|
COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : Chatterjee c. Ontario (Procureur général), [2009] 1 R.C.S. 624, 2009 CSC 19 |
Date : 20090417 Dossier : 32204 |
Entre :
Robin Chatterjee
Appelant
et
Procureur général de l’Ontario
Intimé
- et -
Procureur général du Canada, procureur général du Québec,
procureur général de la Nouvelle-Écosse, procureur général du Manitoba,
procureur général de la Colombie-Britannique, procureur général de la Saskatchewan,
procureur général de l’Alberta, procureur général de Terre-Neuve-et-Labrador,
Criminal Lawyers’ Association (Ontario), Association canadienne des libertés civiles
et British Columbia Civil Liberties Assosiation
Intervenants
Traduction française officielle
Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Rothstein
Motifs de jugement : (par. 1 à 55)
|
Le juge Binnie (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Rothstein) |
______________________________
Chatterjee c. Ontario (Procureur général), [2009] 1 R.C.S. 624, 2009 CSC 19
Robin Chatterjee Appelant
c.
Procureur général de l’Ontario Intimé
et
Procureur général du Canada,
procureur général du Québec,
procureur général de la Nouvelle-Écosse,
procureur général du Manitoba,
procureur général de la Colombie-Britannique,
procureur général de la Saskatchewan,
procureur général de l’Alberta,
procureur général de Terre-Neuve-et-Labrador,
Criminal Lawyers’ Association (Ontario),
Association canadienne des libertés civiles et
British Columbia Civil Liberties Association Intervenants
Répertorié : Chatterjee c. Ontario (Procureur général)
Référence neutre : 2009 CSC 19.
No du greffe : 32204.
2008 : 12 novembre; 2009 : 17 avril.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Rothstein.
en appel de la cour d’appel de l’ontario
Droit constitutionnel — Partage des pouvoirs — Propriété et droits civils — Droit criminel — Loi provinciale prévoyant la confiscation du produit d’activité illégale — La loi provinciale est-elle, par son caractère véritable, une loi criminelle ultra vires? — La loi provinciale est-elle inopérante en raison d’un conflit d’application avec les dispositions du Code criminel relatives à la confiscation ou à la détermination de la peine? — Loi constitutionnelle de 1867, art. 91(27), 92(13) — Loi de 2001 sur les recours pour crime organisé et autres activités illégales, L.O. 2001, ch. 28, art. 1, 2, 3, 6 — Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, art. 462.37.
Des policiers ont arrêté C pour violation d’une ordonnance de probation et, en fouillant son véhicule accessoirement à l’arrestation, ils ont trouvé une somme d’argent comptant ainsi que des articles liés au trafic de drogue; le tout dégageait une odeur de marijuana, mais aucune drogue n’a été trouvée. Aucune infraction se rapportant à l’argent, aux articles ou à quelque activité liée à la drogue n’a été déposée contre C. Le procureur général de l’Ontario a obtenu, en vertu de la Loi de 2001 sur les recours civils (« LRC »), une ordonnance de conservation de l’argent et du matériel saisis. Il a alors demandé, en application des art. 3 et 8 de la LRC, la confiscation de l’argent saisi constituant un produit d’activité illégale. En réponse, C a contesté la constitutionnalité de la LRC, plaidant que les dispositions de la LRC relatives à la confiscation outrepassent les pouvoirs de la province, parce qu’elles empiètent sur le pouvoir fédéral en matière de droit criminel. Tant le juge saisi de la demande que la Cour d’appel ont conclu que la LRC est une loi provinciale valide.
Arrêt : Le pourvoi est rejeté. Les dispositions de la LRC relatives à la confiscation sont constitutionnelles.
L’argument suivant lequel la LRC est ultra vires repose sur une conception exagérée de l’exclusivité de la compétence fédérale relative à des matières qui peuvent, sous un autre aspect, être visées par la législation provinciale. Dans les arrêts Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta et Colombie-Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc., notre Cour a découragé le recours au concept fédéraliste de la prolifération des enclaves en matière de compétence (ou de « l’exclusivité des compétences »), et il ne faudrait pas maintenant lui donner un nouveau souffle. Les tribunaux privilégient, dans la mesure du possible, l’application régulière des lois édictées par les deux ordres de gouvernement. [2]
La LRC a manifestement pour objet d’empêcher que le crime en général soit profitable, de confisquer les biens associés à la criminalité afin d’empêcher leur utilisation dans d’autres activités criminelles et d’aider à indemniser les personnes et les organismes publics qui ont supporté les coûts des activités criminelles. L’effet pratique (et recherché) est de faire en sorte que le crime ne paie pas et de dissuader, actuellement et pour l’avenir, les auteurs d’infractions de commettre des délits. Il s’agit là d’objets provinciaux valides. Le crime impose aux victimes et à la population des coûts qui doivent être supportés par le Trésor provincial, notamment en matière de santé, de ressources policières, de stabilité des collectivités et d’aide sociale aux familles. Ce serait faire fi des réalités d’aujourd’hui que de conclure que les provinces doivent assumer les coûts sociaux du comportement criminel, mais qu’elles ne peuvent pas prendre de mesures législatives pour l’enrayer. [3-4] [18] [23]
Lorsqu’il existe un certain chevauchement entre les mesures adoptées en vertu du pouvoir provincial et celles prises en vertu du pouvoir fédéral, il est nécessaire d’identifier la « caractéristique dominante » de la mesure contestée. Si la caractéristique dominante du texte législatif provincial se rapporte à des objets provinciaux, comme c’est le cas en l’espèce, la loi sera valide, et si les textes législatifs des deux niveaux de gouvernement peuvent généralement être appliqués sans soulever de conflit, il n’y aura pas lieu d’intervenir. Dans les cas où il existe effectivement un conflit d’application, celui-ci sera résolu par l’application de la doctrine de la prépondérance du fédéral. [29] [36]
La LRC a été adoptée « relativement » au chef de compétence portant sur la propriété et les droits civils et, en tant que telles, ses dispositions peuvent accessoirement « toucher » la loi criminelle et la procédure criminelle sans porter atteinte au partage des pouvoirs. Le fait que la LRC vise à dissuader la commission à la fois d’infractions fédérales, d’infractions provinciales et même d’infractions perpétrées à l’extérieur du Canada, n’est pas fatal à sa validité. Au contraire, le caractère général lui-même de la LRC montre que la province se préoccupe des effets du crime en tant que source générale de maux sociaux et de dépenses provinciales, et ne cherche pas à compléter le processus de détermination de la peine que prévoit le droit criminel fédéral. Bien que la confiscation puisse de fait avoir des effets punitifs dans certains cas, la LRC n’exige pas une allégation ou une preuve qu’une personne donnée a commis un crime en particulier. Des biens peuvent être confisqués en application de la LRC s’il est démontré, selon la prépondérance des probabilités, que l’argent constituait un produit de la criminalité en général, sans davantage de précision. [4] [30] [41] [46-47]
C a fait valoir que les dispositions de la LRC constituent une ingérence dans l’administration des dispositions du Code criminel relatives à la confiscation. Si une telle ingérence dans l’application du Code criminel était établie, ou si l’on démontrait que la LRC va à l’encontre de l’objectif fédéral qui sous-tend les dispositions du Code criminel relatives à la confiscation, la doctrine de la prépondérance des lois fédérales rendrait la LRC inopérante dans la mesure du conflit ou de l’ingérence. Toutefois, tel n’est pas le cas en l’espèce. Si la confiscation est sollicitée et refusée dans le processus criminel, les diverses doctrines de la chose jugée, de la préclusion et de l’abus de procédure peuvent être invoquées pour empêcher la poursuite de remettre en litige la question de la détermination de la peine. Vu la souplesse de ces recours, il n’existe pas, entre le Code criminel et la LRC, un conflit d’application qui oblige à invalider cette dernière loi relativement aux infractions fédérales en général. Si, dans des circonstances particulières, les dispositions relatives à la confiscation du Code criminel entrent en conflit avec la LRC, de sorte qu’il devient impossible de se conformer aux deux textes législatifs, la doctrine de la prépondérance des lois fédérales rendra la LRC inapplicable, mais uniquement dans la mesure du conflit. [42] [49-53]
Jurisprudence
Arrêts
appliqués : Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta,
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés.
Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, art. 11, 462.37, partie XII.2.
Loi constitutionnelle de 1867, art. 91(27), 92(13), (14), (15), (16), 93, 94A, 95.
Loi de 2001 sur les recours pour crime organisé et autres activités illégales, L.O. 2001, ch. 28 (maintenant Loi de 2001 sur les recours civils), art. 1, 2 « activité illégale », « bien », « produit d’activité illégale », « propriétaire légitime », 3, 4, 6, 8, 9, 15.5, 15.6.
Doctrine citée
Gallant, Michelle. « Ontario (Attorney General) v. $29,020 in Canadian Currency : A Comment on Proceeds of Crime and Provincial Forfeiture Laws » (2006), 52 Crim. L.Q. 64.
Ontario. Ministère du Procureur général. La confiscation de biens au civil en Ontario - 2007 : Le point sur la Loi de 2001 sur les recours civils, 2007.
POURVOI contre
un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (les juges Labrosse, Sharpe et
Rouleau),
Richard Macklin et James F. Diamond, pour l’appelant.
Robin K. Basu et James McKeachie, pour l’intimé.
Cheryl J. Tobias et Ginette Gobeil, pour l’intervenant le procureur général du Canada.
Jean-Vincent Lacroix, pour l’intervenant le procureur général du Québec.
Argumentation écrite seulement par Edward A. Gores, c.r., pour l’intervenant le procureur général de la Nouvelle-Écosse.
Michael Conner, pour l’intervenant le procureur général du Manitoba.
J. Gareth Morley et Bryant A. Mackey, pour l’intervenant le procureur général de la Colombie-Britannique.
Graeme G. Mitchell, c.r., pour l’intervenant le procureur général de la Saskatchewan.
Roderick Wiltshire et Donald Padget, pour l’intervenant le procureur général de l’Alberta.
Thomas G. Mills, pour l’intervenant le procureur général de Terre-Neuve-et-Labrador.
Paul Burstein et Louis P. Strezos, pour l’intervenante Criminal Lawyers’ Association (Ontario).
Bradley E. Berg et Allison A. Thornton, pour l’intervenante l’Association canadienne des libertés civiles.
David G. Butcher et Anthony D. Price, pour l’intervenante British Columbia Civil Liberties Association.
Version française du jugement de la Cour rendu par
[1] Le juge Binnie — Le présent pourvoi porte sur la question de savoir si la Loi de 2001 sur les recours pour crime organisé et autres activités illégales, L.O. 2001, ch. 28, de l’Ontario (aussi appelée Loi de 2001 sur les recours civils ou « LRC »), qui autorise la confiscation du produit d’activité illégale, outrepasse les pouvoirs de l’Ontario parce qu’elle empiète sur la compétence fédérale en droit criminel. À mon avis, la LRC est une loi provinciale valide.
[2]
L’argument suivant lequel la LRC est ultra
vires repose en l’espèce sur une conception exagérée de l’exclusivité de la
compétence fédérale relative à des matières qui peuvent, sous un autre aspect,
être visées par la législation provinciale. Dans les arrêts Banque
canadienne de l’Ouest c. Alberta,
[3] Le présent pourvoi nous donne l’occasion d’appliquer les principes du fédéralisme affirmés dans ces décisions récentes. L’adoption de la LRC visait à dissuader la commission de crimes et à indemniser les victimes d’actes criminels. Le premier objet de cette loi est suffisamment large pour permettre au gouvernement fédéral (en ce qui a trait au droit criminel) et aux gouvernements provinciaux (pour ce qui est de la propriété et des droits civils) de le poursuivre légitimement. Le deuxième objet est directement visé par la sphère de compétence provinciale. Les crimes coûtent très cher aux gouvernements provinciaux. Ces coûts ont une incidence sur de nombreux intérêts provinciaux, dont la santé, les ressources policières, la stabilité des collectivités et l’aide sociale aux familles. Ce serait faire fi des réalités d’aujourd’hui que de conclure que les provinces doivent assumer les coûts sociaux du comportement criminel, mais qu’elles ne peuvent pas recourir à des moyens dissuasifs pour enrayer la criminalité.
[4]
De plus, la LRC lutte contre le crime en
autorisant la confiscation in rem du produit de la criminalité, une
approche différente du droit criminel traditionnel qui prévoit généralement une
interdiction assortie d’une peine (voir Renvoi relatif à la Loi sur les
armes à feu (Can.),
I. Faits
[5] L’appelant a été intercepté par la police régionale de York le 27 mars 2003, parce que sa voiture n’avait pas de plaque d’immatriculation frontale. Une recherche informatique a permis aux policiers de constater qu’il violait un engagement aux termes duquel il devait résider à Ottawa, soit à quelque 400 kilomètres de l’endroit où il se trouvait. Lorsque l’appelant a reconnu vivre à Thornhill, au nord de Toronto, les policiers l’ont arrêté. Accessoirement à l’arrestation, ils ont fouillé la voiture de l’appelant et ont découvert 29 020 $ en argent comptant ainsi qu’un ventilateur d’extraction, un ballast et une douille de lampe. Selon les policiers, tous ces objets dégageaient une odeur de marijuana, quoiqu’aucune marijuana n’ait été trouvée.
[6] L’appelant n’a jamais été accusé relativement à une infraction en rapport avec l’argent, avec les articles trouvés ou avec une activité liée à la drogue. Toutefois, le 13 mai 2003, le procureur général de l’Ontario a présenté, en vertu des art. 4 et 9 de la LRC, une motion visant l’obtention d’une ordonnance interlocutoire en vue de la conservation de l’argent et du matériel saisis. L’ordonnance de conservation a été accordée.
[7] Le 16 mai 2003, le procureur général a présenté, sur le fondement des art. 3 et 8 de la LRC, une demande en vue d’obtenir la confiscation de l’argent et des articles saisis, alléguant qu’il s’agissait respectivement d’un produit d’activité illégale et d’instruments d’activité illégale. En réponse, l’appelant a contesté la constitutionnalité de la LRC, contestation qui a finalement mené au présent pourvoi.
