaire n'est pas habilité à faire.

[24]           Le fait que le docteur Gauthier réponde à ces critères n'est pas remis en question par l'employeur.  La question soulevée concerne plutôt son indépendance et son autonomie professionnelle.

[25]           Cette question ne constitue pas un facteur pertinent à la détermination de sa qualité de témoin expert, mais relève plutôt de la question de la crédibilité et de la valeur probante à accorder à l'opinion donnée.

[26]           Le docteur Gauthier s'est formé une opinion après étude approfondie du cas de monsieur Labelle au même titre que les médecins experts de l'employeur l'ont fait, nommément le pneumologue A. Péloquin, également appelé à témoigner à titre d'expert à l'audience.

[27]           Le docteur Gauthier n'a pas rendu de décision dans le dossier de monsieur Labelle.  Les décisions ont été rendues par la CSST.  Le rôle du docteur Gauthier auprès de la CSST s'est limité à un niveau consultatif.

[28]           Le témoignage du docteur Gauthier est donc admissible à titre d'expert.

L'objet des litiges

[29]           La Commission des lésions professionnelles doit se prononcer relativement au diagnostic de la maladie dont est atteint monsieur Labelle depuis le 17 février 1998.

[30]           La Commission des lésions professionnelles doit établir s'il s'agit d'une maladie pulmonaire professionnelle et si monsieur Labelle a droit aux prestations prévues par la loi en relation avec cette maladie.

[31]           La Commission des lésions professionnelles doit, le cas échéant, se prononcer sur les autres conclusions médicales, soit l'existence de limitations fonctionnelles et d'une atteinte permanente à l'intégrité physique, ainsi que sur la capacité de travail de monsieur Labelle, sur son droit à l'indemnité de remplacement du revenu et sur l'imputation des coûts au dossier de l'employeur.

[32]           La maladie professionnelle est définie comme suit à l'article 2 de la loi :

« maladie professionnelle » :une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

 

 

 

[33]           L’article 29 de la loi prévoit une présomption de maladie professionnelle lorsque la maladie d’un travailleur est énumérée à l’annexe I et que le travailleur a exercé le travail correspondant à cette maladie d’après l’annexe. 

[34]           La silicose est une maladie énumérée dans l'annexe I et est considérée caractéristique d'un travail impliquant une exposition à la poussière de silice.

[35]           Lorsque la présomption de l’article 29 ne trouve pas application, le travailleur qui contracte une maladie par le fait ou à l’occasion du travail sera considéré atteint d’une maladie professionnelle s’il démontre que sa maladie est caractéristique ou reliée directement aux risques
particuliers d’un travail qu’il a exercé, conformément à l’article 30 de la loi.  Cet article est libellé comme suit :

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

 

Le diagnostic

[36]           En l'instance, l'employeur est en désaccord avec les conclusions du Comité des maladies pulmonaires professionnelles et celles du Comité Spécial des présidents en ce qui a trait au diagnostic de silicose simple posé en relation avec la maladie de monsieur Labelle.  Selon les médecins experts de l'employeur qui ont étudié le dossier médical de monsieur Labelle, il n'y a pas lieu de retenir ce diagnostic.  L'employeur soumet que le diagnostic d'histoplasmose est plus approprié au cas de monsieur Labelle.

[37]           La Commission des lésions professionnelles est d'avis, à l'instar des experts de l'employeur, qu'il n'y a pas lieu de poser le diagnostic de silicose simple en l'instance.  La soussignée ne retient pas pour autant le diagnostic d'histoplasmose suggéré par l'employeur.  La Commission des lésions professionnelles estime que le diagnostic approprié est celui de discrètes séquelles fibrotiques au niveau des sommets des deux poumons.

[38]           Les faits qui amènent la soussignée à conclure ainsi se résument comme suit et tiennent compte des pièces au dossier, des témoignages entendus et des documents déposés.

Le diagnostic de silicose

[39]           Monsieur Labelle est employé depuis 1971 à titre de mécanicien d'entretien de machinerie fixe à l'intérieur de l'usine d'une carrière de silice dont l'employeur Unimin Canada Ltée fait l'acquisition en 1992. 

[40]           Les parties admettent que monsieur Labelle exerce un travail impliquant une exposition à la poussière de silice. 

[41]           Monsieur Labelle a toujours porté un masque dans le cadre de l'exécution de son travail de mécanicien.

[42]           Le 17 février 1998, il produit une réclamation à la CSST alléguant être atteint d'une maladie pulmonaire professionnelle à la suite de l'émission, par le radiologiste Jean‑Louis Boucher, d'un rapport de réserve de l'interprétation d'un examen radiologique effectué le 3 novembre 1997. 

