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Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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No: |
33-11-1362 |
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DATE : |
26 novembre 2014 |
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LE COMITÉ : |
Me Caroline Malo, avocate |
Vice-présidente |
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M. Mario Lamirande, courtier immobilier |
Membre |
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M. Michel Paquin, courtier immobilier |
Membre |
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ROBERT DESCHAMPS, ès qualités de syndic adjoint de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec |
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Partie plaignante |
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c. |
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JEAN BERNARD MASSÉ, (C3832) |
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Partie intimée |
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et |
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC |
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Mis en cause |
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DÉCISION SUR CULPABILITÉ |
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[1] Les 26 et 27 novembre 2013, 17 et 18 mars 2014 et 3 avril 2014, le Comité de discipline de l’OACIQ se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 33-11-1362.
LA PLAINTE
[2] La plainte portée à l'encontre de l'intimé se lit comme suit :
« Jean-Bernard Massé, en tout temps membre de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, a commis des actes dérogatoires à savoir :
1. Durant le ou vers le mois de mars 2005, concernant l'immeuble sis au [...] à Sorel-Tracy, l'intimé a participé à un stratagème dont le but était la revente profitable de l'immeuble en:
a) ne faisant pas visiter l'immeuble avant la signature de la promesse d'achat PA 39261 par la promettante-acheteuse, Karine Beauchemin; et/ou
b) ne recommandant pas à la promettante-acheteuse, Karine Beauchemin, de faire inspecter l'immeuble; et/ou
c) faisant signer la promesse d'achat PA 39261 au montant de 155 000 $ à la promettante-acheteuse, Karine Beauchemin, alors qu'il savait ou aurait dû savoir que cette dernière n'avait pas les capacités financières pour faire cette acquisition et/ou alors qu'il en était insouciant; et/ou
d) omettant d'indiquer à la promettante-acheteuse, Karine Beauchemin, que l'immeuble avait été acheté par le vendeur Immo Cr. Inc. le 1er février 2005 au prix de 115 000 $; et/ou
e) laissant croire à la promettante-acheteuse, Karine Beauchemin, qu'elle bénéficierait d'une augmentation de la valeur dudit immeuble lors de sa revente; et/ou
f) promettant à la promettante-acheteuse, Karine Beauchemin, que, pour sa participation à cet acquisition, elle toucherait une somme de 5 000 $, laquelle somme ne lui a jamais été versée;
abusant ainsi de la confiance de la promettante-acheteuse, Karine Beauchemin, le tout contrairement aux articles 1, 13, 24, 26 et 28 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.
2. Durant le ou vers le mois de mars 2005, à l'occasion des démarches entreprises en vue de l'obtention d'un financement pour l'acquisition de l'immeuble sis au [...] à Sorel-Tracy, l'intimé a transmis ou a permis que soient transmis à l'institution financière prêteuse des renseignements et/ou des documents qu'il savait ou aurait dû savoir faux, concernant l'emprunteur, Karine Beauchemin, le tout contrairement aux articles (sis) 1, 11, 13 et 35 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers.
3. Durant le ou vers le mois d'octobre 2004 et novembre 2004, concernant l'immeuble sis au [...] à Saint-Joseph-de-Sorel, l'intimé a participé à un stratagème dont le but était la revente profitable de l'immeuble en:
a) ne s'assurant pas que la promettante-acheteuse, Karine Mercier, visite l'immeuble avant la signature de la promesse d'achat PA 51062; et/ou
b) laissant signer la promesse d'achat PA 51062 au montant de 115 000 $ à la promettante-acheteuse, Karine Mercier, par l'intermédiaire de l'agent immobilier Normand Brouillard, alors qu'il savait ou aurait dû savoir que cette dernière n'avait pas les capacités financières pour faire cette acquisition et/ou alors qu'il en était insouciant; et/ou
c) ne s'assurant pas que la promettante-acheteuse, Karine Mercier, soit informée que l'immeuble avait été acheté par le vendeur Nicolas Maris le 25 octobre 2004 au prix de 55 000 $; et/ou
d) laissant croire à la promettante-acheteuse, Karine Mercier, qu'elle bénéficierait d'une augmentation de la valeur dudit immeuble lors de sa revente; et/ou
e) en laissant l'agent immobilier Normand Brouillard et/ou le vendeur Nicolas Maris représenter à la promettante-acheteuse, Karine Mercier, que pour sa participation à cette acquisition elle recevrait une somme de 5 000 $, laquelle somme ne lui a jamais été versée;
abusant ainsi de la confiance de la promettante-acheteuse Karine Mercier, le tout contrairement aux articles 1, 13, 24, 26 et 28 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.
4. Au cours du mois de novembre 2004, à l'occasion des démarches entreprises en vue de l'obtention d'un financement pour l'acquisition de l'immeuble sis au [...] à Saint-Joseph-de-Sorel, l'intimé a transmis ou permis que soient transmis à l'institution financière prêteuse des renseignements et/ou des documents qu'il savait ou aurait dû savoir faux, concernant l'emprunteur, Karine Mercier, le tout contrairement aux articles 1, 11, 13 et 35 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers.
5. Durant le ou vers les mois de mai 2005 et juin 2005, concernant l'immeuble sis au [...] à Sorel-Tracy, l'intimé a participé à un stratagème ayant pour but la revente profitable de l'immeuble en:
a) laissant l'acheteur Rolf François acquérir l'immeuble au montant de 126 000 $, alors qu'il savait ou aurait dû savoir que ce dernier n'avait pas les capacités financières pour faire cette acquisition et/ou alors qu'il en était insouciant; et/ou
b) en omettant de lui indiquer et/ou sans s'assurer qu'il soit informé que l'immeuble avait été acheté par le vendeur Immo CR inc. le 7 février 2005 au prix de 85 000 $; et/ou
c) laissant croire à Rolf François qu'il bénéficierait d'une augmentation de la valeur dudit immeuble lors de sa revente;
abusant ainsi de la confiance de l'acheteur, Rolf François, le tout contrairement aux articles 1, 13, 24, 26 et 28 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.
6. Au cours du ou vers le mois de mai 2005, à l'occasion des démarches entreprises en vue de l'obtention d'un financement pour l'acquisition de l'immeuble sis au [...] à Sorel-Tracy, l'intimé a transmis ou permis que soient transmis à l'institution financière prêteuse des renseignements et/ou des documents qu'il savait ou aurait dû savoir faux, concernant l'emprunteur, Rolf François, le tout contrairement aux articles 1, 11, 13 et 35 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers.
7. Durant le ou vers le mois de septembre 2004, concernant l'immeuble sis au [...] à Ste-Anne-de-Sorel, l'intimé a participé à un stratagème dont le but était la revente profitable de l'immeuble en:
a) ne faisant pas visiter l'intérieur de l'immeuble avant la signature de la promesse d'achat PA 73291 par la promettante-acheteuse, Marie-Claude Blanchard; et/ou
b) représentant à la promettante-acheteuse, Marie-Claude Blanchard, que les revenus de l'immeuble couvriraient la totalité des frais liés à cet immeuble, notamment des paiements hypothécaires; et/ou
c) faisant signer la promesse d'achat PA 73291 au montant de 133 000 $ à la promettante-acheteuse, Marie-Claude Blanchard, alors qu'il savait ou aurait dû savoir que cette dernière n'avait pas les capacités financières pour faire cette acquisition et/ou alors qu'il en était insouciant; et/ou
d) en omettant d'indiquer à la promettante-acheteuse, Marie-Claude Blanchard, que l'immeuble avait été acheté par la vendeuse, Geneviève Massé, la veille, soit le 29 septembre 2004 au prix de 81 000 $; et/ou
e) laissant croire à la promettante-acheteuse, Marie-Claude Blanchard, qu'elle bénéficierait de l'augmentation de la valeur dudit immeuble lors de sa revente;
abusant ainsi de la confiance de la promettante-acheteuse, Marie-Claude Blanchard, le tout contrairement aux articles 1, 13, 24, 26 et 28 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.
