LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE
DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES
QUÉBEC MONTRÉAL, le 29 octobre 1997
DISTRICT D'APPEL DEVANT LE COMMISSAIRE :Me Yves Tardif
DE MONTRÉAL
RÉGION :
LANAUDIÈRE
DOSSIER CALP :
84506-63-9612
AUDIENCE TENUE LE :10 septembre 1997
DOSSIER CSST :
F73036951
DOSSIERS BRP :
62274925À :Joliette
62325735
VÊTEMENTS DE SPORTS C'EST LA VIE INC.
a/s Mike De Palma
323-C, rue Charles-Marchand
Le Gardeur (Québec)
J5Z 4N8
PARTIE APPELANTE
et
COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ
DU TRAVAIL - LANAUDIÈRE
a/s Directeur régional
432, rue de Lanaudière
Joliette (Québec)
J6E 7N2
PARTIE INTÉRESSÉE
D É C I S I O N
Le 9 décembre 1996, l'employeur, Vêtements de sports C'est la vie Inc., interjette appel auprès de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'une décision du Bureau de révision - Lanaudière en date du 19 novembre 1996.
Dans sa décision, le Bureau de révision rejette la demande de révision de l'employeur, maintient les décisions rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) en date des 20 juin et 4 septembre 1996 et déclare que les salaires des couturières dont les services sont retenus par l'employeur font partie de sa masse salariale assurable et doivent être retenus pour calculer sa cotisation.
OBJET DU LITIGE
L'employeur demande à la Commission d'appel de déclarer que les montants versés aux couturières ne doivent pas être retenus pour calculer sa cotisation.
LES FAITS
La Commission écrit à l'employeur le 14 février 1994 pour l'informer qu'il est classé en 1994 dans l'unité 22140 :
« "Confection de vêtements ou d'articles complémentaires à l'habillement, non autrement spécifiée dans les autres unités" »
Elle ajoute que le taux de cotisation pour l'année 1994 est de 4,43 $ pour 100,00 $ de salaires versés aux travailleurs et pour chaque tranche de 100,00 $ de protection personnelle demandée.
L'employeur écrit à la Commission le 22 mars 1996 :
« Par la présente, nous vous prions d'effectuer les corrections suivantes à notre dossier:
Déclaration sur les données générales de l'entreprise 1995-1996:
Section J. Année 1994, ligne 2: 0
Déclaration des salaires 1995-1996:
Section Definitifs (sic) 1995, ligne 2: 0
Section Estimés 1996, ligne 11 : 0
Tous ces montants doivent être ramenés à 0, étant donné que des travailleurs autonomes ont été inscrits comme travailleurs alors qu'ils n'auraient pas dû l'être.
Une lettre suivra pour vous confirmer la présente. »
L'employeur écrit de nouveau à la Commission le 13 juin 1996 :
Comme nous vous l'avons expliqué lors de notre conversation téléphonique, nous maintenons notre position en ce qui concerne le salaire des travailleurs autonomes. En effet, le 22 mars 1996, nous vous faisions parvenir une lettre vous informant très clairement ce que nous contestons soit:
Déclaration pour les données générales de l'entreprise 1995-1996
Section J, année 1994, ligne 2 = 0
Déclaration des salaires 1995-1996
Section définitif 1995, 1igne 2 = 0
Section estimé 1996, ligne 2 = 0
Tous ces montants doivent être ramenés à 0 car ils sont reliés aux travailleurs autonomes. D'ailleurs, d'après votre guide et formulaire de déclaration sur les données générales de l'entreprise, il est clairement écrit en page 2 que le travailleur autonome n'est pas considéré comme travailleur à l'emploi s'il exerce ses activités:
-pour plusieurs personnes simultanément.
(Ce que nos travailleurs autonomes font sûrement)
-pour plusieurs personnes à tout de rôle, qu'il fournit l'équipement requis et que les travaux à exécuter sont de courte durée.
(Les travailleurs autonomes fournissent effectivement leur machine à coudre et ne travaillent que pour de courte durée dans l'année.)
De plus, nous suggérons un prix de couture, mais le travailleur autonome a le dernier mot en ce qui concerne ce dernier. Il négocie lui même ses prix, ce qui confirme d'autant plus son statut de travailleur autonome et non de travailleur à l'emploi.
Pour toutes ces raisons, nous demandons de rectifier votre facture, tel que la facture revisée que nous vous avons fait parvenir avec une lettre d'explication, le 16 mai 1996. Nous vous demandons par le fait même de nous faire parvenir un état de compte corrigé selon nos modifications. »
La Commission répond à l'employeur le 20 juin suivant :
« La présente fait suite à vos lettres datées du 22 mars, 16 mai et 13 juin 1996.
