Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Ville de Saint-Constant c. Succession de Pépin

2020 QCCA 1292

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-027578-186

(505-17-008654-156)

 

DATE :

  7 octobre 2020

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 

 

VILLE DE SAINT-CONSTANT

APPELANTE - défenderesse

c.

 

FRANCINE BOUFFARD PÉPIN, en sa qualité de liquidatrice et héritière

de la succession de GILLES PÉPIN

INTIMÉE EN REPRISE D’INSTANCE

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 9 mai 2018 par la Cour supérieure, district de Longueuil (l’honorable Kirkland Casgrain), qui, faisant droit à l’action de M. Gilles Pépin, la condamne à verser 127 616,20 $ à celui-ci, avec l’intérêt et l’indemnité additionnelle.

[2]           Pour les motifs de la juge Bich, auxquels souscrivent les juges Marcotte et Hogue, LA COUR :

[3]           DÉCLARE sans objet la requête pour permission d’appeler nunc pro tunc et la REJETTE, sans frais de justice;

[4]           REJETTE l’appel, avec frais de justice.

 

 

 

 

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 

 

 

 

 

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 

Me Marc-André LeChasseur

BÉLANGER SAUVÉ

Pour l’appelante

 

Me Josianne Goulet

ROUTHIER GOULET AVOCATS INC.

Pour l’intimée en reprise d’instance

 

Date d’audience :

15 janvier 2020

 



 

 

 

MOTIFS DE LA JUGE BICH

 

 

[5]           Le maire visé par des accusations criminelles rattachées à des actes ou omissions liés à sa charge, accusations ultérieurement retirées, peut-il, en vertu des art. 604.6 et s. de la Loi sur les cités et villes[1], obtenir de la municipalité le remboursement des frais raisonnables qu’il a assumés aux fins de sa défense?

[6]           En l’espèce, la Cour supérieure a répondu à cette question par l’affirmative[2]. Pour les raisons qu’exposent les pages suivantes, j’en viens à la même conclusion.

I.          Contexte

[7]           En novembre 2013, dans la foulée de l’enquête « Hydre » menée par l’Unité permanente anticorruption (« UPAC »), diverses accusations sont portées contre M. Gilles Pépin, accusations que voici :

Concernant Gilles PÉPIN (001)

1.         Entre le 6 novembre 2005 et le 11 octobre 2011, à St-Constant, district de Longueuil, par la supercherie, le mensonge ou autre moyen dolosif, a frustré la ville de St-Constant, d’une somme d’argent d’une valeur dépassant 5 000,00 $, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 380(1)a) du Code criminel;

2.         Entre le 6 novembre 2005 et le 11 octobre 2011, à St-Constant, district de Longueuil, étant fonctionnaire, a commis un abus de confiance relativement aux fonctions de sa charge en rapport avec la bibliothèque située sur la rue Saint-Pierre, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 122 du Code criminel;

3.         Entre le 6 novembre 2005 et le 11 octobre 2011, à St-Constant, district de Longueuil, a, étant fonctionnaire municipal, a accepté de Peter Veres un prêt, une récompense, un avantage ou un bénéfice en considération du fait qu’il aide à obtenir l’adoption d’une mesure, une motion ou une résolution, commettant l’acte criminel prévu à l’article 123(1)c) du Code criminel;

Concernant Gilles PÉPIN (001), André ROY (005)

7.         Entre le 6 novembre 2005 et le 29 juillet 2008, à St-Constant, district de Longueuil, par la supercherie, le mensonge ou autre moyen dolosif, ont frustré la ville de St-Constant, d’une somme d’argent, d’une valeur dépassant 5 000,00 $, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 380(1)a) du Code criminel;

8.         Entre le 6 novembre 2005 et le 29 juillet 2008, à St-Constant, district de Longueuil, Gilles Pépin et André Roy ont comploté ensemble, afin de commettre un acte criminel, à savoir une fraude, commettant de ce fait l’acte criminel prévu à l’article 465(1)c) du Code criminel;

9.         Entre le 6 novembre 2005 et le 29 juillet 2008, à St-Constant, district de Longueuil, Gilles Pépin et André Roy ont comploté ensemble, afin de commettre un acte criminel, à savoir un abus de confiance commettant de ce fait l’acte criminel prévu à l’article 465(1)c) du Code criminel;

Concernant Gilles PÉPIN (001)

10.       Entre le 6 novembre 2005 et le 29 juillet 2008, à St-Constant, district de Longueuil, étant fonctionnaire, a commis un abus de confiance relativement aux fonctions de sa charge en rapport avec des terrains dans le secteur des rues Capes, Cusson et Cloutier, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 122 du Code criminel;

Concernant Gilles PÉPIN (001), Peter VERES (003)

12.       Entre le 6 novembre 2005 et le 11 octobre 2011, à St-Constant, district de Longueuil, Gilles Pépin et Peter Veres ont comploté ensemble, afin de commettre un acte criminel, à savoir un abus de confiance, commettant de ce fait l’acte criminel prévu à l’article 465(1)c) du Code criminel;

Concernant Gilles PÉPIN (001), Danny PÉPIN (002)

13.       Entre le 3 mars 2008 et le 1 avril 2010, à St-Constant, district de Longueuil, Gilles Pépin et Danny Pépin ont comploté ensemble, afin de commettre un acte criminel, à savoir un abus de confiance, commettant de ce fait l’acte criminel prévu à l’article 465(1)c) du Code criminel;

Concernant Gilles PÉPIN (001)

14.       Entre le 3 mars 2008 et le 1er avril 2010, à St-Constant, district de Longueuil, étant fonctionnaire, a commis un abus de confiance relativement aux fonctions de sa charge en rapport avec du financement politique, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 122 du Code criminel;

[8]           Si l’on s’en remet à la pièce D-1[3], ces divers chefs reposent sur la conduite de M. Pépin, alors maire de l’appelante (« Ville »), à l’occasion de la réalisation de deux projets municipaux ainsi que d’une campagne de financement politique. Les allégations suivantes sont formulées à son endroit :

-           Projet de la bibliothèque (chefs 1, 2, 3 et 12) : M. Pépin aurait, dans le cours de discussions tenues avec ses collègues et les fonctionnaires de la Ville, dissimulé de l’information et généralement contrôlé celle-ci, de façon à favoriser un certain entrepreneur, auquel il aurait par ailleurs fourni des renseignements privilégiés, faussant ainsi le processus de soumissions publiques. La Ville aurait également été amenée à faire des concessions importantes quant à ses exigences initiales. En raison de difficultés dans l’exécution du projet et du contrat ainsi octroyé, la Ville aurait cependant perdu une importante subvention du gouvernement provincial. De plus, le bail finalement conclu avec ledit entrepreneur serait nettement à l’avantage de ce dernier, l’immeuble comptant plusieurs locaux inoccupés et n’ayant pas la valeur foncière que M. Pépin aurait fait miroiter. Cela laisserait la Ville aux prises avec un important fardeau financier, d’autant que, selon le rédacteur de la pièce D-1, « [t]out laissait présager que Gilles Pépin avait le désir de contourner les règles en voulant renouveler le bail au-delà de la période de 5 ans ».

-           Projet des terrains (chefs 7, 8, 9 et 10) : la Ville souhaitait se défaire de terrains acquis en 1997. M. Pépin aurait intrigué pour qu’elle les vende à son complice, M. Roy, et ce, en exerçant des pressions sur certains conseillers et fonctionnaires municipaux. Si ses manœuvres avaient réussi (ce qui ne fut pas le cas), M. Roy aurait acheté ces terrains au rabais, plutôt qu’à leur juste valeur marchande.

-           Financement politique (chefs 13 et 14) : M. Pépin et son fils auraient mis sur pied un stratagème de financement illégal, dont les contributeurs occultes auraient été des entrepreneurs ou des firmes d’ingénieurs.

[9]           Il est à noter que les actes précis qui sont reprochés à M. Pépin ne sont pas clairement identifiés par la pièce D-1, document coiffé de l’entrée en matière suivante :

Le dossier HYDRE concerne des allégations de corruption, abus de confiance, fraude et d’influence de fonctionnaires municipaux au sein de l’administration municipale de St-Constant.

La plainte provient de [passage caviardé]. Ce dernier a envoyé des documents par courrier recommandé à la centrale d’information criminelle de la Sûreté du Québec le 2 février 2010. Dans sa plainte, il allègue que le maire Gilles Pépin, son fils Danny Pépin, certains conseillers et partenaires de la Ville auraient commis des actes ou des omissions dans la gestion et l’administration de la Ville de St-Constant.

[10]        Pour se défendre contre les accusations énumérées plus haut, M. Pépin recourt aux services d’un avocat, Me Conrad Lord, qui le représentera pendant toute la durée de l’instance criminelle, laquelle prendra fin abruptement 22 mois plus tard. Le 14 septembre 2015, à la veille de l’enquête préliminaire, le ministère public annonce en effet le retrait de toutes les accusations portées contre M. Pépin et ses coaccusés[4] et confirme la chose dès le lendemain devant la Cour du Québec. En novembre de la même année, saisie de la demande de certains médias, ce tribunal prendra par ailleurs note de ce que l’enquête Hydre est désormais close et que, les accusations ayant été retirées, les médias en question peuvent désormais avoir accès à certaines informations jusque-là confidentielles[5]. Comme on le verra plus loin, ce fait n’est pas sans importance.

[11]        Dans l’intervalle, en octobre, M. Pépin, se fondant sur l’art. 604.6 L.c.v., met la Ville en demeure de lui rembourser les frais (honoraires extrajudiciaires et débours) qu’il a dépensés afin d’assurer sa défense et qui totalisent 92 616,20 $[6]. Par l’intermédiaire de son avocat, la Ville refuse, soutenant que :

La jurisprudence de la Cour d’appel du Québec a clairement établi qu’un élu municipal ne saurait revendiquer une quelconque protection pour des pertes financières liées à sa défense lorsqu’il se voit accusé d’actes criminels qui, par définition, se situent à l’extérieur du cadre de ses fonctions à titre de membre du conseil municipal.

Selon nous, la décision de la Procureure générale du Québec de retirer les accusations criminelles pesant contre M. Pépin n’a pas pour effet de modifier le régime applicable à ce titre.[7]

[12]        Devant ce refus, M. Pépin, en décembre 2015, s’adresse à la Cour supérieure, réclamant de la Ville le paiement desdits frais, mais aussi celui des frais engagés aux fins de l’action qu’il intente ainsi.

[13]        Au terme d’un procès de deux jours tenu en avril 2018, le juge de première instance donne gain de cause à M. Pépin. Il condamne la Ville à lui rembourser les frais de 92 616,20 $ encourus dans le cadre de la poursuite criminelle instituée contre lui ainsi que les 35 000 $ versés à ses avocats afin de faire valoir ses droits en vertu de l’art. 604.6 L.c.v., pour un total de 127 616,20 $. Le juge conclut son jugement par les commentaires suivants :

[77]      Pépin n’a pas mérité le traitement qu’on lui a fait subir. Personne ne mérite ce traitement. Le conseil de ville de Saint-Constant et le maire actuel, contre lequel incidemment Pépin s’est présenté aux élections municipales de l’automne dernier, n’ont pourtant pas l’intention de le rembourser.

[78]      Nous ne sommes pas surpris mais il va falloir tout de même rembourser Pépin : la preuve des dommages — les 92 616,20 $ qu’il a payés à Me Lord — est convaincante et le Tribunal la retient.

[79]      Qui plus est, dans les circonstances particulières de cette affaire nous ne voyons aucune justification pour que Pépin encoure, en sus des frais de son procureur au criminel, les frais de ce procès. [renvoi omis]

[80]      Au fond, en effet, cette histoire est toute simple : suite à une plainte déposée par l’organisateur politique d’un rival, Pépin a été accusé de corruption, d’abus de confiance et de fraude perpétrés à l’occasion de ses fonctions de maire mais ces accusations ont toutes été retirées deux ans plus tard, sans explications et sans excuses.

[81]      Le conseil de son rival politique de la Ville de Saint-Constant refuse aujourd’hui de lui rembourser les frais légaux qu’il a dû encourir pour se défendre, malgré les dispositions de l’article 604.6 de la Loi sur les cités et villes.

[82]      Ce refus ajoute l’insulte à l’injure.

[83]      Avec égards, il nous semble qu’avant de continuer à dépenser l’argent des contribuables de la Ville de Saint-Constant, le conseil de ville devrait songer à « hisser le drapeau blanc », pour reprendre les mots utilisés par notre estimé collègue André Denis dans l’affaire BDC c. Baudoin (REJB, 2004-54067).

[14]        La Ville se pourvoit de plein droit contre ce jugement[8]. Elle reproche essentiellement au juge de première instance d’avoir mal appliqué, voire ignoré, les arrêts Berniquez St-Jean c. Boisbriand (Ville de)[9] et Bellefeuille c. Ville de L'Assomption[10], d’avoir fondé son jugement sur des faits non établis par la preuve ou non pertinents et d’avoir généralement affiché un préjugé dans son traitement de l’affaire. Elle estime également que, n’ayant commis ni abus sur le fond ni abus procédural, elle ne saurait être condamnée au remboursement des honoraires et débours extrajudiciaires que M. Pépin a assumés dans le cadre de son action contre elle.

[15]        Notons que la Ville ne conteste par ailleurs pas le montant des honoraires et frais qui lui sont réclamés. Ce n’est pas leur quantum qui est en cause, mais bien leur exigibilité.

[16]        De son côté, l’intimée, qui a repris l’instance après le décès de M. Pépin en juillet 2019, fait valoir que le juge s’est bien dirigé en droit, qu’il a correctement interprété les art. 604.6 et 604.7 L.c.v. et qu’il les a bien appliqués, dans le respect des arrêts Berniquez et Bellefeuille. Selon l’intimée, M. Pépin a en effet démontré prima facie que les faits sous-jacents aux accusations portées contre lui étaient directement reliés à l’exercice de ses fonctions de maire. Il a en outre réussi à établir la futilité de ces accusations, contre lesquelles il avait des moyens de défense fort sérieux.

II.         Analyse

A.        Constitution de l’appel

[17]        Le 25 novembre 2019, quelques semaines avant l’audience, la Cour a écrit aux parties afin d’obtenir leur point de vue sur la question suivante : « l’appel a été interjeté par dépôt et signification d’une déclaration d’appel; une permission d’appeler aurait-elle été nécessaire au regard de l’art. 30, al. 2, paragr. 5 C.p.c.? ».

[18]        En l’espèce, la demande introductive d’instance, comme en témoigne son intitulé[11], est en effet placée sous les auspices de l’art. 529 C.p.c., ce qui, vu la nature du débat, ne pourrait a priori renvoyer qu’aux paragraphes 2 ou 3 du premier alinéa de cette disposition, paragraphes qui visent respectivement la révision judiciaire de la décision d’une personne publique et le mandamus (tous deux incarnations du contrôle judiciaire). Or, si l’action ainsi intentée est véritablement de cette nature, la Ville, conformément à l’art. 30, al. 2, paragr. 5, aurait dû obtenir la permission d’appeler du jugement de première instance. Elle ne l’a pas fait, ayant plutôt procédé de plein droit, par déclaration d’appel.

[19]        Consécutivement à la lettre de la Cour, la Ville a présenté une requête pour permission d’appeler nunc pro tunc. Dans un premier temps, elle explique avoir procédé par déclaration d’appel, car elle considérait alors l’action entreprise par M. Pépin comme une réclamation pécuniaire ne comportant pas de demande visant l’accomplissement d’un acte. Dans la mesure où l’enjeu du litige est d’une valeur supérieure à 60 000 $, l’appel de plein droit, au sens de l’art. 30, al. 1 C.p.c., a donc paru la voie à suivre. Dans un second temps, cependant, la Ville indique que, vu la jurisprudence récente, « l’objet véritable du jugement de première instance porte sur un pourvoi en contrôle judiciaire, plus particulièrement un mandamus, qui doit dorénavant faire l’objet d’une permission et que la valeur de l’objet en litige ne constitue pas une composante susceptible d’altérer la qualification de l’objet du pourvoi en cause »[12], concédant par ailleurs que « [à] la différence de l’ancien Code de procédure civile, il apparaît maintenant établi qu’un jugement de la nature de celui en jeu ne peut faire l’objet d’un appel que sur permission même s’il conclut aussi au paiement d’honoraires extrajudiciaires »[13].

[20]        À la réflexion, il appert toutefois que, dans les circonstances, une permission d’appeler n’était pas requise.

[21]        Il ressort de la jurisprudence une incertitude en la matière, incertitude qui ne touche pas seulement le droit d’appel, mais aussi la nature même du véhicule procédural par lequel demander l’assistance financière prévue par l’art. 604.6 L.c.v. Si de telles demandes ont souvent été formulées par le truchement d’une procédure formelle en mandamus, elles l’ont été aussi par le moyen de procédures en injonction (notamment interlocutoire), par celui d’une action civile ordinaire ou encore par un « appel en garantie »[14]. Or, on ne paraît pas s’être questionné beaucoup sur la procédure appropriée.

[22]        La lecture de la jurisprudence permet tout de même de distinguer deux situations : d’une part, celle dans laquelle la demande judiciaire fondée sur l’art. 604.6 L.c.v. est formulée alors que les procédures instituées contre l’élu, le fonctionnaire ou l’employé municipal viennent d’être intentées ou sont encore pendantes; d’autre part, la demande judiciaire formulée après la terminaison des procédures en question.

[23]        Dans le premier cas, alors que l’on réclame de la municipalité qu’elle assume pour l’avenir la défense de l’individu (que ce soit par le moyen d’un paiement ou d’un remboursement, comme le prévoit l’art. 604.6, al. 2 L.c.v.), on pourrait convenir avec la Ville que la procédure relève du contrôle judiciaire, et plus spécifiquement du mandamus, désormais régi par l’art. 529, al. 1, paragr. 3 C.p.c. : on y demande en effet l’accomplissement d’un acte (prendre en charge la défense de l’élu, du fonctionnaire ou de l’employé municipal), et ce, en vertu d’une disposition imposant à la municipalité une obligation purement légale[15], qui n’appartient pas au champ d’application des art. 1457 ou 1458 C.c.Q., qui n’est pas purement privée et qui s’enclenche dès que ses conditions sont réunies, sans que la municipalité dispose d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard.

[24]        L’affaire est moins claire dans le second cas.

[25]        D’un côté, par analogie avec la situation précédente, on pourrait être tenté d’accorder le même traitement procédural à une telle demande, s’agissant d’assurer l’exécution de la même obligation légale (c.-à-d. assumer la défense de l’élu, du fonctionnaire ou de l’employé municipal en payant ou en remboursant les coûts de cette défense).

[26]        D’un autre côté, on ne peut pas non plus donner une portée surextensive au contrôle judiciaire (nouvelle mouture des anciens « recours extraordinaires ») dans des matières qui concernent le seul paiement d’une créance en deniers. Traditionnellement, pareille obligation de payer, lorsqu’elle n’emporte qu’une condamnation pécuniaire, n’est pas sujette au mandamus[16] (ni à l’injonction d’ailleurs[17]). Or, il existe à cet égard - et l’affirmation est tautologique - une distinction entre le cas où la demande d’assistance financière est faite alors que les procédures instituées contre l’élu, le fonctionnaire ou l’employé sont toujours pendantes et le cas où elle est faite alors que les procédures en question ont connu leur dénouement.

[27]        En effet, dans le premier cas, non seulement la situation a-t-elle une dimension provisoire (car il est possible que l’assistance prévue par l’art. 604.6 L.c.v. cesse ou doive ultérieurement être remboursée à la municipalité dans les cas prévus par l’art. 604.7 L.c.v.), mais elle s’inscrit dans l’avenir et suppose que la municipalité continue de se conformer à l’obligation que lui impose l’art. 604.6 L.c.v. : ce n’est pas seulement une condamnation pécuniaire qu’on recherche contre elle[18], mais une ordonnance de se conformer désormais à l’obligation que lui fait la loi d’assumer la défense de l’élu, du fonctionnaire ou de l’employé, défense dont les coûts totaux projetés ne sont encore ni liquidés ni exigibles. Dans le second cas, la procédure intentée contre celui ou celle qui invoque cette disposition étant terminée et son issue connue, il n’est plus question pour la municipalité d’assumer pour le futur la défense de l’individu. Celui-ci s’est chargé de sa propre défense, dont les coûts sont maintenant connus et dont il demande simplement le remboursement à la municipalité. Que les droits des parties, qui seront déterminés de manière complète et finale, soient alors examinés à la lumière de l’art. 604.6, mais aussi, potentiellement, des art. 604.7, 604.8 et 604.9 L.c.v. (comme on le verra ultérieurement) ne change pas le fait que, fondamentalement, l’action est d’ordre strictement pécuniaire et ne recherche qu’une condamnation de cette nature (comme en l’espèce, justement[19]).

[28]        De tout ceci je conclus ce qui suit : l’individu qui, au terme des poursuites entreprises contre lui, intente action à la municipalité afin d’obtenir de celle-ci le remboursement des sommes qu’il estime lui être dues en vertu des art. 604.6 et s. L.c.v., formule une demande de nature essentiellement pécuniaire, laquelle devra être adressée à la Cour supérieure ou à la Cour du Québec, selon la valeur de l’enjeu (c.-à-d. de la somme réclamée). Le jugement de ce tribunal sera appelable de plein droit ou sur permission, selon que cet enjeu, en appel (calculé selon l’art. 30, al. 4 C.p.c.), a une valeur égale ou supérieure à 60 000 $ ou, au contraire, inférieure à ce seuil (art. 30, al. 1 et al. 2, paragr. 1 C.p.c.).

[29]        L’enjeu du présent appel étant d’une valeur largement supérieure à 60 000 $, la Ville pouvait donc se pourvoir de plein droit contre le jugement de première instance.

[30]        Quoi qu’il en soit, je précise que, dans l’hypothèse où il m’aurait plutôt fallu conclure à l’application des art. 529 et 30, al. 2, paragr. 5 C.p.c., j’aurais recommandé que la permission nunc pro tunc soit accordée, puisqu’elle répond aux exigences que rappelle notamment l’arrêt Construction Steco inc. c. Gestion Michel Bélanger inc.[20].

B.        Examen du fond de l’appel

1.         Contexte général

[31]        C’est en 1996 que le législateur québécois introduit dans la Loi sur les cités et villes les dispositions qui, sous la rubrique « Protection contre certaines pertes financières liées à l’exercice des fonctions municipales », obligent en principe les municipalités à assumer la défense de l’élu, du fonctionnaire ou de l’employé poursuivi en justice en raison d’un acte lié à l’exercice de sa charge[21] (des dispositions semblables sont ajoutées au même moment au Code municipal du Québec[22]). Les auteurs Hétu, Duplessis et Vézina résument ainsi l’intention sous-jacente à ces modifications législatives :

[2.141]  Les poursuites judiciaires intentées contre des élus municipaux ont toujours existé, toutefois elles ont connu un accroissement notable au cours des dernières années. Plusieurs décisions de nos tribunaux ont fait émerger les difficultés rencontrées par les élus voulant obtenir de la municipalité un remboursement des frais de leur défense.

            Le législateur a donc jugé qu’il était nécessaire d’encadrer les règles devant s’appliquer afin de protéger les élus contre les pertes financières susceptibles de leur être causées lors de poursuites judiciaires liées à l’exercice de leurs fonctions. Notons que cette protection est aussi accordée aux fonctionnaires ou employés de la municipalité ou d’un organisme mandataire de celle-ci pour des actes posés dans l’exercice de leurs fonctions. […][23]

[32]        Dans un article précédent, le professeur Hétu, commentant un projet de loi antérieur à celui qui mènera à l’adoption des art. 604.6 et s. L.c.v.[24], pousse l’explication plus loin. Soulignant la recrudescence des poursuites contre les élus municipaux, il écrit que :

      Plusieurs raisons peuvent expliquer ces nombreuses poursuites contre les membres d’un conseil municipal. Les élus locaux doivent prendre régulièrement des décisions qui ne font pas toujours l’affaire de tous les citoyens (adoption de règlements, congédiement de fonctionnaires, refus ou autorisation de toutes sortes, etc.). Les élus municipaux, contrairement aux députés provinciaux par exemple, sont en contact direct avec leurs administrés lorsqu’ils prennent leurs décisions; en ce sens le conseil municipal apparaît non seulement comme le législatif mais aussi comme l’exécutif. Les propos tenus par certains citoyens pendant la période de questions lors des séances du conseil illustrent parfois les nombreux conflits qui les opposent aux membres du conseil; ces citoyens ont parfois des attitudes provocatrices pour cet auditoire captif que constitue le conseil municipal. D’autre part, les citoyens sont de plus en plus conscients de leurs droits et n’hésitent pas à les exercer contre les élus qu’ils vont tenir personnellement responsables de leur malheur. Plutôt que de prendre un recours contre la municipalité, certaines personnes préfèrent poursuivre directement les élus en espérant que ceux-ci reviendront sur leur décision.

