Décision

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Doucet et Landry (Succession de)

2011 QCCLP 6483

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

5 octobre 2011

 

Région :

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord

 

Dossier :

316599-01C-0704-R2

 

Dossier CSST :

115994683

 

Commissaire :

Sophie Sénéchal, juge administratif

 

Membres :

Ginette Denis, associations d’employeurs

 

Mario Boudreau, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

 

 

Jacqueline Doucet

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Succession Sylvio Landry

Entreprises Forestières François Boudreau inc.

Price Waterhouse Coopers

 

Parties intéressées

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 3 octobre 2007, la succession de monsieur Sylvio Landry (la succession) dépose une requête en révision ou révocation d’une décision de la Commission des lésions professionnelles du 4 septembre 2007.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille la requête de madame Jacqueline Doucet, infirme une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) du 19 avril 2007, rendue à la suite d’une révision administrative, déclare que madame Doucet est la conjointe de monsieur Sylvio Landry (le travailleur), à la date du décès de ce dernier et déclare que madame Doucet a droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévue à l’article 58 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[3]           À l’audience tenue le 5 avril 2011 à Rimouski, madame Doucet est absente et non représentée. Sa procureure a avisé le tribunal de son absence. La succession est présente et représentée par procureur.

[4]           Entreprises François Boudreau inc., l’employeur du travailleur à l’époque pertinente, est absent. Price Waterhouse Coopers, syndic nommé à la faillite de madame Doucet, est absent.

[5]           Il importe de mentionner que préalablement à l’audience, le tribunal a tenu une conférence préalable avec le procureur de la succession afin de bien cerner l’objet de la requête.

[6]           En effet, tel qu’indiqué, la décision de la Commission des lésions professionnelles du 4 septembre 2007 a fait l’objet d’une requête en révision ou révocation le 3 octobre 2007.

[7]           Cette requête présente deux motifs de révision ou révocation, soit d’une part que la succession n’a pu se faire entendre lors de l’audience tenue devant le premier juge administratif le 27 août 2007 à New-Richmond (article 429.56, par. 2) et d’autre part, que la décision du premier juge administratif est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider (article 429.56, par. 3).

[8]           Le 31 août 2009, la Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Gaspé en présence de madame Doucet, sa procureure et le procureur de la succession. Cette audience n’a porté que sur le premier motif invoqué, soit le fait que la succession n’ait pu se faire entendre, laissant ainsi en suspens le second motif invoqué, soit le vice de fond.

[9]           Le 11 janvier 2010, la Commission des lésions professionnelles a donc rendu une décision par laquelle elle rejetait la requête en révision ou révocation de la succession quant au motif qu’elle n’aurait pu se faire entendre. La Commission des lésions professionnelles retourne alors le dossier au greffe afin que les parties soient convoquées à une audience pour disposer du second motif invoqué, soit le vice de fond.

[10]        La succession a déposé une requête en révision ou révocation à l’encontre de cette décision de la Commission des lésions professionnelles du 11 janvier 2010, invoquant notamment un vice de fond de nature à l’invalider. L’audition de cette requête n’a pas eu lieu encore.

[11]        En conférence préalable, le procureur de la succession précise au tribunal que l’audience du 5 avril 2011 porte sur le second motif de sa requête en révision ou révocation du 3 octobre 2007, concernant la décision de la Commission des lésions professionnelles du 4 septembre 2007. La seconde requête en révision ou révocation à l’encontre de la décision du 11 janvier 2010 n’est pas en cause.

[12]        Par contre, le procureur indique au tribunal qu’il entend procéder au dépôt d’une preuve documentaire et testimoniale additionnelle. Cette preuve est nécessaire afin d’établir l’adresse de résidence du travailleur, lors de son vivant.

[13]        Le tribunal mentionne alors au procureur que la succession était absente à l’audience du 27 août 2007 et d’autre part, le motif invoqué (n’a pu se faire entendre) avait été rejeté par la Commission des lésions professionnelles dans sa décision du 11 janvier 2010. Jusqu’à preuve du contraire, cette décision est toujours d’actualité malgré la demande de révision ou révocation déposée par la succession.

[14]        Ainsi, le dépôt d’une preuve documentaire et testimoniale additionnelle permettrait à la succession de faire indirectement ce qu’elle ne peut faire directement.

[15]        Le tribunal a donc refusé le dépôt de cette preuve additionnelle aux fins de l’audience portant sur le motif de vice de fond de nature à invalider la décision du 4 septembre 2007. Il a par ailleurs offert au procureur de suspendre cette audience en attendant que soit connue l’issue de sa requête en révision de la décision du 11 janvier 2010, rejetant le motif qu’il n’a pu se faire entendre pour des raisons jugées suffisantes. Le procureur a décliné cette offre.

