Puisor et Bombardier Aéronautique inc. |
2014 QCCLP 2998 |
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Dossier 506447-61-1303
[1] Le 18 mars 2013, madame Daniela Puisor (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 13 février 2013 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme en partie celle qu’elle a initialement rendue le 28 novembre 2012 et déclare que la travailleuse a droit au remboursement de 687 $ pour le déneigement de l’année 2012-2013 sur présentation d’un reçu confirmant la somme payée à Paysagiste Mike. Elle déclare également que la travailleuse devra soumettre deux soumissions détaillées pour l’entretien de son terrain pour l’année 2013 en excluant la fertilisation.
Dossier 525779-61-1310
[3] Le 31 octobre 2013, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la CSST rendue le 4 octobre 2013 à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 3 juillet 2013 et déclare que la travailleuse n’a pas démontré avoir engagé des frais pour des travaux d’entretien pour les années 2003 à 2010 et de décembre 2012 à avril 2013. Elle déclare également qu’en l’absence de preuve de frais encourus, elle ne peut avoir droit au remboursement de tels frais.
[5] Le 7 février 2014, la Commission des lésions professionnelles tient une audience à Laval. La travailleuse est présente et non représentée. L’entreprise Bombardier Aéronautique inc. (l’employeur), n’est pas représentée.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 506447-61-1303
[6] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a droit au remboursement de la somme de 687 $ engagée pour le déneigement de décembre 2012 à avril 2013 et payée à sa fille.
[7] Elle demande également de déclarer qu’elle n’a pas à produire de soumissions détaillées pour l’entretien de son terrain pour l’année 2013.
Dossier 525779-61-1310
[8] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a droit au remboursement de 9 200 $ payé à son mari pour l’entretien de son terrain et le déneigement, et ce pour la période entre le 4 octobre 2004 et novembre 2010.
[9] Enfin, elle demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a droit au remboursement des sommes payées à sa fille correspondant aux montants et travaux d’entretien suivants :
· de décembre 2012 à avril 2013, la somme de 687 $ versée à sa fille pour le déneigement;
·
entre le 1er mai et le 24 septembre 2013, la somme
de 600 $ versée à sa fille pour les travaux d’entretien du terrain;
·
et entre le 25 septembre et le 30 novembre 2013, la somme de
213 $ versée à sa fille pour les travaux d’entretien du terrain.
LES FAITS
[10] Le 13 septembre 2012, la Commission des lésions professionnelles rend une décision[1] par laquelle elle détermine que la travailleuse a droit au remboursement des frais engagés pour l’entretien courant de son domicile, à savoir l’entretien du terrain et le déneigement.
[11] Par cette décision, le tribunal reconnaît que la travailleuse est porteuse d’une atteinte permanente grave résultant de sa lésion professionnelle et de limitations fonctionnelles importantes lui permettant ainsi de statuer sur le droit au remboursement du coût des travaux d’entretien que la travailleuse réclame :
[10] En 2003, la travailleuse est âgée de 47 ans et occupe un poste d’ajusteur monteur d’avions chez l’employeur. Le 16 octobre 2003, elle est victime d’un accident du travail. Les diagnostics qui seront retenus sont ceux de déchirure partielle de la coiffe des rotateurs avec accrochage au niveau de l’épaule et d’entorse cervicale sur discarthrose cervicale. Plus tard s’ajoutera celui de dépression secondaire à des phénomènes de douleurs chroniques. L’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique est établie à 28,95 %, dont 15 % pour atteinte psychologique. La travailleuse est prise en charge en réadaptation et un emploi convenable est déterminé, soit celui de téléphoniste en télémarketing à domicile à 20 heures par semaine. Les limitations fonctionnelles se lisent comme suit :
Éviter les efforts de plus que 10kg pour tirer, soulever ou pousser avec le membre supérieur gauche;
Éviter les mouvements répétitifs du rachis cervical et de l’épaule gauche;
Éviter tout travail au-delà de 90° d’élévation antérieure et d’abduction avec le membre supérieur gauche;
Éviter tout travail au-dessus du niveau des yeux pour éviter l’extension de la colonne cervicale.
[11] De ce qui est mentionné au paragraphe précédent, la Commission des lésions professionnelles en conclut que la travailleuse est porteuse d’une atteinte permanente grave à son intégrité physique et psychique, au sens de l’article 165 de la loi, atteinte résultant de sa lésion professionnelle initiale. (…)
[Notre soulignement]
[12] La travailleuse soumet donc, lors de l’audience du 7 février 2014 dans le présent dossier, qu’elle est porteuse d’une atteinte permanente grave depuis le 4 octobre 2004, soit la date de consolidation de sa lésion professionnelle comme l’atteste le Rapport final émis par son médecin à cette date. Elle recherche le remboursement des frais d’entretien courant de son domicile à compter de cette date.
[13] La Commission des lésions professionnelles reconnaît également, dans sa décision du 13 septembre 2012, que cette atteinte permanente grave et ces limitations fonctionnelles l’empêchent de reprendre certaines activités prélésionnelles qu’elle effectuait auparavant, soit l’entretien du terrain et le déneigement de son domicile. La Commission des lésions professionnelles s’exprime ainsi :
[14] Pour refuser la réclamation de la travailleuse, la CSST a fait grand cas du fait que l’époux de celle-ci pouvait exercer ces tâches et que la travailleuse ne les avait jamais effectuées. La travailleuse s’est exprimée sur ces allégations à l’audience. Il en ressort qu’en tout temps, avant son accident du travail de 2003, la travailleuse s’occupait de l’entretien de son domicile, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur. Depuis la survenance de sa lésion professionnelle, son époux avait pris la relève des tâches d’entretien courant du domicile, notamment l’entretien du terrain et le déneigement. Or, son époux, depuis deux ans, ne peut plus s’en occuper étant lui-même souffrant. La travailleuse dit qu’elle a reçu l’aide de voisins, à l’occasion, avant d’apprendre qu’elle pouvait présenter une demande de remboursement à la CSST.
