Blondin c. 9124-2404 Québec inc. (Galerie de matelas Simmons) | 2022 QCCQ 5313 | ||||||
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« Division des petites créances » | |||||||
CANADA | |||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||||
DISTRICT DE | JOLIETTE | ||||||
LOCALITÉ DE | JOLIETTE | ||||||
« Chambre civile » | |||||||
N° : | 705-32-017001-204 | ||||||
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DATE : | 15 juillet 2022 | ||||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DU | JUGE | PIERRE CLICHE, C.Q. | |||||
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FRANÇOISE BLONDIN (DIT SUREAU) | |||||||
Demanderesse | |||||||
c. | |||||||
9124-2404 QUÉBEC INC. faisant affaire sous le nom de GALERIE DE MATELAS | |||||||
SIMMONS | |||||||
Défenderesse | |||||||
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JUGEMENT | |||||||
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[1] Madame Françoise Blondin dit Sureau (la demanderesse) réclamait initialement 2 985,61 $ à l’entreprise 9124-2404 Québec inc., faisant affaire sous le nom de Galerie de matelas Simmons (la défenderesse), au terme de sa demande en annulation d’un contrat d’achat d’un matelas, d’un sommier et d’un protège-matelas.
[2] Lors de l’instruction, une entente partielle est conclue entre les parties réduisant sa réclamation à 1 172,45 $, incluant 1 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs.
[3] La défenderesse conteste le bien-fondé de cette réclamation soutenant ne rien devoir à la demanderesse suivant les termes de son contrat de vente et de l’entente conclue entre les parties.
LA QUESTION EN LITIGE
1. La demanderesse est-elle justifiée d’obtenir une indemnité de la part de la défenderesse ?
CONTEXTE
[4] Le 1er novembre 2020, la demanderesse fait l’acquisition auprès de la défenderesse d’un matelas, d’un sommier et d’un protège-matelas au prix de 1 525,71 $, taxes incluses.
[5] Cette somme est ainsi détaillée :
Sous-total : 1 326,99 $
+ 66,35 $ (TPS)
+ 132,37 (TVQ)
Total : 1 525,71 $
[6] La demanderesse soutient avoir fait l’acquisition d’un matelas ferme composé entièrement de fibre de bambou de marque Beautyrest Hi-Loft, fabriqué par la compagnie Simmons, de grandeur « queen », qu’elle soutient avoir vérifié au préalable en magasin.
[7] Il s’agit d’un type de matelas, fabriqué et vendu par la même entreprise, dont elle avait déjà fait l’acquisition à deux reprises par le passé.
[8] Sa facture d’achat ne mentionne cependant ni la marque ni le nom du fabricant du matelas choisi.
[9] Au-dessus de sa signature, apposée sur cette facture, apparaît, entre autres, la clause suivante :
« Politique de la Galerie de matelas Simmons
Couvre-oreiller, protège matelas, oreiller et surmatelas
Aucun échange ou remboursement ne sera accepté pour les couvre-oreillers, les protège-matelas et les oreillers. (…) »[1]
[10] Dès la réception du matelas, elle constate que celui-ci n’est pas aussi ferme que celui qu’elle avait choisi et que la carte de garantie de même l’étiquette complète, toutes les deux requises par la loi, sont manquantes.
[11] Seule une étiquette mentionnant les composantes utilisées dans sa fabrication y est attachée, laquelle indique que celui-ci ne contient que 35 % de fibres de bambou.
[12] Suivant son retour en magasin en possession de cette étiquette, la défenderesse, par l’entremise de sa copropriétaire, madame France Lefebvre, accepte de reprendre le matelas qui lui fut livré tout en lui offrant d’en choisir un autre de son choix.
[13] La demanderesse décide alors de faire l’acquisition d’un autre matelas au prix de 1 299 $ avant taxes.
