Décision

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Larouche c. Bell Expressvu, s.e.c.

2014 QCCS 6256

JD 2422

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-06-000590-121

 

 

 

DATE :

19 décembre 2014

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

SYLVIE DEVITO, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

JULIETTE LAROUCHE

Requérante

c.

BELL EXPRESSVU SOCIÉTÉ EN COMMANDITE

et

BELL CANADA

Intimées

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

Introduction

[1]           Par sa requête amendée (« Requête »), madame Juliette Larouche (« la requérante ») recherche l’autorisation d’exercer un recours collectif contre les intimées, Bell ExpressVu Société en commandite (« ExpressVu ») et Bell Canada (« Bell ») - (collectivement les « intimées »).

Requête en autorisation

[2]           La requérante demande l’autorisation d’exercer un recours collectif pour le compte du groupe qu’elle décrit aux paragraphes 2 et 3 de la Requête comme suit :

Groupe principal

«Toutes les personnes physiques et toutes les personnes morales de droit privé, sociétés ou associations, comptant en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède le 10 janvier 2012 sous leur direction ou sous leur contrôle au plus 50 personnes liées à elles par contrat de travail, qui à un moment donné ou à un autre depuis le 1er juin 2010 ont été abonnées aux services de télévision satellite de Bell Expressvu (sic) ou de Bell Télé Fibe de Bell Canada au Québec et qui ont payé des frais de retard sur le montant d’au moins une facture émise par les intimées en vertu de l’un des contrats suivants : Contrat pour les clients résidentiels; Contrat pour les abonnés commerciaux; et Bell Télé Fibe - Contrat de service pour les consommateurs - Modalités de service.»

ou tout autre sous-groupe que le Tribunal pourra déterminer ;

Sous-groupe des consommateurs

«Toutes les personnes physiques, sauf un commerçant qui a conclu un contrat avec une des intimées aux fins de son commerce, qui à un moment ou à un autre depuis le 1er juin 2010 ont été abonnées aux services de télévision satellite de Bell Expressvu (sic) ou de Bell Télé Fibe de Bell Canada au Québec et qui ont payé  des frais de retard sur le montant d’au moins une facture émise par les intimées en vertu de l’un des contrats suivants : Contrat pour les clients résidentiels; Contrat pour les abonnés commerciaux; et Bell Télé Fibe - Contrat de service pour les consommateurs - Modalités de services. »

ou tout autre sous-groupe que le Tribunal pourra déterminer.

[3]           La requérante fait partie du groupe principal et du sous-groupe des consommateurs pour le compte desquels elle entend exercer un recours collectif.

Sommaire du litige

[4]           La requérante allègue que depuis le 1er juin 2010, les intimées ont unilatéralement et illégalement haussé les frais de retard applicables aux comptes en souffrance pour les abonnés susmentionnés. Le taux d’intérêt de 2 % par mois, composé quotidiennement, serait passé de 2 % à 3 %, soit de 26,82 % à 42,58 % annuellement. Les mêmes frais de retard auraient été imposés aux abonnés du service Fibe dès sa mise en disponibilité en septembre 2010.

[5]           Elle indique vouloir exercer un recours en réduction des frais de retard, en remboursement des frais de retard payés en trop et en dommages-intérêts punitifs[1].

[6]           Elle allègue qu’en agissant comme elles l’ont fait, les intimées ont fait fi de leurs obligations à l’égard des abonnés, ont ignoré les objectifs visées par la Loi sur les télécommunications[2], de même que leurs propres observations faites au C.R.T.C. au regard de la réglementation sur les suppléments de retard chargés aux clients dans l’industrie. En outre elle leur reproche de maintenir la hausse imposée depuis 2010 malgré tout, sans égard aux pratiques du marché.

[7]           Elle souhaite être autorisée à représenter trois catégories de clients d'ExpressVu et de Bell, soit :

-           les abonnés résidentiels ExpressVu qui, comme elle, étaient titulaires d’un contrat pour les clients résidentiels[3];

-           les abonnés résidentiels Bell, titulaires d’un contrat de service pour les consommateurs - Modalités de service Bell Télé Fibe[4]; et

-           les abonnés commerciaux ExpressVu, titulaires d’un contrat pour les abonnés commerciaux[5].

[8]           Selon elle, en agissant comme elles l’ont fait, les intimées ont commis une faute lui ayant causé et ayant causé aux membres du groupe, un dommage. Elle soutient que la responsabilité des intimées à l’égard des membres du groupe est engagée selon le Code civil du Québec (« C.c.Q. »)[6] et pour le sous-groupe consommateur, selon la Loi sur la protection du consommateur (« L.p.c. »)[7]. Elle précise néanmoins que les membres de ce dernier groupe font également partie intégrante du groupe principal[8].

[9]           Les questions de faits ou de droit identiques, similaires ou connexes reliant chacun des membres du groupe aux intimées, identifiées par la requérante et qu’elle entend faire trancher par son recours sont[9] :

-               les intimées ont-elles commis une ou des fautes génératrice(s) de responsabilité?

-               les agissements reprochés aux intimées ont-ils causé des dommages aux membres du groupe?

-               les intimées sont-elles responsables des dommages subis par la requérante et les membres du groupe en vertu du C.c.Q.?

-               les intimées sont-elles responsables des dommages subis par la requérante et les membres du groupe des consommateurs en raison de la lésion objective prévue à la L.p.c.?