8. Concernant l'immeuble sis au [...], à Ste-Anne-de-Sorel, l'intimé n'a pas:
a) préalablement à la
signature de la promesse d'achat par la promettante-acheteuse, Marie-Claude
Blanchard, le ou vers le 30 septembre 2004, fait connaître sans délai et par
écrit sa qualité d'agent immobilier et son intérêt direct ou indirect qu'il
possédait dans l'immeuble au contractant pressenti, Marie-Claude Blanchard,
selon les modalités prévues à l'article
b) à compter du ou vers le 30 septembre 2004, transmis dans les meilleurs délais à l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec une copie de l'avis écrit de divulgation, ainsi que la promesse d'achat PA 73291;
commettant à chacune
de ces occasions, une infraction aux articles
9. Au cours du ou vers le mois d'octobre 2004, à l'occasion des démarches entreprises en vue de l'obtention d'un financement pour l'acquisition de l'immeuble sis au [...] à Ste-Anne-de-Sorel (sic), l'intimé a transmis ou permis que soient transmis à l'institution financière prêteuse des renseignements et/ou des documents qu'il savait ou aurait dû savoir faux, concernant l'emprunteur, Marie-Claude Blanchard, le tout contrairement aux articles 1, 11, 13 et 35 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers.
10. Le ou vers le 10 juin 2008, à Brossard, l'intimé a fait une fausse déclaration au cours d'une enquête tenue par le syndic adjoint, Robert Deschamps, en lui déclarant ne jamais s'être occupé du financement hypothécaire pour des acheteurs, le tout contrairement à l'article 55 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.
11. L'intimé a participé à un stratagème dont le but était de permettre au promettant-acheteur d'obtenir un financement garanti par (sic) hypothèque immobilière sur la base de fausses représentations, notamment:
a) le ou vers le mois d'août 2004, à l'occasion de la demande de financement de Mme Nadia Joseph, relativement à l'acquisition par cette dernière de l'immeuble sis au [...], à St-Joseph-de-Sorel;
b) le ou vers le mois d'août et septembre 2004, à l'occasion de la demande de financement de M. Yves Paulin Wandji Mbangue, relativement à l'acquisition par ce dernier de l'immeuble sis au [...], à Sorel;
commettant à chacune de ces occasions, une infraction aux articles 1 et 13 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec. »
LE MOYEN PRÉLIMINAIRE
[3]
Le 16 septembre
2011, l'intimé a signifié, par l'entremise de son procureur, un avis d'intention
de faire déclarer inapplicable, invalide et inopérant constitutionnellement
l'article
[4] Un avis d'intention identique a été signifié dans plusieurs dossiers du Comité de discipline. Dans l'affaire LeBel c. Alavi, une formation du Comité a rejeté, après enquête et audition, la demande de déclarer invalide certains articles de loi et cette décision n'a pas été portée en appel[1].
[5]
Lors de l'audience
du 3 avril 2014, l'intimé, qui n'était alors plus représenté par avocat, a
informé le Comité qu'il ne donnerait pas suite au moyen constitutionnel invoqué
dans l'avis d'intention amendé en vertu de l'article
LA PREUVE
Le bureau de l’intimé
[6] La preuve a démontré que l’intimé possédait un bureau sur la rue de la Barre à Longueuil portant le nom de Corporation Immobilière Renaissance. Plusieurs personnes partageaient les bureaux dont l'intimé Jean Bernard Massé, courtier immobilier, Normand Brouillard, courtier immobilier, François Dumouchel, comptable, Jean-Denis Côté, dirigeant de plusieurs entreprises dans le domaine immobilier.
[7] Tous les témoins entendus ont référé à cet endroit comme étant « le bureau de Monsieur Massé ». Les acheteurs des transactions visées par la plainte soit Rolf François, Karine Beauchemin et Karine Mercier y ont travaillé alors que Marie-Claude Blanchard exploitait un atelier de couture et un comptoir de nettoyeur dans le même immeuble. À l’exception de Karine Mercier, toutes les transactions visées par la présente plainte avaient comme vendeur un individu ou une compagnie située sur la rue de la Barre à Longueuil.
[8] Monsieur Massé a témoigné qu'il recevait à son bureau des gens intéressés à investir en immobilier et qu'il leur présentait le projet. Pour ce qui est des immeubles situés à Sorel, il les référait à Normand Brouillard après une rencontre initiale d'explications. Son témoignage est vague quant aux explications données. Monsieur Brouillard contrôlait une compagnie qui effectuait la gestion des immeubles pour les investisseurs.
[9] Le comptable interne de Jean-Denis Côté, François Dumouchel, a témoigné à la demande de Monsieur Massé. Il a été comptable pour les compagnies contrôlées par Jean-Denis Côté (une dizaine environ) de 2001 à 2009-2010. Il a expliqué que Jean-Denis Côté investissait dans l'immobilier et utilisait les services de deux courtiers immobiliers soit Jean Bernard Massé et Normand Brouillard pour environ 95 à 99% des transactions.
[10] Jean-Denis Côté vendait des immeubles à des investisseurs qui n'avaient pas à injecter de mise de fonds. Afin d'obtenir un emprunt bancaire, Placements JD Côté prêtait 5% du montant de la vente à l'acheteur. Suite à la transaction, le vendeur (Immo CR, Immobilier JD Côté ou autre) recevait le montant total de la vente incluant la mise de fonds de 5% et donnait un crédit à l'acheteur pour des travaux non exécutés. Ce crédit représentait la somme prêtée par Placements JD Côté (habituellement 5%) plus un léger supplément. Un chèque sortait donc du compte du vendeur à l'acheteur et l'acheteur remboursait ainsi son prêt à Placements JD Côté plus les intérêts. Il y avait donc gonflement du prix de vente afin de contourner l'exigence des institutions financières selon laquelle l'acheteur doit injecter une mise de fonds de 5% du montant de la vente.
[11] Monsieur Massé a témoigné que Jean-Denis Côté était son partenaire d'affaires dans un projet immobilier à St-Martin de plusieurs millions de dollars. Il a également témoigné avoir perdu le contrôle « du bureau » vers la mi-2004 alors qu'il a fait plusieurs crises de haute pression. Il aurait vendu le bureau vers 2006-2007. Il a également eu un conflit avec Jean-Denis Côté qui l'a mené à la faillite.
Le financement à la Banque TD
[12] La preuve a démontré que toutes les transactions avaient été financées à la Banque TD succursale de Ville-St-Laurent. Un représentant de la Banque TD a témoigné quant au contenu des dossiers de financement et son témoignage confirme la présence des faux documents aux dossiers.
[13] De plus, la preuve a démontré que toutes les demandes de financement avaient été traitées par la même représentante de la Banque TD, Kim Jaimie Janna. Les emprunteurs ont témoigné pour la plupart s'être présenté à la Banque TD à la demande de l'intimé pour signer la demande de financement.
[14] L'intimé a voulu faire entendre Madame Janna comme témoin, mais compte tenu que cette dernière travaille maintenant à Vancouver, il a été difficile d'obtenir sa collaboration. Les parties ont donc convenu d'admissions pour valoir témoignage. Il est donc admis que si Madame Janna avait témoigné, elle aurait dit ce qui suit.
[15] Les procédures qu'elle appliquait dans ses dossiers à compter de 2004 étaient :
· de rencontrer les emprunteurs;
· de valider les informations financières au dossier;
· de s'assurer de la compréhension des emprunteurs;
· de faire signer la demande d'emprunt;
[16] Il est également admis que sa relation avec la Banque TD a pris fin en 2010 et qu'elle travaille actuellement dans une autre banque
Marie-Claude Blanchard (chefs 8 et 9)
[17] Tel que mentionné ci-haut, Marie-Claude Blanchard exploite un atelier de couture dans le même immeuble où étaient situés les bureaux de Corporation Immobilière Renaissance et dans le même immeuble où Monsieur Massé habite. Elle a donc connu Monsieur Massé qui prenait des cafés avec elle de façon quasi quotidienne. Elle connaissait également ses enfants.
[18] En 2004, Monsieur Massé lui a présenté le projet d’acheter un immeuble sans investir d’argent. Il lui a représenté qu’il s’occuperait de tout et que les loyers allaient payer l’hypothèque et les dépenses. La mise de fonds de 10 000 $ devait être payée par Monsieur Massé. De plus, ce dernier s’occupait du financement. À cet égard, elle lui a remis un relevé bancaire et un avis de cotisation. Monsieur Massé l’a informée que son financement serait avec la Banque TD et il l'a accompagnée à son rendez-vous à la succursale St-Laurent.