II. Dispositions législatives pertinentes
[8] Loi de 2001 sur les recours pour crime organisé et autres activités illégales, L.O. 2001, ch. 28 (maintenant Loi de 2001 sur les recours civils)
PARTIE I
OBJET
Objet
1. La présente loi a pour objet de prévoir des recours civils qui aident à faire ce qui suit :
a) indemniser les personnes qui ont subi des pertes pécuniaires ou extrapécuniaires par suite d’activités illégales;
b) empêcher les personnes qui se livrent à des activités illégales et d’autres personnes de conserver les biens qu’elles ont acquis par suite de ces activités;
c) empêcher que des biens, y compris des véhicules au sens de la partie III.1, servent à certaines activités illégales [ajouté par L.O. 2007, ch. 13, art. 26];
d) prévenir tout préjudice susceptible d’être causé au public par suite de complots en vue de se livrer à des activités illégales.
PARTIE II
PRODUITS D’ACTIVITÉS ILLÉGALES
Définitions
2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.
« activité illégale » Tout acte ou toute omission, commis avant ou après l’entrée en vigueur de la présente partie, qui, selon le cas :
a) constitue une infraction à une loi du Canada, de l’Ontario, d’une autre province ou d’un territoire du Canada;
b) constitue une infraction à une loi d’une autorité législative de l’extérieur du Canada, si un acte ou une omission semblable constituait une infraction à une loi du Canada ou de l’Ontario s’il était commis en Ontario.
« bien » Bien meuble ou immeuble. S’entend en outre de tout intérêt sur le bien
. . .
« produit d’activité illégale » Bien acquis, directement ou indirectement, en tout ou en partie, par suite d’une activité illégale, que ce soit avant ou après l’entrée en vigueur de la présente loi. Est toutefois exclu le produit d’un contrat d’utilisation du récit d’un acte criminel au sens de la Loi de 2002 interdisant les gains tirés du récit d’actes criminels.
« propriétaire légitime » Relativement à un bien qui constitue un produit d’activité illégale, s’entend de la personne qui n’a pas acquis, directement ou indirectement, le bien par suite d’une activité illégale à laquelle elle s’est livrée et qui, selon le cas :
a) était le propriétaire véritable du bien avant que l’activité illégale ait lieu et a été privée de la possession ou du contrôle de ce bien en raison de cette activité illégale;
b) a acquis le bien pour une juste valeur après que l’activité illégale a eu lieu et ne savait pas et ne pouvait raisonnablement pas savoir au moment de l’acquisition que le bien constituait un produit d’activité illégale;
c) a acquis le bien d’une personne visée à l’alinéa a) ou b).
Ordonnance de confiscation
3. (1) Dans le cadre d’une instance introduite par le procureur général, la Cour supérieure de justice rend, sous réserve du paragraphe (3) et sauf s’il est clair que cela ne serait pas dans l’intérêt de la justice, une ordonnance de confiscation d’un bien qui se trouve en Ontario au profit de la Couronne du chef de l’Ontario si elle conclut que le bien constitue un produit d’activité illégale.
. . .
Propriétaires légitimes
(3) S’il conclut que le bien constitue un produit d’activité illégale et qu’une partie à l’instance prouve qu’elle est le propriétaire légitime du bien, le tribunal rend, sauf s’il est clair que cela ne serait pas dans l’intérêt de la justice, l’ordonnance qu’il juge nécessaire en vue de protéger l’intérêt du propriétaire sur le bien.
. . .
Compte spécial
6. . . .
Autres paiements prélevés sur le compte
(3) Sous réserve des règlements pris en application de la présente loi et après avoir prélevé les paiements éventuels sur le compte aux termes du paragraphe (2.1) [paiements des frais de la Couronne], le ministre des Finances peut prélever des paiements sur le compte visé au paragraphe (1) aux fins suivantes :
1. L’indemnisation des personnes qui ont subi des pertes pécuniaires ou extrapécuniaires, y compris les pertes recouvrables en vertu de la partie V de la Loi sur le droit de la famille, par suite de l’activité illégale.
2. L’aide aux victimes d’activités illégales ou la prévention des activités illégales qui entraînent la victimisation.
3. L’indemnisation de la Couronne du chef de l’Ontario pour les pertes pécuniaires subies par suite des activités illégales, autres que les frais visés au paragraphe (2.1), mais y compris les frais engagés pour remédier aux effets de l’activité illégale.
4. L’indemnisation d’une municipalité ou d’un organisme public qui fait partie d’une catégorie que prescrivent les règlements pris en application de la présente loi pour les pertes pécuniaires qui ont été subies par suite de l’activité illégale et qui constituent des frais engagés pour remédier aux effets de cette activité.
5. Si, selon les critères que prescrivent les règlements pris en application de la présente loi, le solde du compte est supérieur à ce qui est nécessaire aux fins énoncées aux dispositions 1 à 4, les autres fins que prescrivent les règlements.
Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46
Confiscation des produits de la criminalité
462.37 (1) [Confiscation lors de la déclaration de culpabilité] Sur demande du procureur général, le tribunal qui détermine la peine à infliger à un accusé coupable d’une infraction désignée — ou absous en vertu de l’article 730 à l’égard de cette infraction — est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article et des articles 462.39 à 462.41, d’ordonner la confiscation au profit de Sa Majesté des biens dont il est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils constituent des produits de la criminalité obtenus en rapport avec cette infraction désignée; l’ordonnance prévoit qu’il est disposé de ces biens selon les instructions du procureur général ou autrement en conformité avec la loi.
(2) [Produits de la criminalité obtenus par la perpétration d’une autre infraction] Le tribunal peut rendre une ordonnance de confiscation au titre du paragraphe (1) à l’égard des biens d’un contrevenant dont il n’est pas prouvé qu’ils ont été obtenus par la perpétration de l’infraction désignée dont il a été déclaré coupable — ou à l’égard de laquelle il a été absous sous le régime de l’article 730 — à la condition d’être convaincu, hors de tout doute raisonnable, qu’il s’agit de produits de la criminalité.
. . .
(2.1) [Biens à l’étranger] Les ordonnances visées au présent article peuvent être rendues à l’égard de biens situés à l’étranger, avec les adaptations nécessaires.
Loi constitutionnelle de 1867
91. . . . [L]’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :
. . .
27. La loi criminelle, sauf la constitution des tribunaux de juridiction criminelle, mais y compris la procédure en matière criminelle.
. . .
92. Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :
. . .
13. La propriété et les droits civils dans la province;
14. L’administration de la justice dans la province, y compris la création, le maintien et l’organisation de tribunaux de justice pour la province, ayant juridiction civile et criminelle, y compris la procédure en matières civiles dans ces tribunaux;
15. L’infliction de punitions par voie d’amende, pénalité, ou emprisonnement, dans le but de faire exécuter toute loi de la province décrétée au sujet des matières tombant dans aucune des catégories de sujets énumérés dans le présent article;
16. Généralement toutes les matières d’une nature purement locale ou privée dans la province.
III. Historique judiciaire
A. Cour supérieure de justice (2005), 138 C.R.R. (2d) 1
[9] Le juge des requêtes a refusé d’autoriser l’appelant à contester la partie III de la LRC, qui porte sur les instruments du crime, au motif que, bien qu’on ait soutenu que certains des articles saisis étaient des instruments du crime, M. Chatterjee a nié en être le propriétaire. Le juge Loukidelis a aussi rejeté une contestation fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés. Ni l’une ni l’autre de ces questions n’a été débattue devant notre Cour.