-               les intimées doivent-elles être condamnées à des dommages punitifs en vertu de la L.p.c.?

 

[10]        Les conclusions recherchées sont ainsi libellées[10] :

DÉCLARER que les frais de retard imposés par les intimées sont abusifs et constituent une lésion au sens de la Loi;

CONDAMNER les intimées à payer à la requérante ainsi qu’à chacun des membres du groupe une somme équivalente au montant de la réduction des frais de retard calculés à un taux d’intérêt de 42,58 % à au plus 26,82 % applicable sur les frais de retard payés depuis le 1er juin 2010 à titre de dommages-intérêts pour le préjudice matériel, le tout avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter de la date du paiement de ces sommes et ORDONNER le recouvrement collectif de ces sommes;

CONDAMNER les intimées à payer à la requérante ainsi qu’à chacun des membres du groupe une somme de 200,00 $ à titre de dommages punitifs, sauf à parfaire, le tout avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du jugement à être prononcé et ORDONNER le recouvrement collectif de ces sommes;

LE TOUT avec les entiers dépens incluant les frais d’expertise et les frais de publication des avis aux membres.

[11]        Les intimées ne contestent pas l’autorisation du recours de la requérante au nom des abonnés résidentiels.

[12]        Toutefois, elles contestent l’inclusion des abonnés commerciaux puisque selon elles :

-            la requérante n’a pas l’intérêt juridique requis à l’égard de ces abonnés, tel que l’exige l’article 1003 Code procédure civile (« C.p.c. »);

-            les faits allégués dans la Requête ne créent aucune apparence de droit en ce qui concerne ces abonnés, tel que l’exige l’article 1003 (b) C.p.c.;

[13]        En outre, elles ajoutent que le recours proposé ne crée aucune apparence sérieuse de droit à des dommages punitifs et que par conséquent, cette question devrait être exclue.

Quelques faits

[14]        ExpressVu offre un service de télévision directe par satellite (Bell Télé Satellite) et pour sa part, Bell offre notamment celui de la télévision par fibre optique (Bell Télé Fibe).

[15]        Durant la période visée par le présent recours collectif et jusqu’au mois d’août 2013, la requérante a été une cliente d’ExpressVu en vertu d’un contrat de service de télévision satellite.

[16]        Jusqu'au 1er juin 2010, ExpressVu appliquait un taux d'intérêt de 26,82 % sur les soldes acquittés après la date d'échéance de facturation.

[17]        Depuis le 1er juin 2010, suite à la modification unilatérale de son contrat la liant à ExpressVu, la requérante s’est vue imposer des frais de retard calculés à un taux d’intérêt annuel de 42,58 %.

[18]        Elle produit ses factures des 18 juin au 18 décembre 2010[11]. Celles-ci portent la mention suivante :

Frais de retard : les frais de 3 % par mois (42,58 % par année) s'appliquent à compter de la date de facturation si le paiement n'est pas reçu avant votre prochaine date de facturation.

[19]        Tous les membres du groupe sont liés contractuellement à l’une des intimées en vertu de l’un des contrats produits comme pièces R-2, R-3 et R-4[12].

[20]        Le 1er juin 2010, les intimées ont unilatéralement modifié les contrats pièces R-2, R-3 et R-4 afin de hausser les frais de retard calculés au taux d’intérêt annuel de 26,82 % à 42,58 %.

[21]        Tous les membres du groupe identifié par la requérante se sont vus imposer par une des intimées, des frais de retard calculés à un taux d’intérêt annuel de 42,58 % à compter du 1er juin 2010.

Recours collectif dans le dossier Aka-Trudel

[22]        Il convient de souligner l’existence d’un recours similaire autorisé le 16 décembre 2011 dans le dossier 500-06-000529-103[13].

[23]        L’honorable Lucie Fournier a initialement autorisé l’exercice d’un recours collectif par M. Louis Aka-Trudel sous la forme d'une requête introductive d'instance en dommages contre Bell Canada (« Bell ») et contre Bell Mobilité inc. à propos de la même modification des frais de retard imposés, mais à l’égard de services différents.

[24]        En effet, dans ce dossier, les services visés sont ceux fournis par Bell pour des services et produits de télécommunications filaires résidentiels et commerciaux aux termes des contrats suivants :

-           modalités des services non réglementés de téléphonie locale - marché consommateur;

-           modalités des services non réglementés - services voix et Internet, de services Internet pour des clients résidentiels et commerciaux.

[25]        Ceux fournis par Bell Mobilité sont les services de voix, données et autres services de télécommunications sans fil.

[26]         M. Aka-Trudel s’est vu attribuer le statut de représentant pour le compte du groupe principal et du sous-groupe en découlant, le groupe consommateur.

[27]        Après le jugement d’autorisation, la juge Fournier a modifié la description du groupe pour exclure les personnes morales soumises à une clause d’arbitrage se retrouvant à un seul des contrats visés par le recours[14].

[28]        Depuis lors, la description du groupe est la suivante :

Groupe principal :

Toutes les personnes physiques et toutes les personnes morales de droit privé, sociétés ou associations, comptant en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède le 28 octobre 2010 sous leur direction ou sous leur contrôle au plus 50 personnes liées à elles par contrat de travail, résidant ou ayant résidé au Québec et qui ont payé depuis le 1er juin 2010 des intérêts au taux annuel de 42,58 % sur le montant d’au moins une facture émise par l’une ou l’autre des Défenderesses ou par les deux Défenderesses en vertu de l’un des contrats suivants :  Modalités des services non réglementés de téléphonie locale - marché consommateurs; Contrat de service Internet résidentiel; et Modalités de service de Bell Mobilité; ainsi qu’en vertu, pour les personnes physiques, du contrat Modalités de services non réglementés - services voix et internet (clients d’affaires).

