Décision

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Tanguay c. Mazda Canada inc.

2020 QCCQ 2067

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

N° :

200-32-702885-186

 

DATE :

29 mai 2020

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

CHRISTIAN BRUNELLE, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

SIMON TANGUAY

[...]

Québec (Québec)  [...]

Demandeur

c.

MAZDA CANADA INC.

55, Vogell Road

Richmond Hill (Ontario)  L4B 3K5

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 29 novembre 2017, le demandeur, Simon Tanguay, est au volant de son véhicule Mazda (CX-9 GT), sur le chemin du retour à la maison, en compagnie de ses deux jeunes enfants.

[2]           Soudainement, plusieurs voyants lumineux du véhicule se mettent à clignoter, le moteur perd sa puissance puis s’arrête.

[3]           Après vérification, il appert que c’est le module électronique de surveillance de l’angle mort[1] droit du véhicule qui est à la source du problème. Le remplacement de cette pièce coûte 1 059,36 $, frais de main-d’œuvre en sus.

[4]           Monsieur Tanguay, qui juge cette pièce purement accessoire, souhaite simplement faire désactiver ce système de surveillance.

[5]           Toutefois, l’interdépendance du module avec l’ensemble du système électronique de la voiture ne permet pas cette désactivation sans compromettre, du coup, le fonctionnement général du véhicule.

[6]           Dans la mise en demeure qu’il fait parvenir à la défenderesse, Mazda Canada inc., le 22 août 2018, il écrit :

[…] il est de mon avis qu’un système accessoire d’un véhicule, tel que le système de surveillance de l’angle mort (BSM) ne doit pas empêcher le véhicule de fonctionner si l’un de ses modules est défectueux. […] Ainsi, un consommateur raisonnable est en droit de s’attendre que la défaillance d’un système accessoire tel que le système de surveillance de l’angle mort (BSM) n’empêche pas l’utilisation de son véhicule.[2]

[7]           Par sa demande en justice initiale, il réclamait à Mazda Canada inc. la somme de 4 695,85 $ répartie ainsi :

·        Réparations effectuées chez Mazda Chatel en décembre 2017 : 2 695,85 $[3]

·        Dommages punitifs : 2 000 $

[8]           À l’audience, il acceptait de réduire sa réclamation à la somme de 4 408,53 $ après avoir soustrait de sa réclamation une somme de 287,32 $ obtenue de son assureur à la suite de sa mésaventure.

I)             QUESTIONS EN LITIGE

[9]           Le litige appelle à répondre à ces quatre questions :

A)   Mazda Canada inc. a-t-elle subi un préjudice réel du fait que monsieur Tanguay ne lui a pas dénoncé par écrit le défaut affectant son véhicule?

B)   Le fait qu’un module de surveillance de l’angle mort doive impérieusement être réparé ou remplacé afin de permettre à la voiture qui en est munie de fonctionner compromet-il l’usage normal de cette voiture?

C)   Dans l’affirmative, quelle est la réparation monétaire à laquelle a droit le propriétaire?

D)   Le fabricant doit-il être tenu de payer, en outre, des dommages punitifs?

 

II)            CONTEXTE

[10]        Le véhicule au cœur du litige a été mis en circulation en 2008.

[11]        Monsieur Tanguay l’acquiert du concessionnaire Sittelle Mazda de Saint-Georges-de-Beauce, en août 2012, pour la somme de 25 000 $. L’odomètre indique alors 52 000 kilomètres (km).

[12]        Au moment où sa voiture s’arrête brusquement, en novembre 2017, elle avait parcouru 167 000 km.

[13]        Monsieur Tanguay contacte alors le service d’assistance routière de sa compagnie d’assurance et la voiture est conduite au Centre de l’Auto 2005 inc. de Québec.

[14]        Monsieur Yvon Corbin fait les vérifications d’usage, mais constate qu’il n’est « pas capable de communiquer avec le module », faute de posséder l’équipement approprié.

[15]        La voiture est donc remorquée chez Mazda Chatel. Monsieur Normand Jeffrey y est le directeur du service.  

[16]        Il mentionne qu’un maître technicien procède à une vérification par ordinateur et détecte un problème de communication entre les diverses composantes du système électronique du véhicule.

