Décision

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Décision

Hudon c. Thibault-Lanthier

2019 QCRDL 1570

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Joliette

 

No dossier :

429970 29 20181128 G

No demande :

2637821

 

 

Date :

16 janvier 2019

Régisseure :

Linda Boucher, juge administrative

 

Cindy Hudon

 

Denis Côté

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Geneviève Thibault-Lanthier

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Il s’agit d’une demande des locateurs qui réclament la résiliation du bail, l’exécution provisoire de la décision nonobstant l’appel et la condamnation de la locataire aux frais judiciaires.

Absence de la locataire à l’audience

[2]      D’emblée, la locatrice annonce au tribunal que la locataire ne sera pas présente à l’audience.

[3]      Elle fait entendre un premier message du conjoint de celle-ci qui fait état d’une entente à venir par le biais de leur représentant immobilier et annonçant que la locataire ne serait pas présente à l’audience.

[4]      Or, explique la locatrice, bien que la maison en question ait été sur le marché de la vente, elle ne l’est plus et il n’y a aucune démarche entre les parties pour la vente de la maison à la locataire.

[5]      Le jour même de l’audience, la locatrice reçoit un courriel de la locataire qu’elle fait lire à la soussignée.  Cette fois, celle-ci annonce son absence devant le tribunal parce que la voiture qui devait servir à l’y conduire a perdu une roue.

[6]      Or, déclare la locatrice, elle est passée devant la maison louée par la locataire la veille et la voiture en question arborait ses quatre roues.

[7]      Quoi qu’il en soit, en l’absence d’une demande de remise formulée par la locataire, le tribunal procède à entendre la cause.

Le bail

[8]      Il appert que les parties sont liées par un bail du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2019 au loyer mensuel de 1 100 $.


[9]      Les lieux loués sont constitués d’une maison et du terrain qui l’entoure.

La question en litige

[10]   La locataire a-t-elle modifié la forme des lieux loués, les garde-t-elle encombrés et use-t-elle des lieux loués avec prudence et diligence?

Les faits

[11]   La locatrice, à l’aide de photographies, démontre qu’elle a livré les lieux loués à la locataire en très bon état.

[12]   La maison était propre, coquette et décorée avec goût.

[13]   Or, en quelques mois à peine, la locataire a littéralement transformé la maison et l’a encombrée, de même que le terrain.  Il ne reste rien de la maison et du terrain si bien tenus.

[14]   Une série de photographies démontre l’état de dégradation avancée des lieux loués.

[15]   La locataire, à l’insu des locateurs, a abattu des murs porteurs, retiré un couvre-plancher pour laisser le plancher sur le bois, posé un recouvrement de bardeau sur un mur, retiré ou coupé des poutres de soutien.

[16]   Elle a installé un poêle à bois et s’en est servi alors que la maison est dépourvue de cheminée.

[17]   La fumée s’est donc répandue dans l’entre toit causant un risque certain d’incendie qui a motivé l’intervention du service des incendies et l’émission d’un avertissement.

[18]   Les détecteurs de fumées ont été débranchés, probablement parce que l’usage du poêle à bois les faisait déclencher, ce qui a aussi été l’objet d’un avis du service des incendies.

[19]   Sur la terrasse de bois, la locataire a posé un toit et des murs faits de bâches de plastique et a installé un foyer dont elle s’est servie risquant d’incendier toute la structure.

[20]   Dans la maison, les pièces sont encombrées à un point tel que le chauffage ne fonctionne pas correctement parce que les plinthes sont obstruées ce qui cause un risque d’incendie.

[21]   De plus, un cadre décoratif a été vissé dans une fenêtre qui, du coup, ne peut plus être ouverte, ce qui prive les occupants d’une sortie de secours.

[22]   À l’extérieur, le terrain avant et arrière est jonché de matériaux de construction et de débris.

[23]   La locatrice craint pour l’intégrité de sa maison et anticipe devoir débourser des milliers de dollars pour réparer les dégâts que la locataire a déjà infligés à sa propriété.