[15] Pour la Commission des lésions professionnelles, le fait qu’un travailleur puisse obtenir l’aide de proches pour l’exécution de certains travaux d’entretien courant de son domicile n’affecte en rien son droit de bénéficier de ce que prévu à l’article 165 de la loi. Rien dans la loi n’oblige la travailleuse à faire appel à l’aide d’un membre de sa famille avant de présenter une demande en vertu de l’article 165 de la loi6.
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6 Gauthier et Construction Gilbert enr. (fermée), 163986-01A-0106, 03-08-15, D. Sams.
[Nos soulignements]
[14] Le 17 septembre 2012, à la suite de la réception de cette décision du tribunal, la CSST communique avec la travailleuse. Lors de cette conversation téléphonique, l’agente d’indemnisation l’avise qu’elle sera remboursée sur présentation d’une facture payée à un fournisseur choisi par la CSST et que pour ce faire la travailleuse doit soumettre deux soumissions d’entreprises reconnues. C’est lors de cette conversation téléphonique que la travailleuse s’informe si son mari sera payé pour ces travaux :
Appel à la T avisé qu’elle devra soumettre 2 estimés de 2 entreprises reconnues pour ces travaux et la CSST choisira quel entrepreneur elle retient et la T sera avisé. La T sera remboursé sur présentation d,une facture payée remis par le fournisseur choisi par la CSST.
La T me demande si son mari sera payé pour faire ces travaux??????
Je lui dis que je suis très surprise de cette réponse puisqu’elle a dit en cour que son mari ne pouvait plus l’aider car il avait trop mal au dos et qu’il avait fait ces travaux uniquement parce qu’avant c’était elle qui faisait ces travaux et qu’elle ne le pouvait plus maintenant ???
Madame me répond qu’il ne l’aurait pas fait tout le temps mais parfois..
Je réitère à Madame qu’elle doit soumettre 2 estimés de 2 entreprises reconnues et la CSST l’informera de la soumission retenue. Sera remboursé sur présentation de la facture payée fait par le contracteur. Madame dit que c’est très difficile d’avoir 2 soumissions dans son quartier et elle désire savoir quel est le maximum qu’elle peut demander.
Madame avisé que c’est le règlement pour les 2 soumissions et que le maximum assurable pour l’ensemble de tout les t e en 2011 est $2976. [sic]
[15] Le 2 novembre 2012, la preuve révèle que la travailleuse a fait parvenir à la CSST deux estimations pour le déneigement et l’entretien estival préparées par deux entrepreneurs pour l’année 2012-2013. Or, la CSST estime ces soumissions non conformes puisqu’elles ne comportent aucune date et que les montants indiqués ne permettent pas de distinguer entre les travaux exécutés l’été et ceux exécutés l’hiver. Au surplus, une des soumissions ne comporte pas de description desdits travaux. Enfin, elles visent des travaux estivaux débutant le 1er août 2012 alors que les entrepreneurs ont précisé qu’aucun travail n’a été effectué pour la saison estivale 2012. La CSST communique avec les entrepreneurs afin d’obtenir les précisions requises et requiert de ces derniers des modifications aux soumissions pour les considérer.
[16] Le 22 novembre 2012, la CSST reçoit une lettre de l’avocate de la travailleuse demandant le remboursement des frais d’entretien selon les soumissions produites, celle-ci estimant qu’il est déraisonnable pour la travailleuse de demander des précisions aux entrepreneurs. Enfin, l’avocate de la travailleuse demande à la CSST de se prononcer sur sa demande d’obtenir le remboursement de frais d’entretien rétroactifs pour le déneigement et l’entretien du terrain.
[17] Le 26 novembre 2012, l’agente de la CSST résume l’état du dossier à la suite de la réception de cette lettre et indique avoir fourni des explications à l’avocate de la travailleuse. Par ailleurs, concernant la demande des frais rétroactifs, la CSST note :
Pour ce qui est des travaux T.E rétroactifs, la CLP du 12 sept 2012 n’a jamais mentionné que la T avait droit à un remboursement rétroactif pour les T.E mais seulement qu’elle était éligible. La T n’a jamais démontré qu’elle avait eu des coûts à cet effet dans le passé.. Au contraire, elle a affirmé en cour que son mari avait toujours fait ces travaux mais que maintenant qu’il était malade et qu’il ne pouvait plus le faire, d"où sa demande pour aide à la CSST le 20 nov 2011. [sic]
[18] Dans l’intervalle, la CSST reçoit des entrepreneurs les corrections qu’elle leur a demandées. Elle accepte donc la soumission de Paysagiste Mike au coût de 459 $ pour le déneigement de la saison 2012-2013. Quant aux estimations fournies pour l’entretien du gazon, la CSST indique que la travailleuse pourra en faire parvenir de nouvelles au printemps 2013, puisque la preuve révèle qu’aucun entrepreneur n’a exécuté ces travaux en 2012 ni que des sommes ont été engagées par la travailleuse à cette période. La CSST confirme le tout dans une décision rendue le 28 novembre 2012.
[19] Le 7 décembre 2012, la travailleuse conteste cette décision. Elle affirme que le montant accordé par l’organisme ne couvre pas le déneigement des entrées de sa maison et dépose une nouvelle soumission par le même entrepreneur en date du 3 décembre 2012 pour un montant de 687 $.
[20] Par ailleurs, la travailleuse revendique le droit de ne soumettre qu’une seule estimation annuelle de la part du même entrepreneur pour l’ensemble des travaux d’entretien. Enfin, elle réclame de nouveau une décision écrite et motivée concernant le refus de payer les frais de déneigement et d’entretien de son terrain rétroactivement.
