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[1] Le 5 janvier 2005, l’employeur, Pointe-Nor inc. (Gravier), dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue 13 décembre 2004 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST infirme une décision initialement rendue le 23 juillet 2004. Elle déclare que monsieur Jean-Guy Drolet, le travailleur, a subi une lésion professionnelle le 13 août 2003 diagnostiquée comme un syndrome d’accrochage à l’épaule gauche et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi.
[3] Elle déclare nulle et sans effet la décision déjà rendue le 7 octobre 2004 et que la CSST ne pouvait suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 7 octobre 2004. Elle déclare que le travailleur a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour cette période.
[4] Elle confirme la décision initialement rendue le 8 novembre 2004. Elle déclare que le travailleur est raisonnablement en mesure d’accomplir le travail proposé en assignation temporaire, qu’il est sans danger pour sa santé, sa sécurité et son intégrité physique et qu’il est favorable à sa réadaptation. Elle déclare, en conséquence, que le travailleur était tenu d’accomplir l’assignation temporaire proposée par son employeur à compter du 7 octobre 2004.
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[5] Le 5 janvier 2005, Pointe-Nor inc. (Gravier), l’employeur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 13 décembre 2004 à la suite d’une révision administrative.
[6] Par cette décision, la CSST confirme une décision déjà rendue le 25 octobre 2004. Elle déclare que l’employeur doit être imputé de la totalité des coûts afférents à la réclamation pour accidents du travail de monsieur Jean-Guy Drolet.
[7] À l’audience tenue à Val-d'Or le 29 mars 2005, l’employeur est présent et il n’est pas représenté. Le travailleur est présent et il est représenté par avocat.
LES OBJETS DES CONTESTATIONS
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[8] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le syndrome d’accrochage à l’épaule gauche n’est pas relié à l’événement survenu le 13 août 2003. Il lui demande également de déclarer que le versement des indemnités de remplacement du revenu doit être suspendu à compter du 7 octobre 2004.
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[9] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le coût des prestations versées du 1er octobre 2004 au 18 octobre 2004 inclusivement doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.
LES FAITS
[10] De la preuve documentaire et testimoniale, la Commission des lésions professionnelles retient les faits pertinents qui suivent.
[11] Le travailleur est camionneur. Le 13 août 2003, il circule sur un chemin forestier. En voulant éviter un camion qui arrive en sens inverse dans une courbe, il dirige son camion trop vers la droite et celui-ci se renverse dans le fossé sur le côté droit.
[12] Alors qu’il réalise qu’il perd le contrôle du camion, le travailleur s’agrippe de ses deux bras au volant. Lorsque le camion s’immobilise sur le côté droit, le travailleur tient encore le volant de ses deux bras et il se trouve en position debout, les deux pieds sur la portière du côté droit.
[13] Cette version des faits n’est pas contemporaine à l’événement. Sur sa réclamation, datée du 22 août 2003, le travailleur déclare que son camion s’est renversé du côté droit dans une courbe à la suite de la manœuvre d’évitement sans plus. À la réviseure, le 24 septembre 2004, il déclare s’être servi de son épaule gauche pour se retenir et amortir l’impact de l’accident. Pour sa part, le docteur Tremblay, dans son rapport d’évaluation médicale du 12 novembre 2004, rapporte que le travailleur s’est retrouvé écrasé dans la portière droite du camion.
[14] Le travailleur consulte un médecin le 13 août 2003. Il est traité pour une contusion à l’épaule droite et à la jambe gauche ainsi que pour une lacération à la tête.
[15] Les notes de consultation médicale complétées dans les jours qui suivent n’indiquent pas de plaintes subjectives au niveau de l’épaule gauche. Il n’y a pas de diagnostic qui la concerne et les soins de la physiothérapie visent l’épaule droite.
[16] Le 4 septembre 2003, le travailleur est examiné par le docteur R. Adam. Il se plaint de douleurs aux deux épaules. Toutefois, aucun diagnostic n’est retenu au sujet de l’épaule gauche. Dans sa note du 15 septembre 2003, le physiothérapeute rapporte que le travailleur se plaint d’une douleur à l’épaule gauche.
[17] Le docteur Lafontaine examine le travailleur le 19 septembre 2003. Il pose le diagnostic de tendinite à l’épaule droite post contusions multiples. Le 6 octobre 2003, le docteur Adam pose le diagnostic de syndrome d’accrochage à l’épaule droite. Le physiothérapeute rapporte des plaintes de douleurs aux deux épaules le 6 octobre 2003 également.
