|
||||||
Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec |
||||||
CANADA |
||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||||
|
||||||
No: |
33-16-1883 |
|||||
|
||||||
DATE : |
2 novembre 2016 |
|||||
|
||||||
|
||||||
LE COMITÉ : |
Me Patrick de Niverville, avocat |
Président |
||||
M. Abdelaziz Rzik, courtier immobilier |
Membre |
|||||
M. Salvatore Ciocca, courtier immobilier |
Membre |
|||||
|
||||||
|
||||||
FRANÇOIS LEBEL, ès qualités de syndic adjoint de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec |
||||||
Partie plaignante |
||||||
c. |
||||||
PHILIPPE SCHUBERT SAMEDI, (E3991) |
||||||
Partie intimée |
||||||
|
||||||
|
||||||
DÉCISION SUR CULPABILITÉ |
||||||
|
||||||
|
||||||
[1] Le 7 octobre 2016, le Comité de discipline de l’OACIQ se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 33-16-1883 ;
[2] Le syndic adjoint était alors représenté par Me Vanessa J. Goulet et, de son côté, l’intimé assurait seul sa défense ;
I. La plainte
[3] L’intimé fait l’objet d’une plainte comportant un chef d’accusation, soit :
1. Entre le ou vers le 7 septembre 2014 et le ou vers le 12 septembre 2014, concernant l'immeuble sis au [...] à Terrebonne, l'intimé a effectué des opérations de courtage, et ce, alors que son permis faisait l'objet d'une suspension, notamment :
a) en visitant ledit immeuble avec le promettant-acheteur, Daniel Junior Moïse et son épouse;
b) en rédigeant et/ou en participant à la rédaction de l'«Offre d'achat - propriété résidentielle»;
c) en présentant l'«Offre d'achat - propriété résidentielle» aux vendeurs, Severine Monget et Miraj I. Chowdhury;
contrevenant ainsi à l'article 17 du Règlement sur la délivrance des permis de courtier ou d'agence et aux articles 62 et 69 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.
[4] L’intimé ayant choisi de se représenter seul suite à la révocation du mandat de son procureur, les parties ont alors procédé à l’audition de la plainte ;
II. La preuve
A) Par la syndic-adjoint
[5] Dans un premier temps, Me Goulet a déposé de consentement les pièces suivantes :
P-1 : Attestation d’usage du permis de courtier #E3991 de Philippe Schubert Samedi en date du 16 février 2016;
P-2 : Copie de la lettre du service de la Certification de l’OACIQ adressée à M. Michel Selyé en date du 4 juin 2014;
P-3 : En liasse, Copie de la lettre du service de la Certification de l’OACIQ adressée à M. Michel Selyé en date du 16 juin 2014 et copie de la lettre du service de Certification de l’OACIQ adressée à M. Samedi en date du 16 juin 2014;
P-4 : Copie de la lettre du service de la Certification de l’OACIQ adressée à M. Samedi en date du 17 juin 2014;
P-5 : Copie de la lettre du service de la Certification de l’OACIQ adressée à M. Samedi en date du 12 août 2014;
P-6 : Copie de la lettre de Me Patricia Couture adressée à M. Samedi en date du 4 novembre 2014 relativement à la décision du Comité d’indemnisation.
