Décision

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Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Côté

2015 QCCA 1544

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-024126-138

(460-53-000002-126)

 

DATE :

 25 septembre 2015

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

 

 

COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE

ET DES DROITS DE LA JEUNESSE

agissant en faveur des plaignants David Routhier et Sylvie Canse

APPELANTE - Demanderesse

c.

 

MARCEL CÔTÉ ET GYNETTE NAULT

faisant affaires sous le nom LES MATINS DE VICTORIA

INTIMÉS - Défendeurs

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’appelante se pourvoit avec la permission d’une juge de la Cour contre un jugement du Tribunal des droits de la personne, district de Bedford (l’honorable Jean-Paul Braun), le 19 novembre 2013, qui a rejeté son recours.

[2]           Pour les motifs ci-joints du juge Morissette, auxquels souscrivent les juges Bich et Bélanger, LA COUR :

[3]           ACCUEILLE l’appel, infirme le jugement entrepris et accueille la demande de l'appelante;

[4]           CONDAMNE solidairement les défenseurs Gynette Nault et Marcel Côté à verser à Mme Sylvie Canse la somme totale de deux cent dollars (200 $) à titre de dommages moraux;

[5]           CONDAMNE solidairement les défenseurs Gynette Nault et Marcel Côté à verser à M. David Routhier la somme totale de deux cent dollars (200 $) à titre de dommages moraux;

[6]           LE TOUT sans frais.

 

 

 

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 

 

 

 

 

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

 

Me Stéphanie Fournier

Boies Drapeau Bourdeau

Pour l’appelante

 

M. Marcel Côté

Mme Gynette Nault

Personnellement

 

Date d’audience :

3 et 4 septembre 2015



 

 

MOTIFS DU JUGE MORISSETTE

 

 

[7]           L’appelante se pourvoit avec la permission d’une juge de la Cour contre un jugement du Tribunal des droits de la personne[1], district de Bedford (l’honorable Jean-Paul Braun), prononcé le 19 novembre 2013. Ce jugement a rejeté un recours dans le cadre duquel l’appelante alléguait que les intimés avaient pratiqué une discrimination[2] contraire à la Charte des droits et libertés de la personne[3] [la CDLP]. Le recours donnait suite à une plainte déposée en février 2011 par M. David Routhier et Mme Sylvie Canse [les plaignants].

- I -

[8]           Aux paragraphes [4] à [72] de ses motifs, le juge de première instance a décrit exhaustivement les faits à l’origine du dossier ainsi que la preuve (profane et d’expert) entendue ou déposée devant le Tribunal. Les faits essentiels de l’affaire ne sont d’ailleurs pas contestés. Aussi me suffira-t-il ici de décrire en termes généraux les circonstances qui ont engendré le litige, quitte à revenir sur certains éléments précis plus loin dans ces motifs. 

[9]           Les intimés, des conjoints retraités, exploitent un gîte situé en région. Ils précisent sur leur site internet que les animaux de compagnie ne sont pas tolérés dans leur établissement.

[10]        Les plaignants sont les parents d’un fils, Étienne, né en août 1995 et qui est atteint d’un trouble envahissant du développement avec traits autistiques (trouble qualifié dans le jugement d’autisme sévère avec déficience intellectuelle).

[11]        En août 2010, un chien auquel Étienne était très attaché, et qui exerçait sur lui une influence bénéfique, meurt subitement. En raison de cet événement, d’un déménagement et d’autres facteurs familiaux de nature à le déstabiliser, l’adolescent est fortement perturbé au cours de l’automne. Le 24 novembre 2010, les plaignants, qui prévoient prendre quelques jours de repos pendant un séjour de leur fils dans un centre pour enfants autistes, réservent une chambre au gîte des intimés pour la période du 26 au 30 décembre. Ils fournissent avec leur réservation le dépôt exigé par les intimés.

[12]        Peu de temps après, les plaignants apprennent de la Fondation Mira qu’elle est en mesure de leur fournir dès maintenant un chien spécialement entraîné par elle pour accompagner les enfants ou adolescents autistes - un animal décrit comme un « chien d’assistance »[4]. La chose est inespérée car elle leur permettra d’éviter le long délai d’attente qui s’écoulerait normalement entre la demande et l’obtention d’un animal de compagnie dressé par la Fondation Mira. Le 6 décembre, le chien Novak 08 arrive chez les plaignants. La Fondation pose comme condition que le chien demeure en permanence avec les membres de la famille qui l’accueille puisqu’il lui faut s’acclimater à son nouveau milieu de vie. Monsieur Routhier, un éducateur spécialisé de profession, reçoit une formation de quelques jours, dispensée par la Fondation Mira, sur ce que requiert l’encadrement du chien d’assistance. Le 12 décembre, M. Routhier informe l’intimé Côté que sa conjointe et lui n’auront d’autre choix que d’emmener le chien avec eux car l’absence de leur fils autiste coïncide avec leur séjour au gîte. L’intimé lui répond que cela sera impossible. Deux jours plus tard, après avoir confirmé avec la Fondation Mira que le chien doit rester en tout temps en présence des plaignants, Mme Canse s’entretient avec Mme Nault par téléphone, mais cette dernière lui réitère que la réservation devra maintenant être annulée et que leur dépôt leur sera remboursé.

[13]        Les plaignants se mettent donc à la recherche d’un autre gîte. Par la suite, s’estimant lésés de manière discriminatoire, ils déposent leur plainte auprès de l’appelante.

- II -

[14]        Le Tribunal des droits de la personne identifie en ces termes la question qu’il doit trancher :

[73]      Les défendeurs ont-ils compromis le droit des plaignants à des services ordinairement offerts au public à cause de leur utilisation d'un moyen pour pallier le handicap de leur enfant mineur?

[15]        Analysant la question ainsi formulée, le Tribunal tire d’abord les conclusions suivantes du dossier et des sources consultées :

¾    L’utilisation d’un chien-guide est un moyen de pallier un handicap au sens de la CDLP.

¾    L’autisme dont souffre l’enfant des plaignants est un handicap au sens de la CDLP.

¾    La preuve a démontré qu’un chien spécialement dressé comme le chien Novak est lui aussi un moyen de pallier un handicap au sens de la CDLP.

¾    Si les plaignants avaient prévu être accompagné de leur fils pendant leur séjour au gîte des intimés, « le fait de le refuser à cause de la présence de Novak aurait été une discrimination proscrite par les articles 10 et 12 de la [CDLP] ».

[16]        Puis, le Tribunal précise ce qui est en litige. Comme les plaignants n’avaient pas prévu d’emmener leur fils au gîte, la question de savoir s’ils ont fait l’objet d’une discrimination doit se résoudre ainsi : jouissent-ils « de la même protection que leur fils d'utiliser un moyen pour pallier le handicap de ce dernier, lorsqu'il n'est pas avec eux »?

