Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Lanaudière

JOLIETTE, le 2 avril 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

141331-63-0006

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Diane Beauregard

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Lorraine Patenaude

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Paul Gervais

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

113281919

AUDIENCE TENUE LE :

23 février 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Joliette

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MICHEL SOULIÈRES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TAWELL ÉQUIPEMENTS INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA

SÉCURITÉ DU TRAVAIL - LANAUDIÈRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 19 juin 2000, monsieur Michel Soulières dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 5 juin 2000 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) suite à une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la révision administrative confirme une décision que la CSST a initialement rendue le 14 septembre 1999 et refuse de réviser la base salariale en vertu de l’article 76 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi).

[3]               A l’audience, le travailleur est présent et représenté.  Tawell Équipements inc. (l’employeur) est absent et non représenté.  La CSST est représentée.

 

L'OBJET DU LITIGE

[4]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il y a ouverture à réviser la base salariale en vertu de l’article 76 de la loi puis que n’eût été de circonstances particulières, il aurait occupé un emploi plus rémunérateur lorsque s’est manifestée sa lésion.

 

LES FAITS

[5]               Le 5 juillet 1997, le travailleur subit un accident du travail au moment où il fait une chute de 25 pieds.  Suite à cette chute, il est devenu paraplégique.

[6]               Au moment de l’accident, le travailleur occupait le poste de journalier à 10.00$ l’heure chez Tawell Équipements inc., l’employeur au dossier.  Son contrat de travail était un contrat à durée déterminée.  Plus précisément, au moment de l’accident, il avait un contrat de 5 jours.  En 1997, il a travaillé 4 semaines pour cet employeur.

[7]               A l’audience, le travailleur explique que n’eût été du report des vacances du directeur des travaux publics de la Ville de Berthierville, monsieur Dubé, il aurait occupé cette fonction au moment de l’accident à un salaire de 17.35$ de l’heure pour 40 heures de travail par semaine.  Il déclare avoir occupé cet emploi à l’été 1995 et 1996 et la fonction de journalier en 1995, 1996 et 1997.

[8]               Plus spécifiquement, en 1995, il a travaillé pour la Ville pour une période de 31 semaines, soit 12 semaines à l’été pour remplacer le directeur en vacances et 19 semaines à titre de journalier en raison d’un surplus de travail occasionné par des mises à la retraite et des maladies.  En 1996, il a travaillé pour la Ville durant une période de 20 semaines débutant le 5 juillet 1996 dont 12 semaines en remplacement du directeur et 8 semaines comme journalier.  Pour 1997, il a travaillé quelques jours en janvier 1997 mais devait à nouveau remplacer le directeur pour la période estivale et poursuivre à titre de journalier en raison de l’ouverture d’un poste permanent.

[9]               Il explique que pour le remplacement du directeur à l’été 1997, une entente existait depuis un mois entre lui et la Ville pour son embauche.  Ce sujet faisait l’objet de l’ordre du jour de la séance ordinaire du conseil de la Ville de Berthierville du 7 juillet 1997 au point 8.10 qui se lit ainsi :

«8.10 Résolution retenant les services de Monsieur Michel Soulières en remplacement de Monsieur Yvon Dubé directeur du service des travaux publics pour la période de ses vacances.»

 

[10]            De plus, au procès-verbal de la séance du 7 juillet 1997, il est noté concernant le remplacement de monsieur Yvon Dubé que :

«Cet item est retiré de l’ordre du jour en raison de l’accident survenu à Monsieur Michel Soulières.»

 

[11]           Le travailleur soutient que le remplacement du directeur lui était garanti, que c’était officiel et que n’eût été du report des vacances de ce dernier, il aurait été en poste le 5 juillet 1997, jour de l’accident.

[12]           Il soutient également qu’après le remplacement du directeur, il était pressenti pour occuper le poste permanent de journalier devenu vacant depuis juin 1997.  Il a déjà occupé ce poste et a les qualifications requises, qualifications qu’il décrit.  Il déclare qu’il ignore si ce poste a été affiché mais son application aurait été considérée puisqu’il était dans la boîte.  Quand il occupait ce poste, il était syndiqué.  Il précise que lors de l’affichage de ce poste en 1995 et 1996, c’est lui qui l’a obtenu.  A chaque fois qu’il a soumis sa candidature, il a été choisi.  Il déclare que lors de l’embauche, l’employeur tient compte des heures travaillées.  Il explique que même si le poste de journalier est devenu vacant en juin 1997 en raison de l’hospitalisation de son détenteur monsieur Bussière, le remplacement permanent peut s’effectuer plus tard.  Il souligne que ce dernier a été hospitalisé en même temps que lui.