Groupe consommateur:

Toutes les personnes physiques, sauf un commerçant qui a conclu un contrat pour les fins de son commerce, résidant ou ayant résidé au Québec et qui ont payé depuis le 1er juin 2010 des intérêts au taux annuel de 42,58 % sur le montant d’au moins une facture émise par l’une ou l’autre des Défenderesses ou par les deux Défenderesses en vertu de l’un des contrats suivants : Modalités des services non réglementés de téléphonie locale - marché consommateurs; Contrat de service Internet résidentiel; Modalités de service de Bell Mobilité; et Modalités de services non réglementés - services voix et internet (clients d’affaires).

[29]        Les principales questions identifiées par la juge comme devant être traitées collectivement sont à toutes fins utiles identiques à celles indiquées par la requérante dans le présent dossier.

[30]        Toutefois, à la différence de M. Aka-Trudel, la requérante ne recherche pas ici une condamnation de 100 $ pour chacun des membres pour dommages-intérêts (troubles, tracas, inconvénients). Par ailleurs, les autres conclusions concernant le versement de la réduction des frais et la condamnation à des dommages punitifs sont quasi identiques.

[31]        De part et d’autre, les parties aux deux recours sont représentées par les mêmes procureurs.

ANALYSE

[32]        Lorsqu’il est d’avis que les conditions de l’article 1003 C.p.c. sont rencontrées, le Tribunal autorise l’exercice du recours collectif. Rappelons ces conditions :

(a) les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;

(b) les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;

(c) la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l'application des articles 59 ou 67; et que

(d) le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres.

Quelques principes généraux

[33]        Dans un jugement récent[15], le juge Louis Lacoursière résume bien les principes devant guider le tribunal saisi d’une requête pour autorisation d’exercer un recours collectif :

[29]        La jurisprudence a développé certains grands axes, applicables au dossier en l’instance, pour guider le juge saisi de la demande d’autorisation :

a)        le juge doit simplement s’assurer que le requérant satisfait aux critères de l’article 1003 C.p.c. sans oublier le seuil de preuve peu élevé prescrit par cette disposition;

b)        le juge jouit d’une discrétion dans l’appréciation des quatre critères de l’article 1003 C.p.c. Cependant, une fois ces quatre critères jugés satisfaits, il est dépouillé de tout pouvoir additionnel et il doit autoriser le recours;

c)        l’analyse des critères d’autorisation doit bénéficier d’une approche généreuse plutôt que restrictive. Ainsi, le doute doit jouer en faveur des requérants, c’est-à-dire en faveur de l’autorisation du recours collectif;

d)    la règle de la proportionnalité de l’article 4.2 C.p.c. doit être considérée dans l’appréciation de chacun des critères de l’article 1003 C.p.c. mais ne constitue pas un cinquième critère indépendant;

e)        le défaut de satisfaire un seul des quatre critères de l’article 1003 C.p.c. devrait entraîner le rejet de la requête;

f)          le juge doit exclure de son examen les éléments de la requête qui relèvent de l’opinion, de l’argumentation juridique, des inférences, des hypothèses ou de la spéculation. Le requérant doit alléguer des faits suffisants pour que soit autorisé le recours;

g)        enfin, le Tribunal doit s’assurer que les parties ne soient pas inutilement assujetties à des litiges dans lesquels elles doivent se défendre contre des demandes insoutenables. Le fardeau imposé au requérant consiste à établir une cause défendable.

(références omises)

L’intérêt pour agir

[34]        L’intérêt pour agir étant un facteur pertinent à l’analyse de tous les critères de l’article 1003 C.p.c.[16], il convient à cette étape de disposer de cette question soulevée par les intimées.

[35]        Les intimées avancent que :

1)            la requérante, n’ayant pas de lien contractuel avec les intimées à titre de commerçant, elle ne peut être autorisée à intenter un recours collectif contre elles au nom des abonnés qui détiennent des contrats commerciaux;

2)            le fondement du recours des abonnés commerciaux est différent de celui de la requérante à titre d’abonnée résidentielle;

3)            l’analyse des contrats des deux types d’abonnés sera différente.

1)            L’absence de lien contractuel

[36]        Le Tribunal estime que les récents enseignements de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Marcotte[17] sont très éclairants en l’espèce.

[37]        Il convient d’en citer certains passages pertinents :

[31]       […] Or, il ne sagit pas seulement de savoir sil est judicieux du point de vue de léconomie judiciaire de reconnaître le statut pour agir ni sil est inutile, à cette étape de linstance, de conclure le contraire. Il sagit également de savoir si la loi permet le recours collectif lorsque le représentant na pas une cause daction directe contre chaque défendeur ou un lien de droit avec chacun deux. Nous sommes davis que cest le cas. Il faut interpréter lart. 55 C.p.c. en harmonie avec le livre IX de sorte à favoriser le résultat qui répond le mieux aux objectifs des recours collectifs. Cependant, quelques points méritent des éclaircissements : linterprétation de larrêt Agropur et lapplication du principe de la proportionnalité mentionné à lart. 4.2 C.p.c.