[10]Le juge Loukidelis a conclu que la LRC avait deux objets : l’indemnisation des victimes d’activités illégales et la suppression des conditions menant à des activités illégales par l’élimination des incitations. Le caractère in rem des instances introduites sous le régime de la LRC distingue celles-ci des instances criminelles. La LRC ne crée aucune interdiction criminelle; elle renvoie simplement aux interdictions créées par d’autres textes législatifs. Le juge a en outre rejeté l’argument selon lequel il existe un conflit entre les dispositions relatives à la confiscation de la LRC et celles du Code criminel. Ces dernières requièrent une déclaration de culpabilité et s’inscrivent dans le processus de détermination de la peine. De l’avis du juge, le législateur fédéral excéderait sa compétence s’il adoptait un régime de confiscation non lié à une déclaration de culpabilité et à une détermination de la peine. Par conséquent, la LRC se rapporte presque entièrement à la propriété et aux droits civils dans la province. Dans la mesure où certaines des dispositions contestées ne sont pas visées par la rubrique de la propriété et des droits civils, elles relèvent de l’administration de la justice dans la province ou sont des matières d’une nature purement locale ou privée. La LRC est donc, selon lui, intra vires et valide.
B. Cour d’appel (les juges
Labrosse, Sharpe et Rouleau),
[11]Dans des motifs conjoints, la cour a maintenu le jugement de première instance, y compris l’exercice, par le juge des requêtes, du pouvoir discrétionnaire de ne pas traiter de la partie III de la LRC (relative aux « instruments d’activité illégale »). La cour a signalé l’existence de régimes de confiscation civils dans plusieurs provinces canadiennes ainsi que dans des États étrangers. De tels régimes coexistent souvent avec des régimes de confiscation liés à des déclarations de culpabilité relevant du droit criminel. Dans les instances introduites sous le régime de la LRC il n’est pas allégué qu’une personne désignée a commis une infraction. La LRC ne définit ni ne crée aucune infraction. Elle n’est pas associée à l’identification, l’inculpation, la poursuite, la déclaration de culpabilité ou la peine d’un contrevenant et elle ne vise pas l’imposition d’une peine, d’une amende ou d’une autre sanction ni ne prévoit l’emprisonnement.
[12]La cour a estimé
que l’objet véritable de la LRC visait la restitution des gains
financiers provenant d’activités illégales, l’indemnisation des victimes et la
suppression des conditions menant à des activités illégales par l’élimination
des incitatifs financiers. En conséquence, la LRC relève du pouvoir de
la province de légiférer sur la propriété et les droits civils dans la province
et sur les matières de nature purement locale ou privée dans la province. Les
recours civils provinciaux relatifs aux infractions criminelles n’entrent pas
en conflit avec le Code criminel parce que le législateur fédéral a
expressément préservé l’exercice de tels recours à l’art.
[13]La question de la confiscation des produits de la criminalité comporte à la fois un aspect criminel fédéral et un aspect provincial. La LRC aborde la question sous l’angle d’une compétence provinciale valide — la restitution de gains illicites, l’indemnisation et la suppression de la criminalité. La LRC est une loi provinciale valide. L’appel a par conséquent été rejeté.
IV. Question
[14]La Juge en chef a formulé la question constitutionnelle suivante :
Les articles 1 à 6, 16 et 17 de la Loi de 2001
sur les recours pour crime organisé et autres activités illégales, L.O.
2001, ch. 28, outrepassent-ils les pouvoirs de la province d’Ontario
du fait qu’ils portent sur un sujet relevant de la compétence exclusive du
Parlement du Canada selon le par.
Lors de l’audition du pourvoi, l’appelant a circonscrit sa contestation pour soutenir que la LRC est ultra vires dans la mesure où elle prévoit la confiscation du produit d’infractions fédérales parce que le caractère véritable de cette loi se rapporte au droit criminel.
V. Analyse
[15]Chacun des
niveaux de gouvernement — fédéral, provincial et municipal — doit supporter des
coûts importants en raison de la criminalité. La conduite avec facultés
affaiblies est une infraction prévue au Code criminel, mais les
hécatombes sur les routes ont des conséquences sur de nombreuses matières
relevant de la compétence provinciale, comme la santé, les routes, l’assurance
automobile et les dommages matériels. Les coûts associés à la consommation de
drogues constituent un autre exemple. Chaque ordre de gouvernement supporte
une portion des coûts de la criminalité et a par conséquent intérêt à ce que la
criminalité soit supprimée. L’appelant prétend cependant que la LRC
adopte une méthode de lutte contre le crime et d’indemnisation des victimes de
la criminalité qui est inconstitutionnelle à l’égard d’infractions fédérales.
Selon lui, la confiscation de biens associés à des activités criminelles
constituant des infractions fédérales [traduction]
« empiète directement sur la compétence exclusive du gouvernement fédéral
sur le droit criminel et est ultra vires » (m.a., par. 4). Il
est évident que les objectifs provinciaux peuvent s’enchevêtrer dans
l’application du droit criminel au point d’être déclarés ultra vires.
Dans Starr c. Houlden,
A. Détermination du caractère véritable
[16]Lors d’une contestation constitutionnelle, il faut tout d’abord déterminer « la matière » (pour reprendre les termes de la Loi constitutionnelle de 1867) à l’égard de laquelle a été adoptée la loi contestée. Quel est le caractère essentiel de l’objectif recherché par la loi et de quelle façon cet objectif est-il atteint? Cela « doit être déterminé sous deux aspects : le but visé par le législateur qui l’a adoptée et l’effet juridique de la loi » (Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu, par. 16). C’est l’exercice que l’on appelle traditionnellement la détermination du « caractère véritable » de la loi. Cet exercice peut comporter non seulement l’examen de la loi contestée, mais également l’examen des documents externes entourant son adoption, y compris le Hansard. En principe, cet examen devrait être effectué sans égard aux chefs de compétence législative, dont on ne doit tenir compte qu’une fois déterminé le « caractère véritable » de la loi contestée. Si les deux étapes ne sont pas abordées de façon distincte, l’exercice tout entier risque d’être confus et indûment axé sur les résultats.
[17]Comme son titre tend à l’indiquer, la Loi de 2001 sur les recours civils prévoit des recours civils à l’égard de biens associés à des activités criminelles. Voici son objet, tel qu’il est énoncé à l’art. 1 :
La présente loi a pour objet de prévoir des recours civils qui aident à faire ce qui suit :
a) indemniser les personnes qui ont subi des pertes pécuniaires ou extrapécuniaires par suite d’activités illégales;
b) empêcher les personnes qui se livrent à des activités illégales et d’autres personnes de conserver les biens qu’elles ont acquis par suite de ces activités;
c) empêcher que des biens, y compris des véhicules au sens de la partie III.1, servent à certaines activités illégales [ajouté en 2007, ch. 13, art. 26];
d) prévenir tout préjudice susceptible d’être causé au public par suite de complots en vue de se livrer à des activités illégales.
