COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Mauricie-

Centre-du-Québec

LÉVIS, le 13 juillet 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

89897-04-9707

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Marielle Cusson

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Jean-Guy Guay

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Réal Binet

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

110983335

AUDIENCE TENUE LES :

15 mars 1999

27 octobre 2000

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

19 juin 2001

 

 

 

 

DOSSIER BRP: 

62419322

À :

Thetford Mines et Lévis

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

YVON LAMBERT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE APPELANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FONDERIES BIBBY STE-CROIX INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]   Le 16 juillet 1997, monsieur Yvon Lambert (le travailleur) dépose une déclaration d'appel à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) à l'encontre d'une décision rendue le 30 juin 1997 par le bureau de révision de la région Mauricie Bois-Francs (le bureau de révision).

[2]   Par cette décision, le bureau de révision confirme la décision rendue le 3 décembre 1996 par la première instance de la CSST, laquelle refusait la réclamation du travailleur pour une maladie pulmonaire professionnelle au 26 octobre 1995.

[3]   Bien que l'appel du travailleur ait été déposé devant la Commission d'appel, la présente décision est rendue par la Commission des lésions professionnelles, conformément à l'article 52 de la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives (L.Q. 1997, c.27) entrée en vigueur le 1er avril 1998.  En vertu de l'article 52 de cette loi, les affaires pendantes devant la Commission d'appel sont continuées et décidées par la Commission des lésions professionnelles.

[4]   La présente décision est donc rendue par la soussignée en sa qualité de commissaire de la Commission des lésions professionnelles.

[5]   Le 15 mars 1999 et le 27 octobre 2000, la Commission des lésions professionnelles tient une audience en présence des parties et de leur représentant.  Les 21 décembre 2000, 14 février 2001 et 16 mars 2001, différentes correspondances sont acheminées dont les argumentations des parties.  Le 19 juin 2001, une vérification est faite auprès du représentant de Fonderies Biby Ste-Croix inc. (l'employeur) quant à une réplique possible de sa part suite aux documents médicaux fournis par le représentant du travailleur après le dépôt de son argumentation.  Le représentant de l'employeur indique qu'il ne fournira pas de réplique.  Il considère que son argumentation est complète.  La Commission des lésions professionnelle procède donc au délibéré le 19 juin 2001.

 

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[6]   Le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le diagnostic à retenir est celui de bronchospasme léger et d'intoxication mixte aux substances du milieu de travail et que ces diagnostics constituent une lésion professionnelle selon l'article 30 ou de l'article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi).

 

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

A) LE DÉLAI DE CONTESTATION

[7]   Une première question préliminaire concerne le délai de contestation de la décision du 3 décembre 1996.  Sur cette question, le représentant du travailleur réfère la Commission des lésions professionnelles aux indications contenues à la décision du bureau de révision du 30 juin 1997.  Ces indications sont à l'effet que, compte tenu des notes évolutives au dossier en date du 10 décembre 1996, notes à l'effet que la décision de la CSST n'avait pas encore été notifiée à cette date, il est probable que la demande de révision reçue le 14 janvier 1997 respecte le délai prescrit à l'article 358 de la loi.  Quant au représentant de l'employeur, ce dernier n'a aucun commentaire, tel que l'indique son argumentation écrite.

 

B) LA COMPÉTENCE DE LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

[8]   Une seconde question préliminaire concerne la juridiction de la Commission des lésions professionnelles de se prononcer sur l'existence d'une lésion professionnelle au 21 juin 1996, et ce, en regard d'un changement de diagnostic.

[9]   Pour disposer de cette question, la Commission des lésions professionnelles se doit d'exposer le contexte particulier dans lequel s'inscrit un tel changement.

[10]           Une première audience a lieu le 15 mars 1999.  Lors de cette audience, le travailleur témoigne des faits et circonstances entourant sa réclamation pour maladie pulmonaire professionnelle.  Le médecin ayant charge de celui-ci, le docteur Marcel Dumont, témoigne ensuite.  Ce dernier indique, en cours de témoignage, être d'accord avec la position du Comité des maladies pulmonaires professionnelles (le CMPP) et du Comité spécial des Présidents (le CSP) quant à l'absence d'un asthme professionnel.  Il estime, cependant, que le travailleur a présenté une intoxication mixte à une multitude de substances contenues dans les poussières et les fumées avec des symptômes de bronchospasme léger entraînant des céphalées, des maux de tête et des étourdissements.

[11]           Après un tel exposé de la part du docteur Marcel Dumont, le représentant de l'employeur indique ne pas être en mesure de déclarer sa preuve close sur la question médicale.  Il réfère, en cela, au changement de diagnostic.  Ledit représentant demande qu'un délai lui soit accordé afin d'obtenir une opinion médicale auprès d'un expert de son choix.

[12]           Le représentant du travailleur s'objecte, pour sa part, à la demande de l'employeur.  Il précise que ce dernier avait entre les mains l'étude industrielle de Michel Legris, laquelle référait à un bronchospasme ponctuel.  L'employeur disposait donc de toute l'information nécessaire pour préparer sa preuve.  Quant au CMPP, de poursuivre ledit représentant, celui-ci a examiné la condition médicale dans son ensemble et s'est prononcé sur la question du diagnostic.  La Commission des lésions professionnelles a donc juridiction pour disposer du diagnostic à retenir en regard d'une maladie pulmonaire professionnelle.

 

L'AVIS DES MEMBRES : (Questions préliminaires)

[13]           Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations des travailleurs sont d'avis que le délai de contestation respecte les prescriptions de la loi.  Quant à la compétence de la Commission des lésions professionnelles de se prononcer sur la question du diagnostic, ils estiment que ladite Commission des lésions professionnelles dispose de toutes les données pertinentes pour disposer du litige agissant « de novo », et ce, d'autant plus que l'employeur bénéficie du temps nécessaire pour compléter sa preuve en matière médicale.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION : (Question préliminaires)

[14]           La Commission des lésions professionnelles s'en remet, sur la question du délai de contestation, à l'argumentation présentée par le représentant du travailleur.  La Commission des lésions professionnelles est d'avis que le travailleur a effectivement contesté dans les délais la décision de la CSST du 3 décembre 1996 et que c'est à bon droit que le bureau de révision a disposé de la demande de révision du 14 janvier 1997.

[15]           Quant à la question de la compétence, la Commission des lésions professionnelle, après avoir pris le tout en délibéré, a exposé aux parties sa position le 15 mars 1999.  En cela, elle a énoncé d'abord les prémisses suivantes:

1)         que le docteur Rouleau, le 26 février 1996, faisait état de symptômes de dyspnée en milieu de travail,

2)         que ce même médecin, le 15 avril 1996, se prononçait en faveur d'une présomption de phénomène de bronchospasme en milieu de travail,

3)         que le CMPP indiquait clairement que son évaluation concernait un phénomène de dyspnée en relation avec le milieu de travail, alors qu'il ne disposait d'aucune preuve pour soutenir la présence d'un asthme professionnel,

4)         que le 14 novembre 1996, le CSP confirmait l'absence d'un asthme professionnel,

5)         qu'en date de l'audience, il est question non pas d'un asthme professionnel mais d'une intoxication aux substances contenues dans les fumées et les poussières.

[16]           Partant de ces prémisses, la Commission des lésions professionnelles estime que la partie appelante, en l'occurrence le travailleur, donne une nouvelle orientation à sa réclamation.  Ce faisant, il y a lieu de s'assurer que toutes les données pertinentes sont présentes pour débattre, entre autres, de la question du diagnostic.  La Commission des lésions professionnelles déclare qu'elle est compétente pour disposer du litige dans son ensemble, incluant la question du diagnostic, et que l'employeur est en droit de se voir accorder un délai supplémentaire pour compléter sa preuve sur le plan médical.  En effet, l'employeur ne pouvait pas véritablement s'attendre à une telle orientation en cours d'audience de la part du médecin du travailleur, le docteur Marcel Dumont.  La Commission des lésions professionnelles ajourne donc l'audience, le temps nécessaire pour l'employeur d'obtenir, tel qu'il le désire, une opinion médicale sur la question du véritable diagnostic et de la relation avec l'exercice du travail.  C'est dans ce cadre précis que la Commission des lésions professionnelles reçoit de l'employeur, le 12 juillet 1999, l'opinion de monsieur Jacques Normandeau, toxicologue, datée du 5 juillet 1999.

[17]           Dans le cadre de son argumentation au 14 février 2001, le représentant de l'employeur revient sur cette question de juridiction du tribunal.  Il précise que c'est la première fois, le 15 mars 1999, qu'il est fait état du diagnostic d'intoxication, ce qui a privé l'employeur de se prévaloir de l'article 212 de la loi et de saisir le Bureau d'évaluation médicale (le BEM) de la question.  Le représentant de l'employeur soumet que la Commission des lésions professionnelles n'a donc pas compétence pour déterminer si le nouveau diagnostic constitue une lésion professionnelle.  L'article 377 de la loi ne peut pas lui donner une telle compétence, de poursuivre le représentant de l'employeur, alors que le diagnostic émis par le docteur Marcel Dumont ne l'a pas été conformément à l'article 199 et suivants de la loi.

[18]           Le représentant du travailleur allègue, quant à lui, que la Commission des lésions professionnelles est compétente pour entendre et disposer de la question du diagnostic, tel qu'exposé par le docteur Marcel Dumont en cours d'audience.  En cela, ledit représentant réfère à la réclamation du travailleur, quant aux explications fournies par ledit travailleur, au rapport médical du docteur Dumont, quant à sa mention voulant qu'il amorce une investigation pour maladie professionnelle, et à la lettre du travailleur du 26 octobre 1995, laquelle renseigne sur sa condition médicale.

[19]           Le représentant du travailleur précise que ces documents démontrent que la réclamation du travailleur n'a pas été soumise uniquement pour un problème d'asthme, mais pour un ensemble de symptômes physiques reliés aux substances dans son milieu de travail.  Ledit représentant ajoute que la CSST devait disposer de la maladie professionnelle dans son ensemble et non pas seulement en regard d'un asthme professionnel.  Enfin, ce représentant précise que la qualification par l'organisme d'une maladie pulmonaire professionnelle, au sens de l'article 226 et suivants de la loi, ne restreint pas la juridiction de la Commission des lésions professionnelles qui procède de « novo ».  Il réfère à l'application de l'article 377 de la loi.  Il réfère également à une décision de la Commission des lésions professionnelles du 19 octobre 2000 dans l'affaire Duchesneau et Chemtech et Cri environnement inc.[1]

[20]           L'article 377 de la loi est libellé comme suit:

377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

 

Il peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.

________

1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

[21]           Dans le cas sous étude, le diagnostic de bronchospasme léger et d'intoxication mixte aux substances contenues dans les fumées et les poussières est précisé au moment de l'audience alors que dans l'affaire présentée par le représentant du travailleur, les diagnostics de rhinite et de syndrome d'hyperventilation ont été posés et consignés dans un rapport médical acheminé à la CSST bien avant la tenue de l'audience.

[22]           Tel que l'indique avec justesse le représentant de l'employeur, la loi prévoit que le médecin ayant charge doit, conformément à l'article 199, émettre un rapport médical faisant état, entre autres, de son diagnostic.  Ce faisant, il devient dès lors possible, pour l'employeur, de se prévaloir de l'article 212 de la loi et de requérir l'avis du BEM.  Les article 199 et 212 se lisent comme suit:

199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui - ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et :

 

  s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou

  s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.

 

Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.

________

1985, c. 6, a. 199.

 

 

212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

  le diagnostic;

  la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

  la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

  l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

  l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

[23]           La Commission des lésions professionnelles estime que le contexte particulier du présent dossier n'a pas pour effet d'écarter la compétence de ladite Commission, cette dernière agissant de « novo ».  Ce à quoi la Commission des lésions professionnelles doit porter une attention particulière, c'est au droit de l'employeur de pouvoir étayer sa preuve médicale compte tenu du nouveau diagnostic émis par le docteur Marcel Dumont.  C'est dans ce contexte que la Commission des lésions professionnelles a mis fin à l'audience du 15 mars 1999 et a permis à l'employeur d'obtenir une expertise médicale à l'encontre du diagnostic émis par le docteur Dumont.  L'employeur a par ailleurs fait entendre son expert lors de la seconde journée d'audience, soit le 27 octobre 2000.  La Commission des lésions professionnelles considère que le droit de l'employeur d'être entendu a été sauvegardé et qu'il a eu tout le loisir de présenter une preuve complète.  Tout le reste est une question d'appréciation par la Commission des lésions professionnelles quant au diagnostic à retenir et la relation avec l'exercice du travail.

[24]           La Commission des lésions professionnelles souligne enfin que l'employeur ne s'est pas prévalu de son droit d'en appeler de la position prise par la Commission des lésions professionnelles le 15 mars 1999 sur cette question de procédure.  La Commission des lésions professionnelles estime donc que ledit employeur était en accord avec la suspension de l'audience, le temps nécessaire d'obtenir une opinion auprès d'un expert de son choix.  D'ailleurs, c'est à sa demande que la suspension a eu lieu, et ce, malgré l'opposition du représentant du travailleur.

 

LES FAITS

[25]           Le 21 juin 1996, le travailleur produit une réclamation.  Il exerce la fonction de mécanicien-soudeur depuis le 16 juin 1986.  Il allègue présenter une maladie pulmonaire en relation avec son exposition au travail.  Le 29 août 1996, le travailleur s'adresse à la CSST en ces termes : 

« […] 

 

Depuis le 26 octobre 1995, le dr. Marcel Dumont est mon médecin traitant.  Lors de ma première visite à son bureau, je me sentais très fatigué, plus que d'habitude.  J'avais de la difficulté à respirer.  Tout cela était accompagné de maux de cœur, d'étourdissements et de très fort maux de tête.

 

Suite à cela, le dr. Dumont m'a envoyé passé des tests au C.L.S.C. le 2 novembre dont, vous avez les résultats.  J'ai revu mon médecin le 20 novembre 1995 et il m'a recommandé un arrêt de travail jusqu'au 8 janvier 1996.

 

Avec toute la bonne volonté du monde, j'ai travaillé du 8 au 19 janvier 1996.  Quelques jours après mon retour au travail, mes supérieurs m'ont remis une lettre me disant que je n'étais pas assez en forme pour remplir mes fonctions.