Nous ne pouvons acquiescer à votre demande d'ajustement concernant vos travailleurs autonomes puisque nous les considérons à votre emploi et que, par conséquent, ils doivent être cotisés dans votre dossier d'employeur.
Cet avis constitue une décision de la Commission. Si vous êtes insatisfait de cette décision, vous pouvez en appeler dans les trente (30) jours du présent avis auprès du Bureau de révision de votre région. »
L'employeur conteste le 5 juillet 1996 :
« Suite à la lettre de la commission du 20 juin 1996, où il était écrit qu'ils ne pouvaient acquiescer à notre demande d'ajustement car ils considèrent nos travailleurs autonomes comme à notre emploi, nous vous informons que nous contestons leur décision.
En effet, nous croyons que d'après la loi, une entreprise a trois choix lorsqu'elle veut prendre des travailleurs autonomes soit:
- Elle peut engager des personnes travaillant à l'heure chez elle. Ce n'est pas notre cas vu la grosseur de notre compagnie.
- Elle peut prendre des personnes à contrat travaillant exclusivement pour elle. Ce n'est, encore-là, pas notre cas mais nous espérons que cela le deviendra bientôt vu la croissance rapide de notre compagnie. Dans ce cas, nous tenons à vous informer que cela nous fera plaisir de payer de la C.S.S.T. pour ces travailleurs autonomes.
- Finalement, elle a le choix de prendre des travailleurs autonomes sans contrat exclusif. Présentement c'est effectivement notre cas, car les 2 ou 3 travailleurs autonomes que nous avons, n'ont travaillé que très peu soit à temps partiel et comme leurs gains ne dépassent pas les 4 000.00$, ils n'ont pas pu travailler exclusivement pour nous.
Nous avons expliqué la même chose à la commission dans notre lettre du 13 juin 1996 mais malheureusement, ils n'ont pas tenu compte de notre demande. C'est pourquoi, nous vous demandons d'être entendu, afin que nous puissions expliquer en détail tous nos arguments dans ce dossier. »
Le 31 juillet 1996, Linda Trépanier, vérificateur à l'emploi de la Commission, signe son rapport de vérification :
« B)Analyses et conclusions servant à supporter la recommandation relative à la classification
1)Familiarisation avec l'entreprise
Attendu que:
-Selon les états financiers se terminant le 30 juin 1995, l'entreprise exploite une manufacture de vêtements;
-Selon la déclaration sur les données générales de l'entreprise 1993-1994 et également, selon la publicité dans le bottin des pages jaunes, Vêtements de sport c'est la vie inc. est une manufacture de vêtements pour enfants.
2)Prise d'informations auprès du personnel et visite des lieux
Attendu que:
-Selon Mme Dubois, secrétaire, l'entreprise confectionne des vêtements pour enfants et adolescents, comprenant deux lignes institutionnelle et celle des boutiques;
-La visite des lieux nous a démontré que ceux-ci consistent en un atelier de couture et des bureaux administratifs.
3)Recommandation relative à la classification
Étant donnée ce qui précède, je peux conclure que l'activité économique de l'entreprise est de confectionner des vêtements pour enfants.
Considérant que la seule unité qui correspond à la nature des activités économiques de l'entreprise est l'unité #22140 (CAEQ 2499).
Je recommande donc de maintenir l'entreprise Vêtements de sport c'est la vie inc. dans son unité de classification actuelle pour l'année 1996. »
Elle conclut par une hausse des masses salariales assurables pour les années 1994, 1995 et 1996, augmentant en conséquence la cotisation de l'employeur de 3 597,00 $. La Commission fait effectivement parvenir un avis de cotisation pour les années 1994, 1995 et 1996 le 4 septembre 1996 au montant de 3 596,36 $ et l'employeur conteste aussi cette décision.
À l'audience, la Commission dépose deux documents portant sur la vérification des masses salariales pour les années 1994 et 1995. Du premier, on constate que certaines couturières n'ont travaillé qu'un mois pendant l'année 1994 et ont reçu aussi peu que 30,67 $ alors que d'autres ont travaillé pendant huit mois et ont reçu 8 511,14 $.
En 1995, les chiffres respectifs sont de un mois et de 31,50 $ d'une part et de douze mois et de 13 286,02 $ d'autre part.