[16]        Le tribunal a donc demandé au procureur de la succession de soumettre ses arguments, quant à l’existence d’un vice de fond, au regard du dossier tel que constitué à la suite de l’audience du 27 août 2007 afin que le premier juge administratif puisse rendre sa décision.

 

 

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[17]        La succession demande la révision de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 4 septembre 2007 puisque cette dernière serait entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider.

L’AVIS DES MEMBRES

[18]        La membre issue des associations d'employeurs et celui issu des associations syndicales sont d'avis de rejeter la requête en révision de la succession. Ils estiment que la décision de la Commission des lésions professionnelles du 4 septembre 2007 n’est pas entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider. Les différents arguments soumis par le procureur de la succession ne visent qu’à demander une nouvelle appréciation de la preuve. Le recours en révision ne peut servir à cette fin.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[19]        Le tribunal doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision de la Commission des lésions professionnelles du 4 septembre 2007.

[20]        Le pouvoir de la Commission des lésions professionnelles de réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue est prévu à l’article 429.56 de la loi, lequel se lit comme suit :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1°         lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2°         lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°         lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[21]        Le recours en révision ou révocation doit être considéré comme un recours d’exception. Ce pouvoir de réviser ou révoquer que possède la Commission des lésions professionnelles s’inscrit dans le contexte de l’article 429.49 de la loi. À cet article, le législateur indique bien qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et que toute personne visée doit s’y conformer.

[22]        Tel que préalablement indiqué, la succession soutient que la décision rendue par le premier juge administratif le 4 septembre 2007 est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider. La succession invoque ainsi le troisième paragraphe de l’article 429.56 de la loi.

[23]        Dans l’affaire Produits Forestiers Donohue inc. et Villeneuve[2], la Commission des lésions professionnelles indique que le vice de fond réfère à l’erreur manifeste de droit ou de faits ayant un effet déterminant sur l’issue de la contestation. Cette façon d’interpréter la notion de vice de fond de nature à invalider la décision a été reprise de façon constante et elle est toujours préconisée par la Commission des lésions professionnelles.

[24]        Dans sa décision CSST et Fontaine[3], la Cour d’appel du Québec se penche notamment sur cette notion de vice de fond de nature à invalider une décision de la Commission des lésions professionnelles. Dans cette décision, la Cour d’appel ne remet pas en question le critère de vice de fond, tel qu’interprété par la Commission des lésions professionnelles. Elle invite plutôt à la prudence dans son application.

[25]        La Cour d’appel insiste également sur le fait que le recours en révision, pour vice de fond de nature à invalider une décision, ne doit pas être l’occasion de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve afin de substituer son opinion à celle du premier juge administratif. Ce ne peut être non plus l’occasion de compléter ou bonifier la preuve ni d’ajouter de nouveaux arguments[4].

[26]        Seule une erreur grave, évidente et déterminante peut amener une intervention à l’égard de la décision du premier juge administratif[5].

[27]        C’est en ayant à l’esprit ces principes de droit que le tribunal entend procéder à l’analyse des motifs mis de l’avant par la succession pour faire réviser la décision du premier juge administratif du 4 septembre 2007.

[28]        Il convient à ce stade-ci de revoir les faits du présent dossier. Cet exercice ne vise pas à reprendre l’ensemble de la preuve soumise, mais bien de s’attarder aux faits permettant de saisir le contexte dans lequel est déposée la requête de la succession.

[29]        À l’époque pertinente, le travailleur occupe un emploi de chauffeur de camion.

[30]        Le 13 janvier 1999, il subit un accident du travail (cou, épaules, dos). Cette lésion professionnelle est consolidée le 18 août 2001 avec une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles, selon son médecin qui a charge de l’époque.

[31]        Des démarches en réadaptation sont entreprises.

[32]        En août 2002, le travailleur apprend qu’il est atteint d’un cancer du foie et des intestins.

[33]        Entre-temps, le 20 juin 2002, le travailleur subit une récidive, rechute ou aggravation, laquelle entraîne un déficit anatomo-physiologique et des limitations fonctionnelles supplémentaires.

[34]        On demande alors une intervention pour une évaluation et une orientation professionnelle. Le rapport est produit en juin 2002 et on peut notamment y lire ce qui suit :

Monsieur Landry est un travailleur âgé de 45 ans originaire de Nouvelle en Gaspésie. Il a habité dans la région de la Baie-des-Chaleurs durant toute sa vie. Il est célibataire et il n’a aucun enfant à charge. Son amie poursuit présentement des études comme préposée aux bénéficiaires au Collège communautaire de Cambellton [sic]. Elle envisage venir s’établir dans la région de Nouvelle après avoir complété sa formation. Il réside présentement avec sa mère qui est âgée de 75 ans. Toutefois, elle contemple de plus en plus la possibilité d’aller vivre dans une résidence pour personnes âgées.