[17]        Il explique que sur ce modèle de voiture (2008), ces composantes sont toutes interreliées - à la manière d’un jeu de « lumières de Noël », dit-il - et que la défectuosité d’un seul module de surveillance de l’angle mort peut entraver le bon fonctionnement de l’ensemble de la voiture.

[18]        Ces modules sont intégrés de chaque côté de la voiture, sous le pare-chocs arrière, et sont ainsi vulnérables aux éléments (pluie, neige, humidité, abrasifs…).

[19]        La vérification effectuée mène à la conclusion que non seulement le module droit est à remplacer, mais le gauche doit également l’être parce qu’il est corrodé.

[20]        La facture totale - que monsieur Tanguay paye « sous réserve », le 6 décembre 2017 - atteint la somme de 2 695,85 $.

[21]        Monsieur Ryan Ortiz est le représentant de Mazda Canada inc. Il dépose en preuve l’historique de la voiture (« Carproof Claims »)[4], lequel fait notamment voir que :

-       Le 28 janvier 2009, le « centre avant » du véhicule a été abîmé dans un accident et a subi des dommages évalués à la somme de 4 417 $;

-       Le 30 novembre 2016, le côté droit du véhicule a subi des dommages structurels;

-       Le 27 janvier 2018, le véhicule a été impliqué dans une collision frontale importante qui a entrainé sa perte totale et sa mise au rancart définitive.

[22]        Monsieur Ortiz infère de cet historique qu’un usage inadéquat ou abusif a été fait du véhicule.

[23]        Il déplore que Mazda Canada inc. n’ait pas eu l’opportunité d’examiner le véhicule avant qu’il ne soit déclaré « perte totale », déplorant le silence de monsieur Tanguay entre le 6 décembre 2017 et la réception de sa mise en demeure, le 23 août 2018.

III)           ANALYSE

[24]        La Loi sur la protection du consommateur[5] prévoit « une garantie de bon fonctionnement » pour une « automobile d’occasion ».[6] Toutefois, cette garantie est réservée aux seuls véhicules dont la date de la mise sur le marché n’excède pas cinq ans et qui n’ont pas parcouru plus de 80 000 km.[7]

[25]        Au moment où la Mazda de monsieur Tanguay s’arrête brusquement alors qu’il circule sur la voie publique, sa voiture compte neuf ans d’usure et son odomètre indique 167 000 km. Il ne peut donc bénéficier de cette garantie de bon fonctionnement.

[26]        C’est pourquoi il invoque plutôt les garanties d’usage et de durabilité qui se dégagent des articles 37 et 38 L.p.c. :

37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

(Le Tribunal souligne)

[27]        À la discrétion du consommateur, il lui est loisible d’opposer ces garanties légales au commerçant ou au fabricant du bien, selon les termes de l’article 54 L.p.c.:

54. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur une obligation résultant de l’article 37, 38 ou 39.

[…]

(Le Tribunal souligne)

 

[28]        Ces dispositions législatives doivent par ailleurs être lues en corrélation avec les articles 1729 et 1730 du Code civil du Québec[8] (« C.c.Q. »):

1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.

1730. Sont également tenus à la garantie du vendeur, le fabricant, toute personne qui fait la distribution du bien sous son nom ou comme étant son bien et tout fournisseur du bien, notamment le grossiste et l’importateur.

(Le Tribunal souligne)

A)           Le défaut d’une dénonciation écrite

[29]        Mazda Canada inc. avance d’abord qu’elle n’a pas été en mesure de faire les constats requis, faute d’avoir reçu, en temps utile, la dénonciation écrite visée par l’article 1739 C.c.Q. :

1739. L’acheteur qui constate que le bien est atteint d’un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l’acheteur a pu en soupçonner la gravité et l’étendue.

Le vendeur ne peut se prévaloir d’une dénonciation tardive de l’acheteur s’il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice.

[30]        Bien que le véhicule ait d’abord été remorqué au Centre de l’Auto 2005 inc., il a subséquemment été transporté chez Mazda Chatel, un concessionnaire autorisé par Mazda Canada inc.