[6] D’autre part, l’intimé a reconnu que son permis était suspendu au moment des infractions reprochées ;
[7] Cela dit, la poursuite a fait entendre Mme Severine Monget, laquelle est l’ancienne propriétaire de l’immeuble visé par le chef 1 ;
[8] Son témoignage a permis d’établir les faits suivants :
· En septembre 2014, sa maison[1] était en vente par l’entremise de la firme duProprio[2] pour un montant de 239 900$ ;
· M. Samedi se présente alors comme étant un « démarcheur » et l’informe qu’il a des clients qui sont intéressés par sa propriété ;
· Une visite de la maison a donc lieu le 7 septembre 2014 ;
· L’intimé étant en retard, les clients en profitent pour faire une première visite et, à l’arrivée de M. Samedi, il procèdent à une deuxième visite avec ce dernier ;
· Suite à cette visite, l’intimé lui téléphone pour lui dire qu’il a une offre d’achat[3] à lui présenter ;
· D’ailleurs, l’intimé lui présente, en mains propres, cette offre d’achat ;
· Cette offre sera refusée puisque selon Mme Monget, le prix est beaucoup trop bas et ne reflète pas la valeur réelle de sa propriété ;
· Elle fera donc parvenir à l’intimé une contre-offre[4], le 10 septembre 2014 ;
· Cette contre-offre sera acheminée à l’intimé par courriel[5] ;
· Suite à la réception de ce courriel, l’intimé l’appellera pour lui dire que cette contre-offre ne convient pas à ses clients ;
· Mme Monget lui mentionne alors qu’elle ne baissera pas son prix et qu’elle n’a pas l’intention de payer une commission ;
· L’intimé lui explique alors, par une série de calculs plus ou moins alambiqués, les raisons du prix offert par ses clients et elle réalise alors que c’est elle qui paiera la commission de l’intimé ;
· Elle est furieuse, surtout considérant qu’elle a toujours dit qu’il n’était pas question qu’elle lui paie une commission, ni à lui, ni à quiconque ;
· Finalement, l’intimé la rappelle pour lui dire que sa contre-offre[6] est refusée ;
· Il s’ensuivra alors entre les parties une série de courriels[7] dans lesquels Mme Monget exprimera à l’intimé son insatisfaction et son sentiment d’avoir été abusée par ce dernier ;
[9] Comme deuxième témoin à charge, Me Goulet a fait entendre le promettant-acheteur, M. Daniel Junior Moïse ;
[10] Son témoignage, plus ou moins crédible et truffé de blancs de mémoire, a quand même permis d’établir les faits suivants :
· Il est un ami de longue date de M. Samedi ;
· À l’époque des faits reprochés, il cherchait une maison pour lui et sa famille naissante ;
· N’ayant aucune expérience dans le domaine immobilier, il a consulté M. Samedi même s’il savait que son permis était suspendu ;
· Il a visité la maison en présence de M. Samedi et ils ont alors discuté du prix et des vices cachés dont il devait se méfier ;
· Il prétend avoir préparé l’offre d’achat[8] tout en étant conseillé par M. Samedi lors de sa rédaction ;
· Par contre, il est incapable d’expliquer les clauses 6.1 (financement), 7.3 (répartitions) et 8 (autres conditions) de l’offre d’achat ;
[11] Enfin, après les explications plus ou moins nébuleuses qu’il a fournies pour expliquer la manière dont fut complétée l’offre d’achat, la poursuite a produit en preuve (P-13) certains extraits de son entrevue téléphonique avec le syndic adjoint ;
[12] Il appert, lors de cette conversation téléphonique (P-13), que M. Moïse a effectivement affirmé au syndic adjoint que l’offre d’achat avait été remplie par M. Samedi et acheminée par lui aux vendeurs ;
[13] Par contre, en contre-interrogatoire, il prétend qu’il était nerveux lors de cette conversation téléphonique et que la ligne était mauvaise, d’où une certaine confusion dans ses réponses aux questions du syndic adjoint ;
B) Par l’intimé
[14] Malgré plusieurs suggestions et invitations, en ce sens, par le président du Comité de discipline, l’intimé a choisi de ne pas présenter de preuve en défense, ni de témoigner ;
III. Argumentation
A) Par le syndic adjoint
[15] Me Goulet, après un bref rappel des faits, a produit diverses jurisprudences ;
[16] Par ailleurs, elle a insisté sur les points suivants :
· L’intimé a effectué des « opérations de courtage » alors que son permis était sous le coup d’une suspension ;
· L’article 17 du Règlement sur la délivrance des permis de courtier ou d’agence[9] n’exige pas la preuve d’une rétribution ;
· Suivant la preuve, l’intimé a clairement agi comme intermédiaire entre les vendeurs et les acheteurs ;
B) Par l’intimé
[17] De son côté, l’intimé plaide qu’il était de bonne foi et que son objectif était simplement d’aider un de ses vieux amis ;
[18] Il considère avoir agi de façon bénévole, sans commission, ni contrepartie ;
[19] Il insiste sur le fait qu’en l’absence d’une rétribution, on ne peut qualifier ses faits et gestes comme équivalant à une « opération de courtage » ;
[20] Du même souffle, il reconnaît les gestes reprochés tout en précisant que ceux-ci ont été posés uniquement dans le but de rendre service à un ami, sans aucune rétribution ;
[21] Enfin, il conclut qu’il n’avait pas d’intention malhonnête et, surtout, qu’il n’a jamais eu l’intention d’enfreindre la loi ;
IV. Analyse et décision
A) Le cadre juridique
[22] L’article 17 du Règlement sur la délivrance des permis de courtier ou d’agence[10] (ci-après, le « Règlement ») édicte :
17. Lorsqu’un permis fait l’objet d’une suspension, son titulaire ne peut effectuer d’opérations de courtage. Il ne peut, notamment, effectuer de publicité, de sollicitation de clientèle ou de représentation relatives à des services de courtage immobilier ou hypothécaire, ni prendre le titre de courtier ou d’agence.