[14] En tenant compte d’un crédit de 899 $, représentant le prix de vente de celui vendu initialement, le coût net de cette nouvelle acquisition s’élève à 459,90 $, taxes incluses.
[15] Avant même de recevoir son nouveau matelas, la demanderesse constate, peu de temps par la suite, que les coins de son sommier s’affaissent.
[16] Elle contacte la défenderesse et somme sa représentante de reprendre tous les biens dont elle a fait l’acquisition le 1er novembre 2020 et de lui rembourser la somme de 1 525,71 $.
[17] La défenderesse refuse cette demande, et ce, principalement au motif que le protège-matelas ne peut être repris suivant les termes du contrat conclu entre les parties.
[18] Cependant, lors de l’instruction, madame Lefebvre accepte, au nom de la défenderesse, de reprendre à ses frais, au plus tard le 3 juin 2022, le matelas et le sommier vendus initialement, lesquels sont toujours en possession de la demanderesse, tout en lui remboursant la somme de 1 813,16 $ détaillée comme suit :
Sous-total : 1 577 $
+ 78,85 $ (TPS)
+ 157,31 $ (TVQ)
Total = 1 813,16 $
[19] Le 13 mai 2022, conformément aux instructions données par le Tribunal, la défenderesse lui confirme par courriel ce qui suit:
« (…) Je vous informe que nous avons ramasser matelas et sommier queen le 11 mai 2022 a 10.30hr et remis cheque de $ 1 813,16 $ a Francoise Blondin dit Sureau. merci & bonne journée »
(Sic)
[20] La demanderesse soutient, malgré cette entente, qu’elle est en droit d’obtenir la somme de 172,45 $ représentant le prix du protège-matelas que la défenderesse refuse de reprendre ainsi que 1 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs.
ANALYSE
1. La demanderesse est-elle justifiée d’obtenir une indemnité de la part de la défenderesse ?
[21] Une réponse négative doit être donnée à cette question pour les raisons suivantes.
[22] Il revenait à la demanderesse de démontrer le bien-fondé de sa réclamation et des faits qui la supportent selon la balance des probabilités.[2]
[23] D’abord, la clause indiquée à la facture du 1er novembre 2020 qu’elle a dûment signée, indiquant le non-échange ni le remboursement du prix payé pour l’achat du tout protège-matelas, est claire et ne porte pas à interprétation.
[24] De plus, celle-ci n’est ni abusive ni déraisonnable étant donné qu’un protège-matelas, ayant déjà été utilisé, peut difficilement être revendu, et ce, même après avoir été nettoyé.
[25] Ainsi, les dispositions prévues aux articles
8. Le consommateur peut demander la nullité du contrat ou la réduction des obligations qui en découlent lorsque la disproportion entre les prestations respectives des parties est tellement considérable qu’elle équivaut à de l’exploitation du consommateur, ou que l’obligation du consommateur est excessive, abusive ou exorbitante.
1437. La clause abusive d’un contrat de consommation ou d’adhésion est nulle ou l’obligation qui en découle, réductible.
Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l’adhérent d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre de ce qu’exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu’elle dénature celui-ci.
[26] Quant à la somme supplémentaire de 1 000 $ réclamée par la demanderesse à titre de dommages-intérêts punitifs, cette réclamation est basée sur le dernier paragraphe de l’article
272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l’exécution de l’obligation;
b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
(Soulignements ajoutés)
[27] L’attribution de tels dommages suppose cependant au préalable une contravention aux dispositions de la L.p.c. et le montant attribué, le cas échéant, doit être établi conformément aux règles énoncées à l’article
1621. Lorsque la loi prévoit l’attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.
Ils s’apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers.
