ArcelorMittal Mines Canada inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail |
2011 QCCLP 3732 |
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[1] Le 19 mars 2010, ArcelorMittal Mines Canada inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 15 mars 2010 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 26 janvier 2010 et déclare que le coût des prestations reliées à l’accident du travail subi par monsieur Gilles Bouchard (le travailleur) le 13 octobre 2006 doit être imputé au dossier de l’employeur.
[3] Lors de l’audience tenue à Sept-Îles le 7 avril 2011, monsieur Yvan Ouellette, chef de service en santé, sécurité et indemnisation chez l’employeur, est présent et accompagné de la représentante externe de l’employeur. La CSST est quant à elle représentée par sa procureure. Des admissions, une preuve et des représentations sont soumises dans le dossier 405266-09-1003, mais sont déclarées communes aux six dossiers de travailleurs concernés par le même événement et la même demande de l’employeur, dont le présent dossier. Monsieur Ouellette est entendu, des documents sont déposés de part et d’autre, puis le dossier est pris en délibéré après les plaidoiries de chacune.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande de reconnaître qu’il doit y avoir en l’instance un transfert du coût des prestations en vertu de l’article 330 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), celles-ci étant dues à la suite d’un désastre au sens de cette disposition.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[5] Le 13 octobre 2006, à 8 h 44, un train entre en collision avec une équipe d’entretien circulant en sens inverse sur le chemin de fer de l’employeur, dans des véhicules de service. Seuls des employés et des véhicules de l’employeur sont impliqués de part et d'autre : deux employés sont dans le train, alors que sept autres font partie de l’équipe d’entretien. L’accident entraîne le décès d’un travailleur et des lésions professionnelles physiques ou psychiques à sept autres travailleurs, dont le travailleur en l’instance.
[6] Le chemin de fer de l’employeur comporte une voie unique, mais également de nombreuses voies d’évitement, des gares (20), ainsi que des voies auxiliaires. Des permis d’occupation, tant de la voie ferrée que de chacune des voies d’évitement, doivent être demandés avant de s’y aventurer, doivent être annulés lorsque la voie est quittée et peuvent être valides pour une période de temps déterminée, le tout dans le but évident d’éviter les accidents.
[7] Ce qui pourrait être qualifié d’imbroglio survient le 13 octobre 2006 : l’équipe d’entretien quitte la voie d’évitement et s’engage sur la voie ferrée sans permis en direction nord, pour être percutée quelques minutes plus tard par un train circulant, avec permis, en direction sud.
[8] Du fait de la survenance d’un décès, la CSST mène une enquête. Les inspecteurs responsables de l’enquête concluent ainsi leur rapport du 11 juin 2007 :
5 CONCLUSION
5.1 Causes de l’accident
L’enquête nous a permis de retenir les causes suivantes pour expliquer cet accident :
· La séquence de véhicules d’entretien occupe la voie principale, entre l’aiguillage nord de la gare Fox et la gare Georges, l’opérateur de la séquence ayant enfreint la procédure de prise de permis d’occupation de la voie ferrée;
· La validation prévue à la procédure de prise des permis d’occupation de la voie ferrée est insuffisante.
5.2 Autres documents émis lors de l’enquête
[…]
Le rapport RAP0382423 du 20 octobre 2006 autorise la reprise des activités ferroviaires en considérant que l’employeur verra à la stricte application des méthodes de travail.
Le rapport RAP0425499 du 5 avril 2007 demande à l’employeur une modification à la procédure de prise des permis.
5.3 Recommandation
Pour éviter qu’un accident semblable ne se reproduise, la CSST demandera aux employeurs qui exercent des activités ferroviaires de juridiction provinciale de s’assurer notamment que chaque membre d’une équipe de travail vérifie l’existence et les limites du permis d’occupation de la voie ferrée sous lequel il œuvre.
[9] Tel qu’il ressort de ce rapport, la CSST considère que l’accident découle du non-respect de la procédure d’obtention de permis d’occupation de la voie ferrée par un employé de l’employeur, ainsi qu’à une procédure insuffisante de validation de prise des permis chez l’employeur.
