Décision

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[Texte de la décision]

Section des affaires sociales

Désignée comme étant une commission d'examen au sens des articles 672.38 et suivants du Code criminel

 

 

Date : 8 janvier 2014

Référence neutre : 2013 QCTAQ 12632

Dossier  : SAS-Q-164871-1005

Devant les juges administratifs :

KATHYA GAGNON

GINETTE GRÉGOIRE

BERNARD STANLEY MÉNARD

 

Y… P…
L'accusé

et

LE RESPONSABLE DU CSSS A ([HÔPITAL A])

et

LE PROCUREUR AUX POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES

et

LE CENTRE DE DÉTENTION A

et

LE RESPONSABLE DU CSSS B ([HÔPITAL B])


MOTIFS AU SOUTIEN DE LA DÉCISION
RENDUE LE 13 Juillet 2010


 

[1]              La Section des affaires sociales du Tribunal administratif du Québec[1], désignée Commission d’examen des troubles mentaux aux fins du Code criminel[2] (ci-après appelée Commission d’examen ou Tribunal), tient une première audience[3] dans le dossier de l’accusé.

[2]              L’accusé fait l’objet d’un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux (VNRC), prononcé le 11 mai 2010 par la juge Lucille Chabot, en regard d’un événement survenu le 15 février 2010, soit :

-          avoir intentionnellement déchargé une arme à feu en direction d’un lieu, sachant qu’il s’y trouve une personne ou sans se soucier qu’il s’y trouve ou non une personne (art. 244.2 (1)a) (3)b) du Code criminel).

Lors du prononcé du VNRC, l’accusé était maintenu en détention.

[3]              Il appert également que trois autres dossiers avaient été ouverts pour des événements survenus le même jour et pour lesquels il a été mis en accusation, soit d’avoir manipulé des armes à feu en contravention d’un règlement, d’avoir commis un méfait à l’égard d’un bien d’une valeur ne dépassant pas 5 000 $, d’avoir utilisé une arme à feu, a d’une manière négligente ou sans prendre suffisamment de précautions pour la sécurité d’autrui et avoir porté ou eu en sa possession une arme dans un dessein dangereux. Pour ces chefs d’accusation, il y eut un arrêt conditionnel.

[4]              L’audience s’est tenue par télé comparution conformément à l’article 672.5 (13) du Code criminel, auquel souscrit l’accusé. À cet effet, les parties se trouvaient à La Sarre en Abitibi et les juges dans les bureaux du Tribunal à Montréal. Étaient présents, l’accusé ainsi que son procureur Me Jean Paquin, Dre Catherine Boucher, psychiatre, et M. Yannick Martin du CSSS A (La Sarre), ainsi que deux agents du service correctionnel.

 

[5]              En date de l’audience, l’accusé est âgé de 36 ans, séparé et père de deux enfants d’âge mineur. Il reçoit des prestations suite à un accident d’automobile.

[6]              Brièvement, en regard des événements au dossier, l’accusé se croyait victime de harcèlement et d’intimidation d’un réseau de drogues (52 personnes, dont quelques membres de sa famille furent impliqués), lequel œuvrait à proximité de sa maison. Il aurait dénoncé celui-ci auprès de la Sûreté du Québec. Il se présenta chez son ex-belle-sœur avec une arme à feu et fit feu en direction de la résidence de celle-ci, d’où les accusations au dossier.

[7]              À l’exception des événements au dossier, l’accusé n’aurait pas de casier judiciaire. Toutefois, il aurait fait le trafic de la drogue dans le passé. Également, il appert du dossier que deux membres de sa famille auraient été poignardés dans le cadre d’un conflit familial.