[28] Or, dans son traité portant sur le droit du consommateur,[3] le regretté auteur Claude Masse écrit :
« Pour ce qui est de l'application de la Loi sur la protection du consommateur elle-même, il est maintenant admis par l'ensemble des tribunaux que les dommages exemplaires doivent être accordés dans un contexte où il est important de prévenir de semblables comportements de la part du commerçant dans le futur. Ces dommages exemplaires n'exigent pas nécessairement la preuve de mauvaise foi de la part du commerçant, mais si une preuve de mauvaise foi est faite, ces derniers peuvent alors être plus importants. Il suffit donc que la conduite du commerçant démontre une insouciance face à la loi et aux comportements que la loi cherche à exprimer pour que de tels dommages soient accordés. Le tribunal tient compte également de l'attitude du commerçant suite à la réception de la réclamation du consommateur. Le commerçant qui collabore activement avec le consommateur pour trouver une solution au problème évite dans certains cas l'attribution de dommages exemplaires alors que celui qui fait de la surenchère dans sa défense et qui tente de balayer les droits légitimes du consommateur au moyen d'un abus de droit aggravera sa situation en regard des dommages exemplaires. »[4]
(Soulignements ajoutés)
[29] Ainsi, comme le souligne la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Fortin c. Mazda Canada inc.[5] « (…) un manquement à une disposition de la L.p.c. ne donne pas nécessairement ouverture à une condamnation à des dommages punitifs sous l’article
– Les dommages-intérêts punitifs prévus par l’art.
– Compte tenu de cet objectif et des objectifs de la L.p.c., les violations intentionnelles, malveillantes ou vexatoires, ainsi que la conduite marquée d’ignorance, d’insouciance ou de négligence sérieuse de la part des commerçants ou fabricants à l’égard de leurs obligations et des droits du consommateur sous le régime de la L.p.c. peuvent entraîner l’octroi de dommages-intérêts punitifs. Le tribunal doit toutefois étudier l’ensemble du comportement du commerçant lors de la violation et après celle-ci avant d’accorder des dommages-intérêts punitifs. »[6]
[30] Dans le présent cas, malgré l’absence de la carte de garantie et de l’étiquette fixée au matelas vendu à la demanderesse contrairement à la loi, l’erreur qu’elle aurait commise quant au type de matelas qu’elle lui a livré[7] et la qualité douteuse de son sommier, la défenderesse a agi de manière rapide et responsable, et ce, conformément aux attentes légitimes de sa cliente.
[31] De plus, la preuve présentée ne démontre aucunement que la défenderesse a agi de manière intentionnelle, malveillante ou vexatoire, ni qu’elle a fait preuve d’une conduite répréhensible ou d’un comportement que la L.p.c. vise à réprimer, et ce, bien qu’elle ait accepté tardivement de reprendre possession du matelas et du sommier vendu à la demanderesse tout en lui remboursant la somme payée pour leur acquisition.
[32] Ce retard s’explique par le refus de cette dernière de conclure une telle entente en excluant la remise et le remboursement du prix payé pour l’achat du protège-matelas.
[33] En conclusion, la demanderesse n’a donc pas réussi à démontrer, selon la balance des probabilités, le bien-fondé du reliquat de sa réclamation suivant l’exécution de l’entente conclue avec la défenderesse.
[34] Cependant, étant donné cette entente, sa réclamation sera rejetée sans frais de justice.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[35] REJETTE la réclamation de la demanderesse, madame Françoise Blondin dit Sureau;
[36] Le tout, SANS FRAIS DE JUSTICE.
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| __________________________________ Pierre Cliche, J.C.Q. | |
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Date d’audience : | 6 mai 2022 | |
| Mis en délibéré à compter du 4 juin 2022 | |
[1] Pièce P-1.
[2] 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.
[3] C. MASSE, Loi sur la protection du consommateur: Analyse et commentaires, Cowansville. Les Éditions Yvon Blais, 1999.
[4] Id., pages 1000 et 1001.
[5]
[6] Id., paragraphe 150 citant l’arrêt Richard c. Time Inc.,
[7] Erreur contestée par la défenderesse suivant certains documents déposés en preuve par madame Lefebvre lors de l’instruction.
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