[19] Le relevé bancaire (P-15) et les avis de cotisation (P-16), qui ont été remis à la Banque TD pour le financement, sont des faux. Elle les a reçus du bureau de Monsieur Massé quelques mois après être allé chez le notaire pour la transaction et s'en est rendu compte à ce moment.
[20] Elle n’a pas visité l’immeuble, ayant seulement vu l’extérieur alors qu’elle était accompagnée du courtier inscripteur, Normand Brouillard. Monsieur Massé a établi le montant de la promesse d'achat, l'a préparée et a choisi le notaire.
[21] L'intention de Madame Blanchard était de revendre l’immeuble et de faire un profit. Or, elle a dû investir beaucoup d’argent. Les locataires ne payaient pas et elle a dû utiliser des huissiers pour les expulser. De plus, les loyers ne couvraient pas les dépenses et il lui restait environ 300 $ par mois à payer.
[22] Monsieur Massé a témoigné que Normand Brouillard s'est occupé de la gestion de l'immeuble pendant deux ans et qu'il n'a jamais été avisé qu'il y avait des problèmes avec les locataires.
[23] Lors de l’achat de l’immeuble chez le notaire, Madame Blanchard a appris qu’elle achetait de la fille de Monsieur Massé. Plus tard, lorsqu’elle a tenté de revendre l’immeuble, elle a su exactement quand la fille de Monsieur Massé avait acheté et à quel prix. En effet, il appert que Geneviève Massé a acheté l’immeuble le 30 septembre 2004 pour la somme de 81 000 $. Or, Madame Blanchard a présenté une promesse d’achat au montant de 133 000 $ le même jour, soit le 30 septembre 2004 (P-13, P-37 et P-38), mais pour 50 000 $ de plus.
[24] Elle a alors fait une demande d'assistance à l'ACAIQ (P-40, I-1 et I-2) et a vendu l'immeuble à son fils pour le solde hypothécaire.
[25] Monsieur Massé admet ne pas avoir transmis d'avis de divulgation de son intérêt concernant cette transaction. Il insiste toutefois sur le fait que Madame Blanchard savait que le vendeur était sa fille. Il admet également ne pas lui avoir mentionné combien sa fille avait payé pour l'immeuble.
Karine Beauchemin (chefs 1 et 2)
[26] L’intimé et Karine Beauchemin se sont rencontrés alors que Madame Beauchemin était serveuse au resto-bar le Casey’s où Monsieur Massé était un client régulier. Comme elle s’intéressait à l’immobilier, Monsieur Massé lui a offert de travailler à son bureau. Elle travaillait à la réception et faisait la tenue des dossiers. Après avoir travaillé quelques mois à temps partiel, elle a décidé de s’investir en immobilier et a commencé à travailler à temps plein. De plus, elle a effectué sa formation de courtier immobilier qui a été payée par Monsieur Massé. Après avoir obtenu son permis de courtier, elle est restée avec Monsieur Massé environ un mois et a quitté pour une autre agence. Selon son témoignage, Monsieur Massé n’allait pas bien à cette époque et était très colérique.
[27] À l’hiver 2005, Monsieur Massé lui a présenté un projet d’acheter un immeuble qui serait un bon investissement, c’est-à-dire que les revenus de loyer couvriraient les dépenses incluant l’hypothèque. De plus, Monsieur Massé lui a offert 5 000 $ pour couvrir les imprévus relatifs à l’immeuble.
[28] L’immeuble de la rue St-Vincent à Sorel lui a donc été présenté sur papier. Cet immeuble était mis en vente par l’entremise du courtier Normand Brouillard qui partageait les mêmes bureaux que Monsieur Massé (P-3). Elle a présenté une promesse d’achat par l’entremise de l’intimé Monsieur Massé au montant de 155 000 $ alors que l’immeuble était en vente pour 157 000 $ (P-42) et cette offre d’achat a été acceptée le 11 mars 2005. Elle n’a pas visité l’immeuble avant de présenter la promesse d’achat ni avant de signer l’acte notarié chez le notaire.
[29] En ce qui concerne le financement de l’achat, Monsieur Massé s’est occupé de tout. Elle ne se rappelle pas lui avoir remis de document. Elle n’avait pas d’économie, ne devait pas investir d’argent dans l’immeuble et avait des revenus de serveuse entre 23 000 $ à 25 000 $ par année. Monsieur Massé nie tout simplement s'être occupé du financement.
[30] L’avis de cotisation qui a été soumis à la Banque TD indique des revenus de 55 831 $ (P-5) et Madame Beauchemin témoigne qu'elle ne gagnait pas cette somme. De plus, la revue de portefeuille Clarica indiquant un placement non enregistré de 15 237,76 $ (P-6) qui a été soumis à la Banque TD est un faux, Madame Beauchemin n’ayant jamais investi d’argent chez Clarica.
[31] Le conseiller en sécurité financière de chez Clarica, Gilles Desmarais, a témoigné. Son nom est indiqué sur la pièce P-6. Bien que Jean-Denis Côté, Jean Bernard Massé et Normand Brouillard lui aient référé des clients, il n'a jamais eu Karine Beauchemin comme cliente. De plus, il a confirmé que la revue de portefeuille (P-6) n'a pas la même mise en page et ne correspond pas aux documents émanant de Clarica.
[32] Karine Beauchemin s'est rendue à la Banque TD succursale St-Laurent à la demande de Monsieur Massé. Elle reconnaît avoir signé la demande de crédit auprès de la Banque TD (P - 4) alors qu’elle était en présence de la représentante de TD. Elle reconnaît également que cette demande de crédit indique un actif de 23 000 $ alors qu’elle n’avait pas 23 000 $. La représentante se nommait Kim et elle se souvient d’elle. Elle l’a informée du taux d’intérêt et des détails de l’hypothèque. Elle n’a pas demandé d’explications.
[33] Karine Beauchemin a donc procédé à l’achat le 7 avril 2005 et a reçu un chèque pour couvrir les imprévus de 5 000 $ le 15 août 2005 (P-43). Elle ne l’a toutefois pas encaissé à la demande de Monsieur Massé qui lui a dit d’attendre et qui, par la suite, lui a demandé d’annuler le chèque. Elle a suivi ses directives étant donné qu’elle travaillait pour lui et lui faisait confiance.
[34] Monsieur Massé a rendu un témoignage des plus confus à l’égard de ce chèque. Il a tenté de dire qu’il lui avait remis ce chèque pour obtenir des faveurs sexuelles de sa part et que cela n'avait rien à voir avec l'immobilier. Du même coup, il a témoigné qu'il lui a remis le chèque parce qu’elle avait besoin de sécurité financière en raison de son investissement. Il a ajouté que si elle avait des problèmes avec ses immeubles, il l’aurait aidé.
[35] Quelques semaines après avoir acheté l’immeuble, alors qu’elle faisait la tenue des dossiers au bureau de Monsieur Massé, Karine Beauchemin a pris connaissance du dossier d’achat de son vendeur et a su à ce moment quand le vendeur avait acheté et à quel prix. En fait, le vendeur était Immo CR inc. et avait acheté deux mois plus tôt à 115 000 $ soit 40 000 $ de moins. Tel que mentionné ci-haut, Immo CR partageait les mêmes bureaux que Monsieur Massé. Elle trouvait que Monsieur Massé faisait beaucoup d’argent sur la vente.
[36] En ce qui concerne l’immeuble, les deux logements du haut étaient en bon état. Toutefois, il y avait de l’infiltration d’eau dans le logement du bas et des travaux étaient à faire. Monsieur Massé lui a dit de garder l’immeuble cinq ans et que par la suite, elle ferait un profit. Elle l’a conservé jusqu’en 2010 et l’a revendu à 135 000 $, ce qui signifie une perte de 20 000 $ plus le coût des rénovations du sous-sol.