[21] Le 13 février 2013 la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme en partie la décision du 28 novembre 2012 et modifie le montant auquel la travailleuse a droit pour le déneigement, acceptant la nouvelle soumission de Paysagiste Mike de 687 $. Elle maintient par ailleurs que la travailleuse devra soumettre deux soumissions détaillées en 2013 pour l’entretien de son terrain en excluant la fertilisation.
[22] La travailleuse dépose, le 18 mars 2013, une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de cette décision, d’où le litige dans le dossier 506447-61-1303.
[23] Dans l’intervalle, la travailleuse dépose une plainte à la CSST le 15 mars 2013 en lien avec le refus de cet organisme de rendre une décision au sujet du remboursement des frais pour les travaux d’entretien de son domicile rétroactivement à la date de l’événement, soit le 16 octobre 2003. À noter que lors de l’audience, la travailleuse amende cette demande pour réclamer le remboursement de ces frais non pas à la date de son événement, mais à celle correspondant à la date où son médecin prévoit au Rapport final une atteinte permanente, soit le 4 octobre 2004.
[24] Le 21 mars 2013, la CSST accuse réception de la plainte dans une lettre où elle avise la travailleuse qu’il lui appartient de présenter une preuve que des frais ont été engagés pour exécuter ces travaux.
[25] C’est dans ce contexte que le 15 avril 2013, la travailleuse adresse une lettre à la CSST indiquant que l’entretien extérieur de sa maison, incluant le déneigement et l’entretien de la pelouse, a été effectué par son mari à la suite de son accident du travail du 16 octobre 2003 jusqu’en novembre 2010, date à laquelle il a cessé en raison de problèmes de santé. Elle soumet en annexe une description des travaux et des montants réclamés, soit 200 $ entre le 4 octobre 2004 et novembre 2004, puis de décembre 2004 à novembre 2010, elle réclame une somme de 1 500 $ par année pour un total de 9 200 $.
[26] Dans cette même lettre, la travailleuse déclare que pour la période de décembre 2012 à avril 2013, Paysagiste Mike n’a pas eu le contrat puisqu’elle n’a reçu que le 21 février 2013 la décision de la révision administrative octroyant le contrat de 687 $. Elle a donc confié ces travaux à sa fille et lui a versé la somme de 687 $.
[27] Le 17 avril 2013, la CSST indique avoir reçu la lettre de la travailleuse, mais refuse de la rembourser pour les frais rétroactifs puisqu’il ne s’agit pas de factures payées. Le dossier a été confié à une cheffe d’équipe et la décision de refus ne sera rendue que le 3 juillet 2013. La CSST estime effectivement que la travailleuse n’a engagé aucuns frais pour ces services d’entretien puisqu’ils ont été effectués par son mari et sa fille. La travailleuse conteste cette décision le 22 juillet 2013.
[28] Le 27 septembre 2013, l’avocate de la travailleuse achemine une lettre à la révision administrative de la CSST par laquelle elle transmet ses observations. Elle argue que la Commission des lésions professionnelles, dans sa décision du 13 septembre 2012, indique que le fait qu’un travailleur obtienne l’aide de ses proches dans l’exécution des travaux n’affecte en rien son droit de bénéficier des dispositions de l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi).
[29] Elle joint à la contestation une copie d’un chèque du 9 avril 2013 de 9 200 $ émis au mari de la travailleuse et une lettre signée par ce dernier attestant de l’exécution des travaux pour la période antérieure à novembre 2010. Elle a aussi produit une copie du chèque de 687 $ émis à la fille de la travailleuse en date du 14 avril 2013 et une lettre signée par cette dernière attestant de l’exécution des travaux de déneigement effectués par celle-ci entre décembre 2012 et avril 2013. L’avocate de la travailleuse estime que l’attitude de la CSST refusant à sa cliente le droit à ces travaux d’entretien par le passé a fait en sorte qu’elle n’a pas eu le choix d’avoir l’aide de son mari et de sa fille.
[30] L’avocate de la travailleuse dépose également une lettre de la travailleuse datée du 25 septembre 2013 qui atteste que les entrepreneurs ont refusé de produire de nouvelles soumissions dans son dossier. L’avocate estime que c’est en raison des complications administratives et des exigences de la CSST que la travailleuse n’a eu d’autre choix que de confier l’exécution des travaux à sa fille et de réclamer la somme de 600 $ versée à cette dernière pour les travaux d’entretien du terrain entre le 1er mai et le 24 septembre 2013. Une lettre et la copie du chèque du 24 septembre 2013 sont jointes à l’appui de sa demande de remboursement.
[31] Le 4 octobre 2013, la CSST en révision confirme la décision du 3 juillet 2013. Il y est notamment exprimé ce qui suit :
Le 15 avril 2013, la travailleuse soumet un document rédigé le 9 avril 2013, non signé, décrivant les travaux d’entretien effectué par son mari de décembre 2003 à novembre 2010, pour un total de 10 500 $. Elle soumet un second document rédigé le 14 avril 2013, décrivant des travaux d’entretien effectués par sa fille de décembre 2012 à avril 2013, pour un total de 687 $.
[32] Le 31 octobre 2013, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste cette décision d’où le litige dans le dossier 525779-61-1310.
[33] Lors de l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles le 7 février 2014, la travailleuse a déposé certains documents. Elle a notamment produit une déclaration de sa fille et la copie d’un chèque du 3 décembre 2013 attestant de l’exécution de travaux d’entretien du terrain entre le 25 septembre et le 30 novembre 2013 pour un montant de 213 $. Elle explique que cette somme s’ajoute aux de 600 $ versés à sa fille en 2013, soit un total de 813 $ pour l’exécution des travaux d’entretien du terrain l’été et l’automne. Ce total provient de la différence entre le 1 500 $ payé à son conjoint annuellement et le montant autorisé par la CSST pour les travaux d’hiver de 687 $.
