Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Chaudière-Appalaches

LÉVIS, le 16 décembre 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

182957-03B-0204

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Geneviève Marquis

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Michel Piuze

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Yvan Noël

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

116922345

AUDIENCE TENUE LE :

30 octobre 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Lévis

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PRÉVOST CAR INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DAVID ALEXANDRE ISABEL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 25 avril 2002, Prévost Car inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) à la suite de la révision administrative le 26 mars 2002.

[2]               Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 27 juin 2001 et déclare que monsieur David Alexandre Isabel (le travailleur) est capable, à compter de cette dernière date, d’exercer à nouveau l'emploi prélésionnel et qu’il a droit, compte tenu de l’expiration du délai pour l’exercice du droit au retour au travail, à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’il réintègre son emploi ou un emploi équivalent ou qu’il refuse, sans raison valable, de le faire, mais pendant au plus un an à compter de la date où il est redevenu capable d’exercer son emploi.

[3]               L’employeur est représenté par procureur à l’audience. Le travailleur est également présent et représenté.

 

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]               L’employeur conteste le second volet de la décision en litige établissant le droit du travailleur à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu pendant au plus un an après qu’il soit redevenu apte à refaire son emploi, et ce, suivant l'article 48 de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi).

 

L'AVIS DES MEMBRES

[5]               Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis que le travailleur ne peut bénéficier de l’indemnité prévue à l’article 48 de la loi. Cette disposition ne permet la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu que s’il y a expiration du délai pour l'exercice du droit au retour au travail au moment où le travailleur redevient capable d’exercer son emploi. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce puisque le travailleur peut réintégrer en tout temps son emploi ou un emploi équivalent en vertu des dispositions de la convention collective.

[6]               Le membre issu des associations syndicales estime que le délai indéfini pour effectuer un retour au travail suivant la convention collective ne peut faire échec à l’application des articles 48 et 240 de la loi. Non seulement ces dispositions sont d’ordre public mais elles permettent au travailleur qui redevient apte à refaire son emploi après l’expiration du délai légal pour l’exercice de son droit au retour au travail de bénéficier de la poursuite de l’indemnité pendant au plus un an, ce qui n’est pas le cas selon la convention collective qui ne prévoit aucune telle indemnité.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[7]               La Commission des lésions professionnelles doit décider du bien-fondé de la décision en litige qui accorde au travailleur, à compter du 27 juin 2001, le droit à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu en application de l’article 48 de la loi.

[8]               Le travailleur est à l’emploi de la partie requérante depuis deux ans lorsqu’il est victime d’un accident du travail le 10 avril 1999. Il occupe la fonction d’opérateur de machine fixe pour le compte de cet employeur. C’est en coupant une pièce que le travailleur s’inflige des lésions traumatiques au niveau du pouce, de l’index et du majeur droits en plus d’un syndrome épaule-main. La lésion professionnelle est consolidée le 9 novembre 2000 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles en résultant.

[9]               La CSST procède à l’analyse du travail prélésionnel et conclut à la capacité du travailleur à refaire son emploi dans une décision rendue le 27 juin 2001. La CSST conclut également au droit du travailleur à la poursuite du versement de l'indemnité de remplacement du revenu pendant encore au plus un an alors que le délai légal pour l'exercice du droit au retour au travail est expiré depuis le 10 avril 2001.

[10]           Le 10 juillet 2001, le procureur de l’employeur demande la révision de la décision précitée au motif que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour une période maximale d’un an, soit du 27 juin 2001 au 27 juin 2002, est mal fondée en faits et en droit. Les entretiens du réviseur de la CSST avec le procureur de l’employeur révèlent que celui-ci n’a aucun autre commentaire à soumettre à l’appui de sa demande de révision.

[11]           Le 26 mars 2002, la CSST à la suite de la révision administrative confirme la décision rendue au présent dossier le 27 juin 2001, décision dont le second volet fait l’objet de la requête dont la Commission des lésions professionnelles est actuellement saisie.