      De plus, le rôle des élus municipaux a beaucoup évolué au fil des ans. Le gouvernement provincial a confié de plus en plus de responsabilités aux municipalités et celles-ci vont probablement encore s’accroître dans les prochaines années. Les élus qui participent à ce processus n’ont pas toujours la formation pour assumer ce nouveau rôle d’autant plus que la législation municipale est non seulement très abondante mais aussi incohérente. L’inflation législative que nous connaissons depuis plusieurs années dans le domaine municipal augmente certes les risques d’erreur ou du moins les conflits d’interprétation des textes législatifs. C’est ainsi que des élus, qui ne sont pas des juristes, commettront des erreurs de bonne foi dans l’exécution de leur mandat. D’autres élus, mieux informés de leurs pouvoirs, hésiteront parfois à prendre des décisions de peur d’être poursuivis par des personnes qui rêvent souvent de prendre leurs places. D’ailleurs, il est fréquent de voir quelqu’un prendre une action contre un élu quelques semaines avant les élections seulement pour le discréditer aux yeux de la population. La création de partis politiques municipaux ou d’équipes est certainement un autre facteur qui a augmenté le nombre d’actions devant les tribunaux.

      De fait, les poursuites intentées contre les élus municipaux sont la plupart du temps sans véritable fondement juridique; certaines sont purement frivoles. Or, le véritable but recherché par le demandeur n’est pas d’obtenir un jugement final condamnant l’élu, mais plutôt de jeter du discrédit sur lui en mettant en doute très souvent sa réputation. Plusieurs se sont servis des poursuites judiciaires pour simplement faire pression sur certains élus et les empêcher d’exercer sereinement leur charge municipale ou encore pour faciliter un règlement hors cour avec la municipalité. De plus, dans ces poursuites, on invoque habituellement des fautes personnelles de la part des élus pour les empêcher d’être défendus par leur municipalité et de façon à les exclure, le cas échéant, de la protection de la police d’assurance municipale. Non seulement on cherche à discréditer l’élu dans l’opinion publique, mais on veut le pénaliser financièrement en l’obligeant à se défendre personnellement devant les tribunaux. À cet égard, nous ne pouvons que constater que les élus jouissent d’une moins bonne protection juridique que leurs fonctionnaires municipaux (ex. les policiers).

      […][25]

[33]        Les propos du ministre des Affaires municipales, M. Rémy Trudel, lors des débats entourant l’adoption du projet de loi, vont effectivement dans ce sens. On cherche par ces dispositions à protéger les élus municipaux (principalement) contre les poursuites nombreuses auxquelles donne lieu l’exercice de leurs fonctions, et ce, dans le but de favoriser la participation à ces instances de la démocratie locale. Le monde municipal est en effet de plus en plus complexe (notamment en raison du foisonnement de la législation et la réglementation qui s’appliquent à lui) et présente des enjeux importants. Dans ce contexte, la vulnérabilité des élus aux poursuites de toutes sortes pourrait dissuader les citoyens de collaborer à la gouvernance municipale, particulièrement dans les petites municipalités, et c’est ce que l’on veut contrer par l’ajout de ces dispositions à la Loi sur les cités et villes et au Code municipal du Québec[26]. On souhaite aussi éviter que la question des coûts de la défense de l’élu municipal soit laissée « aux humeurs du conseil municipal »[27], d’où l’obligation faite aux villes de s’en charger.

[34]        Il est vrai que les discussions tenues par les parlementaires portent essentiellement sur les recours civils variés qui peuvent être intentés contre les élus municipaux (le civil incluant ici l’administratif), mais, ainsi que la chose ressort du texte même de la loi de 1996, la protection sera accordée également à l’élu visé par une poursuite pénale ou criminelle.

[35]        Les dispositions destinées à mettre cette intention en œuvre sont actuellement les suivantes, le régime qu’elles instituent n’ayant pas été modifié depuis 1996, sauf par un élargissement de son champ d’application, en 2013[28] :

SECTION XIII.1

PROTECTION CONTRE CERTAINES PERTES FINANCIÈRES RELIÉES À L’EXERCICE DES FONCTIONS MUNICIPALES

DIVISION XIII.1

PROTECTION AGAINST CERTAIN FINANCIAL LOSSES RELATED TO THE PERFORMANCE OF MUNICIPAL DUTIES

604.6.  Toute municipalité doit :

604.6.  A municipality shall

1°  assumer la défense d’une personne dont l’élection comme membre du conseil de la municipalité est contestée ou qui est le défendeur ou l’intimé dans une procédure dont est saisi un tribunal et qui est fondée sur l’allégation de l’inhabilité de la personne à exercer la fonction de membre du conseil, de fonctionnaire ou d’employé de la municipalité ou d’un organisme mandataire de celle-ci;

(1)  assume the defence of a person whose election as member of the council of a municipality is contested or who is the defendant or respondent in judicial proceedings brought before a court by reason of the person’s alleged disqualification for office as a member of the council or as an officer or employee of the municipality or a mandatary body of the municipality;

2°  assumer la défense ou la représentation, selon le cas, d’une personne qui est, soit le défendeur, l’intimé ou l’accusé, soit le mis en cause, dans une procédure dont est saisi un tribunal et qui est fondée sur l’allégation d’un acte ou d’une omission dans l’exercice des fonctions de la personne comme membre du conseil, fonctionnaire ou employé de la municipalité ou d’un organisme mandataire de celle-ci;

(2)  assume the defence or the representation, as the case may be, of a person who is the defendant, respondent or accused, or the person impleaded in judicial proceedings brought before a court by reason of the person’s alleged act or omission in the performance of his duties as a member of the council or as an officer or employee of the municipality or a mandatary body of the municipality;

3°  assumer la défense d’un membre du conseil qui fait l’objet d’une demande en vertu de l’article 312.1 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (chapitre E-2.2).

(3)  assume the defence of a member of the council against whom an application has been brought under section 312.1 of the Act respecting elections and referendums in municipalities (chapter E-2.2).

            Si la personne assume, elle-même ou par le procureur de son choix, cette défense ou représentation, la municipalité doit en payer les frais raisonnables. La municipalité peut toutefois, avec l’accord de la personne, lui rembourser ces frais au lieu de les payer.

            Where the person assumes, himself or through an attorney of his choice, the defence or representation, the municipality shall pay any reasonable costs incurred therefor. However, the municipality may, with the consent of the person, reimburse such costs to him instead of paying them.

            La municipalité est dispensée des obligations prévues aux deux premiers alinéas, dans un cas particulier, lorsque la personne renonce par écrit, pour ce cas, à leur application.

            The municipality is exempt from the obligations set out in the first two paragraphs, in a particular case, if the person renounces in writing, in respect of that case, the application of those provisions.

            Pour l’application de la présente section, on entend par :

            For the purposes of this division,

1°  «organisme mandataire» : tout organisme que la loi déclare mandataire ou agent de la municipalité et tout organisme dont le conseil est composé majoritairement de membres du conseil de la municipalité, dont le budget est adopté par celle-ci ou dont le financement est assuré pour plus de la moitié par celle-ci;

(1)  “mandatary body” means any body declared by law to be the mandatary or agent of the municipality and any body whose council is composed of a majority of members of the council of the municipality, whose budget is adopted by the municipality or more than half of the financing of which is assumed by the municipality;

2°  «tribunal» : outre son sens ordinaire, un coroner, un commissaire-enquêteur sur les incendies, une commission d’enquête ou une personne ou un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires.

(2)  “court” means, in addition to its ordinary meaning, a coroner, a fire investigation commissioner, an inquiry commission or a person or body exercising quasi-judicial functions.

604.7.  La personne pour laquelle la municipalité est tenue de faire des dépenses, en vertu de l’article 604.6, doit, sur demande de la municipalité, lui rembourser la totalité de ces dépenses ou la partie de celles-ci qui est indiquée dans la demande, dans l’un ou l’autre des cas suivants :

604.7.  The person for whom the municipality is required to incur expenses under section 604.6 shall, at the request of the municipality, reimburse all the expenses or the portion of such expenses indicated in the request in any of the following cases:

1°  l’acte ou l’omission de la personne, dont l’allégation a fondé la procédure, est une faute lourde, intentionnelle ou séparable de l’exercice des fonctions de la personne;

(1)  the person’s alleged act or omission having given rise to the proceedings is a gross or intentional fault or a fault separable from the performance of his duties;

2°  le tribunal a été saisi de la procédure par la municipalité ou par un tiers à la demande de cette dernière;

(2)  the proceedings are brought before the court by the municipality or by a third person at the request of the municipality;

3°  la personne, défenderesse ou accusée dans la procédure de nature pénale ou criminelle, a été déclarée coupable et n’avait aucun motif raisonnable de croire que sa conduite était conforme à la loi.

(3)  the person, defendant or accused in the penal or criminal proceedings, has been convicted and had no reasonable grounds to believe that he acted within the law.

            En outre, si la municipalité fait les dépenses visées au premier alinéa en remboursant les frais de la défense ou de la représentation que la personne assume elle-même ou par le procureur de son choix, l’obligation de la municipalité cesse, à l’égard de la totalité des frais non encore remboursés ou de la partie de ceux-ci que la municipalité indique, à compter du jour où il est établi, par une admission de la personne ou par un jugement passé en force de chose jugée, qu’est justifiée la demande de remboursement prévue au premier alinéa ou la cessation de remboursement prévue au présent alinéa.

            In addition, where the municipality incurs the expenses referred to in the first paragraph in reimbursing the expenses relating to the person’s defence or representation assumed by the person himself or by an attorney of his choice, the municipality’s obligation shall cease, in respect of all expenses not reimbursed or the portion of such expenses which the municipality may indicate, from the day on which it is established, by the person’s own admission or by a judgment that has become res judicata, that the request for reimbursement provided for in the first paragraph or the cessation of reimbursement provided for in this paragraph is justified.

            Les premier et deuxième alinéas s’appliquent si la municipalité est justifiée d’exiger le remboursement prévu au premier alinéa et, le cas échéant, de cesser en vertu du deuxième alinéa d’effectuer des remboursements. Ils ne s’appliquent pas dans le cas visé au paragraphe 3° du premier alinéa de l’article 604.6.

            The first and second paragraphs apply where the municipality is justified in requiring the reimbursement provided for in the first paragraph or, as the case may be, in ceasing to make reimbursements under the second paragraph. They do not apply in the case provided for in subparagraph 3 of the first paragraph of section 604.6.

604.8.  Aux fins de déterminer si la justification prévue au troisième alinéa de l’article 604.7 existe, il faut prendre en considération et pondérer l’un par l’autre les objectifs suivants :

604.8.  For the purpose of determining whether the justification provided for in the third paragraph of section 604.7 exists, the following objectives shall be considered and weighed one against the other:

1°  la personne visée à l’article 604.6 doit être raisonnablement protégée contre les pertes financières qui peuvent découler des situations dans lesquelles la place l’exercice de ses fonctions;

(1)  the person referred to in section 604.6 must be reasonably protected against any financial loss which may result from the performance of his duties;

2°  les deniers de la municipalité ne doivent pas servir à protéger une telle personne contre les pertes financières qui résultent d’une inconduite sans commune mesure avec les erreurs auxquelles on peut raisonnablement s’attendre dans l’exercice des fonctions d’une telle personne.

(2)  the monies of the municipality must not be used to protect such a person against financial losses resulting from misconduct which cannot possibly be compared with the errors that may reasonably be expected to be committed by a person performing similar duties.

            Dans l’application du premier alinéa, on peut tenir compte de la bonne ou mauvaise foi de la personne, de sa diligence ou négligence quant à l’apprentissage des règles et des pratiques pertinentes à l’exercice de ses fonctions, de l’existence ou de l’absence de faute antérieure de sa part liée à l’exercice de ses fonctions, de la simplicité ou de la complexité de la situation au cours de laquelle elle a commis une faute, de la bonne ou mauvaise qualité des avis qu’elle a reçus et de tout autre facteur pertinent.

            For the purposes of the first paragraph, the good or bad faith of the person may be taken into account as well as his diligence or negligence in learning the rules and practices relevant to the performance of his duties, the existence or absence of any previous fault related to the performance of his duties, the simplicity or complexity of the circumstances in which he committed a fault, the good or poor quality of the advice given to him and any other relevant factor.

604.9.  En cas de contestation du droit de la municipalité d’obtenir le remboursement qu’elle demande en vertu du premier alinéa de l’article 604.7, l’article 604.6 s’applique, compte tenu des adaptations nécessaires, à l’égard de tout recours judiciaire pris par la municipalité en vue d’obtenir ce remboursement.

604.9.  Where the municipality’s right to obtain the reimbursement requested under the first paragraph of section 604.7 is contested, section 604.6, adapted as required, applies in respect of any judicial recourse exercised by the municipality in order to obtain such reimbursement.

            Le tribunal saisi du recours doit alors se prononcer aussi sur la justification de l’application de l’article 604.7 à l’égard de tout ou partie des dépenses que la municipalité doit faire en application du premier alinéa du présent article, comme si le recours avait le même fondement que la procédure originale visée à l’article 604.6.

            The court before which the recourse is exercised shall rule also on the applicability of section 604.7 in respect of all or part of the expenses to be incurred by the municipality for the purposes of the first paragraph of this section, as if the grounds for the recourse were the same as those for the original proceedings referred to in section 604.6.

            Le tribunal saisi de la procédure originale visée à l’article 604.6, s’il s’agit d’un tribunal judiciaire et d’une procédure civile, peut, à la demande de la municipalité, se prononcer sur la justification de l’application de l’article 604.7 à l’égard de cette procédure. Si elle n’est pas déjà partie à cette procédure ou mise en cause dans celle-ci, la municipalité peut y intervenir aux fins de faire et de soutenir cette demande.

            The court before which the original proceedings referred to in section 604.6 are brought, in the case of a court of justice and civil proceedings, may, at the request of the municipality, rule on the applicability of section 604.7 in respect of such proceedings. Where the municipality is not already a party to or impleaded in the proceedings, it may intervene in order to make and support the request.

 

[Je souligne]

[36]        À première vue, le mécanisme est donc simple : la municipalité est tenue de payer (en les assumant ou en les remboursant) les frais de la défense de l’élu, du fonctionnaire ou de l’employé municipal visé par l’une ou l’autre des procédures qu’énumère l’art. 604.6, al. 1, mais peut cesser de les verser ou les recouvrer dans les cas et aux conditions prévues par les art. 604.7 et 604.8 L.c.v.[29]. Plus précisément (et je ne parlerai ci-dessous et dorénavant, sauf exception, que de l’élu municipal, quoique l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2 cible également le fonctionnaire et l’employé municipal) :

-     Que ce soit en en payant directement les frais (lesquels doivent être raisonnables) ou en les remboursant à celui qui les a payés, la municipalité, à moins d’une renonciation écrite de l’élu, a l’obligation d’assumer la défense de celui-ci aux actions, demandes ou procédures suivantes :

(1) toute action contestant son élection ou son habilité à siéger comme membre du conseil (art. 604.6, al. 1, paragr. 1) ou encore sa capacité à exercer sa charge en raison de l’art. 312.1 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités[30] (art. 604.6, al. 1, paragr. 3);

(2) toute action à laquelle il est le défendeur, l’intimé, l’accusé ou le mis en cause - terminologie qui inclut la poursuite civile (ou de nature administrative[31]), pénale ou criminelle - et qui est fondée sur l’allégation d’un acte ou d’une omission dans l’exercice de ses fonctions comme membre du conseil[32] (art. 604.6, al. 1, paragr. 2).

-     Dans les circonstances décrites par l’art. 604.7 L.c.v., disposition qui doit être appliquée en conjonction avec l’art. 604.8 L.c.v., la municipalité peut cependant obtenir le remboursement des frais qu’elle a ainsi acquittés ou cesser de les payer, selon le cas[33]. La structure et le langage des art. 604.7 (notamment l’al. 2) et 604.8 L.c.v. tendent à indiquer que, sauf si l’élu admet des faits qui en permettent l’enclenchement, le droit de la municipalité au remboursement ou à la cessation de paiement ne peut être exercé qu’une fois terminée la procédure entreprise contre l’intéressé, ce que renforce, en matière criminelle ou pénale, l’art. 604.9, al. 3 L.c.v. a contrario.

-     Conformément aux deux premiers alinéas de l’art. 604.9 L.c.v., la municipalité qui réclame le remboursement des frais payés en vertu de l’art. 604.6 L.c.v. doit assumer les coûts de la contestation qu’en fait l’élu, sous réserve des art. 604.7 et 604.8 L.c.v.

[37]        En prévoyant d’une part que la municipalité doit assumer les frais raisonnables de la défense de l’élu à l’une ou l’autre des poursuites énumérées au premier alinéa de l’art. 604.6, mais d’autre part qu’elle peut en obtenir le remboursement ou en cesser le paiement dans les cas prévus par l’art. 604.7, le législateur assure la protection dudit élu sans toutefois faire porter aux contribuables le poids de dépenses injustifiées.

[38]        Comment la jurisprudence a-t-elle interprété et appliqué ces dispositions? Voyons ce qu’il en est.

2.         Traitement jurisprudentiel des art. 604.6 et s. L.c.v.[34]

[39]        Pour bien comprendre la jurisprudence qui s’est développée depuis 1996, il faut distinguer les deux cas de figure suivants :

-     l’élu demande la protection prévue par l’art. 604.6 L.c.v. alors que la poursuite contre laquelle il souhaite se défendre est encore pendante (parfois, même, elle n’en est encore qu’à ses débuts);

-     l’élu demande cette protection alors que la poursuite contre laquelle il s’est défendu a pris fin, que ce soit par une décision sur le fond, un règlement amiable, un désistement, etc.

[40]        La nature du fardeau de preuve incombant aux parties et les moyens dont disposent celles-ci au regard de l’art. 604.6 autant que de l’art. 604.7 L.c.v. varieront en effet selon la circonstance.

a.         Jugements de la période 1996-2013

[41]        Les premiers jugements qui se sont penchés sur l’art. 604.6 L.c.v. concernaient des situations de la première sorte, lorsque l’élu demande à la municipalité d’assumer les frais de sa défense à une procédure qui vient d’être entreprise ou qui est toujours pendante. Les tribunaux, forts d’une interprétation libérale de cette disposition, en ont en général accordé le bénéfice à l’intéressé, et ce, dès que la poursuite avait un lien, quel qu’il soit, avec sa qualité d’élu municipal, le débat sur la véritable nature des actes reprochés et la responsabilité ultime des coûts de la défense étant reporté au moment du prononcé du jugement final sur la poursuite en cause ou même après. Je ne ferai pas ici le relevé exhaustif de tous les jugements en la matière, mais insisterai sur ceux qui me paraissent les plus pertinents et représentatifs.

[42]        Ainsi, dans Campbell c. Hrtschan[35], la juge Pierrette Rayle, alors de la Cour supérieure, écrit que :

Celle-ci [la demande dont la juge est saisie] comporte une double appellation : un appel en garantie de la ville et une demande d'injonction interlocutoire. Les moyens invoqués par le maire au soutien de la requête sont essentiellement les suivants :

1.         La poursuite en dommages de M. Campbell se fonde sur l'allégation d'un acte commis par le maire dans l'exercice de ses fonctions ;

2.         Cette allégation suffit, en vertu de l'art. 604.6 L.C.V., pour obliger la ville à assumer le coût de sa défense en regard de la procédure intentée contre lui ;

3.         Il a droit d'exiger que Ville Mont-Royal s'exécute sans délai, par voie d'injonction interlocutoire.

Ville Mont-Royal et sa collectivité se retrouvent dans une position tout à fait intenable. Alors que la ville supporte déjà les frais légaux d'un conflit qui l'oppose à son directeur général qu'elle appuie, elle serait en plus obligée d'avancer les frais légaux du premier élu qu'elle désavoue. La ville, appelée en garantie par le maire, recherche elle-même une condamnation en garantie contre le maire Hrtschan qu'elle tient seul responsable des faits et gestes posés abusivement par lui.

La ville par ailleurs sait déjà que les recours en garantie qu'elle entend loger contre ses assureurs seront contestés par ceux-ci comme n'étant pas couverts par leurs polices d'assurance.

Si le tribunal avait discrétion en la matière, il serait tenté de calibrer sa décision en fonction du dilemme décrit ci-dessus.

Ce n'est pas ce que le législateur a voulu.

Par ses amendements de 1996, le législateur a voulu conférer à un membre du conseil (fonctionnaire ou employé de la municipalité) le droit à ce que sa défense soit assumée par la ville, lorsque celui-ci est visé par une procédure fondée sur l'allégation d'un acte ou d'une omission dans l'exercice de ses fonctions. Ce qui précède découle de la lecture des dispositions pertinentes :

[reproduction de l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2, al. 2 et 3 L.c.v.]

Il n'est pas contesté que les mots « membres du conseil » comprennent le maire (art. 6.4°). Il n'est pas contesté non plus que même si c'est le conseil qui nomme et destitue les fonctionnaires et employés de la ville (art. 71), le maire peut suspendre un fonctionnaire (et donc le directeur général) suivant les pouvoirs qui lui sont attribués par l'art. 52 L.C.V.

Il se peut que, par jugement final, un tribunal en vienne à la conclusion que le maire a commis « une faute lourde, intentionnelle ou séparable de l'exercice de [ses] fonctions » au sens où l'entend l'art. 604.7.1°. Toutefois, même en pareil cas, le recours donné à la ville n'est pas de refuser d'assumer la défense, mais bien d'exiger le remboursement de la totalité des dépenses effectuées par elle. À tort ou à raison, le législateur a voulu que la protection contre les pertes financières, découlant de l'implication dans une procédure judiciaire comme défendeur ou intimé, soit immédiate et automatique. Les déboursés doivent se faire au fur et à mesure qu'ils sont encourus. Ce n'est que par jugement final ou même postérieurement que le tribunal ou un tribunal subséquent déterminera qui, de la ville ou de la personne traînée en justice doit en fin de compte supporter le coût des frais judiciaires.

[reproduction des art. 604.7 et 604.8 L.c.v.]

Cette protection immédiate et inconditionnelle se veut tellement large que même les frais encourus en cas de contestation du droit de la municipalité à l'obtention d'un remboursement seront eux aussi assumés sous condition suspensive par la ville (art. 604.9).

Plusieurs indices dénotent l'intention du législateur de conférer une protection immédiate et inconditionnelle :

-  « Toute municipalité doit... » (604.6.1°);

-  « […] dans une procédure [...] fondée sur l'allégation d'un acte [...] dans l'exercice des fonctions » (604.6.2°) :

-  « La personne pour laquelle la municipalité est tenue de faire des dépenses » (604.7(1)).

Alors qu'il suffit d'une simple allégation dirigée contre une personne en fonction pour que la protection financière soit enclenchée, la municipalité au contraire ne peut retarder son obligation ou en être dispensée (« dans un cas en particulier », précise l'art. 604.6(2)), qu'avec l'accord de cette personne ou, dans le second cas, sa renonciation écrite (604.6 2°(2) et (3)).

Par contraste, pour que la municipalité puisse éventuellement récupérer les sommes payées, il ne suffit plus de se contenter d'allégations : la ville devra établir la véritable nature des gestes reprochés à la personne élue. Elle devra établir l'un ou l'autre des cas suivants :

-  « l'acte [...] est une faute lourde intentionnelle ou séparable de l'exercice des fonctions [...] » (604.7.1°).

-  « la personne [...] accusée [...] a été déclarée coupable... » (604.7.3°)

-  « [...] l'obligation [...] cesse [...] à l'égard des frais non encore remboursés [...] à compter du jour où il est établi, par une admission de la personne ou par un jugement passé en force de chose jugée, qu'est justifiée la demande de remboursement ... » (art. 604.7 (2))

Le procureur de la municipalité plaide que si les personnes élues ont droit à une protection raisonnable, la municipalité a par contre l'obligation de s'assurer que les fonds publics sont utilisés à bon escient. Cela est incontestable, mais le législateur, encore une fois, a voulu que ce souci soit reporté à la fin des débats judiciaires.

[Les soulignements du sixième paragr. ci-dessus sont dans le texte original; je souligne pour le reste]

[43]        La juge Rayle appuie notamment son raisonnement sur le jugement de la juge Danielle Grenier dans Lachine (Ville de) c. McCullock[36], affaire dans laquelle le maire d’une ville est l’objet d’une série de poursuites civiles et criminelles (il sera acquitté de certaines accusations, les autres étant retirées). On trouve déjà dans ce jugement l’approche qui est celle de la juge Rayle.

[44]        Le jugement de celle-ci est porté en appel devant la Cour, qui, dans Mont-Royal (Ville) c. Hrtschan[37], confirme cette vision large de l’art. 604.6 L.c.v. :

[9]        De l’avis de la juge de première instance, ces nouvelles dispositions législatives accordent une protection immédiate et automatique aux bénéficiaires que la Loi identifie.

[10]      En sa qualité de membre du conseil visé par l’allégation d’un acte posé dans l’exercice de ses fonctions, Hrtschan est au nombre de ces bénéficiaires.

[11]      Sans pour autant décider que la règle dégagée par la première juge ne peut souffrir d’exception, je partage son avis sur le sens qu’il faut accorder aux articles précités et sur l’application qui doit en être faite au cas à l’étude.

