Maltais c. Hydro-Québec |
2011 QCCS 3587 |
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JD 2315 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE MONTRÉAL |
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N° : 500-06-000522-108 |
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DATE : |
15 juillet 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
MICHEL DÉZIEL, J.C.S. |
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CHANTAL MALTAIS |
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et |
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MONIQUE CHARLAND |
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Requérantes |
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c. |
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HYDRO-QUÉBEC |
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Intimée _____________________________________________________________________ |
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JUGEMENT |
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[1] Les requérantes demandent la permission d'amender leur requête pour obtenir l'autorisation d'exercer un recours collectif contre Hydro-Québec et pour obtenir le statut de représentant.
[2] Hydro-Québec ne s'oppose pas aux amendements visant à préciser les détails des dossiers de facturation ou le texte des allégations.
[3] Hydro-Québec s'oppose aux autres amendements et à l'ajout de nouvelles pièces.
[4] La recevabilité de l'amendement est la règle et le refus l'exception.
[5] L'autorisation du Tribunal doit tenir compte de l'intérêt des membres.
[6] L'amendement n'est pas inutile ni contraire aux intérêts de la justice.
[7] Les articles de journaux sont admissibles en preuve au stade de l'autorisation.
[8] En cas de doute, l'amendement doit être autorisé.
[9] Hydro-Québec n'ayant pas contesté la production des pièces médiatiques R-12 à R-14, la production des autres pièces médiatiques devrait être permise.
[10] La production des communiqués émis par Hydro-Québec devrait être permise.
[11] Les amendements contestés visant à introduire des allégations et des pièces dénaturent le débat et transforment le recours collectif proposé en une véritable commission d'enquête.
[12] Quant aux extraits d'émissions de télévision, de reportages et d'articles publiés dans les journaux:
a) Hydro-Québec sera forcée de choisir elle aussi parmi les milliers d'articles publiés et d'émissions diffusées mensuellement relativement à Hydro-Québec.
b) Les déclarations ne sont pas rapportées intégralement et citées hors contexte.
c) Hydro-Québec ne peut, sans autorisation préalable, produire une preuve pour compléter ces documents ou faire témoigner tous les représentants impliqués.
d) Les témoignages de tiers et les informations rapportées par les médias constituent un «double ouï-dire» et ne peuvent être admis en preuve.
e) Les déclarations du procureur des co-requérantes rapportées dans les médias ne peuvent constituer une preuve admissible et ne sont pas utiles pour le Tribunal.
[13] Les requérantes tentent inutilement d'élargir le débat au niveau de l'implantation du Système d'information clientèle (SIC).
[14] Les requérantes tentent de transformer leur demande d'autorisation en une vaste et inopportune étude du système informatique d'Hydro-Québec, de son implantation, de ses coûts et de ses effets à court, moyen et long terme.
[15] La pièce R-54 ne devrait pas être produite, d'autant plus qu'André Joly ne serait pas un membre du groupe proposé.
[16] Le
droit à l'amendement dans le cadre d'un recours collectif est régi par les
articles
1016. Le représentant ne peut amender un acte de procédure, se désister totalement ou partiellement de la demande, d'un acte de procédure ou d'un jugement, sans l'autorisation du tribunal et qu'aux conditions que celui-ci estime nécessaires.
199. Les parties peuvent, en tout temps avant jugement, amender leurs actes de procédure sans autorisation et aussi souvent que nécessaire en autant que l'amendement n'est pas inutile, contraire aux intérêts de la justice ou qu'il n'en résulte pas une demande entièrement nouvelle sans rapport avec la demande originaire.
L'amendement peut notamment viser à modifier, rectifier ou compléter les énonciations ou conclusions, invoquer des faits nouveaux ou faire valoir un droit échu depuis la signification de la requête introductive d'instance.
[17] Les requérantes ont raison de plaider que l'amendement est la règle et le refus l'exception et que la faculté d'amender doit être analysée de manière souple, large et libérale.