[43]           Dans ce rapport, le docteur Boucher émet le commentaire suivant :

« Infiltration réticulo-nodulaire des lobes supérieurs.  Aspect compatible avec silicose s'il y a histoire occupationnelle ; d’anciennes lésions de TB ou d'histoplasmose pourraient aussi donner cet aspect.  Comparer avec films antérieurs et investiguer au besoin ». [sic]

 

 

 

[44]           Le 17 février 1998, le docteur Jacques Gagné remplit une Attestation médicale sur laquelle il pose le diagnostic de « possibilité de silicose ».  Il demande que monsieur Labelle soit dirigé au Comité des maladies pulmonaires professionnelles.

[45]           Le 12 mai 1998, le Comité des maladies pulmonaires professionnelles émet son rapport.  Le comité est composé des pneumologues Gauthier, R. Amyot et J.-L. Malo.  Le comité fait notamment état que les tests de fonction respiratoire sont dans les limites de la normale et ne mettent pas en évidence d'anomalie significative à l'effort.  Le comité conclut que monsieur Labelle est atteint d'une silicose simple entraînant un déficit anatomo‑physiologique de 5 %. 

[46]           Le 4 juin 1998, le dossier de monsieur Labelle est examiné par le Comité Spécial des présidents, lequel est composé des pneumologues R. Bégin, M. Desmeules et G. Ostiguy.  Le comité spécial entérine les conclusions du Comité des maladies pulmonaires professionnelles selon lesquelles monsieur Labelle est atteint d'une silicose simple entraînant un déficit anatomo‑physiologique de 5 %.  Le comité spécial conclut que monsieur Labelle ne doit plus être exposé à la poussière de silice.

[47]           La Commission des lésions professionnelles ne retient pas l'opinion du Comité des maladies pulmonaires professionnelles et du Comité Spécial des présidents puisque la prépondérance de preuve médicale ne milite pas en faveur du diagnostic de silicose simple chez monsieur Labelle.

[48]           Les experts qui ont témoigné devant la Commission des lésions professionnelles, le pneumologue Péloquin pour l'employeur et le pneumologue Gauthier pour monsieur Labelle, s'entendent sur le fait que les tests de fonction respiratoire de monsieur Labelle sont normaux et que dans son cas, en l'absence d'une biopsie pulmonaire qui permettrait d'établir le diagnostic de façon précise et définitive, deux critères doivent être rencontrés pour conclure qu'il est atteint d'une silicose simple : une exposition significative à la poussière de silice et une imagerie compatible avec la silicose. 

[49]           La question de l'exposition à la poussière de silice ne porte pas à controverse.  Le sujet qui fait l'objet de divergences concerne plutôt l'interprétation des images radiologiques ; le docteur Péloquin considère que l'imagerie n'est pas révélatrice d'une silicose simple alors que le docteur Gauthier en arrive à une conclusion contraire, bien qu'il reconnaisse qu'il ne s'agit pas d'un cas classique, mais d'une imagerie suspecte.

[50]           L'ensemble des experts qui se prononcent au dossier s'entend sur le fait que l'imagerie classique d'une silicose simple est telle une tempête de neige.  Le docteur Gauthier fait notamment référence à un extrait de littérature médicale[3] qui décrit ainsi ce type d'imagerie :

« […]

The classic radiographic appearance of silicosis is of multiple nodular shadows varying from 1 to 10 millimetres in diameter.  These tend to be well circumscribed and are generally of a uniform density.  Since this appearance may be accompanied by or even preceded by a reticular pattern, there is often difficulty in establishing the diagnosis at its earliest stage, and such radiographs are often classified as « suspect » rather than either normal or clearly indicative of silicosis.  Hilar lympnode enlargement may be present, but the pleura is usually normal.

[…] »

 

 

 

[51]           Ce type d'imagerie ne correspond pas au cas de monsieur Labelle, tel que le reconnaît le docteur Gauthier à l'audience.  D'ailleurs, tous les intervenants médicaux au dossier s'entendent sur ce fait.  Le docteur Gauthier soumet, cependant, que la moitié des cas de silicose qu'il a vus en carrière ne présentent pas une imagerie classique, telle que celle à laquelle fait référence la littérature médicale.  À son avis, monsieur Labelle fait partie de cette dernière catégorie.

[52]           La Commission des lésions professionnelles ne retient pas cette approche.  La soussignée considère que l'opinion du docteur Péloquin prévaut puisque la grande majorité des radiologistes qui se prononcent au dossier considèrent que l'imagerie n'est pas caractéristique d'une silicose de même que quatre pneumologues, dont deux qui ne sont pas désignés par l'employeur.

L'opinion des radiologistes

[53]           Le premier radiologiste qui interprète une radiographie des poumons de monsieur Labelle est le docteur A. Trépanier en date du 22 juin 1978.  Il conclut qu'il n'y a pas de signe radiologique de lésion organique significative.

[54]           De 1982 à 1986, le radiologiste R. Masson interprète des radiographies pulmonaires annuelles et conclut à des images cardio-pulmonaires normales.  Il n'y a aucune indication sur ses rapports relativement au fait que monsieur Labelle est exposé à la silice dans le cadre de son travail.