[12]      La proposition de la Ville, voulant que, de son propre chef, elle puisse décider de ne pas assumer immédiatement la défense ou, le cas échéant, de ne pas défrayer sans délai les frais raisonnables d’un avocat indépendant, heurte à la fois la lettre et l’esprit de la Loi.

[13]      Lorsque sont réunies les conditions d’application de l’article 604.6 de la Loi des cités et villes, le choix suivant appartient en toute exclusivité au bénéficiaire de la protection : il peut

a)   contraindre la municipalité à assumer sa défense ou sa représentation; ou

b)   assumer sa propre défense, mais en en faisant payer les frais raisonnables par la municipalité; ou

c)   retenir les services d’un avocat de son choix pour l’assister dans cette tâche, auquel cas il peut :

i)    contraindre la municipalité à payer directement les frais raisonnables de cet avocat, au fur et à mesure de la réception des factures pour honoraires et débours, ou, s’il les acquitte lui-même,

ii)   contraindre la municipalité à les lui rembourser sans délai.

[14]      À chacun des droits du bénéficiaire correspond une obligation de la municipalité.

[15]      Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, le bénéficiaire choisit de faire payer directement les frais de sa défense par la municipalité, il fait naître une obligation de faire dont la municipalité s’acquittera envers lui en payant au tiers, en l’occurrence l’avocat, les frais raisonnables qu’engendre cette défense.

[Je souligne]

[45]        Il est vrai que cet arrêt n’exclut pas la possibilité d’exceptions, qu’il ne définit cependant pas. Il ne se penche pas non plus sur l’art. 604.7 L.c.v. et ne discute pas du fardeau de preuve incombant aux parties à une demande régie par l’art. 604.6, quoique sa facture indique clairement qu’il avalise sur ce point le raisonnement de la juge de première instance.

[46]        C’est là un sujet qu’aborde expressément le jugement de la Cour supérieure dans Auger c. Pavone[38], alors que la juge Langlois déclare irrecevable l’action par laquelle un citoyen reproche au maire et aux conseillers de la Ville de Châteauguay d’avoir permis que celle-ci assume les frais de leur défense à l’action en diffamation qu’il leur a par ailleurs intentée :

[19]      Depuis ces amendements, la Ville n'a plus de discrétion : elle doit assurer la défense ou la représentation d'un membre du Conseil impliqué en rapport avec une procédure devant un Tribunal, lorsque les conditions prévues à l'article 604.6 de la Loi sur les cités et villes sont réunies. Cette protection est « immédiate et automatique » [renvoi omis] à moins qu'il n'y ait eu renonciation par le ou les bénéficiaires. Cette disposition est d'ordre public.

[…]

[21]      L'absence de discrétion de la municipalité, découlant de l'application des dispositions de l'article 604.6 de la Loi sur les cités et villes, fait en sorte que disparaît tout risque d'influence que pourrait avoir le bénéficiaire de la prestation lors des débats et de l'adoption d'une résolution visant l'assumation de la défense ou la représentation d'un élu. « La détermination d'une obligation statutaire pour la municipalité et le fait d'énoncer à l'avance par règlement des normes spécifiques d'indemnisation éliminent l'apparence de conflits d'intérêts et de partialité » [renvoi omis].

[22]      Quant à savoir si les conditions de 604.6 de la Loi sur les cités et villes sont réunies au moment du vote et des délibérations et, plus spécifiquement si la procédure vise un acte ou une omission posés dans l'exercice des fonctions de l'élu, ceci s'apprécie « prima facie » uniquement en fonction des allégations de la procédure, l'article 604.6 faisant référence à « l'allégation d'un acte ou d'une omission ».

[23]      La détermination du véritable contexte dans lequel l'acte reproché a été posé se fait à une étape ultérieure [renvoi omis] alors que la Ville doit prouver dans le contexte d'une demande de remboursement que l'acte est en fait une faute lourde, intentionnelle ou séparable de l'exercice des fonctions de l'élu.

[24]      On comprend qu'il n'est pas question à ce stade des délibérations et du vote du Conseil sur la question qu'il y ait débat quant à savoir si l'élu, dans les faits, se trouve entre autres ou non dans l'exercice de ses fonctions lorsque le ou les actes reprochés sont posés.

[25]      La seule conséquence que prévoit la Loi sur les cités et villes, advenant que la Ville réussisse, est la cessation de son obligation quant aux frais non encore déboursés et l'obligation de l'élu de rembourser les frais assurés.

[26]      Ces nouvelles dispositions s'inspirent de celles adoptées dans la législation régissant les corporations privées [renvoi omis] alors qu'on a écrit à leur sujet que les corporations doivent contribuer à la défense de leurs officiers même si le résultat du litige est inconnu [renvoi omis].

[27]      En conséquence, il en résulte que la simple analyse des allégations de la requête en diffamation suffit pour déterminer si, au moment où le vote et les délibérations concernées en l'espèce ont lieu, les conditions prévues à l'article 604.6 sont réunies et, selon le Tribunal, une enquête additionnelle n'est pas nécessaire pour trancher la question. Auger n'allègue aucun autre fondement à son recours.

[…]

[31]      Les actes reprochés, selon les allégations, apparaissent de prime abord reliés à leur mandat, posés en conjonction avec leur rôle d'élu municipal et non à titre personnel, par exemple à titre de citoyen de la Ville [renvoi omis].

[32]      Les actes allégués demeurent dans le cadre général des fonctions d'élus municipaux et correspondent à un intérêt de la municipalité et le degré d'intérêt concerné ne saurait influer [renvoi omis].

[33]      Le fait qu'une partie des allégations de la requête réfèrent à des actes posés alors que monsieur le Maire et les Conseillers ne sont pas élus ne peuvent faire en sorte que la Ville n'ait plus cette obligation de défendre ou d'assurer leur représentation alors qu'elle existe, dès lors que la majorité des allégations incluse à la requête en diffamation réfère à des actes ou omissions dans l'exercice de leur fonction.

[34]      Si, éventuellement, la Ville décide de réclamer le remboursement des frais de défense se rattachant aux actes posés en campagne électorale parce que séparables de l'exercice des fonctions de l'élu concerné, ceci relève d'un débat ultérieur entre le membre et la Ville sur la demande de remboursement.

[Je souligne]

[47]        Dans l’arrêt par lequel elle confirme ce point de vue[39], la Cour écrit succinctement que :

1.         Vu les articles 604.6, 604.7 et 604.12 de la Loi sur les cités et villes, (L.R.Q., c. C-19) et l'article 362 de la Loi sur les élections et référendums dans les municipalités, (L.R.Q., c. E-2.2);

2.         Vu l'arrêt Ville Mont-Royal c. Ricardo Hrtschan prononcé par notre Cour le 13 novembre 2000 (Montréal, no. 500-09-009635-004);

3.         Considérant qu'en tenant pour avérés les faits tels que déclarés, la requête en irrecevabilité pouvait être accueillie, car toutes les conditions d'application des articles 604.6 et 604.12 de la Loi sur les cités et villes étaient réalisées;

4.         Considérant que la juge de première instance s'est bien dirigée en droit dans les circonstances;

[48]        Ainsi, quand la demande régie par l’art. 604.6 L.c.v. est tranchée au début ou durant le cours de l’instance entreprise contre l’élu, la municipalité doit assumer la défense de celui-ci dès lors que les reproches qui lui sont adressés « demeurent dans le cadre général des fonctions d’élus municipaux »[40], et ce, à première vue, c’est-à-dire prima facie. Ce n’est que plus tard, lorsque la poursuite intentée contre l’élu connaît son dénouement et que la municipalité, se fondant sur l’art. 604.7 L.c.v., réclame le remboursement des sommes qu’elle a versées en vertu de l’art. 604.6, que l’on pourra procéder à la détermination du véritable contexte dans lequel l'acte ou l’omission a été posé et que l’on pourra statuer de manière définitive sur la question de savoir s’il est séparable ou non de l’exercice des fonctions de l’élu (sans parler des autres causes de remboursement qu’envisage l’art. 604.7 L.c.v. et que peut invoquer la municipalité, le cas échéant).

[49]        La Cour supérieure emprunte la même voie dans Cyr c. Prévost (Ville de)[41], alors que le maire réclame de la municipalité qu’elle se charge du coût de sa défense à l’encontre de l’action en diffamation intentée par un citoyen, action encore pendante au moment où il présente cette demande. Sauf sur un point (un incident qui s’est produit au cours de la campagne électorale du maire et n’est donc pas survenu dans l’exercice des fonctions de celui-ci à ce titre au sens de l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2 L.c.v.), la juge Courteau conclut que les faits allégués se rapportent de façon générale aux fonctions de l’élu et que le coût de sa défense doit être assumé par la Ville. Se fondant sur le jugement de la juge Langlois dans Auger c. Pavone, elle rappelle ainsi que :

[15]      Il est certain qu'à ce stade-ci, le Tribunal n'a pas à se prononcer sur le mérite de la requête en diffamation. Le Tribunal n'a pas à déterminer si les allégations sont vraies ou fausses, n'a pas à décider si les paroles prononcées, ou le texte publié ou qu'on allègue avoir été publié par M. Cyr ou en son nom, étaient légitimes ou non. Il s'agit simplement d'apprécier prima facie, comme le dit l'honorable juge Langlois, à partir des allégations de la requête, si la Ville a l'obligation d'assumer la défense de Gilles Cyr.

[16]      Il convient de donner une interprétation large à l'article 604.6 de la L.C.V. Les dispositions qui l'entourent, notamment l'article 604.9, semblent en permettre une interprétation large. D'ailleurs, le procureur de la Ville le reconnaît dans ses plaidoiries. Certains jugements l'affirment également, notamment l'honorable juge Rayle dans le passage déjà cité [renvoi omis].

[…]

[33]      Il n'est pas possible de faire le tri à ce moment-ci des éléments qui font l'objet de l'obligation de défendre et de ceux qui n'en font pas l'objet.

[34]      La Ville devra donc assumer la défense de Gilles Cyr dans cette action; le compte-à-compte, s'il y a lieu, sera fait après jugement au mérite sur la requête, tel que le prévoit, (sic) les articles 604.7 et 604.8 L.C.V. À ce moment, il sera possible, pour utiliser les termes de l'honorable juge Langlois, de « connaître le véritable contexte des actes reprochés » puisque la preuve en sera faite et que jugement sera rendu sur cette question. La municipalité pourra, selon le jugement rendu au mérite, procéder comme elle l'entend pour réclamer ou obtenir le remboursement de certains des frais de défense.

[50]        La Cour supérieure maintient le cap dans Guertin c. Richelieu (Ville de)[42], alors que les conseillers municipaux en cause font l’objet d’une poursuite criminelle fondée sur des accusations de confection et d’usage de faux (en l’occurrence de faux comptes de dépenses). Estimant que ces accusations ont de prime abord un lien avec l’exercice de leurs fonctions, le juge conclut que :

[75]      Or, une facette fondamentale du régime de protection financière est son application automatique dès la mise en accusation décrite à l'article 604.6 L.C.V., quitte à ce que l'élu municipal doive ultimement rembourser conformément aux articles 604.7 et suivants L.C.V. Le temps déjà écoulé pénalise les demandeurs à cet égard. Dans le cas d'espèce, ce n'est pas à eux de subir le délai additionnel d'un éventuel appel [renvoi omis].

[51]        Par contraste avec le cas où la demande fondée sur l’art. 604.6 L.c.v. est tranchée au début de l’action introduite contre l’élu ou avant que son issue soit connue, l’arrêt Val-Bélair (Ville de) c. Jean[43], affaire assez particulière, illustre la situation dans laquelle l’on statue sur la demande présentée en vertu de l’art. 604.6 L.c.v. après qu’une décision finale a été rendue sur le fond de l’action entreprise contre l’individu. Il s’agit en l’occurrence d’un fonctionnaire municipal, mais le même enseignement vaut pour un élu. Voici ce dont il s’agit.

[52]        Dans des circonstances qu’il n’est pas nécessaire de relater ici, une commission spéciale d’enquête mise sur pied par le conseil municipal de Val-Bélair en vertu de l’art. 69 L.c.v. conclut que le directeur des travaux publics, M. Jean, est l’auteur des fausses allégations diffusées par la presse à l’encontre du maire, indûment accusé d’avoir profité de ses fonctions pour s’enrichir personnellement. Aux fins de sa comparution devant cette commission spéciale, M. Jean a requis l’assistance d’un avocat dont les services lui ont coûté 24 547,73 $. Fort des constats de cette commission, le conseil municipal destitue subséquemment M. Jean de ses fonctions. Celui-ci conteste la mesure auprès de la Commission municipale du Québec, qui rejette son recours, estimant qu’il a bel et bien manqué à son devoir de loyauté et fait preuve d’irresponsabilité en dénonçant la conduite du maire « sans vérifier ses allégations et sans tenir compte des conséquences de son geste »[44]. Postérieurement à cette décision, M. Jean, se fondant sur l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2 L.c.v., intente à la municipalité une action lui réclamant le paiement des honoraires de 24 547,73 $ versés à son avocat dans le cadre de l’enquête menée par la commission spéciale.

[53]        Le jugement de première instance fait droit à la demande, mais sera infirmé par notre cour. Celle-ci reconnaît d’abord que l’art. 604.6 L.c.v. s’applique au fonctionnaire visé par l’enquête de la commission spéciale créée par la ville en vertu de l’art. 69 L.c.v. L’arrêt confirme ensuite que l’art. 604.6 L.c.v. impose une obligation à la municipalité, obligation que tempèrent cependant les art. 604.7 et 604.8[45]. Il en ressort en outre que c’est à la municipalité qu’il incombe d’établir, en défense à la demande fondée sur l’art. 604.6, les circonstances prévues par ces art. 604.7 et 604.8, fardeau dont la ville, dans cette affaire, se déchargera grâce à la décision de la Commission municipale[46], dont les déterminations constituent un fait juridique que M. Jean n’a pas contredit[47]. C’est donc sur la base des constats factuels de la Commission municipale que la Cour conclura en l’espèce à l’existence d’une faute lourde et intentionnelle, séparable des fonctions de M. Jean, ce qui libère la ville de son obligation envers lui, conformément à l’art. 604.7, al. 1, paragr. 1 L.c.v.[48].

[54]        On voit bien la différence entre la situation en cause dans Val-Bélair et celles des affaires Hrtschan, Auger, Cyr ou Guertin. Dans le premier cas, la demande faite en vertu de l’art. 604.6 L.c.v. est présentée alors que la procédure visée par le paragr. 2 de cette disposition est terminée, qu’il a été statué sur les faits qui la sous-tendent et que l’individu réclame le remboursement des frais engagés pour sa défense. La question de savoir s’il était dans l’exercice de ses fonctions au moment où il a commis les actes reprochés, au sens de l’art. 604.6 L.c.v., et celle de savoir s’il a commis dans ce cadre une faute lourde ou intentionnelle au sens de l’art. 604.7 L.c.v. ont donc été résolues sur le fond[49]. Par contraste, dans Hrtschan, Auger, Cyr ou Guertin, ce type d’analyse n’était pas possible, la demande fondée sur l’art. 604.6 L.c.v. ayant été présentée alors même que les procédures intentées contre l’élu étaient pendantes ou, même, en étaient encore à leur tout début.

[55]        Il est vrai qu’on trouve au moins une affaire dans laquelle la réclamation de l’individu protégé par l’art. 604.6 L.c.v., quoiqu’elle ait été faite après la conclusion de l’action entreprise contre lui, n’a pas permis un examen sur le fond semblable à celui auquel on s’est livré dans Val-Bélair. Cela, cependant, s’explique par la nature du véhicule procédural choisi. Dans Boulanger c. Varennes (Ville de)[50], la Cour se penche ainsi sur la situation d’un policier municipal qui, par voie d’injonction, réclame à la municipalité le paiement des frais de sa défense à l’endroit d’une accusation criminelle dont il a été déclaré coupable tout en bénéficiant d’une absolution inconditionnelle et celui des frais de l’appel de cette déclaration de culpabilité, appel toujours pendant[51]. En première instance, la Cour supérieure, statuant au stade interlocutoire, rejette la demande du policier, estimant que « [l]a Loi [renvoi omis] envisage d'aider ou d'apporter de l'aide à l'employé qui agit “dans l'exercice de ses fonctions”; ce qui n'est sûrement pas le cas ici »[52]. Pour sa part, la Cour, qui rejette l’appel, note que l’art. 604.6 L.c.v. pourrait ne pas s’appliquer à celui qui est non pas le défendeur, l’intimé, l’accusé ou le mis en cause, mais plutôt l’appelant. La Cour écrit cependant que :

[13]      Certes, une étude plus approfondie des dispositions pertinentes de la Loi sur les cités et villes pourrait faire prévaloir une interprétation différente de ces articles. En présence de ces difficultés d'interprétation, cependant, il était loisible au juge de première instance de conclure que la demande de l'appelant ne comportait pas « une démonstration prima facie suffisamment convaincante de l'existence des droits » sur lesquels se fondait sa requête.

[56]        Cet arrêt, qui ne décide pas du fond de l’affaire (laquelle finira par un désistement d’action), ne fait pas autorité quant au sens à donner à l’art. 604.6 L.c.v. : il ne se prononce en effet pas sur l’interprétation de cette disposition tout en évoquant la possibilité que celle-ci, au terme d’une « étude plus approfondie », puisse être lue autrement que ne l’a fait le juge de première instance.

[57]        D’autres arrêts, cependant, statuent sur le fond comme dans Val-Bélair. Par exemple, dans Prévost c. St-Lazare (Ville de)[53], le fonctionnaire poursuit la municipalité postérieurement à la fin des procédures criminelles entreprises contre lui en vertu de l’art. 122 C.cr., qui se sont soldées par un acquittement. La demande de M. Prévost est fondée sur l’art. 711.19.1, al. 1, paragr. 2 C.m. équivalent de l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2 L.c.v.[54]. S’appuyant sur les jugements de la Cour supérieure dans les affaires McCullock, Hrtschan, Auger et Cyr et rappelant le caractère d’ordre public de ces dispositions, le juge Beaudoin conclut que M. Prévost a rempli le fardeau que lui impose l’art. 711.19.1 C.m. :

[27]      Dans son jugement [d’acquittement], M. le juge Mercier décrit deux éléments essentiels de l‘infraction prévue à l’article 122 C.c.

8.1 :     que l’accusé ait le statut de fonctionnaire;

8.2 :     que l’acte reproché ait été commis dans le cadre général de l’exécution de ses fonctions.

[28]      Ces deux éléments étaient la base de l’acte d’accusation et constituaient des allégations suffisantes pour enjoindre Saint-Lazare à assumer la défense de Prévost et ses coûts.

[29]      On n’est pas en l’espèce en présence d’une personne ayant été accusée d’harcèlement sexuel à l’occasion de l’exercice de ses fonctions mais bien comme le dit l’acte d’accusation un fonctionnaire dans l’exercice des fonctions de sa charge.

[58]        Il conclut également que la municipalité ne peut se fonder sur l’art. 711.19.2 (équivalent de l’art. 604.7 L.c.v.) pour échapper à son obligation de paiement, les exigences de cette disposition n’étant pas remplies. Le juge souligne notamment que, M. Prévost ayant été acquitté des accusations portées contre lui, on ne saurait conclure à l’existence d’une faute lourde ou intentionnelle ni à celle d’une faute séparable de ses fonctions au sens de l’art. 711.19.2, al. 1, paragr. 1 C.m. On comprend par ailleurs que, vu cet acquittement, l’art. 711.19.2, al. 1, paragr. 3 n’est pas non plus susceptible d’application.

[59]        La situation qu’examine la Cour dans Beaulieu c. Packington (Municipalité de)[55], quelques années plus tard, s’apparente à celle des affaires Val-Bélair (Ville de) et Prévost, bien qu’elle concerne des élus (plutôt qu’un fonctionnaire). Elle repose elle aussi sur l’art. 711.19.1, al. 1, paragr. 2, C.m.

[60]        La trame de l’affaire est la suivante : poursuivis en justice pour diffamation, le maire et certains conseillers demandent à la municipalité d’assumer les frais de leur défense. Devant son refus, ils l’appellent en garantie, réclamant notamment le remboursement de leurs honoraires et débours en défense à l’action principale. Celle-ci, en cours de procès, fait l’objet d’une transaction et prend donc fin, mais l’appel en garantie se poursuit, sur la base de l’art. 711.19.1 C.m. Il est entendu et rejeté sur le fond par le tribunal de première instance, qui conclut à l’existence d’une faute personnelle des élus, commise en dehors de leurs fonctions, ainsi que l’allègue la demande introductive de l’instance principale[56]. Les élus se pourvoient. S’en remettant une nouvelle fois à la qualification proposée par le demandeur dans sa procédure, la municipalité fait valoir que les gestes reprochés n’ont de toute façon pas été posés lors des délibérations du conseil municipal et seraient donc des actes personnels auxquels ne s’applique pas l’art. 711.19.1 C.m.

[61]        La Cour, sous la plume de la juge Thibault, rappelle d’abord ce qui suit :

[30]      Comme je l'ai déjà précisé, le juge de première instance a refusé d'accorder aux appelants la protection de l'article 711.19.1 C.M. parce que feu Marcel Poirier a allégué dans sa requête introductive d'instance en dommages-intérêts que les actes posés par les appelants l'avaient été en dehors du cadre de leurs fonctions municipales et donc, qu'ils constituaient une faute personnelle de leur part.

[31]      Avec beaucoup d'égards pour le juge de première instance, je suis d'avis qu'il a commis une erreur en se référant à la qualification faite par feu Marcel Poirier des gestes posés par les appelants - faute personnelle ou faute dans l'exécution de leurs fonctions municipales - pour fonder leur droit à la protection de l'article 711.19.1 C.M.

[32]      À cette étape, il devait plutôt dégager sa propre opinion sur la question du rattachement aux fonctions municipales des appelants, et cela sur la foi des allégations de la requête introductive d'instance en dommages-intérêts. En effet, la protection de l'article 711.19.1 C.M. met l'élu municipal à l'abri des risques associés à sa défense lors d'une poursuite judiciaire, lorsqu'il est dans l'exécution de ses fonctions, suivant les faits allégués dans la procédure et non suivant la qualification qu'en fait le poursuivant.

[33]      Aux termes de l'article 711.19.1 C.M., la municipalité est tenue de payer les frais raisonnables de représentation ou, avec l'accord de l'élu, elle peut lui rembourser les frais au lieu de les payer.

[34]      La municipalité peut ensuite, à une étape ultérieure [renvoi omis], récupérer les frais payés, en partie ou en totalité, notamment lorsqu'est établie l'existence d'une faute lourde, intentionnelle ou séparable de l'existence de ses fonctions d'élu municipal [renvoi omis], tel qu'il appert de l'article 711.19.2 C.M. :

[…]

[62]        Autrement dit, même si l’art. 711.19.1, al. 1, paragr. 2 C.m. (tout comme l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2 L.c.v.) parle de l’« allégation d’un acte ou d’une omission dans l’exercice des fonctions de la personne comme membre du conseil », cela ne s’étend pas à la qualification que leur donne la partie demanderesse : c’est le tribunal qui décide si l’acte (ou l’omission) a été posé ou non dans le cadre des fonctions de l’élu, quoi qu’en dise l’action.

[63]        La juge Thibault explique ensuite comment considérer l’expression « acte ou omission dans l’exercice des fonctions de la personne comme membre du conseil », ce qui n’est pas limité aux activités délibératives du conseil, mais inclut tout acte qui a un lien logique, par sa finalité, avec la fonction de l’élu et qui est pertinent aux affaires municipales :

[37]      L'action est-elle fondée sur un « acte ou omission dans l'exercice des fonctions de la personne comme membre du conseil […] » au sens de l'article 711.19.1 C.M.? C'est la question centrale que pose le pourvoi.

[38]      L'intimée soutient que non. Selon elle, la proposition des appelants a pour effet de conférer à la protection accordée par le Code municipal une portée trop étendue. Ainsi, la protection accordée aux conseillers municipaux se limiterait aux actes posés par ces derniers lors des séances du conseil ou, en dehors de celles-ci, lorsqu'ils sont mandatés à agir par le conseil.

[…]

[41]      À mon avis, la proposition de l'intimée cherche à rouvrir un débat qui a été clos il y a plus d'un demi-siècle, dans l'arrêt Houde c. Benoît [renvoi omis].

[42]      Dans cette affaire, lors d'un caucus préalable à une séance régulière du conseil, un conseiller municipal a informé ses collègues de l'existence d'une rumeur qui circulait dans la municipalité à l'égard d'un individu qui postulait le poste de chef de police devant être comblé par la municipalité.

[43]      La Cour a conclu que le conseiller municipal était dans l'exercice de ses fonctions municipales même si celles-ci n'ont pas été exercées lors d'une séance du conseil, à la condition que l'acte posé résulte de son mandat :

Les fonctions municipales, comme les autres fonctions publiques, ne s'exercent pas seulement autour d'une table de délibérations. Elles suivent l'officier public dans tous les actes qu'il pose, en tant qu'officier public, et ses actes revêtent et gardent le même caractère d'autorité ou de responsabilité lorsqu'ils sont faits en raison même des fonctions qu'il exerce ou, si l'on veut, lorsqu'ils sont posés ou exercés dans l'intérêt public. Ainsi le maire d'une municipalité, quelles que soient les circonstances de lieu, de temps et de personnes, n'abdique nullement son caractère d'officier public, lorsqu'il prend une initiative ou accomplit un devoir inhérent à sa fonction. Il en est de même d'un conseiller municipal, d'un commissaire d'écoles ou d'un syndic de fabrique. En d'autres termes, pour déterminer le caractère de ces fonctions publiques, il suffit de se demander si l'acte accompli résulte du mandat confié à cet officier ou si ce dernier n'a fait qu'agir en une qualité purement personnelle.