[13]           Enfin, il souligne que le remplacement au poste de directeur des travaux publics lui a été, à nouveau, offert à l’été 2000 mais il n’a pu accepter en raison de sa condition physique et des interventions chirurgicales à venir. 

[14]           Des notes évolutives du 10 septembre 1999, où l’intervenante de la CSST discute avec le directeur des ressources humaines monsieur Pierre Cardinal, il appert que le travailleur aurait vraisemblablement continué de travailler par la suite comme journalier  puisqu’un poste est vacant depuis juin 1997.  Il est noté que pour occuper ce poste permanent, la Ville exige une DEP ou un secondaire V.  Les années d’expérience peuvent compenser surtout si l’individu est travaillant comme c’est le cas pour le travailleur.  Le contrat de travail est de 40 heures par semaine à 17.35$ de l’heure.  Il est indiqué que normalement, la Ville procède  par appel d’offre sauf si un candidat valable est déjà en place.  Dans cette situation, elle offre le poste aux membres du syndicat et il n’y a pas d’appel d’offre.  Il est écrit que c’est probablement ce qui se serait passé.  Monsieur Cardinal ne peut assurer  formellement à 99.9% que le travailleur aurait été choisi.

[15]           Enfin, une lettre du maire Fernand Giroux du 7 juin 1999 stipule ce qui suit :

«Monsieur,

Pour faire suite à notre rencontre, je vous confirme que, compte-tenu du travail que vous avez effectué à la Ville de Berthierville en 1995 (31 semaines), 1996 (20 semaines) et 1997 (2 semaines) autant comme journalier temporaire que comme remplaçant du directeur du service des travaux publics, nous nous apprêtions à requérir vos services à l’été 1997, n’eût été de votre accident.

Nous vous soulignons que votre candidature pour un poste permanent avait été sérieusement envisagé par le conseil municipal.» (sic)

 

 

L'AVIS DES MEMBRES

[16]           Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis qu’à la date de l’accident, monsieur Dubé des travaux publics étant en fonction et non en période de vacances.  Le travailleur n’aurait pu occuper le poste de remplacement du directeur, poste qui ne lui avait été assigné que pour la période de vacances de monsieur Dubé.  De plus, il est d’avis qu’il n’aurait pu occuper le poste de journalier permanent à la Ville puisque des trois postes qui sont devenus vacants, un seul poste a été remplacé soit le poste devenu vacant en juin 1997 soit avant la survenance de l’accident du travail et pour lequel le travailleur n’avait pas appliqué.  Qu’il ait pu occuper un tel poste dans l’avenir est de ce fait purement hypothétique.

 

[17]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la preuve permet de convenir que n’eût été du report des vacances du directeur des travaux publics, le travailleur aurait occupé ce poste à un salaire plus rémunérateur.  Il avait les qualifications, il était polyvalent.  Il en était de même pour le poste de journalier.  La lettre du maire, la discussion téléphonique de l’intervenante de la CSST avec le directeur des ressources humaines ainsi que le procès-verbal de l’assemblée du conseil sont concluants.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[18]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu d’appliquer au travailleur l’article 76 de la loi et de convenir d’un revenu brut plus élevé que celui qui a servi de base au calcul de son indemnité de remplacement du revenu.

[19]           L’article 76 de la loi se lit comme suit :

76. Lorsqu'un travailleur est incapable, en raison d'une lésion professionnelle, d'exercer son emploi pendant plus de deux ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé que celui que prévoit la présente sous-section si ce travailleur lui démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.

 

Ce nouveau revenu brut sert de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu due au travailleur à compter du début de son incapacité.

________

1985, c. 6, a. 76.

 

 

[20]           Cette disposition exige du travailleur qu’il fasse la preuve de deux conditions, soit une incapacité à exercer son emploi d’une durée de plus de deux ans suite à sa lésion professionnelle et la démonstration qu’il aurait exercé un emploi plus rémunérateur lorsque se manifeste sa lésion n’eût été de circonstances particulières.

[21]           Il n’est aucunement remis en cause le fait que le travailleur soit incapable d’exercer son emploi de journalier et ce, depuis plus de deux ans.  L’accident est survenu en juillet 1997 et cette incapacité perdure encore aujourd’hui.  Reste à déterminer s’il avait pu occuper un emploi plus rémunérateur n’eût été de circonstances particulières.