[55]           Au cours des années suivantes, soit à compter du 15 mai 1986, le docteur Trépanier procède à des examens radiologiques pulmonaires annuels.  Ses rapports révèlent qu'il est informé que monsieur Labelle est exposé à la silice depuis 1971 dans le cadre de son travail. 

[56]           Dans son premier rapport, en mai 1986, il conclut à de minimes opacités fibreuses, de type cicatriciel, visibles dans le sommet droit et indique qu'il n'y a pas de signe radiologique de lésion organique significative.

[57]           Le 25 septembre 1987, il conclut qu'il n'y a pas de signe radiologique de lésion organique significative.

[58]           Le 20 septembre 1988, le docteur Trépanier conclut que de discrètes opacités cicatricielles sont visibles dans le sommet droit et qu'il n'y a pas de changement depuis les derniers films de septembre 1987.

[59]           Le 6 septembre 1989, le docteur Trépanier en arrive aux mêmes conclusions que l'année précédente.

[60]           Le 28 septembre 1990, le docteur Trépanier fait référence à des cicatrices du lobe supérieur droit inchangées.

[61]           Le 6 mars 1991, le docteur Trépanier écrit que de discrètes opacités cicatricielles sont visibles dans le sommet droit sans signe de lésion active ni d'autre particularité dans le reste du thorax.

[62]           Le 1er octobre 1991, le docteur Trépanier fait encore référence au même phénomène en précisant qu'il n'y a pas de changement depuis longtemps.

[63]           Le 1er octobre 1992, le docteur Trépanier écrit que des opacités de type cicatriciel sont visibles dans les deux sommets sans changement depuis les films faits en mars 2001.

[64]           Le 10 septembre 1993, le docteur Trépanier fait référence à de minimes cicatrices au sommet droit sans rien d'autre à signaler.

[65]           Le 2 septembre 1994, le docteur Trépanier écrit qu'il y a persistance d'opacités fibreuses, de type cicatriciel, qui demeurent inchangées dans le sommet droit.

[66]           Les conclusions du docteur Trépanier sont similaires pour ce qui est de l'examen radiologique du 25 août 1995.

[67]           Le 13 août 1998, le radiologiste Charles Bernard interprète des radiographies pulmonaires à la demande du docteur Gauthier dans le cadre d'une investigation par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles pour une silicose.  Le docteur Bernard indique, dans son rapport, qu'il y a quelques traînées cicatricielles au sommet droit, qu'il n'y a pas de lésion nodulaire et qu'il y a une légère ectasie aortique.

[68]           Le 16 juillet 1998, la radiologiste Marie-Claire Descary interprète un examen par tomodensitométrie thoracique à la demande du docteur Gauthier dans le cadre de l'investigation pour silicose du même comité.  L'examen en décubitus ventral sans infusion de produit de contraste des sommets pulmonaires jusqu'aux bases est complété par quelques coupes à haute résolution aux tiers supérieur, moyen et inférieur des deux plages pulmonaires.  Le docteur Descary donne l'interprétation suivante de cet examen :

« […]

Pas d'évidence de plaque pleurale ni atteinte parenchymateuse interstitielle.  Séquelles inflammatoires bi-apicales avec phénomènes de rétraction fibreuse surtout marqués du côté droit, sans évidence de lésion évolutive associée.  Multiples petites adénopathies inflammatoires non spécifiques disséminées dans le médiastin : l'une atteignant 15mm à la région rétrocave prétrachéale et une autre à la portion latérale de la fenêtre aortico‑pulmonaire.

[…] » [sic]

 

 

 

[69]           Le 25 février 2000, le radiologiste C. A. Meyer, interprète les clichés radiologiques de 1991, 1992, 1997 et 1998.  À son avis, l'imagerie n'est pas révélatrice d'une silicose, mais plutôt d'une maladie granulomateuse, telle que la tuberculose.  Il décrit ainsi les constatations radiologiques :

« […]

Findings : The lungs are well expanded, without fine nodular or irregular opacities.  There is a focal density seen in the right apex which is stable over serial films and demonstrates high-density nodules with some irregular fibrotic bands in the apex.  The mediastinum, cardiac silhouette, bones and soft tissues are unremarkable.

[…] »

 

 

 

[70]           Le même jour, le radiologiste J. F. Wiot étudie les mêmes clichés radiologiques et en arrive à une conclusion similaire au docteur Meyer.  Il conclut qu'il n'y a pas de silicose, mais qu'il s'agit de séquelles radiologiques d'une ancienne maladie granulomateuse.  Il constate qu'il n'y a pas eu de changement radiologique de 1991 à 1998.  Il exprime ainsi son opinion :

« […]

There is no evidence of silicosis.  This patient residual of old granulomatous disease at the right apex.  There are no nodules to suggest silicosis, and the character of these findings are essentially diagnostic of old granulomatous disease.  Comparison of all films extending from 1991 through 1998 shows no change in this process in the upper lobes.  The only other finding is mild aortic ectasia which is evident on the 1997 and 1998 studies, not related to occupational exposure.