[8]              Le comportement de l’accusé s’est révélé quelque peu bizarre auprès des membres de sa famille depuis novembre et décembre 2008, état qui s’empira à l’été 2009. Cet état nécessita trois hospitalisations, soit du 6 au 11 août 2009 alors qu’il fut amené par les policiers. Un diagnostic de psychose brève toxique fut porté et le dépistage s’avéra positif pour les amphétamines et la marijuana. La seconde hospitalisation est du 20 au 30 septembre 2009, alors qu’il fut reconduit par ses parents à l’urgence. Encore là, on retient le diagnostic de psychose brève sur amphétamines et le dépistage de drogues s’a-véra positif pour la marijuana et douteux pour les amphétamines. Une troisième hospitalisation eut lieu du 7 au 16 décembre 2009, l’accusé se présentant de lui-même à l’urgence. Les dépistages de drogues s’avérèrent négatifs pour les drogues de rue et un diagnostic de dépression majeure avec éléments psychotiques fut posé. Suite à son congé, un suivi est instauré.

[9]              Dans le cadre d’un accident d’automobile en 2009, l’accusé fit plusieurs tonneaux avec son véhicule, suscitant chez celui-ci une crainte de mourir. Ultérieurement, les membres de sa famille notèrent un changement important dans son comportement.

[10]           À l’audience, Dre Catherine Boucher fait la lecture et produit son rapport daté du 13 juillet 2010. Elle conclut que l’accusé est porteur d’un trouble délirant avec idées paranoïdes incluant comme diagnostic différentiel une dépression majeure avec une psychose et une schizophrénie duquel l’accident d’automobile semblait avoir alimenté et accéléré le délire et le processus psychotique, tel que l’extrait suivant le démontre :

« […]

Étant donné que le délire de persécution par rapport à madame […] et monsieur […] et à son frère est encore présent. Étant donné que ce délire a amené son comportement agressif et a provoqué des procédures légales. Étant donné les antécédents familiaux assez lourds psychiatriques avec des incidents d’agressi-vité. Étant donné que les problèmes de santé mentale de monsieur [l’accusé] durent maintenant depuis plus de un an. Étant donné la proximité des personnes impliquées dans le délire et la persécution qu’il a d’avoir peu de support de sa famille. Les risques de rechute sont importants. Donc [l’accusé] devra être en rémission complète de ses symptômes avant de retourner chez lui. Je suggère une ordonnance de traitement dans la communauté d’une période de cinq ans. Cette ordonnance de traitement devrait inclure la possibilité de l’hospitaliser s’il ne collabore pas avec le traitement, devrait inclure un suivi en clinique externe et aussi devrait inclure la compliance avec le traitement pharmacologique tel que sera déterminé par le psychiatre qui le suivra. Cependant avant il devrait être hospitalisé pour une période minimale de deux mois. »

(Transcription conforme)

(Caviardé par le Tribunal)

[11]           Ainsi, elle recommande une détention avec modalités incluant des essais d’intégration dans son lieu de résidence habituel.

[12]           L’accusé témoigne. Il est sobre de la consommation de drogues et d’alcool depuis le mois d’août 2009. Il considère qu’il n’a pas de problème, mais que, toutefois, il est consentent à faire un suivi. Il a toujours cette notion de complot contre lui. Questionné plus amplement s’il reconnaîtrait des signes éventuels d’une rechute de sa condition, il s’en déclare incapable. Également, il mentionne certains éléments stresseurs dans sa vie, dont l’espoir de récupérer la garde partagée de ses enfants et de retourner sur le marché du travail.

[13]           Son procureur produit une lettre d’un employeur mentionnant qu’il est prêt à engager l’accusé comme mécanicien-soudeur dans son entreprise. Dans le cadre de la plaidoirie, il argumente en faveur d’une libération avec modalités incluant la délégation de pouvoirs, étant la mesure la moins limitative ou privative de liberté.

