Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

9183-7708 Québec inc. c. Soltron Realty Inc.

2016 QCCA 155

 

COUR D’APPEL

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-024904-146

(500-17-057423-108)

 

DATE :

29 janvier 2016

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 

9183-7708 québec inc.

9202-1369 québec inc.

9184-9729 québec inc.

9103-2276 québec inc.

9173-0606 québec inc.

9173-4756 québec inc.

9108-6835 QUÉBEC INC.

APPELANTES - INTIMÉES INCIDENTES - Tierces-saisies

c.

 

soltron realty inc.

intimée - APPELANTE INCIDENTE - Demanderesse

et

 

café vienne canada inc.

intimée - défenderesse

et

 

le groupe café vienne 1998 inc.

intimée - mise en cause en intervention forcée

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           Les appelantes portent en appel un jugement du 17 novembre 2014 de la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Benoît Emery) (2014 QCCS 5530), qui  énonce les conclusions suivantes :

[59]     ACCUEILLE la contestation de la demanderesse Soltron Realty inc.;

[60]     VALIDE les saisies en main tierce pratiquées entre les mains des mis en cause 9108-6835 Québec inc., 9173-4756 Québec inc., 9173-0606 Québec inc., 9103-2276 Québec inc., 9202-1369 Québec inc., 9184-9729 Québec inc., 9183-7708 Québec inc.;

[61]     DÉCLARE face à la demanderesse Soltron Realty inc. inopposable les ententes signées le 10 juin 2013 entre Café Vienne Canada inc. et les mis en cause 9108-6835 Québec inc., 9173-4756 Québec inc., 9173-0606 Québec inc., 9103-2276 Québec inc., 9202-1369 Québec inc., 9184-9729 Québec inc., 9183-7708 Québec inc.;

[62]     ORDONNE dans les trente jours du présent jugement aux mis en cause 9108-6835 Québec inc., 9173-4756 Québec inc., 9173-0606 Québec inc., 9103-2276 Québec inc., 9202-1369 Québec inc., 9184-9729 Québec inc., 9183-7708 Québec inc. de payer à Soltron Realty inc. tous les loyers qu'elles devront à Café Vienne Canada inc. en vertu de leurs baux de sous-location jusqu'à concurrence des sommes dues en capital, intérêts et frais par Café Vienne Canada inc. en exécution du jugement rendu par la juge Claudette Picard le 17 octobre 2012;

[63]     LE TOUT avec dépens contre Café Vienne Canada inc., le Groupe Café Vienne 1998 inc. et les franchisés 9108-6835 Québec inc., 9173-4756 Québec inc., 9173-0606 Québec inc., 9103-2276 Québec inc., 9202-1369 Québec inc., 9184-9729 Québec inc., 9183-7708 Québec inc.

[2]           L’intimée Soltron Realty inc. se pourvoit en appel incident afin de faire accueillir un moyen de la nature d’une action oblique qu’elle a fait valoir en Cour supérieure dans le cadre d’une procédure d’exécution.

[3]           Pour les motifs du juge Mainville, auxquels souscrivent les juges Morissette et Bélanger, LA COUR :

Sur l’appel principal :

[4]           ACCUEILLE l’appel principal;

[5]           INFIRME en partie le jugement rendu par la Cour supérieure en date du 17 novembre 2014 dans le dossier 500-17-057423-108;

[6]           ANNULE les conclusions énoncées aux paragraphes 59, 60, 62 et 63 de ce jugement;

[7]           REJETTE la contestation de l’intimée saisissante Soltron Realty inc. des déclarations négatives des appelantes tierces-saisies;

[8]           DONNE CONGÉ à chaque appelante de la saisie-arrêt pratiquée à son égard par l’intimée saisissante Soltron Realty inc.;

[9]           AVEC FRAIS DE JUSTICE en faveur des appelantes et contre l’intimée saisissante Soltron Realty inc.;

Sur l’appel incident :

[10]        ACCUEILLE en partie l’appel incident de Soltron Realty inc.;

[11]        PERMET à Soltron Realty inc. d’exercer les droits de sa débitrice Café Vienne Canada inc. en vertu de la clause 12 (ou de toute autre clause équivalente) des contrats de sous-location liant Café Vienne Canada inc. et 9183-7708 Québec inc., 9202-1369 Québec inc., 9184-9729 Québec inc., 9103-2276 Québec inc., 9173-0606 Québec inc., 9173-4756 Québec inc. et 9108-6835 Québec inc., afin de lui permettre de réclamer à titre de loyer et au nom de sa débitrice Café Vienne Canada inc. toutes les sommes dues par ces sociétés en vertu des contrats de franchise intervenus entre celles-ci et Le Groupe Café Vienne 1998 inc.;

[12]        ORDONNE que l’exercice desdits droits de Café Vienne Canada inc. par Soltron Realty inc. soit valable et exécutoire jusqu’à ce que le jugement du 17 octobre 2012 de la Cour supérieure rendu en faveur de Soltron Realty inc. dans le dossier 500-17-057423-108 soit pleinement exécuté et satisfait;

[13]        ORDONNE qu’à compter du présent jugement 9183-7708 Québec inc., 9202-1369 Québec inc., 9184-9729 Québec inc., 9103-2276 Québec inc., 9173-0606 Québec inc., 9173-4756 Québec inc. et 9108-6835 Québec inc. versent à Café Vienne Canada inc. toutes les sommes qu’elles doivent en vertu des contrats de franchise les liant avec Le Groupe Café Vienne 1998 inc., et DÉCLARE que Soltron Realty inc. pourra dès lors procéder à la saisie de ces sommes auprès de celles-ci jusqu’à ce que le jugement du 17 octobre 2012 de la Cour supérieure rendu en sa faveur dans le dossier 500-17-057423-108 soit pleinement exécuté et satisfait;


[14]        AVEC FRAIS DE JUSTICE en faveur de Soltron Realty inc. et contre Café Vienne Canada inc. et Le Groupe Café Vienne 1998 inc.

 

 

 

 

 

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

 

 

 

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

 

 

 

 

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 

 

Me Matthew McLaughlin

 

Robinson Sheppard Shapiro

 

Pour les appelantes

 

 

 

Me Jacques S. Darche

 

Borden Ladner Gervais

 

Pour Café Vienne Canada inc. et Le Groupe Café Vienne 1998 inc.

 

 

Me Robert W. Lord

Polisuk, Lord

Pour Soltron Realty inc.

 

 

Date d’audience :

Le 23 novembre 2015

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

MOTIFS DU JUGE MAINVILLE

 

 

[15]        Avec l’autorisation d’un juge de la Cour, les tierces-saisies appelantes se pourvoient contre un jugement du 17 novembre 2014 de la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Benoît Emery) (2014 QCCS 5530), qui a accueilli la contestation de l’intimée-demanderesse, Soltron Realty inc. (« Soltron »), de leurs déclarations négatives, a déclaré valides les saisies en mains tierces dont elles ont été l’objet et a déclaré inopposables les ententes qu’elles ont signées le 10 juin 2013 avec l’intimée-défenderesse, Café Vienne Canada inc. (« Café Vienne Canada »). 

[16]        Soltron se pourvoit en appel incident. Elle demande à la Cour de corriger l’ordonnance du juge de première instance afin qu’elle ait un effet rétroactif au jour de la saisie. Elle demande aussi à la Cour d’accueillir son action oblique afin que les appelantes soient condamnées à lui verser directement les sommes qu’elles doivent à leur franchiseur, la mise en cause Le Groupe Café Vienne 1998 inc. (« Groupe Café Vienne »), à titre de redevances de franchise. 

CONTEXTE

[17]        Les appelantes sont des franchisées de Groupe Café Vienne avec qui elles ont toutes signé des contrats de franchise. Elles exploitent leurs commerces dans des locaux dont la locataire est Café Vienne Canada avec qui elles ont toutes signé des contrats de sous-location. Groupe Café Vienne et Café Vienne Canada sont des sociétés distinctes, mais elles sont liées.

[18]        Groupe Café Vienne gère un système de franchises auquel ont souscrit les appelantes au moyen de contrats de franchise. Café Vienne Canada est une coquille corporative par laquelle Groupe Café Vienne s’assure un contrôle sur les locaux dans lesquels ses franchisées exercent leurs activités sous sa bannière. Café Vienne Canada loue ainsi des locaux qu’elle place à la disposition des franchisées au moyen de contrats de sous-location. Les franchisées doivent signer ces contrats de sous-location en même temps que leurs contrats de franchise.

[19]        Ces contrats de sous-location prévoient que les appelantes (franchisées de Groupe Café Vienne) doivent défrayer les loyers et les autres obligations prévus aux baux principaux intervenus entre Café Vienne Canada et les propriétaires en cause. Les clauses 4, 6, 9.1, 9.2 et 10 des contrats de sous-location stipulent en effet ce qui suit (soulignement ajouté) :

4.         Le Sous-Locataire [la franchisée] devra payer directement au Sous-Locateur [Café Vienne Canada], à toutes et chacune des années pendant la durée de ce Sous-Bail, à titre de loyer pour l’Emplacement, sans déduction ou compensation, tout loyer, loyer additionnel, T.V.Q., T.P.S. et tous les autres montants payables par le Sous-Locateur [Café Vienne Canada] en vertu du Bail Principal

6.         Il est entendu que le Sous-Bail opérera comme un bail net-net, exempt de tout paiement, charge, taxe, et obligation pour le Sous-Locateur, le Sous-Locataire devant défrayer tous les coûts, dépenses, taxes, charges, loyers, loyers additionnels, T.V.Q., T.P.S. et tous les autres montants payables en vertu du Bail Principal.