[31]        Au soutien de son argument, le fabricant invoque l’affaire Dupéré c. Mazda Canada inc.[9]

[32]        Le demandeur Dupéré avait retenu les services d’un atelier mécanique indépendant aux fins de remplacer la transmission d’origine de sa Mazda Tribute 2005 par une transmission reconditionnée. Le Tribunal fait alors observer qu’« il ne tente pas de communiquer ni n’avise Mazda Canada ou un de ses concessionnaires »[10], avant de conclure :

[…] il n’y a rien qui empêchait Gaston Dupéré d’aviser Mazda Canada préalablement à la réparation de sa transmission. Il n’était pas dans une situation d’urgence et ce n’est que par après, alors que la réparation était faite, qu’il décide d’aviser Mazda Canada et d’intenter contre cette dernière le présent recours fondé sur les articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur.[11]

[33]        La situation est tout autre en l’espèce. Un concessionnaire autorisé, Mazda Chatel, a eu le loisir d’examiner le véhicule et a même pris en charge la réparation.

[34]        Rien ne permet d’affirmer que la brève intervention du Centre de l’Auto 2005 inc. sur le véhicule de monsieur Tanguay ait pu contribuer à aggraver la situation ou à compromettre d’une quelconque façon l’expertise subséquente menée par les techniciens qualifiés de Mazda Chatel.  

[35]        Ainsi, Mazda Canada inc. n’établit pas qu’elle subit « un préjudice réel en raison de l’absence de dénonciation »[12] :

[…] pour que l’absence de dénonciation puisse mener au rejet du recours, le préjudice subi par le vendeur [ou le fabricant] doit être réel et non purement théorique.[13]

[36]        Il s’agit ici d’un cas où la dénonciation verbale faite à Mazda Chatel était suffisante pour respecter l’esprit de l’article 1739 C.c.Q.[14]

B)        Les garanties d’usage et de durabilité  

[37]        Mazda Canada inc. soutient qu’un usage abusif du véhicule aurait été fait par monsieur Tanguay. Celui-ci n’aurait pas respecté les « conditions d’utilisation du bien », au sens de l’article 38 L.p.c., ou en aurait fait une « mauvaise utilisation », au sens de l’article 1729 C.c.Q.

[38]        En fait, entre le moment où il est devenu propriétaire du véhicule, en août 2012, et l’événement lié à l’interruption soudaine du moteur, le 29 novembre 2017, il avait subi un seul accident d’importance : il avait abîmé les portières d’un côté de la voiture en heurtant malencontreusement le socle de béton d’un lampadaire à la fin novembre 2016.

[39]        Monsieur Michel Frenette, estimateur pour la société d’assurance La Capitale, témoigne que les dommages subis par le véhicule à cette occasion n’ont eu aucun effet sur les modules électroniques de surveillance des angles morts.

[40]        Ce seul accident ne permet assurément pas d’inférer une mauvaise utilisation du véhicule par monsieur Tanguay.

* * *

[41]        L’écoulement d’un délai de neuf années entre la mise sur le marché de la voiture et la défaillance du module électronique de surveillance de l’angle mort droit ne permet pas de conclure à la survenance prématurée d’un « mauvais fonctionnement du bien ou [de] sa détérioration », aux termes de l’article 1729 C.c.Q.[15]

[42]        Faut-il rappeler que le législateur lui-même contient la garantie de bon fonctionnement des véhicules d’occasion à une limite maximale de 80 000 km?[16] Or, la défaillance reprochée ici survient alors que l’odomètre du véhicule atteint 167 000 km, soit plus que le double du seuil maximal au-delà duquel le législateur fait basculer le risque du côté du consommateur.

[43]        Si les garanties d’usage et de durabilité des articles 37 et 38 L.p.c. peuvent prendre le relais à la faveur des consommateurs, une fois la garantie de bon fonctionnement relative à la vente de véhicules d’occasion expirée, elles n’imposent pas pour autant une garantie illimitée aux vendeurs et fabricants.

[44]        Compte tenu de l’âge du véhicule et des kilomètres parcourus, le Tribunal considère que monsieur Tanguay ne donc peut bénéficier de la présomption des articles 1729 et 1730 C.c.Q.

* * *

[45]        Il revenait ainsi à monsieur Tanguay de prouver qu’il n’a pas eu le bénéfice d’un usage normal du véhicule pendant une durée raisonnable.