[17]        Après avoir rappelé que l’article 10 de la CDLP « doit être examiné dans le contexte des autres législations provinciales et fédérales en matière de droits de la personne[5] », le Tribunal considère les autres dispositions de la CDLP ainsi que celles de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale[6]. Il souligne le contraste entre ces lois et plusieurs législations étrangères (une loi fédérale australienne et les lois de divers états américains) qui prévoient expressément, selon des modalités variables, que les personnes responsables d’une personne handicapée, celles qui lui prêtent assistance ou celles qui ont la responsabilité d’un chien d’assistance, bénéficient de la même protection contre la discrimination que la personne handicapée elle-même. Cela conduit le Tribunal à conclure en ces termes :

[89]      … L'absence de dispositions dans la Charte ou dans une loi particulière attribuant un statut particulier à l'entraîneur d'un chien d'assistance et aux tuteurs de la personne handicapée ne permet pas de leur reconnaître la même protection que celle reconnue à la personne handicapée.

*   *   *   *   *

[18]        Le pourvoi soulève deux questions d’ordre différent. Il nous faut tout d’abord identifier le critère d’intervention approprié (la norme de révision) et ensuite, conformément à ce critère, décider s’il y a lieu de faire droit au pourvoi.

- III -

[19]        Sur la première question, la Cour suprême du Canada a récemment fait le point, jusqu’à nouvel ordre de manière exhaustive, dans l’arrêt Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville)[7] [Mouvement laïque]. J’en reproduis un assez long extrait afin de situer les choses en contexte. Rédigeant les motifs unanimes de la Cour, le juge Gascon écrit :

[31]      Deux approches s'opposent actuellement en Cour d'appel sur les normes d'intervention applicables en appel d'une décision finale du Tribunal. La première applique les normes relatives à l'appel, comme si la décision émanait d'un tribunal judiciaire de première instance. La seconde s'en remet aux principes de droit administratif relatifs à la révision judiciaire pour déterminer la norme de contrôle appropriée.

[32]      L'arrêt Association des Pompiers, sur lequel s'appuie le juge Gagnon, renvoie à la première approche : Gaz Métropolitain inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2011 QCCA 1201, [2011] R.J.Q. 1253, par. 32-34; Commission scolaire des Phares c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2006 QCCA 82, [2006] R.J.Q. 378 ("des Phares"), par. 29-35. Depuis cette décision, trois autres arrêts ont conclu dans le même sens (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. 9185-2152 Québec inc. (Radio Lounge Brossard), 2015 QCCA 577, par. 40-41; Bertrand c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2014 QCCA 2199, par. 10; Commission scolaire des Phares c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2012 QCCA 988, [2012] R.J.Q. 1022, par. 8). Les juges y énoncent sommairement que ce sont les normes propres aux appels qui s'appliquent aux décisions finales du Tribunal. Dans une affaire récente pendante devant notre Cour, Bombardier inc. (Bombardier Aerospace Training Center) c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2013 QCCA 1650, [2013] R.J.Q. 1541, autorisation d'appel accordée, [2014] 1 R.C.S. vii, [2013] S.C.C.A. No. 470, la Cour d'appel a tranché un appel d'une décision du Tribunal en matière de discrimination sans se prononcer sur la norme d'intervention applicable. Il ressort néanmoins de ses motifs qu'elle s'est fondée là aussi sur une norme propre à l'appel, soit l'erreur manifeste et déterminante (par. 85, 100 et 145).

[33]      Dans ces arrêts, l'intervention de la Cour d'appel se fait sur la base des principes applicables à l'appel élaborés dans Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. Lorsque l'appel porte sur une question de droit, l'intervention s'impose si la décision est incorrecte (erreur simple). Lorsqu'il porte sur une question de fait ou mixte de fait et de droit, elle se justifie en présence d'une erreur manifeste et déterminante.

[34]      La plupart des arrêts de ce courant réfèrent aux motifs de l'affaire des Phares de 2006. Dans cet arrêt, la cour justifie l'utilisation de la norme de l'appel en invoquant trois raisons. Premièrement, le Tribunal n'a pas compétence exclusive sur la mise en œuvre de la Charte québécoise; le plaignant a le choix de s'adresser au Tribunal ou aux tribunaux de droit commun (par. 31). Deuxièmement, l'expertise reconnue au Tribunal à l'égard des faits "ne s'étend [...] pas aux questions générales de droit" (par. 33). Troisièmement, l'appel prévu à l'art. 132 de la Charte québécoise est un appel de source législative, non une révision judiciaire (par. 32). La cour cite à l'appui Coutu c. Tribunal des droits de la personne, [1993] R.J.Q. 2793 (C.A.), où le juge Gendreau affirme, dans une remarque incidente, qu'un tel appel permet de réexaminer la décision "à partir de critères différents et plus larges [que] ceux applicables en matière de révision judiciaire" (p. 2801).

[35]      Je considère que les arrêts récents de notre Cour en matière de contrôle judiciaire remettent en cause l'approche qu'ont inspirée les commentaires du juge Gendreau. C'est d'ailleurs sur ces arrêts que s'appuie l'autre approche de la Cour d'appel sur la question.

[36]      L'arrêt déterminant de cette deuxième approche est Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys c. Gallardo, 2012 QCCA 908, [2012] R.J.Q. 1001, par. 47-51. Il est rendu après l'arrêt Association des Pompiers mais avant celui prononcé en l'espèce. Il reflète un courant plus minoritaire (Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Dhawan, 2000 CanLII 11031 (C.A. Qc), par. 11-12; Compagnie minière Québec Cartier c. Québec (Commission des droits de la personne), 1998 CanLII 12609 (C.A. Qc), p. 5 des motifs de la juge Otis). Suivant cette approche, la Cour d'appel applique aux décisions finales du Tribunal les principes de droit administratif relatifs au contrôle judiciaire et s'en remet aux critères énoncés par notre Cour dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190. Il faut donc choisir entre deux normes de contrôle : la décision correcte ou la décision raisonnable. Le choix dépend surtout de la nature de la question soulevée.

[37]      Dans Gallardo, le juge Dalphond revoit les caractéristiques qui font du Tribunal un tribunal administratif spécialisé plutôt que judiciaire (par. 36-46). Se basant sur la jurisprudence de notre Cour, il précise que, dans ce cas, les principes du droit administratif s'appliquent "tant au contrôle judiciaire par voie de révision judiciaire par une cour supérieure que par appel devant une cour de justice à compétence élargie" (par. 47).