 

L’assuré jouit d’une mobilité passablement restreinte même s’il n’est pas marié et n’a pas d’enfant à charge. Il a acheté la résidence de ses parents et il prend soin de sa mère. Il a effectué beaucoup de travaux de rénovation et il considère que sa maison est dans un excellent état. Il n’a aucun [sic] hypothèque à supporter et il entend bien conserver sa propriété. Il considère que tout emploi convenable situé entre Pointe-à-la-Croix et New-Richmond serait acceptable.

 

Outre sa résidence, il est propriétaire d’une roulotte de voyage de 40 pieds de type "Fifth Wheel". Il possède également deux véhicules dont une camionnette 1997 de marque Dodge Ram (100,000 kilomètres) ainsi qu’une automobile Volkswagen Jetta 1992 (350,000 kilomètres).

 

Il pratique peu d’activités récréatives ou sportives. Il doit obtenir de l’aide afin d’effectuer la majorité des travaux d’entretien autour de la maison (ex. : tonte de la pelouse, déneigement, etc.).

 

 

[35]        La CSST détermine que le travailleur a la capacité d’exercer l’emploi convenable préalablement déterminé de commis-vendeur à compter du 26 février 2003, l’année de recherche d’emploi prenant fin le 26 février 2004.

[36]        Au cours de cette période de 1999 à février 2004, le travailleur indique une adresse résidentielle située à Nouvelle, Québec. Il s’agit de l’adresse fournie par le travailleur au formulaire de réclamation et l’adresse utilisée par la CSST pour communiquer avec le travailleur.

[37]        Le 24 février 2004, le travailleur communique avec la CSST pour discuter notamment de la possibilité d’une entente et il indique à l’agente « qu’il est en train de déménager ».

[38]        Un accord intervient entre les parties, lequel prévoit un emploi convenable de commis de club vidéo que le travailleur a la capacité d’exercer à compter du 26 février 2003, l’année de recherche d’emploi se terminant le 26 février 2004.

[39]        Entre-temps, le travailleur doit se faire opérer de nouveau pour son cancer. Il entreprend également des démarches auprès de la Régie des rentes du Québec.

[40]        Le 1er juin 2004, le travailleur communique avec la CSST. Il demande de l’aide pour les travaux d’entretien de sa maison (peinture, gazon, déneigement). Le travailleur informe la CSST qu’il prévoit mettre sa maison en vente prochainement, la trouvant trop grande pour y vivre seul. Il y a trop d’entretien à y faire.

[41]        Dans sa note du 11 juin 2004, l’agente de la CSST indique ce qui suit :

T vivait dans sa maison avec sa mère qu’il a "placée" en institution. Il est propriétaire de cette maison depuis l’âge de 16 ans, lors du divorce de ses parents; T qui travaillait déjà à l’époque a fait l’acquisition de la demeure familiale. T effectuait tout tvx d’entretien courant de son domicile.

 

 

[42]        Le 9 décembre 2004, le travailleur communique à nouveau avec la CSST. Il en profite alors pour donner sa nouvelle adresse, laquelle est toujours située dans la région de Nouvelle, Québec. Il est locataire d’une maison, laquelle est située tout près de son ancienne maison. Le travailleur doit y faire l’entretien.

[43]        Le 9 juin 2005, le travailleur communique avec la CSST pour la tonte de sa pelouse. On lui demande des soumissions.

[44]        Le travailleur fait parvenir une offre de services de la compagnie Nutrite pour le service de tonte pour la saison 2005 indiquant sa nouvelle adresse de Nouvelle, Québec.

 

[45]        Le 19 septembre 2006, le frère du travailleur, monsieur Eldège Landry, communique avec la CSST pour l’informer du décès du travailleur le 15 août 2006. Le frère du travailleur doit faire parvenir à la CSST le certificat de décès. Il informe également la CSST que le travailleur était en union de fait avec madame Doucet. Cette dernière doit communiquer avec la CSST pour livrer certaines informations.

[46]        Le 29 septembre 2006, le frère du travailleur fait parvenir à la CSST le certificat de décès. On y indique notamment que le travailleur est décédé le 15 août 2006 à l’Hôpital Laval, qu’il était célibataire et que son domicile était situé à Nouvelle, Québec.

[47]        Le 22 octobre 2006, apparaît l’avis de décès suivant dans le journal L’Écho de la Baie :

À l’Hôpital Laval de Québec, le 15 août 2006, est décédé à l’âge de 49 ans et 11 mois, monsieur Sylvio Landry, demeurant au (…) à Nouvelle.

 

 

[48]        On y mentionne également sa conjointe, madame Doucet.

[49]        Le 6 novembre 2006, madame Doucet rédige la lettre suivante à la CSST :

La présente consiste en une demande d’indemnité en regard au dossier de Monsieur Sylvio Landry, résident au (…), Nouvelle (Québec) (…).