La Cour n’est pas liée par une disposition relative à l’objet lorsqu’elle examine la constitutionnalité d’un texte législatif, mais une déclaration de l’intention législative constitue souvent un outil utile, en particulier lorsqu’il appert, comme en l’espèce, que les mécanismes créés par la LRC correspondent à ce qui est requis pour réaliser les objets énoncés. Les objets visés aux al. a) et b) ont trait à la redistribution des biens associés à des activités criminelles. (L’objet dont fait état l’al. c) concerne les instruments du crime et la Cour n’est pas saisie de cette question.) L’objet énoncé à l’al. d) est la prévention des préjudices liés à des activités criminelles. L’appelant a avancé que la mention de « complots » à l’al. d) indique un objectif de lutte contre le crime organisé, et il cite à l’appui quelques extraits du Hansard. Il affirme qu’en raison de cet objectif, la LRC et le droit criminel se confondent. La province a cependant de bonnes raisons de réprimer le crime organisé, pourvu qu’elle reste à l’intérieur des sphères de compétence provinciale. Les dispositions de la LRC examinées dans le présent pourvoi ne font rien de plus que permettre la redistribution de biens associés à des activités criminelles, dont des crimes fédéraux de toutes sortes.
[18]La preuve interne de l’objet tend ainsi à indiquer une intention vraisemblable de recouvrer, sur les produits du crime trouvés en Ontario, les coûts de la criminalité pour les victimes et le public que devrait autrement supporter le gouvernement provincial. La confiscation opère le transfert à l’État du bien du propriétaire. Elle ne donne pas lieu à une déclaration de culpabilité d’une personne à l’égard d’une infraction. À première vue, donc, la LRC vise des droits de propriété.
[19]En ce qui
concerne les effets de la LRC, la Cour examinera, pour déterminer
le caractère véritable de cette loi, « la manière dont le texte législatif
dans son ensemble influe sur les droits et les obligations de ceux qui sont
assujettis à ses dispositions » (R. c. Morgentaler,
[20]Les biens « associés » à des activités criminelles proviennent de diverses sources. L’article 2 de la LRC définit l’« activité illégale » comme étant « [t]out acte ou toute omission [. . .] qui [. . .] constitue une infraction à une loi du Canada, de l’Ontario, d’une autre province ou d’un territoire du Canada ». La définition englobe aussi les infractions commises à l’étranger si l’activité en cause constitue une infraction en Ontario. La grande diversité des « crimes » visés par la LRC a de l’importance. Celle-ci ne vise pas les infractions d’une autorité en particulier, notamment les infractions fédérales au Canada. Cela tend à indiquer que la province se préoccupait des effets nuisibles de la criminalité en général; elle ne cherchait pas un moyen déguisé d’infliger une pénalité s’ajoutant au processus fédéral de détermination de la peine.
[21]Le produit d’activité criminelle est défini comme étant un « [b]ien acquis, directement ou indirectement, en tout ou en partie, par suite d’une activité illégale » (art. 2). Les instances de confiscation sont introduites par une demande ou une action conformément aux règles civiles habituelles de la province. Il s’agit d’instances in rem contre les biens eux-mêmes et ces procédures peuvent être introduites sans que les propriétaires ou possesseurs des biens soient appelés comme défendeurs (lesquels peuvent bien sûr être ultérieurement ajoutés comme parties — voir les nouveaux art. 15.5 et 15.6). Le procureur général, en tant que demandeur, n’a pas à faire la preuve d’une infraction particulière à l’égard d’un contrevenant en particulier. L’intitulé initial de la présente instance était [traduction] Procureur général de l’Ontario c. 29 020 $ en dollars canadiens, ventilateur d’extraction, ballast, douille de lampe (in Rem) et Robin Chatterjee, mais M. Chatterjee comparaissait devant la cour en tant que personne revendiquant les biens et non à titre d’accusé.
[22]Le reste du mécanisme prévu par la loi peut être brièvement décrit. Le tribunal « rend » l’ordonnance de confiscation à moins que cela ne soit pas dans l’intérêt de la justice ou que le propriétaire légitime ne se fasse connaître (par. 3(3)). Les propriétaires légitimes ont un délai de 15 ans pour introduire une instance relative à un bien (par. 3(5)). Le produit de la confiscation est déposé dans un compte distinct du Trésor provincial (par. 6(1)). Le tribunal peut ordonner que soit prélevé de ce compte un montant pour couvrir les frais engagés par la Couronne (par. 6(2.1)). L’argent restant peut servir à l’indemnisation des personnes qui ont subi des pertes par suite de l’activité illégale, des victimes d’activités illégales en général, de la Couronne du chef de l’Ontario, des municipalités ou d’autres organismes publics pour les pertes qu’ils ont subies par suite de l’activité illégale ou (s’il reste de l’argent) les autres fins que prescrivent les règlements (par. 6(3)).
[23]La LRC crée donc essentiellement, à l’égard des biens, un pouvoir de saisir de l’argent et d’autres articles dont la preuve démontre selon la prépondérance des probabilités qu’ils sont associés à des activités criminelles, et de répartir ensuite le produit pour indemniser les victimes et remédier aux effets sociaux de la criminalité. L’effet pratique (et recherché) est aussi de faire en sorte que le crime ne paie pas et de dissuader, actuellement et pour l’avenir, les auteurs d’infractions de commettre des délits.
B. Attribution des matières aux chefs de compétence législative
[24]Dès lors que le « caractère véritable » est déterminé, il est nécessaire de classer ce caractère essentiel de la loi en fonction des « catégories de sujets » provinciaux et fédéraux énumérées aux art. 91 et 92 (ou, dans les cas appropriés, aux art. 93, 94A et 95) pour décider si la loi relève de la compétence du législateur qui l’a adoptée. Manifestement, la LRC se rapporte à la propriété, mais une grande partie du Code criminel traite évidemment d’infractions mettant en cause la propriété. Par conséquent, déterminer que le caractère véritable d’une loi provinciale se rapporte à la propriété ne constitue qu’un point de départ. Il est inévitable qu’il existe beaucoup de chevauchements dans les mesures prises pour enrayer la criminalité :
[traduction] De plus, bien que le droit criminel soit, sous l’aspect législatif, assigné au parlement du Canada, on a depuis le début de la Confédération reconnu que l’administration de la justice et, généralement, le maintien de l’ordre dans le pays, l’application du droit criminel ainsi que la suppression des crimes et désordres, sont la responsabilité des provinces . . . [Je souligne.]