[38]      J'estime que le juge Dalphond a raison : cette approche doit prévaloir. Lorsqu'une cour de justice contrôle la décision d'un tribunal administratif spécialisé, la norme d'intervention doit être déterminée en fonction des principes du droit administratif. C'est le cas lorsque le contrôle s'exerce par suite d'une demande de révision judiciaire, mais aussi lorsqu'il procède par voie d'appel prévu par une loi (Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct inc., 2008 CSC 32, [2008] 2 R.C.S. 195, par. 13 et 18-21; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226, par. 17, 21, 27 et 36; Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, [2003] 1 R.C.S. 247, par. 2 et 21; Canada (Sous-ministre du Revenu national) c. Mattel Canada Inc., 2001 CSC 36, [2001] 2 R.C.S. 100, par. 27).

[39]      Il est vrai que le Tribunal s'apparente à une cour de justice, tant par les questions qu'il est appelé à trancher que par le caractère contradictoire des débats qui se soulèvent devant lui. Toutefois, ces similarités ne changent pas sa nature. Il demeure un tribunal administratif spécialisé. Tout comme elle l'a fait sous la plume du juge Dalphond dans Gallardo et du juge Gagnon en l'espèce, la Cour d'appel l'a qualifié ainsi dans plusieurs affaires (Conférence des juges de paix magistrats du Québec c. Québec (Procureur général), 2014 QCCA 1654, par. 60; For-Net Montréal inc. c. Chergui, 2014 QCCA 1508, par. 69; Association des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles c. Québec (Procureur général), 2013 QCCA 1690, [2013] R.J.Q. 1593, par. 25, note 17; Imperial Tobacco Canada Ltd. c. Létourneau, 2013 QCCA 1139, par. 23, note 4; Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Fontaine, 2005 QCCA 775, [2005] R.J.Q. 2203, par. 35; Québec (Procureure générale) c. Tribunal des droits de la personne, [2002] R.J.Q. 628 (C.A. Qc), par. 67). Plusieurs indices appuient cette qualification.

[40]      D'abord, le Tribunal n'est pas un tribunal judiciaire visé par la Loi sur les tribunaux judiciaires, RLRQ, c. T-16. Il constitue un organisme créé par la Charte québécoise dont l'expertise porte principalement sur les affaires de discrimination (art. 71, 111 et 111.1 de la Charte québécoise). Sa compétence à cet égard est tributaire du mécanisme de réception et de traitement des plaintes instauré par la Charte québécoise et mis en oeuvre par la Commission. À l'égard de ces plaintes, il se veut la continuité, comme organe juridictionnel, du mécanisme d'enquête préliminaire de la Commission (Gallardo, par. 39). Certains de ses membres sont nommés parmi les juges de la Cour du Québec ayant une expérience, une expertise et un intérêt pour les droits de la personne (art. 101). Les autres sont des assesseurs qui possèdent une expérience, une expertise et un intérêt dans le même domaine et qui assistent ces juges (art. 62, 101 et 104). Les membres sont nommés pour un mandat de cinq ans, renouvelable (art. 101).

[41]      Ensuite, la procédure du Tribunal reflète également sa nature. Les règles qui le régissent se trouvent aux art. 110, 113 et 114 à 124 de la Charte québécoise. Elles précisent notamment que le Tribunal n'est pas strictement lié par les règles habituelles du Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25 ("C.p.c."). Les pouvoirs accordés au Tribunal lui confèrent la flexibilité requise pour remplir son mandat. Le processus se veut rapide et efficace, afin d'améliorer l'accès à la justice (Gallardo, par. 42-43; For-Net, par. 36-37).

[42]      Enfin, la Charte québécoise protège la compétence du Tribunal à l'aide non seulement d'une clause privative (art. 109 al. 1), mais aussi d'une clause de renfort (art. 109 al. 2).

[43]      Contrairement à ce que suggère la première approche de la Cour d'appel, l'existence d'un droit d'appel sur permission ne permet pas de faire abstraction de la nature administrative spécialisée du Tribunal. Le fait que le Tribunal n'ait pas compétence exclusive en matière de discrimination et qu'un plaignant puisse aussi faire appel aux tribunaux de droit commun n'est pas non plus déterminant. Si l'étendue d'un droit d'appel et l'absence de compétence exclusive peuvent parfois influer sur la déférence applicable envers certaines décisions d'un tribunal administratif spécialisé, cela ne justifie pas pour autant d'écarter les normes de contrôle propres à la révision judiciaire pour y préférer celles de l'appel (Tervita Corp. c. Canada (Commissaire de la concurrence), 2015 CSC 3, par. 35-39; McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 R.C.S. 895, par. 23-24; Rogers Communications Inc. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2012 CSC 35, [2012] 2 R.C.S. 283, par. 14-15; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 53, [2011] 3 R.C.S. 471 ("Mowat"), par. 23).

[44]      L'assujettissement d'un tribunal administratif spécialisé comme le Tribunal aux normes de contrôle de la révision judiciaire n'a rien d'inédit. Comme notre Cour l'indique dans Mowat (par. 19), c'est le cas de nombreux organismes appelés à statuer en matière de droits de la personne.

[20]        La suite des motifs du juge Gascon n’est pas non plus dépourvue d’intérêt puisqu’il y explique en quoi l’une des questions tranchées dans l’arrêt Mouvement laïque mérite d’être assujettie à la norme de la décision correcte. Il en est ainsi parce que cette question, relative « aux contours de l'obligation de neutralité de l'État qui découle de la liberté de conscience et de religion », est dotée d’une portée large et générale qui la rend importante pour l’ensemble du système juridique. On a donc ici un exemple du type de question que les juges LeBel et Bastarache identifiaient au paragraphe [60] de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick[8].

[21]        On peut probablement opter pour une interprétation très inclusive de ce qui est susceptible de constituer une question « importante pour l’ensemble du système juridique », mais cela crée le risque que beaucoup de questions de droit assez banales soient assimilées à ce que vise cette idée. Il semble néanmoins que ce fut la voie sur laquelle s’est récemment engagée la Cour d’appel de l’Alberta dans son jugement Stewart v. Elk Valley Coal Corp.[9]. Par contraste, en l’espèce, il me paraît difficile d’en venir à une conclusion semblable sur la question soulevée par le pourvoi. En l’occurrence, le Tribunal était d’abord appelé à interpréter les termes suivants tirés de l’article 10 de la CDLP :

… sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur … le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.

 

… without distinction, exclusion or preference based on … a handicap or the use of any means to palliate a handicap.