[12]           À l’audience, le procureur de l’employeur dépose copie d’un extrait de la convention collective de travail qui régit les parties au présent litige. Il insiste plus particulièrement sur la portée des articles 8.10 alinéa C et 13.09 de cette convention en précisant que le délai pour l’exercice du droit au retour au travail d'un travailleur ayant subi une lésion professionnelle est indéfini, illimité et qu’il n’expire donc jamais. Ces dispositions se lisent comme suit  :

8.10         Un employé perd ses droits d’ancienneté ainsi que son statut d’employé dans les cas suivants :

[…]

C)                 Lorsqu’il est mis à pied pour une période dépassant :

[…]

48 mois : 3 ans et plus d’ancienneté

 

 

13.09     Nonobstant toute disposition contraire dans les présentes, un employé qui revient d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, est réintégré à son occupation qu’il aurait détenue s’il était demeuré au travail ou à une autre occupation que son ancienneté lui confère.

 

 

[13]           Il est établi que le travailleur, qui a plus de trois ans d'ancienneté dans l'entreprise, ne peut réintégrer son emploi à compter du 27 juin 2001 alors qu’il est mis à pied dans le contexte d'une réduction d’effectifs. Il n’a pas non plus l’ancienneté requise pour déplacer un autre travailleur afin de pouvoir exercer un emploi équivalent, si ce n'est quelques mois plus tard.

[14]           Le procureur de l'employeur soutient que l'article 48 de la loi ne peut trouver application ni pour le travailleur en l'espèce ni pour tout autre travailleur de l'entreprise qui redevient capable de refaire son emploi à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle puisque la convention collective régissant les parties prévoit, conformément à l'article 4 de la loi, un délai illimité pour l'exercice du droit au retour au travail.

[15]           Le représentant du travailleur estime, au contraire, que le délai indéfini (ou même de 48 mois) pour réintégrer un emploi chez l’employeur suivant la convention collective ne constitue pas, au sens de l'article 4 de la loi, une disposition plus avantageuse que le délai légal de deux ans édicté à l'article 240 aux fins de l'application du droit à la poursuite du versement de l'indemnité pendant au plus un an que prévoit expressément l'article 48 de la loi.

[16]           Les articles 4, 48 et 240 de la loi stipulent ce qui suit :

4. La présente loi est d'ordre public.

 

Cependant, une convention ou une entente ou un décret qui y donne effet peut prévoir pour un travailleur des dispositions plus avantageuses que celles que prévoit la présente loi.

________

1985, c. 6, a. 4.

 

 

48. Lorsqu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle redevient capable d'exercer son emploi après l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail, il a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 jusqu'à ce qu'il réintègre son emploi ou un emploi équivalent ou jusqu'à ce qu'il refuse, sans raison valable, de le faire, mais pendant au plus un an à compter de la date où il redevient capable d'exercer son emploi.

 

Cependant, cette indemnité est réduite de tout montant versé au travailleur, en raison de sa cessation d'emploi, en vertu d'une loi du Québec ou d'ailleurs, autre que la présente loi.

________

1985, c. 6, a. 48.

 

 

240. Les droits conférés par les articles 236 à 239 peuvent être exercés :

 

1°  dans l'année suivant le début de la période d'absence continue du travailleur en raison de sa lésion professionnelle, s'il occupait un emploi dans un établissement comptant 20 travailleurs ou moins au début de cette période; ou

2°  dans les deux ans suivant le début de la période d'absence continue du travailleur en raison de sa lésion professionnelle, s'il occupait un emploi dans un établissement comptant plus de 20 travailleurs au début de cette période.

 

Le retour au travail d'un travailleur à la suite d'un avis médical n'interrompt pas la période d'absence continue du travailleur si son état de santé relatif à sa lésion l'oblige à abandonner son travail dans la journée du retour.

________

1985, c. 6, a. 240.

 

 

[17]           Les représentants des parties n’invoquent à la Commission des lésions professionnelles aucune jurisprudence, doctrine ou autre autorité au soutien de leurs prétentions respectives alors que la question en litige ne semble pas avoir été soumise à l'appréciation du tribunal auparavant.