 

Vous trouverez ci-joint, un document d’informations supplémentaires accompagné de pièces justificatives.

 

Pour plus amples informations, vous pouvez me rejoindre au (…) ou au (…).

 

En espérant recevoir une réponse favorable, je vous prie d’agréer, Madame Gauthier, l’expression de mes salutations les plus distinguées.  [sic]

 

 

[50]        Et elle y annexe les renseignements supplémentaires suivants :

Ma relation avec Sylvio a débutée officiellement le 4 mars 2001. Notre union, bâtie sur des bases solides, est rapidement devenue sérieuse. Nous étions un couple très engagé l’un envers l’autre. Notre vie était remplie de projets et d’activités que nous aimions faire ensembles Depuis juin 2003 nous occupions conjointement un chalet situé à Sormany, Nouveau-Brunswick. À cet effet, vous trouverez ci-joint, en annexe 1, une photo du dit chalet, ainsi qu’une photo récente de notre couple. J’inclus des pièces justificatives comprenant; une preuve de taxe et une facture d’achat de combustible pour le chalet.

La dernière année, nous avons manifesté ouvertement, auprès de nos amis(es) et de nos proches, le désir de vouloir nous marier. Sylvio s’est renseigné auprès de diverses instances, notamment Maître Nancy Roy de Nouvelle, Québec en vue de concrétiser ce projet. Malheureusement, la maladie qui affligeait Sylvio à progressée très rapidement, ce qui fit en sorte que notre mariage n’a pas eu lieu.

 

Sylvio était très présent dans ma vie, quoique parfois, il s’absentait afin de voir ses médecins en raison de sa maladie. Sans équivoque Sylvio était mon conjoint de fait. En ce sens, vous trouverez en annexe 2 un texte qui témoigne de ce fait. Si vous nécessitez de plus amples informations, je demeure à votre entière disposition.  [sic]

 

 

[51]        Le 15 décembre 2006, madame Doucet communique avec la CSST à la suite des documents envoyés :

J’explique à Mme Doucet que si elle a une confirmation du Me Poste; m adresse depuis 3 ans. Nous pourrons traiter le dossier.

 

Mme Doucet ne peut nous fournir cette information, car pas la m adresse.  [sic]

 

 

[52]        Le 7 décembre 2006, monsieur Ghislain Landry, frère du travailleur, signe la lettre suivante :

Par la présente, moi, Ghislain Landry, domicilié à Carleton au (…), mon numéro de téléphone est le (…). Je tiens à vous certifier que je connaissais personnellement Sylvio Landry puisqu’il était mon frère et je peux vous assurer qu’il était bien le conjoint de fait ou concubin de Jacqueline Doucet de Nigadoo au Nouveau-Brunswick.

 

Leur liaison était solide, ils se vouaient un amour et un respect mutuel et Jacqueline s’est très bien occupée de son conjoint car il a été malade à plusieurs reprises durant les quatre ou cinq dernières années de sa vie.

 

Sylvio et Jacqueline formaient un couple heureux et uni et étaient un exemple à suivre même s’ils n’ont pas eu d’enfants pendant leur liaison.

 

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec moi au numéro de téléphone ci-haut mentionné.

 

 

[53]        Le 15 janvier 2007, la CSST fait parvenir la lettre suivante à madame Doucet :

Madame,

 

            Afin que nous puissions vous verser des indemnités de remplacement du revenu en vertu de l’article 58 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), et ce, suite au décès de monsieur Sylvio Landry, vous devez nous faire parvenir des preuves nous attestant :

 

-       que vous viviez maritalement ensemble;

-       que vous résidiez avec ce dernier depuis au moins trois ans;

-       et que vous étiez publiquement représentée comme sa conjointe.

 

                  Les documents que vous nous avez envoyés ne prouvent aucunement cette situation. Par conséquent, nous ne pouvons vous verser d’indemnités de remplacement du revenu.

 

Nous vous invitons à communiquer avec nous si vous avez besoin de renseignements supplémentaires à ce sujet ou pour toute autre question.

 

 

[54]        La correspondance de la CSST est envoyée à madame Doucet à son adresse à Nigadoo, Nouveau-Brunswick.

[55]        Madame Doucet demande la révision de la décision de la CSST du 15 janvier 2007.

[56]        Le 19 avril 2007, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative. Dans son analyse, la CSST indique ce qui suit :

La Révision administrative doit donc déterminer si madame Doucet est la conjointe du travailleur au sens de la Loi aux fins de l’application de la disposition légale prévue à l’article 58 de la Loi.