[37] Madame Beauchemin a également acheté un deuxième immeuble par l’entremise de Monsieur Massé. Cet investissement a bien tourné dû à un incident. En effet, le locataire a tenté de tuer sa femme et a par la suite mis le feu à l’immeuble. En conséquence, elle a touché l’indemnité d’assurance quatre mois après l’achat et a effectué un profit d’environ 70 000 $.
[38] Elle a également acheté un autre immeuble de sa grand-mère ce qui a donné lieu à une chicane de famille et à un litige juridique. Elle a été poursuivie par sa mère et son oncle. Lorsqu’elle a acheté l’immeuble de sa grand-mère, l’institution financière ne comprenait pas comment elle avait réussi à se faire financer l’achat de son premier immeuble à Sorel.
[39] Elle connaissait Normand Brouillard et Jean-Denis Côté étant donné qu’ils travaillaient au même bureau, mais n’a jamais eu à faire affaire avec eux, seulement avec Monsieur Massé et avec Céline à la réception.
[40] L’intimé Monsieur Massé a témoigné qu’il avait le « béguin » pour elle. Il l’a invité à travailler à son bureau pour apprendre l’immobilier et elle a eu accès à beaucoup d’information. Il la côtoyait à l’extérieur du bureau et l’a amenée en voyage à St-Martin. Il a rencontré sa grand-mère, mais n’a pas voulu s’impliquer dans le litige avec sa famille. Lors de l’incendie, il l’a aidé à trouver un expert en sinistre. Il n’a pas voulu s’impliquer dans la vente du terrain où était situé l’immeuble incendié étant donné que les « Hells » voulaient l’acheter puisque selon Monsieur Massé, le terrain donnait accès à leur bunker à Sorel. Monsieur Massé nous a expliqué à plusieurs reprises au cours de l'audition qu’il se tenait loin du milieu de la drogue en raison de ses problèmes survenus à la fin des années 1980 qui ont mené à son incarcération.
Karine Mercier (chefs 3 et 4)
[41] Karine Mercier a été présentée à l’intimé Massé par son ami Alexandre Maris. Ce dernier lui avait parlé du projet d’investir dans l’immobilier pour faire de l’argent. De son côté, il l’avait fait à plusieurs reprises ce qui a donné envie à Karine Mercier d’embarquer dans l’aventure. Elle avait 24 ans et venait d’arriver à Montréal de la Gaspésie. Ses revenus étaient de moins de 10 000 $ par année.
[42] À l'automne 2004, Monsieur Massé lui a présenté le projet et a indiqué qu’elle n’aurait pas besoin de dépôt, qu’il s’occuperait du financement et qu’elle obtiendrait une remise de 5 000 $ sur l’hypothèque. Elle n’a pas visité l’immeuble et a simplement vu des photos.
[43] L'immeuble était mis en vente par l'entremise de Normand Brouillard et ce dernier a également préparé la promesse d'achat (P-34).
[44] Elle a remis à Monsieur Massé un relevé T4 ainsi qu’un relevé de compte bancaire de la Caisse du Littoral Gaspésienne. Monsieur Massé l’a avisé lorsque le financement a été accepté, soit environ deux à trois semaines après la signature de la promesse d’achat. Les avis de cotisations (P-7) ainsi que le relevé de compte (P-8) auprès de la Caisse Desjardins ne correspondent pas à ses informations financières. Elle confirme s’être présentée à la succursale de Ville St-Laurent de la Banque TD pour signer la demande de crédit et que la représentante de la Banque TD s’appelait Kim (P-9). Monsieur Massé nie s'être occupé du financement.
[45] Elle a acheté l’immeuble pour 115 000 $ (P-36) sur les représentations de l’intimé qui lui a dit que le prix n’était pas élevé. Elle ne savait pas combien le vendeur l’avait acheté et a fait des vérifications plus tard lorsqu’elle est devenue courtier immobilier. C’est alors qu’elle a appris que le vendeur l’avait acheté un mois auparavant pour une somme de 40 000 $ de moins. En fait, le vendeur était le frère de son ami Alexandre Maris, soit Nicolas Maris. Selon l’index aux immeubles (P-35) c’est un profit de 60 000 $ qu’aurait fait Nicolas Maris sur cette transaction en un mois.
[46] Elle n’a jamais eu le 5 000 $ qui devait lui être payé avec l’hypothèque. De plus, les loyers ne couvraient pas le montant total de l’hypothèque. Monsieur Massé lui avait dit qu’il y aurait des fonds dans un compte bancaire pour couvrir l’hypothèque et qu’après un an, elle pourrait revendre et faire de l’argent. Elle n’a toutefois pas fait d’argent et était plutôt dans une situation où elle devait de l’argent à Monsieur Massé et elle n’avait pas les moyens de le rembourser.
[47] Elle a vu l’immeuble lorsqu’elle a eu des problèmes avec ses locataires et a dû aller à la Régie du logement. Elle est toutefois demeurée dans l’entrée pour collecter les loyers et n’a jamais été à l’intérieur de l’immeuble. Elle a revendu l'immeuble avec l'aide de Monsieur Massé.
[48] Elle est devenue courtier immobilier un an après la transaction. Elle a fait l’objet d’une plainte disciplinaire pour laquelle elle a été trouvée coupable d'avoir refusé de collaborer avec la syndic à l’égard de l’enquête concernant l’intimé Massé et de ne pas avoir divulgué sa qualité d’agent immobilier lorsqu’elle a vendu l’immeuble en cause.
[49] Le vendeur Nicolas Maris a également témoigné à la demande de Monsieur Massé. Il affirme avoir été présenté à Karine Mercier par son frère Alexandre. En ce qui concerne la vente de l’immeuble, le prix a été fixé par le courtier immobilier Normand Brouillard et vendu par son intermédiaire. Étant donné qu’il y avait des travaux à faire sur l’immeuble, il a avisé Karine Mercier qu’il lui remettrait la somme de 11 900 $ et a consigné le tout par écrit (pièce P-3). Il croit avoir donné 2 000 $ de plus, mais ne sait pas pourquoi. Toutefois, il n’a pas retracé le chèque correspondant à ce paiement.
[50] Il reconnaît avoir fait un gain en capital suite à la vente et d’avoir payé des impôts. Il n’est pas en mesure d’expliquer pourquoi il n’a pas baissé le prix de vente du montant payé à Karine Mercier pour les travaux à faire et ainsi payer moins d’impôt sur le produit de la vente plutôt que de lui remettre une somme avec une entente séparée. Normand Brouillard lui avait dit de faire ça. Il a témoigné que Monsieur Massé n'était pas impliqué dans cette transaction, seulement Normand Bouillard.
[51] Alexandre Maris a témoigné qu’il a effectivement présenté Karine Mercier à son frère Nicolas. Il l’a également présentée à Normand Brouillard et témoigne que Monsieur Massé n’était pas présent.
[52] Monsieur Massé de son côté a témoigné avoir rencontré Karine Mercier pour lui présenter le projet d’investissement et l’avoir référé à Normand Brouillard qui s’en est occupé. Il affirme n’avoir eu aucun rôle à jouer dans cette transaction une fois qu’il l’a présenté à Normand Brouillard. Il nie avoir vu les documents financiers de Karine Mercier et affirme ne pas avoir été impliqué dans cette transaction. Il confirme également que lorsqu’elle a voulu vendre son duplex puisqu’elle avait des difficultés financières, il lui a trouvé un client pour l’acheter et explique qu’il s’en est occupé étant donné que son nouveau copain avait des problèmes de drogue et qu’il ne voulait avoir aucun lien avec une personne de près ou de loin au milieu de la drogue.
[53] Le Comité conclut que Monsieur Massé minimise son rôle dans la transaction. Pourquoi s’impliquer dans la revente de l'immeuble pour couper les ponts avec Karine Mercier et son nouveau copain s’il n’avait aucune implication dans l’achat et la gestion de l’immeuble? Le Comité retient plutôt le témoignage de Karine Mercier. Monsieur Massé devait lui avancer de l'argent pour couvrir les dépenses et l'a donc aidé à revendre. De plus, le Comité considère que les témoignages des frères Maris étaient de toute évidence complaisants à l'égard de Monsieur Massé et de son implication.