 

J'ai été revoir mon médecin et il m'a retiré du travail une seconde fois, soit du 19 janvier au 19 février 1996.  Avant mon arrêt de travail, j'avais au travail de la difficulté à respirer, je sentais des brûlures à la gorge et aux bronches, et souvent je devais me prendre la tête entre les mains tellement j'avais mal, je souffrais également d'une très grande fatigue.

 

J'ai repris le travail le 19 février jusqu'au 22 mars, et cela de peine et de misère, les mêmes symptômes et maux étant revenu de plus belle.

 

Le 22 mars, je prenais un congé parental pour être sûr d'avoir un peu d'argent pour faire vivre ma famille.  J'ai 4 enfants et ce congé parental m'assurait des revenus et me permettrait aussi de récupérer un peu physiquement.

 

Donc, je fus en congé parental et en vacances du 22 mars au 28 juin.  Mon état de santé s'étant nettement amélioré au cours de cette période, j'ai repris le travail le 30 juin et ce, jusqu'au 16 août.  J'ai d'ailleurs rencontré mon médecin le 15 pour l'aviser avant mes vacances que mon état de santé s'était détérioré.  J'avais toujours d'horribles maux de tête ainsi que de la difficulté à respirer.  J'ai donc pris du 18 août au 3 septembre mes 2 dernières semaines de vacances.

 

Vous comprendrez donc que c'est avec appréhension que j'entrevois mon retour au travail le 3 septembre.  Les périodes de travail sont de plus en plus courtes, et je suis de plus en plus malade.  Je tiens en terminant à vous rappeler que dans l'usine et autour de celle-ci, on retrouve dans l'air que je dois respirer : 

 

-           fumée d'usine

-           gaz de combustion

-           monoxide et dioxide de carbone

-           diésel, essence et gaz propane

 

 

-           gaz d'échappement de « lift »

-           poussières de sable de moulage contenant des produits chimiques toxiques

-           poussières de métal, de fonte, de carbone, de charbon

-           et autres matières en suspension dans l'air. » [sic]

 

 

[26]           Sur le plan médical, le travailleur consulte le 26 octobre 1995 pour des étourdissements, céphalées et maux de cœur.  Il en est de même le 20 décembre 1995, alors qu'il est devenu incapable de fonctionner.  Le 23 février 1996, le pneumologue Jean Bourbeau procède à une évaluation.  Il indique qu'il n'y a aucune évidence d'hyperactivité bronchique spécifique.  Ce 23 février 1996, le pneumologue Michel Yves Rouleau conclut, suite à des tests d'allergie négatifs, que le travailleur présente des symptômes de dyspnée en milieu de travail avec une évolution fonctionnelle respiratoire négative en laboratoire.  Il suggère que le travailleur soit doté d'un débitmètre pour une évaluation en milieu de travail.

[27]           Le 14 avril 1996, le pneumologue Michel-Yves Rouleau fait état de phénomène de bronchospasme en milieu de travail, et ce, suite à la variabilité notée entre les débits de pointe en milieu de travail et à la maison.  Il conclut comme suit:

« Dans le contexte où malgré une investigation en laboratoire négative, il y a une variabilité des débits de pointe à domicile et en milieu de travail, il y a présomption d'un phénomène de bronchospasme en milieu de travail et je crois que ce patient devrait être référé à la CSST avec comme diagnostic « présomption d'asthme en milieu de travail ».  Monsieur Lambert pourra ouvrir une réclamation du travailleur dans la région des Bois-Francs et vous pourriez ouvrir son dossier de la CSST du point de vue médical en incluant mes 2 notes de consultation ainsi qu'une photocopie des débits de pointe.

 

Il est à se rappeler qu'une étude des débits de pointe en milieu de travail dans un tel contexte ne peut que soulever une présomption.  Il ne confirme pas le diagnostic car il y a une composante personnelle à accomplir la technique dans un tel cas.  Pour une meilleure évaluation il faudra qu'il y ait une étude en milieu de travail des courbes d'expiration forcée au moment où le patient est symptomatique avec la présence d'un technicien en fonction respiratoire et d'un spiromètre.  De plus de nouvelles études de provocation bronchique pourront être faites si les symptômes ont tendance à réapparaître au moment où les symptômes réapparaissent.  Le Comité d'asthme professionnel qui l'évaluera pourra prescrire ces différents examens en temps opportun.  Le patient me raconte qu'il ne retourne pas en milieu théoriquement avant au moins juin 1996. »

 

 

[28]           Le 7 octobre 1996, les examens spécifiques font état d'un bilan de base normal.  La provocation bronchique à la métacholine révèle une activité bronchique normale.  Quant à l'épreuve d'effort au 9 octobre 1996, elle rapporte une capacité fonctionnelle normale.

[29]           Le 11 octobre 1996, le CMPP, en les pneumologues Serge Boucher, Jean-Guy Parent et Marc Desmeules, procède à l'examen du travailleur en regard d'une dyspnée en relation avec son travail. Le rapport du comité relate l'histoire occupationnelle et l'histoire de la maladie.  Il fait état d'antécédents personnels et familiaux non contributoires.  Quant aux habitudes de vie, on lit ce qui suit:

« Les contacts avec les irritants non spécifiques à la maison n'apportent pas de symptômes respiratoires semblables à ceux éprouvés en milieu de travail.  Dans son environnement, il possède des animaux, vaches, poules, chats et chiens.  Il dort avec des oreillers de mousse.  Il n'y a pas de tapis dans la chambre à coucher.  Le chauffage est au bois. »

 

 

[30]           Le rapport du comité se poursuit en précisant que les tests de fonction respiratoire se sont  avérés dans la limite de la normale.  Ledit comité conclut comme suit:

« Ce patient présente une symptomatologie où l'on sent dominer la fatigue, la toux, les céphalées et la dyspnée. Le tableau n'est pas très classique d'un asthme bronchique. Le bilan fonctionnel respiratoire, que nous avons fait aujourd'hui, se révèle complètement normal.  Nous avons pris connaissance également de l'investigation faite par le docteur Michel Rouleau, pneumologue, à l'hôpital du St-Sacrement, en avril 1996.  Nous avons revu la mesure des débits de pointe qui ont été faits au travail et hors travail.  Nous ne sommes pas impressionnés par les variations des débits de pointe qui, pour l'essentiel, demeurent toujours supérieurs à 500 litres/minute, à quelques exceptions près.  Aucun profil de chute systématique supportant un diagnostic d'asthme professionnel ne peut être retrouvé.  L'épreuve fonctionnelle respiratoire était normale à l'Hôpital St-Sacrement.  Les tests cutanés étaient également tous normaux.

 

Après avoir revu l'ensemble des éléments de ce dossier, le Comité estime qu'il n'a vraiment aucune base pour poursuivre une investigation d'asthme professionnel et ne retrouve aucun argument pour supporter actuellement un diagnostic d'asthme.  Par conséquence, aucune maladie professionnelle n'est reconnue et aucun D.A.P. n'est accordé. »

 

 

[31]           Le 14 novembre 1996, le CSP, en les pneumologues Raymond Bégin, Jean-Jacques Gauthier et Gaston Ostiguy, entérine les conclusions émises par le CMPP.  Il conclut en l'absence de maladie pulmonaire professionnelle et n'accorde aucun pourcentage pour une atteinte permanente à l'intégrité physique.

[32]           Lors de l'audience, messieurs Yvon Lambert, le travailleur dans la présente cause, Marcel Dumont, médecin ayant charge du travailleur, et Jacques Normandeau, toxicologue, témoignent.  La Commission des lésions professionnelles retient ce qui suit du témoignage du travailleur:

.1)    Son expérience de travail est telle que décrite à la page 4 du document déposé sous la cote T.1, soit:

- journalier de jour à l'usine pendant 4 mois en 1986

- mécanicien de jour à l'usine en 1986 et 1987

- aide-mécanicien de jour au garage à compter du 26 octobre 1987

- mécanicien de jour au garage de 1988 à 1991

- mécanicien de jour à l'usine en 1991 pendant environ 1 mois

- mise à pied pour une période de 3 mois en 1991

- journalier au meulage à l'usine pendant 3 mois en 1992

- mécanicien de jour au garage en 1992 et 1993

- mise à pied de 2 mois en 1992

- mécanicien de soir au fourneau à l'usine pendant 1 mois en 1993

- mécanicien de jour et soir au garage en 1993

- mécanicien de soir au garage en 1994 et 1995

- mise à pied d'un mois en 1994

- congé parental à l'été 1994 pour une période de 3 mois

- mécanicien de soir au garage à l'été 1995 et à l'usine à l'hiver 1995

- mécanicien de soir à l'usine à l'hiver 1996

- mécanicien de jour au garage à l'été 1996 pour une période de 2 mois puis affecté, à nouveau, à l'usine en septembre 1996

 

 

.2)    A titre de mécanicien à l'usine en 1986 et 1987, son travail consiste en la réparation et l'entretien des machines dites « dépoussiéreurs » et « grenailleuses ».  Chacune d'elles est au nombre de 5.  Il est très rare, à cette époque, qu'il s'occupe de d'autres types de machines.  Il passe près de 55 % de son temps de travail à souder.  De ce pourcentage, 75 % consiste en de la soudure à l'intérieur des grenailleuses et des dépoussiéreurs et 25 % à l'extérieur de ces machines, soit en entretien général ou sur les passerelles.  Le reste du temps est consacré au remplacement de pièces à l'intérieur des grenailleuses.  Quant à la soudure elle-même, il s'agit d'une soudure au manganèse, pour ce qui est de la soudure effectuée à l'intérieur des machines, et d'une soudure à l'acier, pour celle effectuée à l'extérieur des machines.  Il porte un masque à souder, lequel a pour effet de le protéger contre les rayons.  Il n'y a aucune autre protection, alors que les machines sont en position d'arrêt au moment des différents travaux.

.3)    La grenailleuse est une espèce de cuve de plusieurs pieds carrés, munie d'une porte, qui reçoit des pièces à nettoyer.  Le nettoyage se fait à l'aide de billes venant percuter contre la pièce alors que ladite pièce est déplacée par un pont roulant.  Les grenailleuses 1 et 2 possèdent une porte d'environ 5 pieds par 7 pieds, dont l'ouverture est de 4 pieds et demi par 6 pieds.  Les grenailleuses 3 et 4 possèdent une porte plus petite, soit une ouverture de 3 pieds et demi par 4 pieds.  La grenailleuse 5 dispose d'une ouverture de 2 pieds par 5 pieds.  Cette dernière emprisonne plus facilement la boucane à l'intérieur.  Il faut sortir prendre de l'air car il y a suffocation.  Après 1987, il est allé travailler une fois sur les grenailleuses en 1993 puis une fois en 1996.

.4)    Le dépoussiéreur est une machine de 10 pieds par 10 pieds par 20 pieds de haut et il est muni d'une petite porte.  Il contient environ 200 poches, lesquelles mesurent 4 pouces par 20 pieds.  Ces quelque 200 poches ramassent la poussière des meules et des « buffers ».  Le dépoussiéreur n'est pas pourvu d'un système de ventilation.  Il est affecté à l'entretien et la réparation des dépoussiéreurs, 3 mois après avoir débuté le travail aux grenailleuses.  Lors de l'entretien de ceux-ci, il faut entrer par les portes.  Le simple déplacement à l'intérieur des machines fait descendre la poussière.

.5)    A l'époque où il voit à l'entretien et la réparation des dépoussiéreurs et des grenailleuses, il y a, non loin de la grenailleuse 5, fabrication de moules.  La machine qui s'occupe de cette fabrication laisse échapper de la boucane bleue.  Au moment de faire les réparations sur cette grenailleuse 5, alors qu'il faut monter jusqu'au plafond, il reçoit cette boucane.  Il présente des maux de tête.

.6)    Lorsqu'il effectue son travail aux dépoussiéreurs et aux grenailleuses, il ressent des symptômes précis.  Il s'agit, aux grenailleuses, d'irritation de la gorge, de maux de tête, d'assèchement de la gorge et d'étourdissement.  Il crache et mouche et les résidus sont de couleur noire.  En ce qui a trait aux dépoussiéreurs, les symptômes sont: de l'irritation à la gorge, de l'assèchement des bronches, un nez qui bouche, des yeux rougis et une irritation de la peau et des sinus.  Il y a également des expectorations de couleur noire.  Il ne consulte pas de médecin à l'époque de 1986, 1987 et 1988, malgré la présence de ces symptômes.

.7)    Il postule sur un autre poste de travail et devient aide mécanicien à compter du mois d'octobre 1987 au garage.  Il s'agit de faire l'entretien et la réparation de chariots élévateurs, de loaders, de camions et de pelles hydrauliques.  Le garage mesure environ 40 pieds de large par 50 à 60 pieds de long par 14 pieds de haut.  Il est muni de 2 portes de 12 pieds par 12 pieds.

.8)    Entre 1987 et 1993, la ventilation au garage consiste en 2 ventilateurs ordinaires.  L'un d'eux est placé du côté nord au-dessus de la porte et l'autre, plus petit, est placé du côté sud et souffle l'air sur le toit.  Ce dernier ventilateur ne mesure que quelques pouces de diamètre.  Il n'y a aucun tuyau permettant au gaz d'échappement de sortir directement à l'extérieur.  A compter de 1993, la ventilation est de type artisanal.  Ce sont les employés qui ont fabriqué un tube de 12 pouces.  Ce tube est relié au tuyau d'échappement puis au ventilateur placé au-dessus de la porte.  Ce système est efficace pour les loaders, inefficace pour les camions et impossible pour les chariots élévateurs.

.9)    Le travail sur les chariots élévateurs consiste dans le changement d'huile, la réparation de la transmission, la réparation de la conduite et des crevaisons.  Pour les loaders, il faut changer l'huile, faire le graissage et faire des soudures, occasionnellement.  En ce qui concerne les camions, il s'agit du changement d'huile, du graissage, de la réparation de la transmission, de la réparation du moteur ou encore de la réparation de la boîte de vitesse.  Il y a aussi de la soudure dans le cadre des entretiens.

.10)           A cette époque, il est le seul au garage à faire les soudures.  Cette action prend de 16 à 18 heures par semaine.  Il s'agit d'une soudure au « stainless » et d'une soudure à l'acier.  A cette même époque, soit en 1987, 1988 et 1989, il est seul, avec monsieur Yves Hamel, à exercer la fonction d'aide mécanicien et mécanicien.  A compter de 1993, il occupe la fonction de mécanicien de soir et il est seul.