9.         Le Sous-Locataire convient :

9.1 de payer le loyer et tous les autres montants dus en vertu du Bail Principal tel que ci-haut mentionné;

9.2 d’exécuter toutes et chacune des obligations du Sous-Locateur en vertu des dispositions du Bail Principal et de tenir le Sous-Locateur entièrement et complètement indemne de toutes poursuites, réclamations, dépenses et demandes relatives à toutes et chacune desdites obligations;

10.       Le Sous-Locataire convient d’être lié par le Bail Principal et reconnaît que toutes les clauses dudit Bail Principal liant le Sous-Locateur en tant que locataire font partie intégrante du présent Sous-Bail, les clauses s’appliquant mutatis mutandis au Sous-Locataire.

[20]        Ces contrats sont ambigus quant au versement du loyer de la sous-location. L’article 4 prévoit en effet que le loyer est payé « directement au Sous-Locateur ». Par contre, les clauses 9.1 et 9.2 prévoient que chacune des appelantes s’engage à payer le loyer du bail principal et à exécuter les obligations de Café Vienne Canada en vertu du bail principal, ce qui implique que chacune d’elles doit payer le loyer directement au propriétaire en cause.

[21]        Dans les faits, Café Vienne Canada a toujours exigé des appelantes qu’elles versent les loyers directement aux propriétaires avec lesquels elle a signé les  baux principaux. Les appelantes ont d’ailleurs toujours obtempéré à cette exigence, assumant ainsi les obligations de Café Vienne Canada en vertu des baux principaux, tel que le prévoient d’ailleurs les clauses 9.1, 9.2 et 10 des contrats de sous-location.

[22]        Préalablement aux procédures en cause dans la présente affaire, Café Vienne Canada a loué de Soltron des locaux commerciaux situés au centre-ville de Montréal. Selon les pratiques commerciales habituelles de Café Vienne Canada, elle a alors sous-loué ces locaux commerciaux à une franchisée de Groupe Café Vienne. Comme toutes les autres franchisées, cette franchisée payait directement le loyer de ces locaux commerciaux à Soltron. Le contrat de franchise fut résilié et la franchisée n’a pas payé son loyer. Soltron s’est donc tournée vers sa locataire principale, Café Vienne Canada, qui a refusé de payer.

[23]        Le 17 octobre 2012, Soltron a obtenu un jugement de la Cour supérieure condamnant solidairement la franchisée en cause et Café Vienne Canada à lui payer 63 739,80 $ à titre de loyers avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») (2012 QCCS 5532). La Cour a rejeté l’appel de ce jugement le 4 février 2013 (2013 QCCA 223).

[24]        Soltron ne peut exécuter ce jugement à l’encontre de la franchisée en cause et Café Vienne Canada refuse de l’exécuter au motif qu’elle n’a pas les moyens de le satisfaire.

[25]        Le 12 avril 2013, Soltron procède donc à l’interrogatoire après jugement d’un représentant de Café Vienne Canada conformément à l’article 543 de l’ancien Code de procédure civile (« ancien C.p.c. »). Cette dernière s’oppose alors à la communication des contrats de sous-location qui la lient aux franchisées de Groupe Café Vienne. La Cour supérieure rejette cette opposition le 22 mai 2013.

[26]        Le 10 juin 2013, les appelantes signent avec Café Vienne Canada des ententes prévoyant que la clause 4 des contrats de sous-location les concernant serait remplacée par ce qui suit :

Le Sous-Locataire [la franchisée] devra payer directement au Locateur principal des lieux loués, à toutes et chacune des années pendant la durée de ce sous-bail, à titre de loyer pour l’Emplacement, sans déduction ou compensation, tout loyer, loyer additionnel, TPS et TVQ et tous les autres montants payables par le Sous-Locateur [Café Vienne Canada] en vertu du Bail Principal. 

[27]        Selon les déclarations sous serment souscrites par les représentants des appelantes, ces ententes modificatrices visaient à rendre conforme l’article 4 des contrats de sous-location avec le fait que les appelantes ont toujours payé les loyers directement aux propriétaires des lieux loués.

[28]        Le 20 juin 2013, Café Vienne Canada communique à Soltron les contrats de sous-location ainsi que les ententes du 10 juin 2013 qui les modifient.

[29]        Soltron procède alors à une saisie-arrêt entre les mains des appelantes afin de saisir les loyers de la sous-location payables à Café Vienne Canada en vertu des contrats de sous-location.

[30]        Les 2, 3 et 4 juillet 2013, les appelantes produisent des déclarations négatives alléguant qu’elles ne détiennent pas de sommes ni de meubles appartenant à Café Vienne Canada ou pouvant lui appartenir plus tard. 

[31]        Le 8 juillet 2013, Soltron conteste ces déclarations négatives et demande que les ententes du 10 juin 2013 qui remplacent la clause 4 des contrats de sous-location soient déclarées inopposables à son égard conformément à l’article 1631 C.c.Q.

[32]        Le 7 avril 2014, Soltron assigne Groupe Café Vienne puisqu’elle souhaite exercer, au moyen de l’action oblique prévue à l’article 1627 C.c.Q., le droit de Café Vienne Canada de réclamer aux appelantes, à titre de loyers, les sommes qu’elles doivent à Groupe Café Vienne à titre de redevances de franchise. À cet effet, Soltron invoque la clause 12 des contrats de sous-location qui lient les appelantes et Café Vienne Canada, laquelle stipule que toutes sommes dues en vertu des contrats de franchise intervenus entre les appelantes et Groupe Café Vienne sont réputées être du loyer en vertu des contrats de sous-location. La clause stipule aussi que ces sommes peuvent être réclamées en vertu de ces contrats de sous-location. 

LE JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE

[33]        Le juge de première instance conclut que les appelantes auraient dû produire des déclarations affirmatives. Il est d’avis que le fait que les loyers sont payés directement aux propriétaires ne modifie pas les obligations contractuelles des appelantes envers Café Vienne Canada découlant des contrats de sous-location, dont l’obligation de verser les loyers des contrats de sous-location. Il ajoute que le fait pour les propriétaires d’accepter ces paiements ne libère pas non plus Café Vienne Canada de ses obligations envers les propriétaires en vertu des baux principaux. 

[34]        Le juge énonce qu’il ne peut adhérer à un stratagème consistant pour Groupe Café Vienne à interdire à ses franchisées de conclure un contrat de location directement avec les propriétaires des immeubles tout en opposant à ces propriétaires le fait que Café Vienne Canada n’est jamais tenue de payer les loyers découlant des baux principaux qu’elle a conclus avec eux. Selon le juge, « [d]écider autrement serait cautionner une structure corporative selon laquelle [Café Vienne Canada] ne serait jamais redevable envers les propriétaires de qui elle loue des locaux destinés aux franchisés de la bannière Café Vienne »[1]

[35]        Le juge décide aussi que « les ententes signées le 10 juin 2013 visent sciemment à mettre [Café Vienne Canada] à l’abri de l’exécution du jugement rendu le 17 octobre 2012 », de sorte qu’elles ne sont pas opposables à Soltron[2]

[36]     En conséquence, le juge accueille la contestation de Soltron, valide les saisies en mains tierces pratiquées entre les mains des appelantes, déclare inopposables à l’égard de Soltron les ententes signées le 10 juin 2013 et ordonne que les appelantes paient à cette dernière, dans les trente (30) jours de son jugement, « tous les loyers qu’elles devront à Café Vienne Canada inc. en vertu de leurs baux de sous-location jusqu’à concurrence des sommes dues en capital, intérêts et frais par Café Vienne Canada inc. en exécution du jugement rendu […] le 17 octobre 2012 »[3]

PREMIÈRE PARTIE : L’APPEL PRINCIPAL

LES MOYENS SOULEVÉS

[37]        Selon les appelantes, appuyées à ces égards par Café Vienne Canada et Groupe Café Vienne, le juge de première instance aurait erré en fondant son jugement presque entièrement sur son appréciation négative de la structure corporative du franchiseur. Cette structure ne faisait pas partie des questions en litige et elle aurait distrait le juge de la question principale qui était celle de savoir si un créancier d’un sous-locateur peut saisir les sommes qu’un sous-locataire doit à titre de loyers de la sous-location. 

[38]        Elles ajoutent que Soltron, à titre de créancière de Café Vienne Canada, ne pouvait saisir les loyers des contrats de sous-location en raison du lien juridique direct qui unit les propriétaires aux appelantes pour le paiement du loyer. Elles invoquent deux moyens à cet égard :

a)    d'abord, l’article 1874 C.c.Q. autoriserait, selon elles, le locateur principal d’un immeuble à réclamer les loyers impayés du locataire ou du sous-locataire, à sa discrétion, avec pour conséquence que les loyers d’une sous-location seraient en toutes circonstances soustraits du gage commun des créanciers du locataire principal;

b)    ensuite, il y aurait aussi, en l’espèce, une délégation parfaite de paiement au sens du C.c.Q. par laquelle les appelantes se seraient engagées à assumer personnellement le paiement des loyers dus aux propriétaires en vertu des baux principaux. 

