Décision

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Matériaux Coupal inc.

2007 QCCLP 3379

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

6 juin 2007

 

Région :

Laval

 

Dossier :

301828-61-0610

 

Dossier CSST :

123721086

 

Commissaire :

Ginette Morin

 

 

 

 

 

 

 

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Matériaux Coupal inc.

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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DÉCISION

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[1]                Après examen, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante.

[2]                ATTENDU que, le 30 octobre 2006, l’employeur, Matériaux Coupal inc., dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 21 septembre 2006 à la suite d’une révision administrative;

[3]                ATTENDU que, par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 3 avril 2006 et déclare que la totalité du coût des prestations dues en raison de la lésion professionnelle qu’a subie le travailleur, monsieur Sylvain Desormeaux, le 11 février 2003, doit être imputée au dossier financier de l’employeur;

[4]                ATTENDU que la représentante de l’employeur a avisé le tribunal de son absence à l’audience devant se tenir à Laval le 30 mai 2007 et qu’elle a transmis une argumentation écrite;

[5]                ATTENDU que l’employeur demande de reconnaître que la pachyméningite diagnostiquée chez monsieur Desormeaux constitue une lésion professionnelle visée par le premier paragraphe de l’article 31 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et de déclarer que le coût des prestations reliées à cette lésion doit être imputé aux employeurs de toutes les unités le tout, conformément aux dispositions de l’article 327 de la loi;

[6]                ATTENDU que monsieur Desormeaux travaille comme chauffeur de camion pour le compte de l’employeur lorsque, le 11 février 2003, il se blesse à la région lombaire en tombant de son véhicule;

[7]                ATTENDU que le médecin traitant de monsieur Desormeaux pose d’abord le diagnostic de contusion dorsolombaire et ensuite, celui de hernie discale L4-L5 gauche;

[8]                ATTENDU que la CSST reconnaît que ce diagnostic de hernie discale est relié au fait accidentel dont a été victime monsieur Desormeaux;

[9]                ATTENDU que, devant l’échec des traitements conservateurs, le docteur Jean-François Giguère, neurochirurgien, effectue une disectomie L4-L5 gauche en date du 11 septembre 2003 et qu’il prescrit ensuite des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie;

[10]           ATTENDU que, le 9 février 2004, le docteur Giguère indique à son rapport médical qu’il demande une nouvelle résonance magnétique parce qu’il y a une réapparition des symptômes radiculaires chez monsieur Desormeaux;

[11]           ATTENDU que cet examen est effectué le 11 février suivant et que, selon le radiologiste qui l’interprète, il ne montre pas la présence d’une récidive de hernie, mais celle d’une fibrose post-opératoire au niveau L4-L5, à la portion antéro-latérale gauche du sac dural;

[12]           ATTENDU que, le 17 mars 2004, à la suite de cet examen, le docteur Giguère pose le diagnostic de pachyméningite et qu’il maintient ensuite celui-ci dans ses rapports médicaux subséquents;

[13]           ATTENDU que le docteur Giguère prescrit une infiltration épidurale pour cette pachyméningite, laquelle est effectuée le 13 avril 2004;

[14]           ATTENDU que le docteur Giguère indique à son rapport médical du 9 juin 2004 que cette infiltration n’a pas été efficace et, qu’en plus de demander un électromyogramme, il prescrit la prise de « Neurontin »;

[15]           ATTENDU que l’électromyogramme est effectué le 21 juillet 2004 et que, dans son rapport médical du 18 août 2004, le docteur Giguère indique qu’il confirme l’existence d’une radiculopathie L5 gauche;

[16]           ATTENDU que ce médecin indique aussi à ce rapport médical de même que dans ceux qu’il produit les 28 septembre et 29 octobre 2004, que la prise de « Neurontin » doit se poursuivre;

[17]           ATTENDU que, dans son rapport médical du 30 novembre 2004, le docteur Giguère indique que ce médicament demeure sans effet et qu’il dirige donc monsieur Desormeaux vers une clinique de la douleur;

[18]           ATTENDU que, selon les informations retrouvées au dossier à ce sujet, monsieur Desormeaux n’aurait pas été traité en clinique de la douleur en raison des délais d’attente pour recevoir ce type de traitement;

[19]           ATTENDU que, dans un rapport final qu’il signe le 24 août 2005, le docteur Giguère conclut à la consolidation de la lésion professionnelle de monsieur Desormeaux le même jour, avec une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles;

[20]           ATTENDU que, dans un rapport d’évaluation médicale daté du 14 novembre 2005, le docteur Giguère octroie un déficit anatomo-physiologique de 46 % pour les séquelles fonctionnelles qui résultent de la lésion lombaire de monsieur Desormeaux et il conclut à la nécessité de reconnaître des limitations fonctionnelles de classe 4 selon l’IRSST;