[34] La travailleuse a également témoigné à l’audience. Elle explique que lors de la conversation téléphonique avec l’agent de la CSST le 17 septembre 2012, l’organisme exigeait deux estimations annuelles. Par la suite, la CSST a demandé une ventilation entre les travaux d’entretien courant effectués l’été et l’hiver. En principe, la travailleuse n’a rien contre cette exigence, mais elle estime que ces demandes de modification de soumissions ont entraîné le refus par les entrepreneurs de fournir de nouvelles évaluations. Elle précise au tribunal que compte tenu des délais pour obtenir une première décision à l’automne 2012, elle n’a eu d’autre choix que d’engager sa fille.
[35] La travailleuse témoigne qu’elle revendique le respect de ses droits depuis l’année 2011 et que la Commission des lésions professionnelles lui a finalement donné gain de cause le 13 septembre 2012. Elle ajoute que depuis son accident, son mari a effectué les différents travaux jusqu’à ce qu’il ait des problèmes de santé en 2010, comme elle l’a rapporté devant le tribunal en 2012. Par la suite, en 2011, elle a obtenu l’aide de voisins et n’a pas engagé de frais. Enfin, elle réitère qu’à compter de 2012, elle n’a eu d’autre choix que de confier le travail à sa fille qui habite avec eux.
[36] Elle termine son témoignage en expliquant que son mari a dû s’occuper d’elle depuis son accident en lieu et place de chercher un emploi plus rémunérateur ou d’avoir une compagnie comme ils avaient en Roumanie. Elle réfère à une note évolutive au dossier datée du 31 août 2006 expliquant l’impact de son accident sur la situation financière de la famille.
[37] Elle estime que le fardeau de preuve exigé par la CSST concernant la démonstration des frais engagés est déraisonnable et que, plutôt que de la croire pour le versement des sommes à sa famille, on cherche à la priver de son droit.
L’AVIS DES MEMBRES
Dossiers 506447-61-1303 et 525779-61-1310
[38] Les membres issus des associations d’employeurs et syndicales estiment que la travailleuse n’a pas droit au remboursement rétroactif des frais d’entretien de son terrain et du déneigement pour la période débutant rétroactivement le 4 novembre 2004 et se terminant en novembre 2010.
[39] Par ailleurs, ils sont d’avis que la travailleuse a répondu à l’obligation de la CSST de soumettre des estimations à l’automne 2012, mais que l’organisme a accepté trop tard de confier le travail à un entrepreneur, si bien que la travailleuse a engagé sa fille pour le déneigement et lui a versé le montant autorisé pour Paysagiste Mike. La travailleuse a donc droit au remboursement de la somme de 687 $ versé à sa fille pour le déneigement. Il en est de même du 813 $ pour l’entretien de son terrain, frais engagés pour l’année 2013.
[40] Enfin, les membres issus des associations d’employeurs et syndicales sont d’avis que la travailleuse doit fournir deux estimations par année pour les travaux d’entretien qu’elle réclame avant d’engager ces frais, et ce, afin que la CSST détermine la solution appropriée la plus économique.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossiers 506447-61-1303 et 525779-61-1310
[41] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a droit au remboursement des frais de déneigement de 687 $ pour la période de décembre 2012 à avril 2013, de son obligation de fournir deux soumissions par année pour les frais des travaux d’entretien réclamés, de son droit au remboursement des frais de 9 200 $ d’entretien de son terrain et du déneigement pour la période débutant rétroactivement le 4 novembre 2004 et se terminant en novembre 2010, ainsi que de son droit au remboursement de 813 $ pour des travaux d’entretien de son terrain pour la période du 1er mai au 30 novembre 2013.
[42] Le droit au remboursement du coût pour les travaux d’entretien courant du domicile est prévu à l’article 165 de la loi qui se lit comme suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c. 6, a. 165.
[43] Il n’est pas contesté que les frais pour l’entretien de son terrain et le déneigement pour lesquels la travailleuse réclame un remboursement constituent des travaux d’entretien courant du domicile au sens de cet article et que la travailleuse, porteuse d’une atteinte permanente grave, peut avoir droit au remboursement de ces travaux qu’elle effectuerait elle-même, n’eût été sa lésion. En effet, la Commission des lésions professionnelles, dans sa décision du 13 septembre 2012, reconnaît à la travailleuse le droit au remboursement de ces frais[3].
[44] Comme l’a déjà affirmé la Commission des lésions professionnelles dans une affaire récente, « en matière de remboursement des travaux d’entretien du domicile, il y a une distinction entre les conditions de reconnaissance de ce droit prévu à l’article 165 de la loi et les modalités de paiement de ce remboursement »[4]. Ce sont plutôt les périodes de remboursement et les montants auxquels a droit la travailleuse qui sont en litige à la suite de cette décision du tribunal.
[45] La travailleuse réclame le remboursement des frais qu’elle estime avoir engagés dans le passé auprès de son mari. De plus, une mésentente est également survenue avec la CSST dans le contexte des exigences de cet organisme entourant le dépôt de soumissions pour ces travaux d’entretien à compter de l’automne 2012, si bien que la travailleuse a finalement confié l’exécution de ceux-ci à sa fille.
[46] En ce qui concerne le remboursement, de façon rétroactive, des frais réclamés par la travailleuse du 4 octobre 2004 au mois de novembre 2010, le tribunal estime que la preuve prépondérante ne permet pas de conclure qu’ils ont été engagés par cette dernière au sens de l’article 165 de la loi.
[47] L’aide d’un membre de la famille n’est pas en soi un obstacle à la reconnaissance du droit au remboursement des frais pour les travaux d’entretien, comme le mentionne à juste titre le tribunal dans la décision qu’il a rendue dans le dossier de la travailleuse le 13 septembre 2012.