Aussi bien a priori qu’après un examen plus poussé du cadre d’intervention du Tribunal, il appert que trancher une question de cette nature se situe au centre de sa mission. Cela milite donc en faveur d’une déférence accrue[10] et la norme d’intervention ici applicable est celle de la décision raisonnable. Du moins est-ce l’effet apparent de l’arrêt Mouvement laïque.

- IV -

[22]        De toute évidence, les plaignants, et en particulier M. Routhier, ont été choqués par la réaction des intimés les 12 et 14 décembre 2010. Il ne peut faire de doute non plus qu’avoir la garde d’un adolescent autiste comme leur fils est une responsabilité onéreuse de presque tous les instants. La possibilité pour eux d’avoir quelques jours de répit en son absence, tout en le sachant en sécurité, représentait quelque chose de précieux. Le refus par les intimés d’honorer la réservation des plaignants fut, semble-t-il, assez abrupt. Et les intimés persistèrent malgré la tentative des plaignants de fournir des explications sur la nécessité dans laquelle ils se trouvaient, inopinément, d’emmener le chien Novak avec eux. Ce refus de faire exception à la règle ne pouvait qu’envenimer les choses et susciter de la part des plaignants plus qu’une simple déception passagère.

[23]        Mais un aspect à la fois singulier et révélateur du dossier est la manière dont la position des intimés a évolué entre décembre 2010 et le procès en décembre 2012. En résumant le témoignage de l’intimé Côté, le Tribunal écrit ceci :

[70]      Monsieur Côté affirme que, suite aux témoignages de la demande, il comprend les difficultés que vit la famille d’un enfant TED et reconnaît les bienfaits que procure un chien d’assistance. Aujourd’hui, avec les connaissances qu’il a acquises depuis l’incident, il accueillerait dans son gîte une personne accompagnée d’un chien d’assistance de la Fondation Mira.

[71]      À cet effet, il souligne que la Fondation Mira et la Commission ont porté à la connaissance du public, un avis recommandant la reconnaissance du chien d’assistance attribué à la famille d’un enfant TED comme moyen pour pallier le handicap au sens de la Charte. C'était lors d’une conférence de presse tenue le 12 janvier 2011, alors que les évènements en litige ont eu lieu en décembre 2010.

[72]      Monsieur Côté tient à informer le Tribunal que, depuis l’incident en litige, il a posé des gestes auprès des associations qui regroupent des propriétaires de gîtes, pour les sensibiliser à la nécessité d’informer leurs membres de leurs obligations d’accueillir les chiens d’assistance de la Fondation Mira dans leurs établissements. D’ailleurs, la Corporation de l’industrie touristique du Québec a publié l’information à ce sujet dans son bulletin Info CITQ de mars 2012.

[24]        On peut donc déduire de ce qui précède que, n’eût été du moment où survint l’incident des 12 et 14 décembre 2010, la situation se serait probablement résolue d’elle-même avec la civilité qui convient en pareilles circonstances : les plaignants auraient pu séjourner dans le gîte de leur choix, à condition d’exercer une surveillance étroite sur leur chien d’assistance[11], dont les intimés auraient toléré la présence dans leur établissement en levant dans ce cas-ci l’interdiction mentionnée sur leur site internet. On note d’ailleurs au dossier que les deux plaignants, l’un et l’autre des éducateurs spécialisés, ont la possibilité en alternance de garder le chien Novak auprès d’eux dans leurs lieux de travail respectifs, un Centre jeunesse dans le cas de Mme Canse et un Centre d’hébergement pour personnes en perte d’autonomie dans le cas de M. Routhier. C’est donc que, dans les faits, un accommodement raisonnable demeure spontanément possible, sans qu’il soit nécessaire de saisir l’appelante d’une plainte pour discrimination. En l’occurrence, cela permet aux plaignants, lorsque leur fils est à l’école, d’exercer sur l’animal l’encadrement constant qu’exige la Fondation Mira.

[25]        Au vu du dossier de première instance, il n’y a rien à redire sur les conclusions du Tribunal reproduites ci-dessus au paragraphe [15]. Mais qu’en est-il de la suite de l’analyse, résumée plus haut aux paragraphes [16] et [17]?

[26]        Pour en juger adéquatement, il paraît opportun en premier lieu de citer dans ce qu’elles ont de pertinent les diverses versions de l’article 10 de la CDLP depuis son entrée en vigueur en 1975 :

À compter de l’entrée en vigueur en 1975 :

10.  Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'état civil, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale ou la condition sociale.

 

10.  Every person has a right to full and equal recognition and exercise of his human rights and freedoms, without distinction, exclusion or preference based on race, colour, sex, civil status, religion, political convictions, language, ethnic or national origin or social condition.

À compter du 2 avril 1978 :

10.  Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’orientation sexuelle, l'état civil, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale ou le fait qu’elle est une personne handi­capée ou qu’elle utilise quelque moyen pour pallier son handicap.

 

10.  Every person has a right to full and equal recognition and exercise of his human rights and freedoms, without distinction, exclusion or preference based on race, colour, sex, sexual orientation, civil status, religion, political convictions, language, ethnic or national origin, social conditions or the fact that he is a handicapped person or that he uses any means to palliate his handicap.

 

À compter du 1er octobre 1983 :

10.  Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orien­tation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.

 

10.  Every person has a right to full and equal recognition and exercise of his human rights and freedoms, without distinction, exclusion or preference based on race, colour, sex, pregnancy, sexual orientation, civil status, age except as provided by law, religion, political convictions, language, ethnic or national origin, social condition, a handicap or the use of any means to palliate a handicap.

On voit donc qu’en matière de discrimination, la protection afférente au handicap est apparue après l’adoption de la CDLP. Un peu plus de cinq ans plus tard, le législateur en élargissait la portée en dissociant la personne handicapée et le moyen pour pallier le handicap. Il est certain que, même prise au pied de la lettre ou envisagée littéralement, la version anglaise et actuelle de l’article 10 décrit avec exactitude la situation des plaignants : le chien dont ils ont la garde est un moyen de pallier le handicap de leur fils, un handicap qui, ce n’est pas contesté, est visé par l’article 10. Si ambiguïté il y a entre ces deux versions, ce qui n’est pas démontré, on devrait préférer celle qui attribue la portée la plus large à la protection que confère la disposition.