[10] Deux travailleurs, dont un agissant à titre de contremaître, sont congédiés par l’employeur en janvier 2007 à la suite de cet accident. Les congédiements sont contestés, mais finalement maintenus par le Tribunal d’arbitrage dans une décision rendue le 28 novembre 2007. L’arbitre qualifie alors les erreurs des deux travailleurs de majeures, grossières et complètement inexplicables. Il s’insurge notamment du fait qu’au cours de la nuit précédant cet accident les deux travailleurs ont consommé de la bière (deux ou trois) et du cannabis.
[11] Le 14 juin 2007, l’employeur plaide coupable à l’accusation pénale d’avoir, le ou vers le 13 octobre 2006, en tant qu’employeur sur un lieu de travail situé au chemin de fer terminus Port-Cartier, compromis directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un travailleur lors d’un déplacement d’un véhicule d’entretien sur la voie ferrée, commettant ainsi une infraction à l’article 237 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, L.R.Q., c. S-2.1.
[12] Le 29 novembre 2010, la Cour du Québec acquitte les deux travailleurs congédiés par l’employeur des accusations de négligence criminelle portées contre eux. Le juge, après avoir bénéficié d’une preuve beaucoup plus élaborée que celle soumise à l’arbitre précédemment, et sans pour autant absoudre les accusés de toute responsabilité dans l’accident, est cependant beaucoup plus nuancé dans son appréciation de leurs fautes et il déclare notamment ce qui suit en ce qui concerne la culture laxiste qui prévalait à l’époque chez l’employeur et la part de responsabilité de celle-ci dans l’accident :
[…] La preuve ayant plutôt démontré que l’événement du treize (13) octobre deux mille six (2006) est attribuable à une erreur de fait découlant elle-même d’une culture corporative de tolérance en deux mille six (2006), telle que formation déficiente, permis non fermé, circulation sur la voie sur le permis d’un autre, permis complété en circulation sur la voie, contrôle sur la voie par l’ancienneté, consommation de stupéfiants, « occupancy » non investigué.
[…]
(Soulignements ajoutés)
[13] De nombreuses admissions sont faites de part et d’autre lors de l’audience, de nombreux documents sont produits et monsieur Yvan Ouellet, chef de service en santé, sécurité et indemnisation chez l’employeur est entendu. Il est notamment question des coûts reliés à cet accident ferroviaire pour l’employeur, particulièrement auprès de la CSST, ainsi que de l’augmentation du taux de cotisation de l’unité de l’employeur au cours des années qui ont suivi l’accident du 13 octobre 2006, mais sans que l’employeur ne puisse démontrer que cette augmentation découle de cet accident, de l’aveu même de la représentante de l’employeur. Monsieur Ouellet reconnaît par ailleurs que plusieurs modifications ont été apportées par l’employeur sur le plan des procédures à la suite de cet accident.
[14] Quoi qu’il en soit, considérant les motifs retenus par le tribunal, il ne s’avère pas utile de rapporter cette preuve d’ordre financier en détails ni, par ailleurs, de se prononcer formellement sur l’objection formulée par la procureure de la CSST quant à la pertinence en l’instance d’éléments de la décision du Tribunal d’arbitrage.
[15] La représentante de l’employeur plaide que l’accident ferroviaire survenu le 13 octobre 2006, et lors duquel le travailleur a subi une lésion professionnelle, constitue un désastre pour l’employeur, du fait qu’il est attribuable à deux de ses travailleurs, dont un contremaître, ayant travaillé en état d’intoxication, et qu’il a provoqué (outre des blessures aux deux travailleurs responsables) la mort d’un de ses travailleurs, des blessures à cinq autres (dont celui en l’instance), ainsi que des dommages matériels très importants, le tout avec les coûts majeurs qui en découlent, tant sur le plan des sommes imputées à son dossier par la CSST (de l’ordre de 450 000 $ au total) qu’en augmentation de son taux de cotisation et en frais divers.
[16] Elle réfère plus particulièrement le tribunal à la décision rendue dans l’affaire Entreprises d’électricité Rial inc.[2]
[17] Le tribunal doit déterminer si l’employeur a droit à ce que la Commission de la santé et de la sécurité du travail procède, en vertu de l’article 330 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, à un transfert d’imputation du coût des prestations dues à la suite de la lésion professionnelle subie par le travailleur, monsieur Gilles Bouchard, le 13 octobre 2006.