.11)           Lorsque le chariot élévateur arrive au garage, il est couvert de poussière.  Il faut envoyer un jet d'air pour l'en débarrasser, ce qui a pour effet de recevoir cette poussière sur soi.  Il en est de même lorsque ledit chariot est en opération dans le garage.  Il ressent alors des malaises et des maux de tête, lesquels sont aussi déclenchés par les odeurs du diesel dégagées par le chariot élévateur.

.12)           Le « loader » est muni d'un moteur diesel.  Comme il ne va pas dans l'usine, la poussière est moins importante.  Cependant, lorsqu'il est en fonction dans le garage, la poussière se détache.  Celle-ci, combinée à l'odeur du diesel, provoque des maux de tête.

.13)           Les camions sont au gaz.  Ils laissent échapper beaucoup de boucane, car ils servent uniquement au transport du matériel.  Leurs déplacements sont très restreints.  Ils sont donc encrassés.  La boucane donne des maux de tête, des maux de cœur et la gorge devient irritée et sèche.

.14)           En 1994, le jet d'eau est mis en place pour procéder au nettoyage dans le garage, et ce, en remplacement du jet d'air.  Il est branché en permanence pour accélérer son utilisation.  Il est toutefois impossible de s'en servir durant la saison froide en raison du gel sur les différentes machineries.  Il est aussi impossible de s'en servir lorsque la réparation est urgente.  En tout et partout, ce système est efficace dans une proportion de 25 % du temps, et ce, en période douce.

.15)           En 1993, il est affecté pendant un mois à l'entretien des fourneaux et des câbles servant à y amener la «scrap ».  Ces fourneaux servent à faire fondre la fonte.  Son environnement est alors rempli de boucane et de poussière, ce qui lui donne des maux de tête.

.16)           Il va aussi travailler aux fourneaux en 1996, pour une durée de 2 semaines.  Il a fait le même travail qu'en 1993 et l'environnement de travail est demeuré le même.  Il y a, toutefois, un système antipollution, soit des poches d'amiante qui ramassent les résidus.  Malgré ce système, les résidus s'échappent.  Lorsqu'il répare lesdites poches, il sort de son travail avec des maux de tête importants.

.17)           En 1995, il présente un état de fatigue important et ne va pas très bien.  Lorsqu'il répare des machines et qu'il reçoit de la poussière, il présente de l'irritation.  Il se sent étouffé.  Le 10 mars 1995, il prend un congé de plusieurs semaines, ce qui permet une certaine récupération.

.18)           En janvier 1996, il retourne aux fourneaux.  Il n'y a pas non plus de réelle ventilation.  Il ne se sent pas bien et c'est pire lorsque les réparations l'amènent au plafond, et ce, dans une proportion de 2 heures à 2 heures et demi par jour.  Les maux de tête s'installent, dès qu'il respire la boucane bleue.  Il crache du sang.  Il cesse le travail entre le 19 janvier et le 19 février 1996, en raison de cet état de fatigue et de son incapacité à récupérer.  Il retourne aux fourneaux du 19 février au 22 mars 1996.  Au 22 mars 1996, il ne va pas bien.  Il présente des maux de tête et il est très fatigué.  Il part en congé parental jusqu'au mois de juin 1996.

.19)           Au mois de juin 1996, il reprend le travail au garage de jour.  Il fait l'entretien de la machinerie.  Il est toujours fatigué et il ne se sent pas bien dès qu'il soude et qu'il est en contact avec la poussière et la boucane.  Il voit donc son médecin au mois d'août 1996 et prend 2 semaines de vacances.

.20)           Le 3 septembre 1996, il reprend le travail aux fourneaux.  Il procède à l'entretien et il fait de la soudure.  Il ne se sent pas bien et il est toujours très fatigué.  Le lendemain, 4 septembre 1996, il travaille à la centrifuge.  Il fait du sablage.  Plus rien ne va et son contremaître l'envoie chez lui.  Il voit son médecin et il ne reprend pas son travail par la suite.

.21)           Après cet arrêt de travail et durant la première année, il a de la difficulté à récupérer quoiqu'il respire mieux.  Au cours de la seconde année, la situation s'améliore.  Il ne présente pas de difficulté s'il n'est pas en contact avec de la boucane, le diesel ou encore la poussière.  En 1999, il se sent amélioré dans une proportion de 90 %.  Il a aujourd'hui une ferme d'animaux à bœuf, ce qui ne lui cause pas de difficulté sur le plan médical.

.22)           Sur le plan médical, il passe une nuit à l'urgence, en 1993, car il a de la difficulté à respirer et présente des crampes au ventre.  Une semaine plus tard, il voit le docteur Ouellet et se soumet à une série de tests.  Il n'y a toutefois pas de test respiratoire.  Entre 1993 et 1995, il rencontre le docteur Yvan Poulin.  Il l'avait consulté en 1992 en raison de difficulté à respirer et crachait du sang.  Il travaillait alors au meulage.  Le docteur Poulin lui avait fourni une pompe et lui avait conseillé de changer de travail.  Il soupçonnait la présence d'un asthme.  Il n'a jamais consulté pour des problèmes respiratoires avant 1992.

.23)           En 1994, il rencontre le docteur Piuze.  Il présente encore de la difficulté à respirer.  Ce dernier  lui prescrit un médicament pour la grippe.  Il n'est pas question d'un diagnostic en rapport avec un problème respiratoire.  Il n'a pas subi de test respiratoire.  Il n'est pas placé en arrêt de travail, ne produit pas de réclamation à la CSST et ne reçoit pas de pompe.

.24)           Le 26 octobre 1995, il consulte le docteur Marcel Dumont.  Il a de la difficulté à respirer, présente des maux de tête et des étourdissements, des maux de cœur, ressent une grande fatigue et des engourdissements.  Le 20 novembre 1995, il cesse le travail sur l'ordre de son médecin.  Aucun examen de la fonction respiratoire n'est fait.

.25)           Il produit une réclamation le 21 juin 1996, et ce, sur la recommandation du docteur Michel-Yves Rouleau, pneumologue.  C'est ce dernier qui l'a informé du droit aux bénéfices de la CSST.  Il a retardé à produire ladite réclamation car il croyait que c'était le docteur Rouleau qui le ferait.  C'est uniquement après avoir appelé à ladite CSST qu'il apprend que c'est à lui de faire les démarches en ce sens.

.26)           C'est lui qui a complété le document relatif au débit de pointe, tel qu'on le retrouve au dossier aux pages 31 et suivantes.  Il s'agit de débits pris avant d'aller travailler et immédiatement au retour.

.27)           Il a produit une réclamation en assurance-salaire.  Il n'a reçu aucune prestation en raison du fait qu'il n'est pas considéré invalide.  Il est informé du refus le 30 janvier 1997.  (document déposé sous la cote E.3)

[33]           La Commission des lésions professionnelles retient, du témoignage du docteur Marcel Dumont, ce qui suit:

.1)    Il est détenteur d'un doctorat en physiologie et médecine industrielle.  Il pratique de la médecine industrielle depuis une quinzaine d'années.

.2)    Il partage l'opinion du CMPP et du CSP quant à l'absence d'un asthme professionnel.

.3)    Le travailleur a présenté une intoxication mixte à une multitude de substances contenues dans les fumées et les poussières avec des symptômes de bronchospasme léger ponctuel entraînant des céphalées, des maux de tête et des étourdissements.

.4)    La symptomatologie présentée par le travailleur découle de son exposition dans son milieu de travail, et ce, en raison des éléments suivants : 

-         la présence des fumées et des poussières; 

-         la symptomatologie s'installe dès qu'il y a retour au travail, que ce soit en 1995 ou 1996; 

-         il y a amélioration de la symptomatologie lorsque le travailleur est retiré du milieu de travail; 

-         il y a une variation du débitmètre suivant que le travailleur est exposé ou non; 

-         lors des tests, en octobre 1996, le travailleur n'est plus exposé.  Il y a donc lieu de ne pas tenir compte de tels tests; 

-         l'étude environnementale effectuée en 1997 n'est pas valide car elle n'a pas été faite au moment de l'exposition du travailleur.

.5)    Il y a lieu d'analyser avec prudence l'avis de la docteure Suzanne Trempe, du 4 janvier 1996, car elle donne une opinion alors que le travailleur est hors travail depuis un certain temps.

.6)    Les résultats aux tests obtenus par le CMPP ne sont pas précis.  Ces tests n'ont pas été effectués par un technicien et n'ont pas été faits en milieu de travail.  Ils ont été obtenus plus d'un an après l'exposition dans le milieu de travail.  Par ailleurs, le CMPP travaille habituellement dans un contexte d'exposition chronique.

.7)    Du 26 octobre 1995 au 18 janvier 1996, il voit le travailleur aux 15 jours.  Ledit travailleur présente alors une symptomatologie vague d'asthénie, fatigue, étourdissements, céphalées, crampes abdominales et détresse respiratoire réelle.

.8)    Intrigué par la détresse respiratoire, il soumet le travailleur à une série de tests visant à écarter une exposition d'ordre personnel, à écarter une exposition au plomb ou encore au monoxyde de carbone.  L'ensemble des tests donne des résultats normaux et le taux de plombémie est à .17, ce qui est normal.  Il soupçonne dès lors le milieu de travail comme étant responsable de la symptomatologie et réfère le travailleur au docteur Rouleau pour des tests de débit de pointe.  Ces derniers ont démontré une variation significative permettant de présumer une exposition nocive dans le milieu de travail.

.9)    L'exposition du travailleur ne peut pas être qualifiée de chronique, mais bien de ponctuelle.  Ce dernier est exposé de manière sporadique.  Le travailleur a donc présenté un phénomène aigu et non pas de symptômes chroniques.

.10)           Les différentes formules sanguines en 1995 et 1996 sont normales.  Cela écarte tout problème d'ordre viral.  Il ne produit pas d'attestation médicale, lors des premières visites, car il attend d'avoir la confirmation de la relation médicale causale.

.11)           Les symptômes présentés par le travailleur sont ceux retrouvés à la liste des matériaux à souder (déposé sous la cote T.1 D).  Lesdits symptômes constituent une maladie pulmonaire parce que les substances toxiques sont absorbées par voie pulmonaire et que ça donne une symptomatologie pulmonaire objective.

.12)           Le travailleur présente une variation biologique qui le rend plus vulnérable qu'un autre.  C'est cette variabilité qui entraîne peut-être le bronchospasme en milieu de travail.

.13)           La radiographie du 23 février 1996, quoique montrant une inflammation, ne nous renseigne pas sur la source de cette inflammation.

.14)           L'approche médicale est une approche individuelle et non épidémiologique, tel qu'il appert de l'expertise de monsieur Jacques Normandeau, toxicologue.  L'approche épidémiologique ne tient pas compte de la variabilité biologique.  Or, cette variabilité, dans l'exemple de la consommation d'alcool, fera en sorte qu'une personne aura des problèmes à .05, même si la norme est de .08, alors que d'autres présenteront des difficultés uniquement à .10.

.15)           Les symptômes rapportés par le travailleur ne sont pas de nature neurologique ou psychiatrique.  Aucun médecin n'a jugé bon de référer à une étude en neurologie ou en psychiatrie.  Il n'y a pas 5 % des cas en toxicologie que l'on réfère en psychiatrie ou en neurologie.  Le travailleur ne présente pas de symptômes, tels tachycardie, insomnie, etc., laissant présager un problème psychiatrique.

[34]           En ce qui a trait au témoignage de monsieur Jacques Normandeau, toxicologue, la Commission des lésions professionnelles tient d'abord à préciser, compte tenu que l'opinion de celui-ci est rapportée de façon très détaillée un peu plus loin dans la présente décision, que seuls les éléments non compris dans ladite opinion, ou encore les éléments d'explication, sont retenus aux fins de son témoignage.  Ce sont les données suivantes:

.1)     Il est diplômé en biologie de l'université de Montréal.  Il possède une maîtrise en hygiène de l'environnement et un Phd en santé communautaire en toxicologie industrielle et environnementale.  Il a travaillé comme technicien en physiologie respiratoire, etc..(C.V. déposé sous la cote E.4)

.2)    Il ne possède pas de diplôme en médecine.  Il s'occupe toutefois de santé au travail depuis de nombreuses années.  Il produit des expertises dans le domaine.  Il donne de la formation sur les maladies respiratoires professionnelles.  Il n'est pas habileté à poser un diagnostic.

.3)    Il a déjà agi dans les dossiers de fonderies de fonte, et ce, dans le cadre de la santé environnementale beaucoup plus que dans celui de la santé au travail.  Il connaît les fonderies pour avoir déjà rédigé de la documentation sur le sujet lors de son expérience de travail à la CSST.  Il a participé à la rédaction du règlement sur le plomb et le benzène.

.4)    En page 10 et suivante de son opinion, il a colligé les données relatives à la fonction de travail du travailleur et de ses symptômes, et ce, à partir de ce qui est contenu dans les différents documents soumis à son attention.  En page 14, se retrouvent les périodes d'exposition au garage et à l'usine, ces périodes étant potentiellement plus dangereuses pour la santé du travailleur.

.5)    En page 15, ce sont les substances susceptibles de se retrouver dans les matériaux utilisés ou encore susceptibles de se retrouver dans certains types d'emploi ou enfin, à la suite d'un procédé de travail.  Ces substances sont celles qui pourraient être compatibles avec des symptômes respiratoires et présentes dans le milieu de travail du travailleur.  Quant au niveau critique identifié, il s'agit d'un seuil de danger eu égard aux effets sur le système respiratoire.  Ce tableau, de la page 15, tire une parties de ses données de la conférence américaine des hygiénistes industriels gouvernementaux (ACGIH).  Ce n'est pas un règlement.  Cet organisme fait des recommandations quant au niveau d'exposition.  Ce qui est cité, ce sont des niveaux d'expositions moyen provoquant certains effets.  Ces niveaux ne changent pas avec le temps.  Seule la norme d'application change.

.6)    On peut respecter une norme et avoir des effets et ne pas respecter une norme et ne pas présenter d'effet.  La marge de manœuvre peut déprendre de la variabilité biologique, de l'effet que l'on recherche et du temps d'exposition.  L'établissement d'une norme est tributaire des connaissances scientifiques au moment de son établissement, alors que lesdites connaissances s'améliorent avec le temps.  Les normes peuvent donc être abaissées ou relevées.

.7)    Il est important de vérifier la question d'hyperexcitabilité bronchique puisqu'en présence d'une telle situation, il pourra y avoir une réaction lors de l'exposition à des doses minimes d'un irritant alors que d'autres personnes n'en souffrent pas. Les examens médicaux, tels que listés en page 16, ne démontrent pas une telle hyperexcitabilité bronchique pour le travailleur.