Ces documents montrent également qu'aucune de ces couturières, propriétaire ou non d'une raison sociale, n'a de dossier à la Commission alors que quelques-unes sont inscrites au Fichier central des entreprises.
À l'audience, monsieur De Palma donne des renseignements additionnels. La raison d'être de son entreprise est de fournir des vêtements pour enfants aux magasins et à des distributeurs. À son établissement, il emploie 5 ou 6 personnes dont une secrétaire, une couturière qui coud les prototypes, un expéditeur, un coupeur et lui-même.
Dans les faits, une couturière se présente à son établissement. Il lui montre le prototype à coudre. Si elle se sent capable de coudre ce vêtement et qu'il y a accord sur le prix et sur la date de livraison, la couturière prend possession du matériel, se rend chez elle, effectue la couture et rapporte l'ouvrage terminé dans le délai convenu. Si le travail est à la satisfaction de l'employeur, il paye la couturière mais si l'ouvrage ne l'est pas, la couturière doit recommencer à ses frais. Lorsqu'il paye la couturière, l'employeur n'effectue aucune retenue et ne paye pas de vacances.
Le matériel est fourni par l'employeur mais la couturière fournit la machine à coudre et souvent le fil à coudre. Maître de son temps, elle peut effectuer le travail quand bon lui semble mais elle doit respecter l'échéance convenue avec l'employeur.
L'employeur affirme que certaines couturières, travaillant probablement sous le nom d'une raison sociale, embauchent d'autres couturières qui effectueront elles-mêmes le travail. Pour faire cette affirmation, il s'appuie sur le fait que la quantité de travail remise ne pourrait être effectuée par une seule personne dans le délai convenu.
Vérificateur pour la Commission, Linda Trépanier explique à l'audience que, en 1994, il y avait 23 entrepreneurs et couturières. Pour l'essentiel, elle corrobore le témoignage de l'employeur.
ARGUMENTATION DES PARTIES
Après une revue des faits, le représentant de l'employeur plaide que les couturières sont des travailleuses autonomes et que, parmi elles, on retrouve des entrepreneurs qui emploient elles-mêmes d'autres couturières pour effectuer la confection des vêtements. L'employeur, quant à lui, n'exerce aucun contrôle sur les couturières car elles décident elles-mêmes de leurs horaires et ne peuvent être comparées à des travailleurs classiques. En outre, l'employeur n'a aucun moyen pour prévenir les lésions professionnelles.
En conséquence, il revient alors à la Commission de démontrer que ces travailleuses autonomes doivent être considérées comme des travailleuses puisque l'employeur n'a pas les moyens de faire cette vérification et que c'est la Commission, à titre de gestionnaire du régime, qui doit elle-même faire cette vérification. Or, la Commission a choisi la solution la plus facile en cotisant l'employeur au lieu d'aller chez les couturières pour faire les vérifications appropriées.
De son côté, l'avocate de la Commission, reconnaissant que les travailleuses sont des travailleuses autonomes, plaide que l'exception prévue à l'article 9 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., Chapitre A-3.001) (la loi) s'applique puisque ces travailleuses exercent des activités connexes à celles exercées dans l'établissement de l'employeur et qu'il n'y a pas de preuve qu'elles exercent ces activités simultanément pour plusieurs personnes.
Plaidant qu'il revient à l'employeur d'établir que les exceptions prévues à l'article 9 de la loi s'appliquent, elle rappelle que celui-ci n'a pas fait témoigner qui que ce soit et qu'il n'a donc pas présenté la preuve requise pour renverser la décision du Bureau de révision. En définitive, l'employeur essaie de se décharger de son obligation de préserver la santé et la sécurité des travailleurs.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Commission d'appel doit décider si la cotisation imposée par la Commission doit être maintenue. Plus précisément, il s'agit de déterminer si la masse salariale assurable de l'employeur doit comprendre ce qu'il a versé aux 23 couturières avec lesquelles il a fait affaire entre 1994 et 1996.
Les définitions de travailleur et de travailleur autonome que l'on retrouve à l'article 2 de la loi et l'application spéciale que la loi en fait à l'article 9 sont pertinentes au présent litige :
« travailleur »: une personne physique qui exécute un travail pour un employeur, moyennant rémunération, en vertu d'un contrat de louage de serves personnels ou d'apprentissage, à l'exclusion:
1odu domestique;
2o de la personne physique engagée par un particulier pour garder un enfant, un malade, une personne handicapée ou une personne âgée, et qui ne réside pas dans le logement de ce particulier;
3o de la personne qui pratique le sport qui constitue sa principale source de revenus;
« travailleur autonome »: une personne physique qui fait affaires (sic)[1] pour son propre compte, seule ou en société, et qui n'a pas de travailleur à son emploi.