[18] Le premier alinéa de l’article 326 de la loi énonce le principe général selon lequel le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail est imputé à l’employeur, le second alinéa, tout comme les dispositions suivantes, prévoyant quant à eux des exceptions à ce principe :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[19] L’article 330 de la loi est quant à lui ainsi libellé :
330. La Commission peut imputer le coût des prestations dues à la suite d'un désastre à la réserve prévue par le paragraphe 1° de l'article 312 .
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1985, c. 6, a. 330.
[20] Finalement, l’article 312, auquel réfère l’article 330, se lit comme suit :
312. La Commission peut augmenter le taux de cotisation d'une, de plusieurs ou de toutes les unités ou ajouter à la cotisation imposée à un, plusieurs ou tous les employeurs, selon qu'elle le juge équitable, un pourcentage ou un montant additionnel afin de créer une réserve pour supporter les coûts dus en raison :
1° de circonstances qui, à son avis, entraîneraient une augmentation trop considérable du taux de cotisation d'une unité de classification;
2° des maladies professionnelles;
3° des retraits préventifs prévus par l'article 32 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1);
4° du défaut de certains employeurs de payer leur cotisation.
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1985, c. 6, a. 312; 1996, c. 70, a. 24.
(Soulignements ajoutés)
[21] Après lecture de l’article 330, et indépendamment des différents courants jurisprudentiels prévalant sur certains aspects particuliers de cette disposition, la première et cruciale question qui se pose en l’instance est la suivante : les prestations sont-elles en l’occurrence dues à la suite d’un désastre?
[22] Comme le souligne à juste titre la procureure de la CSST, il y a peu de jurisprudence sur cette disposition au sein du tribunal, du fait qu’elle est considérée, à juste titre, être de nature et d’application exceptionnelles et que, heureusement, peu de désastres sont survenus au Québec depuis l’avènement du régime d’indemnisation en santé et sécurité du travail.
[23] Les seuls cas de jurisprudence recensés (une dizaine) ne réfèrent effectivement qu’au déluge survenu au Saguenay en 1996[3], à la tempête de verglas de 1998[4] et, pour un cas, aux attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis[5].
[24] Quoi qu’il en soit, et indépendamment des nuances adoptées dans les différentes approches, il s’avère que le désastre allégué consistait toujours en un événement majeur, indépendant du travail et des risques pouvant normalement y être associés et hors du contrôle de l’employeur. Et, évidemment pourrait-on ajouter, autre que l’accident du travail en soi.
[25] Or, en l’occurrence, l’employeur allègue que l’accident du travail survenu le 13 octobre 2006 constitue en soi un désastre pour lui, du fait qu’il serait imputable à l’intoxication volontaire de deux de ses employés et à leurs erreurs qui s’en seraient selon lui suivies, et du fait de l’ampleur des coûts y associés, ce qui justifierait l’application de l’article 330 de la loi.
[26] Le tribunal ne peut retenir cette prétention.
[27] Tel que mentionné précédemment, la notion de « désastre » évoquée à l’article 330 de la loi réfère clairement, comme cela a toujours été considéré par le tribunal (et même par les plaideurs, selon ce qui ressort de la jurisprudence), à un événement majeur, extérieur, totalement indépendant des activités de l’employeur et hors de son contrôle. Et il ne peut surtout pas dans ce contexte être confondu avec l’accident du travail en tant que tel : il doit plutôt clairement être responsable de cet accident.
[28] Un manquement ou une erreur humaine, bien qu’ils puissent entraîner un accident et des conséquences majeures, et impliquer plusieurs travailleurs, ne peuvent d’aucune façon être considérés, tout comme l’accident qui en découle, constituer un désastre au sens de l’article 330 de la loi et justifier que l’employeur n’en assume pas le coût.