 

In summary, this patient shows no radiographic evidence of silicosis.  The changes at the apex are essentially diagnostic of old granulomatous disease which is quiescent. » [sic]

 

 

 

[71]           Le 8 mars 2000, des radiographies des poumons de monsieur Labelle sont demandées en raison de douleurs thoraciques.  Le radiologiste G. Jamaty interprète l'imagerie et conclut à l'absence de signe de lésion organique significative.

[72]           Le docteur P. S. Wheeler, professeur de radiologie de l’université Johns Hopkins, écrit, en date du 21 décembre 2001, qu'à la suite de la revue du dossier de monsieur Labelle, il est d'avis que les changements radiologiques observés sur les clichés de monsieur Labelle ne correspondent pas au diagnostic de silicose.  Il revoit les radiographies de septembre 1991, 1992 et 1993 ainsi que les radiographies des 3 novembre 1997 et 12 mai 1998 de même que la tomodensitométrie du 12 mai 1998.  Il écrit notamment ce qui suit à la revue de ces clichés radiologiques :

« May 12, 1998 chest Ct Scan (prone) :

Good quality 10 mm thick lung and mediastinal settings and 6 high resolution 1.5 mm thick lung settings (upper/mid/lower lung zones) :

 

Minimal linear and irregular fibrosis apices, right>left, extending to pleura compatible with healed TB.  Minimal adenopathy near trachea, carina and in aortopulmonary angle left hilum compatible with inflammatory disease, probably healed.

 

No other abnormality and specifically no evidence of silicosis

[…]

Nov 3, 1997 chest PA :

 

Subtle small nodular and linear fibrosis or interstitial infiltrate in right apex and probably in medial portion lul and lower left apex with possible few tiny calcified granulomata in right apex compatible with TB unknown activity, probably healed. Minimal tortuosity descending thoracic aorta.  No other abnormality. Ctr 14/33.5

 

This is not silicosis because : 1) the pattern is apical and asymmetrical 2) silicosis has a symmetrical small nodular infiltrate in central portion mid and upper lungs and involves periphery lungs and apices only when there is major central lung disease.  Suggest high resolution Ct Scan.

 

Apices are a tiny part of the peripheral lung volume rarely involved by any disease other than bullous blebs and TB.  TB commonly involves apices and typically is asymmetrical.

[…]

Comparing this exam with chest exams from 9/27/91, 9/25/92, 9/10/93 and copies from 5/12/98 : There is no change in the minimal interstitial fibrosis in right apex and possible few tiny scars in left apex or the minimal tortuosity descending thoracic aorta.

 

Scarring in one or both apices is usually due to TB unless there has been radiation therapy.  Few diseases attack the apices aside from TB and bullous emphysema.  TB is by far the most common infectious disease to involve the apex and is the one most likely to self cure.  Cancers are rare in the apex and would progress, usually rapidly.

 

Self cured or undertreated TB will always leave scars.

 

Silicosis and cwp give small round nodules in symmetrical portions of mid and upper lungs but do not involve the apices or periphery unless spilling over from massive central lung disease.  The upper lobes except for the apices in this case are normal with no small round nodules to indicate pneumoconiosis

[…] ». [sic]

 

 

 

[73]           Le seul médecin spécialisé en radiologie qui émet le diagnostic de silicose est donc le docteur Boucher, à la suite de son analyse des clichés radiologiques du 3 novembre 1997. 

[74]           Or, dans son rapport d'interprétation, le docteur Boucher émet un certificat de réserve et écrit que l'aspect radiologique pourrait aussi être compatible avec d'anciennes lésions de tuberculose ou d'histoplasmose.

[75]           La Commission des lésions professionnelles note, de plus, que les deux radiologistes mandatés par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles ne font pas état d'une imagerie compatible avec le diagnostic de silicose dans leur rapport d'interprétation. 

[76]           Le docteur Descary, qui interprète l'imagerie par tomodensitométrie, fait plutôt référence à des « séquelles inflammatoires bi-apicales avec phénomènes de rétraction fibreuse surtout marqués du côté droit, sans évidence de lésion évolutive associée ». [sic]

[77]           L'examen par tomodensitométrie a été effectué selon les règles de l'art d'après les médecins experts des parties.  Le docteur Péloquin soumet, au surplus, que cet examen est le plus précis et fiable qui existe actuellement pour détecter une silicose, particulièrement lorsqu'il s'agit de cas mitigés.

[78]           La prépondérance médicale au niveau des spécialistes dans l'interprétation d'imagerie radiologique ne milite donc pas en faveur de l'établissement du diagnostic de silicose simple.


