Décision

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Lapierre c. Samsung Electronics Canada

2019 QCCQ 3414

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEDFORD

LOCALITÉ DE

Granby

« Chambre civile »

N° :

460-32-700496-184

 

 

DATE :

27 mai 2019

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

GILLES LAFRENIÈRE J.C.Q.

 

 

______________________________________________________________________

 

 

GILLES LAPIERRE

Demandeur

c.

SAMSUNG ELECTRONICS CANADA

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Le demandeur réclame de la défenderesse la somme de 1 215,85 $ à titre de dommages pour l’usure prématurée de son téléviseur.

[2]           La défenderesse conteste la réclamation au motif qu’elle est exagérée.

LES FAITS

[3]           Le 26 décembre 2013, le demandeur achète un téléviseur fabriqué par la défenderesse au prix de 853,68 $[1].

[4]           Le 25 juin 2018, le téléviseur cesse de fonctionner.

[5]           Le 3 juillet 2018, le demandeur se rend chez un réparateur autorisé de la défenderesse, lequel constate le bris du tableau en cristaux liquides et évalue le travail de réparation à 839,32 $[2].

[6]           Le demandeur est décontenancé par le coût des réparations qui équivaut au prix d’achat et s’en plaint immédiatement à la défenderesse.

[7]           Le 13 juillet 2018, la défenderesse lui répond par courriel :

[…] la garantie du fabricant était déjà échue, celle-ci étant de 12 mois.

À Samsung, nous respectons la garantie légale. Cependant, dans votre cas exceptionnel en tenant compte de la valeur d’achat de votre appareil et du temps de consommation, nous sommes de l’avis que votre appareil a servi à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contracte [sic] et aux conditions d’utilisation de celui-ci[3].

[8]           Le demandeur témoigne qu’il est anormal qu’un tel téléviseur cesse de fonctionner après 4 ½ ans d’utilisation et ne comprend pas l’attitude de la défenderesse, qui refuse de se conformer à l’article 38 de la Loi sur la protection du consommateur.

[9]           Conséquemment, il lui réclame la somme de 1 215,85 $ se détaillant ainsi :

Ø  Frais de réparation :................................................. 840,00 $

Ø  Coût pour l’évaluation :.............................................. 46,00 $

Ø  Frais pour estimation:................................................ 29,85 $

Ø  Inconvénients :......................................................... 300,00 $

Total :.................................................................... 1 215,85 $

[10]        Le représentant de la défenderesse s’oppose en partie à la réclamation. Il reconnaît d’emblée que la position exprimée par la défenderesse au courriel du 13 juillet 2018 est inappropriée en ce que la durée de vie utile du téléviseur du demandeur est de sept ans.

[11]        Toutefois, il ajoute que la réclamation du demandeur est exagérée en ce qu’elle excède non seulement la valeur du téléviseur au moment du bris, mais aussi son prix d’achat.

[12]        Conséquemment, il admet qu’une compensation aurait dû être offerte au demandeur qu’il évalue à 412,33 $ :

Ø   Prix d’achat :........................................................... 853,68 $

Ø  Dépréciation (4 ½ ans =  64 %) :............................. (546,36 $)

                            7 

Sous-total :.............................................................. 307,32 $

Ø  Frais et inconvénients :............................................ 105,00 $

Total :....................................................................... 412,32 $

ANALYSE

[13]        La garantie conventionnelle offerte par la défenderesse est d’un an, mais la Loi sur la protection du consommateur prévoit une protection légale, plus large en faveur du consommateur. En effet, l’article 38 de la Loi sur la protection du consommateur prévoit qu’un bien doit être conçu pour servir à un usage normal pendant une durée raisonnable :

Art. 38 :  Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

[14]        Cependant, il revient à la partie qui allègue que son bien n’a pas servi pour un usage normal pendant une durée raisonnable d’en faire la preuve, tel que le requiert l’article 2803 du Code civil du Québec.