 

Tout d’abord, la Révision administrative rappelle que la définition de conjoint applicable au sens de la Loi se lit comme suit :

            « conjoint » : la personne qui, à la date du décès du travailleur :

 

                              1o     est liée par un mariage ou une union civile au travailleur et cohabite avec lui; ou

                              2o   vit maritalement avec le travailleur, qu’elle soit de sexe différent ou de même sexe, et :

                                   a) réside avec lui depuis au moins trois ans ou depuis un an si un enfant est né ou à naître de leur union, et

                                   b) est publiquement représentée comme son conjoint.

 

Madame Doucet a déposé au dossier divers documents et factures afin d’établir qu’elle était la conjointe du travailleur.

 

Par ses observations, madame Doucet explique à la Révision administrative à quel point elle aimait le travailleur et souligne avoir pris ses vacances pour le soutenir dans la maladie. Elle précise qu’ils avaient des projets de mariage et qu’ils ne vivaient pas ensemble en raison, entre autres de la mère du travailleur. Madame Doucet précise qu’elle réside à Nigadoo au Nouveau-Brunswick et qu’elle travaille dans un centre hospitalier. Elle explique que la distance entre Nigadoo et Nouvelle au Québec, lieu de résidence du travailleur ne représentait qu’une heure et demie de route et qu’ils se voyaient très souvent. Elle soumet qu’elle était représentée publiquement comme la conjointe du travailleur et se considère comme telle.

 

Tout d’abord, la preuve au dossier est à l’effet que le travailleur et madame Doucet n’étaient pas mariés, la Révision administrative doit donc analyser si la situation décrite répond aux critères de la seconde situation prévue à la définition de conjointe. À cet effet, madame Doucet doit prouver qu’elle vivait maritalement avec le travailleur au moment de son décès et réside avec lui depuis au moins trois ans, puisqu’aucun enfant n’est né ou à naître, et est publiquement représentée comme sa conjointe.

 

 

De l’analyse de la preuve au dossier, la Révision administrative ne peut conclure que la situation que prévalait entre madame Doucet et le travailleur au décès de celui-ci réponde à la notion de conjointe telle que définie à la Loi. En effet, aucune preuve probante au dossier ne démontre que madame Doucet réside avec le travailleur depuis au moins trois ans lors du décès de ce dernier. Il est démontré que madame Doucet réside au Nouveau-Brunswick et que le travailleur résidait à Nouvelle au Québec.

 

Madame Doucet n’ayant pas démontré être la conjointe du travailleur, la Commission est justifiée de refuser de lui verser l’indemnité de remplacement du revenu pendant trois mois après le décès du travailleur prévue à la Loi.

 

 

[57]        La CSST confirme son refus de reconnaître madame Doucet comme la conjointe du travailleur au sens de la loi et de lui verser une indemnité selon l’article 58 de la loi.

[58]        Madame Doucet dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de cette décision.

[59]        Les parties (madame Doucet, l’employeur, la succession) sont convoquées à une audience. Cette audience a lieu le 27 août 2007, à New-Richmond. Madame Doucet est présente et représentée. L’employeur est également présent. La succession est absente.

[60]        Au cours de cette audience, madame Doucet témoigne de même que monsieur François Boudreau, propriétaire de l’entreprise où avait travaillé le travailleur. On dépose également un affidavit détaillé de monsieur Jean-Roch Landry, juge à la Cour supérieure à Rimouski et parrain du travailleur :

Je, soussigné, Jean-Roch Landry, domicilié et résidant au (…), Bonaventure, district de Bonaventure,  (…), affirme solennellement ce qui suit :

 

1-            J’étais le parrain de Sylvio Landry, né à Nouvelle, le 23 septembre 1956;

 

2-            Antérieurement à l’été 2001, je le voyais régulièrement à Nouvelle. Sa résidence était voisine (3e voisin) de celle de mes parents que je visitais régulièrement. À deux occasions sur trois, Sylvio passait me saluer.

 

3-            Par la suite, mes rencontres se sont distancées en raison du fait qu’il passait beaucoup de temps au Nouveau Brunswick;

 

4-            À l’automne 2001, il m’a appris qu’il avait une "blonde" dans cette province et qu’il passait beaucoup de temps dans la province voisine;

 

5-            J’ai par la suite connu madame Jacqueline Doucet qui, pour moi, était à compter du 2002, la conjointe de Sylvio Landry;

 

6-            J’ai eu l’occasion, lors de différentes hospitalisations de Sylvio Landry à Québec, P.Q., ou à Bathurst, N.B., de le visiter à l’hôpital;

 

7-            En août 2006, je me suis rendu à deux occasions à l’Hôpital de Bathurst pour le visiter. Il est décédé peu après;

 

8-            En ce qui me concerne, Sylvio Landry faisait vie commune avec madame Jacqueline Doucet et ce, depuis plusieurs années;

 

9-            D’ailleurs, il avait fait transporter au Nouveau Brunswick, il y a quelques années, une roulotte (maison mobile), qu’il a occupé avec madame Jacqueline Doucet.