[18] Sur une note de consultation médicale du 23 octobre 2003, un médecin retient le diagnostic de déchirure de la coiffe des rotateurs aux deux épaules. Le travailleur est référé au docteur Adam, chirurgien-orthopédiste. Le 29 octobre 2003, le physiothérapeute rapporte encore des douleurs aux deux épaules.
[19] Le 27 novembre 2003, le travailleur subit une arthrographie de l’épaule gauche. Le docteur L. Daoust ne peut identifier de lacération ou de déchirure de la coiffe des rotateurs. L’examen lui paraît normal.
[20] Dans ses notes subséquentes jusqu’au 12 avril 2004, le physiothérapeute rapporte régulièrement des douleurs présentes aux deux épaules du travailleur.
[21] Le docteur Adam pose les diagnostics de syndrome d’accrochage de l’épaule gauche et de déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite le 21 avril 2004.
[22] Le 1er juin 2004, le travailleur subit une acromioplastie avec suture de la coiffe des rotateurs et exérèse du bout distal de la clavicule à l’épaule droite. Le 29 juin 2004, le docteur Adam, sur un document adressé à la CSST, reprend le diagnostic de syndrome d’accrochage à l’épaule gauche. Étant donné l’atteinte aux deux épaules, il précise des limitations fonctionnelles.
[23] Le 23 juillet 2004, la CSST refuse la relation entre le syndrome d’accrochage à l’épaule gauche et l’événement survenu le 13 août 2003.
[24] Le travailleur subit une arthrographie de l’épaule gauche le 22 septembre 2004. Le docteur R. Trudel, qui en interprète les résultats, rapporte une rupture précoce du récessus sous-scapulaire de l’espace synovial avec possibilité d’une capsulite.
[25] Le 1er octobre 2004, le docteur Adam autorise une assignation temporaire à des travaux légers. Il indique simplement qu’il est d’accord avec les activités de classement et d’inventaire et qu’il n’est pas d’accord avec le nettoyage de petites pièces. Il ne coche pas les cases pour indiquer que le travailleur peut raisonnablement accomplir le travail proposé, que ce travail ne comporte pas de danger pour sa santé, sa sécurité et son intégrité physique et que ce travail est favorable à sa réadaptation. À nulle part ailleurs, il ne fournit une quelconque opinion sur ces trois aspects.
[26] Aux notes évolutives de la CSST du 7 octobre 2004, l’employeur avise la CSST qu’il a contacté à deux reprises le travailleur pour lui offrir l’assignation temporaire, mais ce dernier lui indique qu’il ne l’accomplira pas. La CSST en informe le travailleur le même jour qui se dit incapable d’accomplir les travaux proposés. La CSST, en vertu des dispositions de l'article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) suspend le versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 7 octobre 2004.
[27] Le 14 octobre 2004, le représentant de l’employeur demande que les indemnités de remplacement du revenu versées au travailleur à compter du 1er octobre 2004 soient radiées du dossier financier de l’employeur compte tenu du refus de ce dernier d’accomplir les travaux assignés temporairement et autorisés par son médecin qui a charge.
[28] Aux notes évolutives de la CSST du 15 octobre 2004, il est rapporté que le travailleur avise l’employeur qu’il débutera l’assignation temporaire le 19 octobre 2004.
[29] Le travailleur conteste par écrit l’assignation temporaire proposée, le 19 octobre 2004, au motif que la condition de son épaule et de son cou ne lui permet pas d’exécuter les travaux proposés.
[30] Le 28 octobre 2004, le docteur J. Denis indique que le travailleur a tenté une assignation temporaire à compter du 20 octobre 2004 et qu’il éprouve des douleurs persistantes à l’épaule droite depuis ainsi que des céphalées. Le 1er novembre 2004, le docteur Denis recommande un arrêt complet du travail vu les symptômes douloureux persistants.
[31] Le 12 novembre 2004, le docteur G. R. Tremblay, chirurgien-orthopédiste, examine le travailleur et confirme la présence d’un syndrome d’accrochage à l’épaule gauche. Il recommande une résonance magnétique pour l’épaule gauche dont les mouvements sont limités et douloureux. Elle est réalisée le 25 novembre 2004. Le docteur D. Bédard, qui en interprète les résultats, conclut à une tendinopathie chronique à l’épaule gauche.