[21]           ATTENDU que ce médecin indique dans ce rapport d’évaluation que c’est d’une « pachyméningite constrictive comprimant la racine L5 gauche de façon importante » dont il est question chez monsieur Desormeaux;

[22]           ATTENDU que, le 1er février 2006, la CSST demande à un médecin désigné, le docteur Pierre Dupuis, orthopédiste, d’examiner monsieur Desormeaux et de formuler une opinion sur les séquelles permanentes résultant de sa lésion lombaire;

[23]           ATTENDU que, dans un rapport médical qu’il produit le 7 mars 2006, ce médecin conclut comme le docteur Giguère au sujet des limitations fonctionnelles que monsieur Desormeaux doit respecter, mais il estime que c’est un déficit anatomo-physiologique de 29 % qu’il faut octroyer pour la lésion lombaire subie par ce dernier et non pas un déficit de 46 %;

[24]           ATTENDU que, le 7 juin 2006, la CSST demande à un membre du Bureau d’évaluation médicale de trancher des opinions médicales divergentes des docteurs Giguère et Dupuis au sujet de l’évaluation de l’atteinte permanente à l’intégrité physique de monsieur Desormeaux;

[25]           ATTENDU que le dossier tel que constitué ne contient pas l’avis qui a été rendu par un membre du Bureau d’évaluation médicale sur cette question ni une décision donnant suite à cet avis;

[26]           ATTENDU que, entre-temps, soit le 3 avril 2006, la CSST refuse la demande de l’employeur visant l’application de l’article 327 de la loi et que cette décision est confirmée le 21 septembre 2006 à la suite d’une révision administrative;

[27]           CONSIDÉRANT que l’article 327 se lit comme suit :

327. La Commission impute aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations:

 

1°   dues en raison d'une lésion professionnelle visée dans l'article 31;

 

2°   d'assistance médicale dues en raison d'une lésion professionnelle qui ne rend pas le travailleur incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion.

__________

1985, c. 6, a. 327.

 

 

[28]           CONSIDÉRANT que l’article 31 auquel réfère cet article prévoit ce qui suit :

31. Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion:

 

1°   des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;

 

2°   d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

 

Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).

__________

1985, c. 6, a. 31.

 

 

[29]           CONSIDÉRANT que, selon la jurisprudence, l’article 31 de la loi vise la survenance d’une nouvelle lésion distincte de celle qui a été reconnue à titre de lésion professionnelle initiale[2];

[30]           CONSIDÉRANT que, dans l’affaire Structures Derek inc.[3], le tribunal énonce ce qui suit à ce sujet[4] :

[30] La jurisprudence a cependant rappelé que ce n’était pas toutes les complications qui découlaient des soins ou des traitements qui pouvaient être considérées comme donnant ouverture à l’article 327. En effet, bien que plusieurs décisions reconnaissent que l’article 327 permet de répartir les coûts d’une lésion professionnelle augmentés par une complication survenue suite à un traitement prodigué pour cette lésion7, elles exigent aussi que les conséquences pour lesquelles on demande l’application de l’article 327 ne soient pas indissociables de la lésion professionnelle et n’en soient pas la conséquence normale.

 

[31] Il faut donc faire la distinction entre un phénomène qui est inhérent à la lésion initiale et celui qui est proprement attribuable aux conséquences de son traitement8. Ainsi, si une lésion constitue une conséquence directe et indissociable de la lésion initiale, il n’y aura pas ouverture à l’application de l’article 3279. Cependant, le tribunal estime qu’il y aura lieu d’appliquer l’article 327 lorsque la lésion qui découle des soins reçus pour une lésion professionnelle n’en est pas une conséquence automatique et indissociable et qu’elle constitue plutôt une complication qui ne survient pas dans la majorité des cas.

 

[32] Ce serait ajouter au texte de l’article 31 que d’en exclure une blessure ou une maladie parce qu’elle est plus ou moins prévisible. En effet, la loi ne précise pas que la blessure ou la maladie doive être imprévisible10. De plus, exiger la non-prévisibilité de la complication aurait pour effet de rendre inopérant le premier alinéa de l’article 327. En effet, la science médicale étant très avancée, pratiquement toutes les complications qui peuvent survenir, même de façon exceptionnelle, sont prévisibles.

