Décision

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Modèle de décision CLP - octobre 2008

Arnaud et Allianz Madvac international inc.

2012 QCCLP 3470

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

St-Hyacinthe

25 mai 2012

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

416718-62B-1007

 

Dossier CSST :

136076270

 

Commissaire :

Jean-Marc Dubois, juge administratif

 

Membres :

Nicole Généreux, associations d’employeurs

 

Noëlla Poulin, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Sébastien Arnaud

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Allianz Madvac International inc. (F)

 

et

 

Price Waterhouse Coopers inc. Syndic

 

Parties intéressées

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 30 juillet 2010, monsieur Sébastien Arnaud (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 18 juin 2010 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 15 mars 2010 et déclare irrecevable la réclamation présentée par le travailleur le 5 février 2010 concernant un événement survenu le 25 août 2008.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[3]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer recevable la réclamation qu’il a produite le 5 février 2010, qu’il a subi une lésion professionnelle le 16 juin 2009 et qu’il a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[4]           Le travailleur est présent et représenté à l’audience tenue à Saint-Hyacinthe, le 1er mars 2012. L’entreprise de l’employeur ayant déclaré faillite est représentée par Price Waterhouse inc., syndic de faillite qui est absent à l’audience.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Les membres issus des associations d’employeurs et des associations de travailleurs partagent l’avis qu’il y a lieu de reconnaître que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 16 juin 2009.

[6]           Les membres considèrent que dans la présente instance, le délai de réclamation du travailleur doit être computé à compter du moment où est né son intérêt de produire une telle réclamation.

[7]           Les membres s’entendent à l’effet que, pour le travailleur, cet intérêt s’est manifesté au moment où il a été informé par son médecin de l’existence d’une relation entre sa lésion et son travail et de la nécessité de subir une intervention.

[8]           Les membres partagent unanimement l’avis que la crédibilité du travailleur ne peut être mise en doute.

[9]           Pour les membres, la preuve permet d’appliquer en faveur du travailleur les bénéfices de la présomption édictée à l’article 28 de la loi puisque tous les critères qui sont prévus à cet article sont présents.

[10]        Les membres sont également unanimes pour conclure que malgré le temps écoulé entre les événements décrits et la production de la réclamation, il n’en reste pas moins que le jour même de la survenance de la lésion, le travailleur a avisé l’employeur qui lui a d’ailleurs permis d’aller consulter un médecin.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[11]        La Commission des lésions professionnelles doit d’abord décider de la recevabilité de la réclamation du travailleur et si il y a lieu, déterminer si la lésion au genou droit du travailleur revêt un caractère professionnel au sens de l’article 2 de la loi qui définit ainsi la lésion professionnelle :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[12]        Allianz Madvac International inc. (l’employeur) est une entreprise d’assemblage de balayeuses de rues pour le compte de plusieurs municipalités américaines et canadiennes.

[13]        À compter du 16 septembre 2005, le travailleur y occupe un poste d’assembleur sur un horaire de travail totalisant 39.5 heures par semaine.

[14]        Dans l’exercice de ses fonctions, il est appelé à assembler des pièces en dessous des camions, ce qui l’oblige à travailler la majorité du temps en position accroupie.

[15]        Un rapport interne d’accident daté du 25 août 2008 est complété par le contremaître du travailleur, monsieur Antoine Abbeloos, indique ce qui suit:

En se penchant pour localiser pièces sur tablettes au sol. Pièces lourdes (28 lbs +)…

Douleur genoux gauche. Difficulté à plier ou mettre poids dessus.

Glace plusieurs fois durant journée.

 

[16]         Sur ce formulaire, on note la directive suivante :

L’employeur doit faire signer le registre par le travailleur si celui-ci n’est pas absent au-delà de la journée au cours de laquelle il a été blessé ou a subi un malaise.

 

 

[17]        Ce formulaire qui confirme que l’employeur a été avisé de la situation s’inscrit dans les obligations faites à l’employeur par l’article 280 de la loi qui édicte ce qui suit :

280.  L'employeur inscrit dans un registre les accidents du travail qui surviennent dans son établissement et qui ne rendent pas le travailleur incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion professionnelle; il présente ce registre au travailleur afin que celui-ci y appose sa signature pour confirmer qu'il a été victime de l'accident et la date de celui-ci.