Rolf François (chefs 5 et 6)
[54] Monsieur François a été présenté à Monsieur Massé par l’entremise d’un de ses amis qui avait acheté une maison. Comme il était également intéressé à investir, son ami l’a présenté à Monsieur Massé. Monsieur Massé lui a demandé ses informations personnelles afin de faire une enquête de crédit. Il lui a expliqué que les locataires allaient payer un loyer qui allait lui permettre de payer l’hypothèque et que s’il y avait un problème, il allait couvrir la différence. De plus, il allait payer les taxes et l’assurance. Aucune mise de fonds n’était nécessaire.
[55] Il en a parlé à son père qui est dans le domaine de l’immobilier et son père ne comprenait pas comment il pouvait procéder de la sorte, mais étant donné qu’il n’habite pas le Canada, il s’est dit que c’était peut-être la façon de faire au Canada. Monsieur Massé lui a dit qu’il procédait de cette façon-là depuis 20 à 25 ans et qu’il n’avait jamais eu de problème. Il lui a donc fait confiance.
[56] Il est allé à Sorel avec Monsieur Massé pour voir l’immeuble, mais ils n’ont pas visité à l’intérieur. Il lui avait présenté qu’il conserverait l’immeuble un an et que, par la suite, il pourrait en acheter un autre.
[57] À l’époque, il avait déjà trois prêts, était étudiant à l’école de droit et il travaillait à l’hôpital. Il s’est présenté à la Banque TD à la demande de Monsieur Massé et a rempli des documents.
[58] Il a témoigné que les documents qui se sont retrouvés au dossier de la Banque TD pour obtenir le financement ne sont pas les siens (les avis de cotisation P-10 et la revue de portefeuille de Clarica P-11). Ces deux documents indiquent qu’il s’appelle François Rolf au lieu de Rolf François. Monsieur Desmarais de Clarica, dont le nom apparaît comme représentant, a confirmé que le relevé P-11 n'émanait pas de Clarica.
[59] Rolf François ne s’est pas occupé de « collecter » les loyers puisque Monsieur Massé lui a dit qu’un certain Michel s’en occuperait et déposerait l’argent dans son compte de banque. Il a reçu des chèques directement de Monsieur Massé de même que d’Immobilière Intra Gest Inc. pour payer des dépenses de l'immeuble (P-29).
[60] Le premier mois suite à l’achat, il a commencé à avoir des problèmes avec les locataires. Il a dû mettre de la pression sur Monsieur Massé à chaque mois pour couvrir le découvert. Il a alors décidé de mettre l'immeuble sur le marché pour le vendre, mais Monsieur Massé a refusé. Un an plus tard, Monsieur Massé lui a dit qu’il n’allait pas le vendre étant donné qu’il considérait que l'immeuble était une poubelle.
[61] Pendant l’année où il a été propriétaire de l'immeuble, il travaillait au bureau de Monsieur Massé et remplissait des promesses d’achat sans le nom des acheteurs. Monsieur Massé le payait 2 000 $ aux deux semaines pour travailler pour lui et il a arrêté lorsqu’il lui a dit que son immeuble était une poubelle. C’est aussi à ce moment qu’il est tombé malade avec le cancer. Il avait de la pression de la banque et l'immeuble a été repris en paiement par la banque. Il n'a pas perdu d'argent, mais a perdu son nom et son crédit.
[62] Monsieur François ne savait pas que la maison avait été achetée quatre mois avant son propre achat pour 85 000 $ (P-31) alors que de son côté, il a payé 126 500 $ (P-32).
[63] Monsieur Massé a témoigné qu’il a beaucoup aidé Monsieur François pendant ces années et a tenté de l’impliquer dans un projet immobilier en République dominicaine pour lequel il avait besoin d’avocats. Il a également essayé de l’aider à trouver du travail dans trois bureaux d’avocats. Il affirme qu’il le payait 300 $ en argent comptant par semaine, mais indique que ce paiement n’avait aucun lien avec l’immobilier. Il ne comprend pas de quoi se plaint Monsieur François puisqu'il considère l'avoir beaucoup aidé, mais que ce dernier ne s'est pas occupé de son immeuble.
Nadia Joseph et Yves Paulin Wandji Mbangue (chef 11)
[64] Monsieur Paulin a témoigné qu'un ami lui avait expliqué qu'il était possible d'obtenir une hypothèque sans mise de fonds et qu'il lui a présenté Gilles Desmarais. Il a fait des calculs avec ce dernier et Monsieur Desmarais l'a amené dans un bureau à Longueuil près du métro et un « Monsieur » lui a présenté l'immeuble qu'il pourrait acheter.
[65] Il a témoigné que Gilles Desmarais s'est occupé de son financement. Il a remis ses documents à la secrétaire du bureau de La Barre pour qu'elle les remette à Gilles Desmarais. Il est allé à la Banque TD avec Gilles Desmarais et a discuté du financement avec ce dernier.
[66] Tel que mentionné ci-haut, François Dumouchel a témoigné que Placements JD Côté (une entreprise liée au vendeur des immeubles) prêtait la mise de fonds exigée par les institutions financières aux acheteurs.
[67] Selon le témoignage de Gilles Desmarais de Clarica et de François Dumouchel, Jean-Denis Côté voulait trouver un véhicule de placements plus sécuritaire pour l'argent qu'il prêtait aux acheteurs. En effet, afin de démontrer à l'institution financière que l'acheteur a les liquidités suffisantes pour procéder à l'achat, le montant correspondant à la mise de fonds doit être en sa possession pour une période de trois mois. Or, Jean-Denis Côté considérait que de déposer l'argent prêté au compte chèque de l'acheteur était risqué puisque l'acheteur pouvait retirer l'argent facilement durant la période où cet argent devait demeurer en sa possession.
[68] Monsieur Desmarais de Clarica a donc rencontré Jean-Denis Côté et son comptable François Dumouchel pour trouver un véhicule d'investissement à court terme. Étant donné qu'un placement à court terme chez Clarica n'était pas très intéressant pour Monsieur Desmarais au niveau de la commission, les acheteurs devaient prendre également une police d'assurance-vie sur laquelle Monsieur Desmarais pouvait toucher une commission sur les primes d'assurance..
[69] Monsieur Desmarais ne savait pas qui prêtait l'argent, mais savait que Jean-Bernard Massé, Normand Brouillard et Jean-Denis Côté travaillaient ensemble. Il était sous l'impression que Monsieur Massé était le bailleur de fonds, mais convient que cette impression n'était pas fondée sur grand-chose.
[70] Dans le dossier de Nadia Joseph et dans celui de Yves Paulin, les clients ont appelé Monsieur Desmarais quelques jours seulement après avoir investi l'argent pour leur dire qu'ils voulaient retirer l'argent et qu'ils annulaient le placement au lieu des trois mois habituels dans la vingtaine d'autres dossiers faits avec le bureau de Monsieur Massé.
[71] Selon Monsieur Desmarais, Monsieur Paulin a remis la mise de fonds devant être investie dans un placement Clarica de 12 000 $ le ou vers le 9 septembre soit au moment où il a rempli la proposition de rente (P-48) et la proposition de l'assurance (P-49). Toutefois, le relevé Clarica (P-27) semble avoir été modifié puisque ce relevé indique que le placement a été émis le 2 février 2004 ce qui est faux. Il en est de même pour celui de Nadia Joseph. Le placement n'a pas été émis le 18 janvier 2004, mais plutôt le 19 août 2004 (P-22).
[72] Le Comité conclut que la date d'émission des relevés Clarica (P-27 et P-22) a été modifiée pour démontrer que l'argent était resté dans le compte Clarica pour une période supérieure à trois mois afin de rencontrer les exigences de la banque. Cela étant dit, les relevés de placements Clarica non modifiés ont été télécopiés au bureau de Monsieur Massé afin d'être utilisés pour le financement.
[73] Suite à la demande respective des deux clients d'annuler l'investissement, Monsieur Desmarais a fait émettre par Clarica deux chèques représentant le montant du placement (P-44 et P-45).
[74] Monsieur Paulin explique avoir reçu de Gilles Desmarais le chèque P-44. Ce dernier lui a expliqué qu'il devait le remettre au vendeur étant donné qu'il s'agissait de son argent. Comme le vendeur n'était pas là, Monsieur Desmarais lui avait dit de le remettre à Monsieur Massé étant donné que Monsieur Massé et le vendeur étaient des amis et travaillaient ensemble.