[29] Conclure autrement, et plus particulièrement dans le sens souhaité par l’employeur, irait à l’encontre de l’esprit de la loi et de ses dispositions en matière de financement, en impliquant que le coût de tout accident majeur ou imputable à la faute, même grave, d’un employé ne devrait pas être assumé par l’employeur en cause. Aucune des dispositions du chapitre d’imputation ne permet d’emblée de conclure ainsi et de déresponsabiliser un employeur dans ces circonstances, et particulièrement pas l’article 330.
[30] Le second alinéa de l’article 326 et les articles 327, 328 et 329 énoncent clairement les situations précises permettant à un employeur d’obtenir un partage ou un transfert du coût d’imputation d’un accident;
- Lorsque l’imputation régulière (soit à son dossier) aurait pour effet de lui faire supporter injustement le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail attribuable à un tiers (art. 326, al. 2);
- Lorsque l’imputation régulière aurait pour effet de l’obérer injustement (art. 326, al. 2);
- Lorsque les prestations sont dues en raison d’une lésion professionnelle visée dans l’article 31 (art. 327);
- Lorsque l’imputation régulière du coût des prestations découlant d’une maladie professionnelle aurait pour effet de l’obérer injustement (art. 328);
- Lorsque le travailleur était déjà handicapé lorsque s’est manifestée sa lésion professionnelle (art. 329).
[31] En l’occurrence, la disposition qui correspond en fait le mieux aux arguments soulevés par l’employeur est le second alinéa de l’article 326. L’employeur aurait ainsi plutôt pu alléguer que l’imputation du coût des prestations découlant de l’accident du travail survenu le 13 octobre 2006 (soit l’accident ferroviaire) l’obérait injustement et tenter d’en faire la preuve. Mais, comme le prévoit le second alinéa de l’article 326, cette demande aurait dû être faite dans l’année suivant la date de l’accident, ce qui n’a pas été fait.
[32] L’employeur invoque maintenant l’article 330.
[33] Or, le libellé de l’article 330 est différent des dispositions qui le précèdent. Il n’y est plus directement question de prestations dues en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, mais bien carrément à la suite d’une cause autre, majeure et transcendant l’accident du travail et la maladie professionnelle : le désastre. C’est ce dernier, totalement hors du contrôle de l’employeur, qui doit être responsable du coût des prestations pour justifier que l’employeur n’ait pas à l’assumer.
[34] En outre, l’article 330 ne réfère quant à lui pas au coût relié à une seule lésion professionnelle, ni même impliquant un seul employeur : il y est question de l’ensemble des prestations dues à la suite d’un désastre, ce qui sous-entend potentiellement plusieurs lésions professionnelles et plusieurs employeurs impliqués. L’ampleur de ce qui peut ainsi être qualifié de « désastre » est confirmée par la référence à l’article 312 qui prévoit la création exceptionnelle d’une réserve pour faire face à la situation.
[35] Rien, dans ce qui est mis en preuve en l’instance, ne correspond à cette notion de « désastre » évoquée dans l’article 330.
[36] Finalement, le tribunal souligne que la notion d’« accident du travail » est quant à elle ainsi définie :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
(Soulignements ajoutés)
[37] Un événement imprévu et soudain peut donc être attribuable à toute cause et constituer un accident du travail. L’article 330 de la loi réfère manifestement aux cas exceptionnels où les prestations sont dues en raison d’un événement imprévu et soudain attribuable à un désastre.
[38] Cette situation est très différente de celle, comme en l’instance, où un employeur prétend que c’est l’événement imprévu et soudain lui-même qui constituerait un désastre.
[39] En l’instance, les prestations sont dues en raison d’un événement imprévu et soudain attribuable à des erreurs et des manquements humains, au surcroît d’employés de l’employeur, outre, par ailleurs, des manquements de l’employeur lui-même. Aucunement à un désastre.
[40] La requête de l’employeur doit donc être rejetée.
[41] Incidemment, le tribunal souligne que même dans l’affaire Entreprises d’électricité Rial inc. précitée[6], invoquée par l’employeur et faisant partie du courant le plus libéral du tribunal dans l’interprétation de l’article 330, le tribunal s’exprimait ainsi en ce qui concerne l’intention du législateur et la notion de désastre, ce qui exclut les circonstances présentes en l’instance :
[62] La Commission des lésions professionnelles infère, de ce qui précède, que le but recherché par le législateur à travers les articles 326 à 330 de la loi est de s’assurer que les employeurs soient traités avec justice et exprime un souci d’équité en matière d’imputation en permettant qu’un employeur ne supporte pas le coût des prestations engendré par une situation sur laquelle il n’a aucun contrôle.