[48] En effet, la Commission des lésions professionnelles considère généralement qu’il est possible de conclure qu’un travailleur effectuerait normalement lui-même ces travaux, n’eût été sa lésion, malgré l’aide reçue d’un proche dans le passé. C’est la conclusion à laquelle en arrive le tribunal dans sa décision du 13 septembre 2012 pour reconnaître à la travailleuse son droit au remboursement des travaux de déneigement et d’entretien du terrain, puisque la preuve révélait que son conjoint avait pris la relève dans les tâches d’entretien courant du domicile depuis son accident, et ce, jusqu’à ce qu’il souffre lui-même de problèmes de santé en 2010.
[49] Par ailleurs, cela ne donne pas automatiquement droit à un remboursement puisque l’article 165 requiert une preuve que des frais ont été engagés.
[50] Dans le cadre de l’audience précédente ayant mené à la décision du 13 septembre 2012, la travailleuse ne mentionne pas qu’elle a payé son mari pour l’exécution de ces tâches. Elle ne pouvait le faire de toute façon, puisque la preuve révèle qu’elle lui aurait remis un chèque le 9 avril 2013, soit postérieurement à la décision et à sa demande de remboursement de ces frais auprès de la CSST.
[51] Dans l’affaire Marcotte et Olymel St-Hyacinthe[5], la Commission des lésions professionnelles explique en quoi la jurisprudence du tribunal convient que les frais doivent être engagés préalablement, selon les exigences de l’article 165 de la loi, pour être remboursés à un travailleur par la CSST :
[57] Or, l’article 165 de la loi précise qu’un travailleur « qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux ».
[58] Ainsi, la jurisprudence du tribunal enseigne à cet égard que pour être remboursables, les travaux prévus par cette disposition doivent avoir été « engagés » par le travailleur11.
[59] Dans l’affaire Benoit et Produits Électriques Bezo Ltée12, une travailleuse demandait à la CSST que des frais de ménage, tâche qu’elle ne pouvait plus effectuer à la suite de sa lésion professionnelle, lui soient payés. Pour ce faire, la travailleuse a produit des soumissions obtenues auprès de diverses entreprises mais, selon la preuve, aucun ménage n’a été effectué et en conséquence, aucun déboursé n’a été engagé par la travailleuse.
[60] Après qu’il ait déterminé que la travailleuse avait droit, en vertu de l’article 165 de la loi, à ce que les travaux de ménage demandés par la travailleuse lui soient défrayés par la CSST, le juge administratif Beaudoin indique ceci :
[27] Il s’agit donc, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, d’une atteinte que l’on peut qualifier de grave.
[28] La travailleuse a démontré qu’elle effectuait ces travaux d’entretien courant auparavant et qu’elle ne peut plus les faire.
[29] Elle n’a cependant pas encouru les frais et on ne peut donc lui rembourser.
[30] La travailleuse demande de déclarer qu’elle aurait droit au remboursement des frais d’entretien courant s’ils étaient encourus.
[31] La situation n’est pas sans précédent. Dans la décision Lebrun et Ville de Sept-Îles8, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles considère que le travailleur demande une déclaration de principe indiquant que les frais pour des travaux d’entretien courant du domicile qui sont prévisibles seront, de par leur nature, remboursables. La Commission d’appel en matière de lésions professionnelles acquiesce à cette demande.
[32] En la présente instance, il y a lieu de déclarer qu’à la suite de la lésion professionnelle subie le 13 juin 1997, la travailleuse a une atteinte permanente grave, qu’elle est incapable d’effectuer certains travaux d’entretien courant de son domicile qu’elle effectuerait normalement, soit le grand ménage, compte tenu des limitations fonctionnelles décrites par le membre du bureau d’évaluation médicale et qu’elle a droit au remboursement des seuls frais qu’elle peut engager pour faire exécuter ces travaux.
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(8) C.A.L.P. 79061-04-9605, le 27 mars 1997, P. Brazeau, commissaire.
[61] Le soussigné partage le raisonnement du juge Beaudoin dans cette affaire, laquelle présente de grandes analogies avec le présent dossier.
[62] Toutefois, bien conscient de la jurisprudence établie voulant que « la Commission des lésions professionnelles ne peut disposer à l’avance et de façon exécutoire du droit du travailleur au remboursement de frais éventuels », lesquels « n’ont pas encore fait l’objet d’une réclamation à la CSST et qui n’ont pas non plus été engagés »13 ou encore que le tribunal n’a pas à rendre de jugement déclaratoire14, le soussigné est d’avis qu’il convient de retourner le dossier à la CSST afin qu’elle évalue si les soumissions reçues en juin 2010 peuvent servir de base au remboursement éventuel auquel aura droit le travailleur lorsqu’il fera exécuter les travaux qu’autorise le tribunal, et qu’il en défrayera les coûts, ou si de nouvelles soumissions pourront être exigées par la CSST à l’égard des travaux envisagés.
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11 Air Canada et Chapdelaine, C.A.L.P. 35803-64-9112, 17 novembre 1995, B. Roy, (décision accueillant en partie la requête en révision) ; Ouellet et Excavation Leqel 1993 ltée, C.L.P.144557-03B-0008, 13 février 2001, P. Brazeau; Lamontagne et C.L.S.C. Samuel de Champlain, C.L.P. 175805-62-0112, 7 janvier 2004, É. Ouellet.