 

Le registre des premiers secours et des premiers soins prévu par règlement peut servir à cette fin.

 

L'employeur met ce registre à la disposition de la Commission et d'une association syndicale représentative des travailleurs de son établissement ou leur en transmet copie, selon qu'elles le requièrent, et il transmet, sur demande, au travailleur ou à son représentant copie de l'extrait qui le concerne.

__________

1985, c. 6, a. 280.

 

 

[18]        Bien qu’il ait signé ce rapport, le travailleur se souvient plus ou moins de cet événement, et il ne s’explique pas les raisons pour lesquelles il est question du genou gauche.

[19]        Le travailleur précise qu’à la suite de cet événement, il a continué à fournir ses prestations de travail sans consulter médicalement, même si par la suite la douleur se manifestait occasionnellement.

[20]        Le travailleur témoigne que le 16 juin 2009, pour aller installer une pièce sous un camion, il devait d’abord passer sous le réservoir d’essence en position accroupie, les genoux pliés puisque l’espace libre entre le réservoir et le plancher se situe entre 3 et 4 pieds.

[21]        Il précise qu’en installant la pièce, il demeure en position accroupie en gardant le genou droit appuyé au sol.

[22]        Une fois la pièce installée, il revient vers l’arrière du camion et en se relevant, il ressent une douleur aigüe au genou droit accompagnée d’un craquement. Quelques instants plus tard, il constate que son genou est enflé.

[23]        Le jour même, le travailleur informe son contremaître, monsieur Antoine Abbeloos qui l’autorise à prendre congé pour consulter un médecin, ce qui sera confirmé par monsieur Abbeloos[2], à l’effet que le travailleur l’a informé de la survenance de cet événement, concernant son genou droit et qu’en raison de l’enflure, il lui a dit qu’il pouvait aller à la clinique.

[24]        Le travailleur se présente alors à la Clinique Carrefour Médical Vallée du Richelieu. La réceptionniste lui demande s’il est sur la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), mais il témoigne avoir répondu non à cette question parce qu’il croyait que la réceptionniste voulait savoir s’il recevait des indemnités de la CSST.

[25]        Le travailleur est alors examiné par le docteur Jean-Pierre Poulin qui ne lui prescrit aucune médication ni arrêt de travail, mais qui l’a référé pour une investigation radiologique ainsi qu’une résonance magnétique.

[26]        Dans ses notes d’examen clinique, le docteur Poulin rapporte ce qui suit :

[…]

 

Douleur

+ œdème

Genou droit

x hier.

Pas de trauma

Pas de faux mouvements travaille à genou

«Douleur depuis >1 an.

Oedème On - Off. à l’occasion

 

[…]

 

 

[27]        Le travailleur déclare qu’au moment de prendre le rendez-vous pour ces examens, on lui a dit qu’il était placé sur une liste d’attente et qu’il serait contacté pour confirmer la date de ce rendez-vous.

[28]        Par la suite, le travailleur continue de fournir régulièrement ses prestations de travail. Il déclare qu’en attendant d’être convoqué pour ses examens, il a pris des comprimés analgésiques et anti-inflammatoires (Advil) et appliqué des compresses de glace pour soulager la douleur.

[29]        Le travailleur précise ne pas avoir effectué d’autres consultations parce que son médecin lui avait dit qu’il devait attendre les résultats d’examen avant de décider de la poursuite des traitements.

[30]        Le 10 novembre 2009, le travailleur est finalement soumis aux investigations demandées. La radiographie est interprétée comme étant dans les limites de la normale par le docteur Frédéric Desjardins, radiologue.

[31]        Par ailleurs, la résonance magnétique interprétée par le docteur Pierre Bergeron, radiologue, il révèle ce qui suit :

[…]

 

L’examen démontre une déchirure oblique de la corne postérieure du ménisque interne, déchirure originant du versant inférieur. Il n’y a pas de fragment libre.

 

Le ménisque externe est normal. Pas de chondropathie ni modifications dégénératives aux compartiments fémoro tibiaux interne ou externe. Le compartiment fémoro patellaire est également normal.

 

Les ligaments croisés antérieur et postérieur de même que les deux collatéraux sont normaux. Le tendon du quadriceps et celui de la rotule sont sans particularité.

 

Petit foyer contusionnel au niveau du plateau interne et à un degré moindre du condyle fémoral interne.