[75] En ce qui concerne Madame Joseph, elle a témoigné avoir vu une annonce dans les journaux et avoir téléphoné à Monsieur Massé pour acheter un immeuble. Son témoignage était confus et elle était très réticente à répondre aux questions. Elle ne se souvient pas comment elle a effectué la mise de fonds et reconnait sa signature à l'endos du chèque Clarica (P-45). Elle a envoyé ses documents relativement à ses revenus et son emploi à Monsieur Massé à son bureau. Elle a témoigné que le but de l'achat était de faire un profit avec les loyers et que cet achat l'avait mise dans le « trouble » à la place.
[76] Son fils Grégory François a également témoigné brièvement à la demande de la partie plaignante et il a indiqué être sans emploi et connaître Monsieur Massé depuis une dizaine d'années.
[77] Monsieur Massé a témoigné ne pas s'être occupé de la transaction de Madame Joseph puisque son fils était dans le milieu de la drogue.
[78] Il admet être allé déposer les chèques Clarica dans son compte pour rendre service à Jean-Denis Côté qui était à l'extérieur du pays soit au mois d'août (P-45) et au mois de septembre (P-44). Il témoigne avoir effectué un transfert de son compte à celui de Jean-Denis Côté le jour même aux deux occasions. Le comptable Dumouchel a témoigné au même effet. Aucun document n'a été déposé pour démontrer le transfert.
ANALYSE
[79] Monsieur Massé tente d'écarter toute implication de sa part dans les transactions en cause. Selon son témoignage, le projet de vente d'immeubles à Sorel était le projet de Normand Brouillard alors que lui s'occupait de Montréal.
[80] Toutefois, il admet qu'il faisait une première rencontre avec les investisseurs potentiels pour présenter les projets. Il les connaissait d'ailleurs tous. Il plaide également qu'il n'y a rien d'illégal à procéder à la revente rapide d'un immeuble à profit. Selon les acheteurs, Monsieur Massé leur représentait qu'ils n'auraient pas à injecter de fonds, que les loyers couvriraient les dépenses et l'hypothèque et que l'immeuble pourrait être revendu rapidement à profit en raison de la hausse du marché.
[81] Monsieur Massé nie particulièrement avoir indiqué que les immeubles pouvaient être achetés sans mise de fonds. Il nie toute implication relativement aux stratégies pour obtenir le financement hypothécaire sans mise de fonds. Il a témoigné ne pas savoir d'où provenait l'argent pour les mises de fonds des acheteurs. Or, le Comité ne croit pas Monsieur Massé. Il n'est clairement pas victime d'un complot.
[82] En effet, la preuve a démontré que les mises de fonds étaient financées par une compagnie liée à Jean-Denis Côté. De plus, la preuve a démontré une relation étroite entre messieurs Côté et Massé. En effet, Jean-Denis Côté occupait un bureau dans les locaux de monsieur Massé et utilisait les services de messieurs Massé et Brouillard pour le courtage des immeubles de ses compagnies. De plus, il lui demandait des services tels que d'utiliser son compte bancaire pour déposer des chèques représentant le remboursement de mises de fonds. Monsieur Massé est devenu un client à la Banque Nationale en gestion privée suite à l'intervention de Jean-Denis Côté auprès de la banque. Ce type de service VIP est habituellement réservé aux clients ayant un portefeuille de 10M$ et plus. Les deux hommes étaient également associés dans un projet immobilier de plusieurs millions de dollars à St-Martin.
[83] Par ailleurs, le courtier inscripteur pour tous les immeubles visés par la plainte était Normand Brouillard qui partageait également un bureau avec lui dans ses locaux.
Le stratagème et les chefs 1, 3, 5 et 7
[84] En ce qui concerne le chef 1, la preuve a démontré que l'intimé était le courtier collaborateur concernant cette transaction, qu'il n'a pas fait visiter l'immeuble avant la signature de la promesse d'achat, qu'il n'a pas recommandé à Karine Beauchemin de faire inspecter l'immeuble, qu'il lui a fait signer une promesse d'achat au montant de 155 000 $ sans se soucier de sa capacité financière, qu'il a omis d'aviser Karine Beauchemin que l'immeuble avait été acheté un mois plus tôt par Immo CR au prix de 115 000 $, qu'il a laissé croire à Karine Beauchemin qu'elle bénéficierait d'une augmentation de la valeur de l'immeuble lors de sa revente et qu'il lui a promis la somme de 5 000 $ pour qu'elle achète cet immeuble et que cette somme ne lui a jamais été versée. De plus, le logement du bas était en mauvais état et des travaux ont dû être faits au sous-sol.
[85] Les arguments de Monsieur Massé à l'égard de la transaction impliquant Karine Beauchemin sont que cette dernière avait les moyens d'acheter cet immeuble et qu'en bout de ligne, en raison de l'indemnité d'assurance reçue à l'égard du deuxième immeuble acheté par cette dernière, elle a fait de l'argent et ne devrait pas se plaindre de quoi que ce soit.
[86] Or, Karine Beauchemin a revendu l'immeuble 5 ans plus tard pour un montant de 20 000$ de moins que le prix d'achat sans compter le montant investi dans les rénovations au sous-sol.
[87] Monsieur Massé plaide qu'il n'avait pas à l'informer du prix d'achat d'Immo CR et que cette information est publique. Il ajoute que la revente à profit n'est pas problématique si la banque accepte de financer.
[88] Le Comité conclut que Monsieur Massé a participé à un stratagème dans le but de revendre l'immeuble acheté par Immo CR un mois plutôt à un montant supérieur de 40 000 $. Rappelons qu'Immo CR est une compagnie contrôlée que Jean-Denis Côté. L'intimé n'a pas donné toute l'information à Karine Beauchemin et lui a fait miroiter qu'elle allait profiter de la hausse du marché ce qui n'a vraiment pas été le cas. Il a ainsi abusé de sa confiance.
[89] En ce qui concerne le chef 3 et Karine Mercier, la preuve a démontré que c'est l'intimé qui a expliqué et présenté le projet à Karine Mercier et que bien que la promesse d'achat ait été remplie par Normand Brouillard, c'est l'intimé qui lui a présentée et l'a fait signer. Il lui a dit qu'elle n'aurait pas besoin de dépôt et qu'il s'occuperait du financement en plus d'obtenir une remise de 5 000 $ sur l'hypothèque. L'entente P-3 concernant la remise par l'acheteur d'un montant en raison de travaux à faire sur l'immeuble confirme le témoignage de Karine Mercier selon lequel elle n'avait aucune mise de fonds à mettre sur l'immeuble. Elle n'a pas été informée que l'immeuble avait été acheté un mois auparavant pour 60 000 $ de moins. Il lui a laissé croire qu'elle bénéficierait d'une augmentation de la valeur de l'immeuble lors de sa revente (ce qui n'a pas été le cas) et que les loyers couvriraient les dépenses (ce qui n'était pas non plus le cas). Cet achat s'est révélé être un très mauvais investissement et Monsieur Massé a dû aider Karine Mercier à revendre cet immeuble pour limiter les pertes.
[90] Contrairement à ce qu'il prétend, Monsieur Massé était clairement impliqué dans cette transaction. Karine Mercier a d'ailleurs travaillé à son bureau pendant une période d'environ six mois. Elle avait 24 ans et des revenus de moins de 10 000 $ par année. L'intimé a abusé de sa confiance pour permettre la revente rapide de l'immeuble à profit. Il ne lui a pas donné toute l'information et lui a faussement déclaré que les revenus allaient couvrir les dépenses.
[91] Le chef 5 vise la vente de l'immeuble à Rolf François. La preuve a démontré que la promesse d'achat a été rédigée par l'intimé, mais que le courtier collaborateur indiqué à la promesse d'achat est Normand Brouillard[2]. La preuve a démontré que Monsieur Massé a présenté le projet à Rolf François lui indiquant qu'il pourrait acheter un immeuble dont les loyers allaient couvrir l'hypothèque et les dépenses et qu'aucune mise de fonds n'était nécessaire. Il devait conserver l'immeuble un an et le revendre et n'avait à s'occuper de rien. Monsieur Massé s'occupait du financement.