[27]        En outre, au-delà des questions de syntaxe et de vocabulaire, il est depuis longtemps acquis, selon une jurisprudence constante, qu’une interprétation « large et libérale[12] » de la CDLP doit toujours prévaloir, en privilégiant les objectifs généraux de ce texte quasi-constitutionnel. Or, le Tribunal, on l’a vu, s’est tourné vers des législations étrangères qui prévoient expressément, encore que ce soit dans des styles de rédaction fort différents[13], l’extension de la protection aux dresseurs ou aux maîtres de chiens-guides ou de chiens d’assistance. Ce faisant, il s’est détourné de la tâche qui lui incombait - soit de déterminer la portée d’un texte législatif considéré d’abord en tant que tel - et il a opté pour une lecture qui n’a de raison d’être que lorsqu’une interprétation stricte est de mise. Une telle lecture s’inscrit dans le droit sillage de la maxime expressio unius est exclusio alterius. Cette expression latine véhicule un principe dont la juge Wilson a pu dire ce qui suit dans ses motifs de l’arrêt Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives de commerce)[14] :

Le principe d’interprétation législative expressio unius se prête mal aux exigences de l’interprétation de la Charte. Il est incompatible avec l’interprétation de la Charte, fondée sur l’Objet visé, que notre Cour a approuvé et qui est axée sur les objectifs généraux pour lesquels les droits ont été conçus plutôt que sur les règles mécaniques auxquelles on a traditionnellement eu recours dans l’interprétation des dispositions des lois ordinaires afin de déceler l’intention du législateur.

La juge Wilson exprimait ce point de vue dans une opinion dissidente, et en traitant de la portée de la Charte canadienne des droits et libertés. Néanmoins, le passage précité n’en conserve pas moins toute sa force de persuasion.

[28]        En ayant recours à un procédé d’interprétation inapproprié lorsqu’une interpré­tation large et libérale s’impose, en s'en tenant strictement au texte de la disposition sans s'interroger autrement sur l'intention du législateur, en cherchant un appui dans des législations étrangères et en omettant de considérer la finalité d’une modification de la CDLP apportée en 1983, le Tribunal s’est éloigné de sa mission au point de rendre une décision que l’on peut qualifier de déraisonnable. En l’espèce, il aurait dû donner raison à l’appelante et aux plaignants.

- V -

[29]        Reste donc une question délicate sur laquelle le Tribunal ne s’est pas prononcé, celle du redressement approprié dans les circonstances.

[30]        L’appelante ne recherchait pas de condamnation à des dommages punitifs mais uniquement à des dommages compensatoires. Par sa demande introductive d’instance, réitérée en appel, elle sollicitait une condamnation solidaire des deux intimés à 2 000 $ de dommages moraux pour Mme Canse et 2 000 $ de dommages moraux pour M. Routhier.

[31]        La trame des événements de décembre 2010 est simple. Au procès, l’intimé Côté a témoigné que sa conjointe et lui ne contestaient pas la description qu’en donnait l’appelante. Voici ce qu’elle alléguait dans son mémoire au soutien de sa demande introductive d’instance :

 

8.

 

Le ou vers le 24 novembre 2010, la plaignante Sylvie Canse, parlant au téléphone avec la défenderesse, effectue une réservation pour une chambre au gîte pour la période du 26 au 30 décembre 2010, réservation qu’elle confirme avec sa carte VISA;

 

9.

Le ou vers le 12 décembre 2010, le plaignant David Routhier rappelle les défendeurs afin de les aviser que lors de leur séjour au gîte, sa femme et lui seront accompagné du chien d’assistance de leur fils;

 

10.

Le défendeur Marcel Côté l’informe alors que les chiens ne sont pas acceptés au gîte et qu’ils ne pourront par en être accompagné lors de leur séjour;

 

11.

Monsieur Côté maintient son refus même après que le plaignant lui ait expliqué qu’il s’agit d’un chien d’assistance pour enfants autistes ayant obtenu l’entraînement de la fondation MIRA et qu’il serait prêt à limiter la circulation du chien dans les endroits communs tels que la salle à manger et le salon commun du gîte;

 

12.

Devant l’intransigeance de monsieur Côté, les plaignants se voient obligés d’annuler leur réservation, ce qu’ils font le 14 décembre 2010, parlant cette fois-ci à madame Nault.

 

Bien que les intimés aient admis les faits tels que relatés par l’appelante, le témoignage de M. Côté, sur lequel on reviendra plus loin, n’est guère compatible avec l’allégation d’intransigeance que comporte le paragraphe 12 précité.

[32]        Lors de son témoignage au procès, M. Routhier a donné sa version des faits et a décrit avec conviction la réaction qui fut la sienne à la suite de son entretien avec M. Côté et de l’annulation de la réservation :

Bien, je vous dirais que l’impact, c’est encore une accumulation de ce que l’on vit à tous les jours. Je me suis senti… rejeté, pointé du doigt. J’ai encore eu la sensation que c’est nous qui n’est pas correct, que parce que tu as un enfant autiste, que c’est toi qui peux déranger. C’est encore à nous à faire attention aux autres. On se demande… J’ai toujours… j’ai eu la sensation que c’était encore nous qui devaient faire les compromis.

Je ne trouve pas ça normal dans une société d’être obligé de dire que tu as un enfant autiste pour avoir le droit d’aller te reposer dans un gîte. Il n’y a pas personne qui appelle au gîte, Les Matins de Victoria, pour leur dire quelle maladie ils ont et puis obligatoirement mais je n’ai pas vraiment le choix parce que si je veux expliquer que j’ai un chien Mira, il faut un peu que je donne le diagnostic de mon garçon.

J’aurais aimé avoir de l’écoute. J’aurais aimé de la compassion. Je me suis senti très respectueux en appelant au gîte. J’aurais aimé avoir cette écoute-là.

J’ai de la difficulté à croire qu’en 2012, on ne soit pas capable de se parler, qu’on ne soit pas capable de trouver un compromis.

J’ai cette incompréhension-là de ce manque de compassion. À tous les jours, mon garçon doit faire face à une société qui n’est pas faite pour lui.

À tous les jours, il doit puiser dans ses ressources parce qu’il a trop de stimulations, il a trop de bruits et puis on va, nous aller dire d’aller baisser la radio ou de tamiser la lumière ou d’arrêter de parler parce que ça dérange.

Comme parent, à chaque jour, tu dois être dans l’hypervigilance de ne pas déranger, d’être obligé de demander un banc dans l’autobus parce que ton garçon il a de la difficulté à se tenir debout. … J’ai décidé de l’accompagner le mieux que je vais pouvoir toute sa vie mais j’ai besoin d’aide de la société pour le faire parce qu’on est une… on a une vie sociale et puis je ne peux pas y arriver tout seul.

J’aimerais pas avoir honte en sortant de chez nous et puis pas avoir à m’expliquer. J’aimerais ça, quand je suis dans un commerce ou que je vais dans un gîte, de ne pas me faire demander si j’ai pensé aux autres mais que, des fois, on pense à nous. C’est comme ça que je me sens.