L'opinion des pneumologues

[79]           L'appréciation des images radiologiques par les spécialistes en pneumologie s'avère plus nuancée puisque les six pneumologues composant les deux comités sont d'avis qu'il y a lieu de poser le diagnostic de silicose alors que quatre autres pneumologues sont d'avis contraire.

[80]           Le 24 février 1986, le pneumologue P. Dehaut examine monsieur Labelle à la demande du docteur J. Valiquette.  Dans sa note de consultation, le docteur Dehaut indique que monsieur Labelle présente des séquelles fibrotiques discrètes au niveau des deux sommets.  Il est informé que monsieur Labelle est exposé à la silice dans le cadre de son travail et malgré cela, il pose le diagnostic de séquelles fibrotiques aux deux sommets possiblement secondaires à une tuberculose.

[81]           Cinq ans plus tard, soit le 22 avril 1991, le pneumologue G. Ouimet examine monsieur Labelle à la demande du docteur Valiquette.  Dans la lettre qu'il adresse au docteur Valiquette, il fait référence au fait que monsieur Labelle a une exposition suffisamment importante à la silice pour être à risque de maladie.  En dépit de ce fait, il écrit qu'il dispose d'une radiographie pulmonaire qui démontre quelques infiltrations au lobe supérieur droit qui semblent davantage cicatricielles à un processus granulomateux que suggestives d'une maladie « silicosique » [sic].  Il conclut que monsieur Labelle ne présente « aucun signe d'une atteinte silicotique ».

[82]           Le pneumologue W. K. C. Morgan étudie les clichés radiologiques de monsieur Labelle à compter de 1991 et émet son opinion dans un rapport du 24 mars 2000.  À son avis, l'imagerie radiologique ne permet pas de poser le diagnostic de silicose.  Il explique ainsi sa conclusion :

« […]

The appearances in this film do not suggest silicosis.  There are scanty nodules strictly localised in both apices, but these do not have the appearance of silicosis and they are located in a very restricted area.  Subsequently, some have gone on to calcify.  The remainder of the lungs are completely clear.  Silicosis is characterized by multiple nodules usually of q or r size in both upper zones and they tend to be more profuse peripherally.  The nodules in this instance are not peripheral, but in the extreme apex.  The likely diagnosis is indolent tuberculosis, which has healed of its own.  It would be appropriate to do a tuberculin test in this gentleman.  Furthermore, a CAT scan would be helpful, if this has not already been done.  I reasonably certain that the changes are due to an infectious process and there is no evidence of silicosis. » [sic]

 

 

 

[83]           Enfin, le docteur Péloquin est d'avis, à l'instar des docteurs Wheeler, Morgan, Wiot et Meyer, que les images radiologiques de monsieur Labelle ne concordent pas avec le diagnostic de silicose simple en raison de l'apparence et de la disposition des lésions observées.  Il explique ainsi son raisonnement dans son rapport d’expertise médicale :

« […]

The radiographic findings of silicosis and coal worker’s pneumoconiosis are characterized by the appearance of randomly scattered multiple small well defined or less well defined nodules fairly symmetrically scattered in central portions of both mid and upper lung zones.  In more advanced cases, these small nodular densities spill over to the more peripheral aspects of the lungs.  However, a central predominance is the rule, something not seen in this case as indicated by the CT of thorax.  Our patient had nodules strictly confined to the extreme lung apices, thus in a well restricted zone, more typical of arrested tuberculosis.  This focal radiographic finding along with absence of medially localized small nodules virtually excludes silicosis.  The airborne nature of this disease (silicosis) makes it a pre-requisite to have randomly scattered nodular lesions.

[…] »

 

 

 

[84]           Le docteur Péloquin conclut qu'il n'y a pas lieu de poser le diagnostic de silicose simple pour les six raisons suivantes :

« […]

1          Focal restricted disease described on chest x-rays.

2.         Absence on conventional chest radiographs of small nodular densities medially or randomly scattered in the mid and upper lung fields as one would expect in simple silicosis.

3.         Absence on CT scan of the thorax of randomly scattered small opacities medially or peripherally, a finding one would expect in silicosis.

4.         The radiographic diagnosis of non-silicosis induced lung opacities was agreed upon by a panel of four (4) known experts in this field of practice.  I also agree with these opinions.

5.         Review of the the literature supports this opinion

6.         Two other diagnoses, statistically more common, and offering a better explanation for the radiographic findings, namely arrested tuberculosis and histoplasmosis. » [sic]

 

 

 

[85]           Le docteur Gauthier, qui a siégé au Comité des maladies pulmonaires professionnelles saisi du dossier de monsieur Labelle, a expliqué, à l'audience, les raisons qui l'incitent à poser le diagnostic de silicose simple.

