Décision

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Champagne c. Québec (Sous-ministre du Revenu)

2012 QCCQ 1710

JM1499

 
 COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-HYACINTHE

LOCALITÉ DE SAINT-HYACINTHE

« Chambre civile »

 

 

N° :

750-80-001230-103

 

 

 

DATE :

 8 MARS 2012

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE YVES MORIER, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

CHANTALE CHAMPAGNE

Demanderesse - appelante

c.

SOUS-MINISTRE DU REVENU

            Défendeur - intimé

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           La demanderesse en appel d'une décision sur opposition du sous-ministre du Revenu du 7 juin 2010, qui rejette l'opposition de la demanderesse et confirme que les cotisations 2007 et 2008 qu'elle a reçues furent établies conformément aux dispositions de la Loi sur les impôts (L.R.Q. c. I-3) en ce que les bénéfices tirés de l'aliénation de l'immeuble situé au […] à Acton Vale en 2007 et de l'immeuble situé au 300, rue Daniel à Drummondville en 2008 constituent des revenus d'entreprise qui doivent être inclus dans le calcul du revenu de la demanderesse selon les articles 1 , 28 , 80 et suivants de la Loi sur les impôts du Québec.

QUESTION EN LITIGE

[2]           Est-ce qu'en achetant et en vendant ces deux immeubles, l'appelante a réalisé des profits assimilables à des « revenus d'entreprise » imposables à ce titre?

LES FAITS

[3]           Il ressort d'abord de la preuve que c'est le produit d'assurance-vie d'un fils décédé accidentellement le 12 octobre 2006 qui a permis à la demanderesse d'acheter comptant l'immeuble situé au […] à Acton Vale pour lui servir de résidence principale.

[4]           La revente de cet immeuble en 2007, même si elle lui fut profitable, fut faite dans le but légitime de ne plus avoir à s'imposer le rappel de l'accident mortel de ce fils, car elle devait passer quotidiennement sur les lieux de cet accident mortel pour se rendre à sa résidence.

[5]           Elle ne pouvait prévoir que ce rappel dudit accident lui serait aussi insupportable au moment de l'achat de cette résidence et l'intimé ne peut lui reprocher, comme il le fait, que l'appelante aurait dû prévoir cet état de fait avant l'achat de cette résidence, reproche qui est inacceptable en pareilles circonstances.

[6]           L'appelante explique également avoir vendu l'immeuble de la rue Daniel à Drummondville pour se rapprocher du travail de son autre fils avec qui elle désirait cohabiter et avec qui elle continue de vivre présentement dans une autre résidence située à Acton Vale, où elle n'a pas à retourner sur les lieux de l'accident mortel de son fils et où son autre fils peut aller travailler à pied.

[7]           Ses rénovations apportées auxdits immeubles n'avaient généralement pour but premier que son mieux-être dans son lieu d'habitation, notamment par une meilleure isolation de l'immeuble du […] à Acton Vale.

[8]           Incapable de faire ses paiements hypothécaires à cause de son faible revenu, elle a finalement vendu la résidence qu'elle habite présentement avec son fils à Acton Vale et vit maintenant de l'aide sociale.

ANALYSE

[9]           Les motifs d'acquisition et de revente des immeubles concernant les cotisations en litige sont très bien expliqués par la demanderesse - appelante, comme étant adaptés aux circonstances d'une vie tumultueuse et ballottée par les événements d'une mère monoparentale qui a aussi perdu un jeune fils en 2006 et désire vivre en cohabitation avec son autre fils afin de ne pas demeurer seule.

[10]        Les explications de la demanderesse - appelante quant aux circonstances d'achat et de vente de ces deux immeubles sont plus que vraisemblables et totalement crédibles et je crois la demanderesse qui a témoigné de façon claire et cohérente et qui est apparue complètement sincère dans toutes ses réponses devant la Cour.

« Les Tribunaux ont élaboré certains critères pour déterminer si une transaction constitue un projet comportant un risque ou une affaire à caractère commercial. De façon générale, ces critères peuvent être regroupés sous trois thèmes principaux :

a)         la conduite du contribuable.

b)         la nature du bien en cause.

c)         l'intention du contribuable. »[1]

[11]        En l'espèce, ce sont les différentes situations de vie telles que relatées par la demanderesse qui l'ont amenée à acquérir et à se départir de ses propriétés qui constituaient pour elle sa résidence principale avec des commodités de base et sans luxe pour des immeubles acquis à faibles prix sans grande valeur marchande et cela à même les produits d'une assurance-vie.

[12]        C'est ainsi que ballottée par le tourbillon et les aléas de la vie, ces pérégrinations ont amené la demanderesse à vivre maintenant de l'aide sociale.

[13]        La demanderesse - appelante, vivant séparée d'un conjoint et mère monoparentale, ayant la garde d'enfants et des besoins changeants en terme de résidence familiale, ayant perdu un fils dans un accident de la route, ne désirant pas demeurer seule, mais plutôt en compagnie d'un autre de ses fils, qui fait l'acquisition d'immeubles vétustes et/ou ayant peu de valeur selon ses faibles moyens financiers afin d'y établir sa résidence principale, est loin d'être un promoteur immobilier et ne peut être assimilée à une entreprise de construction ou de rénovation possédant l'intention légitime de réaliser un bénéfice avec un projet comportant un risque d'affaire à caractère commercial.

[14]        La demanderesse - appelante est plutôt une personne instable et troublée par les vicissitudes de la vie. Elle n'avait aucun plan d'affaires, pas de bureau, pas de carte professionnelle et n'avait manifestement aucune intention d'exploiter une entreprise, ses intentions étant toutes autres.

[15]        La finalité des transactions immobilières pour lesquelles l'intimé réclame des impôts comme « revenus d'entreprise » à la demanderesse - appelante était pour d'autres buts qu'à des fins commerciales.

[16]        Ces transactions ne peuvent, en conséquence, pas être considérées par l'intimé comme des « revenus d'entreprise » cotisables.

[17]        Le Tribunal conclut comme dans l'affaire Fletcher c. La Reine [2] que l'appelante n'a pas acheté les immeubles dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise en disant que ce sont les circonstances de la vie qui ont mené à la disposition de ces deux immeubles qui avaient été achetés et furent habités comme des résidences principales par la demanderesse - appelante.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[18]        ACCUEILLE l'appel de la demanderesse;

[19]        ANNULE la décision du ministre du Revenu du Québec de confirmer les cotisations portant les numéros MP993305C01 et MP005816C01 émises le 16 novembre 2009 respectivement pour les années 2007 et 2008;

[20]        DÉCLARE invalides les cotisations portant les numéros MP993305C01 et MP005816C01 émises le 16 novembre 2009 respectivement pour les années 2007 et 2008;

[21]        LE TOUT avec dépens.

 

 

__________________________________

YVES MORIER, J.C.Q.

 

 

LINDSAY, LÉVESQUE

Me Yolaine Lindsay

Procureure de la demanderesse

 

LARIVIÈRE MEUNIER

Me Michel Rossignol

Procureur du défendeur

 

 

Date d’audience :

Le 6 février 2012

 



[1] Gilles Brière c. Le sous-ministre du Revenu du Québec, [2011], QCCQ 337

[2] [2002] CanlII 1133 (CCI)

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