[…]

Je dirai davantage. Si le maire d'une municipalité va rencontrer chez lui un conseiller, ou si encore, un conseiller municipal va rencontrer un de ses collègues pour connaître ses vues sur un problème municipal, j'estime que ce conseiller garde toujours son caractère d'officier public et qu'il est, dans une telle occurrence, dans l'exercice de ses fonctions publiques.

Je conclus donc en disant que le barème qui doit nous guider dans une telle matière est celui-ci : si la personne, dans l'intérêt de la municipalité, fait, étant un officier municipal, une communication qu'elle a intérêt à faire et qu'elle la fait à une personne qui a un intérêt correspondant à la recevoir, il y a, par la coexistence de ces divers éléments, une preuve que la personne a agi dans l'exercice de ses fonctions.

(Je souligne).

[44]      Dans son article « Le traitement juridique de l'acte individuel fautif de l'élu municipal, source d'obligations délictuelles ou quasi délictuelles. Un essai de systématisation critique du droit positif québécois », l'auteur Jean-François Gaudreault-DesBiens fait remarquer que chaque cas constitue un cas d'espèce. Il dégage cependant un cadre d'analyse qui me paraît valable :

[…] il faut retenir de cette étude de la notion d'exercice des fonctions que le critère de base de cette notion est le bénéfice ou l'intérêt que la municipalité tire de l'acte posé par l'élu municipal. Ceci impose, d'une part, d'examiner la finalité de l'acte et, d'autre part, d'en étudier la pertinence au regard des affaires municipales. Ainsi, l'acte posé pour des motifs strictement personnels à l'élu et n'ayant aucun lien de pertinence avec les affaires municipales sera le plus souvent posé hors de l'exercice des fonctions. L'examen consiste en fait à vérifier l'existence d'un lien logique entre l'acte posé et l'intérêt ou le bénéfice que la municipalité en retire. Pour établir ce lien, il sera évidemment utile, sinon nécessaire, de voir si l'acte posé peut se rattacher à un devoir inhérent aux fonctions de l'élu, de façon à en identifier la justification juridique. C'est donc d'abord et avant tout en fonction de l'acte lui-même qu'est résolue la question de savoir si l'élu agissait dans l'exercice de ses fonctions. Dans ce contexte, le forum où est posé l'acte ne revêt pas une importance déterminante.

(Je souligne).

[45]      Suivant ce cadre d'analyse, deux éléments doivent être examinés pour décider si l'élu municipal est dans l'exercice de ses fonctions : 1º la finalité de l'acte posé par l'élu municipal et 2º la pertinence de l'acte au regard des affaires municipales.

[64]        La juge Thibault conclut en l’espèce que les appelants étaient bel et bien dans l’exercice de leurs fonctions lorsqu’ils ont rédigé et distribué le bulletin d’information à la source de l’action en diffamation intentée contre eux : « les appelants ne poursuivaient pas d’autre but que celui d’informer les contribuables du dénouement du dossier Poirier, un sujet d’actualité et d’intérêt, ainsi que d’expliquer les motifs de la décision de l’intimée »[57], ce dont ils ne retiraient aucun bénéfice personnel.

[65]        On aura remarqué que, dans Auger c. Pavone[58], la juge Langlois avait évoqué elle aussi, encore qu’au stade d’un examen sommaire (l’action en cause étant pendante), l’idée que les actes reprochés doivent de prime abord paraître rattachés à la mission de l’élu municipal et n’avoir pas été accomplis à titre purement personnel, « par exemple à titre de citoyen de la Ville »[59]. L’arrêt Packington confirme de son côté que cette mission doit être vue de manière large et libérale, et qu’elle ne se limite pas aux actions des élus lors des séances du conseil.

[66]        On peut donc récapituler toute cette jurisprudence de la manière suivante, en distinguant les deux cas dans lesquels la protection de l’art. 604.6 L.c.v., protection d’ordre public, peut être invoquée, soit celui où la poursuite intentée contre l’élu est pendante et celui où cette poursuite a connu son dénouement (quel que soit celui-ci) :

La procédure instituée contre l’élu municipal est pendante au moment de la demande faite en vertu de l’art. 604.6 L.c.v.

-           De façon générale, pour autant que l’acte ou l’omission reproché ait un lien avec la qualité d’élu municipal, une protection large est offerte à celui-ci. L’élu doit simplement démontrer prima facie que les actes reprochés demeurent dans le cadre général de ses fonctions, c’est-à-dire découlent de la situation dans laquelle le placent cette qualité d’élu et les fonctions qui lui sont dévolues à ce titre (McCullock, Hrtschan, Auger, Cyr)[60].

-           Cette démonstration prima facie (qui peut être contestée par la municipalité) repose principalement sur les faits allégués dans la procédure instituée contre l’élu, sans tenir compte de la qualification que le poursuivant peut leur avoir donnée, l’expression prima facie étant employée ici dans son sens propre et renvoyant à une démonstration sommaire, superficielle et d’apparence, qui n’a pas à faire l’objet d’un examen substantiel et approfondi.

-           Subséquemment, l’élu pourra, aux conditions prévues par les art. 604.7 et 604.8 L.c.v., être appelé à rembourser les montants payés à son bénéfice pour autant que la municipalité établisse les conditions d’application de ces dispositions, ce dont elle a le fardeau (voir infra).

La procédure instituée contre l’élu municipal est terminée et son issue connue au moment où la réclamation est faite en vertu de l’art. 604.6 L.c.v.[61]

-           Lorsque, en vertu de l’art. 604.6 L.c.v., l’élu réclame le remboursement des coûts de sa défense à une procédure dont l’issue est désormais connue, le même fardeau prima facie lui incombe (Val-Bélair, Saint-Lazare, Packington), la municipalité pouvant, d’une part, tenter de contester la preuve qu’il administre ainsi au soutien de sa demande et pouvant, d’autre part, lui opposer les circonstances prévues par l’art. 604.7 (et 604.8), dont elle a alors le fardeau de preuve, par prépondérance. C’est à elle qu’incombe, notamment, la preuve d’établir que les actes ou omissions reprochées à l’élu sont séparables de l’exercice de ses fonctions (art. 604.7, paragr. 1, al. 1, Packington), preuve que l’élu peut bien sûr tenter de contredire.

[67]        Ce cadre d’analyse généreux, largement développé dans le contexte de poursuites civiles ou administratives, fut d’abord appliqué aux affaires criminelles, avec les adaptations qui s’imposent[62], jusqu’à ce que soient rendus, en 2013, l’arrêt Berniquez, puis, en 2017, l’arrêt Bellefeuille, que nous examinerons maintenant et dont une lecture assez stricte semble avoir été faite.

b.         Arrêts Berniquez (2013) et Bellefeuille (2017)

[68]        Dans Berniquez, l’appelante, conseillère et mairesse de Boisbriand, est visée par des accusations criminelles de fraude, de corruption et d’abus de confiance se rattachant apparemment à la « fourniture d’avantages aux élus en échange de décisions favorables dans l’octroi de contrats » municipaux[63]. L’on n’en sait pas plus sur ces accusations, ce que souligne d’ailleurs l’arrêt à quelques reprises. Après avoir plaidé non coupable, la mairesse réclame la protection de l’art. 604.6 L.c.v. et demande en vain à la municipalité d’assumer sa défense. Elle s’adresse alors à la Cour supérieure, sans succès, d’où l’appel, que la Cour rejettera à l’unanimité, chaque juge exprimant cependant son point de vue sur l’affaire.

[69]        Ainsi, la juge Bélanger est d’avis que :

[122]    Un membre d’un conseil municipal qui est accusé d’avoir commis une fraude à l’endroit d’une municipalité, un abus de confiance et de la corruption, n’a pas le droit d’exiger de cette dernière qu’elle assume ses frais de défense à des procédures criminelles, sauf en cas de situation exceptionnelle, non démontrée ici.

[…]

[128]    Il demeure cependant que l’ouverture au régime de protection est tributaire d’un élément important : le geste reproché à l’élu doit avoir été posé dans l’exercice de ses fonctions.

[129]    Deux éléments permettent d’évaluer la question :

Deux éléments doivent être examinés pour décider si l'élu municipal est dans l'exécution de ses fonctions, soit la finalité de l'acte posé par ce dernier et la pertinence de l'acte au regard des affaires municipales. [renvoi omis]

[130]    Clairement, les gestes constituant de la fraude, un abus de confiance ou de la corruption à l’endroit d’une municipalité ne peuvent avoir été posés dans l'exercice des fonctions d'un élu municipal.

[131]    La nature des accusations portées contre l’appelante exclut l’application du régime de protection, car, manifestement, les gestes reprochés ne pourraient avoir été posés dans l’exercice de fonctions municipales au sens des affaires Houde c. Benoît, [1943] B.R. 713 et Beaulieu c. Packington (Municipalité de), 2008 QCCA 442, [2008] R.J.Q. 662. Aucune démonstration n’a été faite non plus que les accusations sont frivoles, manifestement sans fondement ou déposées dans un but malveillant.

[70]        Selon la juge Bélanger, à moins de démontrer que les accusations sont frivoles, dénuées de tout fondement ou malveillantes (preuve que l’appelante n’avait pas faite en l’instance), l’élu municipal auquel on reproche d’avoir abusé de ses fonctions, fraudé la ville en profitant de son statut ou en se livrant à une malversation à son détriment, incluant le trafic d’influence (ou qui a tenté de le faire ou comploté avec d’autres à cette fin) n’a tout simplement pas droit à la protection de l’art. 604.6 L.c.v., puisqu’il ne pourrait jamais avoir été dans l’exercice des fonctions en question en commettant un tel crime.

[71]        Comment, cependant, concilier ce point de vue avec la présomption d’innocence dont bénéficie l’élue municipale ainsi accusée, alors même que la poursuite intentée contre elle est pendante et que la preuve n’a pas encore été faite des actes ou omissions qui lui sont reprochés ni de sa culpabilité?

[72]        À cela, le juge Hilton répond de la manière suivante :

[99]        Il est également vrai que Mme Berniquez St-Jean doit être présumée innocente tant et aussi longtemps qu'un jugement la déclarant coupable n'est pas rendu, mais la présomption d'innocence n'est pas la présomption qu'elle agissait à l'intérieur de ses fonctions en tant qu'élue municipale. Le Ministère public doit prouver tous les éléments des infractions reprochées afin d'obtenir des verdicts de culpabilité. Le fait que Mme Berniquez St-Jean était conseillère municipale ou mairesse à l'époque pertinente ne faisait aucun doute, mais elle peut être déclarée non-coupable même si elle n'agissait pas dans l'exercice de ses fonctions, si le Ministère public fait défaut de prouver tous les autres éléments essentiels des infractions.

[100]     En bref, la présomption d'innocence, aussi fondamentale qu'elle soit en matière criminelle, n'occulte pas le devoir du juge de qualifier la nature des allégations dans le contexte de l'applicabilité à Mme Berniquez St-Jean du régime de protection à l'article 604.6 de la Loi.

[Je souligne]

[73]        Autrement dit, l’existence de la présomption d’innocence n’est pas pertinente à l’interprétation de l’art. 604.6 L.c.v., ce qui peut surprendre, a priori.

[74]        Au contraire de la juge Bélanger, le juge Hilton n’exclut cependant pas - à mon avis à juste titre - que l’élu municipal accusé d’une infraction criminelle au détriment de la municipalité puisse obtenir le secours de l’art. 604.6 L.c.v., mais à condition d’établir prima facie que les faits reprochés se sont produits dans l’exercice de ses fonctions. Or, sauf à déposer les accusations portées contre elle, l’appelante, en l’espèce, a refusé d’en divulguer autrement la nature, s’opposant à toute tentative d’établir les faits en question, n’offrant aucune preuve de ses actions et, donc, faisant obstacle elle-même à ce qu’on puisse en conclure prima facie qu’elle agissait « dans l’exercice de ses fonctions légitimes »[64]. Le juge Hilton commente ainsi la situation :

[97]      Il faut d'abord noter que la rédaction d'un acte d'accusation criminelle au Canada n'exige pas de détails ou de précisions comme s'il agissait d'une procédure en matière civile. Il suffit de mentionner la période durant laquelle l'acte reproché a été commis ainsi que la ou les dispositions du Code criminel que le Ministère public allègue avoir été enfreintes (voir l'article 581 C.cr., et l'article 586 C.cr. quant à l'infraction de fraude). Un accusé est mis au courant des détails par le processus de divulgation de la preuve, ce qui a été fait dans le cas de Mme Berniquez St-Jean. Elle a néanmoins choisi de s'opposer à la production d'une version caviardée de cette divulgation. Elle a ainsi empêché le juge d'analyser davantage la question à savoir si elle agissait prima facie dans l'exercice de ses fonctions, ce qui aurait pu permettre au juge d'accueillir sa requête en mandamus s'il était d'avis que cette condition était satisfaite.

[75]        Le juge Hilton ajoute que :

[117]    Certes, le législateur a voulu que le régime de protection s'applique en cas de doutes. Encore faut-il, cependant, qu'un doute existe : soit l'élue était possiblement dans l'exercice de ses fonctions [renvoi omis], soit elle ne pouvait aucunement l'être.

[118]    À la base, s'il est concevable, voire possible, que l'élue municipale s'adonne dans le cadre de ses fonctions aux actes ou omissions reprochés dans l'acte de procédure, le régime de protection trouve application. Où il y a un doute, il y a également protection. La pierre angulaire du régime demeure la compatibilité d'un acte ou d'une omission avec le rôle d'une mairesse ou d'une élue municipale.

[119]    Je tiens enfin à souligner que même si la notion générale de l'exercice des fonctions se retrouve tant en amont qu'en aval du régime de protection (articles 604.6(2) et 604.7(1) de la Loi), les termes « faute lourde, intentionnelle ou séparable de l'exercice des fonctions de la personne / a gross or intentional fault or a fault separable from the performance of his duties » figurent uniquement à l’étape ultérieure où la municipalité tente de se dégager des conséquences pécuniaires de son obligation en demandant à l’élue de lui rembourser les dépenses engagées.

[76]        Pour sa part, tout en se disant d’accord avec ses deux collègues[65], le juge Dalphond propose une analyse en deux temps : il explique d’abord les grands traits du régime établi par les art. 604.6 et s. L.c.v., régime qui « ne doit pas s’interpréter d’une manière qui pourrait nier la protection voulue par le législateur en certaines situations »[66]; il conclut ensuite que l’élue en cause n’a cependant pas droit à cette protection.

[77]        Ainsi, sous la rubrique « le régime voulu par le législateur » et tout de suite après avoir reproduit l’art. 604.6 L.c.v., le juge Dalphond explique que :

[16]      La protection s’applique donc chaque fois, notamment, qu’une élue est poursuivie ou mise en cause, et ce, dans des procédures tant civiles que criminelles ou quasi judiciaires, incluant des enquêtes du coroner ou des commissions d’enquête, en raison d’un acte ou omission dans l’exercice des fonctions d’élue. L’éventail des situations visées est large.

[17]      La jurisprudence a reconnu que le législateur conçoit cette protection comme d’application immédiate et automatique (Mont-Royal (Ville) c. Hrtschan, J.E. 2000-2186 (C.A.)). Le conseil municipal doit cependant autoriser son application et, à défaut, l’élue peut forcer la municipalité à y donner suite en s’adressant à la Cour supérieure pour une ordonnance appropriée ou encore en la poursuivant en remboursement des frais encourus.

[18]      Le fait qu’on allègue la commission par l’élue d’une faute lourde ou intentionnelle dans une poursuite civile ou un acte interdit dans une poursuite criminelle ne prive pas du droit à la protection. En fait, s’il en était autrement, l’élue pourrait être mise en position de vulnérabilité par la rédaction des allégations de la partie poursuivante. C’est pourquoi le législateur a précisé que ce n’est qu’une fois la faute intentionnelle ou lourde de l’élue démontrée ou admise par cette dernière que la municipalité peut demander un remboursement (ou arrêter de rembourser des frais); il en va de même dans le cas d’une poursuite criminelle ou pénale, où la demande de remboursement ne peut être formulée qu’une fois l’élue déclarée coupable et la preuve faite qu’elle n’avait aucun motif raisonnable de croire que sa conduite était conforme à la loi :

[reproduction de l’art. 604.7 L.c.v.]

[19]      De plus, le législateur précise que la demande de remboursement par la municipalité doit se limiter à des situations particulières où l’inconduite est d’une gravité exceptionnelle ou lorsque la personne qui a bénéficié de la protection a fait preuve de mauvaise foi :

[reproduction de l’art. 604.8 L.c.v.]

[…]

[21]      Manifestement le législateur a voulu un régime de protection des plus favorables aux élues, visant à leur éviter toute perte financière découlant des situations dans lesquelles les place l’exercice de ses fonctions (premier objectif du régime mentionné à l’art. 604.8(1) LCV). Il s’ensuit qu’en cas de doute, le régime de protection doit s’appliquer, sous réserve de la possibilité pour la municipalité de demander éventuellement un remboursement, total ou partiel.

[22]      À mon avis, trois situations sont susceptibles de se présenter :

-           les procédures judiciaires allèguent un acte ou omission découlant des situations dans lesquelles place l’exercice des fonctions d’élue;

-           les procédures judiciaires découlent manifestement d’un acte qui n’a rien à voir avec la qualité d’élue;

-           le geste à la base des procédures fait partie de ceux que le législateur conçoit qu’une élue peut poser, mais les allégations indiquent qu’il constitue une faute lourde ou intentionnelle ou une erreur sans commune mesure avec celles auxquelles on peut raisonnablement s’attendre dans l’exercice de telles fonctions (art. 604.7 et 604.8 LCV).

[23]      Dans le premier cas, la municipalité a l’obligation de défendre, mais non dans le deuxième. Par contre, dans le troisième, si l’élue n’admet pas le bien-fondé des allégations (art. 604.7 LCV), elle a droit à la protection, sans nécessité d’une démonstration, même prima facie, qu’il n’y a pas eu faute intentionnelle ou erreur sans commune mesure avec celles auxquelles on peut raisonnablement s’attendre dans l’exercice de telles fonctions. En effet, il ne revient pas au conseil municipal (ou à la juge saisie d’une procédure pour forcer la municipalité à assumer les frais et honoraires de l’élue) de statuer, même prima facie, sur la question qui revient à la décideuse ultime, saisie de la procédure à la source de la demande de protection et qui seule est susceptible de rendre une décision passée en force de chose jugée sur la nature de la faute (art. 604.7 LCV).

[24]      Je propose donc une protection en cas de doute, ce qui évite ainsi un débat prématuré sur le fond des allégations et ne compromet pas le droit de l’élue sujette à poursuite criminelle de garder le silence.

[Je souligne]

[78]        Je me permets de dire immédiatement que je suis globalement d’accord avec cette façon de voir les choses, qui rejoint celle du juge Hilton et me paraît généralement conforme à la lettre et à l’esprit de l’art. 604.6 L.c.v., mais aussi des art. 604.7 et 604.8. L’idée que, dans le cadre d’une preuve qui, à ce stade, ne peut être que prima facie, l’existence d’un « doute » ne fasse pas obstacle à la protection prévue par l’art. 604.6 est particulièrement appropriée à la situation dans laquelle se retrouve l’élu visé par une poursuite criminelle, alors que l’acte d’accusation, comme le remarque le juge Hilton, ne comporte guère de détails sur la nature des faits reprochés. (les allégations y sont en effet d’une sobriété qui contraste avec celles des procédures civiles).

[79]        L’analyse du juge Dalphond ne s’arrête toutefois pas là. Voici comment il poursuit :

[26]      En l’espèce, la protection qui nous intéresse est prévue à l’art. 604.6, al. 1(2) LCV. Elle doit être accordée à l’élue ou à la fonctionnaire objet d’une procédure civile, pénale, criminelle ou quasi judiciaire, « fondée sur l’allégation d’un acte ou d’une omission dans l’exercice des fonctions de la personne comme membre du conseil » (art. 604.6, al. 1(2) LCV).

[27]      La détermination qu'un acte a été posé dans l'exercice des fonctions s'effectue en utilisant deux critères dégagés de la jurisprudence et repris par les auteurs spécialisés et le juge de première instance, soit la finalité et la pertinence de l’acte au regard des affaires municipales. Par cette combinaison de la finalité et de la pertinence, on peut exclure les actes posés pour des motifs personnels n’ayant aucun lien avec les situations dans lesquelles l’exercice de ses fonctions place l’élue.

[…]

[30]      En d’autres mots, l’expression « dans l’exercice des fonctions » est indicative selon ma collègue la juge Thibault de l’intention du législateur d’accorder la protection aux actes ou omissions suivants :

i)    ceux qui découlent de l’exécution par une élue des fonctions et responsabilités conférées expressément ou implicitement par la loi;

ii)   ceux qui sont inhérents à sa charge; et

iii)   ceux qui sont en lien avec les situations dans lesquelles l’exercice de ses fonctions place l’élue.

Dans tous ces cas, il y a un lien de pertinence suffisant avec les affaires municipales et les actes ont une nature plus altruiste que personnelle (même s’ils contribuent à une réélection de l’élue!).

[31]      Je ne vois cependant pas dans la LCV ou les arrêts Beaulieu c. Packington (Municipalité de), précité, ou Houde c. Benoît, précité, (une affaire d’immunité de poursuite, un moyen de défense aujourd’hui écarté par l’arrêt Prud’homme c. Prud’homme, 2002 CSC 85, [2002] 4 R.C.S. 663), l’exigence que l’élue doit démontrer que le geste ou l’omission à la source de la procédure contre elle a rapporté un bénéfice à la municipalité.

[…]

[34]      En résumé, le critère de l'acte posé dans l'intérêt de la municipalité renvoie à un acte juridiquement altruiste par opposition à un acte posé à son bénéfice strictement personnel. L’élue n’a cependant pas besoin de démontrer que l’acte en litige a, bel et bien, conféré un avantage à la municipalité. De plus, pour être couvert, l'acte doit être en lien avec la charge de l'élue ou, pour reprendre les mots de l’article 604.8(1) LCV, « découler des situations dans lesquelles la place l’exercice de ses fonctions ».

[35]      Ainsi, la conseillère municipale défenderesse à une instance de divorce ou poursuivie pour des troubles de voisinage ne peut sérieusement demander à la municipalité d’assumer les honoraires de son avocate. La procédure n'a rien à voir avec les affaires municipales.

[36]      Il n’en va pas autrement en matière criminelle ou pénale, situation qui nous intéresse ici. Ainsi, une élue municipale arrêtée pour ivresse au volant, en rentrant chez elle après une séance du conseil, ne pourrait demander à la municipalité d’assurer les frais de sa défense. L’acte reproché, la conduite avec les facultés affaiblies, ne constitue pas l’exercice d'un pouvoir relié à sa charge ni même une situation dans laquelle la place l’exercice de ses fonctions.

[37]      De même, si dans le cadre d’un débat animé au conseil, une élue s’enflamme au point d’en frapper une autre et qu’il s’ensuit des procédures criminelles pour voies de fait, je suis d’avis que la sphère de protection voulue par le législateur ne s’étend pas à ce genre de situation. En effet, le geste reproché ne se rattache pas à un pouvoir ou devoir inhérent aux fonctions de l’élue [renvoi omis], ni même à une situation dans laquelle la place l’exercice de ses fonctions.

[38]      Par contre, l’élue qui repousse une agresseuse durant une séance du conseil [renvoi omis] devrait bénéficier de la protection si elle est ensuite l’objet d’une poursuite civile par cette dernière, puisqu’elle a posé un geste, en la repoussant, qui s’inscrit dans une situation dans laquelle l’a placé l’exercice de ses fonctions. En pareil cas, on ne peut parler d’un acte de nature strictement personnelle. L’élue n’aurait pas à démontrer que le geste de défense a profité à la municipalité. Il en irait de même d'une inspectrice municipale qui repousse une personne qui l'agresse dans le cadre d'une inspection, par la suite poursuivie par cette dernière; elle est alors une fonctionnaire municipale ayant droit au régime de protection.

[39]      Quant à la mairesse qui suspend la directrice générale de sa ville d’avis qu’il y a lieu d’exercer le pouvoir que lui confère l’art. 604.6 LCV, elle ne fait qu’exercer sa fonction. Il se peut qu’elle erre dans l’exercice de ce pouvoir, mais il demeure que l’acte est posé en sa qualité de mairesse et en fonction des pouvoirs reconnus à une telle élue. Poursuivie ensuite par la directrice générale, elle aura droit d’exiger que ses honoraires soient assumés par la ville (Mont-Royal (Ville) c. Hrtschan, précité), et ce, même si le conseil est d’avis que la suspension ne fût pas dans l’intérêt public ou au bénéfice pour la municipalité. Les conséquences financières négatives qui pourraient résulter de la suspension pour la municipalité ne sont d’aucune pertinence pour décider de l'applicabilité de la protection réclamée.