[86]           Il constate, dans un premier temps, que monsieur Labelle a travaillé, depuis 1971, dans un milieu où il a été exposé de façon significative à la poussière de silice.

[87]           La Commission des lésions professionnelles note, effectivement, que monsieur Labelle a été exposé à la poussière de silice et que cette question n'est pas contestée dans le présent dossier.  Il y a cependant unanimité au point de vue des médecins voulant que l'exposition seule ne suffit pas pour poser le diagnostic de silicose.  Le second critère relatif à l'imagerie radiologique doit aussi être satisfait.

[88]           Sur ce sujet, le docteur Gauthier souligne, tout d'abord, que l'apparition des lésions pulmonaires aux clichés radiologiques de monsieur Labelle en 1986 par rapport à son histoire d'exposition depuis 1971 est compatible avec la période de temps habituelle reconnue par la littérature médicale pour voir apparaître les manifestations radiologiques.  Cette période se situe entre dix à vingt ans, tel qu'il appert de l'extrait suivant de Diagnosis of diseases of the chest[4] :

« […]

The diagnosis of silicosis requires the combination of a history of exposure to dust containing high concentrations of silicon dioxide and the roentgenographic appearance of changes compatible with the disease.  Ten to 20 years’ exposure usually is necessary before the appearance of roentgenographic abnormality, although the onset of silicosis sometimes is acute, particularly in patients exposed to high concentrations of dust in a relatively confined area […] ».

 

 

 

[89]           La Commission des lésions professionnelles prend note que les premières constatations radiologiques chez monsieur Labelle apparaissent après quinze ans d'exposition, ce qui correspond effectivement à la période généralement reconnue pour la silicose.

[90]           La soussignée note, toutefois, qu'il n'y a pas de progression des images radiologiques de 1986 à 1998 selon l'interprétation de l'ensemble des médecins.  Or, pendant toute cette période, monsieur Labelle demeure au travail et continue à être exposé à la poussière de silice. 

[91]           Le docteur Gauthier soumet que ce ne sont pas tous les cas de silicose qui progressent.  L'imagerie peut demeurer stable puisque les appareils de protection sont plus efficaces actuellement, ce qui a pour effet de réduire l'intensité de l'exposition.  La stabilité des images radiologiques peut aussi s'expliquer par le type d'immunité de la personne exposée.

[92]           Cet argument ne convainc pas puisque selon la littérature médicale, la silicose simple a une nette tendance à progresser avec ou sans poursuite de l'exposition.  C'est ce qui ressort de l'extrait suivant de l'ouvrage Lung disease secondary to inhalation of nonfibrous minerals[5] :

« […]

Simple silicosis has a definite tendency to progress whether or not the subject remains exposed to dust and the same is true for the complicated form.  There is no, as yet, satisfactory explanation for why the disease progresses from a simple to a complicated form.  There is increasing evidence to suggest that immunological factors are important in the continuing progression of the disease. […] »

 

 

 

[93]           Le docteur Gauthier soumet, enfin, que 50 % des cas de silicose ne présentent pas une imagerie classique.  L'image classique peut être précédée par des lésions réticulaires dans les sommets, plus marquées à droite qu'à gauche.  À son avis, le cas de monsieur Labelle correspond justement à cette catégorie.  Le docteur Gauthier fait référence à un autre extrait de Diagnosis of diseases of the chest [6] à l'appui de ses propos :

« […]

The classic roentgenographic pattern of silicosis consists of multiple nodular shadows from 1 to 10 mm in diameter.  […]  The nodular pattern may be preceded by or associated with a reticular pattern - the small irregular opacities of the ILO U/C classification - which sometimes is the earliest roentgenographic abnormality. […] »

 

 

 

[94]           La Commission des lésions professionnelles note que cet extrait de littérature médicale fait référence au fait que les lésions réticulaires peuvent constituer le premier stade d'apparition des lésions visibles à l'imagerie médicale et qu'elles précèdent l'apparition de nodules.  Or, dans le cas de monsieur Labelle, il n'y a pas d'évolution de l'imagerie médicale de 1986 à 1998, malgré une exposition continue à la silice. 

[95]           De plus, la position selon laquelle les opacités linéaires sont les premières manifestations radiologiques de la silicose ne fait pas l'unanimité dans la communauté médicale, tel qu'il ressort de l'extrait suivant de l'ouvrage Occupational Lung Disorders[7] :

« […]

The earliest radiographic evidence of nodular silicosis consists of small discrete opacities of moderate radiodensity, which appear in the upper halves of the lung fields and vary from 1 to 3 mm in diameter […]  It has been claimed, however, that linear opacities accompanying the normal vascular markings are the earliest evidence of silicosis, but this is not generally accepted (Ashford and Enterline, 1966), and these appearances (of which it is difficult to be convinced) do not correlate with morbid anatomical evidence of silicosis.