[23] D’autre part, il convient de citer les articles 1, 4 et 124 de la Loi sur le courtage immobilier[11] (ci-après, « LCI ») :
1. La présente loi s’applique à toute personne ou société qui, pour autrui et contre rétribution, se livre à une opération de courtage relative aux actes suivants:
1° l’achat, la vente, la promesse d’achat ou de vente d’un immeuble, ou l’achat ou la vente d’une telle promesse;
2° la location d’un immeuble, dès qu’il y a exploitation d’une entreprise par la personne ou la société qui agit à titre d’intermédiaire dans ce domaine;
3° l’échange d’un immeuble;
4° le prêt garanti par hypothèque immobilière;
5° l’achat ou la vente d’une entreprise, la promesse d’achat ou de vente d’une entreprise ainsi que l’achat ou la vente d’une telle promesse, par un seul contrat, si les biens de l’entreprise, selon leur valeur marchande, sont principalement des biens immeubles.
Toutefois, la présente loi ne s’applique pas à une opération portant sur un instrument dérivé au sens de la Loi sur les instruments dérivés (chapitre I-14.01) ou à une opération portant sur une valeur mobilière au sens de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1).
4. Sous réserve des articles 2 et 3 et des autorisations spéciales de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec, nul ne peut agir comme courtier immobilier ou hypothécaire, ni se présenter comme tel, s’il n’est titulaire d’un permis de courtier délivré par cet organisme.
Le courtier immobilier est la personne physique qui se livre à une opération de courtage visée à l’article 1.
Le courtier hypothécaire est la personne physique qui se livre uniquement à des opérations de courtage relatives à des prêts garantis par hypothèque immobilière.
Sous réserve de la section IV du chapitre II, quiconque contrevient aux dispositions du présent article ne peut réclamer ni recevoir de rétribution pour l’opération de courtage à laquelle il s’est livré. De même, le courtier qui se livre à une opération de courtage par l’entremise d’une personne qui n’est pas titulaire d’un permis ne peut non plus réclamer ou recevoir de rétribution pour cette opération.
124. Sous réserve des articles 2 et 3 et des autorisations spéciales de l’Organisme, commet une infraction, quiconque, de quelque façon, prétend être un courtier ou une agence, utilise un titre pouvant laisser croire qu’il l’est, exerce l’activité de courtier ou d’agence, prétend avoir le droit de le faire ou agit de manière à donner lieu de croire qu’il est autorisé à le faire, s’il n’est pas titulaire du permis requis par la présente loi.