12 C.L.P. 144924-62-0008, 13 février 2001, R.L.Beaudoin. Voir aussi : [sic].
13 Ouellet et Excavation Leqel 1993 ltée, supra note 11.
14 Lamontagne et C.L.S.C. Samuel de Champlain, supra note 11.
[52] Ainsi, bien que l’aide de son mari ne soit pas un obstacle à la reconnaissance du droit de la travailleuse d’obtenir le remboursement des frais d’entretien courant de son domicile, encore faut-il que des frais aient été engagés préalablement à sa demande produite à la CSST afin que cette dernière défraie le coût des travaux, ce qui n’est pas le cas dans le présent dossier. Dans ces circonstances, le tribunal en arriverait à la même conclusion même s’il considérait que le conjoint a véritablement encaissé le chèque de 9 200 $ daté du 9 avril 2013.
[53] Le tribunal ajoute que l’émission d’un chèque ou le paiement au conjoint soulève plusieurs questions, notamment quant à la fiabilité et la valeur probante de cette preuve, questions intimement liées à la préoccupation de la CSST d’exiger que des soumissions en bonne et due forme soient fournies avant le début des travaux qui ont été autorisés.
[54] Dans l’affaire Boisvert et Centre vérification Mecan Montréal[6], la Commission des lésions professionnelles se montre prudente dans l’analyse de cette preuve documentaire qui tend à démontrer qu’une transaction de cette nature est intervenue entre conjoints :
[18] Cette manière de procéder illustre bien pourquoi l’émission d’un chèque à son épouse ne saurait constituer une preuve convaincante de paiement de frais par le travailleur. En effet, des conjoints peuvent, à tout moment et d’un commun accord, décider qu’un chèque qu’ils se sont échangé ne sera pas encaissé, pour une foule de raisons qui leur appartiennent.
[19] D’ailleurs, le fait que deux chèques émis les 4 et 27 octobre n’aient pas encore été encaissés à la mi-décembre n’est pas de nature à convaincre la CSST que le travailleur avait bel et bien « engagé » les frais en question.
[20] Du reste, en fin de compte, l’observateur impartial se retrouve devant des transactions alléguées intervenues entre personnes liées sur la base du transfert d’espèces sonnantes et dont il ne subsiste aucune trace.
[21] La CSST, contrairement à la Commission des lésions professionnelles, ne tient pas une enquête et audition avant de décider d’accepter ou de refuser la réclamation. La démonstration que le réclamant doit offrir en est une de nature essentiellement documentaire.
[22] En définitive, les documents que le travailleur a transmis à la CSST ne démontraient pas qu’il avait effectivement « engagé des frais » comme l’exige l’article 165 de la loi précité3 ; on conçoit aisément qu’ils aient même éveillé les soupçons de l’agent payeur.
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3 Voir en ce sens : Air Canada et Chapdelaine, C.A.L.P. 35803-64-9112, 17 novembre 1995, B. Roy (J7-11-35) (décision accueillant en partie la requête en révision) ; Lebrun et Ville de Sept-Îles, C.A.L.P. 79061-04-9605, 27 mars 1997, P. Brazeau (J9-02-05) ; Benoît et Produits électriques Bezo ltée, C.L.P. 144924-62-0008, 13 février 2001, R.-L. Beaudoin ; Babeu et Boulangeries Weston Québec ltée, C.L.P. 166478-52B-0108, 16 janvier 2003, N. Blanchard (01LP-177) ; Lamontagne et C.L.S.C. Samuel de Champlain, C.L.P. 175805-62-0112, 7 janvier 2004, É. Ouellet ; Tremblay et Centre de santé des Nord-Côtiers, C.L.P.252181-09-0501, 12 juillet 2005, L. Boudreault ; Duciaume et Entrepreneur Minier CMAC inc. (Mine), 2011 QCCLP 3777 ; Marcotte et Olymel St-Hyacinthe, 2011 QCCLP 5521.
[Nos soulignements]
[55] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles estime, dans le présent dossier, que la preuve ne permet pas de conclure que des frais ont été engagés préalablement à la reconnaissance du droit aux travaux d’entretien du domicile réclamés; ils ne peuvent ainsi être remboursés par la CSST pour les années 2004 à 2010. Sur cet aspect la requête de la travailleuse est donc rejetée.
[56] Incidemment, le tribunal tient également à préciser qu’il considère applicable le délai de prescription de trois ans prévu au Code civil du Québec[7] et que, même dans la situation où la preuve aurait révélé que des frais ont été engagés, le tribunal n’aurait pu rétroagir à l’année 2004 tel que le demande la travailleuse et comme le souligne à juste titre la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Pouliot et Coopérative forestière du Nord-Ouest[8]:
[73] La Commission des lésions professionnelles avait décidé d'appliquer le délai supplétif de trois ans prévu à l'article 2925 du Code civil du Québec, lequel se lit comme suit :
2925. L'action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n'est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.
1991, c. 64, a. 2925.
[74] Dans la décision rejetant la requête en révision judiciaire11, la Cour supérieure écrit ce qui suit :
[24] Le tribunal ne partage pas l'opinion du demandeur qui plaide que le dépôt d'une première réclamation dans le délai de six mois imposé par l'article 271 de la L.A.T.M.P. lui permet ensuite de présenter pendant des années d'autres réclamations, et ce, même 13 ans après un accident du travail comme c'est le cas en l'espèce. Il est vrai que la L.A.T.M.P. est une loi à caractère social qui doit être interprétée de façon libérale mais cela ne dispense pas un travailleur de présenter une réclamation dans le délai imparti. Le dépôt d'une réclamation initiale n'accorde pas au travailleur le droit à vie de réclamer des indemnités ou, comme c'est le cas en l'espèce, le remboursement de frais afférents à l'aide personnelle à domicile.
[...]
[26] Le tribunal souligne que le droit d'obtenir le remboursement de frais d'aide personnelle apparaît au chapitre IV de la Loi qui s'intitule RÉADAPTATION. Cette possibilité de remboursement se situe dans un chapitre distinct de celui du droit à obtenir des indemnités qui se trouvent au chapitre III de la L.A.T.M.P. La demande d'aide personnelle constitue un recours autonome en vertu de l'article 158 de la L.A.T.M.P.