[32] À l’audience, le travailleur précise qu’il ne ressentait aucun malaise à son épaule gauche avant l’accident du travail du 13 août 2003, ce que confirme d’ailleurs sa conjointe depuis 41 ans.
L’AVIS DES MEMBRES
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[33] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la preuve prépondérante, dont le témoignage crédible et non contredit du travailleur, milite en faveur de la reconnaissance d’une relation entre le syndrome d’accrochage à l’épaule gauche et l’accident du travail survenu le 13 août 2003.
[34] Les membres sont également d’avis que l’autorisation du docteur Adam, complétée le 1er octobre 2004, au sujet des travaux légers que l’employeur veut assigner temporairement au travailleur est conforme à l’esprit des dispositions de l'article 179 de la loi.
[35] Toutefois, le travailleur n’était pas tenu de les exécuter, puisqu’il a contesté l’assignation temporaire à des travaux légers autorisée par le docteur R. Adam, jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue.
[36] Faute d’une preuve prépondérante contraire, les membres sont d’avis que le travailleur était capable d’accomplir les tâches peu exigeantes assignées par l’employeur dès le 1er octobre 2004.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
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[37] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le syndrome d’accrochage à l’épaule gauche est relié à l’événement survenu le 13 août 2003. Elle doit également déterminer s’il y a lieu de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à la suite du refus du travailleur d’accomplir les tâches assignées par son employeur dans le cadre d’une assignation temporaire.
[38] Afin de disposer des objets des contestations dans le dossier 252054, la Commission des lésions professionnelles réfère aux dispositions et définitions suivantes de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] ainsi qu’aux articles suivants de la Loi sur la santé et la sécurité du travail[3] :
Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 28.
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité:
1° si le bénéficiaire:
a) fournit des renseignements inexacts;
b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;
2° si le travailleur, sans raison valable:
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;
f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.
__________
1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que:
1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;
2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et
3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.
Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.
__________
1985, c. 6, a. 179.
Loi sur la santé et la sécurité du travail
37. Si le travailleur croit qu'il n'est pas raisonnablement en mesure d'accomplir les tâches auxquelles il est affecté par l'employeur, il peut demander au comité de santé et de sécurité, ou à défaut de comité, au représentant à la prévention et à l'employeur d'examiner et de décider la question en consultation avec le médecin responsable des services de santé de l'établissement ou, à défaut de médecin responsable, avec le directeur de santé publique de la région où se trouve l'établissement.
S'il n'y a pas de comité ni de représentant à la prévention, le travailleur peut adresser sa demande directement à la Commission.
La Commission rend sa décision dans les 20 jours de la demande et cette décision a effet immédiatement, malgré une demande de révision.
___________
1979, c. 63, a. 37; 1985, c. 6, a. 525; 1992, c. 21, a. 302; 2001, c. 60, a. 167.
37.1. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue en vertu de l'article 37 peut, dans les 10 jours de sa notification, en demander la révision par la Commission conformément aux articles 358.1 à 358.5 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ( chapitre A-3.001).
__________
1985, c. 6, a. 525; 1997, c. 27, a. 37.
37.2. La Commission doit procéder d'urgence sur une demande de révision faite en vertu de l'article 37.1.
La décision rendue par la Commission sur cette demande a effet immédiatement, malgré qu'elle soit contestée devant la Commission des lésions professionnelles.
__________
1985, c. 6, a. 525; 1997, c. 27, a. 38.
37.3. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 37.1 peut, dans les 10 jours de sa notification, la contester devant la Commission des lésions professionnelles.
__________
1985, c. 6, a. 525; 1992, c. 11, a. 48; 1997, c. 27, a. 39.
[39] Il n’est pas contredit que, le 13 août 2003, le travailleur est au volant d’un camion sur un chemin forestier. Dans une courbe, il aperçoit un camion qui arrive en sens inverse. Il se tasse vers la droite dans une manœuvre pour l’éviter et son camion se renverse dans le fossé sur le côté droit.
[40] Des descriptions, plus ou moins détaillées, fournies par le travailleur des circonstances de cet événement, il ressort que celui-ci met fortement à contribution son membre supérieur gauche pour se retenir, se protéger et réduire l’impact du camion qui se renverse.