9. Le travailleur autonome qui, dans le cours de ses affaires, exerce pour une personne des activités similaires ou connexes à celles qui sont exercées dans l'établissement de cette personne est considéré un travailleur à l'emploi de celle-ci, sauf:
1o s'il exerce ces activités:
a) simultanément pour plusieurs personnes;
b) dans le cadre d'un échange de services, rémunérés ou non, avec un autre travailleur autonome exerçant des activités semblables;
c) pour plusieurs personnes à tour de rôle, qu'il fournit l'équipement requis et que les travaux pour chaque personne sont de courte durée; ou
2o s'il s'agit d'activités qui ne sont que sporadiquement requises par la personne qui retient ses services.
De leur côté, les articles 290, 292 et 306 énoncent qu'un employeur doit notamment transmettre à la Commission une estimation des salaires bruts qu'il prévoit payer à ses travailleurs et qu'il leur a payés et que la cotisation de l'employeur est notamment calculée à partir de l'estimation que celui-ci fait des salaires qu'il prévoit payer pendant l'année en cours :
290. L'employeur transmet à la Commission un avis écrit de son identité et des nom et adresse de chacun de ses établissements dans les 14 jours du début de ses activités.
Dans les 60 jours du début de ses activités, il lui transmet notamment, pour chacun de ses établissements, les renseignements suivants:
1E la nature de ses activités;
2E une estimation des salaires bruts qu'il prévoit payer à ses travailleurs jusqu'au 31 décembre suivant.
292. L'employeur transmet chaque année à la Commission, avant le 1er mars, un état qui indique, notamment, pour chacun de ses établissements:
1E le montant des salaires bruts gagnés par ses travailleurs au cours de l'année civile précédente; et
2E une estimation des salaires bruts qu'il prévoit payer à ses travailleurs pendant l'année civile en cours.
L'exactitude de cet état est attestée par une déclaration signée par l'employeur ou son représentant qui a une connaissance personnelle des matières qui y sont mentionnées.
306. La Commission calcule le montant d'une cotisation à partir de l'estimation faite par l'employeur des salaires qu'il prévoit devoir payer pendant l'année en cours et ajuste le montant de la cotisation de l'année précédente à partir de la déclaration faite par l'employeur du montant des salaires qu'il a payés pendant cette année.
En l'instance, le statut de travailleur autonome des 23 couturières n'est plus remis en cause. Il faut alors, à cette étape, conclure qu'un travailleur autonome n'est pas un travailleur et que les montants des salaires ou autres sommes d'argent versés à une telle personne n'ont pas à être inclus dans la déclaration faite par l'employeur.
Toutefois, comme on l'a vu, l'article 9 de la loi assimile un travailleur autonome à un travailleur sauf si les exceptions mentionnées dans cet article sont prouvées.
Essentiellement, l'employeur plaide que, une fois que le statut de travailleur autonome a été prouvé, il revient à la Commission de démontrer que les activités exercées sont similaires ou connexes et de prouver la non-application des exceptions contenues à l'article 9 de la loi. Il ajoute que l'employeur n'a pas le fardeau de prouver que les activités ne sont pas similaires ou connexes ou que les exceptions contenues à cet article sont applicables.
L'employeur a raison.
En effet, l'employeur a le fardeau de démontrer que les personnes qu'il veut exclure du calcul de la masse salariale ne sont pas des travailleurs mais qu'elles sont plutôt des travailleurs autonomes. C'est d'ailleurs souvent lui qui est le mieux placé pour ce faire. En l'instance, la question ne se pose plus puisque la Commission reconnaît maintenant que les couturières sont effectivement des travailleuses autonomes. Une fois cette preuve faite, il serait cependant exorbitant de lui demander qu'il prouve la non-application de l'article 9 de la loi et plus particulièrement les exceptions contenues à cet l'article. Ainsi, comment l'employeur en l'instance pourrait-il notamment prouver que les 23 couturières exercent simultanément des activités similaires ou connexes pour plusieurs autres personnes à moins d'aller sur place et d'enquêter lui-même?
L'avocate de la Commission répond à ceci qu'il aurait pu tout simplement faire témoigner ces personnes. Cette proposition est irréaliste. On ne peut en effet penser qu'un simple employeur puisse avoir à sa disposition les moyens requis pour faire témoigner des douzaines de personnes sur les activités que celles-ci exerceraient. La Commission, avec ses nombreux vérificateurs, est en mesure d'aller chez ces travailleurs autonomes pour vérifier inter alia s'ils exercent simultanément des activités similaires ou connexes pour plusieurs autres personnes.