[18]           La Commission des lésions professionnelles constate, suivant les prescriptions de l'article 240 de la loi, que le délai pour l'exercice du droit au retour au travail expire le 10 avril 2001, soit deux ans après la date du début de l'absence continue du travailleur en raison de sa lésion professionnelle alors que l'établissement où il travaille compte plus de 20 travailleurs à l'époque.

[19]           Le travailleur étant redevenu capable de refaire son emploi à compter du 27 juin 2001, soit après l'expiration du délai légal de deux ans pour l'exercice de son droit au retour au travail, il a droit à la poursuite du versement de l'indemnité de remplacement du revenu pendant encore au plus un an selon les prescriptions de l'article 48 de la loi.

[20]           Même si ces dispositions prévues aux articles 240 et 48 de la loi sont d'ordre public, une convention qui donne effet à la loi peut cependant prévoir des dispositions plus avantageuses à l'endroit du travailleur comme le précise le législateur à l'article 4.

[21]           En l’espèce, la question est de savoir si le travailleur victime d'un accident du travail à qui les dispositions de la convention collective n’imposent aucun délai ou lui accordent à tout le moins quatre ans pour exercer son droit au retour au travail est avantagé par ces dispositions eu égard à l'application de l'article 48 de la loi qui fait l'objet du présent litige. Le tribunal, avec respect pour les prétentions de l’employeur, estime que non.

[22]           De telles dispositions qui semblent en elles-mêmes plus avantageuses en présence d’un délai prolongé ou illimité pour l'exercice du droit au retour au travail n’en demeurent pas moins défavorables au travailleur dans la mesure où elles font obstacle au droit de ce dernier à la poursuite du versement de l'indemnité que lui confère le législateur à l'article 48.

[23]           Les dispositions de la convention collective telles qu’invoquées par l'employeur auraient pour effet d'empêcher l’exercice du droit prévu à l’article 48 de la loi en tant que disposition d'ordre public plutôt que d'en favoriser l’application. Or, l’article 4 permet de prévoir des dispositions dérogatoires dans une convention qui donne effet à la loi et non le contraire.

[24]           Qui plus est, les dispositions dérogatoires prévues à la convention collective doivent être plus avantageuse pour le travailleur. En l’espèce, ce dernier aurait plutôt été privé du droit à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu pendant plusieurs mois si les dispositions de la convention avaient prévalu sur celles édictées aux articles 240 et 48 de la loi.

[25]           Dans le contexte de mises à pied massives survenues dans l’entreprise, l’employeur y verrait certes un avantage financier significatif comme le souligne son procureur à l'audience. Les clauses dérogatoires auxquelles réfère l'article 4 de la loi n'ont cependant pas pour but d'avantager l'employeur mais uniquement le travailleur suivant la teneur de cet article.

[26]           L'employeur ne peut invoquer l’application des dispositions de la convention collective ayant pour effet de le soustraire à son obligation d’assumer une indemnité dont l'octroi en faveur du travailleur est expressément prévu à la loi.

[27]           L’employeur peut toutefois, par le biais des dispositions de la convention collective, inciter le travailleur qui est devenu capable de refaire son emploi après l’expiration du délai légal prévu pour l’exercice de son droit au retour au travail à réintégrer un poste dans l’entreprise au cours de l’année suivante et mettre ainsi fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu conformément aux prescriptions de l’article 48 de la loi.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête déposée à la Commission des lésions professionnelles par Prévost Car inc. (l’employeur) le 25 avril 2002;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) à la suite de la révision administrative le 26 mars 2002;

DÉCLARE que le travailleur avait droit à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu en application de l’article 48 de la loi à compter du 27 juin 2001.

 

 

 

 

Me Geneviève Marquis

 

Commissaire

 

 

 

 

 

HEENAN, BLAIKIE

(Me Christian Drolet)

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

T.C.A.

(M. Bernard Roberge)

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

 

 

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