[33]        Le témoignage de la conjointe de M. Routhier coïncide avec le sien. Ayant eu la garde de son fils depuis 17 ans au moment du procès, elle fait également état de déception, de fatigue, d’épuisement et de découragement. Il est facile de comprendre combien la garde d’un adolescent autiste peut constituer par moments un lourd fardeau pour les parents qui l’exercent. De même, il est difficile de ne pas sympathiser avec M. Routhier et Mme Canse lorsqu’ils tiennent les propos ici relatés. Madame Canse conclut son interrogatoire principal en ces termes :

Je dirais, moi, je ne suis pas quelqu’un qui aime, c’est ça, fréquenter les tribunaux. Désolée. Mais si je me suis rendue ici ce matin, c’est, en fait, ce n’est pas juste pour moi. … Je le fais pour des parents, des jeunes parents, des mères monoparentales qui se retrouvent avec un enfant différent et puis qui n’auraient peut-être pas toute cette énergie-là à mettre pour faire défendre leurs droits et puis je trouve que c’est à moi de le faire aujourd’hui avec l’expérience que j’ai et le vécu que j’ai et si ça peut changer quelque chose, bien, je serais heureuse de ça. C’est tout.

[34]        Cela dit, on ne peut se contenter d’évaluer le préjudice, et en particulier le préjudice donnant ouverture à des dommages moraux, sous l’angle unique et subjectif de celui qui en est la victime. L’arrêt St-Ferdinand[15], un arrêt unanime dû à la plume de la juge L’Heureux-Dubé, a apporté de nombreuses précisions à ce sujet. « Le principal problème sous-jacent à la compensation du préjudice moral, écrit la juge L’Heureux-Dubé, est de monnayer une perte qualitative[16]. » Au sujet de cette perte, le dossier du pourvoi comprend les remarques des plaignants que je viens de citer. S’y ajoutent quelques circonstances précises. L’on sait qu’à partir du 14 décembre, les plaignants ont dû se mettre à la recherche d’un autre gîte. Ce qu’ils ont trouvé, outre que ce n’était évidemment pas leur premier choix, était moins commode d’accès que le gîte des intimés, et ils ont dû se résoudre à occuper une chambre exigüe, dans un lieu de villégiature moins accueillant.

[35]        Je rappelle qu’il s’agit ici de compenser par des dommages moraux l’atteinte à un droit précis, le « droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité » (art. 10 de la CDLP) d’un certain droit de la personne. Ce dernier découle de l’article 15 de la CDLP qui, dans sa partie pertinente, énonce ce qui suit :

15.  Nul ne peut, par discrimination, empêcher autrui d’avoir accès … aux lieux publics, tels les … hôtels, restaurants, … terrains de camping et de caravaning, et d’y obtenir les biens et services qui y sont disponibles.

 

15.  No one may, through discrim­ination, inhibit the access of another to … a public place, such as a … hotel, restaurant … camping ground or trailer park, or his obtaining goods and services available there.

Il va de soi, ce que personne ne conteste, qu’un gîte comme celui des intimés est visé par cette disposition. J’ai déjà eu l’occasion, dans l’arrêt Calego International inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse[17], de souligner l’importance de l’interrelation entre l’article 10 et les autres dispositions de la CDLP créatrices de droit ou de libertés de la personne. Il faut donc garder à l’esprit, ici, que les dommages moraux pour lesquels les plaignants peuvent être compensés doivent prendre racine dans ce droit, ainsi circonscrit.

[36]        Commentant la difficulté d’évaluer un préjudice de ce genre, les auteurs Baudouin, Deslauriers et Moore écrivent[18] :

Dommages nominaux - Les dommages non pécuniaires sont souvent difficiles à chiffrer d’une manière exacte ou même approximative. Combien, par exemple, vaut la peine ressentie suite à l’interversion de la dépouille d’un proche avec celle d’un autre défunt? À combien peut-on chiffrer l’humiliation de la victime d’une diffamation, d’un acte de discrimination raciale, d’une personne internée abusivement, d’une personne exposée au ridicule public, d’une personne abonnée malgré elle à quelque 134 revues, le dérangement causé à une individu harcelé par des appels téléphoniques, l’humiliation à la suite d’une arrestation ou d’une détention arbitraire ou d’une agression sexuelle, les inconvénients subis en raison du non-respect de la consigne de « de pas fumer » dans une section non-fumeur d’un avion? Dans tous les cas cependant, le préjudice est direct, certain et réel et doit donc être compensé, même s’il n’existe pas de base scientifique et objective permettant de l’évaluer précisément. Cette difficulté fait que parfois la jurisprudence accorde sous le nom de dommage nominal une indemnité forfaitaire dont le montant, en général peu élevé, est laissé à l’appréciation souveraine du tribunal.

[37]        Dans le but de baliser l’analyse de réclamations pour des dommages moraux, la juge L’Heureux-Dubé cite avec approbation dans ses motifs de l’arrêt St-Ferdinand un long extrait d’un article du Doyen Daniel Jutras sur deux conceptions distinctes du préjudice extrapatrimonial. Il est opportun de le reproduire ici[19] :

La première de ces conceptions veut que le préjudice extrapatrimonial n'existe que lorsqu'il est ressenti. Une blessure, quelle qu'en soit la gravité, n'a de conséquences extrapatrimoniales que si la victime est en mesure d'en percevoir les effets. Le préjudice extrapatrimonial, dans ce cadre, est exclusivement subjectif. Souffrances, inconvénients, préjudice d'agrément: on ne distingue pas la blessure elle-même de ses conséquences psychologiques puisque le préjudice se trouve tout entier dans ces dernières. L'un des corollaires de cette conception, par exemple, est qu'une victime inconsciente n'a droit à aucune indemnité au titre du préjudice extrapatrimonial. Non seulement faut-il admettre qu'une telle indemnité est superflue, puisque la victime ne peut en ressentir les effets bénéfiques, mais il faut aussi reconnaître que le préjudice lui-même n'existe pas dans ce cas. Il n'y a pas de dommage moral sans souffrance morale ou physique, sans perte de jouissance de la vie ressentie par la victime.

On peut par ailleurs envisager une partie du préjudice extrapatrimonial dans sa matérialité, en insistant sur son caractère visible et tangible. Cette analyse n'exclut pas la notion subjective du préjudice moral. En fait, elle s'y ajoute. Son aspect essentiel, c'est la reconnaissance de l'existence d'un préjudice extrapatrimonial objectif et indépendant de la souffrance ou de la perte de jouissance de la vie ressentie par la victime. Dans cette perspective, le préjudice est constitué non seulement de la perception que la victime a de son état, mais aussi de cet état lui-même. En d'autres termes, il ne suffit pas d'indemniser la victime pour les conséquences patrimoniales et la douleur morale et physique qui résultent de la blessure. Il faut aussi l'indemniser pour la perte objective d'un membre ou d'une faculté, en fonction des « manifestations extérieures des faits générateurs de souffrance ».