[18] La juge Ginette Piché rappelle, dans Desgagné et Frigon que «la permission est la règle dès que la pertinence est vraisemblable».[1]
[19] L'amendement sera refusé si l'amendement est inutile, contraire aux intérêts de la justice ou s'il en résulte une demande entièrement nouvelle.[2]
[20] La juge Sophie Picard, dans Option Consommateurs c. Merck Frosst Canada rappelle que le Tribunal doit tenir compte de l'intérêt des membres:[3]
« [8]
L'article
[9] L'autorisation du tribunal est requise en tout temps puisque celui-ci doit tenir compte de l'intérêt des membres à chacune des étapes du recours collectif.»
[21] Dans l'affaire Pellemans c. Lacroix,[4] le juge André Prévost établit comme suit les principes à appliquer:
« [25] Le Tribunal dégage de la loi et de la jurisprudence les principes suivants, qui s'appliquent à une demande d'amendement dans le cadre d'un recours collectif déjà autorisé :
a. l'amendement doit être autorisé par le
tribunal (art.
b. les conditions de recevabilité de
l'amendement, prévues à l'article
c. le jugement autorisant le recours collectif constitue le cadre de référence devant servir à l'analyse des conditions de recevabilité de l'amendement;
d. le tribunal doit s'assurer que l'amendement
est compatible avec le moyen de procédure que constitue le recours collectif
et, à cette fin, il doit s'assurer qu'il ne va pas à l'encontre des critères
énoncés à l'article
e. l'amendement qui ne vise qu'à modifier ou à
compléter le recours collectif, sans en changer la nature ou l'objet, ne
requiert pas la reprise du processus d'autorisation prévu à l'article
f. le tribunal doit veiller en tout temps au
respect de la règle de la proportionnalité édictée à l'article
[22] Quant aux extraits de reportages, Hydro-Québec cite les propos de la juge Claudine Roy dans Option Consommateurs et als c. Novopharm Limited et als:[5]
« [150] Un article de journal peut permettre d’énoncer une hypothèse de travail et déclencher une démarche de vérification. Après la parution de l’article du quotidien La Presse, Option Consommateurs pouvait peut-être soupçonner l’existence d’un droit; elle était peut-être justifiée de mener enquête, mais, à lui seul, cet article de journal n’est pas suffisant pour convaincre un Tribunal de l’existence d’une apparence de droit.»
[23] L'étape d'autorisation ne saurait être transformée en une commission d'enquête, comme l'écrit la juge Dominique Bélanger dans Jacques c. Prétroles Therrien inc.:[6]
« [57] Toutefois, dans l'hypothèse où un amendement aurait pour effet de rendre un dossier ingérable, ce qui serait le cas en l'espèce, compte tenu de la multiplicité de parties, le Tribunal doit refuser la demande, afin d'assurer à la fois une saine gestion du dossier (art. 4.1 al. 2 et 4.2 C.p.c.), ainsi qu'une saine gestion de l'administration de la justice.
[58] Permettre l'amendement demandé aurait pour effet de transformer un recours bien défini en une vaste commission d'enquête impliquant plusieurs centaines de stations-service et autant de représentants.
[59] Ce n'est pas le rôle d'un juge de la Cour supérieure, en matière de recours collectif, que d'enquêter sur la problématique soumise.
[60] Le juge Paul-Arthur Gendreau de la Cour d’appel, dans l'affaire Option Consommateurs c. Novopharm, indique clairement qu'il n'est pas approprié que l'arène judiciaire se transforme en commission d'enquête :
« [50] Or, en l'espèce, les membres désignés, Jean-François Gendron et Carol Shore n’ont acquis des médicaments que de quatre fabricants, soit Ratiopharm Inc., Pro-Doc Ltée, Novopharm Limited et Apotex Inc. Dès lors, si on reconnaissait à ces deux personnes un intérêt juridique suffisant pour agir à titre de représentants à l’égard des cinq autres défenderesses, cela signifie que ces cinq intimées devront se défendre vis-à-vis le recours de personnes qui ne peuvent individuellement justifier d'un recours personnel. Qu'en serait-il si la procédure était modifiée pour ajouter d'autres défenderesses, voire la totalité de plus de 100 manufacturiers reconnus par la RAMQ? Dans un tel contexte d’élargissement de l’intérêt juridique, ne quitte-t-on pas l’arène judiciaire pour celle de la commission d’enquête, puisque la démonstration d’un intérêt juridique est une imparable prémisse à toute action en justice? »
[61] Une saine administration de la justice requiert que la Cour supérieure, siégeant en matière de recours collectifs, n'agisse pas comme une commission d'enquête eu égard à la problématique soulevée. L’amendement demandé va, de l’avis du Tribunal, à l’encontre de l’intérêt de la justice.»