[15]        Le demandeur ne fait entendre aucun témoin expert pour renseigner le Tribunal sur ce que serait la durée de vie utile d’un téléviseur, de même marque et de même modèle que celui qu’il a acheté. Il s’en remet plutôt à des jugements rendus par notre Cour à la Division des petites créances et qui reconnaissent une durée de vie utile de 10 ans[4].

[16]        Pour déterminer la durée de vie utile d’un bien, le juge ne peut s’appuyer sur ses connaissances personnelles acquises dans d’autres dossiers comme il ne peut décider sur la preuve présentée devant un autre juge. Il est fait cependant exception de la connaissance d’office.

[17]        La connaissance d’office est un fait dont la notoriété rend l’existence raisonnablement incontestable[5] et le législateur prévoit à l’article 2806 du Code civil du Québec que nul n’est tenu de prouver ce dont le Tribunal est tenu de prendre connaissance d’office.

[18]        S’il est de connaissance d’office qu’il existe actuellement sur le marché une variété de téléviseurs offerte dans une large fourchette de formats et de prix, il n’en va pas de même pour leur durée de vie utile. En effet, comment le Tribunal peut-il conclure qu’un téléviseur de 40 pouces d’une valeur de 300 $ est susceptible d’avoir la même durée de vie utile qu’un de même format, vendu à un prix de 3 000 $?

[19]        Les marques, les modèles et leurs composantes diffèrent tellement d’un modèle à l’autre et d’une marque à l’autre, que le Tribunal ne peut conclure qu’une durée de vie utile de 10 ans constitue un fait notoire et raisonnablement indiscutable.

[20]        En tout respect pour l’opinion contraire, le Tribunal n’a pas la connaissance d’office de la durée raisonnable d’un téléviseur[6].

[21]        Cela dit, il est en preuve, par un aveu du représentant de la défenderesse, que la durée de vie utile du téléviseur vendu au demandeur est de sept ans.

[22]        Le Tribunal retient donc cette durée, puisque c’est la seule donnée admissible en preuve qui lui est présentée.

[23]        Le téléviseur du demandeur n’ayant pas satisfait la garantie légale, le demandeur a donc droit à une compensation, puisque son téléviseur n’a pu servir à un usage normal pendant une durée raisonnable eu égard à son prix et aux conditions d’utilisation du bien.

[24]        Le demandeur a droit à la compensation suivante :

Ø  Prix d’achat du téléviseur :....................................... 853,68 $

Ø  Dépréciation (64 %) :............................................ (546,36 $)

Total :....................................................................... 307,32 $

[25]        Toutefois, le Tribunal accorde au demandeur la somme de 200 $ à titre d’inconvénients.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[26]        ACCUEILLE en partie la demande;

[27]        CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 507,32 $, avec intérêts au taux légal de 5 % l’an et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, et ce, à compter du 1er août 2018;

 

[28]        CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur les frais de justice au montant de 101 $.

 

 

__________________________________

GILLES LAFRENIÈRE, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d'audience:

19 mars 2019

 

 

Retrait et destruction des pièces

 

Les parties doivent reprendre possession des pièces qu’elles ont produites, une fois l’instance terminée. À défaut, le greffier les détruit un an après la date du jugement ou de l’acte mettant fin à l’instance, à moins que le juge en chef n’en décide autrement.

 

 

 

 

 



[1]     Pièce P-1.

[2]     Pièce P-2.

[3]     Extrait pièce P-6.

[4]     Jobin c. Samsung Electronics Canada, 2015 QCCQ 7343; Bétit c. Samsung Électronique du Canada inc., 2014 QCCQ 1860; Nadeau c. Samsung Canada, 2015 QCCQ 2495 et Parkinson c. Samsung Électronic Canada inc., 2017 QCCQ 3576.

[5]     Art. 2808 C.c.Q.

[6]     Coutu-Mierzwinski c. BMW Canada, 2014 QCCQ 6146; Charrois c. Polaris Industries inc., 2010 QCCQ 11180.

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