 

conclusion

 

Contusion compartiment fémoro tibnial interne avec déchirure de la corne postérieure de ce ménisque. 

 

[…]

 

 

[32]        Le 21 janvier 2010, le travailleur est vu en consultation par le docteur Hai Nguyen, chirurgien-orthopédiste, qui transmet la note suivante à l’intention du docteur Poulin :

[…]

 

En se relevant de la position accroupie a eu beaucoup de difficulté avec douleur au travail. Depuis quelques mois épanchement droit.

Douleur à l’occasion maintenant, en marchant avec déclic dans le genou et en s’accroupissant ou en torsion.

AVQ préservées mais limite ses sports.

 

[…]

 

Ménisectomie cédulée à H.C-L.

 

 

[33]        Le travailleur témoigne qu’à la lumière des informations qu’il lui a données sur l’apparition de ses douleurs, le docteur Nguyen a décidé de compléter un formulaire « Rapport médical » de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST),

[34]        Questionné par le tribunal, le travailleur précise que le docteur Nguyen lui a alors dit qu’il s’agissait d’un cas de  CSST et qu’il devait produire une réclamation.

[35]        Le 29 janvier 2010, l’employeur  produit un formulaire « Avis de l’employeur et demande de remboursement » concernant un événement qu’il situe au 25 août 2008.

[36]        La déclaration de l’événement signée par le travailleur est ainsi libellée :

« Travaillais sous un camion durant 15 à 20 minutes. Lorsque je me suis relevé mon genou droit m’a fait très mal et il s’est mis à enfler. Je suis allé voir tout de suite un médecin qui m’a dit d’aller passer une résonance magnétique et des radiographies. Le résultat fut que j’ai un ménisque déchiré. J’ai vu un orthopédiste et il veut m’opérer. »

 

 

[37]        Pour la Commission des lésions professionnelles, l’employeur réfère alors à la date du 25 août 2008 sans doute parce qu’il s’agit du seul événement inscrit à son registre.

[38]        Or, lorsqu’on lit la description de l’événement, elle s’apparente facilement à celle de l’événement survenu le 16 juin 2009

[39]        Le 1er février 2010, l’employeur  adresse à la CSST un commentaire d’opposition à la réclamation du travailleur en soulevant les contradictions en regard du site de la lésion ainsi que sur les différentes descriptions du même événement.

[40]        Le 15 février 2010, le docteur Nguyen procède à l’arthroscopie et méniscectomie interne du genou droit du travailleur. Dans son protocole opératoire, il décrit la présence d’une déchirure complexe au niveau de la corne postérieure du ménisque interne.

[41]        Le 25 février 2010, le travailleur complète un formulaire « Réclamation du travailleur » en référence à un événement survenu le 25 août 2008.

[42]        Dans les notes évolutives de la CSST inscrites au dossier du travailleur, on retrouve ce qui suit en date du 11 mars 2010 :

[…]

 

Titre : Décision d’admissibilité (refusée)

 

-Aspect légal :

Analyse et admissibilité :

 

Les critères de recevabilité personne et lieu sont respectés. Par contre, le critère de délai n’est pas respecté.

 

[…]

 

 

[43]        Les articles 270 et 271 de la loi précisent ce qui suit :

270.  Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de 14 jours complets ou a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ou, s'il décède de cette lésion, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lésion ou du décès, selon le cas.

 

L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.

 

Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire remet à l'employeur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.

__________

1985, c. 6, a. 270.

 

 

271.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui ne le rend pas incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion ou celui à qui aucun employeur n'est tenu de verser un salaire en vertu de l'article 60, quelle que soit la durée de son incapacité, produit sa réclamation à la Commission, s'il y a lieu, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de sa lésion.

__________

1985, c. 6, a. 271.

 

 

[44]        En l’instance, c’est sous l’article 271 qu’il y a lieu de disposer de la recevabilité de la réclamation du travailleur. En effet, c’est cet article qui s'applique au travailleur dont la lésion professionnelle ne l’a pas rendu pas incapable d'exercer son emploi immédiatement après l'événement allégué.

[45]        Dans l’affaire Bernier et Coopérative forestière Laterrière[3]  la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’en utilisant l'expression «s'il y a lieu», le législateur a prévu certains cas où il n'y aurait pas de production de réclamation, notamment lorsqu'il ne résulte aucune séquelle de la lésion professionnelle au-delà de la journée ou dans les cas où il n'y a rien à réclamer.