[40]      Il n’en irait pas autrement, comme le reconnaît l’avocat de la municipalité intimée, d’une mairesse dont on rechercherait la responsabilité criminelle à l’égard par exemple de la distribution d’eau contaminée à la suite d’une diminution du budget de la station de traitement de l’eau potable. Elle devrait bénéficier du régime de protection, même si le conseil ou une juge saisie d’une requête pour son application forcée, venait à la conclusion que la décision attaquée ne semblait pas, dans son évaluation, dans l’intérêt supérieur de la municipalité. J’ajoute que le fait que la poursuite allègue qu’elle savait ou devait savoir que les diminutions de budget pourraient augmenter le risque de contamination ne devrait pas priver l’élue de la protection, même si certains pourraient soutenir que la décision était, dès lors, contraire à l’intérêt public ou indicative d’un comportement inacceptable.

[41]      En somme, l’élue qui a posé un geste en cette qualité et conformément aux pouvoirs rattachés à sa fonction a droit à l'erreur de jugement. Le législateur le reconnaît d’ailleurs expressément lorsqu’il exclut toute demande de remboursement si l’élue déclarée coupable avait un « motif raisonnable de croire que sa conduite [pénale ou criminelle] était conforme à la loi » (art. 604.7, al. 1(3) LCV) ou si le comportement de l'élue ne constitue pas une inconduite sans commune mesure avec les erreurs auxquelles on peut raisonnablement s’attendre dans l’exercice des fonctions d’une telle personne (art. 604.8 LCV).

[Je souligne]

[80]        Il faut bien sûr comprendre ces paragraphes à la lumière des explications précédentes, de sorte que, lorsque les procédures contre lesquelles l’élu réclame la protection de l’art. 604.6 L.c.v. en sont à leur début, comme c’était le cas dans ce dossier, le lien avec les affaires municipales, au sens des paragr. 30 et 34 ci-dessus, s’évalue prima facie.

[81]        En application des principes qu’il dégage ainsi, le juge Dalphond conclut toutefois ce qui suit, en quelques paragraphes succincts dont voici l’intégralité :

[42]        Rien au dossier n’indique que les actes d’accusation constituent des allégations frivoles et sans fondement. En réalité, ils font partie d’accusations portées par un officier étatique indépendant, le directeur des poursuites criminelles et pénales, qui ne peut agir à la légère.

[43]        Or, les actes allégués, notamment l’acceptation de sommes d’argent pour influer sur une décision et la corruption de fonctionnaire, ne constituent pas des gestes qu’une élue peut poser en vertu de la loi ou inhérents à sa charge. En réalité, de tels gestes sont interdits par le Code criminel.

[44]        Il y a donc absence de pertinence de ces actes au regard de la conduite des affaires municipales.

[45]        De plus, certains, s’ils ont été posés, ne peuvent l’avoir été que dans l’intérêt strictement personnel de l’appelante (réception d'avantages), donc une finalité non altruiste.

[46]        La sphère de protection voulue par le législateur ne s’applique pas en pareil cas et le conseil était bien fondé de refuser de donner suite aux demandes de l’appelante.

[82]        Cette conclusion, on en conviendra, peut étonner au vu des propos précédents du juge Dalphond. En effet, on voit mal comment, par exemple, réconcilier le paragr. 16 de ses motifs[67] avec les remarques ci-dessus. La première phrase du paragr. 18[68], pour ne prendre que celle-là, s’arrime tout aussi mal à l’affirmation selon laquelle un acte interdit par le Code criminel n’aurait pas de pertinence au regard de la conduite des affaires municipales (paragr. 44) et ne donnerait donc pas ouverture à la protection prévue par l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2 L.c.v. Les paragr. 42 à 46 évacuent par ailleurs largement (sinon totalement) l’idée du doute que défend le paragr. 23, « qui évite ainsi un débat prématuré sur le fond des allégations et ne compromet pas le droit de l’élue sujette à poursuite criminelle de garder le silence », comme le veut le paragr. 24.

[83]        Et pourquoi la « mairesse dont on rechercherait la responsabilité criminelle à l’égard par exemple de la distribution d’eau contaminée à la suite d’une diminution du budget de la station de traitement de l’eau potable » pourrait-elle avoir droit à la protection de l’art. 604.6, comme l’envisage le paragr. 40 des motifs du juge Dalphond, alors qu’une telle négligence criminelle est pourtant elle aussi un acte interdit par le Code criminel? Est-ce parce que le fait sous-jacent à pareille accusation (diminuer le budget) participe a priori des fonctions d’une mairesse? Cet exemple illustre surtout que justement, il faut connaître au moins minimalement les faits sous-jacents à l’acte d’accusation, ce qui nécessite une preuve sans laquelle l’élue sera mise « en position de vulnérabilité par la rédaction des allégations de la partie poursuivante » (paragr. 18). Mais si cela est exact, comment expliquer les paragr. 42 et 43?

[84]        Ces apparentes contradictions se résolvent toutefois lorsque l’on considère la situation de l’élue en question : celle-ci avait fait défaut de présenter une preuve quelconque des gestes qu’on lui reprochait, de sorte qu’il était impossible de vérifier l’existence d’un lien prima facie entre ceux-ci et les affaires municipales[69]. Comme elle n’avait pas non plus tenté de montrer le caractère futile ou malveillant des accusations portées contre elle, il n’était pas possible de lui octroyer la protection recherchée. En ce sens, les motifs du juge Dalphond rejoignent, sur chacun de ces deux points, ceux des juges Hilton et Bélanger respectivement.

[85]        Au final, l’arrêt Berniquez comporte trois séries de motifs proposant des visions distinctes, qui s’entrecoupent parfois et mènent en l’occurrence à une même conclusion : sauf exception limitée, la juge Bélanger exclut la protection de l’art. 604.6 L.c.v. dans le cas d’accusations criminelles, et certainement d’accusations reliées à des actes commis, allègue-t-on, au détriment de la municipalité; de son côté, le juge Hilton exclut la protection faute par l’élue d’avoir ici donné la moindre indication de la nature des faits reprochés, dont on ne pouvait donc conclure qu’ils se rattachaient prima facie à ses fonctions; enfin, le juge Dalphond, tout en concluant qu’il n’y avait pas lieu ici d’octroyer la protection requise, élabore un cadre d’analyse qui, d’une part, n’exclut pas cette protection en cas d’accusations criminelles et, d’autre part, précise la nature du lien qui doit prima facie exister entre les faits allégués (pour autant qu’on sache de quoi il s’agit) et les affaires municipales. La portée de l’arrêt est par ailleurs circonscrite par le contexte de la demande d’assistance présentée par l’appelante, à un stade précoce de la poursuite criminelle, et non pas après acquittement ou retrait des accusations.

* *

[86]        Comment la jurisprudence subséquente de la Cour traite-t-elle le triptyque d’opinions de l’arrêt Berniquez? L’arrêt Bellefeuille, prononcé en 2017, en fait la lecture suivante (dans le contexte d’une poursuite criminelle pendante contre un élu municipal[70]) :

[15]      La jurisprudence de la Cour sur l’interprétation de cette disposition a évolué. À l’origine, on disait que la protection à l’article 604.6 était « immédiate et automatique » [renvoi omis]. Plus récemment, la Cour a établi sans équivoque que le droit au régime de protection est conditionnel, mais qu’il est nécessaire que la protection soit assez large et qu’elle s’applique en cas de doute [renvoi omis]. Des critères d’éligibilité s’appliquent et si un seul de ces critères n’est pas satisfait, la municipalité n’est pas obligée de payer les honoraires de l’avocat du fonctionnaire en question. Les critères sont les suivants : (1) la personne qui recherche la protection doit être employée, fonctionnaire ou membre du conseil de la municipalité et (2) doit être défenderesse, accusée, intimée ou mise en cause (3) dans une procédure civile, administrative, pénale ou criminelle dont est saisi un tribunal (4) fondée sur l'allégation d'un acte ou d'une omission dans l'exercice de ses fonctions. Une fois matérialisée, cette obligation impose à la municipalité de défendre la personne en question ou de payer les frais raisonnables de sa défense si elle choisit de l’assumer elle-même [renvoi omis]. Il incombe au fonctionnaire qui réclame la protection de la municipalité de présenter une preuve prima facie que les conditions d’éligibilité sont remplies.

[16]      La jurisprudence et la doctrine ont établi un cadre d’analyse spécifique pour déterminer si un acte est posé dans l’exercice des fonctions de l’élu ou de l’employé. Ce cadre d’analyse est centré sur « la finalité et la pertinence de l’acte au regard des affaires municipales. » [renvoi omis] Il exclut les « les actes posés pour des motifs personnels n’ayant aucun lien avec les situations dans lesquelles l’exercice de ses fonctions place l’élue » [renvoi omis]. Ainsi, pour qu’un acte puisse être considéré comme ayant été posé dans l’exercice des fonctions il doit avoir été fait dans l’intérêt de la municipalité, plutôt que celui de la personne en question, et être lié à sa charge [renvoi omis].

[17]      Dans Berniquez St-Jean, les juges Dalphond, Hilton et Bélanger ont chacun conclu, tout comme le juge Nollet en première instance, que les accusations d’abus de confiance envers l’appelante dans ce dossier, mairesse de la ville intimée, concernaient des actes qui ne peuvent pas avoir été posés dans l’intérêt de la municipalité et qui ne sont pas liés à l’exécution des fonctions d’une mairesse [renvoi omis]. Dans Mailhot où des employés étaient accusés principalement d’abus de confiance et de fraude [renvoi omis], le juge Yergeau a conclu que « les actes allégués dans les chefs d’accusation eux-mêmes sont sans conteste des gestes qui se situent à l’extérieur des fonctions légitimes d’un fonctionnaire municipal. » [renvoi omis] Plus précisément sur l’abus de confiance, il écrit :

[…] il est par essence un acte frauduleux commis relativement aux fonctions de la charge confiée à un fonctionnaire. L’acte n’est pas pour autant un acte commis dans l’exercice de ses fonctions mais plutôt un acte de nature criminelle commis en exerçant ses fonctions. Agir comme prête-nom et tromper pour procurer un avantage n’étaient pas dans la définition de tâche de MM. Mailhot et Patenaude. [renvoi omis]

[18]      L’accusation initiale d’abus de confiance porte à première vue sur des actes qui ne peuvent pas avoir été commis dans l’exercice des fonctions du maire. Comme c’est le cas dans Berniquez St-Jean et Mailhot, l’abus de confiance est par définition l’abus de sa fonction dans un objectif autre que l’intérêt public [renvoi omis].

[19]      À la lumière du cadre d’analyse pertinent, rien ne permet de croire que le maire agissait ici dans l’intérêt de la municipalité plutôt que dans le sien uniquement. Ainsi, à aucun moment depuis le dépôt des accusations contre le maire à une date postérieure à l’adoption de la résolution, celui-ci n’a rempli les conditions d’application de l’obligation légale de défendre de la municipalité dans le cadre des procédures criminelles qui ont fait l’objet des services juridiques de l’appelant. Plus particulièrement, il n’a jamais satisfait à la quatrième condition. La Ville n’avait donc pas l’obligation au terme de la loi de le défendre. Par conséquent, tant que l’appelant ne confirmait pas que l’obligation de défense de l’intimée s’applique à l’instance criminelle en question, il assumait le risque que ses honoraires ne soient pas payés.

[20]      Toute autre conclusion en l’espèce serait indéfendable. La finalité du régime de l’article 604.6 n’est pas de garantir le paiement des honoraires pour des gestes qui n’ont rien à voir avec l’intérêt de la municipalité ou l’intérêt du public. Il cherche à protéger des fonctionnaires ou des élus municipaux contre des pertes financières personnelles occasionnées par l’accomplissement de leur devoir professionnel dans le cadre de leurs fonctions.

[Je souligne]

[87]        A priori, cet arrêt (prononcé séance tenante) paraît pousser assez loin l’application de l’affaire Berniquez et se distancer de la jurisprudence antérieure relative aux situations où l’aide financière de la municipalité est demandée alors que la poursuite criminelle en est encore à ses débuts. La Cour semble y adopter la vision selon laquelle l’acte criminel ne peut par principe avoir été commis dans l’exercice des fonctions de l’élu, et donc dans l’intérêt de la municipalité ou de l’intérêt public, d’où il s’ensuivrait que la poursuite criminelle n’est pas de nature à enclencher la protection de l’art. 604.6 L.c.v. Mais est-ce bien le cas? Des phrases comme « [l]’accusation initiale d’abus de confiance porte à première vue sur des actes qui ne peuvent pas avoir été commis dans l’exercice des fonctions du maire » (paragr. 18) ou « rien ne permet de croire que le maire agissait ici dans l’intérêt de la municipalité » (paragr. 19) ou encore « tant que l’appelant ne confirmait pas que l’obligation de défense de l’intimée s’applique à l’instance criminelle en question, il assumait le risque que ses honoraires ne soient pas payés » ne laissent-elles pas entrevoir la possibilité d’une protection, pourvu que l’élu fasse la preuve requise?

[88]        Or, l’on doit souligner que, pas plus que dans Berniquez, la preuve administrée en première instance ne permettait de savoir précisément à quels faits se rapportaient les accusations portées contre l’élu[71], accusations qui étaient toujours pendantes (le procès n’ayant pas commencé). Les phrases reproduites au paragraphe précédent sous-entendent qu’une preuve suffisante aurait pu être administrée, mais ne l’a pas été, ce qui nuance l’enseignement de l’arrêt.

* *

[89]        Bref, et pour récapituler, la jurisprudence initiale tend à voir dans l’art 604.6 L.c.v., pour autant que l’acte reproché ait un lien avec la qualité d’élu municipal (on serait même tenté de parler ici d’un lien quelconque avec cette qualité), une protection large, à laquelle peut subséquemment obvier la municipalité par le truchement du mécanisme de remboursement prévu par les art. 604.7 et 604.8 L.c.v. On ne fait pas de distinction à cet égard entre la poursuite fondée sur l’allégation d’un acte criminel ou celle d’un acte d’une autre nature (faute civile, déontologique, etc.). Les arrêts Berniquez et, surtout, Bellefeuille semblent avoir infléchi ce cours, jusqu’à un certain point, du moins en ce qui concerne les demandes d’assistance financière présentées alors que la poursuite criminelle en est à ses balbutiements ou qu’elle est encore pendante[72]. Il ne faut cependant pas donner à ces arrêts une portée qu’ils n’ont pas.

3.         Interprétation des art. 604.6 et s. L.c.v. et comparaison avec d’autres lois

[90]        Je ne crois pas, en effet, que l’on doive lire les arrêts Berniquez et Bellefeuille[73] (jugements marqués par une absence de preuve, même prima facie) comme excluant - ou presque - la poursuite criminelle du domaine des art. 604.6 et s. L.c.v. Une telle interprétation neutraliserait pratiquement l’art. 604.6 lui-même et, de surcroît, rendrait largement inutile, en pareil cas, l’art. 604.7 et, de même, l’art. 604.8 L.c.v. Elle bousculerait l’équilibre voulu par le législateur entre les intérêts de l’élu, lequel est présumé innocent, ce qui explique la protection que lui confère l’art. 604.6 L.c.v. en cas de poursuite criminelle, et ceux de la municipalité, qui peut récupérer les montants payés, à certaines conditions. En ne distinguant par ailleurs pas selon que la demande d’assistance financière est présentée au cours de l’instance entreprise contre l’élu ou, plutôt, après sa fin et selon le fardeau de preuve incombant conséquemment aux parties, l’on romprait également, et à mon avis indûment, avec la jurisprudence antérieure de la Cour sur la manière d’appliquer ces dispositions. Je m’explique.

* *

[91]        L’art. 604.6, al. 1, paragr. 2, et al. 2 L.c.v. prévoit que la municipalité doit assumer (« shall assume ») la défense ou la représentation de l’élu faisant l’objet d’une poursuite fondée sur l’allégation d’un acte ou d’une omission « dans l’exercice [de ses] fonctions […] » (« in the performance of his duties (…) »), ou en payer les coûts. Peut-on lire cette disposition comme excluant l’acte ou l’omission de nature criminelle, qui n’appartiendrait par définition pas au champ des fonctions de l’élu (puisqu’il ne peut pas être dans l’intérêt de la municipalité), sauf exceptions très rares?

[92]        Il n’est pas possible, me semble-t-il, de répondre par l’affirmative à cette question. L’art. 604.6, al. 1, paragr. 2 L.c.v. s’applique en effet à l’élu « défendeur / defendant », « intimé / respondent », « mis en cause / person impleaded », mais aussi « accusé / accused », termes qui renvoient bien entendu à la poursuite criminelle (ou pénale). Exclure d’emblée celle-ci du champ d’application de cette disposition stérilise les mots mêmes du législateur, qui sont pourtant le premier indicateur de sa volonté. Pourquoi le législateur a-t-il inclus l’élu « accusé / accused » au nombre des bénéficiaires de cette disposition et, partant, inclus les accusations criminelles rattachées à « l’exercice des fonctions / the performance of his duties » au nombre des poursuites de nature à enclencher la protection de l’art. 604.6 L.c.v. si ce type d’accusation est a priori incompatible avec l’idée même de cet exercice? De plus, si l’art. 604.6 n’est pas applicable en pareille matière, pourquoi ce même législateur a-t-il mis en place le mécanisme de restitution prévu, en cas de culpabilité à l’accusation criminelle (ou pénale), par l’art. 604.7, al. 1, paragr. 3? Manifestement, c’est qu’il envisage bel et bien que l’élu visé par une poursuite criminelle (ou pénale) puisse obtenir le soutien financier de la municipalité en vertu de l’art. 604.6, sujet, potentiellement, au remboursement prescrit par l’art. 604.7.

[93]        Que des actes soient interdits par le Code criminel ne saurait donc, en soi, empêcher l’application de l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2 L.c.v. (y compris lorsque la demande fondée sur cette disposition est faite au début de l’instance criminelle). Car l’on n’a pas besoin d’insister sur le fait suivant : les accusations déposées contre une personne lui reprochent toujours des actes interdits. Si cela suffisait à écarter l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2, on contredirait la volonté du législateur, qui, explicitement, accorde une protection à l’élu « accusé / accused » - et accusé, forcément, d’un acte interdit.

[94]        Cela dit, que des actes de d’abus de confiance ou de corruption au détriment de la municipalité - et je prends ces exemples à dessein[74] - puissent a priori être considérés comme ne se rattachant pas aux fonctions d’un élu est concevable dans le cas où l’intéressé ne présente aucune preuve et où l’on est donc forcé de se rabattre sur le seul libellé de l’acte d’accusation. Or, c’est précisément ce qui s’est produit dans Berniquez, comme on le sait, alors que l’élue municipale en cause n’a d’aucune façon tenté d’identifier les actes qu’on lui reprochait, c’est-à-dire les faits sous-jacents aux accusations portées contre elle, ni tenté d’expliquer ce en quoi ces faits relevaient prima facie de l’exercice de ses fonctions, c’est-à-dire découlaient de situations dans lesquelles l’avait placée cet exercice ou pouvaient en relever, de manière à créer au moins un doute dont elle aurait pu profiter[75]. Ainsi que le souligne le juge Dalphond au paragr. 23 de ses motifs, elle n’avait pas à démontrer, à ce stade, absence de faute intentionnelle ou absence d’erreur déraisonnable (au sens des art. 604.7 et 604.8 L.c.v.), mais elle devait au moins établir prima facie que les actes ou omissions reprochés se rattachaient à ses fonctions.

[95]        Cette démonstration prima facie n’a pas été faite non plus dans Bellefeuille, ce qui pourrait expliquer la sévérité des remarques qu’on y trouve et qui semblent se rapprocher par moments de celles de la juge Bélanger dans Berniquez.

[96]        Selon cette dernière, la protection de l’art. 604.6 L.c.v. ne pourrait en effet être accordée qu’à l’élu capable de démontrer que les accusations portées contre lui sont frivoles, manifestement sans fondement ou déposées dans un but malveillant. Or, et je le dis avec le plus grand respect, on impose là à l’élu, en réalité, un fardeau dont il lui sera, en pratique, rarement possible de se décharger et qui n’a rien de la démonstration prima facie qu’exige la jurisprudence relative à l’art. 604.6 L.c.v. En effet, comme le note le juge Dalphond dans Berniquez, les accusations criminelles sont portées par un « officier étatique indépendant, le directeur des poursuites criminelles et pénales »[76], qui n’agit pas à la légère. Prima facie, de telles poursuites sont sérieuses et l’on voit mal comment l’élu pourrait, alors que les accusations sont encore pendantes, en démontrer la futilité ou la malveillance. La difficulté, d’ailleurs, serait à peine moins grande après un acquittement ou après le retrait des accusations, quand on connaît les règles applicables à la démonstration d’un tel abus.

[97]        Cette interprétation équivaut donc à priver l’art. 604.6 L.c.v. de toute application en matière de poursuite criminelle (sauf exception fort limitée et peu probable), alors même que le législateur prévoit en pareil cas le devoir d’assistance financière de la municipalité, à certaines conditions. Pour cette raison, on ne peut la retenir[77].

[98]        D’ailleurs, au contraire de la juge Bélanger, les juges Dalphond[78] et Hilton[79], dans Berniquez, n’excluent pas que de telles accusations puissent donner prise à la protection prévue par l’art. 604.6 L.c.v. C’est du moins la lecture que je fais de leurs motifs. Il est vrai que, comme leur collègue, ils refusent néanmoins à l’élue en cause le bénéfice de l’art. 604.6 L.c.v., mais l’on connaît ce qui justifie cette conclusion et cela module son effet.

[99]        Quant à l’arrêt Bellefeuille, comme je l’ai mentionné précédemment, son enseignement doit être relativisé dans la mesure où l’appelant (qui n’était pas l’élu lui-même), tout comme la mairesse dans Berniquez, ne s’était pas déchargé du fardeau de preuve qui lui incombait.

[100]     Quoi qu’il en soit, et en tout respect pour l’opinion contraire, je ne peux me convaincre que l’art. 604.6 L.c.v. ne protège pas l’élu accusé d’un acte criminel lié à ses fonctions au motif qu’un tel acte se situerait en réalité en dehors du cadre de celles-ci, sauf exceptions. Le législateur a entendu conférer la protection de cette disposition à l’élu accusé d’une infraction criminelle, et il ne peut avoir écrit une chose et sous-entendu son contraire par un exercice de distinction entre l’acte posé dans l’exercice des fonctions de l’élu et celui qu’il a posé en exerçant celles-ci, distinction que propose l’arrêt Bellefeuille, reprenant à son compte les propos du juge Yergeau dans Mailhot c. Montréal (Ville de)[80]. Car il faut, à cet égard, être prudent. Si l’on peut en effet envisager d’établir une telle distinction par une preuve complète sur le fond (notamment dans le cadre de l’application de l’art. 604.7, al. 1, paragr. 1 L.c.v., sur lequel je reviendrai plus loin[81]), elle ne paraît pas adaptée au débat prima facie qui caractérise le fardeau de preuve incombant aux parties à l’étape de la demande régie par l’art. 604.6 L.c.v., surtout lorsque la poursuite criminelle vient d’être intentée ou qu’elle est toujours pendante.

[101]     Évidemment, l’on comprend parfaitement que l’élu municipal accusé de violence conjugale, d’attouchements sexuels sur la personne de son enfant, de possession non autorisée d’une arme à feu, de fraude envers sa propre institution bancaire ou, même, de conduite en état d’ébriété au retour d’une séance du conseil ou d’une autre réunion de fonction ne peut réclamer la protection de l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2 L.c.v. En pareil cas, les accusations ne relèvent manifestement pas de sa qualité d’élu municipal et ne sont en rien rattachées à ses fonctions : elles se rapportent plutôt à sa conduite personnelle. Il en va cependant autrement lorsque les accusations reposent sur des allégations (mot qui a ici toute son importance) de malversations (par commission ou omission) en lien avec l’exercice des fonctions municipales ou autres infractions rattachées à des situations dans lesquelles ces fonctions placent l’élu : d’exclure par principe ces accusations criminelles du champ de protection offert par l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2 L.c.v. ne concorde pas avec le texte de la disposition ni avec l’objectif de celle-ci.

[102]     Une telle interprétation se conjugue tout aussi mal avec les art. 604.7 et 604.8 L.c.v., dispositions que l’arrêt Bellefeuille ne mentionne pas et dont l’arrêt Berniquez, qui y fait renvoi[82], ne fait qu’une analyse partielle. On ne saurait en effet considérer l’art. 604.6 L.c.v. isolément. Le principe de l’interprétation contextuelle requiert que l’on examine non seulement la disposition législative en jeu, mais aussi les dispositions voisines, toutes s’interprétant les unes par les autres et dans leur ensemble. C’est un principe important, qui permet d’assurer la cohérence de la loi et que consacre l’art. 41.1 de la Loi d’interprétation[83].