.8)    En regard des symptômes rapportés, il y a lieu de vérifier la condition personnelle du travailleur, condition qui pourrait expliquer de tels symptômes. C'est donc normal de procéder à une série de tests en vue d'une telle démonstration.  Dans le cas du travailleur, les tests se sont avérés dans la limite de la normale.

.9)    Quoique le docteur Michel-Yves Rouleau précise que le travailleur présente des symptômes de dysphnée en milieu de travail, alors que l'évaluation est négative en laboratoire, cela ne constitue pas une affirmation voulant que ledit travailleur soit véritablement porteur d'une dysphnée.

.10)           Le débit de pointe c'est le débit maximal d'air qui va sortir.  Cela mesure la résistance de l'arbre trachéo bronchique au passage de l'air.  Le test doit être bien fait pour s'assurer de l'exactitude des données.  La prise des telles données par le travailleur ne signifie pas que celles-ci soient inexactes.

.11)           Dans le cas du travailleur, les débits de pointes montrent une variation en regard des mesures, uniquement si l'on effectue une moyenne relative à la pré et la postexposition, alors que ledit travailleur revient d'un congé.  Cette différence est statistiquement significative même si elle est minime.  Il n'y a pas toutefois pas de véritable variation lorsque l'on compare les données en pré et en post-exposition pour la même journée de travail.  Normalement, la mesure en pré-exposition, au cours de la semaine de travail devrait être la même que celle notée en pré-exposition lors d'un congé.  Si tel n'est pas le cas, la littérature indique que cela peut signifier que l'organisme du travailleur produit des symptômes d'origine anxieuse dénotant qu'il n'aime pas être placé dans des conditions jugées agressives.

.12)           Quoique les mesures devraient de préférence être prises par des gens habiletés en la matière, il est fréquent que ce soient les travailleurs qui agissent à la place de ces personnes à l'étape du dépistage, et ce, pour une question de logistique.

.13)           En page 25, on retrouve uniquement les possibilités retracées dans la littérature scientifique, et ce, en mettant en corrélation les symptômes rapportés par le travailleur.  De cette analyse, il y a lieu de conclure qu'il n'y a pas de correspondance entre la symptomatologie présentée par le travailleur et l'exposition au travail.  Pour que la relation soit possible, il aurait fallu que le travailleur soit porteur d'une hyperexcitabilité bronchique ou encore, que l'on retrouve dans le milieu de travail d'autres personnes qui présentent les mêmes symptômes.

.14)           L'histoire occupationnelle du travailleur nous indique qu'il a travaillé à des postes différents.  Malgré cela, il n'y a pas de variation dans les symptômes, ce qui est inhabituel.  Cette absence de variation, additionnée au fait que le travailleur ne présente pas d'hyperexcitabilité bronchique et au fait qu'il a des réactions chez lui s'il est exposé aux odeurs de diesel, ne permet pas d'expliquer la symptomatologie présentée par le travailleur.  Cela rend donc non plausible la relation avec l'exposition au travail.

.15)           Les symptômes présentés par le travailleur peuvent être de nature neurologique ou psychologique.  Suivant la littérature, le travailleur aurait du être soumis à une investigation plus complète afin d'infirmer ou de confirmer la présence d'une névrose d'anxiété.  Ce n'est toutefois pas la norme au CLSC de soumettre la personne à une évaluation en psychiatrie ou en neurologie lorsqu'il est question d'intoxication.

.16)           Les symptômes présentés par le travailleur ne sont pas tous en relation avec une atteinte respiratoire, comme la céphalée, la paresthésie et le douleur abdominale.  Ces derniers peuvent être de nature neurologique

.17)           La diminution du murmure vésiculaire, telle que notée par le docteur Marcel Dumont, n'a pas été retenue par aucun autre médecin.  De plus, il y a absence de râle et de sibilants.  Normalement, en présence d'hyperexcitabilité bronchique, on va retrouver des râles et des sibilants.  De plus, la littérature scientifique ne rapporte pas d'association entre les symptômes présentés par le travailleur et le type d'entreprise dans lequel il travaille.  Lorsqu'il y a association, nous sommes en présence d'une hyperexcitabilité bronchique.

[35]           Lors de cette même audience, les documents suivants sont déposés : 

T.1:                  Étude industrielle effectuée en janvier 1997 par Michel Legris, hygiéniste industriel au Complexe de Santé et CLSC Paul-Gilbert.

T.1 a) b) c) d):  Annexes à l'étude industrielle.

T.2:                  Notes médicales de l'urgence en 1994, document du docteur Piuze de mars 1994, un rapport de radiologie de mars 1994, un rapport d'urgence de mars 1995 et une évaluation de nursing de mars 1995.  (Ces documents ont été transmis après la date d'audience à la demande du représentant de l'employeur)

E.1:                  Opinion médicale de la docteure Suzanne Trempe du 4 janvier 1996, incluant en annexe un feuillet faisant état de l'expérience de travail du travailleur. (E2 et E3)

E.4:                  C.V. de Monsieur Jacques Normandeau, toxicologue

E.5:                  Rapport d'expertise de Jacques Normandeau, toxicologue, du 5 juillet 1999.

[36]           En ce qui a trait à l'étude industrielle de monsieur Michel Legris, en date de janvier 1997, le document précise que ladite étude a pour but d'identifier les substances, particulièrement les poussières de silice et de métaux, auxquelles le travailleur a pu être exposé.  Cette étude a été commandée par la CSST.  À noter que la CSST rend sa décision, en l'espèce, sans référer à cette étude, cette dernière ayant été produite en 1997.

[37]           Monsieur Michel Legris indique, en premier lieu, que la Fonderie Bibby est une fonderie de fonte grise et que les matières utilisées sont de la fonte et du fer recyclé, auxquels des briquettes d'alliages de ferrosilicium et d'alliage de manganèse sont incorporées dans le four.  Monsieur Legris fournit, en annexe, un document faisant état des produits utilisés en 1996.  Il précise que les différents produits ont été changés à quelques reprises au cours des dernières années.  Il s'agit du document déposé sous la cote T.1a), intitulé « Produits utilisés Fonderie Bibby Sainte-Croix inc. ».

[38]           Monsieur Michel Legris poursuit en rapportant l'histoire occupationnelle.  Le tableau 1, intitulé sommaire de l'histoire occupationnelle du requérant, indique ce qui suit[2]:

« 1986 (4 mois), journalier à l'usine de jour

 

1986-1987, mécanicien à l'usine de jour

 

1987 (2 mois), aide-mécanicien au garage de jour (à compter du 26 octobre 1987)

 

1988-1991, mécanicien au garage de jour

 

1991 (<1 mois), mécanicien à l'usine de jour

 

1991 (3 mois) Mise à pied

 

1992 (2 mois), journalier meulage à l'usine (pendant 3 mois et non 2 mois)

 

1992-1993, mécanicien au garage de jour

 

1992 (2 mois), mise à pied

 

1993 (1 mois), mécanicien à l'usine de soir (au fourneau)

 

1993, mécanicien au garage de soir

 

1994 (1 mois) mise à pied

 

1995 (3 mois), congé parental (c'est en 1994 à l'été et non en 1995)

 

1995, mécanicien de soir au garage pendant la période estival et à l'usine pendant la période hivernal)

 

1996, mécanicien à l'usine de soir (pendant l'hiver)

 

1996 (2 mois), mécanicien au garage de jour.  (pendant l'été)

 

1996 en septembre, réaffecté à l'usine»

 

 

[39]           Monsieur Michel Legris décrit chacun des postes de travail, soit le poste de mécanicien d'entretien dans le garage, le poste de mécanicien d'entretien dans l'usine et le poste de journalier.  Les différentes descriptions se lisent comme suit:

« Le mécanicien d'entretien au garage a pour fonction d'entretenir et de réparer les véhicules de la fonderie.  Les principaux véhicules sont les chariots élévateurs (fonctionnant au propane), les camions, les chargeuses sur roues et les pelles mécaniques.  Il effectue tout l'entretien de base des véhicules c'est-à-dire, les changements d'huile, le graissage, le changement de pneus, l'ajustement mécanique et aussi des réparations majeures comme changer des moteurs, des transmissions, etc.  Parmi ses tâches, il répare et remplace des pièces des véhicules.  Il peut s'agir de renforcer les pattes des chariots élévateurs, des chargeuses, etc.  Il fait régulièrement des opérations de soudage à l'arc et en particulier il utilise des électrodes à rechargement de soudage à l'arc et en particulier il utilise des électrodes à rechargement ou chanfreinage (Soudoteck 330 ou 340) et pour le soudage au stainless.

 

Le garage est situé dans un édifice près de l'établissement principal.  On y retrouve tous les outils indispensables aux mécaniciens tels: outils pneumatiques, machine à souder (arc et oxyciyoage), meules, outils manuels, etc.  Il y a une ventilation générale par extraction fonctionnelle et une ventilation locale qui sert occasionnellement (système de ventilation artisanale fabriqué par les mécaniciens).  De plus, il y a une fosse pour l'inspection des véhicules dont la ventilation locale installée en 1995.

 

Dans le garage, nous retrouvons tous les produits utilisés par les mécaniciens à savoir: des acides, des antigels, des cires, de l'essence, des huiles, des résines de polyester, des colles, des dégraisseurs, des diluants, du lave-vitre, des nettoyeurs, des peintures, des scellants, des graisses, des lubrifiants, des métaux d'alliage, etc.  L'annexe 1 présente le détail des produits utilisés par les mécaniciens dans le garage. »

 

 

 

« Dans une fonderie comme celle ou le requérant a travaillé, il y a jusqu'à une dizaine de mécaniciens travaillant simultanément dans l'usine.  Ces mécaniciens voient à l'entretien, à l'ajustement et à l'inspection des équipements que l'on retrouve dans la fonderie.  Les tâches sont très variées et dépendent des entretiens à effectuer.

 

Les tâches d'entretien et de réparation des équipements sont généralement exécutées lorsque ceux-ci ne fonctionnent pas.  Toutefois, les équipements à proximité de l'endroit où les mécaniciens travaillent sont généralement en fonction.  De plus, les appareils ou équipements sur lesquels ils effectuent l'entretien sont régulièrement  en fonction car ils peuvent effectuer des entretiens mineurs ou procéder à des ajustements requis par les opérateurs.  Les circonstances de travail les amènent à travailler là où les opérateurs ne vont pas.  Ces endroits sont les sous-sols, l'intérieur des appareils, la partie haute de l'usine, etc. Les mécaniciens ont leur propre atelier situé près des procédés de fonderie (voir le plan de l'établissement à l'annexe 3).

 

Les tâches d'entretien, de réparation et de construction nécessitent l'utilisation de nombreux outils tels: des meules, des clefs manuelles, des soudeuses à l'arc électrique (plusieurs électrodes différentes), des machines à couper le métal grâce à l'axyacétylène, des pinceaux, des marteaux, des perceuses sur colonne, etc. »

 


 

[40]           Monsieur Michel Legris précise que le travail de mécanicien d'entretien à l'usine amène le travailleur à utiliser plusieurs produits chimiques.  Il identifie l'essence, des graisses, des huiles, des lubrifiants, des solvants, des métaux d'alliage, etc.  L'annexe 1 présente les détails des produits utilisés.  Quant au travail de journalier, il indique ce qui suit:

« A titre de journalier au poste de meulage, il a œuvré au poste de meulage (buffer) et au meulage double.  Ces postes consistent à enlever à l'aide de meules, les surplus de fer sur les pièces coulées.  Il portait comme équipement de protection personnelle une visière et occasionnellement un masque à poussière jetable.

 

A titre de journalier au poste de peinture: il sortait les pièces peinturées ; il accrochait des pièces au convoyeur, il les décrochait lorsque la peinture était séchée ; il les classait, les déposait dans des boîtes et il emballait les boîtes, il nettoyait son poste de travail ; parfois, il brassait le mélange de peinture.  Il portait occasionnellement un masque à poussière jetable comme équipement de protection personnelle. »

 

 

[41]           Monsieur Michel Legris précise que le CLSC intervient à la Fonderie Bibby depuis 1982 et qu'il possède de nombreux échantillonnages de contaminants depuis le début des interventions.  L'annexe 2 présente cet échantillonnage et s'intitule « Tableau synthèse des résultats des mesures ».  Monsieur Legris conclut en faisant état de l'exposition potentielle du travailleur lors de l'exercice de chacune de ses fonctions.  Il rapporte ce qui suit:

«1.       Exposition potentielle du requérant: mécanicien dans le garage : 

 

Les mécaniciens travaillant dans le garage sont exposés aux gaz d'échappement dont le monoxyde de carbone, aux fumées et gaz de soudage, aux poussières provenant des matériaux de la fonderie et à tous les produits utilisés dans le garage.  Toutefois, aucune mesure n'a été effectuée dans le garage où travaillent les mécaniciens.

 

[…] 

 

En ce qui concerne spécifiquement les fumées de soudage, les mécaniciens sont exposés particulièrement aux oxydes des métaux contenus dans les électrodes et le matériel soudé (voir p. 22 de l'annexe 1).

 

 

2.         Exposition potentielle du requérant: mécanicien dans l'usine : 

 

Le requérant a travaillé comme mécanicien dans l'usine et par conséquent, il a été exposé aux mêmes contaminants que les autres travailleurs.  Toutefois, les niveaux d'exposition seront différents car il n'opère pas les appareils.  Le tableau 2 présente  l'étendue possible des concentrations auxquelles peuvent ou ont été exposés les travailleurs de la fonderie Sainte-Croix.  Ce tableau présente la synthèse des mesures effectuées entre 1982 et 1996 à cette fonderie.

 

Quelques échantillonnages ont été effectués auprès des mécaniciens dans l'usine (tableau 2).  Les mesures indiquent que ceux-ci peuvent être surexposés au monoxyde de carbone (26 à 145 ppm) et à la silice (1.96 mg/m3).  Un seul échantillonnage pour les fumées de soudage a été effectué et le mécanicien a été exposé à la demi de la norme (2.3 mg/m3).  Ces résultats très partiels suggèrent que les mécaniciens peuvent être surexposés à des contaminants présents dans l'air de la fonderie.