[46]        Ceci dit, il reproche à Mazda Canada inc. d’avoir conçu un système dont l’une des composantes - qu’il qualifie d’« optionnelle », « accessoire » ou « non essentielle » - enraye le fonctionnement complet du véhicule en cas de défectuosité.

[47]        Monsieur Corbin, qui compte 50 années d’expérience en mécanique automobile, témoigne qu’il n’est pas normal qu’un module plutôt « accessoire », qui s’arrête soudainement de fonctionner, « plante tout’ le char au complet ».

[48]        De son côté, monsieur Jeffrey observe que la technologie a beaucoup évolué depuis 2008 et que l’incident vécu par monsieur Tanguay, en novembre 2017, ne pourrait se reproduire avec les modèles Mazda conçus à partir de 2014-2015, le problème de l’interdépendance des composantes étant maintenant résolu.

[49]        Les modules électroniques de détection des angles morts sont des dispositifs dont l’objet premier est d’accroître la sécurité des occupants du véhicule, mais aussi celle des autres automobilistes qui partagent la route avec eux.

[50]        Leur mise en place est assurément compatible avec l’obligation de sécurité qui incombe aux fabricants d’automobile.

[51]        Toutefois, l’intégration d’une technologie nouvelle dans un véhicule afin d’accroître la protection des usagers de la route ne doit pas elle-même générer un nouveau risque pour leur sécurité.

[52]        Ceci dit, l’article 53 L.p.c. impose au fabricant le devoir d’informer le consommateur contre les risques que les biens qu’il conçoit peuvent présenter pour sa sécurité : 

53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.

Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.

Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.

Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

(Le Tribunal souligne)

[53]        L’article 1469 C.c.Q. apporte des précisions utiles sur le « défaut de sécurité du bien » :

1469. Il y a défaut de sécurité du bien lorsque, compte tenu de toutes les circonstances, le bien n’offre pas la sécurité à laquelle on est normalement en droit de s’attendre, notamment en raison d’un vice de conception ou de fabrication du bien, d’une mauvaise conservation ou présentation du bien ou, encore, de l’absence d’indications suffisantes quant aux risques et dangers qu’il comporte ou quant aux moyens de s’en prémunir.

(Le Tribunal souligne)

[54]        C’est sous l’éclairage des attentes « légitimes »[17] ou « raisonnables »[18] du consommateur que l’on peut déterminer si un bien mis en marché présente un déficit d’usage en raison du défaut de sécurité qu’il comporte.

[55]        En cette matière, le fabricant assume une obligation de résultat :

La garantie de qualité d’usage implique une obligation de résultat pour le manufacturier non seulement à l’égard de la conception matérielle du bien, mais aussi pour l’assurance donnée au consommateur que le produit répondra à l’usage projeté selon ses attentes légitimes.[19]    

[56]        De l’avis du Tribunal, le « consommateur moyen »[20] qui acquiert une voiture munie de modules de surveillance des angles morts s’attend raisonnablement à ce qu’une défectuosité les affectant n’entraîne pas l’arrêt complet du véhicule.

[57]        Qu’un tel bris affecte directement le pouvoir d’entraînement de la voiture entrave son « usage normal ».

[58]        Mazda Canada inc. avait une « obligation d’information »[21] qui lui imposait à tout le moins de renseigner les consommateurs sur les risques qu’ils courraient dans l’hypothèse où l’un des modules cessait subitement de fonctionner.

[59]        Le fardeau d’établir cette preuve incombait au fabricant et il n’a pas fait cette démonstration.

[60]        Quant à monsieur Tanguay, il est parvenu à établir un déficit d’usage au sens de la L.p.c.

C)        La réparation   

[61]        L’article 272 L.p.c. autorise notamment le Tribunal à réduire l’obligation du consommateur. C’est la réparation appropriée dans les circonstances.

[62]        Ceci dit, il faut bien convenir que monsieur Tanguay a pu faire un usage utile de son véhicule pendant plus de quatre ans, avant qu’il ne soit contraint de remplacer les modules de surveillance des angles morts de manière à pouvoir le remettre en état de marche.

[63]        Au moment où il en fait l’acquisition en août 2012, il savait que ce véhicule comptait déjà quatre ans d’usure et quelques 52 000 km. Bien qu’il avait l’intention subjective de le conserver encore plusieurs années, selon son témoignage, la collision du 28 janvier 2018 aura mis fin à cette expectative, sans que Mazda Canada inc. n’y soit pour quoi que ce soit.