[32]       Commençons par la décision de la Cour dappel. À notre avis, le juge Dalphond a conclu à bon droit que lart. 55 C.p.c., qui exige du demandeur un « intérêt suffisant » dans laction, doit être adapté au contexte des recours collectifs conformément au principe de la proportionnalité énoncé à lart. 4.2 C.p.c. Soulignons en particulier lart. 1051 C.p.c. qui rend les autres dispositions du C.p.c. — y compris lart. 55 — applicables aux recours collectifs, mais de sorte que lesprit du livre IX C.p.c. soit respecté. Il faut que la nature de l« intérêt suffisant » soit envisagée à la lumière du caractère collectif et représentatif de ce type de recours. Le juge Dalphond a de plus établi à juste titre une distinction entre être en mesure dassurer une représentation adéquate et être en mesure dobtenir un jugement à lencontre dun défendeur. Dès lors que le représentant est en mesure dassurer une représentation adéquate du groupe, comme le veut lal. 1003d) C.p.c. et que les recours entrepris contre chaque défendeur soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes, comme le veut lal. 1003a), il est loisible au juge dautoriser le recours collectif. Une telle conclusion favorise léconomie des ressources judiciaires et laccès à la justice et évite le risque de jugements contradictoires sur une même question de droit ou de fait.

[33]       […]

[34]       Ce raisonnement est aussi conforme à léconomie du C.p.c. Comme le dit le juge Dalphond, dans les motifs de la Cour dappel, lart. 55 exige, pour que lintérêt soit suffisant, un intérêt direct et personnel :

      Cet intérêt peut découler d’un lien contractuel entre le demandeur et le défendeur qu’il a assigné ou d’un manquement extracontractuel de la personne assignée envers le demandeur. Cela ne signifie cependant pas que le demandeur doit toujours être la personne qui possède cet intérêt, comme la victime d’une faute qui poursuit l’auteur de cette dernière. En effet, notre droit reconnaît à certains la capacité de poursuivre au nom de la personne qui a l’intérêt (par exemple : le tuteur pour le mineur (art. 159 C.C.Q.), le tuteur ad hoc (art. 190 C.C.Q.) ou le mandataire en vertu d’un mandat d’inaptitude (art. 2166 C.C.Q.)). Cette reconnaissance de la capacité d’agir au nom d’autrui découle soit d’une habilitation législative expresse (par exemple : la tutelle des parents à l’égard de leurs enfants mineurs et non émancipés, art. 192 C.C.Q.), soit d’une délégation (par exemple, art. 200 C.C.Q.) ou d’une décision judiciaire (art. 205 C.C.Q.). [Nous soulignons; par. 61.]

Qui plus est, lart. 1048 C.p.c. autorise la personne morale de droit privé ou lassociation à agir comme représentant dans un recours collectif si un de ses membres est membre du groupe représenté et si lintérêt de ce membre opposable au défendeur est lié aux objets pour lesquels la personne morale ou lassociation a été constituée. Le C.p.c. habilite donc une entité ou une personne dépourvue dun intérêt direct et personnel opposable à certains défendeurs à représenter le groupe dans certaines circonstances.

[35]       […]

[36]       Il faut donc maintenant déterminer comment concilier les arrêts Agropur et CHSLD Christ - Roy.

[…]

[41]       Nous ne pouvons accepter que, dans le cadre dun recours collectif, le représentant dépourvu dune cause daction directe contre chaque défendeur na pas le statut pour agir si la question est soulevée à létape de lautorisation, alors quil obtient ce statut si la question est débattue après lautorisation. Les deux juridictions inférieures ont justifié ce résultat, signalant au passage que, dès lors que le recours collectif est autorisé, lanalyse est entreprise sous langle, non pas du représentant, mais du groupe parce quil existe alors un groupe doté dune cause daction valide. Nous sommes davis que la réponse à la question de savoir si le représentant a le statut pour agir contre des défendeurs à légard desquels il na pas de cause directe daction doit être la même, peu importe si cette question est soulevée à létape de lautorisation ou par la suite.

[42]       En matière de recours collectif, le statut pour agir doit être analysé à la lumière des critères dautorisation énoncés au C.p.c. Cette analyse doit aboutir au même résultat quelle soit entreprise à létape de lautorisation du recours collectif ou après. Rappelons que pour déterminer sil est satisfait à lart. 55 C.p.c., il faut interpréter cette disposition en harmonie avec les critères dautorisation du recours collectif prévus à lart. 1003 dune manière qui tient compte de laspect collectif de ce type de recours. La nature de lintérêt que doit établir le représentant pour avoir le statut doit être appréciée sous langle de lintérêt commun du groupe proposé et non uniquement du point de vue du représentant. Les principes juridiques qui régissent la contestation du statut du représentant devraient être les mêmes, que cette dernière intervienne à létape de lautorisation ou à celle de lexamen au fond, parce que, dans un cas comme dans lautre, le tribunal tranche la question à la lumière des critères dautorisation énoncés à lart. 1003. Le problème quentraîne le raisonnement contraire est bien illustré en lespèce : suivant pareil raisonnement, le recours collectif en entier aurait pu prendre fin à létape de lautorisation si les banques avaient contesté le statut du représentant à cette étape, plutôt quà celle de lexamen au fond.