 

Une autre façon d'apprécier l'exposition des mécaniciens est d'analyser les échantillonnages en poste fixe présentés à l'annexe 2 et résumés au tableau 3.  Ces mesures en poste fixe ne sont pas le reflet de l'exposition du mécanicien qui travaillerait dans cette zone mais une indication de la présence du contaminant dans les environs de la machine ou du procédé.  Lorsque le mécanicien travaille près de ce procédé ou sur un des équipements de ce procédé et que les opérations inhérentes de ce procédé sont en fonction, il peut être exposé à ces niveaux ou à des concentrations similaires.

 

Lors des travaux d'entretien sur les appareils ou les procédés utilisés à la fonderie, les mécaniciens peuvent être en contact avec les produits utilisés par ceux-ci.  L'annexe 1 présente le détail des différents produits utilisés  dans la fonderie.  […] 

 

En ce qui concerne les fumées de soudage, les mécaniciens sont exposés particulièrement aux oxydes des métaux contenus dans les électrodes et le matériel soudé (voir p. 20 et 21 de l'annexe 1).

 

 

3.                  Exposition potentielle du requérant: Journalier

 

A titre de journalier au poste de meulage et de peinture, il a été potentiellement exposé à plusieurs contaminants tel qu'illustré au tableau 2. »

 

 

[42]           Monsieur Michel Legris conclut en ces termes : 

« Le requérant a travaillé plus de 10 années à la fonderie Bibby de Sainte-Croix.  A titre de journalier et plus particulièrement comme mécanicien il a été exposé à de nombreux produits chimiques tout au long de sa carrière dans cet établissement.

 

Les problèmes de santé de M. Lambert peuvent potentiellement être reliés à la multitude de produits chimiques auxquels il a été exposé dans son travail quotidien à la fonderie.

 

Quelques produits présents dans l'environnement de la fonderie peuvent engendrer de l'asthme chez les travailleurs.  Notons particulièrement, les poussières, les isocyanates (MDI), les métaux nickel, cobalt et les chromates provenant des électrodes pour le soudage, les fumées du soudage au stainless, le formol et certaines amines contenues dans les durcisseurs.

 

A noter l'omniprésence du monoxyde de carbone dans l'usine dû à la présence des chariots élévateurs et des procédés à chaud.  Les maux de tête et ses nausées peuvent être reliés à la présence du monoxyde de carbone et à de nombreux autres produits chimiques. »

 

 

[43]           Le tableau 2 auquel réfère monsieur Michel Legris, intitulé « Étendue possible des expositions aux différents postes de travail auxquels peuvent ou  ont été exposés les travailleurs de la fonderie Bibby de Sainte-Croix: Synthèse des mesures effectuées entre 1982 et 1996 (mg/m3) », fait état des normes contenues au Règlement sur la qualité du milieu de travail et des mesures recueillies pour chacune des fonctions exercées et des contaminants retenus.  Ce tableau rapporte, pour le mécanicien, une exposition variant de 26 à 145 ppm en ce qui concerne le monoxyde de carbone, pour une norme de 35 ppm.  Une exposition de 1.96 mg/m3 avant 1995 pour la silice, pour une norme de 0.5 à 2 mg/m3.  Enfin, une exposition de 2.3 mg/m3 aux fumées de soudure, pour une norme de 5 mg/m3.

[44]           Le tableau 3 nous expose, quant à lui, l'étendue des concentrations mesurées en poste fixe près des divers procédés de la fonderie.  On retrouve pour le monoxyde de carbone, une exposition de 15 à 100 ppm à la centrifuge, 30 à 110 ppm au démoulage, 15 à 300 ppm au DISA, 26 à 28 ppm à la finition, 30 à 130 ppm à la fusion, 48 ppm au meulage, 30 à 100 ppm aux moules, 45 à 450 ppm à l'Osbom, 20 ppm à la peinture, 10 à 320 ppm au pet set, 20 ppm au Shell Core, 17 à 310 ppm au SPO, 90 à 110 ppm au système à sable et 30 ppm au whellabrator.

[45]           Le représentant du travailleur dépose des fiches signalétiques relatives aux produits utilisés.  Un ensemble de fiches concerne les électrodes enrobées.  Suivant ces fiches, ceux-ci contiennent des ingrédients dangereux tel le carbon, le manganèse, le chrome, le nickel, le fer, un composé de titanium et du silice.  Dans le cas d'inhalation aiguë, la personne peut présenter des maux de tête, assèchement de la gorge, toux, frissons, fièvre, maux d'estomac, vomissement et fatigue.  Une exposition à long terme peut causer la sidérose ou affecter la fonction pulmonaire/respiratoire.  Le procédé à l'arc électrique place le travailleur en présence de concentrations de carbone, fer, cellulose, manganèse, composé de titanium et de silice.  Il est alors exposé aux mêmes conséquences notées précédemment, et ce, lors de l'inhalation aiguë ou encore d'une exposition chronique.

[46]           En ce qui a trait aux notes médicales déposées après audience et à la demande de la partie intéressée, l'on constate que le travailleur consulte le 5 mai 1993 pour une toux creuse augmentée.  Le diagnostic final est celui de bronchite.  Le 27 février 1994, le docteur Piuze rapporte une douleur à la trachée et une voix éteinte.  Le 3 mars 1994, il y a persistance de râle.  Le 25 mars 1995, il est question d'une gastrite et d'une otite moyenne bilatétale.  Ce 25 mars 1995, le travailleur est soumis à des tests d'allergie.  Il présente alors des étourdissements.  Il mouche et a « tendance à chercher son air ».

[47]           Sous la cote E.1, le représentant de l'employeur dépose une opinion médicale de la docteure Suzanne Trempe datée du 4 janvier 1996.  Cette dernière fait état du suivi médical auprès du travailleur et précise l'état de celui-ci à cette date.  Elle s'exprime comme suit:

« Le patient dit qu'il est encore essoufflé lors de certaines activités.  Cependant, il est amélioré à ce sujet.  Il reste avec un point de côté et un léger essoufflement.  Cependant, ses symptômes sont diminués par rapport à ce qu'il présentait vers la fin de l'automne.  Il n'a plus de gros maux de tête et il tousse beaucoup moins.  Au début, il présentait des nausées importantes mais il n'en a plus actuellement.  Le patient mentionnait que lorsqu'il travaillait dans le garage, il avait une impression de maux de cœur et une impression d'étourdissement.  Il sortait alors dehors, prenait de bonnes respirations et tout rentrait dans l'ordre.  De plus, le patient n'a plus le bras engourdi.  Il se sent amélioré d'au moins 50 %. »

 

 

[48]           La docteure Suzanne Trempe note que le travailleur ne fume plus depuis 8 ans, qu'il n'est pas allergique à des produits et qu'il ne consomme plus d'alcool depuis 10 ans.  Il ne présente pas d'antécédent particulier, si ce n'est une hospitalisation, vers 1993,  pour fatigue, nausées et sensation de dyspnée.  L'on parle alors d'une question virale.  Quant à la revue des systèmes, elle fait état de ce qui suit sur le plan cardio-vasculaire:

« Au point de vue cardio-vasculaire, il présente une dyspnée à l'effort par exenple lorsqu'il a à traîner ses enfants dans un traîneau, mais la dyspnée a diminué depuis le début du congé.  Ce patient ne présente pas d'hypertension artérielle et ne pas d'autres problèmes d'ordre cardiaque. »

 

 

[49]           La docteure Suzanne Trempe précise avoir communiqué avec le médecin du travailleur avant d'émettre son opinion médicale.  La docteure Trempe poursuit en ces termes:

« Le médecin traitant me mentionne que le patient était allé le consulter pour des symptômes d'étourdissements, céphalées, fatigue, dyspnée et coliques abdominales.  Une investigation a été faite et celle-ci s'est avérée à toutes fins pratiques normale.  Le médecin traitant mentionne qu'en faisant l'investigation, il pensait à une possibilité de maladie industrielle ; alors il a fait passer un taux de plomb et la plombémie s'est avérée normale à 0.17.  Il s'est aussi demandé s'il n'y avait pas eu exposition au monoxyde de carbone qui aurait pu entraîner ses symptômes, cependant les tests de caboxie hémoglobine n'ont pas été demandés.  Une radiographie des poumons a été fait en novembre et s'est avérée normale.  Les tests de la fonction thyroïdienne ont été normaux, les tests urinaires ont été normaux, le bilan hépatique a été normal, la formule sanguine complète a été normale avec une hémoglobine à 146, l'électrocardiogramme s'est avéré normal sauf pour la présence d'une bradycardie, l'électrophorèse des protéines s'est avéré tout à fait normale, une échographie abdominale a été faite et tout s'est avéré normal, et une audiométrie a été faite pour une légère perte sur une fréquence.

 

Le médecin traitant me mentionne qu'il a vu le patient à trois reprises et que finalement le patient s'est graduellement amélioré, sans qu'il n'y ait de diagnostic plus précis de posé.

 

Comme investigation supplémentaire, le docteur Dumont pense faire passer à ce patient des tests de fonction respiratoire.

 

Par ailleurs, constatant que l'investigation a été négative et que les symptômes du patient ont commencé à diminuer avec l'arrêt de travail depuis la fin de novembre, c'est-à-dire que la fatigue a diminué, les céphalées ont diminué et il y a une nette amélioration clinique, le docteur Dumont mentionne qu'il ne peut pas déclarer de maladie professionnelle et il semble penser qu'un retour au travail serait envisagé prochainement. »

 

 

[50]           La docteure Suzanne Trempe termine en précisant que l'examen fait ce jour ne permet pas d'établir un diagnostic précis pouvant expliquer les symptômes présentés par le travailleur.  Elle indique que l'on peut penser à une possibilité de syndrome viral.  Elle fixe la date de retour au travail au 8 janvier 1996.

[51]           En annexe à l'opinion médicale de la docteure Suzanne Trempe sont contenus des documents relatifs aux postes de travail effectués par le travailleur chez l'employeur à compter du 16 juin 1986.  Ces documents (E.2 et E.3) sont à l'effet que ledit travailleur a travaillé au garage de façon quasi continuelle.  Quant au congé parental, il a été pris le 10 mars 1995, pour un retour au travail le 19 juin 1995 au garage.  Un transfert à l'usine est exécuté le 8 janvier 1996.  Ce document ne fait pas état de périodes d'absence entre le 19 juin 1995 et le 2 septembre 1996.

[52]           Le 12 juillet 1999, le représentant de l'employeur fait parvenir à la Commission des lésions professionnelles un rapport de monsieur Jacques Normandeau, toxicologue, daté du 5 juillet 1999.  Ce document est déposé sous la cote E.5.  Monsieur Normandeau précise que le but dudit rapport concerne la relation entre l'exposition à divers agents chimiques en milieu de travail et le développement d'une « intoxication aiguë mixte à de multiples substances potentialisées par la teneur diminuée en O2 et la pression et l'humidité à l'air, entraînant un bronchospasme léger qui génère des céphalées, des étourdissements, des douleurs abdominales, des nausées et de l'asthénie ».  Il précise que pour se prononcer sur la question, il a tenu compte des documents déposés au dossier, de l'analyse industrielle effectuée par l'hygiéniste industriel Michel Legris, des documents produits lors de la première audience et des cassettes d'enregistrement de cette première audience.  Il a également référé à la documentation disponible dans le monde de la recherche, tel que retrouvé à la section bibliographie de son rapport, et aux données en épidémiologie.  Il indique que la question, à laquelle il doit répondre, est la suivante:

« La maladie diagnostiquée par le docteur Marcel Dumont chez monsieur Yvon Lambert peut-elle être causée par l'exposition professionnelle de ce dernier à la fonderie Bibby Ste-Croix? »

 

 

[53]           Dans le cadre de son rapport, monsieur Jacques Normandeau explique, en préambule, quels sont les principes en toxicologie en regard de l'appréciation des risques pour la santé.  Il définit la toxicité comme étant une propriété inhérente à une substance capable de perturber et d'altérer les mécanismes biochimiques ou physiologiques de l'organisme et pouvant mener à des effets nocifs.  Il précise que le potentiel toxique dépend entièrement du niveau d'exposition à la substance et des propriétés intrinsèques de l'organisme récepteur.  Il réfère à 2 grandes théories sur la pathogénèse toxique.  Il présente la théorie du seuil toxique et la théorie dite linéaire.  Il expose la marche à suivre et précise ce qui suit:

« […] Dans le cas présent, nous recherchons d'abord parmi les substances en cause celles présentant un potentiel irritatif ou allergène, puis parmi celles-ci celles pouvant produire les effets retenus, soit un bronchospasme léger, des céphalées, des nausées, des crampes abdominales, de l'asthénie, des étourdissments et de l'engourdissement (paresthésie). »

 

 

[54]           Monsieur Jacques Normandeau poursuit en relatant des textes concernant les mécanismes d'irritation, de synergie ou d'allergie.  Il cite des extraits du « Précis de toxicologie industrielle et des intoxications professionnelles » (Lauwerys, 1982), du Manuel de traitement médical des blessés provenant d'attaques chimiques de l'Institut médical de recherche sur la défense chimique de l'armée américaine et de « Toxicology: the basic science of poisons »(Casarett et Doull, 1991).  Il résume les textes comme suit:

« En résumé, les irritants très solubles dans l'eau et très réactifs (amoniac, chlore, chlorure d'hydrogène, anhydride sulfureux, etc.) causent un tel inconfort aux yeux, au nez et à la gorge que les personnes se soustraient volontairement de l'exposition avant que ne puisse se produire une atteinte pulmonaire, alors que les substances peu solubles dans l'eau (phosgène, oxydes nitreux) pourront diffuser profondément dans le parenchyme pulmonaire, mais ne produiront leurs effets que plusieurs heures après l'exposition. »

 

 

« En résumé, la bronchoconstriction peut être provoquée par une réaction allergique franche, ou par une irritation bronchique chez les sujets asthmatiques ou présentant une hyperexcitabilité bronchique non-spécifique tel que démontrée par un test de provocation bronchique. »

 

 

[55]           Monsieur Jacques Normandeau indique que les chercheurs utilisent, entre autres, l'épidémiologie pour démontrer les effets toxiques d'une exposition.  Cette preuve épidémiologique repose sur l'évaluation de la séquence dans le temps, l'évaluation de la constance de l'association et de la reproductibilité, la force de l'association, la spécificité de l'association et la cohérence avec les connaissances actuelles (plausibilité biologique, acceptabilité scientifique).  Il explique que ce sont ces différents éléments qui seront appliqués pour l'analyse de la situation du travailleur.  La Commission des lésions professionnelles estime donc opportun de citer ce qui est rapporté par monsieur Normandeau à titre de définition de chacun desdits éléments:

« 1- L'évaluation de la séquence dans le temps:  l'exposition à un agent présumé causal doit précéder, dans le temps, le début de la maladie qu'il provoque.  Ceci est difficile à déterminer, surtout pour les maladies chroniques: leur début est fréquemment imperceptible et, parfois, nous ignorons le vrai début.  Par conséquent, nous ne savons pas non plus si le facteur a précédé la maladie.  Dans le cas des intoxications aiguës, tel que déclaré par le médecin traitant dans le présent dossier, le court laps de temps entre le début de l'exposition et l'apparition des symptômes devrait permettre une confirmation de la séquence temporelle.