 

Et j’ai signé à New Carlisle, ce 23 juillet 2007.

 

[sic]

 

 

[61]        L’audience débute à 9 h 35 et se termine à 10 h 30. Bien que celle-ci ait été enregistrée, l’enregistrement ne peut servir puisque celui-ci est inaudible.

[62]        Le 4 septembre 2007, la Commission des lésions professionnelles rend une décision par laquelle elle déclare que madame Doucet était la conjointe du travailleur à la date du décès de ce dernier et qu’elle a droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévu à l’article 58 de la loi.

[63]        D’une part, la Commission des lésions professionnelles rapporte le témoignage de madame Doucet et de monsieur Boudreau comme suit :

[21]      ATTENDU que la requérante témoigne à l'audience et affirme :

 

-           qu'elle a commencé à fréquenter le travailleur au printemps 2001;

 

-           que vers la fin de l'année 2002 ou le début de l'année 2003, ils ont commencé à vivre ensemble maritalement à Nigadoo au Nouveau-Brunswick;

 

-           que le travailleur conservait toutefois une adresse résidentielle au Québec, notamment afin de continuer d'y recevoir les soins de santé requis par sa condition médicale;

 

-           qu'entre-temps, le travailleur se rendait occasionnellement à Nouvelle pour de courtes périodes;

 

-           qu'elle était publiquement représentée comme la conjointe du travailleur;

 

-           qu'ils avaient un projet de mariage;

 

 

[22]      ATTENDU que l'employeur explique à l’audience être informé que le travailleur, après avoir vendu la résidence familiale quelques années avant son décès, a loué un appartement à Nouvelle, principalement pour permettre aux membres de sa famille d'y séjourner lors de visites occasionnelles dans la région;

 

 

 

[64]        D’autre part, les motifs de la décision se lisent comme suit :

[27]      CONSIDÉRANT que la Commission des lésions professionnelles doit décider si la requérante a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue à l'article 58 de la loi, lequel énonce ce qui suit :

 

58. Malgré le paragraphe 2° de l'article 57, lorsqu'un travailleur qui reçoit une indemnité de remplacement du revenu décède d'une cause étrangère à sa lésion professionnelle, cette indemnité continue d'être versée à son conjoint pendant les trois mois qui suivent le décès.

__________

1985, c. 6, a. 58

 

 

[28]      CONSIDÉRANT que la notion de conjoint est définie comme suit à l'article 2 de la loi :

 

« conjoint » : la personne qui, à la date du décès du travailleur:

 

            1°   est liée par un mariage ou une union civile au travailleur et cohabite avec lui; ou

            2°   vit maritalement avec le travailleur, qu'elle soit de sexe différent ou de même sexe, et:

            a)   réside avec lui depuis au moins trois ans ou depuis un an si un enfant est né ou à naître de leur union; et

            b)   est publiquement représentée comme son conjoint;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1

 

 

[29]      CONSIDÉRANT qu'au moment de son décès, le travailleur n'était pas lié à une autre personne par un mariage ou une union civile;

 

[30]      CONSIDÉRANT que la résidence d'une personne est le lieu où elle demeure de façon habituelle2;

 

[31]      CONSIDÉRANT que le témoignage de la travailleuse [sic] paraît crédible et qu'il est corroboré par l'employeur, par le parrain et le frère du travailleur, et par l'exécuteur testamentaire de la succession;

 

[32]      CONSIDÉRANT que la preuve prépondérante laisse voir que même si le travailleur avait un pied-à-terre à Nouvelle, sa résidence principale était, depuis la fin de 2002 ou le début de 2003, à Nigadoo au Nouveau-Brunswick;

 

[33]      CONSIDÉRANT que la preuve prépondérante démontre que la requérante vivait maritalement avec le travailleur lors de son décès, qu'elle résidait avec lui depuis au moins trois ans et était publiquement représentée comme sa conjointe.

 

_______________

2              Le terme résidence n'étant pas défini à la loi, il y a lieu de s'en remettre à la définition contenue à l'article 77 du Code civil du Québec

 

 

[65]        Le 3 octobre 2007, la succession, par l’entremise de son procureur, dépose une requête en révision ou révocation à l’encontre de cette décision de la Commission des lésions professionnelles du 4 septembre 2007.

[66]        Dans un premier temps, elle allègue le fait qu’elle n’a pu se faire entendre à l’audience du 27 août 2007, pour des raisons jugées suffisantes (article 429.56 par. 2)

[67]        Tel qu’indiqué, ce motif a été évalué dans le cadre d’une audience tenue le 31 août 2009 à Gaspé. Dans sa décision du 11 janvier 2010, la Commission des lésions professionnelles rejette un tel motif. Cette décision fait présentement l’objet d’une requête en révision.