[63] Ce souci d’équité est d’ailleurs exprimé clairement par le législateur dans l’article 351 de la loi qui prévoit que la CSST doit rendre ses décisions suivant l’équité, d’après le mérite réel et la justice du cas.
[64] L’interprétation à donner au terme désastre de l’article 330 de la loi doit donc permettre d’atteindre l’objectif du législateur qui en est un d’équité envers un employeur qui se voit imputer des coûts en raison d’un désastre.
(Soulignements ajoutés)
[42] Un employeur n’a effectivement, par exemple, aucun contrôle sur la survenance d’une lésion à l’occasion ou en l’absence de soins, sur l’intervention, dans certaines circonstances, d’un tiers responsable d’un accident du travail, ou sur le fait qu’un travailleur était déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle. Cela peut justifier qu’il n’ait pas à assumer, en tout ou en partie, le coût des prestations dues à la suite de la lésion professionnelle.
[43] Or, il est impossible de prétendre qu’en l’instance le coût des prestations découle d’une situation sur laquelle l’employeur n’avait aucun contrôle.
[44] Le tribunal, comme la procureure de la CSST l’a fait lors de l’audience, souligne qu’outre le fait que la preuve de la survenance d’un désastre n’a aucunement été faite par l’employeur, force est par ailleurs de constater qu’il ne s’agit en fait même pas d’une situation sur laquelle l’employeur n’avait aucun contrôle : l’accident a été déclaré essentiellement attribuable à des erreurs et manquements de deux de ses employés, l’un agissant en outre alors comme contremaître et donc représentant de l’employeur, l’employeur lui-même a plaidé coupable à une accusation pénale d’avoir compromis directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un travailleur dans le contexte de cet accident, et la Cour du Québec, saisie d’accusations de négligence criminelle à l’endroit des deux travailleurs précités, référait finalement à la culture corporative de tolérance qui prévalait à l’époque chez l’employeur et à la responsabilité de cette dernière dans l’accident survenu le 13 octobre 2006.
[45] Le tribunal voit mal, dans ces circonstances, en vertu de quel principe d’équité, de mérite ou de justice l’employeur n’aurait dû aucunement assumer le coût des prestations dues en raison de cet accident du travail, ce qui implique par ailleurs que d’autres employeurs auraient alors dû l’assumer à sa place.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de l’employeur, ArcelorMittal Mines Canada inc.;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 15 mars 2010 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE qu’il n’y a pas lieu pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail de procéder, en vertu de l’article 330 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, à un transfert d’imputation du coût des prestations dues en raison de la lésion professionnelle subie par le travailleur, monsieur Gilles Bouchard, le 13 octobre 2006.
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Louise Desbois |
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Madame Nancy Evoy |
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SANTINEL INC. |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Annick Marcoux |
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VIGNEAULT, THIBODEAU, GIARD |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] C.L.P. 164160-64-0106, 27 mars 2002, M. Montplaisir.
[3] Abitibi-Consolidated inc. et CSST, C.L.P. 133865-02-0003, 21 septembre 2000, André Gauthier.
[4] Voir notamment : C.H. Grace Dart inc. et CSST, C.L.P. 104635-73-9807, 3 mars 1999, B. Roy; Distribution Bradan inc., C.L.P. 119665-72-9907, 16 mars 2000, M. Lamarre; Produits Ronald (Div. A. Lassonde), C.L.P. 148249-62B-0010, 9 janvier 2001, A. Vaillancourt (requête en révision rejetée, 17 avril 2002); Entreprises d’électricité Rial inc., précitée, note 2; Mécanique R.H. Ltée, C.L.P. 178025-61-0202, 24 juillet 2002, G. Morin
[5] Bombardier inc. aéronautique et CSST, [2004] C.L.P. 1817
[6] Précitée, note 2
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