[46]        Cependant, plus récemment, la Cour supérieure a décidé[4] que l'analyse de la version anglaise de l'article 271 ne laisse pas place à l'interprétation et exprime clairement que l'expression «s'il y a lieu» fait référence à l'endroit où la réclamation doit être inscrite sur le formulaire et non pas si le formulaire doit être rempli.

[47]        La Commission des lésions professionnelles et auparavant, de la Commission d’Appel en matière de lésions professionnelles (la C.A.L.P.) se sont prononcées à plusieurs reprises sur la question du délai de six mois prévu à l’article 271. 

[48]        Cette question a été analysée sous différents aspects et selon différentes circonstances, soit à partir du moment de la survenance ou de la manifestation[5] de la lésion ou du début de la période d’incapacité causée par la lésion.

[49]         La jurisprudence détermine également que le point de départ pour calculer le délai court à compter du moment où un travailleur présente un intérêt ou intérêt réel et actuel à produire une réclamation en vertu de l’article 271[6].

[50]        Pour la Commission des lésions professionnelles, la preuve permet de constater que le travailleur ne présentait aucun intérêt à produire une réclamation avant d’avoir la connaissance du caractère professionnel de sa lésion.

[51]        En effet, bien que les douleurs soient apparues dans des circonstances survenues au travail, celles-ci ne l’ont pas rendu incapable d’accomplir ses tâches malgré la présence de douleurs résiduelles, et ce, aussi bien lors de l’événement du 25 août 2008 qu’à la suite de celui du 19 juin 2009.

[52]        De plus, il n’est pas contredit que la première fois que le travailleur a été informé d’un lien possible entre les problèmes persistants à son genou et son travail, c’est au moment où le docteur Nguyen l’a informé de cette probabilité à la suite de son examen du 21 janvier 2010.

[53]        C’est donc à partir de cette prise de connaissance que le délai de 6 mois prévu à l’article 271 doit commencer à être calculé.

[54]        Le travailleur ayant produit sa réclamation le 29 janvier 2010, date à laquelle l’employeur a produit le formulaire « Avis de l’employeur et demande de remboursement », il a donc agi à l’intérieur du délai de 6 mois édicté à l’article 271 de la loi.

[55]        Le 15 mars 2010, le travailleur consulte son délégué syndical qui le réfère à monsieur Gilles Lafortune, agent d’affaires au Conseil conjoint 91 de la Fraternité internationale des Teamsters.

[56]        Ce dernier rencontre le travailleur le 29 mars 2010. Dans l’historique de la situation signée par le travailleur, il est question uniquement d’un événement survenu le 16 juin 2009.

[57]        L’existence d’une lésion professionnelle peut être démontrée par l’application de l’article 28 de la loi qui édicte ce qui suit :

28.  Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 28.

 

 

[58]         La preuve ne démontre aucune présence de condition dégénérative et pour la Commission des lésions professionnelles, il ne fait aucun doute qu’une déchirure méniscale constitue une blessure au sens de la loi[7].

[59]        D’autre part, la preuve  que le 16 juin 2009, le travailleur était à son travail, sur les lieux de son travail.

[60]         La jurisprudence[8] nous enseigne depuis longtemps que la question du délai de consultation médicale constitue un élément devant être analysé dans la détermination de l'application de la présomption. L'existence d'un tel délai n'est pas une fin de non-recevoir.

[61]        De plus, d'autres facteurs doivent être considérés, notamment la déclaration immédiate de l'accident à l'employeur, le délai écoulé et la crédibilité du travailleur[9].

[62]        Par conséquent, comme tous les éléments prévus par l’article 28 sont présents, le travailleur bénéficie de la présomption de lésion professionnelle qui y est prévue.

[63]        En l’instance, en regard de l’événement du 16 juin 2009, le travailleur a consulté le même jour, et dès lors, les mesures d’investigations se sont avérées nécessaires, même si le travailleur a été en mesure de poursuivre son travail malgré la présence de douleurs.

[64]        Il est également bon de noter que la CSST elle-même, dans ses notes évolutives, reconnaît que les critères de recevabilité, personne et lieu sont respectés.

[65]        Dans les circonstances, l’ensemble de la preuve ne permet pas de douter de la crédibilité du travailleur dont le témoignage est d’ailleurs confirmé par son contremaître.