[64]        La détermination d’une réparation juste commande de tenir compte de la dépréciation déjà subie par la voiture au moment où elle a cessé de fonctionner.

[65]        Monsieur Jeffrey de Mazda Chatel a par ailleurs souligné qu’un escompte de 10 % avait été concédé à monsieur Tanguay sur les pièces et la main-d’œuvre.

[66]        De l’avis du Tribunal, une somme de 1 000 $ constitue une réparation adéquate dans les circonstances.

D)        Les dommages punitifs

[67]        Monsieur Tanguay revendique une somme de 2 000 $ sous le chef des « dommages punitifs ».

[68]        Il est acquis qu’« un manquement à une disposition de la L.p.c. ne donne pas nécessairement ouverture à une condamnation à des dommages punitifs ».[22]

[69]        Dans l’arrêt Fortin c. Mazda Canada inc.[23], la Cour d’appel rappelle les conditions strictes justifiant d’imposer au fabricant une condamnation sous forme de « dommages punitifs ». Il faut ainsi pouvoir établir « que Mazda a agi de manière intentionnelle, malveillante ou vexatoire, ou encore que sa conduite [puisse] se qualifier d’ignorance sérieuse, d’insouciance ou de négligence atteignant ce niveau de gravité ».[24]

[70]        Or, la preuve ne permet pas d’affirmer que Mazda aurait sciemment relié une composante accessoire comme ses modules de surveillance des angles morts aux autres composantes essentielles au fonctionnement de la voiture afin de contraindre, par exemple, le consommateur à engager des frais de réparation indûment onéreux pour être à même de faire subséquemment un usage normal de son véhicule.

[71]        En l’espèce, la faute imputable à Mazda n’atteint pas le niveau de gravité au-delà duquel il convient de sanctionner et punir le fabricant qui « s’est très mal conduit ».[25]

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[72]        ACCUEILLE en partie la demande;

[73]        CONDAMNE la défenderesse, Mazda Canada inc., à payer au demandeur, Simon Tanguay, la somme de 1 000 $, avec intérêts calculés au taux légal annuel de 5 %, majoré de l’indemnité additionnelle visée par l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter de la demeure, soit le 3 septembre 2018, ainsi que les frais de justice de 101 $.

 

 

__________________________________

CHRISTIAN BRUNELLE, J.C.Q.

 

 

 

 

Date d’audience :

10 février 2020

 



[1]     Blind Spot Monitoring (BSM).

[2]     Pièce P-1.

[3]     Pièce P-2.

[4]     Pièce D-3.

[5]     RLRQ c P-40.1.

[6]     Id., art. 159.

[7]     Id., art. 160.

[8]     RLRQ c CCQ-1991.

[9]     2011 QCCQ 9537.

[10]    Id., par. 6 (Nous soulignons).

[11]    Id., par. 20

[12]    CNH Industrial Canada ltée c. Claude Joyal inc., 2019 QCCA 1151, 2019EXP-1953 (C.A.), par. 9.

[13]    Brazil c. Boileau, 2020 QCCA 84, 2020EXP-325 (C.A.), par. 23.

[14]    Camko Alignement pneus et mécanique inc. c. Société de transport de Montréal, 2019 QCCA 319, 2019EXP-611 (C.A.), par 27.

[15]    Voir notamment la jurisprudence citée dans l’affaire Tremblay c. General Motors du Canada ltée, 2016 QCCQ 8956.    

[16]    Agomva c. Automobiles de la Capitale inc., 2019 QCCQ 7074, par. 19.

[17]    Fortin c. Mazda Canada inc., 2016 QCCA 31, J.E. 2016-203 (C.A.) (Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2016-08-11) 36898), par. 56, 62, 80, 84, 87 et 111.

[18]    Id., par. 78, 81 et 101.

[19]    Id., par. 95.

[20]    Id., par. 81 et 105.

[21]    Id., par. 132.

[22]    Id., par. 150.

[23]    Id.  

[24]    Id., par. 151.

[25]    Daniel GARDNER, « Les dommages punitifs et la protection du consommateur : un commentaire de l’arrêt Time inc », (2011) 90 R. du B. Can. 699, p. 705.

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