[27] De par sa nature, la demande d'aide à la réadaptation s'inscrit normalement de façon concomitante à la réclamation d'indemnités de remplacement du revenu ainsi que les autres indemnités octroyées par la loi. Toutefois, en l'absence d'une disposition claire dans la L.A.T.M.P. quant au délai pour produire une demande découlant du chapitre III [sic] de la L.A.T.M.P., il est raisonnable pour la C.L.P. d'appliquer à titre supplétif la prescription de trois ans édictée à l'article 2925 C.c.Q.
[75] Le représentant de la CSST demande subsidiairement d'appliquer ce délai de prescription de trois ans.
[76] Une telle approche a été également adoptée par la Commission des lésions professionnelles dans la décision Charron et Marché André Martel inc.12 dans laquelle la juge administrative procède à une étude approfondie de la question. Elle a été suivie dans d'autres décisions13.
[77] Bien que ces décisions portent toutes sur des litiges concernant l'aide personnelle à domicile, le tribunal estime que l'approche retenue sur la prescription d'une demande rétroactive de prestations doit être suivie dans le cas d'une demande de remboursement de frais de travaux d'entretien courant du domicile puisqu'il s'agit essentiellement de la même problématique.
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11 Précitée, note 9 [Sinclair c. Commission des lésions professionnelles, 2011 QCCS 3637].
12 Charron et Marché André Martel inc., [2010] C.L.P. 219, révision rejetée sur une autre question, 2011 QCCLP 5854.
13 Jovanovic et Laboratoires Shermont inc. (Les), 2011 QCCLP 6984; S… G… et Compagnie A, 2012 QCCLP 305; René et Mittal Canada inc., 2012 QCCLP 2246; Marcotte et Chemin de Fer Nationaux du Canada, 2012 QCCLP 1319.
[Nos soulignements]
[57] Quant à l’exigence que la travailleuse fournisse deux soumissions détaillées pour l’entretien de son terrain, le tribunal estime qu’elle est raisonnable.
[58] D’une part, la preuve ne permet pas de conclure que dans le secteur desservi par la travailleuse il n’y a pas d’entreprises disponibles. En effet, elle a soumis deux estimations à la CSST au mois de septembre 2012. Selon la CSST, ces estimations n’étaient pas suffisamment détaillées et des précisions ont été requises, lesquelles ont d’ailleurs été fournies par les deux entreprises en cause et la CSST a retenu Paysagiste Mike pour le déneigement.
[59] D’autre part, le fait que les entreprises sollicitées par la travailleuse ne veulent plus, selon son témoignage, fournir les services à la travailleuse ou répondre à ses demandes ne signifie pas que le recours à d’autres entreprises spécialisées pour ce type de travaux est impossible, même si le tribunal conçoit que l’imbroglio administratif dans le présent dossier ait pu compliquer l’attribution d’un contrat à l’automne 2012.
[60] Il ne s’agit pas, de l’avis du tribunal, de motifs justifiant de renoncer à obtenir une preuve de la nature des services rendus et à un coût raisonnable, de manière à établir un contrat clair entre celui qui fournit les services et celui qui les paie, en l’occurrence un organisme administratif.
[61] Ainsi, la Commission des lésions professionnelles estime que la CSST, à titre d’assureur public, se doit de gérer adéquatement les sommes qui lui sont confiées à titre de fiduciaire du régime de santé et de sécurité au travail.
[62] Le tribunal fait siens les propos du tribunal dans l’affaire Sietnik et Charcuterie La Tour Eiffel inc.[9] à cet égard :
[22] Le tribunal rappelle que le remboursement des travaux d’entretien prévu à l’article 165 de la loi s’inscrit dans l’ensemble des mesures mises en place dans la loi pour favoriser la réadaptation du travailleur victime d’une lésion professionnelle. Or, la CSST dans sa responsabilité d’assumer la réadaptation du travailleur doit privilégier la solution appropriée la plus économique tel que le prévoit l’article 181 de la loi :
181. Le coût de la réadaptation est assumé par la Commission.
Dans la mise en oeuvre d'un plan individualisé de réadaptation, la Commission assume le coût de la solution appropriée la plus économique parmi celles qui permettent d'atteindre l'objectif recherché.
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1985, c. 6, a. 181.
[23] Dans cette perspective, la Commission des lésions professionnelles estime que l’exigence de présenter deux soumissions ou encore l’obligation de soumettre des factures détaillées décrivant la nature des travaux d’entretien, leur coût et les personnes les ayant exécutés ne constitue qu’un mécanisme de mise en œuvre de l’objectif législatif prévu à l’article 181 de la loi et non comme une condition supplémentaire à l’exercice du droit prévu à l’article 165 de la loi.
[24] Cet objectif prévu à l’article 181 de la loi consacre le rôle de fiduciaire du régime d’indemnisation des lésions professionnelles dévolu à la CSST. Dans cette perspective, en matière de réadaptation, la CSST doit s’assurer que les sommes qu’elle consacre pour le paiement d’une prestation correspondent à la solution appropriée la plus économique. La présentation de soumissions ou encore l’exigence de factures détaillées découlant des politiques de la CSST s’avèrent des mécanismes adéquats, raisonnables et non discriminatoires, permettant à cette dernière de payer au travailleur ce à quoi il a droit.
[25] Certes, la Commission des lésions professionnelles n’est pas liée par les politiques de la CSST. Toutefois, quand celles-ci, comme c’est le cas en l’espèce, sont raisonnables, non abusives et non discriminatoires et visent à assurer l’affectation juste, adéquate et équitable de sommes d’argent dont la CSST a la responsabilité, le tribunal peut s’en inspirer pour interpréter la loi.