[66]        Par conséquent, en l’absence de preuve contraire, le travailleur doit bénéficier de l’application de la lésion professionnelle prévue à l’article 28 de la loi.

[67]        La présomption de lésion professionnelle a pour effet d'imposer à l'employeur de démontrer par une preuve prépondérante, et non par simple allégation, que la lésion ne peut résulter de l'événement allégué.

[68]        Ainsi, l'employeur doit démontrer que le geste posé ne peut entraîner une telle lésion ou encore qu'une telle lésion provient d'une autre cause[10].

[69]         Récemment, la Commission des lésions professionnelles a statué que les motifs permettant de renverser la présomption sont, d'une part, l’absence de relation causale entre la blessure et les circonstances d’apparition de celle-ci et, d'autre part, la preuve prépondérante que la blessure n’est pas survenue par le fait ou à l’occasion du travail ou provient d’une cause non reliée au travail[11].

[70]        Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles a pris soin de préciser que les motifs ne permettant pas de renverser la présomption sont l’absence d’événement imprévu et soudain, l’existence d’une condition personnelle en soi et le seul fait que les gestes posés au travail étaient habituels, normaux et réguliers[12].

[71]        En l’instance, aucune preuve n’a été soumise  pour permettre le renversement de l’application de la présomption de lésion professionnelle.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête du travailleur monsieur Sébastien Arnaud;

INFIRME la décision rendue le 18 juin 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 16 juin 2009 et qu’il a droit aux prestations prévues par la loi.

 

 

 

Jean-Marc Dubois

 

Me Martin Savoie

Teamsters Québec (C.C. 91)

Représentant de la partie requérante

 

Me Sylvain Pelletier

ADP Santé et sécurité au travail

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q. c.A-3.001.

[2]           Pièce T-1 déposée à l’audience, confirmation signée par monsieur Abbeloos.

[3]           143389-02-0007, 02-05-28, R. Deraîche.

[4]           Dépelteau c. CLP, [2007] C.L.P. 1952 (C.S.), requête pour permission d'appeler rejetée, 500-09-018479-089, 08-06-19; Ostiguy et Ministère de la Défense nationale, 76593-62-9602, 96-04-18, M. Kolodny; Brunet et Brunet & Brunet inc., 75083-64-9512, 97-12-17, M. Kolodny.

[5]           Poulin et C.U.M., 29349-62-9105, 93-05-06, J.-C. Danis

[6]           (Entre autres) Barrette et G.E. Canada inc., 45066-09-9211, 94-10-20, R. Jolicoeur; Beaupré et Collège Ahuntsic, 70488-60-9506, 96-12-03, Marie Lamarre; Parent et Institut Technique Aviron, 114494-73-9903, 99-11-18, F. Juteau, (99LP-193) (début des traitements de chiropractie); Gagnon et Aluminerie Alouette inc., 138540-09-0005, 01-01-10, Y. Vigneault (suivi médical et traitements de physiothérapie); Robitaille et Société de transport de Laval, 123261-63-9909, 00-11-02, D. Beauregard;

 

 

[7]           Hafner inc. et Falcon, 100261-62B-9803, 99-02-04, Alain Vaillancourt; Forêt Mistassini et Bélanger, 298844-02-0609, 07-05-31, J. Grégoire; Construction L.F.G.inc. et Delarosbil, 379555-01C-0905, 10-09-17, M. Larouche.

[8]           Frappier et Communauté urbaine de Montréal, [1995] C.A.L.P. 1566 ; Grégoire et Cie d'échantillon National ltée, 70491-60-9506, 97-02-03, S. Di Pasquale, (J9-01-12); Rego et Fibrex Fibre de verre inc., [1997] C.A.L.P. 1694 ; Montreuil et Réseau de transport de la Capitale, 311670-03B-0703, 08-04-21, J.-F. Clément, (08LP-8).

[9]           Résidence Ste-Dorothée et Laperrière, 59225-61-9405, 97-02-18, T. Giroux.

[10]          Hydro-Québec et Parent, 2011 QCCLP 459 .

[11]          Boies et C.S.S.S. Québec-Nord, 2011 QCCLP 2775 , [2011] C.L.P. 42 (formation de trois juges administratifs).

[12]          Id. Note 8

AVIS :
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