Pour l’application du premier alinéa, lorsque le poursuivant fait la preuve que le défendeur s’est livré à une opération de courtage visée à l’article 1, cette opération est présumée effectuée contre rétribution. (Nos soulignements)
B) La compétence du Comité
[24] Tel que l’on peut le constater à la lecture de l’article 17 du Règlement[12], il n’est pas nécessaire d’entreprendre une poursuite pénale pour exercice illégal contre une personne dont le permis est simplement suspendu puisque celle-ci est toujours titulaire de son permis et alors, l’article 124 LCI ne s’applique pas ;
[25] Cette façon de faire et surtout cette procédure particulière au monde du courtage immobilier a été reconnue valide par les tribunaux ;
[26] Il s’agit de l’affaire Pépin c. Pigeon[13], laquelle a connu plusieurs rebondissements ;
[27] Dans un premier temps, l’intimé avait présenté devant le Comité de discipline[14] une requête pour rejet de la plainte en prétextant que seule la Cour du Québec[15] avait compétence pour entendre cette plainte équivalente à une poursuite pénale pour exercice illégal de la profession de courtier immobilier ;
[28] En l’espèce, le Comité, alors présidé par Me Gilles Duchesne, avait conclu[16] comme suit :
[28] Reste le libellé du chef 1 de la plainte qui allègue que les 10 et 13 décembre 2004, l’intimé aurait agi comme intermédiaire dans une opération immobilière de ses clients, alors que son certificat faisait l’objet d’une suspension.
[29] Le comité est d’avis que le membre dont le certificat fait l’objet d’une suspension ne perd pas pour autant son statut de «membre» : ce ne sont que les effets du certificat qui sont levés pendant cette période.
[30] D’ailleurs l’expression même de «reprise d’effet» est significative : l’article 42 du Règlement de l’ACAIQ édicte que «le titulaire de ce certificat doit faire la demande de reprise d’effet par écrit à l’Association avant la date d’expiration du certificat…».
[31] Il est difficile d’être plus clair : le certificat n’est pas expiré au cours d’une période de suspension. Il a une existence, reliée à son seul détenteur.
[32] On ne peut donc que conclure que ce ne sont que les effets qui sont levés et que l’agent immobilier ne perd pas son statut de «membre».
[33] Le Code des professions utilise aussi un langage clair lorsque l’article 156 prévoit, dans l’éventail des sanctions, la suspension du « droit d’exercer des activités professionnelles ». Il n’est pas question d’exclusion du Tableau d’un Ordre ou du Registre des membres lorsqu’on parle de suspension.
[34] En conséquence, le comité ne fait pas droit à la requête de l’intimé quant au chef 1 de la plainte non plus. (Nos soulignements)
[29] Insatisfait de cette décision[17], Pépin a alors requis et obtenu de Mme la juge Quenneville, j.c.q., la permission d’interjeter appel[18] de cette décision interlocutoire ;
[30] Le 16 juin 2009, le juge Martin Hébert, j.c.q., rejetait l’appel et concluait à la compétence du Comité de discipline à juger de cette infraction[19] ;
[31] Le 6 octobre 2009, la Cour d’appel[20] refusait la permission d’appeler de ce jugement dans les termes suivants :
[2]
Dans un jugement oral élaboré, le juge Hébert a minutieusement
étudié la question en litige et a conclu que le Comité de discipline conservait
sa compétence sur un courtier malgré la suspension de son permis, et que le
syndic n'était pas obligé de déposer une plainte pénale devant la Cour du
Québec en application de l'article
[3] Je vois difficilement comment cette Cour arriverait à une conclusion différente. Même si la question de droit proposée est intéressante pour les parties, elle n'a pas une importance générale qui dépasse leurs propres intérêts. Ayant déjà bénéficié d'un appel à la Cour du Québec, le requérant ne m'a pas convaincu que la question nécessite un deuxième appel. (Nos soulignements)
[32] Bref, le Comité de discipline a donc juridiction pour instruire une plainte pour des gestes commis durant la période de suspension du permis du courtier immobilier ;
[33] À première vue, une telle conclusion peut sembler pour le moins étonnante, surtout si l’on considère qu’habituellement, les poursuites pénales pour exercice illégal d’une profession sont entreprises devant la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale[21] ;
[34]
Mais cette
différence s’explique aisément lorsque l’on considère que l’article 32 du Code
des professions[22] exige deux (2) conditions avant que
l’on puisse déposer une plainte pénale, soit, d’une part, l’absence de permis
et, d’autre part, l’absence d’inscription au Tableau de l’ordre professionnel,
tel qu’il appert du texte de l’article
32. Nul ne peut de quelque façon prétendre être avocat, notaire, médecin, dentiste, pharmacien, optométriste, médecin vétérinaire, agronome, architecte, ingénieur, arpenteur-géomètre, ingénieur forestier, chimiste, technologue en imagerie médicale, technologue en radio-oncologie ou technologue en électrophysiologie médicale, denturologiste, opticien d’ordonnances, chiropraticien, audioprothésiste, podiatre, infirmière ou infirmier, acupuncteur, huissier de justice, sage-femme, géologue ou comptable professionnel agréé ni utiliser l’un de ces titres ou un titre ou une abréviation pouvant laisser croire qu’il l’est, ou s’attribuer des initiales pouvant laisser croire qu’il l’est, ni exercer une activité professionnelle réservée aux membres d’un ordre professionnel, prétendre avoir le droit de le faire ou agir de manière à donner lieu de croire qu’il est autorisé à le faire, s’il n’est titulaire d’un permis valide et approprié et s’il n’est inscrit au tableau de l’ordre habilité à délivrer ce permis, sauf si la loi le permet.