[…] »

 

 

 

[96]           Le docteur Gauthier est d'accord avec le fait que la présence d'opacités linéaires n'est pas suffisante pour poser le diagnostic de silicose et concède que la thèse selon laquelle les opacités linéaires sont les premières manifestations de la silicose n'est pas acceptée de façon générale.

[97]           Le docteur Gauthier reconnaît, par surcroît, qu'il ne pourrait poser le diagnostic de silicose à la seule lecture des images radiologiques dans l'hypothèse où il n'y aurait pas d'histoire d'exposition à la poussière de silice.

[98]           Par ailleurs, selon le docteur Péloquin, les images radiologiques pulmonaires de monsieur Labelle ne concordent pas avec le diagnostic de silicose puisque monsieur Labelle présente des calcifications dans les ganglions en forme de mûres alors que dans le cas d'une silicose, les calcifications doivent être en forme de coquille d'œuf, tel qu'il ressort des ouvrages de Crofton & Douglas respiratory diseases[8] et de Occupational Lung Disease[9] qui rapportent ce qui suit :

Crofton & Douglas’s Respiratory Diseases :

« […]

The earliest sign of classical chronic silicosis is the appearance of small nodules, particularly in the mid and upper zones of the lungs.  These are characteristically somewhat more dense than those in coalworkers’ pneumoconiosis.  They also have a tendency gradually to increase in size and are often of the r type […].  Calcification of small nodules sometimes occurs.  There may be associated Kerley B lines at the bases and pleural thickening.  Eggshell calcification of the hilar nodes is an almost pathognomonic feature […].  Once silicosis has appeared on the chest film it tends to increase, both in profusion and in size of the nodules.  This occurs even after exposure has ceased. […] » [sic]

 

 

Occupational Lung Disease :

« […]

Simple silicosis is characterized by the presence of multiple small fibrotic nodules that occur in greatest profusion in the apical and posterior regions of the upper and lower lobes. […] The classic radiographic pattern consists of multiple nodules that range from 1 to 10 mm in diameter.  Occasionally the nodules may calcify.  The distribution is typically more marked in the upper long zones.  Enlargement of lymph nodes is common and may precede the appearance of diffuse nodularity.  The periphery of hilar and mediastinal nodes may calcify : this appearance has been characterized as eggshell calcification. […] ».

 

 

 

[99]           Le docteur Gauthier ne partage pas le point de vue du docteur Péloquin quant à la forme des calcifications, mais reconnaît qu'elles ne sont pas en forme de coquille d'œuf.  À son avis, leur forme est non spécifique, ce qui n'est pas incompatible avec le diagnostic de silicose simple.

[100]       La Commission des lésions professionnelles doit rendre sa décision en fonction de la prépondérance de preuve.  La soussignée estime, en l'instance, que la preuve qui lui a été offerte soulève des doutes, mais ne permet pas d'établir de façon probable que les lésions observées à l'imagerie pulmonaire de monsieur Labelle correspondent effectivement à une silicose simple.

Le diagnostic d'histoplasmose

[101]       La Commission des lésions professionnelles estime, par ailleurs, qu'il n'y a pas lieu de retenir le diagnostic d'histoplasmose suggéré par l'employeur. 

[102]       Le docteur Péloquin explique que l'histoplasmose est contractée lors de l'inhalation d'un organisme sous forme de spores qui se retrouve principalement dans les régions endémiques.  Cet organisme se développe dans les régions rurales, sur les fermes, dans les poulaillers ou dans les troncs d'arbres pourris. 

[103]       Dans 90 % des cas, la personne infectée aura des symptômes similaires à ceux d'une grippe.  L'organisme s'installera dans les poumons et engendrera une réaction inflammatoire et immunologique puis une réaction fibrotique qui laissera une cicatrice pulmonaire. 

[104]       Le docteur Péloquin soumet que les lésions observées à l'imagerie pulmonaire de monsieur Labelle sont compatibles avec le diagnostic d'histoplasmose et croit que le fait qu'il ait élevé des poules de 1972 à 1974 est susceptible de l'avoir exposé à cette maladie.

[105]       La Commission des lésions professionnelles ne retient pas cette hypothèse.

[106]       En effet, les radiographies de 1978 sont normales.  Selon le docteur Gauthier, il en aurait été autrement si monsieur Labelle avait contracté l'histoplasmose entre 1972 et 1974.

[107]       De plus, le docteur Gauthier explique avec littérature[10] à l'appui que l'histoplasmose laisse habituellement des séquelles radiologiques dans les lobes inférieurs des poumons et non dans les sommets des poumons, tel qu'il a été observé chez monsieur Labelle.  La seule catégorie d'histoplasmose qui laisse des séquelles dans le sommet des poumons est l'histoplasmose pulmonaire chronique, maladie qui cause des symptômes sévères qui n'auraient pas passé inaperçus.  Selon le docteur Gauthier, les images radiologiques pulmonaires de monsieur Labelle ne correspondent pas non plus à une autre catégorie d'histoplasmose.