[43]       Rien dans la nature du recours collectif ou dans les critères dautorisation prévus à lart. 1003 nexige une cause daction directe par le représentant contre chaque défendeur ou un lien de droit entre eux. Larticle 1003 C.p.c. appelle lanalyse suivante : les recours soulèvent-ils des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes? quelquun est-il en mesure dassurer une représentation adéquate des membres? un nombre suffisant de faits justifient-ils la conclusion recherchée? enfin, la situation rend-elle difficile le simple recours joint, prévu à lart. 67 C.p.c., ou le mandat, prévu à lart. 59 C.p.c.? Comme elle lindique dans larrêt Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, [2013] 3 R.C.S. 600, notre Cour privilégie une interprétation et une application larges des critères dautorisation du recours collectif et « la jurisprudence a clairement voulu faciliter lexercice des recours collectifs comme moyen datteindre le double objectif de la dissuasion et de lindemnisation des victimes » (par. 60). Lalinéa 1003d) exige cependant du représentant quil soit « en mesure dassurer une représentation adéquate des membres ». Cette disposition confère donc au tribunal le pouvoir de décider si le représentant proposé pourrait assurer une représentation adéquate des membres du groupe à légard des défendeurs contre lesquels il naurait pas en dautres circonstances le statut pour poursuivre.

[44]       En outre, interpréter lart. 55 C.p.c. en harmonie avec les conditions de lart. 1003 sinscrit dans le sens de la jurisprudence de notre Cour sur lart. 4.2 et sur le critère de la proportionnalité en général. Dans larrêt Vivendi Canada Inc. c. DellAniello, 2014 CSC 1, [2014] 1 R.C.S. 3, la Cour a confirmé récemment limportance du principe de la proportionnalité dans la procédure civile, qui doit « être considéré dans lappréciation de chacun de ces critères » (au sujet de larticle 1003) (par. 66). Ce principe vient renforcer le pouvoir dappréciation déjà reconnu au juge par lart. 1003 (Vivendi, par. 33 et 68). Limportance de la proportionnalité prévue à lart. 4.2 a été soulignée dans larrêt Marcotte c. Longueuil (Ville), 2009 CSC 43, [2009] 3 R.C.S. 65, dans un passage qui semble particulièrement adapté aux recours collectifs :

      L’exigence de proportionnalité dans la conduite de la procédure reflète d’ailleurs la nature de la justice civile qui, souvent appelée à trancher des litiges privés, remplit des fonctions d’État et constitue un service public. Ce principe veut que le recours à la justice respecte les principes de la bonne foi et de l’équilibre entre les plaideurs et n’entraîne pas une utilisation abusive du service public que forment les institutions de la justice civile. [par. 43]

[45]       Autrement dit, le juge saisi de la requête en autorisation a lobligation de tenir compte de la proportionnalité — équilibre entre les parties, bonne foi, etc. —pour déterminer si le représentant proposé peut assurer une représentation adéquate, ou si le groupe compte suffisamment de membres dotés dune cause personnelle daction contre chacun des défendeurs.

(soulignements et caractères gras ajoutés)

[38]        S’inspirant des principes qui précèdent, le Tribunal estime que l’absence en soi de lien contractuel commercial entre la requérante et les intimées ne constitue pas un empêchement à l’exercice du recours envisagé par la requérante, en autant que celui-ci soulève des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes.

[39]        Qu’en est-il ici?

 

 

2)            Le fondement du recours des abonnés commerciaux et l’analyse des contrats

[40]        Les intimées énoncent la prémisse selon laquelle ici, les abonnés résidentiels auraient une même cause d’action contre elles et qu’elle se fonde sur la lésion objective (article 8 L.p.c.). Par contre, elles soutiennent que celle des abonnés commerciaux inclus au groupe principal provient d’une source législative distincte (article 1437 C.c.Q.).

[41]        Les parties reconnaissent qu’en matière de recours collectif fondé sur l’article 8 L.p.c., seul le recours en lésion objective prévu à cette disposition pourrait constituer une question commune aux membres du groupe des consommateurs. La requérante soutient d’ailleurs cette position à même la Requête[18]. Dans ce cas, la preuve administrée ne pourrait porter que sur la disproportion entre les prestations respectives, ce qui ne requiert qu’une analyse objective[19].

[42]        Toutefois, selon les intimées, il en irait autrement de l’article 1437 qui est également invoqué.

[43]        Elles avancent que pour les abonnés commerciaux dont le recours serait fondé sur cet article, la démonstration tant du caractère excessif que du caractère déraisonnable de la clause contestée devrait être faite. Invoquant certaines autorités, elles soutiennent que les critères d’analyse de l’article 1437 C.c.Q. sont cumulatifs, contrairement à ceux de l’article 8 L.p.c., signifiant par là que la cause d’action des abonnés commerciaux ferait nécessairement appel non seulement à une analyse objective, mais aussi à une analyse subjective du caractère abusif de la clause. Elles suggèrent que d’interpréter l’article 1437 C.c.Q. autrement, donne lieu à une incohérence interprétative au regard d’autres dispositions législatives.

[44]        Ainsi, les intimées plaident que pour déterminer le caractère lésionnaire de la clause à l’égard des abonnés commerciaux, le Tribunal devra soupeser les droits et obligations respectifs des parties découlant du contrat en regard des circonstances propres à chaque cas. Par conséquent, les critères d’appréciation qu’aurait à appliquer le Tribunal pour déterminer si la clause est abusive pour ces abonnés devraient nécessairement varier. Elles soutiennent que de donner ainsi ouverture à une analyse de la lésion subjective est incompatible avec l’exercice d’un recours collectif et serait de nature à alourdir le débat.