[92] Monsieur François n'a pas été avisé que la maison avait été achetée quelques mois auparavant pour 40 000 $ de moins. Or, les revenus ne couvraient pas les dépenses. Monsieur François n'a pas revendu à profit, bien au contraire. L'immeuble a été repris en paiement par la banque et Monsieur François a perdu son crédit. Le Comité conclut que Monsieur Massé a abusé de la confiance de Monsieur François dans le but de faire faire un profit à Jean-Denis Côté de 40 000 $ (32%) en quelques mois.
[93] En ce qui concerne le chef 7 et l'immeuble acheté par Marie-Claude Blanchard, la preuve a démontré que l'intimé a agi comme courtier collaborateur dans ce dossier, qu'il n'a pas indiqué à Madame Blanchard que l'immeuble allait être acheté par sa fille le jour même où Madame Blanchard présentait une promesse d'achat pour 52 000 $ de plus, qu'il lui a laissé croire qu'elle bénéficierait de l'augmentation de la valeur de l'immeuble et que les revenus couvriraient la totalité des frais liés à l'immeuble ce qui s'est avéré erroné. Il a abusé de la confiance de Madame Blanchard afin de faire faire du profit au vendeur de l'immeuble, en l'occurrence sa fille.
[94] À la lumière de ce qui précède, le Comité conclut que l'intimé a participé à un stratagème et abusé de la confiance des promettants-acheteurs quant aux chefs 1, 3, 5 et 7. Plusieurs articles de rattachement sont invoqués à la plainte. Les éléments constitutifs des infractions ont été prouvés à l'égard de chacun des articles. Toutefois, en raison de la prohibition des condamnations multiples, le Comité retient la culpabilité de l'intimé en vertu de l'article 24 des Règles de déontologie (de ne pas avoir accordé un traitement équitable à toutes les parties à la transaction) et prononce la suspension des procédures à l'égard des autres articles invoqués à la plainte.
Le financement
[95] Les chefs 2, 4, 6 et 9 reprochent à l'intimé d'avoir transmis ou permis que soit transmis de faux documents et/ou renseignements à l'institution financière prêteuse. La preuve a démontré que des faux renseignements et des faux documents ont été transmis à l'institution financière. Il n'y a toutefois pas eu de preuve directe de présenté qui démontrerait qui a transmis les faux documents et/ou renseignements à l'institution financière prêteuse.
[96]
Monsieur Massé
plaide que la prétention de la partie plaignante selon laquelle il a transmis
ou permis que soit transmis de faux documents est de la pure spéculation et
qu'il n'y a aucune preuve de son implication. La partie plaignante a plaidé
avoir présenté une preuve circonstancielle soit des faits graves, précis et
concordants et avoir ainsi établi une présomption de faits qu'il appartenait à
Monsieur Massé de repousser (article
[97] Les auteurs décrivent et expliquent comme suit la présomption de faits :
« Tout comme l'aveu, la présomption de faits constitue un moyen indirect de preuve, puisqu'elle découle d'un autre mode de preuve, soit l'écrit, le témoignage ou la présentation d'un élément matériel. (…)
La présomption de faits est une conséquence
que le tribunal tire d'un fait connu à un fait inconnu (art.
Le tribunal jouit d'une latitude semblable,
quoique plus restreinte, à celle dont il dispose dans l'appréciation de la
crédibilité des témoins. Il doit apprécier la force probante de certains faits,
desquels il peut tirer une conclusion; le juge au procès possède un large
pouvoir discrétionnaire dans son appréciation des présomptions et des indices
requis. Par un processus de déduction, le tribunal, à partir de prémisses
connues, c'est-à-dire de faits établis par la preuve, en arrive à une
conclusion. Ces faits, toutefois, doivent être suffisamment "précis,
graves et concordants" pour établir la probabilité du fait à prouver,
comme le confirme l'article
Les faits sont graves lorsque le fait à déterminer s'infère logiquement du fait connu; ils sont précis lorsque le fait inconnu découle forcément du fait connu et ils sont concordants lorsque, ensemble, ils tendent à établir l'existence d'un fait inconnu. »[3]
[98] Les faits connus doivent donc rendre probable l'existence du fait qu'on veut en induire. Il n'est toutefois pas nécessaire que la présomption soit tellement forte qu'elle exclue toute autre possibilité. En d'autres mots, l'implication possible de Kim Janna, des emprunteurs et/ou de Normand Brouillard dans la transmission de fausse information n'exclut pas celle de Jean-Bernard Massé.
[99] Les faits connus sont les suivants :
· Monsieur Massé a présenté le projet d'investissement aux emprunteurs, il a agi comme courtier collaborateur de façon officielle ou de facto, dépendamment des transactions;
· Tous les emprunteurs, Karine Beauchemin (chef 2), Karine Mercier (chef 4), Rolf François (chef 6) et Marie-Claude Blanchard (chef 9), ont témoigné que Monsieur Massé s'était occupé du financement et qu'il les avait dirigés à la Banque TD, succursale St-Laurent pour rencontrer « Kim »; il en est de même quant à Nadia Joseph (chef 11);
· Les emprunteurs n'ont eu qu'à se présenter à la Banque TD pour signer la demande de financement. Dans le cas de Marie-Claude Blanchard, Monsieur Massé l'a accompagnée à la succursale;
· Les emprunteurs avaient tous à la connaissance de Monsieur Massé de faibles capacités financières (à tout le moins en apparence) ce qui rendait improbable l'obtention du financement hypothécaire et le paiement d'une mise de fonds;
· Toutes les demandes de financement comportaient de faux renseignements;
· Les emprunteurs ont admis avoir signé les demandes de financement sans vraiment prendre connaissance du contenu;
· De faux documents quant à la situation financière des emprunteurs se sont retrouvés aux dossiers de la Banque TD;
· Les emprunteurs nient avoir participé à la confection et/ou à la transmission des faux documents à l'institution financière;
· Certains faux documents se ressemblent d’un dossier à l’autre (voir les avis de cotisation (P-5, P-7, P-10, P-16 et P-21) et les relevés Clarica (P-6, P-11, P-22 et P-27);
· Certains faux documents retrouvés au dossier de la Banque TD portent l’entête de télécopieur du bureau de l’intimé;
· Jean Bernard Massé, Normand Brouillard et Jean-Denis Côté ne faisaient que partager des locaux; ils travaillaient sur des projets communs.
[100] Ces éléments sont suffisamment graves, précis et concordants pour démontrer la participation de Monsieur Massé. Il est en fait plus qu'improbable que Monsieur Massé n'ait pas participé ni été au courant. La partie plaignante a soulevé à juste titre que Monsieur Massé ne nous a pas éclairés ni apporté d'explication plausible pour tenter de renverser la présomption de faits. Le Comité conclut donc que la preuve prépondérante a démontré qu'il a transmis ou permis que soit transmis de fausses informations et de faux documents à la Banque TD.
[101] La transmission de faux renseignements et de faux documents à une institution financière constitue un acte dérogatoire à l'honneur et à la dignité de la profession (article 1 des Règles de déontologie). Il s'agit également d'un acte en matière immobilière qui pourrait être illégal et qui porte préjudice au public et à la profession (article 13 des Règles de déontologie). En effet, une telle pratique mine la confiance des institutions financières dans la profession.
[102] En envoyant les emprunteurs signer une demande de financement contenant de fausses informations, l'intimé a encouragé une partie à une transaction à poser un acte qu'il sait illégal ou frauduleux au sens de l'article 35 des Règles de déontologie.
[103] En raison de la prohibition des condamnations multiples, l'intimé est trouvé coupable en vertu de l'article 13 et un arrêt des procédures est prononcé à l'égard des autres articles invoqués aux chefs 2, 4, 6 et 9 de la plainte.
[104] En ce qui concerne Nadia Joseph et le chef 11 a), il est reproché à l'intimé d'avoir participé à un stratagème dont le but était d'obtenir un financement sur la base de fausses représentations. Nadia Joseph a témoigné qu'elle avait communiqué avec Monsieur Massé pour l'achat d'un immeuble. Elle a également témoigné avoir envoyé ses documents pour le financement à Monsieur Massé. La preuve a démontré que de faux documents ont été transmis à la Banque TD pour obtenir le financement.