[108]       Le docteur Gauthier soumet également que les calcifications observées à l'imagerie pulmonaire ne sont pas en forme de mûres, comme il est observé de façon générale dans les cas d'histoplasmose.

[109]       Enfin, il n'y a pas de preuve établissant que monsieur Labelle a bel et bien été exposé à l'organisme qui cause cette maladie.  L'exposition est davantage possible que probable.

[110]       La Commission des lésions professionnelles est donc d'avis que la prépondérance de preuve ne permet pas de poser ce diagnostic.

[111]       Aussi, la soussignée estime qu'il y a lieu de retenir le diagnostic qui prévalait de façon initiale, avant l'émission du certificat de réserve par le docteur Boucher, puisque la prépondérance de preuve médicale ne permet pas de poser les diagnostics de silicose et d'histoplasmose posés par ce dernier, que les experts à l'audience ont écarté le diagnostic de tuberculose et qu'il n'y a pas eu d'évolution des clichés radiologiques de monsieur Labelle depuis 1986.

[112]       La Commission des lésions professionnelles retient donc le diagnostic de discrètes séquelles fibrotiques au niveau des sommets des deux poumons, car il s'agit du diagnostic posé par le docteur Dehaut en date du 24 février 1986, soit le premier pneumologue à se prononcer dans le dossier à la lumière de l'imagerie radiologique pulmonaire de monsieur Labelle.

L'admissibilité de la réclamation pour lésion professionnelle

[113]       La Commission des lésions professionnelles estime que monsieur Labelle n'a pas subi de lésion professionnelle le 17 février 1998 et qu'il n'a pas droit aux prestations prévues par la loi puisque la présomption de l'article 29 ne s'applique pas en l'absence du diagnostic de silicose et que monsieur Labelle n'a pas établi qu'il est atteint d'une maladie professionnelle, à savoir que sa maladie, diagnostiquée comme discrètes séquelles fibrotiques au niveau des sommets des deux poumons, est caractéristique ou directement reliée aux risques particuliers de son travail.

Autres conclusions médicales, capacité de travail et imputation des coûts

[114]       La Commission des lésions professionnelles considère que les décisions portant sur les autres conclusions médicales, sur la capacité de travail et sur l'imputation des coûts sont sans effet étant donné la conclusion à laquelle elle en arrive relativement à l'absence de lésion professionnelle.  Les requêtes portant sur ces décisions sont donc sans objet.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

122530-64-9908 et 124741-64-9910

ACCUEILLE les requêtes de Unimin Canada Ltée en date des 31 août 1999 et 6 octobre 1999 ;

INFIRME en partie les décisions rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite de révisions administratives, les 28 juillet 1999 et 16 septembre 1999 ;

DÉCLARE que le diagnostic à retenir en relation avec la lésion de monsieur Georges Labelle du 17 février 1998 est celui de discrètes séquelles fibrotiques au niveau des sommets des deux poumons, que cette lésion ne constitue pas une lésion professionnelle, soit une maladie pulmonaire professionnelle ;

DÉCLARE que monsieur Labelle n'a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ;

DÉCLARE sans objet les requêtes portant sur les autres aspects puisque ces conclusions sont devenues sans effet ;

122533-64-9908

DÉCLARE sans objet la demande de révision de l'employeur du 31 août 1999 à l'encontre de la décision rendue à la suite d'une révision administrative le 28 juillet 1999 puisque cette décision est devenue sans effet.

 

 

 

 

Martine Montplaisir

 

Commissaire

 

 

 

 

Lavery, De Billy, avocats

(Me Carl Lessard)

 

Représentant de la partie requérante

 

 

F.T.Q.

(Me Pierre Lalonde)

 

Représentant de la partie intéressée

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          A. SEATON, D. SEATON & A.G. LEITCH, Crofton & Douglas respiratory diseases, 4e éd., p. 810 ; T. C. MCLOUD, Occupational Lung Disease, Radiologic Clinics of North America - Vol. 29. No 5, Septembre 1991, p. 932

[3]          BATES, MACKLEM, CHRISTIE, Respiratory Function in Disease, 2e éd., 1971, p. 375

[4]          R. G. FRASER, J. A. P. PARÉ, 2e éd., Vol. III, W.B. Philadelphie, Londre, Toronto, Saunders, p. 1487

[5]          N. L. LAPP, Clinics in Chest Medicine, Vol. 2, No 2, Mai 1981, p. 229

[6]          op. cit. note 4, p. 1492

[7]          R. W. PARKES, 3e éd., Oxford, Toronto, Butterworths-Heinemann, 1994, p. 304

[8]          op. cit. note 2

[9]          op. cit. note 2

[10]         J.F. MURRAY, J.A. NADEL, Text book of Respiratory medecine, Vol. 1, 2e éd., Saunders, p. 1164 à 1166

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