ANALYSE

[39]        Café Vienne Canada et Groupe Café Vienne ont présenté leur structure corporative au juge comme si celle-ci avait pour effet de libérer complètement Café Vienne Canada de ses obligations envers les propriétaires des immeubles qu’elle loue, ce qui a poussé le juge de première instance à émettre une appréciation négative concernant cette structure. Comme nous le verrons, elles ont tort de soutenir que Café Vienne Canada n’assumerait aucune obligation envers les propriétaires. D’ailleurs, le jugement du 17 octobre 2012 en faveur de Soltron le démontre bien. Mais là n’est pas mon propos pour l’instant.

[40]        En l’absence d’illégalité, de fraude ou de mauvaise foi, et sous réserve de dispositions législatives particulières[4], les jugements de valeur à l’égard d’une structure juridique et commerciale ne sont pas utiles pour résoudre les questions juridiques que ces structures peuvent soulever. Il faut donc plutôt se tourner vers le droit afin de trouver une réponse aux questions que ces structures soulèvent.

[41]        Cela étant dit, il n’en demeure pas moins que les ententes modificatrices du 10 juin 2013 étaient inappropriées puisqu’elles visaient à bonifier la position juridique de Café Vienne Canada au détriment de Soltron, et ce, afin d’esquiver l’exécution du jugement de la Cour supérieure du 17 octobre 2012 qui fut confirmé par notre Cour. Le juge de première instance avait donc raison de dénoncer le comportement des signataires de ces ententes et de déclarer celles-ci inopposables à Soltron. L’appréciation négative du juge de première instance était donc justifiée.

[42]        Lors de l’audition de l’appel, les appelantes se sont, à juste titre, dissociées de ces ententes modificatrices et ont annoncé qu’elles ne s’appuyaient nullement sur celles-ci afin de faire valoir leurs arguments. Au contraire, Groupe Café Vienne et Café Vienne Canada ont insisté sur ces ententes. Il s’agit là de leur part d’un comportement peu respectueux des jugements de cette Cour, et qui mérite d’être dénoncé. De toute façon, tel que l’a décidé le juge de première instance, les ententes modificatrices du 10 juin 2013 sont inopposables à Soltron en vertu de l’article 1631 C.c.Q.

[43]        Il n’y a donc pas lieu de tenir compte de ces ententes modificatrices dans l’analyse des deux questions principales soulevées par les appelantes, soit la portée de l’article 1874 C.c.Q. et la délégation de paiement.

Premier moyen d’appel : L’article 1874 C.c.Q.

[44]        Les appelantes soutiennent que l’article 1874 C.c.Q. serait une fin de non-recevoir à la saisie-arrêt de Soltron. Elles ont tort.

[45]        Avec le consentement du locateur, le locataire peut sous-louer, en tout ou en partie, le bien loué[5]. La sous-location est une nouvelle location d’une partie ou de la totalité du bien loué[6].  Lors d’une sous-location, le locataire principal n’est pas libéré de ses obligations envers son locateur et conserve ses droits et recours contre ce dernier[7]. Par contre, dans le cadre d’un contrat de sous-location, le lien direct de droit est entre le sous-locateur et le sous-locataire et non entre le sous-locataire et le locateur. Le contrat de sous-location ne crée aucun lien contractuel entre le locateur et le sous-locataire[8]. Le principe de l’effet relatif des contrats trouve, de fait, une application importante dans le contexte d’une sous-location[9]

[46]        Ainsi, les sommes qu’un sous-locataire doit au locataire à titre de loyers de la sous-location sont bel et bien des sommes qui sont dues ou qu’il aura à payer au locataire (et non au locateur), et ces loyers de la sous-location peuvent, en principe, faire l’objet d’une saisie-arrêt par les créanciers du locataire, puisqu’ils font partie du gage commun de ces créanciers au sens de l’article 2644 C.c.Q.

[47]        Toutefois, l’article 1874 C.c.Q. confère au locateur une action directe contre le sous-locataire pour le paiement du loyer. Aussi convient-il d’analyser la signification de cette disposition vu que la jurisprudence aide peu à en comprendre la portée[10]. Cet article dispose comme suit :

1874. Lorsqu'une action est intentée par le locateur contre le locataire, le sous-locataire n'est tenu, envers le locateur, qu'à concurrence du loyer de la sous-location dont il est lui-même débiteur envers le locataire; il ne peut opposer les paiements faits par anticipation.

 

Le paiement fait par le sous-locataire soit en vertu d'une stipulation portée à son bail et dénoncée au locateur, soit conformément à l'usage des lieux, n'est pas considéré fait par anticipation.

1874. Where the lessor brings an action against the lessee, the sublessee is not bound towards the lessor for any amount except the rent for the sublease which he owes to the lessee; the sublessee may not set up advance payments.

 

 

Payments made by the sublessee under a stipulation that is included in his lease and has been made known to the lessor, or that are made in accordance with local usage are not considered to be advance payments.

 

 

[48]        Cet article est en substance conforme à l’article 1620 du Code civil du Bas-Canada (« C.c.B.C. ») (anciennement l’article 1639)[11].

[49]        L’ancien article 1639 C.c.B.C. reproduisait d’ailleurs presque textuellement l’article 1753 du Code civil français :

1753. Le sous-locataire n'est tenu envers le propriétaire que jusqu'à concurrence du prix de sa sous-location dont il peut être débiteur au moment de la saisie, et sans qu'il puisse opposer des paiements faits par anticipation. 

Les paiements faits par le sous-locataire, soit en vertu d'une stipulation portée en son bail, soit en conséquence de l'usage des lieux, ne sont pas réputés faits par anticipation.

[50]        L’action du propriétaire contre le sous-locataire pour le paiement du loyer est, au Québec[12] comme en France[13], qualifiée d’« action directe ». L’action directe est une « [a]ction exercée, en son propre nom, par un créancier contre le débiteur de son débiteur »[14]. C’est un « renforcement de l’action oblique »[15]; elle ressemble surtout à la saisie-arrêt[16] quoique ses conditions d’exercice soient différentes. Notamment, il n’est pas nécessaire que la créance du titulaire de l’action directe ait été rendue exécutoire par jugement[17]

[51]        Cependant, le sous-locataire ne cesse d’être le débiteur du locataire pour devenir celui du locateur qu’au moment où l’action directe du locateur contre le sous-locataire est mise en œuvre[18]. Cette action est mise en œuvre, selon le libellé de l’article 1874 C.c.Q., « [l]orsqu’une action est intentée par le locateur contre le locataire », ce qui suppose que le loyer de la location principale est échu[19] et que le locataire est en défaut de le payer[20].

[52]        Ainsi, dès que le locateur intente une action contre le locataire et qu’il en notifie le sous-locataire, il y a, à l’égard du sous-locataire, novation par changement de créancier[21] : le sous-locataire doit dès lors payer au locateur les sommes qu’il doit au locataire. Comme le note l’auteur français Christophe Jamin, il n’y a pas d’autres formalités qui sont requises[22] :

« Une fois les conditions légales réunies, le créancier se fait remettre le montant de sa créance par le tiers débiteur sans avoir recours à une quelconque procédure judiciaire, comme c’est le cas en matière de saisie-arrêt. Une simple notification suffit. C’est ici la différence essentielle, même si elle n’est pas exclusive, entre la saisie-arrêt et l’action directe, qui confère un avantage certain de rapidité et de simplicité à cette dernière. » 

[53]        Du fait que l’action directe est une action personnelle du créancier (ici, les propriétaires) contre le tiers (ici, les appelantes), le produit profite exclusivement au créancier qui l’a intentée, au lieu de tomber, comme c’est le cas dans l’action oblique, dans le patrimoine de son débiteur. L’action directe donne ainsi à son titulaire une forme de privilège par rapport aux autres créanciers[23] :

[L’action directe] permet au créancier d’exercer une action, contre le débiteur oblique, non pas au nom du débiteur, mais en son nom personnel. L’action directe est donc, comme l’a qualifié le doyen Carbonnier, « un renforcement de l’action oblique », car elle ne produit d’effets qu’en faveur du titulaire de l’action, au profit direct de son propre patrimoine. Contrairement à l’action oblique, l’action directe donne ainsi à son titulaire un privilège face aux autres créanciers. 

[54]        Les appelantes, Café Vienne Canada et Groupe Café Vienne soutiennent qu’en raison de l’article 1874 C.c.Q. la créance du locataire contre le sous-locataire pour le paiement des loyers de la sous-location ne pourrait faire l’objet d’une saisie-arrêt pendant toute la durée de la sous-location parce qu’elle serait d’emblée affectée à la satisfaction de l’action directe du locateur contre le sous-locataire. Or, tel n’est pas le cas. 

[55]        La doctrine française qualifie l’action directe du bailleur contre le sous-locataire d’action directe « imparfaite » puisque la créance du locataire contre le sous-locataire n’est pas affectée à la satisfaction de l’action directe du bailleur, d’où « [l’]efficacité limitée du droit du titulaire de l’action directe, efficacité qui est subordonnée à l’absence de paiement ou de cession de cette créance avant son exercice, ou encore de compensation »[24]

[56]        À cet égard, il est utile de noter que l’article 637 de l’ancien C.p.c. prévoyait que la saisie-arrêt confirmée par un jugement de validité opère cession  de la créance du saisi en faveur du saisissant.  L’action directe n’est donc efficace que si elle est mise en œuvre avant ou pendant que la saisie-arrêt en est encore à sa phase conservatoire, c’est-à-dire avant le jugement de validité. À cet égard, l’auteur français C. Jamin note ce qui suit[25] :

[I]l est traditionnellement admis que le titulaire de l’action directe prime le créancier qui exerce une action oblique et celui qui effectue une procédure de saisie-arrêt, à condition qu’elle en soit encore à sa phase conservatoire. En effet, dès l’instant où la saisie-arrêt a fait l’objet d’un jugement de validité, la créance se trouve exclue du patrimoine du débiteur intermédiaire et définitivement acquise au créancier poursuivant qui peut se faire payer directement (et dispose ainsi d’un droit propre…) par le sous-débiteur. 