[41] Bien que les premières notes de consultation médicale soient muettes quant à de possibles plaintes ou allégations de douleurs à l’épaule gauche, la Commission des lésions professionnelles retient que, le 4 septembre 2003, des douleurs sont rapportées à l’épaule et de façon régulière par la suite tant par les médecins qui examinent le travailleur que par les physiothérapeutes qui le traitent par la suite.
[42] Le diagnostic de syndrome d’accrochage est retenu par le docteur Adam, chirurgien-orthopédiste, le 21 avril 2004 et il est corroboré par le docteur Tremblay, chirurgien-orthopédiste, le 12 novembre 2004.
[43] La Commission des lésions professionnelles considère que le syndrome d’accrochage constitue une lésion traumatique qui est causée par le fait de se retenir avec le membre supérieur gauche pour se protéger lors du renversement du camion.
[44] Il ne s’agit pas d’une blessure puisque les symptômes qui y sont associés n’apparaissent pas de façon spontanée, mais plutôt de façon tardive. Ainsi, la Commission des lésions professionnelles peut écarter l’application de la présomption de lésion professionnelle de l’article 28 de la loi faute de l’existence d’une blessure.
[45] Toutefois, la preuve non contredite révèle que, le 13 août 2004, il survient un événement imprévu et soudain, soit une perte de contrôle et un renversement du camion, conduit par le travailleur, dans un fossé sur le côté droit.
[46] Cet événement oblige le travailleur à saisir de ses membres supérieurs le volant du camion pour se protéger lors de l’impact. Il se retrouve suspendu à ce volant par la suite.
[47] Faute d’une preuve prépondérante d’une autre cause aux douleurs persistantes à l’épaule gauche qui sont rapportées environ trois semaines après l’accident du travail, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il est probable que le geste effectué par le travailleur pour se protéger, lors du renversement imprévu du camion, constitue la cause de la maladie du travailleur diagnostiquée comme étant un syndrome d’accrochage à l’épaule gauche.
[48] La Commission des lésions professionnelles conclut donc que le syndrome d’accrochage à l’épaule gauche constitue une lésion professionnelle qui découle de l’accident du travail survenu le 13 août 2003, ce qui donne droit au travailleur aux prestations prévues à la loi.
[49] Il y a lieu maintenant de déterminer si, tel que requis par l’employeur, il faut suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 7 octobre 2004.
[50] La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il n’y a pas lieu de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu et elle s’explique.
[51] Il n’est pas contredit que le docteur R. Adam, considéré comme médecin qui a charge du travailleur, autorise une assignation à des travaux légers le 1er octobre 2004. Au moment de compléter le questionnaire, il ne coche pas les trois cases du formulaire de la CSST afin de préciser que le travailleur est raisonnablement en mesure d’effectuer le travail proposé, que ce travail est sans danger pour sa santé, sa sécurité et son intégrité physique compte tenu de sa lésion et que ce travail est favorable à sa réadaptation. En aucun moment, le docteur Adam ne s’exprime de façon explicite sur ces trois aspects.
[52] Malgré cette lacune, la Commission des lésions professionnelles considère que l’esprit de la loi est rencontré. Le docteur Adam connaît bien la condition physique du travailleur au 1er octobre 2004 et les tâches assignées ne nécessitent pas une description exhaustive. Son consentement ne fait aucun doute.
[53] La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il faut éviter le formalisme rigoureux dans une telle situation et favoriser davantage la reprise d’activités professionnelles allégées en attendant le retour à la santé. Des décisions en ce sens ont déjà été rendues par le tribunal.
[54] Dans Ville de Laval et Lalonde[4], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) conclut que l’esprit de la loi est rencontré même si le médecin, qui a charge du travailleur, ne se prononce pas spécifiquement sur les trois éléments mentionnés à l’article 179 de la loi. Elle considère qu’il faut favoriser l’utilisation de la loi et éviter de paralyser son application par un formalisme rigoureux.
[55] Dans Manning et Premier Horticulture ltée[5], la Commission des lésions professionnelles considère que l’interprétation de la loi ne doit pas être rigide au point que l’on doive se plier à sa lettre et non à son esprit, à la lettre des formulaires et non à l’avis qui y est clairement exprimé.