 

2- L'évaluation de la constance de l'association et de la reproductibilité: les diverses méthodes et approches doivent conduire aux mêmes conclusions.  La mesure de la constance d'une association causale implique qu'une relation causale comparable apparaît dans plusieurs études ayant une structure différente (le facteur causal mis à part).  Plusieurs études de structure différente et chez des sujets différents ont confirmé le développement de problèmes respiratoires chez les travailleurs  des fonderies.

 

3- La force de l'association est déterminée par la précision avec laquelle une variable peut permettre de prédire l'autre.  Exemple: tous les sujets exposés deviennent malades, ceux qui sont exposés à un autre facteur restent tous en bonne santé.  Dans les cas des phénomènes qualitatifs la force de l'association se mesure à l'augmentation de la durée d'exposition.  La corrélation permet aussi de juger le degradient biologique d'une relation causale:  l'effet s'accroît comme l'action du facteur étudié.  Par exemple, le calcul de corrélation ou d'un des tests de la famille du X2 selon le cas nous aide à situer cette relation causale sur le plan statistique.  En d'autres termes, plusieurs individus présenteront avec l'augmentation de l'intensité ou de la durée de l'exposition.

 

4- La spécificité de l'association est la mesure d'une relation exclusive entre les variables étudiées.  Une relation est idéale si elle n'existe qu'entre deux variables (dans l'idéal un seul facteur devrait être lié à une seule maladie et vice versa).  La relation entre le tabac et le cancer pulmonaire est spécifique ; dans neuf cas sur dix la maladie est un fumeur.  La fraction étiologique du risque dû à la cigarette est prépondérante par rapport aux autres facteurs possibles.  Dans le cas d'une réaction de l'arbre trachéo-bronchique, une multitude d'irritants et d'allergènes sont susceptibles de produire un tel effet.  L'association est donc peu spécifique.

 

5- La cohérence avec les connaissances actuelles (plausibilité biologique, acceptabilité scientifique) est une exigence à respecter mais n'est pas générale.  Toutes les découvertes ne sont pas conformes à cette règle. »

 

 

[56]           Monsieur Jacques Normandeau poursuit en faisant l'étude du dossier du travailleur.  Il relate les périodes de travail depuis 1986 et, dans un tableau, il y fait correspondre les symptômes présentés par le travailleur.  Il indique que le travailleur aurait travaillé approximativement et en alternance, 2.5 années dans l'usine et 6.75 années au garage.  Il subdivise en 8 périodes distinctes la présence du travailleur à ses fonctions et note que les absences au travail se situent davantage au printemps et à l'automne.  Il précise que l'exposition professionnelle du travailleur était très diversifiée et qu'aucune mesure des taux d'exposition aérienne aux différents produits ne semble avoir été effectuée spécifiquement pour ledit travailleur.  Il estime que les résultats produits par l'étude d'hygiène industrielle ne semblent pas démontrer une exposition excessive dans le milieu de travail puisque les normes d'exposition québécoise sont généralement respectées.

[57]           Monsieur Jacques Normandeau poursuit en établissant un tableau présentant différentes substances susceptibles de se retrouver dans l'atmosphère de travail de la fonderie et du garage.  Il y inscrit les effets précurseurs immédiats, le niveau critique en milligramme par mètre cube et le niveau maximal mesuré en millimètre cube, tel que retrouvé à l'étude industrielle de monsieur Michel Legris.  Ledit tableau se lit comme suit : 

 

Substances

Effets précurseurs immédiats

Niveau critiquemg/m3

Niveau maximal mesuré mg/m3

Manganèse

Toux sèche et pneumonie chimique

30,0 et 200,0

0,18

Chrome

Irritation du nez et du larynx

0,06

0,04

Nickel

Allergies cutanées

-------

Non détecté

Fluorures

Irritation des yeux et du nez

5,0

Non mesuré

Molybdène

Aucun effet

------

Non mesuré

Zirconium

Aucun effet

------

Non mesuré

Magnésium

Irritation des yeux et du nez. Fièvre des fondeurs

+ 10,0 et + 400,0

Opérateur 4  0,29

Oxyde de fer

Sidérose

+ 30,0

3,4

Aluminium

Maladie de shaver

+10,0

Non mesuré

Zinc

Irritation des yeux et du nez.  Fièvre des fondeurs

--------- et 15,0

Couleur 0,05

Acroléine

Irritation des yeux et du nez

14,0

Non mesuré

Chlore

Irritation des yeux, du nez et de la gorge

15,0

Non mesuré

Chlorure d'hydrogène

Irritation des yeux, du nez et de la gorge

7,0

Non mesuré

Phosgène

Irritation des yeux du nez et de la gorge

0,5

Non mesuré

Monoxyde de carbone

Céphalées

229,0

Couleur 300,0

Oxydes d'azote

Irritation des yeux, du nez et de la gorge.  Dyspnée et O.A.P.

20,0 et 160,0

Non mesuré

Phénol

Irritations des yeux, du nez et de la gorge

180,0

Opérateur 1,0

Ammoniac

Irritations des yeux, du nez et de la gorge

70,0

Opérateur 30,0

Formaldéhyde

Irritation des yeux, du nez et de la gorge

1,0

Opérateur 0,4

MDI

Asthme

+13,0

Non détecté

 

[58]           Monsieur Jacques Normadeau rapporte le résultat des différents examens de laboratoire, les dires du docteur Rouleau pneumologue dans ses lettres des 23 février 1996 et 15 avril 1996, les dires du CMPP de Québec et les dires du CSP du 14 novembre 1996.  Enfin, il fait état des constatations concernant les conditions personnelles du travailleur.  À partir de toutes ces données, il se penche sur l'approche épidémiologique et précise ce qui suit:

« 1. L'évaluation de la séquence dans le temps:

 

Les expositions en usine auraient précédé l'apparition des symptômes rapportés par Monsieur Lambert.

 

 

2. L'évaluation de la constance de l'association et de la reproductibilité:

 

Aucune étude ne démontre l'association entre les symptômes très variés de Monsieur Lambert et l'exposition professionnelle dans une fonderie, en considérant les résultats des examens cliniques.  Les bronchospasmes dans les fonderies sont associés à une hyperexcitabilité bronchique qui n'a pas été détectée chez Monsieur Lambert et les symptômes sont évidents à l'examen physiques (râles, whwwzing).  D'autre part, les études sur les soudeurs ne peuvent s'appliquer puisque Monsieur Lambert présente essentiellement des symptômes lorsqu'il est en contact avec les poussières de l'usine.  Ces mêmes études  ne révèlent pas non plus de portrait clinique similaire à celui de Monsieur Lambert.  Au niveau local, aucun autre travailleur ne semble présenter une symptomatologie similaire, chez les mécaniciens ou dans les autres tâches.  La variabilité biologique ne peut être invoquée puisque les tests de physiologie respiratoire n'ont pas démontré d'hyperexcitabilité bronchique.

 

 

3. La force de l'association:

 

Aucune étude ne démontre l'association entre les symptômes très variés de Monsieur Lambert (dyspnée, céphalées, étourdissements, etc.) et l'exposition professionnelle dans une fonderie, en considérant les résultats des examens cliniques (spirométrie normale, absence de râle ou de crépitements, absence d'hyperréactivité bronchique).  Aucun autre travailleur de la Fonderie Bibby Sainte-Croix ne semble présenter les mêmes symptômes que Monsieur Lambert. (…)

 

 

4. La spécificité de l'association:

 

Aucune étude ne démontre l'association entre les symptômes très variés de Monsieur Lambert et l'exposition professionnelle dans une fonderie, en considérant les résultats des examens cliniques.  Les expositions de Monsieur Lambert étant variées, et les symptômes apparaissant à divers endroits dans l'usine ou au garage, une association potentielle serait très peu spécifique.

 

 

5. La cohérence avec les connaissances actuelles:

 

Aucune étude épidémiologique ou expérimentale ne démontre d'association significative entre les symptômes rapportés par Monsieur Lambert et son exposition professionnelle variée.  La symptomatologie rapportée dans les fonderies et par les soudeurs est différente de celle de Monsieur Lambert, et lorsque certains symptômes respiratoires spécifiques pourraient coïncider, Monsieur Lambert ne présente pas l'hyperréactivité bronchique présente dans les cas rapportés dans la littérature.  Pour cette même raison, et en l'absence de symptômes similaires chez d'autres travailleurs, la variabilité biologique ne peut être invoquée. »

 

 

[59]           En ce qui concerne l'analyse des données de débitmétrie, monsieur Jacques Normandeau précise que lesdites données démontrent que les variations de débits sont peu marquées et peu constantes et que parfois le débit de pointe en post-exposition est supérieur au débit de pointe en pré-exposition traduisant, probablement, une variation normale de la mesure.  Il conclut qu'il n'y a pas de différences significatives entre les mesures de débit de pointe effectuées avant et après le travail le même jour, que les symptômes présentés par le travailleur ne correspondent pas aux pathologies susceptibles d'être associées à son exposition professionnelle et que le portrait de la maladie décrite par le travailleur va à l'encontre des principes fondamentaux de la toxicologie et de l'épidémiologie environnementale et occupationnelle.

[60]           Monsieur Jacques Normandeau donne ensuite son opinion relative au témoignage livré par le travailleur et le médecin ayant charge de celui-ci lors de la première audience.  Il se penche d'abord sur la question de la composition des électrodes à souder et des fiches analytiques déposées à cet égard.  Il précise que les données environnementales et statistiques ne permettent pas de faire une relation directe entre l'exposition à un tel procédé et les symptômes présentés par le travailleur.  Il se penche ensuite sur l'indication de la « boucane bleue» indistinctement de sa provenance.  Il indique que ces « boucanes bleues » proviennent de procédés de combustion et contiennent des dérivés carbonés dont probablement de l'acroléine et des substances odoriférantes.  Monsieur Normandeau est d'avis que c'est la perception olfactive ou visuelle qui provoque les symptômes ressentis par le travailleur.  Il en est de même pour la présence des poussières et des fumées.  Il est de cet avis en raison de l'absence d'hyperréactivité bronchique, de l'absence de symptômes chez les autres travailleurs et du niveau d'exposition.

[61]           En ce qui a trait au dépoussiéreur, au soudage dans les grenailleuses, à l'échappement des véhicules, à la poussière au garage, aux fumées du four et aux poussières de meulage, monsieur Jacques Normandeau estime que l'indication du travailleur, voulant que toutes ces expositions différentes, tant en qualité qu'en intensité, provoquent les mêmes symptômes, écarte toute plausibilité.  Quant aux symptômes eux-mêmes, tels que rapportés au CMPP de Québec, Normandeau est d'avis que lesdits symptômes ont une nette dominante neurologique.  Monsieur Normandeau ne partage pas l'indication du docteur Marcel Dumont voulant qu'il ait éliminé toutes les causes de nature personnelle.  Il précise que le travailleur n'a pas été soumis à une investigation neurologique ou psychiatrique, alors qu'il s'agit là d'une étape dans l'investigation d'un problème de dyspnée.

[62]           Monsieur Jacques Normandeau s'attarde ensuite à l'indication du docteur Marcel Dumont, soit la variabilité biologique comme étant le facteur d'explication des symptômes uniques présentés par le travailleur.  Il s'exprime comme suit sur cette question:

« Aucun test de laboratoire n'a pu identifier de susceptibilité individuelle dans le cas de Monsieur Lambert.  En l'absence de symptômes chez les autres travailleurs, et considérant les niveaux d'exposition inférieurs aux niveaux effectifs, seule une hyperréactivité bronchique, absente chez Monsieur Lambert, pourrait expliquer l'apparition d'un bronchospasme.