(Reference re Adoption Act, [1938] R.C.S. 398,
p. 403 (le juge en chef Duff). Voir aussi Di Iorio c. Gardien de la
prison commune de Montréal,
C. L’aspect provincial
[25]Tel qu’il a été
indiqué précédemment, la LRC correspond parfaitement à la compétence
provinciale relative à la propriété et aux droits civils dans la province (Loi
constitutionnelle de 1867, par. 92(13)) ou aux matières d’une nature
purement locale ou privée dans la province (par. 92(16)). Les procureurs
généraux s’appuient sur l’arrêt Martineau c. M.R.N.,
[26]Notre jurisprudence offre de nombreux exemples de l’interaction entre la compétence législative provinciale en matière de propriété et de droits civils et la compétence législative fédérale en ce qui a trait et à la loi criminelle et à la procédure criminelle. Par exemple, dans Bédard c. Dawson, [1923] R.C.S. 681, la Cour a confirmé la validité d’une loi provinciale qui autorisait un juge à fermer une « maison de désordre » pour une période n’excédant pas un an. La Cour a statué que l’objet de la loi était la jouissance des droits de propriété et non le droit criminel. Selon le juge Duff (plus tard juge en chef du Canada), [traduction] « [l]a loi contestée semble viser la suppression de conditions propres à favoriser la criminalité plutôt que la sanction du crime » (p. 684). Dans des termes pertinents pour trancher le présent pourvoi, le juge Idington a dit ce qui suit :
[traduction] En ce qui concerne l’argument qu’on nous a présenté suivant lequel les législatures locales ne peuvent légiférer pour prévenir le crime, je ne peux y souscrire parce que, dans un sens très large, il est du devoir de la législature de faire tout ce qui est en son pouvoir pour prévoir et supprimer, dans la mesure du possible, tout ce qui est susceptible de conduire à la criminalité; . . . [Je souligne; p. 684.]
[27]Dans l’arrêt Switzman c. Elbling, [1957] R.C.S. 285, notre Cour a annulé une loi du Québec prévoyant la fermeture des maisons qui servaient, prétendait-on, à la propagation du socialisme et du bolchevisme (communément appelée la « loi du cadenas »). Le juge en chef Kerwin et les juges Nolan et Cartwright ont fait une distinction d’avec l’affaire Bédard. Contrairement aux circonstances de l’affaire Bédard, la loi contestée dans Switzman ne portait qu’en apparence sur le contrôle et la jouissance des biens; de l’avis des juges, la province visait principalement à criminaliser et à punir la propagation du communisme. Par contre, la LRC ne définit aucune infraction nouvelle et ne s’attache pas clairement à réprimer une catégorie en particulier de conduite criminelle. (Dans Switzman, les juges Rand et Abbott ont conclu que la loi du cadenas visait principalement à empêcher la propagation d’opinions politiques, une question certes importante, mais étrangère au débat sur la validité de la LRC.)
[28]Dans Procureur
général du Canada et Dupond c. Ville de Montréal,
[29]Toutefois, la question est de savoir à quel moment une mesure provinciale visant la « suppression » de la criminalité devient elle-même une « loi criminelle ». Il y aura souvent un certain chevauchement entre les mesures adoptées en vertu du pouvoir provincial (propriété et droits civils) et celles prises en vertu du pouvoir fédéral (loi criminelle et procédure criminelle). Dans de tels cas, il est nécessaire que la Cour identifie la « caractéristique dominante » de la mesure contestée. Si, comme le font valoir les procureurs généraux en l’espèce, la LRC a pour caractéristique dominante la propriété et les droits civils, elle ne sera pas invalidée en raison d’une ingérence « accessoire » dans le domaine du droit criminel.
[30]Pour les motifs
qui suivent, je suis d’avis que la LRC a été adoptée
« relativement » à la propriété et aux droits civils et peut
accessoirement « toucher » la loi criminelle et la procédure
criminelle sans porter atteinte au partage des pouvoirs. Comme l’a fait
remarquer le juge en chef Dickson dans General Motors of Canada Ltd. c.
City National Leasing,
D. L’aspect fédéral
[31]Selon l’argument de l’appelant, une analyse appropriée de la LRC révèle que son caractère véritable se rapporte au droit criminel. La LRC impose à l’égard des infractions fédérales un régime pénal additionnel qui complète les dispositions fédérales relatives à la confiscation, prévues à la partie XII.2 du Code criminel, et qui peut à l’occasion entrer en conflit avec celles-ci. Le premier argument mène à la conclusion que la LRC est ultra vires. Selon le deuxième argument, la LRC deviendrait inopérante à l’égard des infractions fédérales uniquement à cause d’un conflit d’application devant être tranché en faveur de la loi fédérale en raison de la doctrine de la prépondérance.
[32]L’appelant prétend que l’arrêt Bédard doit être interprété à la lumière de deux arrêts subséquents de la Cour, Industrial Acceptance Corp. c. The Queen, [1953] 2 R.C.S. 273, et Johnson c. Attorney General of Alberta, [1954] R.C.S. 127. Dans l’affaire Industrial Acceptance, la Cour a confirmé la validité des dispositions fédérales relatives à la confiscation contenues dans la Loi de l’opium et des drogues narcotiques, 1929, S.C. 1929, ch. 49, au motif que cette loi [traduction] « prescrit la confiscation de biens utilisés dans la perpétration d’une infraction criminelle et est donc une législation relative au droit criminel » (p. 275). Cette décision présente un intérêt limité pour le présent pourvoi étant donné que personne ne conteste la validité de la loi fédérale. Le fédéralisme coopératif reconnaît que les chevauchements des lois provinciales et fédérales sont inévitables :
[traduction] Toutefois, les matières dont un des aspects ou un des buts relève de la compétence provinciale relative aux sujets indiqués dans un ou plusieurs chefs de compétence de l’art. 92 peuvent, eu égard à un autre aspect ou un autre but, être abordées à juste titre dans une loi permise à l’art. 91 et, en particulier, à la rubrique 27.
(Reference re Validity of the Combines Investigation
Act and of s.
La simple existence d’une loi fédérale valide comportant certaines similitudes avec la loi provinciale attaquée ne démontre pas, à elle seule, l’invalidité de la loi provinciale.
[33]Dans l’affaire Johnson par contre, on contestait la validité d’une loi provinciale au motif qu’elle empiétait sur la compétence fédérale en matière de droit criminel. Dans cette affaire, la Cour (partagée à quatre juges contre trois) a invalidé la Slot Machine Act, R.S.A. 1942, ch. 333, de l’Alberta qui prévoyait que [traduction] « [n]ulle machine à sous n’est susceptible d’appropriation ni ne peut être l’objet de droits de propriété dans la province ». La définition que donnait l’Alberta à la machine à sous incluait des appareils qui, selon le Code criminel, étaient réputés constituer du matériel de jeu de hasard. Les policiers étaient autorisés à demander à la Cour de délivrer une sommation à l’occupant l’enjoignant de comparaître devant un juge de paix pour expliquer (si possible) pourquoi la machine ne devrait pas être considérée comme une machine à sous, à défaut de quoi la machine à sous était confisquée au profit de la Couronne provinciale.
[34]Il faut établir une distinction avec l’arrêt Johnson pour un certain nombre de motifs. C’est le juge Rand qui a fait pencher la balance en faveur de l’annulation de la loi, principalement parce que cette loi entrait en conflit avec les dispositions relatives aux maisons de jeux du Code criminel. Il a indiqué subsidiairement que, même si elles traitaient à première vue de la propriété dans la province, les dispositions en cause visaient en réalité à contrer le jeu, un [traduction] « mal public ou collectif » (p. 137) et elles devaient donc forcément relever du droit criminel.