[24] À ce sujet, Hydro-Québec donne les exemples suivants dans ses notes et autorités datées du 30 juin 2011:
« 22. À titre d'exemple, les Co-Requérantes:
Ø Décrivent l'implantation du système comme remplaçant 200 anciens systèmes (paragr. 99);
Ø Font état d'une implantation par lots (paragr. 100);
Ø Élaborent sur les buts recherchés par l'Intimée (paragr. 102);
Ø Critiquent les coûts du système informatique (paragr. 103 à 105);
Ø Allèguent l'existence de 160 000 plantes relatives au système informatique, ce que contredit par ailleurs la pièce R-43 (paragr. 107);
Ø Entrent dans le détail des modalités de traitement de l'information (paragr. 111 et 112);
Ø Mentionnent une période de rodage du système informatique en 2008 et 2009 (paragr. 113);
Ø Prétendent que la direction de l'Intimée était informée de ce qui précède (paragr. 114 et 115);
Ø Allèguent l'existence de clauses de partage de risque entre l'Intimée et ses fournisseurs (paragr. 116);
Ø Rapportent les propos d'un député provincial de l'opposition (paragr. 129);
Ø Rapportent les propos d'associations de consommateurs (paragr. 146, 176, 177);
Ø Rapportent les propos de dirigeants d'un syndicat (paragr. 182 et 183);
Ø Font état de l'évolution des comptes à recevoir de l'Intimée (paragr. 144);
Ø Font état du nombre d'interruptions de service annuelles (paragr. 145);
Ø Examinent la conformité des pratiques de l'Intimée à certaines politiques (paragr. 153);
Ø Font l'analyse des déclarations des représentants de l'Intimée lors d'émissions de radio et de télévision et les comparent (paragr. 159 et suivants);
Ø Critiquent la formation du personnel de l'Intimée (paragr. 175);
Ø Critiquent le délai d'attente téléphonique au service à la clientèle de l'Intimée (paragr. 176, 179);
Ø Présentent le résultat de leur prétendue analyse des plaintes reçues par l'Intimée de 2004 à 2009 (paragr. 180);
Ø Critiquent le rapport annuel 2008 de l'Intimée (paragr. 181);
Ø Allèguent que l'implantation d'un système informatique doit s'effectuer selon un processus sûr, fiable et sans faille (paragr. 185);»
[25] Hydro-Québec réfère aux propos suivants du juge André Rochon dans Option Consommateurs c. Bell Mobilité:[7]
« [38] Au stade de l'autorisation, le juge doit élaguer le texte de la requête des éléments qui relèvent de l'opinion, de l'argumentation juridique, des inférences ou hypothèses non vérifiées ou encore qui sont carrément contredites par une preuve documentaire fiable.»
[26] Hydro-Québec avance donc que les amendements recherchés étant inutiles, il serait contraire aux intérêts de la justice de les autoriser.
[27] Il y a lieu maintenant d'analyser les amendements demandés aux paragraphes de la requête amendée et qui font l'objet d'une opposition d'Hydro-Québec, et ce, en regard des principes jurisprudentiels ci-dessus cités.
[28] Ces amendements sont inutiles, non pertinents et n'aideront pas le Tribunal au stade de l'autorisation, à la lumière du groupe proposé:[8]
« 4. Les Co-Requérantes désirent exercer un recours collectif contre l'Intimée Hydro-Québec pour le compte de toutes les personnes physiques, personnes morales de droit privé, sociétés ou associations formant le groupe (collectivement les «Membres du Groupe») ci-après décrit, soit:
«Toutes les personnes physiques et toutes les personnes morales de droit privé, sociétés ou associations, comptant en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède le 16 septembre 2010 sous leur direction ou sous leur contrôle au plus 50 personnes liées à elles par contrat de travail, qui étaient et/ou sont clients de l'Intimée Hydro-Québec et qui ont eu et/ou continuent d'avoir des problèmes avec leur facturation attribuable de quelque manière que ce soit à la mise en place du nouveau système informatique de l'Intimée Hydro-Québec dont l'implantation a été complétée en 2008, soit en ayant été au moins une fois sous-facturées, surfacturées et/ou non facturées pendant leur période de facturation applicable.»
ou tout autre groupe ou sous-groupe qui sera identifié par le Tribunal (ci-après le « Groupe »);»
[29] Quant aux pièces R-33 et R-42, elles seront traitées plus loin.