[57]        En l’espèce, les saisies-arrêts ont été validées par le jugement de première instance. Si ce jugement était maintenu par cet appel, il y aurait alors cession des loyers de la sous-location au profit de Soltron à compter du jour de la saisie. Or, en l’occurrence, aucun des propriétaires des immeubles n’a mis en œuvre son action directe avant ce jugement.

[58]        L’appel principal ne peut donc être accueilli sur le seul fondement de l’article 1874 C.c.Q. 

Deuxième moyen d’appel : La délégation de paiement

[59]        La délégation de paiement visée aux articles 1667 à 1670 C.c.Q. est une opération tripartite par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre personne, le délégué, qu’elle s’engage personnellement envers une tierce personne, le délégataire[26]. Le professeur Tancelin enseigne que la délégation « consiste pour le délégant […], à la fois créancier et débiteur de deux personnes différentes […], à donner ordre à son propre débiteur, le délégué, […] de s’engager à payer son propre créancier, le délégataire »[27]

[60]        La délégation peut être « parfaite » ou « imparfaite ». La délégation parfaite est celle ayant pour effet de libérer le débiteur délégant à l’égard du délégataire[28] avec pour conséquence que ce dernier n’a plus de recours contre le délégant dans l’hypothèse où le délégué ne paierait pas : le délégué est son seul et unique débiteur[29]. Au contraire, la délégation imparfaite n’a pas pour effet de libérer le délégant à l’égard du délégataire, le délégué s’ajoutant au délégant comme débiteur du délégataire[30]

[61]        C’est surtout dans le cas de figure où préexiste un lien contractuel entre le délégant et le délégataire, de même qu’entre le délégant et le délégué, qu’intervient le mécanisme de la délégation de paiement[31]. Je souligne d’emblée qu’un tel cas de figure se présente en l’espèce. 

[62]        En général, c’est le délégant qui se trouve à l’origine de la délégation de paiement[32]. En effet, la délégation naît d’un contrat intervenant entre le délégant et le délégué, dans lequel le délégant « désigne » le délégué afin qu’il paie sa dette à sa place[33]. La délégation suppose donc le consentement du délégant puisque c’est lui qui prend l’initiative de l’opération[34]. Le consentement du délégué est bien sûr indispensable puisqu’il doit personnellement s’engager envers le délégataire[35]; c’est d’ailleurs une exigence expressément formulée à l’article 1667 C.c.Q. La question du consentement du délégataire pose plus de difficultés. Si le consentement du délégataire est requis en cas de délégation parfaite, puisqu’il perd alors le bénéfice de l’exécution de sa créance contre le délégant, la doctrine n’est pas unanime à dire qu’il est requis en cas de délégation imparfaite puisque le délégataire ne subit aucun préjudice de l’ajout du délégué à titre de débiteur additionnel[36]. Quoi qu’il en soit, il semble admis que l’acceptation par le créancier délégataire du nouveau débiteur délégué puisse se faire de quelque manière que ce soit, par un acte ou autrement[37]

[63]        Aucune formalité particulière n’est requise, ni pour la validité d’une délégation de paiement, ni même pour son opposabilité aux tiers. En droit québécois, tel que nous l’enseignent D. Lluelles et B. Moore, « [l]a délégation doit essentiellement réunir les conditions communes à tout acte juridique. Elle n’est soumise à aucune condition particulière, ni quant à la forme, ni quant au fond. En réalité, la seule question touchant les conditions nécessaires à la délégation porte sur le consentement des différentes parties impliquées »[38]. En droit français, F. Terré, P. Simler et Y. Lequette enseignent que « [l]’engagement nouveau que prend le délégué à la demande du délégant n’a besoin d’autre fondement que celui de la liberté des conventions. Sa spécificité procède de l’articulation triangulaire des relations entre les parties, ces relations ne comportant, intrinsèquement, aucune spécificité. Aucune formalité particulière n’est requise, ni pour la validité de l’opération, ni même pour son opposabilité aux tiers »[39].

[64]        Considérant ces principes juridiques, il apparaît du dossier que des délégations de paiement sont intervenues en l’espèce puisque Café Vienne Canada (ici, la débitrice délégante) a donné ordre aux appelantes (ici, les déléguées) de payer les loyers directement à ses propres créanciers, propriétaires des immeubles (ici, les délégataires) et que tant les appelantes que les propriétaires ont acquiescé.

[65]        Ces délégations de paiement découlent ici de deux sources, soit principalement des contrats de sous-location mais aussi des pratiques et usages commerciaux des parties. En effet, en vertu des clauses 9 et 10 des contrats de sous-location, les appelantes ont convenu d’être liées par les baux principaux, de payer les loyers exigibles de Café Vienne Canada en vertu de ces baux principaux, et d’exécuter toutes et chacune des obligations de Café Vienne Canada en vertu de ceux-ci.

[66]        Ces obligations souscrites par les appelantes ne sont pas niées par la clause 4 des contrats de sous-location, laquelle dispose que les loyers de la sous-location sont payables directement à Café Vienne Canada. En effet, c’est précisément le propre d’une délégation imparfaite de paiement de faire en sorte que le délégué (ici, les appelantes) soit tenu à la même prestation à la fois envers le délégataire (ici, les propriétaires) et envers le délégant (ici, Café Vienne Canada), ce dernier renonçant par la délégation à exiger le paiement de sa créance.

[67]        Dans la mesure où il persiste une ambiguïté sur l’intention des parties de conclure une délégation de paiement dès la signature des contrats de sous-location, celle-ci est résolue par l’acquiescement des appelantes à assumer les loyers des baux principaux en les versant directement aux propriétaires en cause, et ce, à la demande de Café Vienne Canada. Ces pratiques ou usages commerciaux peuvent d’ailleurs être pris en compte dans la recherche de l’intention commune des parties (article 1426 C.c.Q.) et cela résout l’ambiguïté.

[68]        Quoique les ententes modificatrices du 10 juin 2013 soient inopposables à Soltron, il m’apparaît difficile de soutenir que les délégations de paiement, qui sont prévues aux contrats de sous-location et qui font partie des pratiques et usages commerciaux des parties, aient pu être conclues en fraude des droits de Soltron au sens de l’article 1631 C.c.Q. En effet, les contrats de sous-location et les pratiques et usages en découlant sont intervenus bien avant la naissance de la créance de Soltron et n’ont pas eu pour but ou pour effet de rendre Café Vienne Canada insolvable. Leur effet est plutôt de procurer un débiteur supplémentaire à chaque propriétaire. 

[69]        Les appelantes, Café Vienne Canada et Groupe Café Vienne soutiennent néanmoins que les délégations de paiement intervenues en l’espèce sont parfaites. Je ne suis pas d’accord. Une intention claire et évidente des propriétaires de décharger Café Vienne Canada aurait été requise pour que l’on puisse conclure qu’ils ont renoncé à leurs créances contre celle-ci résultant des baux principaux. En l’absence d’une telle intention évidente, on doit conclure que les délégations sont imparfaites et que les appelantes se sont ajoutées comme débitrices des propriétaires des immeubles et non qu’elles ont remplacé Café Vienne Canada[40]

[70]        J’en arrive maintenant à l’analyse de la question essentielle : quel a été l’effet des délégations imparfaites de paiement sur les créances de Café Vienne Canada contre les appelantes pour le paiement des loyers de la sous-location? Les délégations de paiement n’ont pu avoir pour effet de céder ces créances aux propriétaires des immeubles. La délégation de paiement se distingue de la cession de créance. Si, comme le notent les professeurs Lluelles et Moore, il existe, entre la cession de créance et la délégation imparfaite de paiement, une « proximité économique » susceptible d’engendrer certaines confusions, les concepts sont distincts et n’ont pas les mêmes effets[41] :

Dans ce cas, on peut être tenté de soutenir que le délégant cède au délégataire la créance qu’il a envers le délégué. Semblable assimilation de la délégation à une cession de créance mérite d’être écartée. Cette confusion est regrettable, tout d’abord parce que, lors de la délégation, le délégué s’engage envers le délégataire à exécuter l’obligation à laquelle était tenu le délégant envers ce dernier, et non pas l’obligation que le délégué avait envers le délégant.

[71]        Dans le cas de la délégation imparfaite de paiement qui nous concerne ici, la créance du délégant contre le délégué n’est donc ni éteinte ni cédée au délégataire. Il est bien établi que cette créance demeure dans le patrimoine du délégant : elle n’est éteinte qu’à l’instant de l’exécution, par le délégué, de son obligation nouvelle envers le délégataire[42]

[72]        Toutefois, la créance du délégant contre le délégué est-elle saisissable pendant la période où le délégué est tenu envers le délégataire? Un créancier du délégant peut-il faire saisir-arrêter les sommes que le délégué « doit » au délégant? Ni la jurisprudence[43] ni la doctrine[44] du Québec ne permettent de répondre clairement à cette question, qui a toutefois déjà été tranchée en France par la Cour de cassation, Chambre commerciale, dans un arrêt rendu le 14 février 2006[45] qui illustre l’efficacité de la délégation imparfaite comme instrument de garantie dans le contexte du droit français des procédures civiles d’exécution. 