[24]   Malgré une mise en demeure du 6 novembre 2018 enjoignant la locataire de remettre les lieux en état, rien n’a été fait.

[25]   Dans un échange de courriels entre les parties, il apparaît clairement que la locataire a de la difficulté à payer son loyer et qu’elle ne sera pas en mesure de remettre la maison en état.

[26]   Ainsi peut-on résumer la preuve.

Le droit

[27]   Les articles 1855, 1856, 1862, 1864, 1866, 1890 du Code civil du Québec sont pertinents au présent litige, ils se lisent comme suit :

« 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence. »

« 1856. Ni le locateur ni le locataire ne peuvent, au cours du bail, changer la forme ou la destination du bien loué. »

« 1862. Le locataire est tenu de réparer le préjudice subi par le locateur en raison des pertes survenues au bien loué, à moins qu'il ne prouve que ces pertes ne sont pas dues à sa faute ou à celle des personnes à qui il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.

Néanmoins, lorsque le bien loué est un immeuble, le locataire n'est tenu des dommages-intérêts résultant d'un incendie que s'il est prouvé que celui-ci est dû à sa faute ou à celle des personnes à qui il a permis l'accès à l'immeuble. »

« 1864. Le locateur est tenu, au cours du bail, de faire toutes les réparations nécessaires au bien loué, à l'exception des menues réparations d'entretien; celles-ci sont à la charge du locataire, à moins qu'elles ne résultent de la vétusté du bien ou d'une force majeure.


« 1866. Le locataire qui a connaissance d'une défectuosité ou d'une détérioration substantielles du bien loué, est tenu d'en aviser le locateur dans un délai raisonnable. »

« 1890. Le locataire est tenu, à la fin du bail, de remettre le bien dans l'état où il l'a reçu, mais il n'est pas tenu des changements résultant de la vétusté, de l'usure normale du bien ou d'une force majeure.

L'état du bien peut être constaté par la description ou les photographies qu'en ont faites les parties; à défaut de constatation, le locataire est présumé avoir reçu le bien en bon état au début du bail. »

[28]   La preuve démontre que la locataire, non seulement n’use pas des lieux loués avec prudence et diligence, elle a agi de sorte que la structure même de la maison est menacée par le retrait d’éléments porteurs.

[29]   De plus, la façon dont elle occupe la maison en l’encombrant, en condamnant une fenêtre mais surtout en ayant utilisé un poêle à bois alors que la maison est dépourvue de cheminée démontre de l’irresponsabilité et une désinvolture susceptible de mettre en péril les lieux loués et ses occupants.

[30]   En quelques mois à peine, elle a transformé, voire détruit, les lieux loués alors qu’elle n’a manifestement pas les moyens de procéder aux réparations qui s’imposent à présent.  Sans obtenir l’autorisation des locateurs, elle s’est permis d’abattre murs et poutres de soutien menaçant la structure même de la maison.

[31]   Et que dire de la désactivation des détecteurs de fumée?  Et de l’état du terrain et de la décision de faire des feux sur une terrasse en bois?

[32]   Cela relève de l’irresponsabilité et d’une insouciance déréglée.

[33]   En l’instance, les locateurs sont bien fondés de se prévaloir de l’article 1863 du Code civil du Québec pour demander la résiliation du bail.

[34]   La présence de la locataire dans les lieux loués constitue une menace pour les biens des locateurs, mais aussi pour la santé et la sécurité des occupants.

[35]   Le préjudice causé aux locateurs justifie l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[36]   RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;

[37]   ORDONNE l'exécution provisoire immédiate, malgré l'appel, de l'ordonnance d'expulsion;

[38]   CONDAMNE la locataire à payer aux locateurs les frais judiciaires de 85 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Linda Boucher

 

Présence(s) :

la locatrice

Date de l’audience :  

14 janvier 2019

 

 

 


 

AVIS :
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