Décision

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Gabarit EDJ

Droit de la famille — 20682

2020 QCCS 1547

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

 CHICOUTIMI

 

 

N° :

150-04-008175-205

 

 

 

DATE :

7 mai 2020

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

CLAUDIA P. PRÉMONT, j.c.s.

 

______________________________________________________________________

 

 

C… B…

 

Demanderesse

c.

 

N… T…

 

Défendeur

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

(Ordonnance de sauvegarde)

______________________________________________________________________

 

Le Tribunal doit se prononcer sur une Demande de sauvegarde alors que les parties sont en désaccord quant à l’opportunité du retour en classe de leur enfant X à la suite de la décision du gouvernement du Québec de rouvrir les écoles à compter du 11 mai 2020.

 

 

            Contexte

[1]           Les parties sont les parents de X, 6 ans, dont ils assument la garde partagée depuis 2018.

[2]           La mère désire le retour en classe de X le 11 mai prochain.

[3]           L’opposition du père repose essentiellement sur l’état de santé de sa conjointe qui est atteinte de lupus, une maladie auto-immune. Le retour de X en classe comporte un risque important pour elle.

[4]           En vue de la réouverture des établissements scolaires, le gouvernement du Québec a publié un document Questions et réponses sur l’éducation et la famille[1] ainsi qu’une page d’information sur la décision à être prise par les parents quant à la fréquentation scolaire en tant de pandémie.

[5]           La fréquentation scolaire obligatoire au Québec[2] a été suspendue le 13 mars dernier en raison de la pandémie. Cette suspension est levée partiellement à compter du 11 mai prochain dans certaines régions. Seuls les élèves du primaire sont visés et le retour en classe se fait sur une base volontaire. Ainsi, les parents décident ensemble du retour ou non de leur enfant à l’école.

[6]           La décision des parties de retourner leur enfant en classe est importante et fait partie de l’exercice de l’autorité parentale. Cet exercice conjoint doit viser le meilleur intérêt de l’enfant.

[7]           En cas de désaccord entre les parents, c’est au Tribunal de trancher.

[8]           Aux fins de décider, le Tribunal doit tenir compte des besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques de X, son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation[3].

[9]           Le présent dossier étant au stade de l’ordonnance de sauvegarde, les éléments de preuve présentés sont essentiellement contenus aux déclarations sous serment des parties complétées par les représentations des procureures au dossier en présence de leurs clients, desquels le Tribunal retient ce qui suit :

Ø  X fréquente la maternelle.

Ø  X n’a aucune difficulté scolaire et de socialisation.

Ø  La demanderesse soumet que X demande d’aller à l’école et qu’il est important pour lui de voir son professeur et ses amis puisqu’il change d’école l’an prochain.

Ø  Les filles du conjoint de la demanderesse retournent à l’école à compter du 11 mai dans un autre établissement scolaire que celui à être fréquenté par X.

Ø  X habite avec sa nouvelle fratrie depuis quatre mois.

Ø  Les parents sont les deux en télétravail et disponibles à l’enfant.

Ø  Seuls 9 enfants de la classe de X (soit environ 40 % des élèves) sont inscrits.

Ø  La demanderesse considère que le droit de son fils à son développement académique et sa socialisation doit être privilégié à la santé de la conjointe du père.

Ø  La demanderesse soutient que la conjointe du père peut aller s’installer à l’extérieur du domicile si elle craint pour sa santé comme elle l’a déjà fait.

Ø  La demanderesse offre de garder à temps plein l’enfant si le défendeur craint pour la santé de sa conjointe.

Ø  Le défendeur offre de garder l’enfant si l’horaire de la mère ne lui permet pas de le faire advenant que X ne retourne pas à l’école.

Décision

[10]        X est un jeune garçon de 6 ans qui fréquente la maternelle.

[11]        Il appert de la preuve au dossier que celui-ci n’a aucun problème académique ou de socialisation.