[73]        Dans cette affaire, la société Elisa avait donné instructions à sa locataire, la société Autopolis, de payer les loyers commerciaux à sa créancière, la BNP. Cette dernière avait accepté, mais sans renoncer à sa créance contre la société Elisa. Par la suite, la société Elisa a été condamnée à payer à la société immobilière de la Ville de Nice (la « SIVN ») le solde du prix de vente des locaux commerciaux loués à la société Autopolis. En exécution de ce jugement, la SIVN a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la société Autopolis. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a donné mainlevée de la saisie-attribution et rejeté les demandes de la SIVN. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi. 

[74]        La Cour de cassation est d’avis que « si la créance du délégant sur le délégué s’éteint seulement par le fait de l’exécution de la délégation, ni le délégant ni ses créanciers ne peuvent, avant la défaillance du délégué envers le délégataire, exiger le paiement ». Elle en conclut « que la saisie-attribution effectuée entre les mains du délégué par le créancier du délégant ne peut avoir pour effet de priver le délégataire, dès son acceptation, de son droit exclusif à un paiement immédiat par le délégué, sans concours avec le créancier saisissant ». En conséquence, « les sommes dues par le délégué, la société locataire Autopolis, au délégant, la société bailleresse Elisa, au titre des loyers n’étaient pas saisissables par les créanciers du délégant dont le droit de créance qui demeure dans son patrimoine est indisponible à compter de l’acceptation du délégataire »[46]

[75]        L’indisponibilité de la créance du délégant contre le délégué tient à ce que le délégant doit être considéré comme ayant renoncé à en exiger le paiement tant que le délégué est tenu envers le délégataire et n’est pas défaillant à l’égard de ce dernier, situation qui, sauf fraude, doit être considérée comme opposable aux tiers[47]. Autrement dit, si la délégation imparfaite n’a pas pour effet d’éteindre immédiatement la créance du délégant contre le délégué, elle implique néanmoins que le délégant a renoncé à sa créance contre le délégué sous la condition résolutoire de l’inexécution par ce dernier de son obligation envers le délégataire et ne reste, dès lors, créancier que sous condition suspensive[48]

[76]        La thèse de la survie pure et simple de la créance du délégant contre le délégué (et la possibilité corrélative des créanciers du délégant de saisir la créance de ce dernier entre les mains du délégué) est inacceptable en raison de ses conséquences pratiques qui sont contraires au concept juridique de la délégation. En effet, le délégué serait tenu irrévocablement envers le délégataire en vertu de l’engagement nouveau et autonome pris par lui, tout en étant exposé à la saisie par les créanciers du délégant. Il pourrait être requis de devoir payer deux fois. À l’évidence, ces conséquences sont étrangères aux objectifs poursuivis par les parties à l’opération triangulaire de délégation[49]

[77]        Tenant compte de ces principes — qui sont largement tirés du droit civil français et qui m’apparaissent ne pouvoir être écartés pour aucune raison valable en droit civil québécois — je suis d’avis que les créances de Café Vienne Canada contre les appelantes pour le paiement des loyers des contrats de sous-location ne pouvaient faire l’objet d’une saisie-arrêt par Soltron dans les circonstances en cause dans ce dossier. Ces saisies-arrêts ne pouvaient être confirmées en raison des délégations imparfaites de paiement qui sont intervenues en l’espèce et qui ont eu pour effet de rendre indisponibles à la saisie-arrêt les sommes que les appelantes « doivent » à Café Vienne Canada à titre de loyers de la sous-location tant que les appelantes, à titre de déléguées de Café Vienne Canada, n’étaient pas en défaut de payer les loyers aux propriétaires délégataires. Ces sommes ne sont pas des sommes qui sont dues ou qui devront être payées à Café Vienne Canada au sens de l’article 625 de l’ancien C.p.c. portant sur la saisie-arrêt.


CONCLUSIONS SUR L’APPEL PRINCIPAL

[78]        En conséquence, les déclarations négatives des appelantes étaient bien fondées et la requête de Soltron en contestation de ces déclarations négatives aurait dû être rejetée. J’accueillerais donc l’appel principal afin d’infirmer le jugement de première instance, de rejeter la contestation des déclarations négatives des appelantes et de donner congé à chaque appelante de la saisie-arrêt la concernant, le tout avec frais de justice en faveur des appelantes.

DEUXIÈME PARTIE : L’APPEL INCIDENT

[79]        À l’appui de son appel incident, Soltron soulève les moyens ou questions en litige que je reformule ainsi :

-            L’ordonnance de paiement contenue dans un jugement qui écarte une déclaration négative d’un tiers-saisi doit-elle avoir un effet rétroactif au jour de la saisie?

-            L’action oblique de Soltron doit-elle être accueillie afin que les appelantes soient condamnées à lui payer les sommes qu’elles doivent à Groupe Café Vienne à titre de redevances de franchise? 

[80]        Compte tenu des conclusions sur l’appel principal, il n’est ni nécessaire ni utile de traiter de la première question. Je m’attarderai donc à la seconde question concernant l’action oblique.

[81]        Soltron constate que le juge de première instance a examiné son action oblique au paragraphe 21 de son jugement, mais qu’il a omis d’en décider dans ses conclusions. Elle demande donc à la Cour d’accueillir cette action afin que les appelantes soient condamnées à lui payer les sommes qu’elles doivent à Groupe Café Vienne à titre de redevances de franchise. Soltron s’appuie sur la clause 12 des contrats de sous-location qui prévoit que les sommes dues en vertu des contrats de franchise sont réputées être du loyer et peuvent être réclamées par Café Vienne Canada en vertu des contrats de sous-location. 

[82]        L’action oblique[50] est l’ « [a]ction par laquelle un créancier exerce l’un des droits de son débiteur dont l’inaction lui cause un préjudice »[51]. L’action oblique est un recours préparatoire à une saisie[52]

[83]        Afin d’exercer l’action oblique, le créancier doit établir qu’il a une créance certaine, liquide et exigible contre le débiteur au moment du jugement sur l’action oblique[53], que le droit ou l’action qu’il cherche à exercer au nom de son débiteur existe effectivement[54], que son débiteur est inactif à l’égard de ce droit ou de cette action[55] et que le défaut de son débiteur d’exercer son droit ou son action lui porte préjudice[56].

[84]        Ces conditions d’exercice sont toutes remplies en l’espèce. Analysons celles-ci à la lumière des faits en cause.

[85]        La créance de Soltron découle d’un jugement de la Cour supérieure du 17 octobre 2012 qui fut confirmé par cette Cour. Il s’agit donc d’une créance certaine, liquide et exigible à l’égard de la débitrice Café Vienne Canada.

[86]        Par contre, Café Vienne Canada et Groupe Café Vienne contestent l’existence même du droit que cherche à exercer Soltron. Elles soutiennent que le juge de première instance aurait interprété la clause 12 du contrat de sous-location comme une clause de défauts croisés en vertu de laquelle un manquement dans le contrat de sous-location constitue un défaut dans le contrat de franchise[57]. Elles ajoutent que les appelantes n’étant pas en défaut aux termes des contrats de franchise, il n’y a aucune créance exigible en vertu de cette clause 12, et qu’en conséquence le droit que cherche à exercer Soltron est inexistant. Or, ce n’est pas la portée ni l’objet de cette clause 12.

[87]        Les clauses 13 et 14 des contrats de sous-location sont des clauses de défauts croisés et ce sont de ces clauses (et non de la clause 12) dont le juge de première instance discute dans son jugement. Les clauses 13 et 14 prévoient ce qui suit (soulignement ajouté) :

13. Le Sous-Locateur aura tous les droits et recours […] que possède le Franchiseur en vertu du Contrat de Franchise advenant tout défaut ou inexécution par le Sous-Locataire de quelque disposition du Sous-Bail, tous lesdits droits et recours du […] Franchiseur en vertu du Contrat de Franchise faisant partie intégrante du présent Sous-Bail, mutadis mutandis;

14. Un défaut du Sous-Locataire (à titre de franchisé) en vertu du Contrat de Franchise sera réputé être un défaut en vertu du présent Sous-Bail conférant ainsi au Sous-Locateur […] tous les droits que possède le Franchiseur contre le Sous-Locataire (à titre de franchisé) en vertu du Contrat de Franchise;

[88]        De même, afin d’éviter que le local commercial puisse être utilisé par un franchisé malgré la résiliation de son contrat de franchise, la clause 16 du contrat de sous-location prévoit que si le contrat de franchise est résilié, Café Vienne Canada pourra alors résilier la sous-location :

16. Dans l’éventualité où le Franchiseur résilie le Contrat de Franchise, pour quelque raison que ce soit, le Sous-Locateur pourra résilier le présent Sous-Bail immédiatement sur avis écrit, sans préjudice aux autres droits et recours du Sous-Locateur. 

[89]        La clause 12 du contrat de sous-location a une portée tout autre et n’exige aucun défaut de la part des appelantes ni ne prévoit aucune autre condition préalable (soulignement ajouté) :

12. Il est convenu que tous les termes, obligations, conditions, dispositions, droits et recours énoncés dans le Bail Principal et dans le contrat de Franchise s’appliquent mutadis mutandis au présente [sic] Sous-Bail. De plus, il est convenu que toutes sommes dues en vertu du Contrat de Franchise sont réputées être du loyer en vertu du présent Sous-Bail et pourront être réclamées en vertu de ce Sous-Bail;

[90]        La première phrase de cette clause 12 incorpore les baux principaux et les contrats de franchise dans les contrats de sous-location. La seconde phrase permet au sous-locateur, Café Vienne Canada, d’exiger que les appelantes lui versent, à titre de loyers, les sommes que Groupe Café Vienne peut leur réclamer en vertu des contrats de franchise.