L’interdiction d’utiliser les titres ou les abréviations ou de s’attribuer les initiales mentionnées au premier alinéa ou dans une loi constituant un ordre professionnel s’applique à l’utilisation de ces titres ou abréviations ou à l’attribution de ces initiales au genre féminin. (Nos soulignements)
[35]
Dans le même ordre
d’idées, l’article
1. Dans le présent code et dans les règlements adoptés sous son autorité, à moins que le contexte n’indique un sens différent, les termes suivants signifient:
(…)
f) «permis» : un permis délivré conformément au présent code et à la Charte de la langue française (chapitre C-11), qui permet d’exercer la profession d’exercice exclusif qui y est mentionnée et d’utiliser un titre réservé aux personnes exerçant cette profession ou qui permet uniquement d’utiliser un titre réservé aux membres de l’ordre professionnel délivrant ce permis, sous réserve de l’inscription au tableau de cet ordre professionnel du titulaire de ce permis;
(…)
h) «tableau» : la liste des membres en règle d’un ordre, dressée conformément au présent code; (Nos soulignements)
[36] Bref, tel que le décidait le regretté président, Me Gilles Duchesne, en première instance[23] dans l’affaire Pépin, et dont la décision fut confirmée par la Cour du Québec[24] et par la Cour d’appel[25], le courtier immobilier dont le permis n’est que suspendu est toujours « membre » de l’OACIQ ;
[37] En conséquence, le Comité a compétence sur ses actes suivant l’article 17 du Règlement[26] ;
C) Les accusations
[38] La plainte reproche à l’intimé d’avoir effectué trois (3) opérations de courtage alors que son permis était suspendu, soit :
a) La visite d’un immeuble avec un promettant-acheteur ;
b) La rédaction et/ou la participation à la rédaction d’une offre d’achat ;
c) La présentation d’une offre d’achat aux vendeurs ;
[39] La preuve établit de façon claire, nette et sans aucune ambiguïté que l’intimé :
1) A fait visiter un immeuble à un promettant-acheteur, soit M. Moïse, et qu’il a même conseillé l’acheteur potentiel lors de cette visite ;
2) A participé de façon active à la rédaction d’une offre d’achat en conseillant M. Moïse sur la façon de compléter l’offre d’achat ;
3) A présenté cette offre aux vendeurs ;
[40] Cette preuve n’a pas été contestée par l’intimé, lequel n’a pas témoigné pour contredire les faits présentés par la partie plaignante ;
[41] La défense de l’intimé a plutôt consisté à prétendre qu’il ne pouvait être reconnu coupable des infractions reprochées aux motifs :
1) Qu’il était de bonne foi et qu’il ne cherchait qu’à rendre service à un ami de longue date ;
2) Qu’il n’a reçu aucune rétribution, ni même convenu d’une commission par contrat verbal ou écrit ;
3) Qu’il n’avait pas l’intention d’enfreindre la loi et que ses actions étaient motivées par sa volonté d’aider un ami ;
[42] De l’avis du Comité, les moyens de défense proposés par l’intimé sont irrecevables pour les motifs ci-après exposés ;
D) La bonne foi et l’absence d’intention malhonnête
[43] L’article 17 du Règlement[27] n’exige pas la preuve d’une intention malhonnête, il ne s’agit pas d’une infraction à intention spécifique[28];
[44] De plus, le syndic n’a pas à démontrer la mauvaise foi de l’intimé ;