[103]     Or, si l’on donne à l’art. 604.6 L.c.v. une interprétation trop étroite, on rend largement inutiles ou superfétatoires de larges pans de l’art. 604.7 et, conséquemment, de l’art. 604.8. À l’inverse, l’examen de ces deux dernières dispositions permet de mieux cerner le sens que l’on doit donner à la première.

[104]     Reprenons ici les extraits pertinents de ces trois articles :

604.6.  Toute municipalité doit :

604.6.  A municipality shall

[…]

(…)

2°  assumer la défense ou la représentation, selon le cas, d’une personne qui est, soit le défendeur, l’intimé ou l’accusé, soit le mis en cause, dans une procédure dont est saisi un tribunal et qui est fondée sur l’allégation d’un acte ou d’une omission dans l’exercice des fonctions de la personne comme membre du conseil, fonctionnaire ou employé de la municipalité ou d’un organisme mandataire de celle-ci;

(2)  assume the defence or the representation, as the case may be, of a person who is the defendant, respondent or accused, or the person impleaded in judicial proceedings brought before a court by reason of the person’s alleged act or omission in the performance of his duties as a member of the council or as an officer or employee of the municipality or a mandatary body of the municipality;

            Si la personne assume, elle-même ou par le procureur de son choix, cette défense ou représentation, la municipalité doit en payer les frais raisonnables. La municipalité peut toutefois, avec l’accord de la personne, lui rembourser ces frais au lieu de les payer.

            Where the person assumes, himself or through an attorney of his choice, the defence or representation, the municipality shall pay any reasonable costs incurred therefor. However, the municipality may, with the consent of the person, reimburse such costs to him instead of paying them.

[…]

(…)

604.7.  La personne pour laquelle la municipalité est tenue de faire des dépenses, en vertu de l’article 604.6, doit, sur demande de la municipalité, lui rembourser la totalité de ces dépenses ou la partie de celles-ci qui est indiquée dans la demande, dans l’un ou l’autre des cas suivants:

604.7.  The person for whom the municipality is required to incur expenses under section 604.6 shall, at the request of the municipality, reimburse all the expenses or the portion of such expenses indicated in the request in any of the following cases:

1°  l’acte ou l’omission de la personne, dont l’allégation a fondé la procédure, est une faute lourde, intentionnelle ou séparable de l’exercice des fonctions de la personne;

(1)  the person’s alleged act or omission having given rise to the proceedings is a gross or intentional fault or a fault separable from the performance of his duties;

2°  le tribunal a été saisi de la procédure par la municipalité ou par un tiers à la demande de cette dernière;

(2)  the proceedings are brought before the court by the municipality or by a third person at the request of the municipality;

3°  la personne, défenderesse ou accusée dans la procédure de nature pénale ou criminelle, a été déclarée coupable et n’avait aucun motif raisonnable de croire que sa conduite était conforme à la loi.

(3)  the person, defendant or accused in the penal or criminal proceedings, has been convicted and had no reasonable grounds to believe that he acted within the law.

            En outre, si la municipalité fait les dépenses visées au premier alinéa en remboursant les frais de la défense ou de la représentation que la personne assume elle-même ou par le procureur de son choix, l’obligation de la municipalité cesse, à l’égard de la totalité des frais non encore remboursés ou de la partie de ceux-ci que la municipalité indique, à compter du jour où il est établi, par une admission de la personne ou par un jugement passé en force de chose jugée, qu’est justifiée la demande de remboursement prévue au premier alinéa ou la cessation de remboursement prévue au présent alinéa.

            In addition, where the municipality incurs the expenses referred to in the first paragraph in reimbursing the expenses relating to the person’s defence or representation assumed by the person himself or by an attorney of his choice, the municipality’s obligation shall cease, in respect of all expenses not reimbursed or the portion of such expenses which the municipality may indicate, from the day on which it is established, by the person’s own admission or by a judgment that has become res judicata, that the request for reimbursement provided for in the first paragraph or the cessation of reimbursement provided for in this paragraph is justified.

            Les premier et deuxième alinéas s’appliquent si la municipalité est justifiée d’exiger le remboursement prévu au premier alinéa et, le cas échéant, de cesser en vertu du deuxième alinéa d’effectuer des remboursements. Ils ne s’appliquent pas dans le cas visé au paragraphe 3° du premier alinéa de l’article 604.6.

            The first and second paragraphs apply where the municipality is justified in requiring the reimbursement provided for in the first paragraph or, as the case may be, in ceasing to make reimbursements under the second paragraph. They do not apply in the case provided for in subparagraph 3 of the first paragraph of section 604.6.

604.8.  Aux fins de déterminer si la justification prévue au troisième alinéa de l’article 604.7 existe, il faut prendre en considération et pondérer l’un par l’autre les objectifs suivants :

604.8.  For the purpose of determining whether the justification provided for in the third paragraph of section 604.7 exists, the following objectives shall be considered and weighed one against the other:

1°  la personne visée à l’article 604.6 doit être raisonnablement protégée contre les pertes financières qui peuvent découler des situations dans lesquelles la place l’exercice de ses fonctions;

(1)  the person referred to in section 604.6 must be reasonably protected against any financial loss which may result from the performance of his duties;

2°  les deniers de la municipalité ne doivent pas servir à protéger une telle personne contre les pertes financières qui résultent d’une inconduite sans commune mesure avec les erreurs auxquelles on peut raisonnablement s’attendre dans l’exercice des fonctions d’une telle personne.

(2)  the monies of the municipality must not be used to protect such a person against financial losses resulting from misconduct which cannot possibly be compared with the errors that may reasonably be expected to be committed by a person performing similar duties.

            Dans l’application du premier alinéa, on peut tenir compte de la bonne ou mauvaise foi de la personne, de sa diligence ou négligence quant à l’apprentissage des règles et des pratiques pertinentes à l’exercice de ses fonctions, de l’existence ou de l’absence de faute antérieure de sa part liée à l’exercice de ses fonctions, de la simplicité ou de la complexité de la situation au cours de laquelle elle a commis une faute, de la bonne ou mauvaise qualité des avis qu’elle a reçus et de tout autre facteur pertinent.

            For the purposes of the first paragraph, the good or bad faith of the person may be taken into account as well as his diligence or negligence in learning the rules and practices relevant to the performance of his duties, the existence or absence of any previous fault related to the performance of his duties, the simplicity or complexity of the circumstances in which he committed a fault, the good or poor quality of the advice given to him and any other relevant factor.

 

[Je souligne]

[105]     Observons d’abord le langage et la formulation de l’art. 604.7. Le premier alinéa de cette disposition oblige « [l]a personne pour laquelle la municipalité est tenue de faire des dépenses, en vertu de l’article 604.6 »[84], tournure qui confirme le caractère impérieux du devoir d’assistance qu’impose cet article, à rembourser ce qu’elle a ainsi reçu de ladite municipalité, sur demande (qui peut être judiciarisée si l’élu conteste celle-ci[85]). Cette obligation et le droit corrélatif de la municipalité d’exiger ce remboursement (ou de cesser de payer les frais engagés en vertu de l’art. 604.6) sont toutefois subordonnés aux conditions suivantes, que précisent respectivement les alinéas 2 et 3 de l’art. 604.7[86] :

-           l’élu doit se trouver dans l’une ou l’autre des situations décrites par l’art. 604.7, al. 1 (notons que, dans la situation prévue par l’art. 604.7, al. 1, paragr. 3, il ne suffit pas que l’élu ait été déclaré coupable, il faut également qu’il n’ait aucun motif raisonnable d’avoir cru que sa conduite était conforme à la loi);

-           conformément à l’art. 604.7, al. 2, le droit de la municipalité ne peut naître qu’à compter du jour où sont établis, par une admission de l’intéressé (un plaidoyer de culpabilité dans l’instance criminelle, par ex.) ou par un jugement passé en force de chose jugée (c.-à-d. seulement à compter du jour où sont établis, par une telle admission ou un tel jugement), les cas de figure du premier alinéa;

-           conformément à l’art. 604.7, al. 3, il ne sera fait droit à la demande de la municipalité que dans la mesure où cette demande est justifiée au regard de l’art. 604.8 L.c.v. et des différents facteurs qu’énumère cette disposition, laquelle s’applique sans égard à la nature civile, administrative, criminelle ou pénale de la procédure instituée contre l’élu.

[106]     Autrement dit, le droit de la municipalité au remboursement des sommes qu’elle a payées en vertu de l’art. 604.6, pour assumer la défense de l’élu à l’instance en cours, ne naît que dans l’une ou l’autre des circonstances prévues par les paragraphes 1, 2 ou 3 du premier alinéa de l’art. 604.7 et, là encore, seulement après admission de l’intéressé ou jugement passé en force de chose jugée et uniquement si cette restitution est justifiée au regard des critères de l’art. 604.8. La même règle vaut, en faisant les adaptations nécessaires, pour la cessation du paiement des sommes visées par l’art. 604.6 L.c.v., cessation prévue par le second alinéa de l’art. 604.7. Elle s’applique également, avec certaines adaptations encore, lorsque la municipalité refuse la demande de l’élu qui s’adresse à elle après la terminaison de l’instance entreprise contre lui et lui réclame le paiement des coûts de sa défense.

[107]     Il résulte également du langage de l’art. 604.7 que c’est la municipalité qui a le fardeau de prouver les conditions d’existence de son droit au remboursement ou à la cessation ou au refus de paiement.

[108]     Tout cela, déjà, est assez révélateur de l’intention du législateur : si celui-ci limite de cette manière le droit de la municipalité au remboursement des sommes payées en vertu de l’art. 604.6 L.c.v., alors même que l’élu municipal a commis une faute lourde, intentionnelle ou séparable de ses fonctions ou qu’il a été déclaré coupable d’un acte criminel, cela tend à accréditer l’idée d’une interprétation large et généreuse de cette disposition.

[109]     Examinons ensuite de plus près les paragraphes 1, 2 et 3 du premier alinéa de l’art. 604.7. Je formulerai ici trois observations : la première se rapporte au champ d’application respectif des paragraphes 1 et 3 de cet alinéa, la deuxième à l’effet de chacun de ces paragraphes et la troisième au paragraphe 2.

[110]     On pourrait penser que le paragraphe 1 ne vise que les poursuites civiles ou administratives et le paragraphe 3 les poursuites criminelles ou pénales[87]. Le langage du paragraphe 1 est en effet celui de la responsabilité civile (tout en étant transposable au droit administratif), tandis que celui du paragraphe 3 vise expressément le criminel et le pénal. Lorsque l’élu municipal bénéficiaire de la protection de l’art. 604.6 fait l’objet d’une poursuite criminelle, ce ne serait donc pas le paragraphe 1 du premier alinéa de l’art. 604.7 qui devrait régir son obligation de rembourser la ville, mais bien le paragraphe 3. Cette distinction s’imposerait, puisque, s’il fallait inclure l’acte criminel ou pénal dans la faute lourde ou intentionnelle ou dans l’acte séparable de l’exercice des fonctions, on rendrait le paragraphe 3 largement redondant. À la réflexion, cependant, il n’est pas certain que le paragraphe 1 ne puisse être appliqué aux affaires criminelles : qu’en serait-il par exemple d’une accusation criminelle dont l’élu municipal serait libéré ou acquitté (excluant donc un remboursement fondé sur le paragraphe 3), mais dont les faits sous-jacents, en définitive, constitueraient, par exemple, une faute intentionnelle ou séparable de l’exercice de ses fonctions[88]? Seule l’application du paragraphe 1 permet de répondre à cette question.

[111]     Quoi qu’il en soit, le paragraphe 1 de l’art. 604.7 corrobore, il me semble, le caractère généreux de la protection qu’offre en cette matière l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2 L.c.v. et le sens large que l’on doit, aux fins de cette disposition, donner à l’expression « dans l’exercice des fonctions de la personne », y compris lorsque celle-ci fait l’objet d’une accusation criminelle.

[112]     Ainsi, l’art. 604.7, al. 1, paragr. 1 prévoit que l’élu ayant bénéficié de l’assistance que la municipalité est tenue de lui accorder en vertu de l’art. 604.6 L.c.v. doit rembourser celle-ci sur demande lorsque la faute ayant entraîné la procédure est une faute lourde ou intentionnelle ou séparable de l’exercice de ses fonctions. Ce dernier cas de figure, qui fait écho à l’exigence de l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2 au chapitre de l’exercice des fonctions, est particulièrement intéressant dans la mesure où la démonstration requise à cette fin en est une de fond, dont le fardeau repose par ailleurs sur la municipalité. C’est ce qu’observe le juge Hilton dans Berniquez et, là-dessus, je partage son point de vue[89]. Précédemment, la juge Rayle, dans Hrtschan[90], et la juge Langlois, dans Auger[91], avaient elles aussi conclu en ce sens, dans des jugements confirmés par la Cour.

[113]     Cela étant, si l’art. 604.7, al. 1, paragr. 1 s’applique bel et bien à l’élu accusé au criminel, il y a moins de raisons encore d’exclure ce type de poursuite, par principe, de la protection offerte par l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2.

[114]     De plus, ce même paragraphe renforce l’idée que, au stade de l’art. 604.6 L.c.v., l’élu qui recherche le soutien de la municipalité n’a qu’un fardeau léger, celui d’une preuve véritablement prima facie, c’est-à-dire, pour reprendre les mots que j’ai employés plus haut[92], une preuve sommaire, superficielle et d’apparence, qui n’a pas à faire l’objet d’un examen substantiel et approfondi et, comme je l’ai mentionné plus tôt[93], ne se prête pas à l’examen des différences entre ce qui a été fait par l’élu en exerçant ses fonctions ou dans l’exercice de ses fonctions, et donc ce qui est séparable de ses fonctions et ce qui ne l’est pas. C’est plutôt au stade de l’art. 604.7, al. 1, paragr. 1 qu’une distinction de ce genre peut être faite, dont le fardeau relève de la municipalité. En effet, en vertu de l’art. 604.7, al. 1, paragr. 1, il appartient en définitive à celle-ci d’établir que l’acte dont l’élu a été accusé est séparable de l’exercice de ses fonctions (ou qu’il constitue une faute lourde ou intentionnelle). On pourrait donc difficilement requérir de l’élu présentant une demande en vertu de l’art. 604.6 qu’il porte le fardeau d’établir autrement que prima facie son droit à l’assistance de la municipalité, c’est-à-dire un lien général entre les allégations criminelles à son endroit et l’exercice de ses fonctions. Sauf dans les cas les plus clairs (voir les quelques exemples du paragr. [101] supra, de même que certains des exemples figurant dans les motifs du juge Dalphond dans Berniquez), ce n’est pas le moment de décider de ce qui est séparable des fonctions et de ce qui ne l’est pas. Le débat final sur cette question est reporté à plus tard et obéit à un fardeau de preuve différent.

[115]     Quant au paragraphe 3 du premier alinéa de l’art. 604.7 L.c.v., il prévoit en toutes lettres que si « la personne, défenderesse ou accusée dans la procédure de nature pénale ou criminelle / the person, defendant or accused in the penal or criminal proceedings » est déclarée coupable, elle doit rembourser la municipalité de ce qui lui a été versé en vertu de l’art. 604.6. Cela, par ricochet interprétatif, est un autre indice de la portée de l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2 L.c.v. Car si la municipalité a le droit d’être remboursée ou de cesser de payer en cas de déclaration de culpabilité, c’est parce qu’elle était tenue de payer en vertu de cette disposition. Or, si le fait d’être l’objet d’une accusation criminelle empêchait en soi l’élu de bénéficier de ce soutien, l’art. 604.7, al. 1, paragr. 3 serait largement inutile, ou alors, ce n’est pas ainsi qu’on l’aurait rédigé et pas davantage l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2. Une autre formulation aurait été employée (comme celle que l’on trouve dans les lois qui seront examinées plus bas[94]).

[116]     De surcroît, le droit au remboursement que peut exercer la municipalité en vertu de ce paragraphe 3 du premier alinéa de l’art. 604.7 ne naît pas seulement de la déclaration de culpabilité : encore faut-il que l’élu n’ait pas eu de « motif raisonnable de croire que sa conduite était conforme à la loi / reasonable grounds to believe that he acted within the law ». Une telle exigence n’est pas compatible avec l’idée que l’accusation criminelle est a priori exclue de l’art. 604.6 L.c.v. parce que l’acte ou l’omission qui y donne prise ne pourrait avoir été posé dans l'exercice des fonctions d'un élu municipal ou, s’agissant d’un acte interdit par le Code criminel, serait intrinsèquement sans pertinence au regard de la conduite des affaires municipales et, donc, de l’exercice de fonctions municipales.

[117]     Finalement, la demande de remboursement ou la cessation de paiement fondée sur les paragraphes 1 ou 3 du premier alinéa de l’art. 604.7 doit aussi, comme on vient de le voir, être « justifiée / justified » en vertu de l’art. 604.8, exigence qui découle du troisième alinéa du même art. 604.7. Là encore, on se questionne sur la raison pour laquelle le législateur aurait rédigé cette disposition comme il l’a fait si l’acte criminel doit être exclu de la protection offerte par l’art. 604.6 L.c.v. Autrement dit, si l’existence avérée d’un acte criminel ou d’un acte séparable de l’exercice des fonctions ne suffit pas à faire en sorte que la municipalité obtienne remboursement des frais qu’elle a assumés (ou puisse cesser de les payer), l’existence alléguée d’un tel acte ou d’une telle faute ne peut avoir pour effet de priver l’élu de la protection que lui offre l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2.

[118]     Dans un autre ordre d’idées, il faut dire quelques mots du paragraphe 2 du premier alinéa de l’art. 604.7 L.c.v., qui oblige l’élu ayant bénéficié de l’art. 604.6 L.c.v. à rembourser la municipalité lorsque la procédure intentée contre lui l’a été par cette municipalité ou par un tiers à la demande de celle-ci, remboursement lui aussi assujetti au justificatif de l’art. 604.8. Cette disposition, qu’on pourrait à première vue trouver incongrue, confirme à la réflexion le caractère généreux de l’art. 604.6. Comment dire : le fait de prévoir le remboursement en pareil cas, mais un remboursement assujetti à l’exigence du second alinéa de l’art. 604.7 (admission de l’intéressé ou jugement passé en force de chose jugée) et au justificatif de l’art. 604.8, montre que le législateur entend que l’élu poursuivi par la municipalité elle-même puisse, dans un premier temps, en vertu de l’art. 604.6, faire assumer les frais raisonnables de sa défense par celle-ci, frais qui n’auront pas nécessairement à être remboursés. On ne voit pas pourquoi l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2, devrait être interprété de façon plus rigoureuse lorsque l’élu municipal est visé par une accusation criminelle.

[119]     Tout cela, à mon avis, tend à indiquer que la personne faisant l’objet d’une poursuite criminelle liée, au sens large, à sa qualité et à sa charge d’élu, prima facie, a droit au soutien financier de la municipalité pendant la durée des procédures, au sens de l’art. 604.6 L.c.v. À l’issue de celles-ci (ou advenant une admission de l’intéressé, comme le prévoit le second al. de l’art. 604.7), la municipalité, conformément à l’art. 604.7, al. 1, paragr. 3, ne pourra obtenir remboursement que si l’élu a été déclaré coupable de l’infraction reprochée et, même là, seulement s’il n’avait pas de motif raisonnable de croire que sa conduite était conforme à la loi, le tout sous réserve encore de l’art. 604.8 L.c.v.[95]. Pareillement, si l’on juge que l’art. 604.7, al. 1, paragr. 1 s’applique en matière criminelle, la municipalité n’aura droit au remboursement que dans la mesure où elle démontrera l’existence d’une faute lourde, intentionnelle ou séparable des fonctions de l’élu, le tout sous réserve de l’art. 604.8.

[120]     Cette règle paraît tout à fait compréhensible - et opportune - dans la mesure où le législateur connaît, cela va sans dire, la manière dont sont instituées les poursuites criminelles, au moyen d’actes d’accusation ou de dénonciations souvent minimalistes[96]. Or, s’il est, à l’occasion, possible d’opposer une défense fondée sur l’art. 604.7 L.c.v. à une demande formulée en vertu de l’art. 604.6 L.c.v., alors que la poursuite civile contre l’élu vient d’être entreprise ou qu’elle est encore pendante, et ce, parce que les actes de la procédure civile sont habituellement assez diserts, le législateur ne peut avoir voulu que ce soit le cas en matière criminelle. Vu le caractère sibyllin des accusations criminelles, les « allégations » ne permettent pas de débat à ce stade (sauf à faire le procès criminel, ce qui ne serait guère approprié)[97]. On peut penser également que le législateur était conscient aussi de la présomption d’innocence dont bénéficie l’élu accusé d’une infraction criminelle. Certes, on veut bien que la présomption d’innocence ne dispense pas l’élu de démontrer qu’il remplit les conditions de l’art. 604.6 L.c.v., en ce sens qu’il ne peut pas se contenter à cette fin de brandir l’acte d’accusation à son endroit, mais cela ne change pas la nature de son fardeau de preuve, qui demeure celui d’une démonstration prima facie.

[121]     En somme, la lecture combinée des art. 604.6, al. 1, paragr. 2, 604.7 et 604.8 L.c.v. et l’architecture même de ces dispositions, examinées ensemble et l’une en fonction de l’autre, montrent, il me semble, le caractère large et libéral qu’il convient d’accorder à l’interprétation et à l’application de l’art. 604.6 L.c.v. : que ce soit d’emblée (lorsque la poursuite contre l’élu est pendante) ou par la suite (lorsqu’elle ne l’est plus), la municipalité doit assumer les frais de la défense de l’élu municipal poursuivi au criminel (ou au pénal) en rapport avec ses fonctions (sur preuve prima facie de l’individu), à moins que, sur admission de l’élu ou jugement passé en force de chose jugée, elle n’établisse de manière prépondérante les conditions du remboursement prévu par l’art. 604.7, disposition dont l’application doit tenir compte de l’art. 604.8 L.c.v.

[122]     En outre (et c’est là un élément que la jurisprudence antérieure n’a apparemment pas considéré), il faut encore examiner le contexte législatif général dans lequel s’insère le régime mis en place par la Loi sur les cités et villes (ainsi que par le Code municipal du Québec)[98]. Comme on le verra en effet, ce régime se distingue de ceux que le législateur a institués au bénéfice d’autres titulaires de certaines charges et la comparaison se révèle fort instructive.

[123]     On trouvera en annexe aux présents motifs une série de dispositions législatives issues des lois suivantes : Loi sur l’Assemblée nationale[99], Loi sur les assureurs[100], Loi sur l’Autorité régionale de transport métropolitain[101], Loi sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec[102], Loi sur les compagnies[103], Loi sur le Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec[104], Loi sur les coopératives[105], Loi sur les coopératives de services financiers[106], Loi sur le développement de la région de la Baie James[107], Loi sur l’encadrement du secteur financier[108], Loi sur la gouvernance des sociétés d’État[109], Loi sur Hydro-Québec[110], Loi sur Investissement Québec[111], Loi sur l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux[112], Loi sur l’instruction publique[113], Loi sur les musées nationaux[114], Loi sur le Réseau de transport métropolitain[115] et Loi sur les services de santé et les services sociaux[116].

[124]     Toutes ces lois comportent des dispositions prévoyant que l’entité en cause doit, à certaines conditions et dans certaines circonstances, assumer le coût de la défense de ses administrateurs ou employés aux poursuites intentées contre eux relativement à des actes ou omissions liés aux fonctions de leur charge. Dans tous les cas, ces dispositions prévoient cependant un traitement particulier pour les accusations criminelles ou pénales portées contre l’individu, avec quelques variations.

[125]     Ainsi, dans plusieurs des lois énumérées ci-dessus, on trouve une disposition comme celle-ci, extraite en l’occurrence de la Loi sur Hydro-Québec :

18.1.    La Société assume la défense d’un membre du conseil d’administration qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions et paie, le cas échéant, pour le préjudice résultant de cet acte, sauf s’il a commis une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de ses fonctions.

18.1.    If a board member is sued by a third party for an act done in the exercise of the functions of office, the Company shall assume the board member’s defence and pay any damages awarded as compensation for the injury resulting from that act, unless the board member committed a gross fault or a personal fault separable from those functions.

            Toutefois, lors d’une poursuite pénale ou criminelle, la Société n’assume le paiement des dépenses d’un membre du conseil que lorsqu’il a été libéré ou acquitté ou lorsque la Société estime que celui-ci a agi de bonne foi.

            In penal or criminal proceedings, however, the Company shall pay the board member’s defence costs only if the board member was discharged or acquitted, or if the Company deems that the board member acted in good faith.

 

[Je souligne]

[126]     Le membre du conseil faisant l’objet d’une poursuite criminelle ou pénale n’a donc pas droit au soutien financier d’Hydro-Québec pendant que l’instance est pendante contre lui. Il n’y a droit que par la suite et seulement s’il a été libéré ou acquitté de l’accusation portée contre lui (discharged or acquitted). Par exception, s’il en a été déclaré coupable, Hydro-Québec peut décider de lui rembourser les frais de sa défense lorsqu’elle estime que l’acte ayant donné lieu à la poursuite a été posé de bonne foi, exception qui s’applique tant aux matières criminelles que pénales.