[35]En ce qui
concerne l’argument principal, le juge Rand a écrit que la sphère de compétence
relative aux machines à sous était [traduction] « déjà
occupée par le Code criminel » (p. 135). Il a ajouté qu’[traduction] « [u]n processus
additionnel de confiscation par la province dédoublerait les sanctions du Code
et constituerait une ingérence dans l’administration de ses dispositions »
(p. 138). Le raisonnement du juge Rand fondé sur la « sphère de
compétence occupée » est devenu désuet en raison de la jurisprudence
subséquente établissant clairement qu’une loi fédérale relative à une
« matière » ne crée pas en général une inférence négative qui écarte
l’application d’une loi provinciale par ailleurs valide quant à ses objets
provinciaux. Au contraire, l’art.
[36]Si l’objectif
dominant du texte législatif provincial se rapporte à des objets provinciaux,
la loi sera valide, et si les textes législatifs des deux niveaux de
gouvernement peuvent généralement être appliqués sans soulever de conflit, il
n’y aura pas lieu d’intervenir. Dans les cas où il existe effectivement un
conflit d’application, celui-ci sera résolu par la doctrine de
l’application étroite de la prépondérance des lois fédérales établie dans
l’arrêt Multiple Access Ltd. c. McCutcheon,
En principe, il ne semble y avoir aucune raison valable de parler de prépondérance et d’exclusion sauf lorsqu’il y a un conflit véritable, comme lorsqu’une loi dit « oui » et que l’autre dit « non »; « on demande aux mêmes citoyens d’accomplir des actes incompatibles »; l’observance de l’une entraîne l’inobservance de l’autre.
Voir aussi Rio Hotel Ltd. c. Nouveau-Brunswick (Commission
des licences et permis d’alcool),
[37]Les autres juges de la majorité dans Johnson ont convenu que la confiscation visait à compléter la punition et que cela indiquait que le caractère véritable de cette loi se rapportait au droit criminel. Ils ont également estimé que la loi relative au jeu était une loi criminelle classique, parce qu’elle avait trait à la moralité publique. Citant l’arrêt Bédard, les trois juges dissidents étaient d’avis de confirmer la validité de la loi provinciale.
[38]L’appelant et les intervenants qui l’appuient invoquent les arrêts Industrial Acceptance et Johnson à l’appui de la proposition selon laquelle [traduction] « [l]a confiscation, dans le contexte d’un bien associé à des activités criminelles, constitue une peine » (m.a., par. 44), mais, à mon avis, lorsqu’on les interprète à la lumière de la jurisprudence subséquente, aucun de ces deux arrêts n’appuie une affirmation aussi large.
[39]En fait, suivant
l’arrêt R. c. Zelensky,
Je vais insister sur le déroulement des procédures en l’espèce afin de donner aux juges de première instance des indications sur l’application de l’art. 653 et leur rappeler qu’on ne doit pas y recourir in terrorem ni pour remplacer ou renforcer des procédures civiles. Sa validité se fonde, comme je l’ai dit plus haut, sur son association au processus de sentence, et il faut limiter à cette considération son application aux cas particuliers. [Je souligne; p. 962.]
Le juge Pigeon, au nom des trois juges dissidents, aurait invalidé les dispositions du Code criminel, au motif qu’une « ordonnance de dédommagement n’est rien d’autre qu’un jugement civil » (p. 984). Le jugement ne nie aucunement qu’une confiscation sans lien avec le processus de détermination de la peine relèverait parfaitement de la compétence provinciale.
E. Chevauchement des effets
[40]La Constitution
permet aux provinces d’adopter des mesures visant la prévention de la
criminalité et traitant des conséquences financières de la criminalité, pour
autant que ces mesures soient permises sous un chef de compétence provincial et
ne portent pas atteinte à l’application du Code criminel, y compris des
dispositions relatives à la détermination de la peine. Dans Provincial
Secretary of Prince Edward Island c. Egan, [1941] R.C.S. 396, la Cour a
statué qu’une province pourrait validement imposer une suspension automatique
d’un permis de conduire provincial par suite d’une déclaration de culpabilité
pour conduite avec facultés affaiblies en vertu du Code criminel. Dans Ross
c. Registraire des véhicules automobiles,
[41]Dans Egan et Ross, les lois provinciales visaient manifestement à dissuader la conduite avec facultés affaiblies, malgré le fait qu’il s’agit d’une infraction fédérale, et ce, pour des raisons valables. Les conducteurs en état d’ébriété sont des dangers pour la sécurité publique sur les routes provinciales, et leurs accidents entraînent des coûts, par exemple pour les systèmes de santé provinciaux, la police provinciale et les services routiers. De même, le fait que la LRC vise à dissuader la commission à la fois d’infractions fédérales, d’infractions provinciales et même des infractions perpétrées à l’extérieur du Canada, n’est pas fatal à sa validité. Au contraire, son caractère général lui-même montre que la province se préoccupe des effets du crime en tant que source générale de maux sociaux et de dépenses provinciales, et ne cherche pas à compléter le processus de détermination de la peine que prévoit la loi criminelle fédérale.
F. Ingérence dans les dispositions relatives à la confiscation du Code criminel
[42]Comme dans l’affaire Johnson, on a fait valoir en l’espèce que les dispositions de la loi provinciale devraient être annulées, car elles [traduction] « constitue[nt] une ingérence dans l’administration [des] dispositions [du Code criminel relatives à la confiscation] » (p. 138). Si une telle ingérence dans l’application du Code criminel était établie, bien sûr, ou si l’on démontrait que la LRC va à l’encontre de l’objectif fédéral qui sous-tend les dispositions du Code criminel relatives à la confiscation, la doctrine de la prépondérance des lois fédérales rendrait la LRC inopérante dans la mesure du conflit ou de l’ingérence (Banque canadienne de l’Ouest, par. 98-102).
[43]Il faut par conséquent examiner la partie XII.2 du Code criminel, où le par. 462.37(1) prévoit ce qui suit :
Sur demande du procureur général, le tribunal qui détermine la peine à infliger à un accusé coupable d’une infraction désignée [. . .] est tenu [. . .] d’ordonner la confiscation au profit de Sa Majesté des biens dont il est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils constituent des produits de la criminalité obtenus en rapport avec cette infraction désignée; l’ordonnance prévoit qu’il est disposé de ces biens selon les instructions du procureur général ou autrement en conformité avec la loi.
[44]Le Code criminel prévoit également que s’il est convaincu, hors de tout doute raisonnable, qu’il s’agit de produits de la criminalité, le tribunal peut rendre une ordonnance de confiscation à l’égard de biens d’un contrevenant dont il n’est pas prouvé qu’ils ont été obtenus par la perpétration de l’infraction désignée (par. 462.37(2)).
[45]On n’a pas demandé à la Cour de se prononcer sur la compétence législative du Parlement de prévoir des conséquences à l’égard de biens qui ne sont pas directement liés à l’infraction pour laquelle l’accusé se voit infliger une peine. Je ne laisse aucunement entendre que les dispositions du Code criminel relatives à la confiscation présentent un quelconque vice. Je dis seulement qu’aucun argument ne nous a été présenté au sujet de ces dispositions.