 

Le seul fait que Monsieur Lambert réagisse aux poussières, aux odeurs, aux fumées et qu'il présente des symptômes neurologiques (asthénie, céphalées, engourdissement, oppression) en l'absence d'une hyperréactivité bronchique, suggère un syndrome de polytoxicosensibilité ou d'origine psychogénique.  Cependant, le seul fait que Monsieur Lambert soit aussi exposé à la maison, et à la ferme, à des irritants alors qu'il ne présente pas de symptômes, à l'exception de l'échappement du tracteur diesel qui rappelle le milieu de travail, invalide l'hypothèse de la polytoxicosensibilité.  Les polytoxicosensibles, qu'ils soient d'origine immune, limbique ou psychogéniques, ne peuvent fonctionner pleinement en présence de contaminations urbaines ou domestiques (parfums, produits d'entretien, désinfectants, aérosols, désodorisants […] »

 

 

[63]           Monsieur Jacques Normandeau termine sur la question des témoignages en considérant le diagnostic émis par le docteur Marcel Dumont, à savoir un diagnostic d'intoxication mixte à de multiples substances potentialisées par la teneur diminuée en O2 et la pression et l'humidité de l'air entraînant un bronchospasme léger qui génère les symptômes ressentis par le travailleur.  Il réplique en ces termes:

« Aucune donnée de la littérature scientifique analysée ne supporte ce diagnostic.  Les symptômes d'asthénie auraient persisté durant une année, ainsi que la réaction aux émanations de diesel du tracteur de ferme ce qui tend à invalider la thèse d'intoxication aiguë.  L'analyse des résultats des mesures des débits de pointe a révélé que les variations pré et post expositions n'étaient pas significatives.  La littérature scientifique rapporte des râles et des sibilants, que le docteur Dumont n'a pas identifié chez Monsieur Lambert.  Finalement, les tests ont été réalisés alors que Monsieur Lambert travaillait. »

 

 

[64]           Monsieur Jacques Normandeau, après avoir exposé l'ensemble des données et en avoir fait l'analyse, telle que présentée tout au long de son rapport, conclut que la maladie du travailleur, telle que diagnostiquée par le docteur Marcel Dumont, n'a pas été causée par une exposition professionnelle à la fonderie Bibby de Sainte-Croix.  Cette conclusion tient compte de ce qui suit:

« Considérant qu'il n'y a aucune évidence d'intoxication, que les tests d'allergie et de provocation sont normaux et qu'aucun autre travailleur ne présente de symptômes similaires à ceux de Monsieur Lambert ;

 

Considérant que les variations de débits de pointe ne proviennent pas de l'exposition, et qu'il existe une différence significative entre les débits mesurés la veille et ceux en pré-exposition le jour travaillé ;

 

Considérant que Monsieur Lambert n'est pas affecté par des expositions à des irritants et sensibilisants à la maison et à la ferme, à l'exception des gaz d'échappement d'un tracteur diesel ;

 

Considérant que des expositions mixtes et très diversifiées, et la seule présence de poussières ou de « boucane bleue » provoquent les mêmes symptômes, même en l'absence de soudure, que les symptômes apparaissent lors d'expositions sensibles et qu'il ne sont pas caractéristiques d'une atteinte pulmonaire ;

 

Considérant que les évaluations du milieu de travail ont révélé des mesures maximales très inférieures aux niveaux effectifs requis pour produire les symptômes immédiats décrits dans les fiches signalétiques déposées ;

 

Considérant que tous les médecins qui ont été consultés et qui ont examiné Monsieur Lambert, incluant les pneumologues spécialisés dans les maladies respiratoires d'origine occupationnelle, seul le Docteur Dumont aurait perçu une diminution du murmure vésiculaire, et qu'aucun médecin, incluant le Docteur Dumont, n'a observé de râles, sibilants ou crépitements. »

 

 

 

L'AVIS DES MEMBRES

[65]           Le membre issu des association d'employeurs et le membre issu des associations des travailleurs sont d'avis que la preuve circonstancielle permet de conclure que le travailleur présente, en octobre 1995, janvier 1996 et septembre 1996, une symptomatologie incapacitante d'intoxication en lien avec les différentes substances toxiques existantes dans son milieu de travail et démontrées par l'hygiéniste industriel Michel Legris.  Le travailleur est donc porteur d'une lésion professionnelle en relation avec son exposition au travail.


LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[66]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur est porteur d'une lésion professionnelle au 26 octobre 1995, et ce, dans le cadre d'une exposition à des substances toxiques dans son milieu de travail.  Cette notion de lésion professionnelle est définie à la loi en ces termes : 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation ;

 

 

[67]           Cette définition nous amène à des concepts, tels l'accident du travail, la maladie professionnelle et la récidive, rechute ou aggravation.  Dans le cas présent, c'est le concept de maladie professionnelle qui doit retenir notre attention compte tenu des diagnostics allégués d'asthme professionnel ou encore d'intoxication à une multitude de substances contenues dans les fumées et les poussières provoquant un bronchospasme léger.  Ce concept de maladie professionnelle est défini à la loi comme suit : 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail ;

 

 

[68]           Les articles 29 et 30 de la loi régissent l'acceptation d'une réclamation à titre de maladie professionnelle.  Ces articles se lisent comme suit:

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[69]           Indiquons, d'abord, que le diagnostic d'asthme professionnel a été écarté aux fins de la reconnaissance d'une maladie pulmonaire professionnelle.  En cela, le CMPP, le CSP et le médecin ayant charge du travailleur, le docteur Marcel Dumont, sont catégoriques.  Le travailleur n'est pas porteur d'un asthme professionnel.  Reste la possibilité de l'intoxication, tel que le précise le docteur Dumont lors de l'audience le 15 mars 1999.

[70]           Le représentant du travailleur allègue, dans le cadre de son argumentation écrite, que le diagnostic à retenir est celui de bronchospasme léger et d'intoxication aux substances du milieu de travail.  Il soutient que cette intoxication, avec phénomène de bronchospasme léger, constitue une maladie professionnelle en application de l'article 30 de la loi.  En cela, il réfère au fait que le travailleur est exposé à plusieurs substances toxiques dans l'exercice de sa fonction de mécanicien dans le garage et l'usine, tel que le démontre l'analyse produite par monsieur Michel Legris, hygiéniste industriel.  Quant à la relation causale, il s'en remet au fait que le travailleur présente une augmentation de la symptomatologie dès qu'il est exposé à son milieu de travail et plus particulièrement à l'usine.  Il s'en remet aussi à l'indication du docteur Michel-Yves Rouleau, relative à la présomption de phénomène de bronchospasme en milieu de travail, et à l'avis du docteur Marcel Dumont concernant la relation entre les débits de pointe et les symptômes présentés par le travailleur.  Il s'en remet enfin à l'opinion de l'hygiéniste industriel.  Il précise que le rétablissement du travailleur, depuis qu'il n'est plus exposé à l'environnement de travail, milite en faveur de cette relation causale.  En appui à son argumentation, le représentant du travailleur soumet 4 décisions de la Commission des lésions professionnelles sur lesquelles nous reviendrons un peu plus loin.

[71]           Le représentant de l'employeur allègue, pour sa part, que le travailleur ne présente pas une réelle pathologie.  L'intoxication mixte à une multitude de substances ne peut pas être caractéristique d'un travail exercé ou encore reliée aux risques particuliers de ce travail.  En conséquence, l'application de l'article 30 est écartée.  Il précise qu'il est impossible de prouver qu'il existe une maladie, tous les tests s'étant avérés strictement normaux.  Il conclut en précisant que le fardeau de preuve appartenait au travailleur et que ce dernier ne l'a pas assumé adéquatement.

[72]           A ce stade de l'analyse, la Commission des lésions professionnelles estime important d'examiner la jurisprudence déposée par la partie appelante.  Dans la première affaire, soit celle indiquée précédemment dans le cadre de la question préliminaire concernant la compétence de la Commission des lésions professionnelles et dont les parties sont Duchesneau et Chemtech environnement et Cri environnement inc., il s'agit des diagnostics de rhinite et de syndrome d'hyperventilation.  Ces diagnostics sont émis après que la réclamation du travailleur ait été refusée pour un asthme professionnel.  Dans cette affaire, et à juste titre, la commissaire précise qu'il appartient au travailleur de démontrer qu'il existe une relation causale entre sa maladie et les risques particuliers du travail.

[73]           Poursuivant dans cette affaire, la commissaire constate que le travailleur n'a pas fourni de preuve directe quant aux émanations de produits chimiques.  Toutefois, de préciser celle-ci, il y a suffisamment d'éléments pour conclure qu'il y a eu exposition, et ce, en raison même de la nature des activités exercées, alors que la toxicité de plusieurs produits utilisés est reconnue dans la littérature scientifique.  Quant à la relation causale, elle est établie de façon probante à la lumière du comportement de la maladie suivant que le travailleur est au travail ou à l'extérieur du travail.  La commissaire ajoute que le fait pour certaines symptomatologies d'être de nature personnelle n'exclut pas l'existence concomitante de la maladie professionnelle contractée.

[74]           Dans une autre affaire, soit Jacques Drouin et Manac inc.[3], il s'agit d'un cas d'intoxication aux solvants et autres produits toxiques.  Le travailleur exerce la fonction de carossier.  Un certain nombre de composantes toxiques sont identifiées comme faisant partie des produits utilisés.  L'étude environnementale est à l'effet que l'ensemble des substances toxiques recherchées se trouvent en deçà du seuil de détection hormis le xylène, mais dont la concentration s'avère inférieure à la norme reconnue en fonction du temps d'exposition.  Partant de ce constat, la Commission des lésions professionnelles écarte l'application de l'article 30 de la loi.  Toutefois, la commissaire est d'avis que le travailleur a été victime d'une lésion professionnelle, ayant exercé son travail suivant une méthode inadéquate.

[75]           La Commission des lésions professionnelles est d'avis que ce qui est intéressant dans cette affaire, c'est l'indication voulant que l'absence d'intoxication, telle que démontrée par les différents rapports médicaux, ne puisse permettre, à elle seule, d'écarter l'existence d'une lésion professionnelle.

[76]           Dans une troisième affaire, soit Michel Roy et Hawer Siddeley Canada inc.[4], il s'agit d'une question d'intoxication et de maladie de Parkinson secondaire au manganèse.  L'employeur est une entreprise qui fabrique des roues de chemin de fer à partir de rebuts de métaux de toutes sortes.  Ces métaux sont fondus et on y ajoute du manganèse.  Le travailleur exerçait la fonction de conducteur de chariot élévateur et de journalier.  Le travailleur n'utilisait pas de masque alors que la poussière et la fumée étaient particulièrement denses dans certains services.  Les échantillons prélevés en 1984, aux différents postes de travail, ont montré des niveaux de manganèse variant de 0.01 mg/m3 à 1.72 mg/m3 alors que la norme admissible, selon le Règlement sur la qualité du milieu de travail, est de 1 mg/m3.

[77]           Dans cette affaire, le diagnostic clair d'intoxication au manganèse permet l'application de l'article 29 de la loi, la preuve démontrant que le travailleur a été exposé au manganèse.  Même si les échantillonnages démontrent des résultats en deçà de la norme du Règlement sur la qualité du milieu de travail, la Commission des lésions professionnelles précise qu'elle n'est pas saisie d'un litige en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (la LSST).

[78]           Dans une dernière affaire, soit Évangeline Leblanc et Bauer inc.[5], il s'agit d'une travailleuse exposée, notamment, à des produits de décomposition des polymères.  C'est du moins à cela que l'expert médical de la travailleuse attribue la symptomatologie de celle-ci.

[79]           Dans cette affaire, le commissaire indique que même si d'emblée on doit admettre qu'aucun agent causal n'est identifié, il existe néanmoins une solide preuve circonstancielle établissant le lien de causalité entre la pathologie et le travail.  En cela, ce commissaire réfère au témoignage crédible de la travailleuse.  Il termine en ces termes : 

« […] 

 

En somme, malgré l'imprécision entourant le diagnostic, le mécanisme pathogénique et l'identité causale, eu égard à son mode d'apparition et de rémission, de même qu'aux explications plausibles fournies par l'expert de la travailleuse, demeure l'exposition professionnelle.

 

[…]  »

 

 

[80]           Dans le cas sous étude, la Commission des lésions professionnelles estime qu'il faut d'abord établir le véritable contexte de travail du travailleur.  En effet, ce n'est que par l'établissement dudit contexte que l'on pourra déterminer si le milieu de travail en est un qui comporte des risques particuliers pouvant affecter l'état de santé du travailleur.  La Commission des lésions professionnelles précise dès maintenant qu'il n'est nullement question ici d'une maladie caractéristique du travail, la preuve n'ayant pas démontré qu'un ensemble de travailleurs, exerçant la même fonction dans les mêmes conditions, sont atteints de la même symptomatologie.

[81]           Notons d'abord que la preuve démontre que le travailleur a exercé sa fonction de mécanicien au garage une majeure partie de son expérience de travail chez Fonderies Bibby Ste-Croix.  De façon plus contemporaine à la production de sa réclamation, il a été au garage, de soir, du 18 avril 1994 au 10 mars 1995, date d'un congé parental suivant le relevé de l'employeur déposé sous la cote E.2.  À son retour au travail, le 19 juin 1995, il est également affecté au garage, de soir, jusqu'au 20 novembre 1995, moment où son médecin le place en arrêt de travail.  Le 8 janvier 1996, lors du retour au travail, il est placé de soir dans l'usine à titre de mécanicien.  Il y travaille jusqu'au 19 janvier 1996.  Il reprend la même fonction à son retour de congé médical le 19 février 1996 et il y demeure jusqu'au 22 mars 1996.  À cette date, il quitte pour un autre congé parental, et ce, jusqu'en juin 1996.  Le 15 juillet 1996, il est affecté au garage, de jour, et, le 2 septembre 1996, il reprend à l'usine pour 2 jours.  Il quitte définitivement par la suite.

[82]           En examinant maintenant la preuve relative au danger toxique existant dans le milieu de travail, au garage d'abord et à l'usine ensuite, la Commission des lésions professionnelles retient, de l'analyse de l'hygiéniste Michel Legris, qu'il existe une multitude de contaminants dans ledit milieu de travail.  Outre les métaux et les solvants, il y a le monoxyde de carbone, les poussières totales et la silice.  Ces contaminants, ou encore substances, sont également dénoncés par le toxicologue Jacques Normandeau, tel qu'on le retrouve en page 15 de son rapport.  L'on précise que ces contaminants peuvent être nocifs pour la santé du travailleur suivant le niveau d'exposition, le temps d'exposition et la vulnérabilité personnelle de celui-ci.  Il y a donc lieu de conclure, de l'avis de la Commission des lésions professionnelles, que le milieu de travail du travailleur est potentiellement à risque.  La question est de savoir s'il l'a véritablement été dans le cas du travailleur.

[83]           Pour répondre à cette question, il est maintenant important de s'attarder à la fonction exercée par le travailleur depuis, à tout le moins, avril 1994.  La Commission des lésions professionnelles débute son analyse à cette date afin de se situer de façon contemporaine à la réclamation du travailleur et à la symptomatologie présentée.  Elle n'oublie toutefois pas que le travailleur a exercé la fonction de mécanicien au garage de juin 1992 à mars 1994 et de septembre 1987 à novembre 1991.  Entre novembre 1991 et mars 1992, il était à l'usine comme ce fut le cas avant le mois de septembre 1987.

[84]           L'on sait, qu'à titre de mécanicien au garage, le travailleur faisait la réparation et l'entretien de chariots élévateurs, de « loaders », de camions et de pelles hydrauliques.  L'on sait également que la ventilation est quasi inexistante jusqu'en 1993.  Il n'y a aucun tuyau permettant au gaz d'échappement de sortir à l'extérieur.  Ce n'est qu'en 1993 qu'un tuyau a été mis en place, mais celui-ci était inefficace pour les camions et impossible pour les « loaders ».  La preuve testimoniale à cet effet n'a pas été contredite.

[85]           Il est également en preuve non contredite que le travail de mécanicien au garage obligeait le travailleur à faire des soudures, et ce, dans une proportion de 16 à 18 heures par semaine.  C'est une soudure « stainless » et à l'acier.  Il était le seul à faire cette opération.  De plus, les « loaders » demandaient un nettoyage au jet d'air avant de procéder à la réparation.  Ce nettoyage avait pour effet de faire décoller la poussière accumulée.  Ce n'est qu'en 1994 que le jet d'eau  a fait son apparition.  Ce nouveau système de nettoyage n'était toutefois pas utilisable l'hiver en raison de la possibilité de gel de la machinerie.  Il en était de même lorsqu'il s'agissait d'une réparation urgente.  L'efficacité d'un tel procédé de nettoyage représentait 25 % du temps d'utilisation.  Enfin, les « loaders » fonctionnaient au diesel alors que les camions étaient au gaz.