[30] Les amendements aux paragraphes 103 et 105 sont autorisés, de même que le dépôt de la pièce R-42.
[31] Les amendements au paragraphe 104 sont autorisés; le dépôt des pièces R-26 et R-36 est autorisé uniquement pour appuyer l'allégation relative aux 42 millions en correction.
[32] La pertinence de ces amendements est démontrée et ils sont autorisés. Les requérantes peuvent produire les pièces R-33 et R-50 A à H.
[33] Les amendements au paragraphe 123 sont refusés. Les pièces R-20 et R-21 ne pourront être produites.
[34] Les amendements au paragraphe 124 sont permis.
[35] Cet amendement est permis et la pièce R-47 peut être produite.
[36] Ces amendements sont refusés. Le dépôt des pièces R-22 et R-23 n'est pas autorisé. Les opinions ne sont pas pertinentes à la solution.
[37] Cet amendement est refusé. La pièce R-45 ne pourra être produite.
[38] Ces amendements sont autorisés et la pièce R-36 pourra être produite.
[39] Cet amendement est refusé. La pièce R-27 ne pourra être produite.
[40] Cet amendement est permis.
[41] Ces amendements sont autorisés et les pièces R-39B, R-33, R-36, R-37, R-19 peuvent être produites.
[42] Ces amendements sont refusés et non pertinents. Les pièces R-39, R-44D, R-52, R-28 et R-51 ne pourront être produites.
[43] Ces amendements sont permis.
[44] La pièce R-38 A et B pourra être produite.
[45] Les pièces R-46, R-49 A à E ne sont pas pertinentes et ne pourront être produites.
[46] Quant à la pièce R-54 A, B et C, elle ne pourra être produite; en effet, selon les documents, André Joly ne serait pas un membre, ses problèmes ayant débuté avant la mise en place du nouveau système informatique.
[47] Les pièces R-18, R-24, R-25 et R-26 ne pourront être produites.
[48] La pièce R-29 pourra être produite.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE en partie la requête pour amender;
AUTORISE les amendements contenus aux paragraphes suivants de la Requête amendée pour obtenir l'autorisation d'exercer un recours collectif et pour obtenir le statut de représentant:
103, 104, 105, 111 à 116, 124, 127, 140 à 145, 148, 159 à 165, 170 à 174, 184, 185 et 187.
REFUSE les amendements contenus aux paragraphes suivants:
99, 100, 123, 129, 134, 146, 175 à 179, 181 à 183.
AUTORISE la production des pièces suivantes:
R-19, R-29, R-33, R-36, R-37, R-38 A et B, R-39B, R-42, R-47 et R-50 A à H;
Les pièces R-26 et R-36 uniquement pour appuyer l'allégation relative aux 42 millions en correction.
REFUSE la production des pièces suivantes:
R-18, R-20, R-21, R-22, R-23, R-24, R-25, R-26, R-27, R-28, R-39, R-44D, R-45, R-46, R-49 A à E, R-51, R-52 et R-54 A, B et C.
LE TOUT frais à suivre.
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_________________________________ michel déziel, J.C.S. |
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Me Guy Paquette Me Vanessa O'Connell Chrétien PAQUETTE GADLER Procureurs de la partie Requérante |
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Me Jacinthe Lafontaine Hydro-Québec McGovern Lafontaine Procureure de la partie Intimée
Me Simon V. Potter Me Michel Gagné Me Céline Legendre McCARTHY TETRAULT Coprocureurs de la partie Intimée
Date d'audience: 11 juillet 2011 |
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[1] 2007 QCCS 4443 , para. 21.
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Art.
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[6]
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Requête amendée pour autorisation d'exercer un recours collectif et pour
obtenir le statut de représentant (article
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.