[45] Par contre, l’absence d’intention malhonnête et la bonne foi de l’intimé pourront être considérées comme facteurs atténuants au moment de l’imposition de la sanction;
E) L’absence de rétribution
[46] Contrairement à l’article 1 de la loi[29], l’article 17 du Règlement[30] n’exige pas que l’opération de courtage soit effectuée « pour autrui et contre rétribution » ;
[47] Cette exigence de la loi ne se retrouve pas dans l’interdiction imposée aux courtiers dont le permis fait l’objet d’une suspension de ne pas effectuer d’opérations de courtage ;
[48] Au-delà de ces considérations, le témoignage de la vendeuse, Mme Monget, permet de conclure que l’intimé cherchait à se faire payer une commission dans le cadre de cette transaction ;
[49] D’ailleurs, l’intimé n’a pas contredit cette affirmation de Mme Monget puisqu’il n’a pas témoigné, ni présenté aucune preuve contraire ;
[50] De plus, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’une rétribution a été effectivement payée[31] ;
[51] Ce moyen de défense sera donc rejeté ;
F) Aide à un ami
[52] Tel que mentionné précédemment, l’absence de rétribution ne constitue pas un moyen de défense à l’encontre d’une infraction visée par l’article 17 du Règlement ;
[53] Par contre, un courtier qui agit de façon bénévole et uniquement dans le but d’aider un ami peut-il être exonéré d’une infraction à l’article 17 du Règlement ?
[54] Le Comité répond par la négative à cette question et ce, pour plusieurs motifs ;
[55] Premièrement, la LCI est une loi d’ordre public[32] ;
[56] Deuxièmement, elle vise la protection du public et, en ce sens, qu’il s’agisse ou non d’un véritable client ou d’un simple ami, dans les deux (2) cas, il s’agit d’une personne qui a droit à la protection de la loi ;
[57] D’ailleurs, l’article 18 LCI[33] précise qu’une agence est responsable du préjudice causé à « toute personne » pour la faute commise par un courtier ;
[58] Dans le même ordre d’idée, l’article 61 du Règlement sur les conditions d’exercice, d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité[34] édicte :
61. Le présent chapitre s’applique au courtier et au dirigeant d’agence, qu’il soit ou non dans l’exercice de ses activités. (Nos soulignements)
[59] L’article 18 dudit Règlement[35] exige également de tout titulaire de permis, « qu’il soit ou non dans l’exercice de ses fonctions », de divulguer, par écrit, toute situation potentielle de conflit d’intérêts lors d’une transaction immobilière ;
[60] Bref, un tel argument ne tient pas la route et il est contraire aux prescriptions de la LCI ;
[61] Troisièmement, lorsque le législateur a jugé opportun d’exclure de l’application des lois professionnelles les aidants naturels ou les bénévoles, il l’a fait de façon spécifique, par une disposition claire, nette et précise ;
[62] À titre d’exemple, l’article 39.6 du Code des professions [36] prévoit :
39.6. Malgré toute disposition inconciliable, un parent, une personne qui assume la garde d’un enfant ou un aidant naturel peut exercer des activités professionnelles réservées à un membre d’un ordre.
Aux fins du présent article, un aidant naturel est une personne proche qui fournit sans rémunération des soins et du soutien régulier à une autre personne.