[91]        La clause 12 des contrats de sous-location est une option (formulée sous forme de « call » plutôt que de « put ») qui ne concerne pas les appelantes tant que l’option n’est pas levée par Café Vienne Canada. En effet, la preuve au dossier établit que les appelantes versent depuis toujours leurs redevances de franchise à Groupe Café Vienne et non à Café Vienne Canada. La preuve révèle aussi que toutes les parties aux contrats de franchise et aux contrats de sous-location conviennent que la clause 12 des contrats de sous-location est une forme d’option qui, de fait, n’a pas été exercée à ce jour par Café Vienne Canada.

[92]        Le litige concernant cette option porte sur les conditions requises afin de permettre à Café Vienne Canada de la lever. Groupe Café Vienne et Café Vienne Canada sont d’avis que l’option prévue à la clause 12 ne peut s’exercer qu’en cas de défaut des appelantes en vertu soit du contrat de franchise soit du contrat de sous-location. Je ne suis pas de cet avis car, telle que rédigée, la clause 12 des contrats de sous-location n’impose aucune condition préalable afin de permettre à Café Vienne Canada de lever l’option. Il s’agit là d’une option qui peut être levée à la seule discrétion de Café Vienne Canada.

[93]        En effet, contrairement aux clauses 13 et 14 précitées du contrat de sous-location, il n’y a aucune exigence de défaut de la part des appelantes inscrite à la clause 12. Contrairement à la clause 16 précitée, aucune condition préalable n’est stipulée. Le droit prévu par la clause 12 peut donc être exercé de façon discrétionnaire par Café Vienne Canada.

[94]        L’accord de Groupe Café Vienne n’est pas nécessaire afin que Café Vienne Canada puisse exercer le droit d’option que lui confère la seconde phrase de la clause 12. Au contraire, par l’effet de l’article 21 du contrat de franchise[58] portant sur le contrat de sous-location, Groupe Café Vienne reconnaît expressément que toutes les sommes qui lui sont payables par les appelantes, conformément aux contrats de franchise, sont réputées constituer du loyer selon les contrats de sous-location :

21. Le franchisé doit signer, en même temps que le présent contrat, un contrat de sous-location (le « contrat de sous-location ») visant les lieux, en la forme alors utilisée par le franchiseur, tel qu’il figure à l’Annexe « A ». Le franchisé reconnaît avoir reçu et examiné le bail et le contrat de sous-location visant les lieux avant d’avoir signé le présent contrat et avoir consulté un conseiller juridique, et s’en déclare totalement satisfait.

a. Les parties aux présentes reconnaissent, ainsi qu’il est attesté par le contrat de sous-location, que toutes les sommes payables en vertu des présentes par le franchisé, y compris, sans s’y restreindre, les redevances initiales et périodiques et les contributions à la publicité et à la promotion, sont réputées constituer du loyer en vertu du contrat de sous-location (et du bail).

[95]        Cette disposition n’est pas inscrite aux articles 19 et 20 du contrat de franchise[59] traitant du défaut ou de la résiliation. Elle est énoncée dans un article autonome distinct qui n’est nullement lié à un cas de défaut ou de résiliation.

[96]        Au surplus, le contrat de sous-location, y compris sa clause 12, figure comme annexe « A » du contrat de franchise. Le contrat de sous-location fait donc partie intégrante de l’entente entre le franchiseur Groupe Café Vienne et les appelantes franchisées, comme le prévoient d’ailleurs les stipulations de l’article 27 du contrat de franchise. Groupe Café Vienne m’apparaît donc liée par la clause 12 du contrat de sous-location, tout comme ses franchisées.

[97]        Café Vienne Canada a donc le droit d’option lui permettant d’exiger que les appelantes lui versent, à titre de loyers, toutes les sommes qu’elles doivent à Groupe Café Vienne en vertu des contrats de franchise. Bien sûr, ce droit pourrait s’exercer en cas de défaut, mais les contrats sont ainsi faits qu’il n’y a aucune condition préalable à l’exercice de ce droit par Café Vienne Canada. Ainsi, à la lecture même des dispositions contractuelles en cause, aucun défaut de la part des appelantes n’est requis et le consentement préalable de Groupe Café Vienne n’est pas nécessaire puisqu’il est déjà énoncé aux contrats de franchise.

[98]        Café Vienne Canada et Groupe Café Vienne peuvent bien rédiger leurs contrats comme elles l’entendent, mais elles sont liées par ceux-ci tels qu’ils se lisent. Elles ne peuvent frustrer leurs créanciers en invoquant des conditions préalables de défaut lorsqu’aucune telle condition préalable n’est effectivement énoncée.

[99]        Un créancier peut exercer au moyen d’une action oblique tous les droits patrimoniaux de son débiteur puisque l’action oblique doit être entendue dans un sens large[60]. Soltron est certes en droit d’exercer par ce moyen le droit d’option de sa débitrice Café Vienne Canada d’exiger que les appelantes lui versent, à titre de loyers, les sommes que Groupe Café Vienne peut leur réclamer en vertu des contrats de franchise.

[100]     Café Vienne Canada refuse d’exercer ce droit d’option. Ce faisant, elle porte préjudice à Soltron, car elle admet qu’elle n’a aucun autre moyen de satisfaire le jugement du 17 octobre 2012 et Soltron n’a aucun autre moyen pour ce faire.

[101]     L’action oblique est nécessaire afin de permettre à Soltron de lever le droit d’option conféré à sa débitrice Café Vienne Canada en vertu de la clause 12 des contrats de sous-location. En effet, tant que cette option n’est pas levée, les appelantes ne peuvent pas verser les redevances de leurs contrats de franchise à Café Vienne Canada mais elles doivent plutôt les verser au Groupe Café Vienne. Ainsi, tant que l’option n’est pas levée, les appelantes ne doivent pas ces redevances à Café Vienne Canada. Si Soltron tente de faire saisir en mains tierces ces redevances avant que l’option soit levée, elles devront alors faire des déclarations négatives.

[102]     Il est donc impératif d’autoriser l’action oblique de Soltron afin de lui permettre de lever l’option. Les conditions de l’action oblique étant toutes satisfaites, un jugement en ce sens devrait donc intervenir.

[103]     L’effet de l’action oblique est prévu à l’article 1630 C.c.Q :  « Les biens recueillis par le créancier [ici, Soltron] au nom de son débiteur [ici, Café Vienne Canada] tombent dans le patrimoine de celui-ci et profitent à tous ses créanciers ». Comme le signalent D. Lluelles et B. Moore[61] :

L’objectif de l’action oblique est d’enrichir […] le patrimoine du débiteur, pour que le créancier puisse réaliser les créances qu’il détient contre lui. L’action oblique se veut donc un préalable d’ordre pratique à la saisie.

[104]     Soltron devra donc procéder à une nouvelle saisie en mains tierces des sommes en cause une fois l’option levée. Il s’agit là d’un aspect technique résultant de l’effet de l’action oblique et des règles du C.p.c. portant sur la saisie en mains tierces. En effet, selon l’article 625 de l’ancien C.p.c., la saisie-arrêt ne porte que sur les sommes que le tiers-saisi « doit au débiteur ou qu’il aura à lui payer ». L’article 711 du nouveau C.p.c. est au même effet, le tiers-saisi devant déclarer « le montant, la cause et les modalités de toute dette qu’il a ou qu’il pourrait avoir envers le débiteur au moment de sa déclaration ». Dans ce cas-ci, les appelantes ne devront à Café Vienne Canada les redevances dues en vertu de leurs contrats de franchise qu’à compter de la levée, par le biais de l’action oblique, de l’option prévue à la clause 12 des contrats de sous-location.

[105]     Je condamnerais Café Vienne Canada et Groupe Café Vienne aux frais de justice sur l’appel incident. Par contre, il n’y aurait aucune condamnation aux frais de justice sur l’appel incident à l’égard des appelantes.

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 



[1]     Jugement de première instance, par. 52. 

[2]     Ibid., par. 54. 

[3]     Ibid., par. 59-63. 

[4]     À titre d’exemple, l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), la disposition générale d’anti-évitement fiscal.

[5]     Art. 1870 C.c.Q. 

[6]     Jacques Deslauriers, Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2013, p. 465, n°1384; Pierre-Gabriel Jobin, Le louage, 2e éd., Cowansville (Québec), Les Éditions Yvon Blais, 1996, p. 64, n°19; Bernard Larochelle, Le louage immobilier non résidentiel, 2éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2007, p. 55, n°135.

[7]     J. Deslauriers, supra, note 6, p. 476, n°1425. 

[8]     P.-G. Jobin, supra, note 6, p. 79, n°24; B. Larochelle, supra, note 6, p. 56, n°136. 

[9]     P.-G. Jobin, supra, note 6, p. 76, n°22. 