Et immédiatement à la suite de cette citation, la juge L’Heureux-Dubé ajoute[20] :

L'état du droit, de la jurisprudence et de la doctrine sur cette question au Québec appuie la seconde conception, soit celle voulant que le droit à la compensation du préjudice moral ne soit pas conditionnel à la capacité de la victime de profiter ou de bénéficier de la compensation monétaire … La caractérisation objective du préjudice moral devrait donc être favorisée au Québec; elle s'accorde beaucoup mieux d'ailleurs avec les principes fondamentaux de la responsabilité civile

[38]        Le problème soulevé par l’incapacité de la victime de percevoir les effets d’un préjudice extrapatrimonial ne se posait évidemment pas ici. Mais en accord avec les passages précités, il faut souligner que l’évaluation du préjudice moral comporte nécessairement une composante objective. En effet, comme le mentionnait la juge L’Heureux-Dubé dans le même arrêt, il faut « en arriver à un résultat raisonnable et équitable[21] ».

[39]        Dans le dossier en cours, l’atteinte portée par les intimés au droit des plaignants n’était pas « intentionnelle », au sens que revêt ce terme dans la CDLP[22]. Aussi l’appelante n’a-t-elle pas demandé qu’ils soient condamnés à des dommages punitifs. Quant aux dommages compensatoires dont il est maintenant question, ils sont de nature extrapatrimoniale, d’où l’on peut plausiblement déduire que rien dans le comportement des intimés n’a appauvri les plaignants.

[40]        Le Tribunal ne s’étant pas penché sur la question, il nous revient de le faire. Si l’on scrute la preuve au dossier, et que l’on considère de près l’enchaînement des événements en décembre 2010, on constate que, lorsque l’intimé Côté s’entretient avec M. Routhier, trois choses préoccupent ce dernier : la présence anticipée au gîte, pendant la période en cause, d’un bébé de 18 mois et de ses parents, la possibilité qu’un client du gîte souffre d’une allergie, et la propreté des lieux. S’il refuse d’accueillir les plaignants en compagnie du chien Novak, c’est qu’il ne comprend pas pourquoi il devrait permettre la présence du chien en l’absence de l’enfant handicapé. Certes, ce faisant, il commet une erreur. En contre-interrogatoire, l’avocate de l’appelante lui fera d’ailleurs admettre, et répéter, qu’à la suite de sa brève conversation du 10 décembre avec M. Routhier, il n’a entrepris aucune démarche pour mieux se renseigner au sujet des chiens d’assistance et qu’il ne s’est pas enquis auprès des autres clients du gîte de leur réaction à la présence possible d’un chien sur les lieux. Mais était-ce à lui de prendre de telles initiatives? Le 10 décembre 2010, il s’était écoulé moins d’un mois et demi depuis l’adoption par la Commission d’un rapport d’une de ses conseillères juridiques intitulé « Le chien d’assistance pour enfants présentant un trouble envahissant du développement : moyen pour pallier le handicap »[23]. Il est plus que douteux qu’à l’époque des événements les avantages indéniables d’un chien d’assistance pour un enfant autiste et ses parents avaient la valeur d’un fait de commune renommée. Et il paraît peu vraisemblable qu’en décembre 2012, au moment du procès, l’appelante aurait jugé nécessaire d’administrer une preuve d’expert, comme elle l’a pourtant fait ici, et avec raison, dans le cas d’un chien d’assistance, afin de démontrer au Tribunal qu’un fauteuil roulant ou qu’un chien-guide constituent des moyens de pallier un handicap. Est-il équitable, dans ces conditions, de jeter l’opprobre sur les intimés pour avoir réagi comme ils l’ont fait? Je ne le crois pas. Ils ont porté atteinte au droit des plaignants, ce en quoi ils étaient fautifs, mais la faute est vénielle et elle fut reconnue par la suite. Dès le début de sa déposition, l’intimé Côté déclare :

… je pense qu’eux autres [il s’agit de la Commission] mentionnent que j’ai le droit de refuser les chiens. J’ai le droit d’avoir une mention comme quoi je les refuse. Je comprends aujourd’hui, depuis le 3 mars 2011, que oui, si la prochaine personne qui m’appelle a un chien Mira, je vais l’accepter pour différentes raisons qui est arrivé depuis mais, je veux dire, je vais les accepter aujourd’hui parce que…

[41]        Un autre facteur, surtout, mérite de figurer dans une analyse objective du tort infligé aux plaignants par les intimés. Selon la preuve, les deux conversations des 12 et 14 décembre furent de courte durée - on ne peut certainement pas prétendre qu’elles donnèrent lieu à de longues explications de la part des plaignants, suivies d’un rejet du revers de la main par les intimés. Dans les faits, les plaignants se voient opposer un refus qu’on peut qualifier de prompt. Ils font donc de nouveau face à un contretemps qui comporte pour eux quelque chose de blessant. Mais l’incompréhension alors ressentie par M. Routhier, et qu’il exprimait avec éloquence dans son témoignage précité au paragraphe [32], est le résultat d’une accumulation de frustrations et de circonstances souvent pénibles de la vie quotidienne qui ne sont pas le fait des intimés. Il est à coup sûr regrettable que les plaignants, des aidants naturels dévoués à leur fils, soient ainsi exposés à des manifestations d’intolérance ou d’étroitesse d’esprit. On doit cependant prendre garde d’imputer aux intimés l’entière responsabilité pour le sentiment d’abattement dont les plaignants faisaient état au procès. Ce qui est en cause ici, c’est le préjudice moral découlant d’une entrave précise au droit que l’article 15 de la CDLP confère aux plaignants.

[42]        Enfin, je reviens sur la déposition de Mme Canse au procès, en des termes que j’ai cités plus haut au paragraphe [33]. Ce qui est aussi en cause ici, c’est un enjeu de principe, porté par des parents courageux qui veulent améliorer le sort d’aidants naturels dans une situation comparable à la leur. Je crois qu’à lui seul le fait pour la Cour d’interpréter l’article 10 de la CDLP dans le sens recherché par l’appelante est susceptible de compenser de manière appréciable le sentiment d’incompréhension qu’a provoqué chez eux le refus des intimés.

[43]        Le 14 décembre 2010, les plaignants ont été victimes de discrimination en raison du moyen qui pallie le handicap de leur fils.