[45]        En bref, les intimées soutiennent que dans ces circonstances, non seulement l’absence de lien contractuel commercial entre la requérante et elles est fatale à l’exercice de son recours au nom des abonnés liés par des contrats commerciaux, mais la divergence dans le fondement du recours (cause d’action) justifierait le Tribunal de conclure à son absence d’intérêt.

[46]        Pour sa part, la requérante soutient que la prémisse des intimées ne tient pas puisque ici, la cause d’action sous les articles 1437 et 1623 C.c.Q. est commune à tous les types d’abonnés.

[47]        Les questions de faits ou de droit identiques, similaires ou connexes reliant chacun des membres du groupe aux intimées, identifiées par la requérante et qu’elle entend faire trancher par son recours sont identifiées au paragraphe [9] des présentes.

[48]        Tel que mentionné, la requérante avance :

-               que les membres du groupe ont tous souscrits à un contrat les liant à une intimée et qui comporte une clause imposant des frais de retard calculés à un taux d’intérêt annuel de 42,58 % sur les soldes acquittés après la date d’échéance de facturation;

-               que les questions communes visent à déterminer l’existence d’une faute, de dommages, la responsabilité des intimées eu égard à l’imposition de ces frais d’intérêts ainsi que la condamnation à des dommages punitifs;

-               que ces questions se prêtent à une solution collective qui permettra de régler l’ensemble du litige, à l’exception du quantum des dommages subis par chaque membre;

-               que les questions communes lient les membres du groupe.

[49]        En l’espèce, la clause contestée des frais de retard est identique pour tous les types de contrats et c’est cette clause qui est attaquée, non pas l’ensemble des contrats.

[50]        Elle affirme qu’elle cherche à faire déterminer si, au sens de l’article1437 C.c.Q., la clause des frais de retard est objectivement abusive et ce, à l’égard de tous les abonnés inclus au groupe principal proposé. En ce sens, la cause d’action serait commune à tous les types d’abonnés.

[51]        Elle ajoute que même si les intimées présentent des moyens de défense différents ou que des réponses différentes puissent émerger, cela n’affecte en rien son intérêt, ni la réalisation des conditions prévues aux alinéas (a) et (d) de l’article 1003 C.p.c.

[52]        Une lecture attentive des autorités fournies par les parties démontre à tout le moins une certaine ambivalence, sinon une certaine ambiguïté à propos de l’interprétation de l’article 1437 C.c.Q. telle que suggérée par les intimées[20]. De surcroît, le Tribunal estime que l’argumentaire des intimées à ce propos relève davantage du débat au mérite.

[53]        Considérant ce qui est en cause, soit l’augmentation unilatérale des frais de retard à l’égard de tous les abonnés, de même que les principes énoncés plus haut qui doivent guider la décision du Tribunal au stade de l’autorisation, dont celui de la proportionnalité, il y a lieu de conclure que le recours proposé par la requérante soulève des questions de faits ou de droit suffisamment similaires ou connexes, au sens de l’alinéa (a) de l’article 1003 C.p.c.

[54]        En ce sens, le Tribunal ne peut donc conclure, à ce stade, qu'il soit manifeste que la requérante n’a aucun intérêt ou n’a pas l’intérêt suffisant à faire décider des questions soumises à l’égard de tous les membres qu’elle identifie.

Les autres conditions d’autorisation

[55]        Il y a lieu maintenant de vérifier si les autres conditions de l’article 1003 C.p.c. sont rencontrées.

1)            Les faits allégués justifient-ils les conclusions recherchées (article 1003 (b))?

[56]        Tel que mentionné précédemment, le Tribunal doit tenir pour avérés les faits allégués dans la Requête.

[57]        Le Tribunal n'entend pas reprendre ici les prétentions des parties qui sont essentiellement celles qu'elles font valoir à l'égard de l'existence ou de la suffisance de l'intérêt de la requérante pour poursuivre.

[58]        À ce stade, le Tribunal a retenu à ce propos que la Requérante a l’intérêt suffisant pour ce faire.

[59]        Le recours envisagé par celle-ci repose sur la responsabilité des intimées. Dès lors, le syllogisme qu’elle propose est relativement simple.

[60]        Premièrement, aux paragraphes 13 à 20 de la Requête, elle expose les circonstances dans lesquelles la modification unilatérale des contrats est survenue pour imposer des frais de retard qu’elle qualifie de lésionnaires, ce qui constitue, selon elle, une violation légale et contractuelle, donc la faute reprochée aux intimées.

[61]        Deuxièmement, elle allègue un préjudice, soit celui de s’être vue imposer et d’avoir eu à payer de tels frais abusifs.

[62]        Troisièmement, elle invoque l'existence du lien de causalité entre les deux, soit que l’imposition et le paiement de frais additionnels ne serait pas survenus si les intimées n'avaient pas violé leurs obligations légales et contractuelles.

[63]        Elle réclame par conséquent la diminution des frais de retard et le remboursement des frais abusifs payés (dommages-intérêts), en plus de réclamer des dommages punitifs en vertu de la L.p.c.

[64]        Dans l'appréciation du syllogisme juridique, le Tribunal doit exclure de son examen les éléments qui relèvent de l’opinion, de l’argumentation juridique, des inférences, des hypothèses ou de la spéculation. Il considère toutefois les faits découlant des pièces alléguées. Il doit évaluer par un examen sommaire si la requérante a une cause défendable eu égard au droit et aux faits applicables[21].