[10]    Développement Duken c. 169134 Canada inc., [1997] R.D.I. 119 (C.S. Qué.); De Santis c. Beaulieu, SOQUIJ AZ-50109198 (C.Q.); 9017-2842 Québec inc. c. Farner, SOQUIJ AZ-50114891 (C.Q.); SP Holdings Canada Inc. c. Screen People Inc., 2006 QCCQ 5751; Pitre c. Fortier, 2007 QCCQ 320; Complex Jean-Talon West Inc. c. Services Bourdon Juteau inc., 2010 QCCS 5595; Boko c. Entreprises Woodstock inc., 2011 QCCQ 953; Construction Blanchard et Frères (1994) inc. c. 9135-9505 Québec inc., 2014 QCCS 45; Salvatore c. Vargas, 2015 QCCQ 6958

[11]    Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice - Le Code civil du Québec, t. 2, Québec, Les Publications du Québec, 1993. 

[12]    Pierre-Basile Mignault, Le droit civil canadien basé sur les « Répétitions écrites sur le Code civil » de Frédéric Mourlon avec revue de la jurisprudence de nos tribunaux, t. 7, Montréal, Wilson & Lafleur, 1906, p. 321-322; Léon Faribault, Traité de droit civil du Québec : Du louage, t. 12, Montréal, Wilson & Lafleur, 1951, p. 208-209; Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 2e éd., Montréal, Les Éditions Thémis, 2012, p. 1746, n°2836. 

[13]    Tous les auteurs français consultés qualifient l’action du bailleur contre le sous-locataire prévue à l’article 1753 d’« action directe » : Philippe Malaurie, Laurent Aynès et Philippe Stoffel-Munck, Les obligations, 5e éd., Paris, Lextenso Éditions, 2011, p. 442, n°846; Jacques Flour, Jean-Luc Aubert, Yvonne Flour et Éric Savaux, Droit civil : Les obligations, vol. 3, 4e éd., Paris, Dalloz, 2006, p. 74, n°98; François Terré, Philippe Simler et Yves Lequette, Droit civil : Les obligations, 9e éd., Paris, Dalloz, 2005, p. 1134, n°1189; Jean Carbonnier, Droit civil : Les biens, Les obligations, Paris, Presses Universitaires de France, 2004, p. 2530, n°1282; Gabriel Marty et Pierre Raynaud, Droit civil : Les obligations, t. 2, vol. 1, Paris, Sirey, 1962, p. 716, n°693. L. Faribault, supra, note 12, p. 208-209, écrit qu’« en France, le locateur principal n’a une action directe contre le sous-locataire que lorsqu’il est intervenu dans le sous-bail, autrement il ne peut exercer qu’une action oblique. »  Il faut nuancer ces propos. C. de Lorimier dans son ouvrage La bibliothèque du Code civil de la province de Québec, vol. 13, Montréal, Cadieux & Derome, 1885, p. 240, cite Troplong, Louage, n°548, qui dit clairement que le droit français a toujours donné au propriétaire contre le sous-locataire une action directe et personnelle. Aux p. 233-234, il cite encore Troplong, Louage, n°538, qui dit qu’il est faux d’affirmer que sans l’art. 1753 du Code civil et l’art. 820 du Code de procédure civile, le bailleur n’aurait aucune action directe contre les sous-preneurs et qu’il serait réduit à l’art. 1166 du Code civil puisque le recours direct du bailleur contre les sous-locataires est bien antérieur au Code civil. C’est pour l’exécution des obligations autres que le prix du loyer que l’ancienne jurisprudence française était d’avis que le bailleur primitif ne pouvait agir contre le sous-locataire que par la voie de l’action oblique. La jurisprudence actuelle a étendu cette action directe, mais il n’y a pas lieu de traiter plus à fond cette question pour les fins de cet appel : JurisClasseur Code civil, v° Art. 1708 à 1762, fasc. 236 par Béatrice Vial-Pedroletti, n°49 et 50. 

[14]    France Allard et al., Dictionnaire de droit privé et lexiques bilingues : Les obligations, Cowansville (Québec), Les Éditions Yvon Blais, 2003, sub verbo « action directe »; F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, supra, note 13, p. 1131, n°1187; J. Flour, J.-L. Aubert, Y. Flour et É. Savaux, supra, note 13, p. 73, n°98. 

[15]    J. Carbonnier, supra, note 13, p. 2530, n°1282. 

[16]    En droit québécois, voir Complex Jean-Talon West Inc. c. Services Bourdon Juteau inc., supra, note 10, par. 47-49 : la garantie prévue à l’article 1874 C.c.Q. est « analogue aux dispositions de la saisie en mains tierces ». En droit français, voir F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, supra, note 13, p. 1133, n°1188 : « une plus grande parenté existe entre l’action directe dite imparfaite et la saisie-attribution (L. 9 juillet 1991), les conditions d’exercice restant cependant différentes ».

[17]    F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, supra, note 13, p. 1139, n°1193 ; G. Marty et P. Raynaud, supra, note 13, p. 717, n°694. 

[18]    F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, supra, note 13, p. 1136, n°1190 : « L’action directe est dite imparfaite [tel est le cas de l’action directe du bailleur] lorsque le tiers n’est obligé envers le bénéficiaire que par l’effet de la demande de paiement direct qui lui est adressée. »; Christophe Jamin, La notion d’action directe, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1991, p. 332, n°375 : « Une fois le droit propre du titulaire de l’action directe mis en œuvre, celui-ci devient créancier du sous-débiteur. À l’égard de ce dernier, l’action directe joue le rôle d’une novation par changement de créancier, le débiteur intermédiaire étant évincé. Comme pour la saisie-arrêt ayant fait l’objet d’un jugement de validité, le sous-débiteur cesse d’être le débiteur du débiteur intermédiaire pour ne plus être que celui du créancier titulaire de l’action. C’est donc de la créance du débiteur intermédiaire sur le sous-débiteur, telle qu’elle pouvait se présenter au moment de la reconnaissance de l’action, dont dispose celui-ci. » 

[19]    P.-G. Jobin, supra, note 6, p. 186-187, n°67 : « Le recours en paiement peut être intenté le lendemain de l’échéance d’un terme de loyer. En effet, le jour de l’échéance est inclus dans le terme et le locataire a jusqu’à la fin de ce jour pour acquitter sa dette. » Cela rejoint la condition d’exercice commune à toutes les actions directes selon laquelle la créance du poursuivant doit être exigible : G. Marty et P. Raynaud, supra, note 13, p. 717, n°694. Au sujet des conditions d’exercice des actions directes en paiement, voir C. Jamin, supra, note 18, p. 359-360, n°408. 

[20]    F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, supra, note 13, p. 1140, n°1193 : « Ainsi est-il proposé d’exiger que, comme dans le cas de l’action oblique, le débiteur principal soit insolvable ou du moins défaillant. » 

[21]    C. Jamin, supra, note 18, p. 332, n°375. 

[22]    Ibid., p. 181-182, n°197.

[23]    D. Lluelles et B. Moore, supra, note 12, p. 1745-1746, n°2835. Voir aussi : F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, supra, note 13, p. 1131, n°1187; J. Carbonnier, supra, note 13, p. 2531, n°1282;  G. Marty et P. Raynaud, supra, note 13, p. 720, n°697.

[24]    F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, supra, note 13, p. 1136, n°1190, soulignement ajouté. 

[25]    C. Jamin, supra, note 18, p. 322, n°367. Voir aussi G. Marty et P. Raynaud, supra, note 13, p. 719, n°697 : « Le poursuivant ne pourrait donc se voir opposer un paiement, une compensation ou une cession de créance réalisés après qu’il a pris l’initiative d’agir; on dit parfois que l’exercice de l’action directe entraîne une immobilisation de la créance du débiteur intermédiaire comparable à celle qui résulte de la saisie-arrêt. De même, si d’autres créanciers avaient pratiqué une saisie-arrêt entre les mains du débiteur défendeur à l’action directe, cette saisie serait inopposable au poursuivant si celui-ci avait agi avant le jugement de validité. D’ailleurs seraient également inopposables au poursuivant les paiements antérieurs à son action s’ils avaient été faits de mauvaise foi (art. 37-2° de la loi du 13 juill. 1930), et l’article 1753 déclare inopposables au bailleur les paiements faits par anticipation au locataire principal par le sous-locataire ». Voir aussi F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, supra, note 13, p. 1141, nº 1195.

[26]    D. Lluelles et B. Moore, supra, note 12, p. 1953-1954, n°3108; Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Les obligations, 7e éd., Cowansville (Québec), Les Éditions Yvon Blais, 2013, p. 1247, n°1010 : « La délégation de paiement […] résulte d’un rapport juridique établi entre trois parties, en l’occurrence le délégataire (créancier), le délégant (débiteur initial) et le délégué (nouveau débiteur). ». 

[27]    Maurice Tancelin, Des obligations en droit mixte du Québec, 7e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2009, p. 908, n°1318. 

[28]    F. Allard et al., supra, note 14, sub verbo « délégation parfaite »; D. Lluelles et B. Moore, supra, note 12, p. 1959-1960, n°3115; J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 26, p. 1261-1262, n°1027. 

[29]    Jean Pineau, Danielle Burman et Serge Gaudet, Théorie des obligations, 3e éd., Montréal, Les Éditions Thémis, 1996, p. 722-723, n°519. 

[30]    F. Allard et al., supra, note 14, sub verbo « délégation imparfaite »; D. Lluelles et B. Moore, supra, note 12, p. 1959, n°3114; J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 26, p. 1262-1264, n°1028; J. Pineau, D. Burman et S. Gaudet, supra, note 29, p. 722, n°518.

[31]    D. Lluelles et B. Moore, supra, note 12, p. 1954, n°3108. 