 

[14]           Le Tribunal doit déterminer si la personne accusée, en raison de son état mental, représente un risque important pour la sécurité du public. Si tel est le cas, il doit déterminer les mesures qui doivent être prises pour contrôler ce risque et permettre la réinsertion sociale de la personne accusée afin de rendre la décision la moins privative de liberté, tel que le prescrit l’article 672. 54 du Code criminel qui énonce ce qui suit :

672.54 Pour l’application du paragraphe 672.45(2) ou des articles 672.47 ou 672.83, le tribunal ou la commission d’examen rend la décision la moins sévère et la moins privative de liberté parmi celles qui suivent, compte tenu de la nécessité de protéger le public face aux personnes dangereuses, de l’état mental de l’accusé et de ses besoins, notamment de la nécessité de sa réinsertion sociale :

          a)      lorsqu’un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux a été rendu à l’égard de l’accusé, une décision portant libération inconditionnelle de celui-ci si le tribunal ou la commission est d’avis qu’il ne représente pas un risque important pour la sécurité du public;

          b)      une décision portant libération de l’accusé sous réserve des modalités que le tribunal ou la commission juge indiquées;

c)      une décision portant détention de l’accusé dans un hôpital sous réserve des modalités que le tribunal ou la commission juge indiquées.

[15]           Après avoir entendu la preuve, le Tribunal est convaincu que l’accusé représente, en raison se son état mental, un risque important pour la sécurité du public qui nécessite une détention hospitalière. Or, la décision doit être la moins sévère et la moins privative de liberté et permettre, entre autres, la réinsertion sociale de l’accusé. Par conséquent, il détermine qu’une détention assortie de modalités incluant des essais dans son lieu de vie est la plus appropriée dans les circonstances.

[16]           L’accusé, dans le cadre de son délire, a eu un comportement agressif pour lequel les conséquences auraient pu être très graves. Il ne peut être libéré actuellement étant donné que ce délire est toujours actif. Retourner celui-ci dans son milieu de vie antérieure n’est pas propice à une bonne évolution. Bien que celui-ci ait pu reconnaître quelque peu que sa perception a été exagérée et ne correspond pas à la réalité, il n’en demeure pas moins que son geste est à un haut niveau de gravité. Ses antécédents psychiatriques, son passé ainsi que les éléments stressants actuels (recouvrer la garde de ses enfants, re-tourner sur le marché du travail, consolidation de sa condition suite à son accident d’au-tomobile) rendent l’accusé très à risque de commettre à nouveau des actes d’agression étant donné sa fragilité. L’exposer, pour l’instant, à son milieu le rend très vulnérable.

[17]           Toutefois, l’accusé est bien conscient qu’il a besoin d’aide et d’un suivi en conséquence. C’est ainsi que lorsque sa condition se sera améliorée, il pourra, lui-même ou son procureur, ou le CSSS, faire une demande d’audience afin de statuer à nouveau sur sa condition.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

-          ORDONNE la détention de l’accusé au CSSS A ([HÔPITAL A]) sous réserve des modalités suivantes :

-          que la personne accusée bénéficie de sorties, avec ou sans accompagne-ment, dont la durée, la fréquence et les modalités seront déterminées par l’équipe traitante en fonction de son état clinique, de son comportement et du plan de traitement INCLUANT des essais dans son lieu de résidence.

-          EMET un mandat de dépôt en conséquence.

[18]           La présente décision, prise à l’unanimité, a été communiquée aux parties, séance tenante, à l’audience tenue le 13 juillet 2010, jour où elle a pris effet.

 


 

 

KATHYA GAGNON, j.a.t.a.q.

Présidente déléguée


 

Me Jean Paquin

Procureur de la partie accusée


 



[1]    Loi sur la justice administrative, RLRQ, chapitre J-3, art. 19 et art. 2.1 de l’annexe I.

[2]    Depuis le 1er avril 1998, la Section des affaires sociales du Tribunal administratif du Québec est désignée comme étant la Commission d’examen des troubles mentaux au sens de l’article 672.38 et suivants du Code criminel, L.R.C. (1985), chapitre C-46.

[3]    Selon l’article 672.47(1) du Code criminel.

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