[68]        Dans un deuxième temps, la succession soumet que la décision de la Commission des lésions professionnelles du 4 septembre 2007 est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider (article 429.56, par. 3) :

11.       En effet, la décision rendue le 4 septembre dernier repose sur une preuve documentaire qui a été mal interprétée par la C.L.P. et sur la foi du témoignage de Jacqueline Doucet, témoignage faux et mensonger;

 

12.       En l’espèce, la C.L.P. devait décider si la requérante, Jacqueline Doucet, avait droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévue à l’article 58 de la L.A.T.M.P.;

 

13.       Pour ce faire, la C.L.P. devait préalablement conclure que Madame Doucet vivait maritalement avec feu Sylvio Landry et qu’elle résidait avec lui depuis au moins trois (3) ans avant la date de son décès, soit le 15 août 2006 dû à une péritonite;

 

14.       Or, la C.L.P. a erré en concluant que Jacqueline Doucet vivait maritalement avec feu Sylvio Landry lors de son décès et qu’elle résidait avec lui depuis au moins trois (3) ans;

 

15.       La C.L.P. a erré en raison du témoignage faux et mensonger de Jacqueline Doucet et des déclarations écrites incomplètes qui ont été illégalement introduites en preuve;

 

16.       Lors de l’enquête et audition de la présente requête, il sera démontré que feu Sylvio Landry était bel et bien résidant de Nouvelle au Québec, en raison notamment des faits suivants :

 

            Ø    il y effectuait ses transactions financières et bancaires;

 

            Ø    il y possédait un immeuble et un appartement;

 

            Ø    il n’a jamais effectué de changement d’adresse auprès de la Société de l’Assurance Automobile du Québec, ni auprès de Postes Canada;

 

            Ø    il y possédait toujours un compte auprès de la compagnie de téléphone Telus;

 

            Ø    il recevait des soins de santé au Québec et achetait presque tous ses médicaments à la pharmacie Jean Coutu de Carleton;

 

            Ø    il y effectuait ses affaires courantes, telles épiceries, magasinage, achat de matériaux, réparation de sa roulotte et autres;

 

17.       De plus, il semble évident que le commissaire et les deux (2) membres ayant constitués le banc lors de l’audition du 27 août dernier, n’ont pas pris en considération tous les éléments contenus au dossier de la C.L.P.;

 

18.       À titre d’exemple, mais non limitativement, les informations suivantes recueillies dans le propre dossier de la C.L.P. démontrent que feu Sylvio Landry ne demeurait pas à Nigadoo au Nouveau-Brunswick mais bien à Nouvelle au Québec, sont :

 

            Ø    page 47 :     note du 15 avril 2007, l’agente appelle le travailleur au (…), soit à Nouvelle;

 

            Ø    page 48 :     note du 1er juin 2004, le travailleur appelle l’agente pour lui indiquer qu’il a de la difficulté à trouver quelqu’un pour l’entretien de son terrain qui est en pente, soit son terrain à sa résidence de Nouvelle;

 

            Ø    page 49 :     note du 11 juin 2004, le travailleur indique à son agente qu’il prévoit mettre sa maison en vente prochainement : "trop grand pour y vivre seul, trop d’entretien";

 

            Ø    page 51 :     note du 9 décembre 2004, le travailleur donne sa nouvelle adresse. Il est locataire d’une maison, mais c’est lui qui doit faire l’entretien de sa maison. Il habite tout prêt de son ancienne maison;

 

            Ø    page 51 :     note du 21 janvier 2005, le travailleur est informé que sa soumission pour le déneigement a été retenus par la C.S.S.T.;

 

            Ø    page 52 :     note du 23 juin 2005, téléphone du travailleur qui désire des copies de ses soumissions. L’agente lui retourne par télécopieur au (…), soit à Nouvelle;

 

            Ø    page 225, lettre datée du 14 juin 2004 adressée à Sylvio Landry au (…), Nouvelle, Québec,  (…), soit à sa maison;

 

            Ø    page 226, lettre datée du 17 janvier 2005 adressée à Sylvio Landry (…), Nouvelle, Québec,  (…), soit après son changement d’adresse, à son appartement;

 

            Ø    page 228, formulaire de demande de renseignements transmis à la C.S.S.T. sur lequel Sylvio Landry indique comme numéro de téléphone (…), soit à Nouvelle;

 

19.       La C.L.P. aurait dû constater d’elle-même, les étonnantes contradictions entre les éléments de preuve soumis à son appréciation lors de l’audience du 27 août dernier et les propres éléments contenus à son dossier;  [sic]

 

 

 

[69]        Concernant ce second motif de révision, les parties sont donc convoquées à une audience le 5 avril 2011 à Rimouski.