[32]    J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 26, p. 1257, n°1022. 

[33]    D. Lluelles et B. Moore, supra, note 12, p. 1961, n°3118. 

[34]    M. Tancelin, supra, note 27, p. 909, n°1321. 

[35]    D. Lluelles et B. Moore, supra, note 12, p. 1960-1961, n°3117; M. Tancelin, supra, note 27, p. 910, n°1321; J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 26, p. 1257, n°1023 : « Tel que le souligne l’article 1667 C.c.Q., l’engagement personnel du délégué constitue une condition essentielle de la délégation de paiement, sans quoi il ne saurait y avoir qu’une simple indication de paiement. » 

[36]    À ce sujet, voir D. Lluelles et B. Moore, supra, note 12, p.1962-1963, n°3119-3120 et p. 1968, n°3128, et les références citées. Voir aussi J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 26, p. 1258-1260, n°1024. 

[37]    M. Tancelin, supra, note 27, p. 909-910, n°1321. 

[38]    D. Lluelles et B. Moore, supra, note 12, p. 1960, n°3116. Au sujet de l’absence de formalités d’opposabilité en matière de délégation de paiement, voir ibid., p. 1965, n°3125. Voir aussi J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 26, p. 1260-1261, n°1025. 

[39]    F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, supra, note 13, p. 1364, n°1443.

[40]    Art. 1668 C.c.Q.; J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 26, p. 1259, n°1024 : « [I]l est toujours essentiel d’obtenir un consentement clair du créancier-délégataire quant à son intention de libérer le délégant, ce qui s’explique du fait qu’il renonce alors à son droit de créance contre son débiteur initial et que sa situation est alors moins avantageuse que dans le cas du simple ajout d’un débiteur. Le législateur précise d’ailleurs qu’à défaut de dégager une telle intention, il faut conclure à l’existence d’une délégation imparfaite (art. 1668 C.c.Q.), une règle qui fait écho à la nécessité d’une intention claire des parties dans le contexte de la novation (art. 1661 C.c.Q.) ». 

[41]    D. Lluelles et B. Moore, supra, note 12, p. 1963, n°3122 et 3123. 

[42]    Ibid., p. 1973-1974, n°3141.  En France, la thèse de l’extinction immédiate de la créance du délégant contre le délégué à la suite de l’engagement que ce dernier a pris envers le délégataire a été clairement rejetée par la Cour de cassation (Cass. com., 16 avr. 1996, n°94-14618). Cette thèse est, en effet, « inacceptable au plan des concepts » : JurisClasseur Notarial Répertoire, v° Contrats et obligations, fasc. 104 par Philippe Simler, n°65. 

[43]    Voir, toutefois, Construction Blanchard et Frères (1994) inc. c. 9135-9505 Québec inc., supra, note 10, par. 27-33.  Dans cette affaire, un créancier du locataire soutenait que la sous-location était un bail en soi qui rendait la locataire créancière d’un loyer de sous-location payable par la sous-locataire, tierce-saisie. Cependant, cet argument faisait abstraction du contrat de sous-location signé entre les parties, auquel était intervenu le propriétaire de l’immeuble, qui contenait une stipulation particulière prévoyant que la sous-locataire avait l’obligation de payer le loyer directement au propriétaire de l’immeuble. Le juge Charles Ouellet a dit qu’il n’était pas convaincu que la sous-locataire devait du loyer à la locataire au sens de l’article 625 de l’ancien C.p.c., ni qu’elle aurait à lui en payer par la suite. Il a en conséquence rejeté la requête du créancier en contestation de la déclaration négative de la sous-locataire, tierce-saisie. 

[44]    Voir, toutefois, D. Lluelles et B. Moore, supra, note 12, p. 1974, n°3141 : « Mais cette créance [du délégant contre le délégué] ne pourrait normalement s’exercer tant que le délégué est tenu envers le délégataire. S’il ne l’est plus - par prescription ou autrement -, la créance du délégant redevient « disponible ». ». 

[45]    Cass. com., 14 févr. 2006, n°03-17.457. En ce sens, voir aussi Cass. com., 16 avr. 1996, n°94-14618 : « si la créance du délégant sur le délégué s’éteint, non pas du fait de l’acceptation par le délégataire de l’engagement du délégué à son égard, mais seulement par le fait de l’exécution de la délégation, ni le délégant ni ses créanciers, ne peuvent, avant la défaillance du délégué envers le délégataire, exiger paiement; […] il en résulte que la saisie-arrêt effectuée entre les mains du délégué par les créanciers du délégant ne peut avoir pour effet de priver le délégataire, dès son acceptation, de son droit exclusif à un paiement immédiat par le délégué, sans concours avec les créanciers saisissants ». À ce sujet, voir F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, supra, note 13, p. 1366-1368, n°1447. 

[46]    Selon P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck, supra, note 13, p. 798, n°1472 (note en bas de page n°59), cet arrêt rompt avec un aspect d’une précédente décision (Cass. com., 29 avr. 2002, n°99-15.072) qui avait laissé perplexe. 

[47]    Philippe Simler, « L’énigmatique sort de l’obligation du délégué envers le délégant tant que l’opération de délégation n’est pas dénouée » dans Mélanges offerts à Jean-Luc Aubert, Paris, Dalloz, 2005, 295 à la p. 301 : « Si la créance initiale du délégant contre le délégué ne peut être considérée comme éteinte du seul fait de la délégation, faute d’animus novandi, l’opération n’a de sens que par le changement qu’elle réalise. Mais toute nouveauté n’est pas novation. Le délégant n’a pu vouloir une chose (déléguer son débiteur à son créancier) et son contraire (conserver ses droits sur le délégué). S’il n’a pas entendu éteindre sa créance, il aura du moins nécessairement renoncé à en exiger le paiement. Sauf preuve d’une fraude, cette situation doit être considérée comme opposable aux tiers. » Voir aussi P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck, supra, note 13, p. 798, n°1472 : « À l’égard des tiers (autres cessionnaires de la créance, créancier du cédant pratiquant une saisie-attribution…), la cession de créance produit ses effets à la date de la signification ou de l’acceptation par acte authentique. La délégation, qui n’est soumise à aucune formalité de publicité, devient opposable aux tiers et produit ses effets au moment où le délégataire accepte l’engagement du délégué. Par conséquent, les tiers doivent non seulement admettre la naissance du droit du délégataire à cette date, mais encore considérer que la créance contre le délégué est en quelque sorte mise en suspens dans le patrimoine du délégant, oblitérée par la délégation : une cession de cette créance signifiée postérieurement, ou une saisie-attribution seront a priori inefficaces ».

[48]    P. Simler, supra, note 47, p. 307-308 : « Par conséquent, si l’on veut bien reconnaître que le délégant aura renoncé à sa créance contre le délégué sous la condition résolutoire de l’inexécution par ce dernier de son obligation envers le délégataire et ne reste, dès lors, créancier que sous condition suspensive, cette créance ne peut faire l’objet ni d’une saisie-attribution, comme l’a jugé la Chambre commerciale le 16 avril 1996, ni d’un avis à tiers détenteur, contrairement à ce qu’a admis la même Chambre commerciale le 29 avril 2002. Ladite créance doit en effet être considérée comme sortie du patrimoine du délégant. Le fait qu’elle soit, le cas échéant, susceptible d’y revenir, par l’effet de la réalisation de la condition suspensive affectant la renonciation n’en fait, au mieux, qu’une créance éventuelle, non saisissable ».

[49]    JurisClasseur Notarial Répertoire, v° Contrats et obligations, fasc. 104 par Philippe Simler, n°65.

[50]    Art. 1627 C.c.Q.

[51]    F. Allard et al., supra, note 14, sub verbo « action oblique ». 

[52]    J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 26, p. 1097, n°890; D. Lluelles et B. Moore, supra, note 12, p. 1735, n°2821 : « L’objectif de l’action oblique est d’enrichir - d’un point de vue concret, s’entend - le patrimoine du débiteur, pour que le créancier puisse réaliser les créances qu’il détient contre lui. L’action oblique se veut donc un préalable d’ordre pratique à la saisie ».

[53]    Art. 1627 et 1628 C.c.Q.; J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 26, p.1088-90, n°882.

[54]    J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 26, p. 1090 et p. 1092-93, n°883 et 886.

[55]    Art. 1627 C.c.Q.; J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 26, p. 1090-91, n°884.

[56]    Art. 1627 C.c.Q.; J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 26, p. 1087-88, n°881.

[57]    Jugement de première instance, par. 9; réponse des appelantes à l’appel incident, par. 18-21; exposé conjoint de Café Vienne Canada et Groupe Café Vienne, par. 24-25.

[58]    La numérotation des articles peut varier selon les contrats de franchise en cause, mais tous ces contrats contiennent des dispositions identiques.

[59]    Ibid.

[60]    J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 26, p. 1092-93, n°886 : « Cela dit, le créancier peut également exercer au nom de son débiteur d’autres droits qui ne se situent pas nécessairement dans le contexte d’une instance judiciaire. Ainsi, il peut faire inscrire un droit dont son débiteur est détenteur, accepter ou renoncer à une succession en son nom, assister à un partage, y intervenir et même parfois demander celui-ci, exercer une faculté de rachat, exiger les préavis prévus par la loi. L’expression « action oblique » doit donc être entendue dans un sens large ».

[61]    D. Lluelles et B. Moore, supra, note 12, p. 1735, n° 2821; voir aussi J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 26, p. 1097, n° 890.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.