En l'instance, cette preuve n'a pas été faite. Certaines couturières, au cours d'une année, ont reçu de l'employeur quelques centaines de dollars et parfois moins de 100,00 $. De ceci, on peut conclure qu'il est possible qu'elles n'ont travaillé pour personne d'autre tout comme elles ont pu travailler pour plusieurs donneurs d'ouvrage en même temps. Comment répondre à cette question ou décider si leurs activités n'ont été requises par l'employeur que de façon sporadique si ce n'est qu'en faisant des hypothèses?
D'autres, de leur côté, ont reçu de l'employeur quelques milliers de dollars. Cela signifie-t-il nécessairement qu'elles travaillaient seulement pour lui ou, en même temps, ne travaillaient-elles pas pour d'autres donneurs d'ouvrage? Encore-là, il impossible de donner une réponse précise à cette question.
Utilisant, subsidiairement et in fine, un argument de nature téléologique, l'avocate de la Commission affirme que l'employeur, par ses affirmations, essaie d'éluder ses responsabilités en matière de santé et de sécurité au travail.
À ce sujet, il y a lieu de noter que la proportion de travailleurs autonomes a augmenté au cours des dernières années et qu'il semble que cette tendance s'accentuera au fil des années. Tous, y compris la Commission, devront s'adapter à cette réalité et celle-ci, par des voix autorisées, ne semble pas réfractaire à cette proposition.[2]
De plus, comment peut-on sérieusement penser un seul instant que l'employeur puisse avoir quelque contrôle, autorité ou influence sur la santé et la sécurité au travail des couturières qui effectuent leurs tâches à domicile et non dans l'établissement de l'employeur? Si une couturière dispose d'un délai de 5 jours pour accomplir l'ouvrage et qu'elle attend au dernier moment pour l'accomplir, travaillant 20 heures consécutives dans un endroit mal aéré, mal éclairé et mal organisé, l'employeur le saura-t-il jamais? Et s'il l'apprend, que pourra-t-il faire la prochaine fois? Refuser de faire affaire avec elle? Prendre son inspiration dans l'article 179 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail[3] ou dans l'article 331.1 de la loi entré en vigueur le 23 décembre 1996 et pénétrer, de jour ou de nuit, dans le lieu où la couturière exerce ses activités? Mettre fin au contrat de travail en s'inspirant de l'article 2094 du Code civil du Québec ou mettre fin au contrat d'entreprise en s'inspirant de son article 2125? De toute évidence, il n'est pas utile de s'attarder très longuement sur cet argument intellectuellement stimulant mais largement théorique.
Dans les circonstances, il y a donc lieu d'accueillir l'appel de l'employeur puisque la Commission n'a pas prouvé la non-application des exceptions énumérées aux paragraphes 1o et 2o de l'article 9 de la loi.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE l'appel de l'employeur;
INFIRME la décision du Bureau de révision du 19 novembre 1996;
DÉCLARE que, pour le calcul de la cotisation de l'employeur pour les années 1994, 1995 et 1996, la Commission ne doit pas tenir compte des montants versés aux couturières.
Me Yves Tardif, commissaire
M. Mike De Palma
323-C, rue Charles-Marchand
Le Gardeur (Québec)
J5Z 4N8
Représentant de la partie appelante
PANNETON, LESSARD
(Me Isabelle Piché)
432, rue de Lanaudière
Joliette (Québec)
J6E 7N2
Représentante de la partie intéressée
[1] Devrait être au singulier. Voir Le Petit Robert, Paul Robert, Dictionnaires LE ROBERT, Paris, 1990, p.30 : "Affaire" 7°
[2] Voir à ce sujet : La CSST étudiera le cas des travailleurs autonomes in LES AFFAIRES, Dominique Froment, samedi 11 octobre 1997, p.B7. Voir aussi les discours sur cette question de MM. Matthias Rioux, ministre du travail, Trefflé Lacombe, président du conseil d'administration et chef de la direction de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et Henri Massé, secrétaire général de la Fédération des travaileurs du Québec, lors du lancement de la Semaine de la santé et de la sécurité au travail le 20 octobre 1997 à Montréal, Sécurité au travail in La Presse, mardi 21 octobre 1997, p.C22.
[3] L.R.Q. ch. S-2.1
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.