[56] Dans Bastar inc. et Lapierre[6], la Commission des lésions professionnelles considère que le médecin qui a charge approuve l’assignation temporaire proposée par l’employeur même s’il ne coche pas les cases reliées aux critères énumérés à l’article 179 de la loi. Elle retient surtout qu’il ne faut pas imposer au médecin un formalisme sévère alors qu’il connaît les composantes du travail assigné et que son consentement ne fait aucun doute.
[57] Il n’est pas contredit que le travailleur est informé par l’employeur de l’assignation temporaire entre le 1er et le 7 octobre 2004. Toutefois, il refuse de s’y conformer et il en avise verbalement la CSST le 7 octobre 2004 et, par écrit, le 19 octobre 2004. Il se dit incapable d’effectuer les travaux proposés.
[58] La Commission des lésions professionnelles considère que la CSST aurait dû considérer le comportement du travailleur comme une contestation de l’assignation temporaire autorisée en vertu des dispositions de l'article 179 de la loi dès le 7 octobre 2004, ce qui fut confirmé par écrit le 19 octobre 2004.
[59] Dans les circonstances, le travailleur n’était pas tenu d’effectuer les travaux proposés jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue comme le précise le deuxième alinéa de l’article 179 de la loi. La CSST a plutôt décidé de suspendre le versement des indemnités de remplacement du revenu en vertu des dispositions de l'article 142 de la loi, ce qui manifestement fut une erreur qui a été corrigée à juste titre par sa décision du 13 décembre 2004 rendue à la suite d’une révision administrative.
[60] Enfin, la CSST déclare que le travailleur était capable d’effectuer les tâches proposées en assignation temporaire. À l’audience, il n’a pas été démontré par une preuve médicale prépondérante que le travailleur ne pouvait effectuer les tâches proposées vu l’incompatibilité entre les exigences physiques des tâches à effectuer et sa condition physique reliée à sa lésion professionnelle par exemple.
[61] Faute d’une telle démonstration prépondérante, la Commission des lésions professionnelles conclut donc que le travailleur était en mesure d’effectuer l’assignation proposée, ce qu’il a fait d’ailleurs à compter du 19 octobre 2004.
[62] Enfin, il reste à déterminer si l’employeur doit être imputé de tous les coûts afférents à la réclamation pour accident du travail subi par le travailleur (dossier 252055). Afin de disposer de cette question, la Commission des lésions professionnelles réfère aux dispositions de l'article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[7] dont le texte suit :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
__________
1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[63] Le 14 octobre 2004, le représentant de l'employeur demande à la CSST de radier de son dossier financier le coût des prestations versées à compter du 1er octobre 2004 à la suite du refus du travailleur d’accomplir les tâches assignées temporairement.
[64] À la face même du dossier, la demande écrite apparaît être déposée hors le délai prévu au troisième alinéa de l’article 326 de la loi, soit après les douze mois qui suivent la date de l’accident du travail survenu le 13 août 2003.
[65] Toutefois, la CSST, tant lors de sa décision initiale du 25 octobre 2004 que lors de sa décision rendue à la suite de sa révision administrative le 13 décembre 2004, ne s’est prononcée explicitement sur la question du délai. Elle s’est plutôt préoccupée de la question de fond à savoir si l’employeur avait droit à un transfert d’imputation.
[66] La Commission des lésions professionnelles considère que, dans les circonstances, la CSST a implicitement relevé l’employeur de son défaut d’avoir respecté le délai prévu au troisième alinéa de l’article 326. La Commission des lésions professionnelles a déjà rendu une décision en ce sens dans l’affaire Ville de Drummondville[8].
[67] L’employeur prétend qu’il est injuste pour lui de lui imputer tous les coûts, car la CSST déclare que le travailleur était capable d’effectuer les tâches assignées à la suite d’une révision administrative.
[68] À ce sujet, la Commission des lésions professionnelles s’est déjà prononcée à quelques reprises. Ainsi, dans CSHLD René-Lévesque[9], la Commission des lésions professionnelles conclut qu’un employeur, qui se prévaut du droit à l’assignation temporaire, a droit à un transfert d’imputation du coût des prestations reliées au versement de l’indemnité de remplacement du revenu lorsqu’une décision finale déclare la validité d’une telle assignation. Conclure autrement viderait de son sens le droit d’un employeur de proposer une assignation temporaire et l’imputation des coûts à son dossier l’obérerait injustement.