[46]Par ailleurs, nous avons pu profiter d’une argumentation détaillée au sujet de la validité de la LRC et il ne fait aucun doute que les dispositions de cette loi ne font pas partie d’un « processus de détermination de la peine ». La LRC n’exige pas une allégation ou une preuve qu’une personne donnée a commis un crime en particulier. Par exemple, un narcotrafiquant pourrait, en proie aux remords, faire don du produit de la vente de drogues à une organisation caritative. Aux termes de la LRC, l’argent serait considéré être le produit d’une activité illégale et l’organisation ne serait pas considérée comme un « propriétaire légitime » au sens de l’art. 2, parce qu’elle aurait acquis le bien après que l’acte illégal a été commis et qu’elle ne l’aurait pas acquis pour une « juste valeur ». L’argent pourrait donc être confisqué. En l’espèce, le juge saisi de la demande fondée sur la LRC aurait pu accepter sans réserve la prétention de l’appelant selon laquelle ce dernier n’avait jamais cultivé de marijuana, mais ordonner malgré tout la confiscation.
[47]Même lorsque le propriétaire a obtenu le bien par des moyens criminels, l’instance en confiscation fondée sur la LRC ne requiert pas, et peut ne pas comporter, l’identification du propriétaire au regard d’une infraction en particulier. Tel serait le cas, par exemple, si de l’argent était saisi dans une maison secrète d’un gang. Dans un tel cas, le procureur général peut être en mesure de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’argent constituait un produit de la criminalité en général sans identifier un crime ou un criminel en particulier.
G. Ingérence dans le processus de détermination de la peine
[48]L’appelant plaide toutefois que la LRC associe effectivement dans certaines situations une pénalité de fait à l’interdiction prévue au Code criminel. Selon l’appelant, le propriétaire du bien confisqué sera en effet souvent la personne soupçonnée (même si elle n’est pas reconnue coupable) d’avoir commis le crime qui entache le bien. Néanmoins, comme on l’a souligné dans l’arrêt Martineau, priver une personne d’un bien illégalement obtenu pourrait ne pas constituer une punition — « si le contrevenant n’était pas lui-même propriétaire des biens saisis, il ne serait pas, en principe, puni par leur confiscation » (par. 36).
[49]Le fait que les dispositions fédérales relatives à la confiscation puissent être supplantées par celles de la LRC, dont le seuil de preuve est moins exigeant, a soulevé des préoccupations : voir M. Gallant, « Ontario (Attorney General) v. $29,020 in Canadian Currency : A Comment on Proceeds of Crime and Provincial Forfeiture Laws » (2006), 52 Crim. L.Q. 64, p. 83. C’est peut-être le cas, mais si la confiscation n’est pas demandée dans le cadre du processus de détermination de la peine, je ne vois pas ce qui empêcherait le procureur général de présenter une demande aux termes de la LRC. Si la confiscation est sollicitée et refusée dans le processus criminel, une question différente se pose.
[50]L’appelant
signale l’affaire Ontario (Attorney General) c. Cole-Watson, [2007]
O.J. No. 1742 (QL) (C.S.J.), où un accusé, qui avait en sa possession
20 000 $ en argent comptant lors de son arrestation, a été acquitté
de l’accusation d’avoir eu cet argent en sa possession en sachant qu’il
s’agissait d’un produit de la criminalité (Code criminel,
art. 354). Lors de la détermination de la peine relativement à d’autres
infractions, le juge du procès a ordonné, en vertu de l’art.
[51]Je crois que les
diverses doctrines de la chose jugée, de la préclusion et de l’abus de
procédure sont adéquates pour empêcher la poursuite de remettre en litige la
question de la détermination de la peine. Cette question ne sera examinée que
lorsque la Cour sera saisie d’un véritable conflit quant aux recours. Je
mentionne toutefois que dans l’arrêt Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section
locale 79,
[52]Par conséquent, la procédure offre des solutions si un juge saisi d’une demande fondée sur la LRC considère que la conduite du procureur général constitue un abus de procédure. En outre, si, dans des circonstances particulières, un conflit avec la LRC entraîne l’impossibilité de se conformer aux deux textes législatifs, la doctrine de la prépondérance rendra la LRC inapplicable dans la mesure du conflit.
VI. Dispositif
[53]En résumé, la LRC est une loi provinciale valide. Elle ne constitue pas [traduction] « une ingérence dans l’administration [des] dispositions [du Code criminel] », un des méfaits dont a fait état le juge Rand dans l’arrêt Johnson. Étant donné la souplesse des recours potentiels dans les cas où des instances en vertu de la LRC sont introduites par la Couronne à la suite d’une demande de confiscation infructueuse fondée sur l’art. 462.37, je conclus qu’il n’existe pas, entre le Code criminel et la LRC, un conflit d’application qui nous oblige à invalider cette dernière loi.
[54]J’estime que la LRC est valide et je suis d’avis de rejeter le pourvoi. Le juge saisi de la demande a considéré que, s’agissant d’une cause type, il n’y aurait pas d’ordonnance concernant les dépens. La Cour d’appel a fait de même. Comme nous sommes aussi de cet avis, aucune ordonnance n’est rendue concernant les dépens.
[55]La question constitutionnelle doit recevoir la réponse suivante :
Les articles 1 à 6, 16 et 17 de la Loi de 2001
sur les recours pour crime organisé et autres activités illégales, L.O.
2001, ch. 28, outrepassent-ils les pouvoirs de la province d’Ontario
du fait qu’ils portent sur un sujet relevant de la compétence exclusive du
Parlement du Canada selon le par.
Réponse : Non.
Pourvoi rejeté.
Procureurs de l’appelant : Levine, Sherkin, Boussidan, Toronto; Stevensons, Vaughan, Ontario.
Procureur de l’intimé : Procureur général de l’Ontario, Toronto.
Procureur de l’intervenant le procureur général du Canada : Ministère de la Justice Canada, Vancouver.
Procureur de l’intervenant le procureur général du Québec : Procureur général du Québec, Québec.
Procureur de l’intervenant le procureur général de la Nouvelle-Écosse : Ministère de la Justice, Halifax.
Procureur de l’intervenant le procureur général du Manitoba : Procureur général du Manitoba, Winnipeg.
Procureur de l’intervenant le procureur général de la Colombie-Britannique : Ministère du Procureur général, Victoria.
Procureur de l’intervenant le procureur général de la Saskatchewan : Procureur général de la Saskatchewan, Regina.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Alberta : Justice Alberta, Edmonton.
Procureur de l’intervenant le procureur général de Terre-Neuve-et-Labrador : Ministère de la Justice, St. John’s.
Procureur de l’intervenante Criminal Lawyers’ Association (Ontario) : Louis P. Strezos, Toronto.
Procureurs de l’intervenante l’Association canadienne des libertés civiles : Blake, Cassels & Graydon, Toronto.
Procureurs de l’intervenante British Columbia Civil Liberties Association : Wilson, Buck, Butcher & Sears, Vancouver.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.