[65]        Retenant qu’à l’étape de l'autorisation, le jugement ne décide en rien du fond du litige et que le fardeau applicable en est un de démonstration, le Tribunal est satisfait que les faits allégués dans la Requête en autorisation, appuyés notamment par les pièces R-1 à R-7 et R-9 à R-14, démontrent une apparence de droit sérieuse. Le Tribunal estime qu’aucune des trois allégations (violations, perte, lien de causalité) n’est frivole ni manifestement mal fondée. À ce titre, le recours collectif envisagé mérite d’être entendu au fond.

[66]        Le Tribunal est d’avis que les éléments de contestation soulevés par les intimées[22] lors de l'audition sur la demande d'autorisation, pour réfuter les divers reproches qui leur sont formulés, notamment au regard des circonstances entourant la hausse des frais et la recevabilité de la réclamation pour dommages punitifs, relèvent davantage du mérite. Ils devront plutôt être appréciés dans le cadre de l'ensemble de la preuve qui sera administrée devant le Tribunal.

[67]        Ainsi, le Tribunal estime que la condition de l'article 1003 (b) est satisfaite.

2)            La composition du groupe rend-elle difficile ou peu pratique l’application des articles 59 et 67 C.p.c. (article 1003 (c))?

[68]        Les intimées ne contestent pas que cette condition soit satisfaite.

[69]        En l’espèce, la Requête comporte plusieurs allégations (paragraphes 43 à 49) qui démontrent que l’application des articles 59 et 67 C.p.c. est difficile et peu pratique.

[70]        Par conséquent, le Tribunal conclut que la condition de l’article 1003 (c) est remplie.

3)            La requérante est-elle en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres du groupe (article 1003 (d))?

[71]        Encore ici, ayant déjà disposé de cette question, le Tribunal n’entend pas revenir sur l’existence ou la suffisance de l’intérêt de la requérante.

[72]        Pour déterminer si la requérante peut par ailleurs adéquatement représenter les membres, le Tribunal doit considérer deux autres facteurs outre celui de l’intérêt, soit sa compétence et l’absence de conflit entre ses propres intérêts et celui des membres du groupe.

[73]        Ces facteurs doivent être interprétés libéralement et un représentant ne devrait pas être exclu à moins que le Tribunal conclue que le recours ne pourra procéder de manière équitable[23].

[74]        Les éléments allégués aux paragraphes 50 à 56 de la Requête suffisent pour permettre au Tribunal de conclure que prima facie, la requérante satisfait à la condition de l’article 1003 (d) C.p.c. et qu’elle est apte à assurer une représentation adéquate des membres.

L’article 1005 C.p.c.

[75]        L'article 1005 C.p.c. prévoit que le jugement qui fait droit à une requête en autorisation d'exercer un recours collectif décrit le groupe dont les membres seront liés par le jugement, identifie les principales questions qui seront traitées collectivement et les conclusions recherchées qui s'y rattachent, ordonne la publication d'un avis aux membres et détermine la date après laquelle un membre ne pourra plus s'exclure du groupe.

[76]        Le groupe retenu par le Tribunal est celui décrit au paragraphe [2] des présentes, pour lequel la requérante demande que lui soit attribué le statut de représentante.

[77]        Les principales questions qui seront traitées collectivement sont celles suggérées par la requérante aux paragraphes 35 à 38 de la Requête et reproduites plus haut au paragraphe [9] des présentes.

[78]        Les principales conclusions recherchées qui s'y rattachent sont décrites plus haut au paragraphe [10] des présentes.

[79]        Relativement à l'avis qui doit être donné aux membres, ses modalités de publication et son contenu seront déterminés ultérieurement après que les parties auront fait part au Tribunal de leurs observations à ce sujet.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[80]        ACCUEILLE la présente requête;

[81]        AUTORISE l’exercice du recours collectif sous la forme d’une requête introductive d’instance en réduction des frais de retard, en remboursement des frais de retard payés en trop, et en dommages-intérêts punitifs en vertu de la L.p.c.;

[82]        ACCORDE à la requérante le statut de représentante aux fins de l’exercice du recours collectif pour le compte du groupe principal décrit comme suit :

Toutes les personnes physiques et toutes les personnes morales de droit privé, sociétés ou associations, comptant en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède le 10 janvier 2012 sous leur direction ou sous leur contrôle au plus 50 personnes liées à elles par contrat de travail, qui à un moment ou un autre depuis le 1er juin 2010 ont été abonnées aux services de télévision satellite de Bell Expressvu ou de Bell Télé Fibe de Bell Canada au Québec et qui ont payé des frais de retard sur le montant d’au moins une facture émise par les intimées en vertu de l’un des contrats suivants : Contrat pour les clients résidentiels; Contrat pour les abonnés commerciaux; et Bell Télé Fibe - Contrat de service pour les consommateurs - Modalités de service.

et pour le compte du sous-groupe des consommateurs décrit comme suit :

Toutes les personnes physiques, sauf un commerçant qui a conclu un contrat avec une des intimées aux fins de son commerce, qui à un moment ou un autre depuis le 1er juin 2010 ont été abonnées aux service de télévision satellite de Bell Expressvu ou de Bell Télé Fibe de Bell Canada au Québec et qui ont payé des frais de retard sur le montant d’au moins une facture émise par les intimées en vertu de l’un des contrats suivants : Contrat pour les clients résidentiels; Contrat pour les abonnés commerciaux; et Bell Télé Fibe - Contrat de service pour les consommateurs - Modalités de service.