[69] Dans l’affaire Olymel Princeville[10], la Commission des lésions professionnelles conclut que, n’eut été de la contestation non fondée de l’assignation temporaire des travailleurs, ceux-ci auraient exercé le travail proposé et aucune indemnité de remplacement du revenu ne leur aurait été versée. Ainsi, l’imputation au dossier financier de l’employeur du coût des prestations reliées à ces périodes a pour effet de l’obérer injustement au sens de l’article 326 de la loi.
[70] La Commission des lésions professionnelles considère qu’il convient d’analyser la notion d’obérer injustement sous l’angle de la justice de l’imputation des coûts en retenant une interprétation large et libérale et en considérant que l’employeur est obéré injustement lorsqu’il se voit imputer toute somme qui ne doit pas lui être imputée pour une raison de justice selon le bien-fondé du cas plutôt que selon sa situation financière. La Commission des lésions professionnelles a déjà confirmé cette position dans certaines décisions[11].
[71] Or, dans le présent cas, l’employeur obtient du médecin qui a charge du travailleur une autorisation à assigner des travaux légers temporairement au travailleur à compter du 1er octobre 2004. L’employeur en avise le travailleur qui refuse l’assignation proposée et qui la conteste comme la Commission des lésions professionnelles le reconnaît plus avant dans la présente décision.
[72] La CSST, à la suite d’une décision rendue le 13 décembre 2004 à la suite d’une révision administrative, conclut que le travailleur peut accomplir les tâches proposées et devant la Commission des lésions professionnelles, le travailleur, faute d’une preuve médicale prépondérante, ne peut renverser cette décision.
[73] Malgré le processus de contestation en cours, le travailleur débute l’assignation à des travaux légers proposés le 19 octobre 2004.
[74] La Commission des lésions professionnelles considère que du 1er au 18 octobre 2004 inclusivement, le travailleur était capable d’effectuer les travaux proposés. S’il les avait accomplis, le travailleur n’aurait pas reçu de prestations mais plutôt les avantages prévus à la loi et le dossier financier de l’employeur n’aurait pas été imputé du coût des prestations versées dans le présent cas.
[75] En conséquence, l’employeur doit, en toute justice, bénéficier d’un transfert d’imputation du coût des prestations, aux employeurs de toutes les unités, versées durant la période du 1er au 18 octobre 2004 inclusivement.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
252054
REJETTE la requête de Pointe-Nor inc. (Gravier), l’employeur, déposée le 5 janvier 2005;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 13 décembre 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le diagnostic de syndrome d’accrochage à l’épaule gauche est relié à l’événement survenu le 13 août 2002, ce qui donne droit au travailleur aux bénéfices de la loi;
DÉCLARE que la CSST ne pouvait suspendre, à compter du 7 octobre 2004, le versement de l’indemnité de remplacement du revenu auquel a droit le travailleur;
DÉCLARE que le travailleur est capable d’exercer les travaux légers assignés temporairement à compter du 1er octobre 2004 et autorisés par le docteur R. Adam.
252055
ACCUEILLE la requête de l’employeur déposée le 5 janvier 2005;
INFIRME la décision de la CSST rendue le 13 décembre 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur doit bénéficier d’un transfert d’imputation du coût des prestations versées, selon les dispositions de l'article 326 de la loi, pour la période du 1er octobre 2004 au 18 octobre 2004 inclusivement.
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Me Pierre Prégent |
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Commissaire |
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Me Denis Béchard |
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Représentant de la partie intéressée |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] précitée note 1
[3] L.R.Q. c. S-2.1
[4] CALP, 22936-61-9011, 1991-06-20, J.-M. Duranceau, (J3-13-18)
[5] [2002] CLP 923
[6] CLP, 200160-03B-0302, 2003-05-30, R. Savard, (03LP-72)
[7] précitée note 1
[8] CLP, 183570-04B-0205, 2004-06-02, S. Senechal, révision pendante
[9] CLP, 174844-62-0112, 2002-07-02, L. Vallières, (02LP-58)
[10] CLP, 215497-04B-0309, 2004-04-23, (04LP-13) révision pendante
[11] Corporation Urgences Santé de la région de Montréal métropolitain et CSST, [1998], CLP 824 ; Construction Arno inc. et CSST, [1999], CLP 302 ; Ville de Montréal, CLP, 154493-71-0101, 2002 - 02‑26, C. Racine; Maison Mère Sœur des St-Noms de Jésus et Marie et Loiseau, CLP, 157536‑72-0103, 2002-12-12, N. Lacroix
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