[105] Le comptable de Jean-Denis Côté, Monsieur Dumouchel a témoigné que Madame Joseph avait acheté sans mise de fonds puisque l'argent avait été prêté par une compagnie liée à Jean-Denis Côté et placé chez Clarica. De plus, le relevé de banque Clarica a été modifié pour démontrer que l'argent était resté dans ce compte pour une plus grande période qu'en réalité. Le chèque de Clarica en remboursement du placement fait à l'ordre de Nadia Joseph a été endossé par Jean-Bernard Massé.
[106] La preuve démontre que l'intimé a participé au stratagème. Il ne connaissait peut-être pas les détails du financement de la mise de fonds avec Clarica, mais a participé au financement et ne pouvait ignorer qu'il était fait sous la base de fausses représentations. Il est donc trouvé coupable en vertu de l'article 13 des Règles de déontologie.
[107] Finalement, en ce qui concerne le chef 11 b) et Monsieur Paulin, la preuve n'a pas démontré l'implication de Jean Bernard Massé autre que l'endossement du chèque. La partie plaignante n'a pas rencontré son fardeau de preuve et l'intimé est donc acquitté au chef 11 b).
La fausse déclaration au syndic
[108] Le chef 10 reproche à l'intimé d'avoir fait une fausse déclaration lors de l'enquête de la partie plaignante (pièce P-53). En effet, l'intimé a déclaré ne jamais agir comme intervenant ou intermédiaire pour du financement hypothécaire et ne pas transmettre les dossiers aux institutions financières. À la lumière de l'analyse de la preuve faite par la Comité, force est de conclure que l'intimé n'a pas dit la vérité puisqu'il s'est occupé du financement des emprunteurs. De plus, le Comité est d'avis que cette déclaration a été faite dans le but de tromper le syndic puisqu'il ne pouvait ignorer que de faux documents avaient été transmis aux institutions financières dans le but d'obtenir les emprunts.
[109] L'intimé est donc trouvé coupable du chef 10 en vertu de l'article 55 des Règles de déontologie.
La divulgation d'intérêt
[110] Le chef 8 reproche à l'intimé de ne pas avoir divulgué à Marie-Claude Blanchard, selon les modalités prévues au Règlement, l'intérêt indirect qu'il possédait dans l'immeuble qu'elle a acheté. En effet, tel que mentionné ci-haut, l'immeuble de la rue St-Michel appartenait à la fille de l'intimé. Madame Blanchard a témoigné ne pas avoir été avisée avant sa visite chez le notaire. Monsieur Massé admet ne pas avoir préparé d'avis de divulgation et aucun tel avis n'a été retracé au dossier de l'ACAIQ (pièce P-41).
[111] L'intimé est donc trouvé coupable du
chef 8 a) en vertu de l'article
POUr CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :
DÉCLARE l’intimé coupable de l'infraction décrite au chef 1 de la plainte à l'égard de l'article 24 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec;
ORDONNE l'arrêt des procédures quant au chef 1 de la plainte en ce qui concerne les infractions prévues aux articles 1, 13, 26 et 28 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec conditionnellement à ce que le présent jugement ait acquis l’autorité de la chose jugée;
DÉCLARE l’intimé coupable de l'infraction décrite au chef 2 de la plainte à l'égard de l'article 13 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec;
ORDONNE l’arrêt des procédures quant au chef 2 de la plainte en ce qui concerne les infractions prévues aux articles 1, 11 et 35 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec conditionnellement à ce que le présent jugement ait acquis l’autorité de la chose jugée;
DÉCLARE l’intimé coupable de l'infraction décrite au chef 3 de la plainte à l'égard de l'article 24 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec;
ORDONNE l'arrêt des procédures quant au chef 3 de la plainte en ce qui concerne les infractions prévues aux articles 1, 13, 26 et 28 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec conditionnellement à ce que le présent jugement ait acquis l’autorité de la chose jugée ;
DÉCLARE l’intimé coupable de l'infraction décrite au chef 4 de la plainte à l'égard de l'article 13 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec;
ORDONNE l’arrêt des procédures quant au chef 4 de la plainte en ce qui concerne les infractions prévues aux articles 1, 11 et 35 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec conditionnellement à ce que le présent jugement ait acquis l’autorité de la chose jugée;
DÉCLARE l’intimé coupable de l'infraction décrite au chef 5 de la plainte à l'égard de l'article 24 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec;
ORDONNE l'arrêt des procédures quant au chef 5 de la plainte en ce qui concerne les infractions prévues aux articles 1, 13, 26 et 28 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec conditionnellement à ce que le présent jugement ait acquis l’autorité de la chose jugée;
DÉCLARE l’intimé coupable de l'infraction décrite au chef 6 de la plainte à l'égard de l'article 13 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec;
ORDONNE l’arrêt des procédures quant au chef 6 de la plainte en ce qui concerne les infractions prévues aux articles 1, 11 et 35 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec conditionnellement à ce que le présent jugement ait acquis l’autorité de la chose jugée;
DÉCLARE l’intimé coupable de l'infraction décrite au chef 7 de la plainte à l'égard de l'article 24 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec;
ORDONNE l'arrêt des procédures quant au chef 7 de la plainte en ce qui concerne les infractions prévues aux articles 1, 13, 26 et 28 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec conditionnellement à ce que le présent jugement ait acquis l’autorité de la chose jugée;
DÉCLARE l’intimé coupable de l'infraction
décrite au chef 8 a) de la plainte à l'égard de l'article
ORDONNE l'arrêt des procédures
quant au chef 8 a) de la plainte en ce qui concerne les infractions prévues aux
articles
DÉCLARE l’intimé coupable de l'infraction décrite au chef 8 b) de la
plainte à l'égard de l'article
ORDONNE l'arrêt des procédures
quant au chef 8 b) de la plainte en ce qui concerne les infractions prévues aux
articles
DÉCLARE l’intimé coupable de l'infraction décrite au chef 9 de la plainte à l'égard de l'article 13 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec;
ORDONNE l’arrêt des procédures quant au chef 9 de la plainte en ce qui concerne les infractions prévues aux articles 1, 11 et 35 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec conditionnellement à ce que le présent jugement ait acquis l’autorité de la chose jugée;
DÉCLARE l’intimé coupable de l'infraction décrite au chef 10 de la plainte à l'égard à l'article 55 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec;
DÉCLARE l’intimé coupable de l'infraction décrite au chef 11 a) de la plainte à l'égard de l'article 13 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec;
ORDONNE l’arrêt des procédures quant au chef 11 a) de la plainte en ce qui concerne l'infraction prévue à l'article 1 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec conditionnellement à ce que le présent jugement ait acquis l’autorité de la chose jugée;
DÉCLARE l’intimé non coupable de l'infraction décrite au chef 11 b) de la plainte à l'égard des articles 1 et 13 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec;
RÉSERVE aux parties le droit de faire des représentations sur la sanction à être imposée à la suite de la présente décision.
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____________________________________ Me Caroline Malo, avocate Vice-présidente
____________________________________ M. Mario Lamirande, courtier immobilier Membre
____________________________________ M. Michel Paquin, courtier immobilier Membre
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Me Marc Gaucher |
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Procureur de la partie plaignante |
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M. Jean Bernard Massé |
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Partie intimée |
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Dates d’audience : 26 et 27 novembre 2013, 17 et 18 mars 2014 et 3 avril 2014 |
[1] LeBel c. Alavi,
[2] La promesse d'achat (I-4) a été produite de consentement en réouverture d'enquête; or, la signature de Rolf François n'est pas la même que celle sur l'acte de vente (P-32) et sur le demande de prêt (P-12) que monsieur François a reconnu avoir signés;
[3] DUPUIS, Monique, TESSIER, Pierre, Collection de droit 2013-2014, Volume 2 - Preuve et procédure, titre II - La preuve devant le tribunal civil, Chapitre 1 - Les qualités et les moyens de preuve, Éditions Yvon Blais, 2013, p. 338 à 342;
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