[12]        La pandémie a bousculé la vie de X comme celle de plusieurs autres enfants au Québec.

[13]        La qualité et la stabilité de ses milieux maternel et paternel avec les beaux-parents et la fratrie sont encore plus importants en ces temps troubles.

[14]        Il est clair qu’il est bénéfique pour un enfant, à moins d’exception, de fréquenter son milieu scolaire tant au niveau physique, psychologique qu’intellectuel.

 

[15]        Toutefois, dans la situation actuelle et exceptionnelle due au coronavirus (COVID 19), la fréquentation de l’école amènerait X, selon la preuve au dossier, à être coupé de son père et des activités qu’il fait avec lui pour les six prochaines semaines en raison de l’état de santé sévère de sa conjointe qui ne peut prendre un risque plus élevé d’être infectée.

[16]        Les contacts, même quotidiens par un lien technologique ne peuvent être comparables à la vie quotidienne avec son parent.

[17]        X bénéficie de milieux adéquats et de la présence de parents disponibles qui travaillent présentement de la maison avant quotidiennement des  temps libres pour lui et pouvant s’assurer d’un certain suivi académique étant entendu que X est à la maternelle.

[18]        Dans ces circonstances, en tenant compte de l’âge et de la situation particulière de X, le Tribunal considère que celui-ci récoltera de plus grands bénéfices d’une relation continue et positive avec chacun de ses parents avec qui il pourra faire des activités et parfaire son suivi académique en lieu et place de sa fréquentation scolaire pour les quelques 6 semaines d’ici la fin de l’année scolaire.

[19]        Le Tribunal est sensible à l’argument voulant que X aurait désiré dire au revoir à ses copains et à sa professeure. Il semble possible que de telles rencontres puissent avoir lieu par des moyens technologiques ou autrement d’ici la fin de l’année scolaire sans nécessiter un retour en classe.

[20]        Au même titre, il n’y a pas lieu de modifier la séquence des semaines de garde malgré la présence des enfants du conjoint de la demanderesse auprès de X une semaine sur deux.

[21]        Bien que X ne vit avec cette nouvelle fratrie que depuis quatre mois, il s’agit de sa réalité et il est préférable de maintenir cette routine d’autant plus que celui-ci ne sera pas de retour en classe comme les filles du conjoint de sa mère.

[22]        Le Tribunal comprend que les mesures d’hygiène et sanitaires nécessaires depuis le début de la pandémie sont respectées dans les deux milieux tant chez les parents que chez les enfants et que cela continuera.

[23]        POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[24]        ORDONNE que l’enfant des parties, X, ne fréquente pas l’école A à Ville A pour la présente année scolaire;

[25]        RECOMMANDE fortement aux parties de respecter les consignes d’hygiène et de sécurité émises par les autorités gouvernementales en lien avec la pandémie (COVID 19);

[26]        RECOMMANDE fortement aux parties d’inciter les enfants de leur cellule familiale à respecter les consignes d’hygiène et de sécurité émises par les autorités gouvernementales en lien avec la pandémie (COVID 19);

[27]        Le tout sans frais.

 

 

 

 

__________________________________

CLAUDIA P. PRÉMONT, j.c.s.

 

 

 

Me Barbara Maltais

Barbara Maltais Avocate
3568 boulevard Harvey
Jonquière (Québec) G7X 3B
4

Pour la demanderesse

 

Me Émilie Perron

Cain Lamarre, s.e.n.c.r.l.
190 rue Racine Est
Bureau 300
Chicoutimi (Québec) G7H 1R
9

Pour le défendeur

 

 

 



[1]     Questions et réponses sur l’éducation et la famille dans le contexte de la COVID 19 ǀ Gouvernement du Québec, https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/a-z/coronavirus-2019/reponses-questions-coronavirus-covid19/questions-reponses-education-famille-covid-19/

[2]     Loi sur l’instruction publique, RLRQ c. I-13.3, articles 1 à 14.

[3]     Article 33 C.c.Q.

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