[26] De plus, la Commission des lésions professionnelles considère que ces mécanismes de contrôle que représentent les soumissions ou les factures détaillées représentent un rempart contre des paiements abusifs ou encore des paiements faits pour des travaux réalisés au noir.
[63] La travailleuse devra donc fournir deux soumissions détaillées pour le coût des travaux d’entretien dont elle réclame le remboursement et sa requête à cet égard est rejetée.
[64] Enfin, le tribunal doit maintenant disposer de la requête de la travailleuse visant les coûts qu’elle estime avoir engagés pour le déneigement à la suite de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 13 septembre 2012, soit de décembre 2012 à avril 2013 pour le déneigement et entre le 1er mai et le 30 novembre 2013 pour les travaux d’entretien du terrain, le tout effectué par sa fille.
[65] La Commission des lésions professionnelles estime qu’elle dispose des pouvoirs de traiter la demande de la travailleuse pour ces travaux d’entretien du terrain entre le 1er mai et le 30 novembre 2013, bien qu’ils ne soient pas spécifiquement énoncés à la décision de la CSST, et ce, compte tenu des pouvoirs dont elle dispose en vertu de l’article 377 de la loi de rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu, d’autant plus que cette question du remboursement du coût des travaux d’entretien fait partie du litige et que le tribunal est en droit d’actualiser le dossier de la travailleuse :
377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.
__________
1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.
[66] Le tribunal note de la preuve qui lui a été soumise que la décision d’engager sa fille pour le déneigement pour la période de décembre 2012 à avril 2013 et pour l’entretien du terrain du 1er mars au 30 novembre 2013 découle de l’imbroglio administratif qui a suivi la décision de la Commission des lésions professionnelles lui octroyant le droit à ces travaux. Sans une autorisation claire de la CSST autorisant les travaux, notamment en raison des précisions exigées quant aux soumissions fournies et parce que la travailleuse a contesté la décision engageant Paysagiste Mike pour une portion des travaux seulement, la travailleuse s’est retrouvée dans la situation où elle a eu recours à l’aide de sa fille.
[67] La preuve révèle qu’elle a engagé les montants qu’elle réclame puisque le tribunal dispose du chèque et de la description des services fournis par sa fille en échange des services rendus de façon contemporaine à l’exécution de ceux-ci.
[68] Dans l’affaire Boisvert et Centre vérification Mecan Montréal[10], la Commission des lésions professionnelles exprimait des réserves quant aux transactions entre conjoints, mais avait malgré tout dans ce dossier particulier accepté les reçus présentés compte tenu de l’impossibilité dans laquelle s’était retrouvé le travailleur d’engager un entrepreneur. En effet, la preuve révélait que la CSST avait accepté par le passé le remboursement des frais engagés sur présentation de reçus par les enfants du requérant. Le tribunal conclut :
[40] Autant le travailleur a l’obligation de prouver qu’il a réellement engagé les frais dont il réclame le remboursement, autant la CSST a, de son côté, l’obligation d’être raisonnable dans ses exigences en prenant en considération les contraintes particulières qui s’imposent. À l’impossible, nul n’est tenu.
[41] Si après avoir déployé un effort véritable et raisonnable pour se trouver un entrepreneur en déneigement le travailleur n’en trouve aucun, alors la CSST doit se montrer ouverte à convenir avec lui d’une méthode alternative susceptible de satisfaire à la seule exigence de la loi, c’est-à-dire que le travailleur prouve qu’il a engagé les frais dont il réclame le remboursement pour l’exécution des travaux d’entretien courant visés à l’article 165 de la loi.
[69] La Commission des lésions professionnelles tient à préciser que dans le présent dossier, elle n’estime pas que la travailleuse est dans l’impossibilité de se trouver un entrepreneur pour lui fournir les services, mais reconnaît que les tractations administratives des années 2012 et 2013 en ont découragé plus d’un. C’est dans ce contexte particulier que le tribunal autorise le remboursement des frais engagés par la travailleuse afin que sa fille effectue le déneigement pour la période de décembre 2012 à avril 2013 et les travaux d’entretien du terrain du 1er mars au 30 novembre 2013, à savoir les sommes respectives de 687 $ et de 813 $.
[70] Cela ne dispense pas la travailleuse de fournir les estimations requises par l’organisme dans le futur afin que, d’une part, le coût des travaux puisse être autorisé par la CSST et que d’autre part, la travailleuse puisse être remboursée comme il se doit, et ce, dans le respect des droits des deux parties en cause.
[71] Enfin, les montants accordés dans la présente décision le sont sous réserve des maximums payables annuellement en vertu de la loi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 506447-61-1303
ACCUEILLE en partie la requête de Madame Daniela Puisor, la travailleuse;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 13 février 2013 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement de 687 $ pour le déneigement de la saison 2012-2013;
DÉCLARE que pour obtenir le paiement du remboursement des frais qu’elle engage pour faire exécuter les travaux d’entretien courant de son domicile, la travailleuse doit fournir deux soumissions détaillées.
Dossier 525779-61-1310
ACCUEILLE en partie la requête de Madame Daniela Puisor, la travailleuse;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 4 octobre 2013;
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais pour des travaux d’entretien pour les années 2004 à 2010;
DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement des frais de 813 $ pour les travaux d’entretien du terrain pour l’année 2013.
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Marie-Pierre Dubé-Iza |
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[1] Puisor et Bombardier Aéronautique inc., 2012 QCCLP 5840.
[2] RLRQ, c. A-3.001.
[3] Précitée, note 1.
[4] Sietnik et Charcuterie La Tour Eiffel inc., 2013 QCCLP 3297, requête en révision rejetée 2014 QCCLP 64.
[5] 2011 QCCLP 5521.
[6] 2012 QCCLP 6357.
[7] L.R.Q., CCQ-1991.
[8] 2013 QCCLP 4546.
[9] Précitée, note 4.
[10] Précitée, note 6.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.