[22]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis que la preuve prépondérante permet de convenir que n’eût été d’une circonstance particulière, soit le report de la période de vacances du directeur du service des travaux publics, monsieur Dubé, le travailleur aurait occupé cet emploi plus rémunérateur.  La preuve démontre qu’en 1996, le travailleur avait occupé cet emploi dès le 5 juillet.

[23]           Tant la lettre du maire Giroux du 7 juillet 1999 que l’ordre du jour de la séance du conseil du 7 juillet 1997 et son procès-verbal témoignent de l’embauche imminente du travailleur à titre de directeur du service des travaux publics.  Ces démarches confirment le témoignage du travailleur à l’effet qu’au cours du mois qui a précédé sa lésion professionnelle une entente avait été conclue quant à son embauche.  De plus, la preuve démontre que le travailleur avait l’expérience pour exercer cette fonction puisqu’il avait occupé ce poste à deux reprises, soit en 1995 et 1996.  Il avait également les connaissances techniques acquises au cours des ans par des formations spécifiques ou par l’exercice de diverses fonctions.  Par ailleurs, il était perçu par l’administration comme étant un «bon travaillant».  Enfin, malgré les séquelles de la lésion professionnelle, la Ville a tenté d’obtenir à nouveau ses services à l’été 2000.

[24]           Le travailleur aurait donc occupé cet emploi pour une période de 6 à 8 semaines au taux horaire de 17.35$, 40 heures par semaine.  Selon la Commission des lésions professionnelles cette preuve est suffisante pour convenir de l’application de l’article 76 de la loi puisque rien dans la loi n’oblige un travailleur à faire la démonstration qu’il aurait occupé l’emploi plus rémunérateur  pour une durée indéterminée.

[25]           Subsidiairement, pour la Commission des lésions professionnelles, le fait que le travailleur souhaitait occuper un poste permanent de journalier et qu’au moment de l’accident, il n’avait pas postulé pour ce poste n’est pas déterminant.   Dans un premier temps, rappelons qu’en juin 1997, le poste convoité est devenu vacant mais rien dans la preuve ne permet de dire que ce poste permanent a été affiché ni qu’il est devenu disponible pour affichage puisqu’en juillet 1997, le détenteur de ce poste était toujours hospitalisé.  De plus, selon monsieur Cardinal, la procédure d’appel d’offre n’est pas automatique.  L’administration privilégie l’embauche des syndiqués et les conditions d’embauche ainsi que les critères de sélection sont souples.  Le fait que la Ville n’ait pu affirmer formellement à 99.9% l’embauche du travailleur n’est pas non plus déterminant.  Une preuve probante est suffisante.

[26]           À cet effet, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il est plus que probable que le travailleur aurait occupé cet emploi après le remplacement au poste de directeur.  Là encore, il a les qualifications et l’expérience.  Il est un «bon travaillant».  Il était pressenti par le maire et le directeur des ressources humaines.  De plus, au cours des années précédentes, à chaque fois qu’il a postulait à ce poste, sa candidature était toujours retenue.

 

 

[27]           Enfin, bien qu’en vertu de l’article 71 de la Loi sur les cités et villes[1], il appartient au conseil de nommer par résolution les fonctionnaires et employés qu’il juge nécessaire à l’administration de la municipalité et qu’en ce sens, il n’y a pas d’assurance quant à savoir qui sera choisi, la Commission des lésions professionnelles constate que le conseil n’a qu’un pouvoir de nomination.  De plus, tel qu’expliqué ci-haut le niveau de certitude auquel réfère la CSST concernant l’assurance de l’embauche n’est pas celui exigé par le tribunal.

[28]           Bref, de la preuve soumise, le travailleur a fait la démonstration que n’eût été du report des vacances du directeur, il aurait occupé cet emploi plus rémunérateur au moment où survient sa lésion professionnelle et, par la suite, fort probablement celui de journalier.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Michel Soulières du 19 juin 2000 ;

INFIRME la décision de la révision administrative du 5 juin 2000 ; et

DÉCLARE que le salaire brut de directeur du service des travaux publics à la Ville de Berthierville à 17.35$ de l’heure doit être retenu pour déterminer l’indemnité de remplacement du revenu de monsieur Michel Soulières et ce, rétroactivement au 5 juillet 1997.

 

 

 

 

Diane Beauregard

 

Commissaire

 

 

 

 

 

Me André Laporte

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

Me Benoit Boucher

 

Représentant de la partie intervenante

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. C-19.

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