[44]        L’appelante a réclamé 2 000 $ des intimés pour chacun des deux plaignants, ce qui totalise 4 000 $, auxquels s’ajoutent les intérêts et l’indemnité additionnelle. L’intimé Côté a témoigné que la plainte initiale du 24 février 2011 portait sur un dédommagement global de 1 200 $ (« … il nous font une demande de 1 200 $. Pour nous, 1 200 $ … C’est énorme.»). Les intimés, tous deux retraités, exploitent un gîte dont ils habitent le sous-sol. Ils ont comparu en personne, sans l’assistance d’un avocat, en première instance comme en appel. Il ne s’agit ici ni de punir les intimés, ni de les accabler avec une condamnation démesurée au regard du tort spécifique qu’ils ont causé. Je réduirais chacune des deux condamnations à 200 $. Cette somme, qui est plus que symbolique, me paraît aussi proportionnelle au dommage moral véritablement infligé aux plaignants par les intimés.

 

 

 

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 



[1]     Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Côté (Matins de Victoria), 2013 QCTDP 35.

[2]     L’appelante invoquait comme motifs de discrimination prohibés l’état civil et le moyen pour pallier un handicap.

[3]     RLRQ, c. C-12.

[4]     L’expertise du psychologue Noël Champagne, cité comme témoin par l’appelante, est particulièrement éclairante sur l’entraînement rigoureux que reçoivent les chiens en question. Ce témoin évalue à 20 000 $ le « coût de production d’un chien d’assistance »; l’animal demeure la propriété de la Fondation et les parents, à qui il est confié gratuitement, doivent en assurer l’entretien.

[5]     Ce passage est tiré de l’arrêt Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville), 2000 CSC 27, paragr. 43.

[6]     RLRQ, c. E-20.1.

[7]     2015 CSC 16. L’arrêt, plus récent encore, prononcé par la Cour suprême dans le dossier Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, et qui porte sur un problème d’absence de preuve, ne présente pas le même intérêt pour les fins du pourvoi en cours.

[8]     2008 CSC 9.

[9]     2015 ABCA 225, particulièrement aux paragraphes 47 à 59. Malgré une dissidence sur un autre point, la Cour estime à l’unanimité que la portée (i) de la notion de discrimination reprise dans l’arrêt Moore c. Colombie-Britanique (Éducation), 2012 CSC 61, et (ii) des notions d’exigence professionnelle justifiée et d’accommodement raisonnable examinées dans l’arrêt Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. British Columbia Government and Service Employee Union (B.C.G.S.E.U.) (Grief de Meiorin), [1993] 3 R.C.S. 3, sont des questions assujetties à la norme de la décision correcte. Le juges Watson et Picard écrivent au paragraphe 50 de leurs motifs : «There is no legal space for a multitude of inconsistent legal meanings to the constituent elements of the Meiorin or Moore definitions in our Constitutional order, notably as they are common law elaborations of statute. Multiple answers to those legal definitions could not be equally defensible or acceptable. The presumption of reasonableness to a tribunal's interpretation of terms of a 'home statute' is therefore rebutted in this specific respect. » Le juge O’Ferrall, dissident, partage néanmoins le point de vue de ses collègues sur ce qui vient d’être cité : ibid., paragr. 94.

[10]    À ce sujet, voir SÉNÉCAL, Sébastien et Christian BRUNELLE, « Le Tribunal des droits de la personne devant la Cour d’appel du Québec : appel à plus de déférence » (2015) 60 : 3 RD McGill 475.

[11]    Semble-t-il, selon la preuve, que ces animaux sont dressés pour se prêter de bon gré à ce genre de discipline.

[12]    Ce sont les termes utilisés par le juge Gonthier dans ses motifs majoritaires l’arrêt Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés de services publics inc., [1996] 2 R,C,S, 345, paragr. 116. Voir aussi les propos de la juge L’Heureux-Dubé au paragraphe 120 des motifs, unanimes, de l’arrêt Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, [1996] 2 R.C.S. 211 [St-Ferdinand] ainsi qu’aux paragraphes 26 et suivants des motifs, également unanimes, de l’arrêt Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville), 2000 CSC 27.

[13]    Ainsi, voici ce que prévoit le paragraphe 54.1 (c) du Civil Code of California : « Visually impaired or blind persons and persons licensed to train guide dogs for individuals who are visually impaired or blind pursuant to Chapter 9.5 (commencing with Section 7200) of Division 3 of the Business and Professions Code or guide dogs as defined in the regulations implementing Title III of the Americans with Disabilities Act of 1990 (Public Law 101-336), and persons who are deaf or hearing impaired and persons authorized to train signal dogs for individuals who are deaf or hearing impaired, and other individuals with a disability and persons authorized to train service dogs for individuals with a disability, may take dogs, for the purpose of training them as guide dogs, signal dogs, or service dogs in any of the places specified in subdivisions (a) and (b). These persons shall ensure that the dog is on a leash and tagged as a guide dog, signal dog, or service dog by identification tag issued by the county clerk, animal control department, or other agency, as authorized by Chapter 3.5 (commencing with Section 30850) of Division 14 of the Food and Agricultural Code. In addition, the person shall be liable for any provable damage done to the premises or facilities by his or her dog. » On imagine mal un pareil degré de spécificité dans une loi comme la CDLP. En revanche, un texte de loi ainsi rédigé se prête peut-être mieux à une interprétation fondée sur la maxime expressio unius est exclusio alterius.

[14]    [1990] 1 R.C.S. 425, p. 470.

[15]    Supra, note 12.

[16]    Ibid., paragr. 62.

[17]    2013 QCCA 924, aux paragr. 93 et suivants.

[18]    La responsabilité civile, 8e éd., volume 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, p. 410 (notes de bas de page omises).

[19]    JUTRAS, Daniel, « Pretium et précision » (1990), 69 Revue du Barreau canadien 203, aux p. 216-217.

[20]    Supra, note 12, paragr. 68 (références omises).

[21]    Ibid., paragr. 79.

[22]    C’est encore l’arrêt St-Ferdinand, supra, note 12 qui met cette notion en relief. Au paragraphe 121 de ses motifs, la juge L’Heureux-Dubé écrivait : « … il y aura atteinte illicite et intentionnelle au sens du second alinéa de l'art. 49 de la Charte lorsque l'auteur de l'atteinte illicite a un état d'esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s'il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables, que cette conduite engendrera. Ce critère est moins strict que l'intention particulière, mais dépasse, toutefois, la simple négligence. Ainsi, l'insouciance dont fait preuve un individu quant aux conséquences de ses actes fautifs, si déréglée et téméraire soit-elle, ne satisfera pas, à elle seule, à ce critère. »

[23]    Ce rapport doit son origine à une demande de la Fondation Mira adressée au cours de l’automne 2009 au Service-conseil en accommodements raisonnables de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

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