[86]           En ce qui concerne l'affectation du travailleur à l'usine à compter du 8 janvier 1996, il est en preuve non contredite que c'est aux fourneaux qu'elle a eu lieu et que la tâche principale consistait en l'entretien desdits fourneaux et des câbles servant à y amener les différents métaux.  Il est aussi en preuve non contredite que la ventilation était inefficace et que l'environnement était plein de poussières et de boucane bleue.  Malgré la présence des poches d'amiante pour ramasser les résidus, ceux-ci s'échappaient.  La situation était pire lorsqu'il faisait les réparations à hauteur de plafond ou encore lorsqu'il réparait les poches de résidus.  Il faisait aussi de la soudure.

[87]           La Commission des lésions professionnelles est d'avis qu'il faut répondre par l'affirmative à l'interrogation préalablement soulevée.  En effet, nous retrouvons pour le monoxyde de carbone, dans le milieu de travail, une concentration variant de 26 à 145 ppm pour le mécanicien-soudeur, tel que le précise le tableau 2 du rapport de l'hygiéniste Michel Legris, alors que la norme est de 35 ppm, suivant le Règlement sur la qualité du milieu du travail.  Il s'agit, bien entendu, de mesures relatives à l'usine, comme le précise l'hygiéniste industriel en page 8 de son rapport.  Cette mesure de concentration n'a pas fait l'objet d'une preuve contraire.  D'ailleurs, la Commission des lésions professionnelles tient à souligner qu'aucune des mesures du rapport de l'hygiéniste Michel Legris n'a fait l'objet d'une preuve contraire lors de l'audience.  Ces mesures étant établies à la suite d'un suivi de l'entreprise de 1982 à 1996, la Commission des lésions professionnelles accorde foi au rapport de l'hygiéniste industriel sur cette question des mesures.

[88]           La Commission des lésions professionnelles, quoiqu'elle ne dispose pas de mesures strictes sur le degré d'exposition au monoxyde de carbone existant dans le garage, estime que ledit monoxyde était présent de façon non négligeable.  En cela, le témoignage non contredit du travailleur est à l'effet qu'il n'existait pas de tuyau permettant au gaz d'échappement de sortir à l'extérieur avant 1993.  Par la suite, ledit tuyau était non fonctionnel pour les camions et inutilisable pour les « loaders ».  Le travailleur exerçait donc, de l'avis de la Commission des lésions professionnelles, sa fonction de travail dans un contexte réel d'exposition au monoxyde de carbone.

[89]           Ce qui rend l'analyse plus difficile dans le présent contexte c'est le diagnostic large émis par le docteur Marcel Dumont, à savoir une intoxication à une multitude de substances contenues dans les poussières et les fumées entraînant un bronchospasme léger.  Il aurait été plus aisé que celui-ci ait identifié un contaminant spécifique.  Toutefois, la Commission des lésions professionnelles estime que l'absence d'identification d'une substance particulière, de la part du docteur Dumont, n'empêche pas la reconnaissance d'une lésion professionnelle.  La Commission des lésions professionnelles est d'avis, à défaut d'une telle identification au moment de l'émission du diagnostic par le docteur Dumont en mars 1999, que la preuve démontre une probabilité d'intoxication au monoxyde de carbone. L'identification de cette réelle source de risque est suffisante pour qu'il soit question d'une lésion professionnelle.  Nul besoin d'être en présence d'une multitude de substances toxiques dépassant les normes admissibles.

[90]           Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles constate du document de la docteure Suzanne Trempe, du 4 janvier 1996, que le docteur Marcel Dumont avait soupçonné dès le début de l'investigation, une intoxication au monoxyde de carbone.  Il n'a toutefois pas donné suite à cette impression diagnostic.  Reste maintenant la question de la relation causale.

[91]           Sur cette question de relation causale, la Commission des lésions professionnelles partage le point de vue élaboré dans la jurisprudence voulant que ce soit, entre autres, par l'analyse de la preuve circonstancielle qu'il faille établir la relation causale et conclure en l'existence d'une lésion professionnelle.  Dans le cas présent, cette preuve circonstancielle est la suivante : 

.1)    Le travailleur est exposé à une concentration de monoxyde de carbone dépassant la norme permise de 35 ppm.  De plus, outre le monoxyde de carbone, il est exposé à d'autres contaminants.  En cela, le rapport de l'hygiéniste industriel, Michel Legris, est explicite.  Il en fait référence aux pages 7 et 8, tel que cité précédemment.

.2)    Quoiqu'il n'y a pas eu de mesures spécifiques en regard du travailleur lui-même, le rapport de l'hygiéniste industriel indique un taux de concentration de monoxyde de carbone suffisamment élevé pour parler de risque pour la santé dudit travailleur.  En effet, l'hygiéniste industriel précise, en page 9 de son rapport, que les mécaniciens dans l'usine peuvent être surexposés au monoxyde de carbone et même surexposés à d'autres contaminants.  Or, le travailleur est affecté en partie à l'usine, soit dans l'environnement des différents procédés.  De plus, son travail l'oblige à travailler en hauteur à raison de 2 heures à 2 heures 30 par jour, ce qui l'expose grandement aux fumées.

.3)    Lorsque le travailleur présente des symptômes invalidants en mars 1995, il exerce sa fonction de mécanicien au garage.  Tel qu'indiqué précédemment, le système de ventilation est déficient, ce qui ne permet pas au monoxyde de carbone de sortir directement à l'extérieur.  Il en est de même en novembre 1995, lorsque son médecin le place en arrêt de travail.  L'exposition au monoxyde de carbone provoque, tel que l'indique le toxicologue Jacques Normandeau, des céphalées.  C'est ce qui est noté en page 15 de son rapport, sous la rubrique « Effets précurseurs immédiats ».  L'hygiéniste industriel Michel Legris ajoute, pour sa part, qu'une intoxication au monoxyde de carbone provoque des nausées et des céphalées.  Or, le travailleur présentait une telle symptomatologie à sa consultation du 26 octobre 1995 et au cours des autres consultations par la suite.

.4)    Le travailleur présente une amélioration de sa symptomatologie lorsqu'il est hors travail et cette symptomatologie s'installe à nouveau lorsqu'il est réexposé.  Cette situation est notée, par ailleurs, dans le rapport de la docteure Suzanne Trempe, du 6 janvier 1996.

.5)    La condition médicale du travailleur est améliorée de 90 % depuis son retrait définitif du milieu de travail.

[92]           La Commission des lésions professionnelles se retrouve, dans le présent dossier, devant 2 opinions contradictoires quant à la relation causale.  Il y a la thèse que nous appellerons épidémiologique, soit celle du toxicologue Jacques Normandeau, et la thèse clinique, qui est celle du docteur Marcel Dumont et basée sur le rapport de l'hygiéniste Michel Legris.

[93]           La Commission des lésions professionnelles tient à préciser à nouveau qu'elle accorde une grande importance à l'étude de l'hygiéniste industriel Michel Legris de janvier 1997, car cette étude est basée sur des données accumulées pendant plusieurs années.  De plus, ces données n'ont été d'aucune façon démenties et elles sont prises comme telles par le toxicologue Jacques Normandeau, au moment de l'établissement de son rapport le 5 juillet 1999.

[94]           Certes, l'étude du toxicologue Jacques Normandeau est intéressante et nous apprend beaucoup sur la façon d'examiner une réclamation.  Toutefois, il fait un tel examen à travers la lunette de l'épidémiologie.  Or, la Commission des lésions professionnelles estime qu'il n'est pas nécessaire de répondre à un tel contexte pour se voir reconnaître l'existence d'une lésion professionnelle.

[95]           L'un des éléments rapporté par le toxicologue Jacques Normandeau et militant en défaveur de la relation causale est l'absence d'une condition personnelle chez le travailleur ayant favorisé l'apparition de la symptomatologie.  Or, la Commission des lésions professionnelles tient à préciser que la recherche d'une hyperexcitabilité bronchique s'inscrivait, en l'espèce, dans le contexte d'un asthme professionnel et non dans celui d'une intoxication au monoxyde de carbone.  La Commission des lésions professionnelles estime donc qu'une telle absence de condition personnelle n'élimine pas l'existence d'une lésion professionnelle, compte tenu de l'exposition importante au monoxyde de carbone, telle que démontrée dans la présente décision.

[96]           Un autre élément du toxicologue Jacques Normandeau est la non-variabilité des débits de pointe.  La Commission des lésions professionnelles constate, sur ce point, que l'appréciation des données par les différents intervenants diffère.  Pour le pneumologue Michel-Yves Rouleau, la variabilité des débits de pointe est suffisante pour justifier un diagnostic présomptif d'asthme professionnel.  Il suggère, pour s'assurer que la symptomatologie du travailleur découle de son exposition en milieu de travail, qu'une évaluation soit faite, en milieu de travail, des courbes d'expiration forcée au moment où le travailleur est symptomatique, et ce, en présence d'un technicien.  Or, on le sait, cela n'a jamais été fait car les pneumologues du CMPP ont jugé, quant à eux, que la variabilité des débits de pointe n'était pas suffisamment impressionnante  De plus, c'est le travailleur qui a procédé à la prise de données des débits de pointe avec tout ce que cela comporte d'erreur.  La Commission des lésions professionnelles est d'avis, dans un tel contexte, qu'il y a lieu d'être prudent quant à la conclusion devant être retenue à l'égard de cette question de variabilité.  De plus, et au risque de le répéter, c'est dans un contexte de reconnaissance d'un asthme professionnel que de telles mesures ont été prises.  Nous ne sommes plus dans un tel contexte aujourd'hui.

[97]           Un troisième élément pose problème pour le toxicologue, Jacques Normandeau.  C'est l'absence d'analyse en psychiatrie et en neurologie.  Sur ce point, la Commission des lésions professionnelles retient que ni le docteur Marcel Dumont ni le pneumologue Michel-Yves Rouleau n'ont cru bon de recommander de telles analyses, alors que la référence en neurologie ou en psychiatrie est un acte médical.  D'ailleurs, comme le précise lui-même le toxicologue Normandeau, il y a très peu de cas référés en psychiatrie et en neurologie lorsqu'un problème d'asthme est soupçonné.  La conclusion de monsieur Normandeau, voulant que la symptomatologie du travailleur découle de sa seule perception olfactive et visuelle, n'est pas supportée par une preuve probante compte tenu du contexte dans lequel le travailleur exerce sa fonction de mécanicien.  Quant au fait que le travailleur réagit chez lui au diesel, la Commission des lésions professionnelles estime que cette situation n'a pas pour effet d'éliminer l'existence d'une lésion professionnelle.  Tel qu'exprimé en jurisprudence, une lésion professionnelle et une condition personnelle peuvent coexister.

[98]           Le toxicologue Jacques Normandeau indique aussi, à la page 25 de son étude, que les symptômes du travailleur ne peuvent pas être rattachés à toute une série de pathologie et particulièrement au monoxyde de carbone.  Sur ce dernier point, monsieur Normandeau base son opinion sur le fait que les symptômes du travailleur étaient présents, malgré un taux de carboxyhémoglobine normal.  Or, la Commission des lésions professionnelles constate de la preuve documentaire que le travailleur n'a jamais subi cet examen.  Cela est confirmé par la docteure Suzanne Trempe dans son rapport du 4 janvier 1996.  De plus, monsieur Normandeau n'en fait pas référence, en page 16 de son rapport, au moment d'établir la liste des divers examens passés par le travailleur.  Enfin, un tel rapport de carboxyhémoglobine ne se retrouve pas non plus listé aux pages 35 et 36 de son rapport, alors qu'il fait état du suivi médical dudit travailleur.  La Commission des lésions professionnelles ne partage donc pas son point de vue voulant que le travailleur n'ait pas été exposé de façon excessive au monoxyde de carbone.

 

 

[99]           Un dernier élément soulevé par le toxicologue Jacques Normandeau, c'est la présence des mêmes symptômes alors que le travailleur est appelé à œuvrer à différents postes de travail.  Or, la Commission des lésions professionnelles estime que cet élément ne permet pas d'écarter la relation causale, puisque tous les postes de travail exposent le travailleur au monoxyde de carbone.  Le fait qu'il n'y a pas d'autres travailleurs affectés de la même symptomatologie médicale n'est pas suffisant pour écarter la réclamation, lorsqu'il est question des risques particuliers du travail exercé.  Nous ne sommes pas ici dans un contexte de maladie caractéristique du travail.

[100]       La Commission des lésions professionnelles partage la conclusion à laquelle en arrive l'hygiéniste industriel dans le cadre de son rapport de janvier 1997, à l'effet que les nausées et les maux de tête présentés par le travailleur sont reliés à la présence, entre autres, du monoxyde de carbone.  La Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur est porteur d'une lésion professionnelle au 26 octobre 1995 en raison particulièrement de son exposition au monoxyde de carbone et pour laquelle il y a lieu de parler d'intoxication au monoxyde de carbone.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la déclaration d'appel déposée par monsieur Yvon Lambert (le travailleur) le 16 juillet 1997; 

INFIRME la décision rendue par le Bureau de révision de la région Mauricie Bois-Francs le 30 juin 1997; 

DÉCLARE que le travailleur est porteur d'une lésion professionnelle au 26 octobre 1995 en regard principalement d'une intoxication au monoxyde de carbone en relation avec son exposition au travail.

 

 

 

 

Marielle Cusson

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

C.S.D.

(Me Thierry Saliba)

 

Représentant de la partie appelante

 

 

 

GAGNÉ, LETARTE

(Me Jean Gascon)

 

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           Duchesneau et Chemtech environnement et Cri environnement inc., 113428-62C-9903, 19 octobre 2000, L. Crochetière

[2]               A noter que les indications en italiques sont des modifications ou des précisions apportées par le travailleur au cours de son témoignage

 

[3]           Jacques Drouin et Manac inc., 117798-03B-9906, 29 mars 2000, G. Marquis

[4]           Michel Roy et Hawker Siddeley Canada inc., 100090-62-9804, 25 juin 1999, L. Couture

[5]           Évangeline Leblanc et Bauer inc., 60076-64-9406, 25 mai 1998, S. Lemire

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