[127]     On trouve une disposition quasi identique dans les lois suivantes (disposition applicable aux membres du conseil d’administration ou, dans certains cas, applicable également aux membres du personnel) : Loi sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec (art. 9, al. 2); Loi sur le Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec (art. 26 al. 2); Loi sur la gouvernance des sociétés d’État (art. 10, al. 2); Loi sur l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (art. 35, al. 2); Loi sur les musées nationaux (art. 18, al. 2).

[128]     Dans d’autres lois, l’exception relative au comportement de bonne foi est remplacée par une exception comme celle-ci, extraite de la Loi sur le développement de la région de la Baie James :

15.7     La Société assume la défense de son administrateur qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions et paie, le cas échéant, les dommages-intérêts résultant de cet acte, sauf si celui-ci a commis une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de ses fonctions.

15.7     The Société shall assume the defence of any director prosecuted by a third person for an act done in the exercise of the director’s functions and shall pay the damages, if any, occasioned by that act, unless the director has committed a gross fault or a personal fault separable from the exercise of the director’s functions.

            Toutefois, lors d’une poursuite pénale ou criminelle, la Société n’assume le paiement des dépenses de son administrateur que lorsque celui-ci avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était conforme à la loi ou qu’il a été libéré ou acquitté.

            Notwithstanding the foregoing, in a penal or criminal proceeding, the Société shall assume the payment of the expenses of a director only if the director had reasonable grounds to believe that the director’s conduct was in conformity with the law or if the director has been discharged or acquitted.

 

[Je souligne]

[129]     Une disposition semblable figure dans la Loi sur l’encadrement du secteur financier (art. 32.1 et 115.15.61), et, à quelques mots près, dans la Loi sur les assureurs (art. 364) ainsi que dans la Loi sur les compagnies (art. 123.87). Les lois suivantes, désormais abrogées, contenaient elles aussi le même genre de disposition (parfois une disposition identique) : Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec[117] (art. 12); Loi sur la Société de développement de la zone de commerce international de Montréal à Mirabel[118] (art. 32); Loi sur la Société Innovatech du Grand Montréal[119] (art. 15); Loi sur la Société Innovatech du sud du Québec[120] (art. 15); Loi sur la Société Innovatech Québec et Chaudière-Appalaches[121] (art. 15); Loi sur la Société Innovatech Régions ressources[122] (art. 15); Loi concernant la Société nationale du cheval de course[123] (art. 3); Loi sur les sociétés d’entraide économique[124] (art. 74); Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d’épargne[125] (art. 113).

[130]     Dans certaines lois, plus restrictives, la personne faisant l’objet d’une poursuite criminelle ou pénale ne sera remboursée des frais de sa défense que si elle est acquittée de l’accusation (et non pas seulement libérée / discharged), à moins que l’organisme en cause, encore une fois, n’estime qu’elle a agi de bonne foi. C’est ce que prévoit par exemple la Loi sur l’Autorité régionale de transport métropolitain :

70.       L’Autorité assume la défense des membres de son conseil et de ses employés qui sont poursuivis par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de leurs fonctions et paie, le cas échéant, pour le préjudice résultant de cet acte, sauf si une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de leurs fonctions a été commise.

70.       If employees or board members of the Authority are sued by a third person for an act done in the exercise of their functions, the Authority assumes their defence and pays any damages awarded as compensation for the injury resulting from that act, unless they committed a gross fault or a personal fault separable from the exercise of their functions.

            Toutefois, dans le cadre d’une poursuite pénale et criminelle, l’Autorité n’assume le paiement des dépenses que lorsque la personne poursuivie a été acquittée ou lorsque l’Autorité estime que celle-ci a agi de bonne foi.

            In penal or criminal proceedings, however, the Authority pays the defence costs of employees or board members being sued only if they were acquitted, or if it judges that they acted in good faith.

 

[Je souligne]

[131]     On trouve la même disposition, limitée à l’acquittement, dans la Loi sur Investissement Québec (art. 57, al. 2) et dans la Loi sur le Réseau de transport métropolitain (art. 47, al. 2).

[132]     Quelques lois ajoutent que l’intéressé pourra être remboursé des frais de sa défense lorsque les accusations contre lui auront été retirées ou rejetées. Il en va ainsi de la Loi sur les services de santé et les services sociaux :

175.     Un établissement assume la défense d’un membre du conseil d’administration qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions.

175.     Each institution shall assume the defence of any member of its board of directors who is prosecuted by a third person for an act done in the performance of his duties.

            Toutefois, lorsqu’un membre du conseil d’administration fait l’objet d’une poursuite pénale ou criminelle, l’établissement n’assume le paiement des dépenses du membre que lorsque ce dernier avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était conforme à la loi ou qu’il a été libéré ou acquitté, ou que la poursuite a été retirée ou rejetée.

            In penal or criminal proceedings, however, the institution shall assume the payment of the expenses of a member of the board of directors only where he had reasonable grounds to believe that his conduct was in conformity with the law, or if he has been freed or acquitted or if the proceedings have been withdrawn or dismissed.

 

[Je souligne]

[133]     La Loi sur les coopératives (art. 103) et la Loi sur les coopératives de services financiers (art. 107) disposent semblablement.

[134]     Finalement, la Loi sur l’Assemblée nationale prévoit un régime particulier, qui distingue le criminel du pénal. De façon générale, le député a droit au paiement des frais de sa défense (incluant les frais judiciaires) lorsqu’il est poursuivi civilement (ou administrativement) par un tiers en raison de l’acte qu’il a posé ou omis de poser dans l’exercice de ses fonctions (art. 85.1), sous certaines réserves en cas de mauvaise foi, de faute lourde ou de défaut de faire appel (art 85.4). Les règles suivantes s’appliquent à la poursuite criminelle ou pénale :

85.2.    Dans le cas d’une poursuite de nature criminelle, les frais de la défense et les frais judiciaires ne sont payés que si la poursuite a été retirée ou rejetée ou que si le député ou l’ancien député a été acquitté par un jugement passé en force de chose jugée ou a été libéré.

85.2.    In the case of criminal proceedings, the defence costs and judicial costs shall be paid only if the case was withdrawn or dismissed or if the Member or former Member was acquitted by a judgment that has become res judicata, or was discharged.

85.3.    Lorsque le député ou l’ancien député est reconnu coupable d’une infraction de nature pénale par un jugement passé en force de chose jugée, aucuns frais ne peuvent être payés et l’Assemblée doit, le cas échéant, réclamer le remboursement de ceux qui l’ont été, sauf si le Bureau estime, après avoir obtenu l’avis du jurisconsulte, que le député ou l’ancien député avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était conforme à la loi. Dans ce dernier cas, l’Assemblée assume le paiement de la condamnation de nature pécuniaire, le cas échéant.

85.3.    Where a Member or former Member is found guilty of a penal offence in a judgment that has become res judicata, no costs or expenses may be paid and the Assembly shall recover any costs or expenses paid except where the Office, after obtaining the advice of the jurisconsult, is of the opinion that the Member or former Member had reasonable grounds for believing that the conduct in question was in conformity with the law. In the latter case, the Assembly shall assume the payment of any pecuniary penalty.

[135]     Le député visé par une poursuite criminelle ne pourra donc obtenir le remboursement des frais de sa défense que si la poursuite a été retirée ou rejetée, ou encore s’il en a été acquitté ou libéré par un jugement passé en force de chose jugée (et donc, le cas échéant, après appel). En matière pénale, la situation est différente et, par la conjonction des art. 85.1, al. 2 et 85.3, l’on comprend que le député peut être financièrement soutenu pendant l’instance, mais qu’il devra rembourser l’Assemblée nationale s’il est déclaré coupable, sauf si le jurisconsulte de celle-ci estime qu’il avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était conforme à la loi, exception qui n’existe pas dans le cas de la poursuite criminelle.

[136]     Au-delà des quelques différences dans l’une ou l’autre loi, une caractéristique commune émerge : la personne visée par une poursuite criminelle n’a droit à aucun soutien financier pendant que l’instance entreprise contre elle est pendante. Les textes sont assez clairs : le régime en est un de remboursement seulement, remboursement conditionnel, selon le cas, à l’acquittement, à la libération, au rejet ou au retrait des accusations ou, en cas de culpabilité, sujet généralement à une exception de bonne foi ou de motifs raisonnables. Le cas échéant, le débat sur l’exercice des fonctions aura donc lieu à l’issue de la poursuite criminelle, alors que tous les faits sont connus et sont l’objet d’un jugement, ou sinon d’un retrait des accusations. Par contraste, toutes ces lois prévoient également, dans le cas des poursuites civiles, un soutien financier plus ou moins généreux pendant que l’instance est pendante, sujet au droit du payeur de réclamer les sommes qu’il a versées dans certains cas.

[137]     Comme on le constate, ces dispositions diffèrent sensiblement de celles qui régissent les élus municipaux et l’analyse comparée des unes et des autres confirme le caractère plus large des art. 604.6 et s. L.c.v.

[138]     Le seul régime à peu près aussi généreux que celui des élus municipaux est celui que la Loi sur l’instruction publique crée en faveur des membres d’un conseil d’établissement ou d’un conseil des commissaires (encore qu’il ne comporte pas l’équivalent de l’art. 604.8 L.c.v.) :

73.       La commission scolaire assume la défense d’un membre du conseil d’établissement qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions.

73.       The school board shall assume the defence of any member of the governing board who is prosecuted by a third person for an act done in the exercise of governing board functions.

            Dans le cas d’une poursuite pénale ou criminelle, la commission scolaire peut exiger du membre poursuivi le remboursement des dépenses engagées pour sa défense, sauf si ce dernier avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était conforme à la loi, si la poursuite a été retirée ou rejetée ou s’il a été libéré ou acquitté.

            In the case of penal or criminal proceedings, the school board may require a member who has been prosecuted to repay the defence expenses, except if the member had reasonable grounds to believe that the act was in conformity with the law, if the proceedings were withdrawn or dismissed or if the member was discharged or acquitted.

            En outre, la commission scolaire peut exiger le remboursement des dépenses engagées pour la défense d’un membre qui a été reconnu responsable de dommages causés par un acte qu’il a accompli de mauvaise foi dans l’exercice de ses fonctions.

            As well, the school board may require repayment of the defence expenses by the member if the member was found liable for damage caused by an act done in bad faith in the exercise of governing board functions.

177.2   La commission scolaire assume la défense d’un membre du conseil des commissaires qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions.

177.2   The school board shall assume the defence of any member of the council of commissioners who is prosecuted by a third person for an act done in the exercise of council functions.

            Dans le cas d’une poursuite pénale ou criminelle, la commission scolaire peut exiger du membre poursuivi le remboursement des dépenses engagées pour sa défense, sauf si ce dernier avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était conforme à la loi, si la poursuite a été retirée ou rejetée ou s’il a été libéré ou acquitté.

            In the case of penal or criminal proceedings, the school board may require a member who has been prosecuted to repay the defence expenses, except if the member had reasonable grounds to believe that the act was in conformity with the law, if the proceedings were withdrawn or dismissed or if the member was discharged or acquitted.

            En outre, la commission scolaire peut exiger le remboursement des dépenses engagées pour la défense d’un membre qui a été reconnu responsable du préjudice causé par un acte qu’il a accompli de mauvaise foi dans l’exercice de ses fonctions.

            As well, the school board may require repayment of the defence expenses by the member if the member was found liable for damage caused by an act done in bad faith in the exercise of council functions.[126]

 

[Je souligne]

[139]     Bref, au terme de cette revue du contexte législatif général dans lequel s’insèrent les dispositions de la L.c.v., on peut croire que si le législateur avait voulu le même type de régime dans le cas des élus, fonctionnaires et employés municipaux, il aurait usé d’une formulation analogue à celle que l’on trouve dans ces autres lois, ce qui n’est pas le cas. Cette différence ne peut s’expliquer par une inadvertance législative. Par exemple, les dispositions plus restrictives de la Loi sur les coopératives[127] et de la Loi sur l’instruction publique[128] ont été adoptées respectivement en 1983 et en 1988 et auraient pu servir de modèle aux art. 604.6 et s. L.c.v. (et 711.19.1 et s. C.m.). Or, cela n’a pas été le cas.

* *

[140]     Tout cela pour dire que, au terme d’une analyse « textuelle, contextuelle et téléologique »[129] (examen du texte, de la structure et de l’agencement des art. 604.6 à 604.9 L.c.v., de leur objet, des circonstances de leur adoption, ainsi que de l’ensemble des dispositions législatives en semblables matières), j’en viens à la conclusion suivante : l’élu municipal visé par une poursuite criminelle dont l’objet est prima facie[130] rattaché à sa qualité d’élu et à ses fonctions, c’est-à-dire qui a un rapport avec celles-ci ou découle de situations dans lesquelles elles le placent, a droit à l’assistance de la municipalité, qui est tenue de la lui accorder, et ce, même dans le cas où l’acte reproché, s’il était prouvé, constituerait un abus ou un détournement de ces fonctions, le tout sous réserve du droit au remboursement ou à la cessation de paiement édicté par l’art. 604.7, al. 1, paragr. 1 ou 3, aux conditions prévues par les art. 604.7, al. 2 et 3 et 604.8 L.c.v. Si la poursuite criminelle est terminée au moment où l’élu présente sa demande à la municipalité, son fardeau demeure le même (celui d’une simple preuve prima facie des conditions d’application de l’art. 604.6), la municipalité pouvant cependant lui opposer un refus fondé sur les art. 604.7 et 604.8 L.c.v., pour autant qu’elle en établisse, par prépondérance, les conditions d’application (et notamment, s’il y a lieu, que l’acte que l’élu aurait commis est une faute séparable de l’exercice de ses fonctions).

[141]     C’est de cette manière que le législateur a choisi d’assurer l’équilibre entre les intérêts des uns et des autres et c’est là son intention : l’art 604.6 protège les intérêts de l’élu (ou du fonctionnaire ou de l’employé municipal) et l’art. 604.7 (tempéré par l’art. 604.8) protège ceux de la municipalité et de ses contribuables.

[142]     Si le législateur souhaite resserrer le régime de protection accordé aux élus municipaux (tout comme aux fonctionnaires et employés municipaux), il n’est évidemment pas privé de le faire en adoptant l’une ou l’autre des formules mentionnées dans les autres lois qu’examinent les pages précédentes, ou autrement. Comme le souligne le juge Yergeau dans Mailhot[131] :

[41]      Mais c’était sans compter sur un phénomène qui s’est fait jour petit à petit pour prendre l’ampleur qu’on lui connaît aujourd’hui : les accusations de malversation de la part de certains élus et fonctionnaires, allant de l’abus de confiance à la fraude, des actes de corruption dans les affaires municipales à l’usage de faux et au complot.

[42]      Nombreuses sont à présent les municipalités touchées par ce phénomène. La question se pose dès lors sous un jour différent : est-ce au public d’assumer les frais de défense de ceux et celles qui font l’objet de telles accusations lorsque les actes qui sont reprochés n’ont été posés que dans l’intérêt personnel de ceux et celles qui les posent et non dans l’intérêt de la municipalité qu’ils sont supposés servir de façon altruiste? En corollaire, suffit-il pour les élus et fonctionnaires accusés d’invoquer leur statut et le fait qu’ils soient l’objet de poursuites pour que les municipalités soient tenues d’ouvrir leurs coffres pour payer leurs avocats?

[143]     Si le législateur estime en effet que le contexte de 1996 a changé et que la municipalité n’a pas à assumer ces frais (qui peuvent être fort élevés[132], même s’ils sont par hypothèse raisonnables, et constituer un fardeau financier important), alors même qu’on ignore si les élus ou fonctionnaires ainsi accusés sont coupables ou non de l’infraction reprochée, il peut modifier la loi.

[144]     Tout cela étant dit, comment statuer en l’espèce?

4.         Application du droit aux faits de l’espèce

[145]     En quelques mots, il ressort de la preuve que M. Pépin s’est abondamment déchargé du fardeau qui lui incombait en vertu de l’art. 604.6 L.c.v. Notons aussi que si, techniquement, il n’avait à cet égard que l’obligation d’une preuve prima facie, il s’en est acquitté par prépondérance, réussissant même à démontrer que les accusations criminelles dont il était l’objet visaient des actes posés dans l’accomplissement ordinaire des fonctions inhérentes à sa charge de maire ainsi que « dans l’intérêt de la municipalité plutôt que dans le sien uniquement »[133]. Il a même réussi à démontrer (ce qui n’était pas requis) que les accusations portées contre lui peuvent être qualifiées de frivoles. De son côté, la Ville a échoué à miner cette preuve tout comme à établir les circonstances qui auraient pu motiver son refus de payer en vertu de l’art. 604.7 L.c.v., notamment en établissant que les actes posés par M. Pépin étaient séparables de l’exercice de ses fonctions (art. 604.7, al. 1, paragr. 1).

[146]     C’est là, en définitive, la conclusion du juge de première instance, sur la foi de témoignages et de pièces dont l’appréciation, comme nous le verrons, n’est pas entachée d’une erreur manifeste et déterminante. Que son jugement expose par ailleurs le droit de manière approximative ne justifie pas non plus que la Cour statue autrement, comme nous le verrons aussi.

[147]     Ouvrons ici une brève parenthèse. La Ville, dans son mémoire, déplore la manière dont le procès s’est déroulé. Il faut malheureusement reconnaître que le juge s’est en effet comporté avec une impatience confinant parfois à la rudesse et que les avocates au dossier - particulièrement celle qui représentait alors la Ville - ont reçu leur part de commentaires acerbes. On ne peut pour autant, au regard des normes applicables, conclure à l’existence chez le juge d’idées préconçues qui vicieraient fatalement le procès et le jugement qui s’est ensuivi[134].

* *

[148]     Il faut d’abord souligner que, du moins dans un premier temps, la défense (orale) de la Ville, devant la Cour supérieure, consistait à alléguer que « les actes ayant été commis par le demandeur ne l’ont pas été dans le cadre de l’exercice de ses fonctions », et que, « [e]n conséquence, l’article 604.6 de la Loi sur les cités et villes ne s’applique pas en l’espèce »[135]. Plus précisément, comme l’énonce la demande en irrecevabilité présentée (sans succès) par la Ville :

8.         Même en tenant pour avérés les faits allégués à la requête, le recours de Pépin est irrecevable en droit.

9.         Pour être en mesure de se prévaloir du régime de protection prévu à l’article 604.6 LCV, trois conditions doivent être remplies, à savoir :

i.    La personne visée doit être le défendeur, l’intimé ou la mise en cause dans le cadre d’une poursuite;

ii.    La protection doit intervenir en raison d’une procédure dont est saisi le tribunal;

ii.    La procédure doit être fondée sur un acte ou une omission dans le cadre de l’exécution des fonctions de la personne visée. (notre emphase)

10.       Dans la mesure où l’une de ces conditions n’est pas présente, la municipalité n’est pas tenue d’assumer les frais de défense de l’élu.

11.       Or, la jurisprudence a clairement établi que la fraude, la corruption et l’abus de confiance ne constituent pas des gestes pouvant être posés dans l’exécution des fonctions d’un élu.

12.       De plus, le fait que le demandeur allègue avoir été libéré des accusations criminelles portées contre lui n’a aucune pertinence le retrait d’accusations dans le cadre de la gestion du dossier ne faisant pas partie des critères à évaluer aux fins de l’application de l’article 604.6 LCV.

13.       Ainsi, il paraît clair et sans équivoque que le demandeur ne peut bénéficier de la protection prévue à l’article 604.6 LCV et que son recours est manifestement voué à l’échec.

[149]     C’est donc à l’existence même de l’une des conditions d’enclenchement de l’art. 604.6, al. 1, paragr. 2 L.c.v. que la Ville s’attaquait ici, point de vue qu’elle pouvait défendre également en vertu de l’art. 604.7, al. 1, paragr. 1 L.c.v. (mais dont elle devait alors assumer le fardeau de preuve). Il va sans dire qu’elle ne disposait pas du moyen de défense prévu par l’art. 604.7, al. 1, paragr. 3 L.c.v., disposition inapplicable à l’affaire : comme on le sait, M. Pépin n’a pas été déclaré coupable des accusations criminelles portées contre lui. Il n’a par ailleurs réclamé les frais de sa défense qu’après le retrait de ces accusations. Rappelons aussi que, au moment où fut prononcé le jugement de première instance, en mai 2018, plus de deux ans et demi après leur retrait, les accusations n’avaient pas été réintroduites, aucune autre n’ayant été portée contre lui.

[150]     Parlons d’abord des infractions reprochées à M. Pépin dans les chefs d’accusation 1 à 12, qui visaient le projet de la bibliothèque et la vente de terrains municipaux (voir supra, paragr. [7]).

[151]     Lors du procès, M. Pépin a cherché à établir (1) que les actes qui lui étaient apparemment reprochés (pour autant qu’ils aient pu être identifiés) avaient bel et bien été accomplis dans l’exercice même de ses fonctions de maire de la Ville (au sens large reconnu par les arrêts Houde c. Benoît[136] et Packington) ainsi que dans l’intérêt de celle-ci (peu importe que, au bout du compte, la Ville ait été avantagée ou non[137]) et (2) que les accusations portées contre lui étaient frivoles. À cette fin, documents à l’appui, il a témoigné (sans être contre-interrogé) et il a expliqué comment toutes les décisions qu’il a prises ou les gestes qu’il a posés relativement à la bibliothèque ou à la vente des terrains l’ont été sur la foi d’études faites par des experts et d’informations fournies par les fonctionnaires de la Ville. Il ne nie pas avoir discuté avec M. Veres (son complice allégué dans l’affaire de la bibliothèque), mais on comprend aussi qu’il affirme avoir procédé ainsi afin d’obtenir tous les renseignements nécessaires à la prise de décision et à ses discussions avec les autres membres du conseil municipal et avec les fonctionnaires. Il a pu, à l’occasion se tromper : dans l’affaire des terrains, il aurait été dans un premier temps convaincu que M. Roy, son prétendu complice, avait un droit de premier refus quant à l’achat de ces terrains. Ayant réalisé son erreur, il a voté, comme les autres membres du conseil, en faveur de la vente des terrains par offre d’achat publique[138].

[152]     L’avocate de M. Pépin a également assigné Mme Sophie Laflamme, greffière de la Ville, dont le témoignage n’a pas été particulièrement utile, si ce n’est que, contre-interrogée par l’avocate de la Ville, elle a expliqué ceci : ayant demandé à l’UPAC, en 2016, de lui renvoyer les documents municipaux saisis lors de perquisitions menées aux fins de l’enquête Hydre, on le lui a refusé au motif que ladite enquête « était ouverte »[139].

[153]     Enfin, l’avocat criminaliste de M. Pépin, Me Conrad Lord, dûment relevé de son secret professionnel, a témoigné de ce que, à son avis, rien dans la preuve qui lui a été communiquée par le ministère public n’aurait pu mener à une déclaration de culpabilité. Plus encore, il explique n’avoir pas même été en mesure d’identifier les reproches adressés à son client, ni de saisir leur fondement factuel. Selon lui, le poursuivant a donc pris la bonne décision en retirant toutes les accusations[140].

[154]     De son côté, comme l’a indiqué son avocate lors du procès, la Ville présentait essentiellement un argument de droit découlant de sa lecture de l’arrêt Berniquez[141]. C’est ce qu’elle réitère par exemple dans le cadre d’une discussion avec le juge lors de la déposition de son unique témoin (voir infra) :

Je ne suis pas sûre de vous avoir suivi, là, mais ce que je voulais dire, c’est que les infractions qui sont en cause, puis là, je ne veux pas dire que monsieur Pépin et coupable ou pas coupable, ce n’est pas ça, là. Les infractions qui sont libellées à la pièce D-1 celles-là, ça a été clairement réglé en jurisprudence, c’est la position de la Ville.[142]

[155]     Il paraît cependant que, sans chercher à établir la culpabilité de M. Pépin, l’avocate de la Ville envisageait néanmoins de contredire la preuve de celui-ci en montrant que, malgré leur retrait, les accusations portées contre lui n’étaient ni frivoles ni manifestement mal fondées et qu’elles reposaient sur une enquête policière sérieuse[143]. Vraisemblablement afin d’asseoir cette prétention, elle entendait établir que l’enquête Hydre, laquelle a donné lieu aux accusations, n’était pas terminée et se poursuivait toujours[144] (d’où, d’ailleurs, la question posée en contre-interrogatoire à Mme Laflamme[145]).

[156]     Là-dessus, la Ville a présenté le témoignage de M. Pierre-Luc Brisson, membre de l’UPAC et auteur de la pièce D-1 (« demande d’intenter des procédures »). D’une part, M. Brisson a expliqué que, au moment où il a préparé ce document, il estimait avoir des motifs raisonnables de croire que M. Pépin avait commis les infractions dont il a été ultérieurement inculpé, bien que, par la suite, les accusations aient été retirées. D’autre part, il a eu l’occasion d’expliquer les diverses étapes d’une enquête de l’UPAC, à l’époque, depuis le moment où une plainte ou une dénonciation est reçue, jusqu’au moment où l’enquêteur, lui-même en l’occurrence, commence ses recherches sur le terrain. Quant à la poursuite de l’enquête Hydre postérieurement au retrait des accusations contre M. Pépin, cependant, le témoin Brisson s’est heurté à un obstacle.