 

 

[31]           CONSIDÉRANT que, dans les affaires Chevrier et Versabec inc.[5], Schlumberger Industries (Div. Élec.)[6], Groupe Lacasse inc.[7], Société Groupe d’embouteillage Pepsi Canada[8], Établissements de Détention Québec[9] et A. Lassonde inc. et CSST[10], il a été décidé que la pachyméningite ou la fibrose péridurale constituaient une lésion proprement attribuable à une chirurgie pratiquée pour une lésion discale et qu’il s’agissait donc d’une lésion professionnelle au sens de l’article 31 de la loi;

[32]           CONSIDÉRANT que la preuve au dossier démontre qu’une pachyméningite a été diagnostiquée chez monsieur Desormeaux à la suite d’un soin reçu pour sa lésion professionnelle du 11 février 2003, soit la discectomie L4-L5 gauche effectuée par le docteur Giguère le 11 septembre 2003;

[33]           CONSIDÉRANT que c’est à compter du 9 février 2004 que ce médecin fait état dans ses rapports médicaux de la présence chez ce travailleur d’un tableau clinique expliqué par une pachyméningite constrictive et de la nature des traitements rendus nécessaires pour cette nouvelle lésion;

[34]           CONSIDÉRANT que ces traitements consistent en une infiltration épidurale et la prise d’une médication et qu’ils se sont poursuivis jusqu’au 30 novembre 2004;

[35]           CONSIDÉRANT que le docteur Giguère a suggéré à cette dernière date que monsieur Desormeaux soit suivi en clinique de la douleur, mais qu’il ressort de la preuve au dossier que ce suivi n’a pas eu lieu en raison des délais d’attente pour consulter un médecin pratiquant dans une telle clinique;

[36]           CONSIDÉRANT que le docteur Giguère a conclu que la hernie discale et la pachyméningite diagnostiquées chez monsieur Desormeaux étaient consolidées en date du 24 août 2005, avec une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles;

[37]           CONSIDÉRANT que la preuve médicale au dossier démontre que, entre le 9 février 2004 et le 24 août 2005, c’est essentiellement pour un tableau clinique expliqué par une pachyméningite que monsieur Desormeaux a continué de consulter le docteur Giguère et d’être traité par ce dernier;

[38]           CONSIDÉRANT que l’employeur ne doit donc pas supporter le coût des prestations versées durant cette période;

[39]           CONSIDÉRANT que la poursuite du versement des prestations postérieurement au 24 août 2005 s’explique par la présence de limitations fonctionnelles et la nécessité pour la CSST de statuer sur la capacité de travail de monsieur Desormeaux;

[40]           CONSIDÉRANT que rien dans la preuve au dossier ne permet de conclure que, n’eût été d’une pachyméningite, monsieur Desormeaux n’aurait pas conservé des limitations fonctionnelles de sa hernie discale et que son droit aux prestations prévues par la loi se serait donc éteint en août 2005;

[41]           CONSIDÉRANT que l’employeur doit donc supporter le coût des prestations dues en raison de la lésion professionnelle de monsieur Desormeaux postérieurement au 24 août 2005;

[42]           CONSIDÉRANT que le dossier tel que constitué ne permet pas d’identifier quel est le pourcentage de l’atteinte permanente à l’intégrité physique résultant de la lésion professionnelle de monsieur Desormeaux qui a été déterminé par un membre du Bureau d’évaluation médicale et que l’employeur n’a offert aucune preuve à ce sujet;

[43]           CONSIDÉRANT que la prétention de l’employeur selon laquelle il ne doit pas supporter les coûts générés par la portion de l’atteinte permanente à l’intégrité physique reconnue pour une pachyméningite ne peut donc être retenue;

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de l’employeur, Matériaux Coupal inc.;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 21 septembre 2006 à la suite d’une révision administrative; et

DÉCLARE que le coût des prestations versées au travailleur, monsieur Sylvain Desormeaux, entre le 9 février 2004 et le 24 août 2005 doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.

 

 

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Ginette Morin

 

Commissaire

 

Me Angelica Carrero

GROUPE AST INC.

Représentante de la partie requérante

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]           L. R. Q., c. A-3.001

[2]           Voir notamment : Transport Lavoie ltée, C.L.P. 176604-32-0201, 18 juillet 2002, M.-A. Jobidon, Entreprise Cara ltée et CSST, C.L.P. 214961-72-0309, 14 novembre 2003, D. Lévesque; E. Gagnon et fils ltée, C.L.P. 205476-01B-0304, 19 janvier 2004, R. Arseneau.

[3]           C.L.P. 243582-04-0409, 30 novembre 2004, J.-F. Clément.

[4]           Références jurisprudentielles omises.

[5]           C.L.P. 89194-64-9706, 29 juin 2002, D.Martin.

[6]           C.L.P. 151671-04-0012, 28 septembre 2001, A. Gauthier.

[7]           C.L.P. 177240-62B-0201, 20 décembre 2002, Y. Ostiguy.

[8]           C.L.P. 226275-08-0401, 15 août 2005, A. Suicco.

[9]           C.L.P. 263716-72-0506, 7 février 2006, M. Beaudoin.

[10]         C.L.P. 283443-62B-0603, 22 juin 2006, M.-D. Lampron.

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