[70]        C’est ainsi que le procureur de la succession est invité à soumettre ses arguments, sans qu’il y ait dépôt d’une preuve nouvelle (documentaire ou testimoniale).

[71]        Ce faisant, le procureur rappelle d’abord que le premier juge administratif conclut que madame Doucet est la conjointe du travailleur et qu’ainsi, elle a droit à l’indemnité prévue à l’article 58 de la loi.

[72]        Le procureur soumet qu’il s’agit d’une conclusion erronée. Celle-ci découle d’une mauvaise interprétation de la preuve et d’un faux témoignage livré par madame Doucet.

[73]        Il passe en revue le dossier constitué et attire l’attention du tribunal sur plusieurs documents, dont plusieurs sont relevés dans le résumé des faits du tribunal. Ceux-ci, selon le procureur, démontrent que le travailleur résidait à Nouvelle au Québec et non à Nigadoo au Nouveau-Brunswick. 

[74]        C’est dans le cadre de son témoignage devant le premier juge administratif que madame Doucet introduit le fait que le travailleur résidait avec elle à Nigadoo au Nouveau-Brunswick. Il s’agit d’un témoignage faux et mensonger.

[75]        Or, ce témoignage a été le point central de la décision du premier juge administratif.

[76]        Le procureur de la succession revient également sur les déclarations fournies par monsieur Ghislain Landry, frère du travailleur, et du juge Landry, parrain du travailleur. Le procureur qualifie de telles déclarations d’incomplètes et d’imprécises.

[77]        Il plaide que le dossier, tel que constitué au moment de l’audience devant le premier juge administratif, démontrait clairement, voire hors de tout doute, que le travailleur résidait à Nouvelle au Québec plutôt qu’à Nigadoo au Nouveau-Brunswick.

[78]        Le premier juge administratif a donc commis une erreur manifestement déraisonnable en concluant que madame Doucet était la conjointe du travailleur, au sens de la loi.    

[79]        Avec respect, le tribunal ne peut souscrire à de tels arguments pour procéder à une révision de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 4 septembre 2007.

[80]        Le procureur de la succession réfère clairement à l’appréciation qu’a faite le premier juge administratif de la preuve disponible au dossier. Il demande ni plus ni moins au tribunal de procéder à sa propre appréciation de cette preuve et de la substituer à celle du premier juge administratif.

[81]        Or, tel qu’indiqué, le recours en révision ne peut servir à cette fin. Seule une erreur grave, évidente et déterminante sur l’issue de la contestation peut commander une intervention du tribunal.

[82]        Tel n’est pas le cas en l’espèce.

[83]        Dans le cadre de sa décision du 4 septembre 2007, le premier juge administratif expose l’objet de la contestation, résume la preuve jugée pertinente et rappelle le cadre légal applicable en semblable matière.

[84]        En fonction de ce cadre légal, il analyse la preuve documentaire et testimoniale. Bien que le témoignage de madame Doucet semble contrastant, voire contradictoire avec certains éléments factuels au dossier, il n’en demeure pas moins que le premier juge administratif retient ce témoignage qu’il considère corroboré par d’autres éléments de preuve:

[31]      CONSIDÉRANT que le témoignage de la travailleuse [sic] paraît crédible et qu'il est corroboré par l'employeur, par le parrain et le frère du travailleur, et par l'exécuteur testamentaire de la succession;

 

 

[85]        En ce sens, le premier juge administratif considère que la preuve prépondérante démontre que madame Doucet vivait maritalement avec le travailleur lors de son décès, qu'elle résidait avec lui depuis au moins trois ans et était publiquement représentée comme sa conjointe.

[86]        Encore une fois, il s’agit de l’appréciation que fait le premier juge administratif de la preuve disponible au moment de rendre sa décision du 4 septembre 2007.

[87]        Comme l’indique clairement la Cour d’appel dans sa décision Bourassa c. C.L.P.[6] :

22.       Sous prétexte d’un vice de fond, le recours en révision ne doit pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d’ajouter de nouveaux arguments.

 

[88]        Dans un tel contexte, le tribunal ne peut conclure que cette décision du 4 septembre 2007 est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision déposée le 3 octobre 2007 par la succession Sylvio Landry.

 

 

 

__________________________________

 

 

SOPHIE SÉNÉCHAL

 

 

 

 

Me Marie-Christine Gagnon

ST-ONGE ET ASSELS, AVOCATS

Représentante de la partie requérante

 

 

Me Édouard Côté

GUAY, CÔTÉ, AVOCATS

Représentant de la succession Sylvio Landry

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           [1998] C.L.P. 733 ; voir aussi Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .

[3]           [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

[4]           Voir également Bourassa c. C.L.P., [2003] C.L.P. 601 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée.

[5]           Voir également CSST c. Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A.).

[6]           Voir note 4.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.