[63] Or, la LCI ne contient aucune disposition semblable ;
[64] En conséquence, et pour l’ensemble de ces motifs, ce moyen de défense sera également rejeté ;
G) Les opérations de courtage
[65] En dernier lieu, il convient de rappeler que la plainte reproche à l’intimé trois (3) gestes précis, soit :
1) La visite d’un immeuble avec un promettant-acheteur ;
2) La rédaction et/ou la participation à la rédaction d’une offre d’achat ;
3) La présentation aux vendeurs de l’offre d’achat ;
[66] Dans les trois (3) cas, il s’agit d’« opérations de courtage », tel que reconnu par la jurisprudence ;
[67] Premièrement, la visite d’un immeuble constitue clairement une « opération de courtage » suivant la jurisprudence et plus particulièrement, suivant l’affaire Langis[37] ;
[68] Deuxièmement, la rédaction de tout formulaire obligatoire et la présentation d’une promesse d’achat constituent autant d’« opérations de courtage » [38] ;
[69] Finalement, le simple fait d’agir comme intermédiaire entre un vendeur et un acheteur potentiel constitue une « opération de courtage » selon la Cour d’appel[39] ;
H) Conclusion
[70] Vu la preuve claire, nette et précise sur chacun des éléments essentiels des infractions reprochées et compte tenu de la loi et de la jurisprudence, l’intimé sera reconnu coupable des chefs 1a), 1b) et 1c) de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 17 du Règlement[40] ;
[71] En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’encontre des autres dispositions réglementaires alléguées au soutien desdits chefs ;
PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :
DÉCLARE l’intimé coupable du chef 1 de la plainte et plus particulièrement comme suit :
Chefs 1a), 1b) et 1c) : pour avoir contrevenu à l’article 17 du Règlement sur la délivrance des permis de courtier ou d’agence (RLRQ. c. C-73.2, r.3)
PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions réglementaires alléguées au soutien desdits chefs ;
DEMANDE à la secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition des représentations sur sanction ;
LE TOUT, frais à suivre.
|
____________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président
____________________________________ M. Abdelaziz Rzik, courtier immobilier Membre
____________________________________ M. Salvatore Ciocca, courtier immobilier Membre
|
Me Vanessa J. Goulet |
|
Procureure de la partie plaignante |
|
|
|
Philippe Schubert Samedi (personnellement) |
|
Partie intimée |
|
|
|
Date d’audience : 7 octobre 2016 |
[1] P-7: index aux immeubles;
[2] P-8: fiche descriptive duProprio;
[3] Pièce P-9: offre d’achat du 7 septembre 2014;
[4] Pièces P-10 et P-10(b);
[5] P-11;
[6] P-11;
[7] P-12;
[8] P-9;
[9] RLRQ, c. C-73.2, r.3;
[10] Ibid.;
[11] RLRQ. c. C-73.2;
[12] RLRQ, c. C-73.2, r.3;
[13]
[14] ACAIQ c. Pépin, 2008 CanLII 89977 (QC OACIQ);
[15] Chambre criminelle et pénale;
[16] ACAIQ c. Pépin, 2008 CanLII 89977 (QC OACIQ);
[17] Ibid.;
[18] Pépin c. Pigeon,
[19] Pépin c. Pigeon,
[20] Pépin c. Pigeon,
[21] Voir les art.
[22] RLRQ, c. C-26;
[23] ACAIQ c. Pépin, 2008 CanLII 89977 (QC OACIQ);
[24] Pépin c. Pigeon,
[25] Pépin c. Pigeon,
[26] RLRQ, c. C-73.2, r.3;
[27] Ibid.;
[28] Voir par analogie : Ouimet
c. Denturologistes,
[29] RLRQ, c. C-73.2;
[30] Ibid., r.3;
[31] ACAIQ c. Service Élimidettes
(Québec inc.),
[32] ACAIQ c. Proprio-Direct,
[33] RLRQ, c. C-73.2;
[34] RLRQ, c. C-73.2, r.1;
[35] Ibid.;
[36] RLRQ, c. C-26;
[37] Langis c. OACIQ,
[38] Rochefort c. Pigeon, 2004
CanLII 39153 (QCCQ) confirmé par
[39] ACAIQ c. Compagnie de Fiducie
M.R.S.,
Langlois c. OACIQ,
[40] RLRQ, c. C-73.2, r.3;
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.