[83]        IDENTIFIE comme suit les principales questions qui seront traitées collectivement :

1)         Les intimées ont-elles commis une ou des fautes génératrice(s) de responsabilité?

2)         Les agissements reprochés aux intimées ont-ils causé des dommages aux membres du groupe?

3)         Les intimées sont-elles responsables des dommages subis par la requérante et les membres du groupe en vertu du Code civil du Québec, L.R.Q., c. C-1991?

4)         Les intimées sont-elles responsables des dommages subis par la requérante et les membres du groupe des consommateurs en raison de la lésion objective prévue à la L.p.c.?

5)         Les intimées doivent-elles être condamnées à des dommages punitifs en vertu de la L.p.c.?

[84]        IDENTIFIE comme suit les conclusions recherchées par le recours collectif à être institué :

Accueillir la requête de la requérante;

Accueillir le recours collectif pour tous les membres du groupe;

DÉCLARER que les frais de retard imposés par les intimées sont abusifs et constituent une lésion au sens de la Loi;

Condamner les intimées à payer à la requérante ainsi qu’à chacun des membres du groupe une somme équivalente au montant de la réduction des frais de retard calculés à un taux d’intérêt de 42,58 % à au plus 26,82 % applicable sur les frais de retard payés depuis le 1er juin 2010 à titre de dommages-intérêts pour le préjudice matériel, le tout avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter de la date du paiement de ces sommes et Ordonner le recouvrement collectif de ces sommes;

Condamner les intimées à payer à la requérante ainsi qu’à chacun des membres du groupe une somme de 200,00 $ à titre de dommages punitifs, sauf à parfaire, le tout avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du jugement à être prononcé et Ordonner le recouvrement collectif de ces sommes;

Le tout avec les entiers dépens incluant les frais d’expertise et les frais de publication des avis aux membres.

[85]        DÉCLARE qu’à moins d’exclusion, les membres du groupe seront liés par tout jugement à intervenir sur le recours, de la manière prévue par la Loi;

[86]        FIXE le délai d’exclusion à soixante (60) jours de l’avis aux membres, délai à l’expiration duquel les membres du groupe qui ne se seront pas prévalus des moyens d’exclusion seront liés par tout jugement à intervenir;

[87]        ORDONNE la publication d'un avis aux membres, selon les modalités et le contenu à être déterminés ultérieurement par le Tribunal et, pour ce faire :

·        ORDONNE à Juliette Larouche de soumettre son projet d'avis et ses modalités de publication au Tribunal au plus tard le 30 janvier 2015;

·        AUTORISE Bell Canada et Bell ExpressVu Société en commandite à transmettre leurs représentations écrites sur le projet d'avis et les modalités de publication au Tribunal au plus tard le 13 février 2015;

[88]        RÉFÈRE le dossier au juge en chef pour déterminer le district dans lequel le recours collectif sera exercé et pour désigner le juge pour l'entendre;

[89]        LE TOUT, avec dépens.

 

 

__________________________________

SYLVIE DEVITO, J.C.S.

 

Me François Lebeau

Me Mathieu Charest-Beaudry

UNTERBERG LABELLE LEBEAU

Procureurs de la requérante

 

Me John Gadler

PAQUETTE GADLER

Procureurs-conseils de la requérante

 

Me Christine Carron

Me Frédéric Wilson

NORTON ROSE FULBRIGHT

Procureurs des intimées

 

Dates d’audience :

1er et 2 mai 2014

 



[1]     Paragr. 57 de la Requête.

[2]     L.C. 1993, ch. 38, article 7.

[3]     Pièce R-2.

[4]     Pièce R-4.

[5]     Pièce R-3.

[6]     Articles 1437, 1458 et 1623 C.c.Q.

[7]     L.R.Q., c. P-40.1, article 8.

[8]     Paragraphes 2 et 3 de la Requête.

[9]     Paragraphes 35 à 38 de la Requête.

[10]    Paragraphe 58 de la Requête.

[11]    Pièces R-14 A à G.

[12]    Supra, paragr. [7].

[13]    Trudel c. Bell Canada, 2011 QCCS 6750; rectifié le 22 février 2012.

[14]    Jugement rectifié du 7 avril 2014, 2014 QCCS 1377.

[15]    Charest c. Dessau inc., 2014 QCCS 1891 (inscription en appel, 2014-06-05, 500-09-024488-140).

[16]    Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1.

[17]    Banque de Montréal c. Marcotte, 2014 CSC 55.

[18]    Paragraphe 37.1 de la Requête.

[19]    Riendeau c. Compagnie de la Baie d’Hudson, J.E. 2000-641 (C.A.); Trudel c. Bell Canada, 2011 QCS 6750.

[20]    Notamment : D. LLUELLES et B. MOORE, Droit des obligations, 2e éd, Montréal, Éditions Thémis, 2012 (à propos de l’article 1437 C.c.Q.); Riendeau c. Compagnie de la Baie d’Hudson, AZ-500069972 (C.A.), paragr. [27] et suiv.; Québec (Procureur général) c. Kabakian-Kechichian, [2000] R.J.Q. 1730 (C.A.), paragr. [46] et suiv.

[21]    Infineon Technologies AG c. Option Consommateurs, 2013 CSC 59.

[22]    Incluant l’affidavit soumis par les intimées sous réserve de l’objection de la requérante.

[23]    Infineon, supra, note 21, paragr. [149].

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