[157]     Le juge de première instance, en effet, a déclaré (entre autres choses) n’être pas intéressé à entendre le témoin à ce sujet puisqu’il aurait contredit le jugement de la Cour du Québec qui, s’appuyant sur les déclarations en ce sens d’un avocat du Directeur des poursuites criminelles et pénales, avait déjà conclu que cette enquête était terminée[146].

[158]     Or, même si on pouvait considérer que le juge a eu tort d’appuyer sa décision sur ce motif, il demeure que, dans les circonstances, le témoignage de M. Brisson sur ce point n’était pas pertinent. En effet, selon ce qui ressort de ses propos et de ceux de l’avocate de la Ville[147], il appert que si l’enquête Hydre se poursuivait, c’était sur un autre volet, c’est-à-dire sur des infractions autres que celles dont M. Pépin a été accusé. Plus encore, la preuve montre également qu’au moment où les accusations contre M. Pépin ont été retirées par le ministère public, en 2015, ce second volet n’était pas encore véritablement activé. Ce n’est que quelques années plus tard, consécutivement à une décision de la Cour suprême, que la consultation de certains documents aurait amené l’UPAC à se pencher de nouveau sur la situation de M. Pépin, en rapport avec d’autres infractions potentielles (et quoi qu’il ait été dit à la greffière Laflamme en 2016, voir supra, paragr. [150]).

[159]     D’ailleurs, après de nombreux échanges avec le juge, l’avocate de la Ville expliquera finalement que :

            Bon, alors, sur ce volet-là précis, avec la décision, là, vous vouliez en prendre connaissance, ce que, nous, on veut mettre en preuve, c’est que l’enquête n’est pas terminée. Et le témoin s’apprêtait à vous expliquer sur quelle base on fait une telle affirmation. Vous vous êtes questionné hier à savoir, bien voyons donc, l’enquête, est-ce qu’elle est encore, est ce qu’elle est encore en cours, considérant le paragraphe 29 de la Juge Beauchemin, dans lequel il semble être indiqué que l’enquête criminelle n’est pas terminée. Et c’est pour ça qu’on fait référence à cette décision-là, pour vous expliquer que, effectivement, il y a un volet de l’enquête qui n’est pas terminé. Alors, je peux poser la question au témoin comme ça, Monsieur le Juge.[148]

[160]     Le témoin Brisson confirmera lui-même que :

R-        Effectivement, c’est dans le même cadre du dossier, c’est le dossier HYDRE, c’est un volet distinct de l’enquête qui n’a pas été encore soumis au DPCP, puisqu’on n’avait pas accès…

Q-        O.K.

R-        … à toute la preuve.[149]

[161]     La question de ce second volet n’était donc pas pertinente au débat tel qu’engagé devant la Cour supérieure. Ce débat se limitait aux frais de la défense de M. Pépin aux accusations portées contre lui en 2013, puis retirées en 2015, aucune autre accusation n’ayant été déposée par la suite et M. Pépin n’ayant évidemment présenté aucune demande à la Ville l’égard de ce second volet (dont l’existence possible n’a été dévoilée du reste qu’au procès). Que l’enquête se soit poursuivie sur un autre volet et sur d’autres infractions potentielles ne relève pas de la même cause, et d’autant moins que la Ville n’a pas soulevé cette question dans sa défense[150], ce que le juge ne manque pas de faire remarquer à son avocate[151]. L’avocate de M Pépin ne dit elle-même pas autre chose :

            Mais avec respect, Monsieur le Juge, de toute façon, si c’était le cas, je ne dis pas que c’est le cas, parce que je n’ai pas cette information-là, si c’était le cas, on s’entend que les accusations qui ont été rendues contre monsieur Pépin ont été retirées et c’est pour ça les honoraires. Il n’y a pas... s’il y un autre dossier ou quelque chose, ou si c’est quelque chose qui revient, la Ville aura toujours l’autre article 604.7 pour (inaudible). […]

            … mais, là, on s’entend qu’aujourd’hui, encore une fois je répète, on ne fait pas... on ne plaide pas au criminel, on n’est pas au criminel ici, là. La défense, au début, ce qu’elle disait, c’est juste que la nature des actes commis ne peut pas être fait dans l’exercice de ses fonctions. Puis là, on dit que, depuis le dix-huit (18) mars, on a un autre motif de défense.[152]

[162]     On notera aussi que, à supposer même que le fait de la continuation de l’enquête sur d’autres infractions eût été pertinent, M. Brisson n’aurait pas été en mesure d’en dire grand-chose, comme le montre l’échange suivant :

LA COUR :

            Là, je vais aller un petit peu plus loin. Si votre témoin nous explique que ça peut être pertinent ou c’est pertinent, hum? Présumément, c’est pour ça, qu’il veut me dire : bien là, la décision de la Cour suprême fait qu’on va pouvoir regarder les documents puis (inaudible) vient de tomber. S’il me dit ça, je vais lui demander, mais qu’est-ce qu’il y a là-dedans?

Me CATHERINE ROUSSEAU :

            Il faut poser la question, Monsieur le Juge.

LA COUR :

            Tut, tut, tut, je vais lui demander : qu’est-ce qu’il y a là-dedans? Et là, je pense que l’avocate qui est à votre droite va se lever et va dire : Monsieur le Juge, c’est confidentiel. N’est-ce pas?

Me XANTHOULA KONIDARIS :

            Effectivement, c’est le...

LA COUR :

            Et donc, on ne...

Me XANTHOULA KONIDARIS :

... privilège de l’enquête qui est en cours, Monsieur le Juge (inaudible).[153]

[163]     Il faut enfin souligner que le témoin Brisson finit par admettre n’être pas impliqué dans la décision de continuer ou non l’enquête sur M. Pépin, la chose ne relevant pas de son « niveau décisionnel »[154].

[164]     Une fois écartée cette preuve de la prétendue reprise de l’enquête Hydre, il ne restait au soutien de la défense de la Ville que la pièce D-1. Or, ce document laconique n’a guère de force probante et n’établit aucunement les prétentions de la Ville quant au fait que M. Pépin n’aurait pas agi dans l’exercice de ses fonctions. Il ne suffit pas non plus à contredire efficacement la preuve administrée par celui-ci.

[165]     Tout cela étant, on doit conclure que le juge n’a pas erré, que ce soit en fait ou en droit, en inférant de l’ensemble de la preuve que M. Pépin avait une défense sérieuse à faire valoir à l’encontre des accusations portées contre lui, accusations qui se rapportaient à des actes commis dans l’exercice de ses fonctions de maire et qui, en réalité, étaient frivoles[155]. Sans doute le jugement est-il assez brouillon et sans doute comporte-t-il des lacunes, mais cette conclusion est néanmoins suffisamment étayée par la preuve. Sur ce point, il faut noter que le juge a accordé un poids certain au fait même du retrait des accusations par le ministère public, indicateur à son avis d’une absence de preuve suffisante pour entraîner une condamnation, ainsi qu’à l’absence d’accusations subséquentes : dans les circonstances ressortant de la preuve administrée devant lui, l’inférence qu’il en a tirée afin de renforcer ses constats n’est pas déraisonnable.

[166]     En fait, la lecture de l’ensemble de cette preuve montre que, considérant le fardeau de persuasion qui lui incombait et celui qui incombait à la Ville, M. Pépin a réussi à établir de manière prépondérante que :

(1)       les gestes assez génériques qu’on lui reprochait dans les chefs 1 à 12 ont été posés, véritablement, dans l’exercice normal et usuel de ses fonctions de maire (au sens large des arrêts Houde c. Benoît[156] et Packington) et découlaient de situations dans lesquelles le plaçait l’exercice desdites fonctions, s’agissant d’actes inhérents à l’exécution de sa charge, comme ceux qui consistent à discuter avec des collègues, donner de l’information à ceux-ci ou à des fonctionnaires municipaux, faire valoir son point de vue, voter au moment de la réunion du conseil, etc., actes par ailleurs posés dans l’intérêt (au sens large également) de la Ville;

(2)       les accusations portées contre lui étaient frivoles, d’une faiblesse telle qu’elles ont été retirées.

[167]     Bref, considérée dans son ensemble, la preuve est telle que l’on n’a d’autre choix que de conclure, sur les chefs 1 à 12, que la démonstration requise a été faite de l’existence d’un lien avec les fonctions d’élu municipal. Cela permet à M. Pépin de recevoir le bénéfice de l’art. 604.6 L.c.v., disposition aux exigences de laquelle il répond, sans que, en l’absence d’une déclaration de culpabilité (visée par l’art. 604.7, al. 1, paragr. 3), la Ville réussisse à établir les fondements d’une défense fondée sur l’art. 604.7, al. 1, paragr. 1

[168]     Enfin, qu’en est-il des chefs d’accusation 13 et 14, qui viseraient un financement politique illégal (voir supra, paragr. [7])?

[169]     La preuve administrée au procès est muette sur ce sujet, si ce n’est la pièce D-1 qui, à cet égard, est si succincte qu’on ne saurait rien en conclure. On ne sait pas exactement de quoi il s’agit et la Ville n’en parle pas dans son mémoire.

[170]     De toute façon, il est impossible de distinguer, dans la demande de M. Pépin et les honoraires de son avocat criminaliste, ce qui se rapporterait spécifiquement à sa défense à ces accusations. Il paraît d’ailleurs que ces deux chefs ont été traités en même temps que tous les autres, sans que cela affecte le temps consacré par Me Lord à la défense de son ancien client. Ces deux chefs ont été retirés avec les autres et les déterminations du juge de première instance s’y appliquent, sans que la Ville (qui, rappelons-le, ne conteste pas les montants en cause) ait établi à cet égard une erreur révisable.

* *

[171]     L’appel soulève une dernière question : le juge, qui ne motive pas sa conclusion (sinon comme allant de soi[157]), a-t-il eu tort de condamner l’appelante à payer à M. Pépin les frais de l’action que celui-ci a dû entreprendre afin d’obtenir le remboursement des frais auxquels il avait droit en vertu de l’art. 604.6 L.c.v.[158]?

[172]     Affirmant n’avoir commis ni abus de droit au sens de l’arrêt Viel c. Entreprises immobilières du terroir ltée[159] ni abus de procédure ou autre forme d’abus sanctionnée par les art. 51 et s. C.p.c., la Ville soutient qu’elle ne peut être condamnée à payer les frais en question.

[173]     On ne peut en effet reprocher d’abus à la Ville, que ce soit au sens de l’arrêt Viel ou au sens des art. 51 et s. C.p.c. Elle doit néanmoins être condamnée à rembourser les frais en question à M. Pépin, et ce, en raison de l’art. 604.9 L.c.v., disposition dont on rappellera les deux premiers alinéas :

604.9.  En cas de contestation du droit de la municipalité d’obtenir le remboursement qu’elle demande en vertu du premier alinéa de l’article 604.7, l’article 604.6 s’applique, compte tenu des adaptations nécessaires, à l’égard de tout recours judiciaire pris par la municipalité en vue d’obtenir ce remboursement.

604.9.  Where the municipality’s right to obtain the reimbursement requested under the first paragraph of section 604.7 is contested, section 604.6, adapted as required, applies in respect of any judicial recourse exercised by the municipality in order to obtain such reimbursement.

            Le tribunal saisi du recours doit alors se prononcer aussi sur la justification de l’application de l’article 604.7 à l’égard de tout ou partie des dépenses que la municipalité doit faire en application du premier alinéa du présent article, comme si le recours avait le même fondement que la procédure originale visée à l’article 604.6.

            The court before which the recourse is exercised shall rule also on the applicability of section 604.7 in respect of all or part of the expenses to be incurred by the municipality for the purposes of the first paragraph of this section, as if the grounds for the recourse were the same as those for the original proceedings referred to in section 604.6.

[…]

(…)

[174]     Lorsqu’une ville, se fondant sur l’art. 604.7 L.c.v., réclame le remboursement des sommes qu’elle a payées à l’élu, au fonctionnaire ou à l’employé en vertu de l’art. 604.6, l’intéressé qui s’oppose à cette demande peut lui réclamer le paiement des sommes qu’il engage aux fins de sa contestation. Le juge doit alors se pencher sur l’application de l’art. 604.7 à cette réclamation (art. 604.9, al. 2), ce qui renvoie aussi à l’art. 604.8 L.c.v.

[175]     Bien que le texte législatif ne le dise pas expressément, ce principe vaut tout autant dans le cas où la réclamation de l’élu fondée sur l’art. 604.6 L.c.v., même postérieure à la fin des procédures contre lui, se heurte au refus de la municipalité, ce qui rend nécessaire d’instituer contre elle une action. On pourrait vouloir objecter que cela ne serait exact que si la municipalité refusait de payer en raison de l’art. 604.7 L.c.v. et non lorsqu’elle conteste simplement l’application de l’art. 604.6 L.c.v. L’argument me paraît indûment formaliste, surtout dans des circonstances comme celles de l’espèce. La demande de M. Pépin à cet égard, répondant à toutes les exigences requises, il y avait donc lieu, comme l’a fait le juge, de condamner la Ville au paiement des honoraires et débours extrajudiciaires engagés en première instance.

[176]     C’est à une conclusion semblable qu’en vient la Cour supérieure dans Saywell c. Municipalité de Grenville-sur-la-Rouge[160], lorsque, sur la base des dispositions équivalentes du Code municipal du Québec[161], elle écrit que :

[64]      L’article 711.19.4 du Code municipal prévoit que la protection juridique de l’élu s’étend au recours de la municipalité qui cherche à obtenir le remboursement des sommes déjà versées en vertu de 711.19.2 du Code municipal. Il s’agit encore une fois d’une protection automatique.

[65]      Il serait plutôt ironique que l’élu municipal soit privé de la protection juridique qui lui est due parce que la municipalité a fait défaut de s’adresser à la Cour comme elle aurait dû le faire pour retirer la protection juridique à M. Saywell et lui demander le remboursement des sommes déjà payées.

[66]      L’essence même de la protection juridique répugne à ce que les élus doivent obtenir celle-ci à leurs frais.

[Je souligne]

[177]     Ces propos sont transposables à l’espèce.

[178]     Il y aura donc lieu de confirmer à cet égard le jugement de première instance.

III.        Conclusion

[179]     Pour toutes ces raisons, je propose de rejeter la requête pour permission d’appeler nunc pro tunc, sans frais (puisqu’elle n’était pas nécessaire) et, sur le fond, de rejeter l’appel, avec frais de justice.

 

 

 

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 

 


 

Annexe - Dispositions législatives

Loi sur l’Assemblée nationale, RLRQ, c. A-23.1

85.1.    Un député ou, le cas échéant, un ancien député a droit, sous réserve des articles 85.2 à 85.4, au paiement des frais de sa défense et de ses frais judiciaires lorsqu’il est poursuivi par un tiers à la suite d’un acte qu’il a posé ou qu’il a omis de poser dans l’exercice de ses fonctions.

85.1.    A Member or a former Member is entitled, subject to sections 85.2 to 85.4, to the payment of the defence costs and judicial costs arising out of proceedings brought against the Member or former Member by a third person for any act or omission in the performance of the Member’s or former Member’s duties of office.

            Il a aussi droit au paiement des frais d’une assistance lorsqu’il est cité à comparaître relativement à ses fonctions, à l’occasion d’une enquête, d’une pré-enquête ou d’une instance judiciaire ou quasi judiciaire.

            The Member or former Member is also entitled to the payment of expenses incurred for counsel where the Member or former Member is summoned to appear at an inquiry, a preliminary inquiry or judicial or quasi-judicial proceedings in connection with the Member’s or former Member’s duties of office.

            Dans chaque cas qui lui est soumis, le Bureau de l’Assemblée nationale peut, après avoir obtenu l’avis du jurisconsulte nommé en vertu du Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale (chapitre C-23.1), fixer le montant maximum à être payé en vertu des premier et deuxième alinéas.

            In each case submitted to it, the Office of the National Assembly may, after obtaining the advice of the jurisconsult appointed under the Code of ethics and conduct of the Members of the National Assembly (chapter C-23.1), fix the maximum amount to be paid under the first and second paragraphs.

85.2.    Dans le cas d’une poursuite de nature criminelle, les frais de la défense et les frais judiciaires ne sont payés que si la poursuite a été retirée ou rejetée ou que si le député ou l’ancien député a été acquitté par un jugement passé en force de chose jugée ou a été libéré.

85.2.    In the case of criminal proceedings, the defence costs and judicial costs shall be paid only if the case was withdrawn or dismissed or if the Member or former Member was acquitted by a judgment that has become res judicata, or was discharged.

85.3.    Lorsque le député ou l’ancien député est reconnu coupable d’une infraction de nature pénale par un jugement passé en force de chose jugée, aucuns frais ne peuvent être payés et l’Assemblée doit, le cas échéant, réclamer le remboursement de ceux qui l’ont été, sauf si le Bureau estime, après avoir obtenu l’avis du jurisconsulte, que le député ou l’ancien député avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était conforme à la loi. Dans ce dernier cas, l’Assemblée assume le paiement de la condamnation de nature pécuniaire, le cas échéant.

85.3.    Where a Member or former Member is found guilty of a penal offence in a judgment that has become res judicata, no costs or expenses may be paid and the Assembly shall recover any costs or expenses paid except where the Office, after obtaining the advice of the jurisconsult, is of the opinion that the Member or former Member had reasonable grounds for believing that the conduct in question was in conformity with the law. In the latter case, the Assembly shall assume the payment of any pecuniary penalty.

85.4.    Lorsque, par un jugement passé en force de chose jugée à la suite d’une poursuite de nature civile, le député ou l’ancien député est reconnu responsable du préjudice causé à la suite d’un acte qu’il a posé ou omis de poser dans l’exercice de ses fonctions, aucuns frais ne peuvent être payés et l’Assemblée doit, le cas échéant, réclamer le remboursement de ceux qui l’ont été, si le Bureau estime, après avoir obtenu l’avis du jurisconsulte, que le député ou l’ancien député était alors de mauvaise foi.

85.4.    Where, in judgment in a civil suit that has become res judicata, a Member or former Member is held liable for damage by reason of an act or omission in the performance of the Member’s or former Member’s duties of office, no costs or expenses may be paid and the Assembly shall recover any costs or expenses paid if the Office, after obtaining the advice of the jurisconsult, is of the opinion that the Member or former Member acted in bad faith.

            L’Assemblée assume en outre le paiement de la condamnation de nature pécuniaire résultant d’un jugement rendu à la suite d’une poursuite de nature civile, sauf si le Bureau, après avoir obtenu l’avis du jurisconsulte, estime que le député ou l’ancien député a commis une faute lourde ou devrait en appeler de ce jugement.

            The Assembly shall, however, assume the payment of any pecuniary penalty arising out of a judgment in a civil suit, except where the Office, after obtaining the advice of the jurisconsult, is of the opinion that a gross fault was committed by the Member or former Member or that the judgment should be appealed by the Member or former Member.

Loi sur les assureurs, RLRQ, c. A-32.1

364.     L’organisme d’autoréglemen-tation assume la défense des membres du comité de décision qui sont poursuivis par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de leurs fonctions et paye, le cas échéant, les dommages-intérêts en compensation du préjudice résultant de cet acte, sauf s’ils ont commis une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de leurs fonctions.

364.     If members of the decision-making committee of a self-regulatory organization are sued by a third person for an act done in the exercise of their functions, the self-regulatory organization assumes their defence and pays any damages awarded as compensation for the injury resulting from that act, unless they committed a gross fault or a personal fault separable from their functions.

            Toutefois, lors d’une poursuite pénale ou criminelle, l’organisme n’assume que le paiement des dépenses des membres qui avaient des motifs raisonnables de croire que leur conduite était conforme à la loi ou le paiement des dépenses des membres qui ont été libérés ou acquittés.

            In penal or criminal proceedings, however, the organization pays the defence costs of the committee members only if they had reasonable grounds for believing that their conduct was lawful or if they have been discharged or acquitted.

            L’organisme assume les dépenses des membres qu’il poursuit pour un acte accompli dans l’exercice de leurs fonctions s’il n’obtient pas gain de cause et si le tribunal en décide ainsi.

            If the organization sues a committee member for an act done in the exercise of his or her functions and loses its case, it pays the committee member’s defence costs if the court so decides.

            Si l’organisme n’obtient gain de cause qu’en partie, le tribunal peut déterminer le montant des dépenses qu’il assume.

            If the organization wins its case only in part, the court may determine the amount of the defence costs the organization must pay.

Loi sur l’Autorité régionale de transport métropolitain, RLRQ, c. A-33.3

70.       L’Autorité assume la défense des membres de son conseil et de ses employés qui sont poursuivis par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de leurs fonctions et paie, le cas échéant, pour le préjudice résultant de cet acte, sauf si une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de leurs fonctions a été commise.

70.       If employees or board members of the Authority are sued by a third person for an act done in the exercise of their functions, the Authority assumes their defence and pays any damages awarded as compensation for the injury resulting from that act, unless they committed a gross fault or a personal fault separable from the exercise of their functions.

            Toutefois, dans le cadre d’une poursuite pénale et criminelle, l’Autorité n’assume le paiement des dépenses que lorsque la personne poursuivie a été acquittée ou lorsque l’Autorité estime que celle-ci a agi de bonne foi.

            In penal or criminal proceedings, however, the Authority pays the defence costs of employees or board members being sued only if they were acquitted, or if it judges that they acted in good faith.

Loi sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, RLRQ, c. B-1.2

9.         Bibliothèque et Archives nationales assume la défense d’un membre du conseil d’administration qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions et paie, le cas échéant, pour le préjudice résultant de cet acte, sauf s’il a commis une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de ses fonctions.

9.         If a board member is sued by a third party for an act done in the exercise of the functions of office, Bibliothèque et Archives nationales shall assume the member’s defence and pay any damages awarded as compensation for the injury resulting from that act, unless the member committed a gross fault or a personal fault separable from those functions.

            Toutefois, lors d’une poursuite pénale ou criminelle, Bibliothèque et Archives nationales n’assume le paiement des dépenses d’un membre du conseil que lorsqu’il a été libéré ou acquitté ou lorsque Bibliothèque et Archives nationales estime que celui-ci a agi de bonne foi.

            In penal or criminal proceedings, however, Bibliothèque et Archives nationales shall pay the member’s defence costs only if the member was discharged or acquitted, or if it judges that the member acted in good faith.

10.       Bibliothèque et Archives nationales assume les dépenses d’un membre du conseil d’administration qu’il poursuit pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions, s’il n’obtient pas gain de cause et si le tribunal en décide ainsi.

10.       If Bibliothèque et Archives nationales sues a board member for an act done in the exercise of the functions of office and loses its case, it shall pay the member’s defence costs if the court so decides.

            Si Bibliothèque et Archives nationales n’obtient gain de cause qu’en partie, le tribunal peut déterminer le montant des dépenses qu’il assume.

            If Bibliothèque et Archives nationales wins its case only in part, the court may determine the amount of the defence costs it must pay.

Loi sur les compagnies, RLRQ, c. C-38

123.87.  Une compagnie assume la défense de son mandataire qui est poursuivi par un tiers pour un acte posé dans l’exercice de ses fonctions et paie, le cas échéant, les dommages-intérêts résultant de cet acte, sauf s’il a commis une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de ses fonctions.

123.87.  A company shall assume the defence of its mandatary prosecuted by a third person for an act done in the exercise of his duties and shall pay damages, if any, resulting from that act, unless the mandatary has committed a grievous offence or a personal offence separable from the exercise of his duties.

            Toutefois, lors d’une poursuite pénale ou criminelle, la compagnie n’assume que le paiement des dépenses de son mandataire qui avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était conforme à la loi ou le paiement des dépenses de son mandataire qui a été libéré ou acquitté.

            However, in a penal or criminal proceeding the company shall assume only the payment of the expenses of its mandatary if he had reasonable grounds to believe that his conduct was in conformity with the law, or the payment of the expenses of its mandatary if he has been freed or acquitted.

Loi sur le Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec, RLRQ, c. C-62.1

26.       Le Conservatoire assume la défense d’un membre du conseil d’administration qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions et paie, le cas échéant, pour le préjudice résultant de cet acte, sauf s’il a commis une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de ses fonctions.

26.       If a board member is sued by a third party for an act done in the exercise of the functions of office, the Conservatoire shall assume the member’s defence and pay any damages awarded as compensation for the injury resulting from that act, unless the member committed a gross fault or a personal fault separable from those functions.

            Toutefois, lors d’une poursuite pénale ou criminelle, le Conservatoire n’assume le paiement des dépenses d’un membre du conseil que lorsqu’il a été libéré ou acquitté ou lorsque le Conservatoire estime que celui-ci a agi de bonne foi.

            In penal or criminal proceedings, however, the Conservatoire shall pay the member’s defence costs only if the member was discharged or acquitted, or if it judges that the member acted in good faith.

27.       Le Conservatoire assume les dépenses d’un membre du conseil d’administration qu’il poursuit pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions, s’il n’obtient pas gain de cause et si le tribunal en décide ainsi.

27.       If the Conservatoire sues a board member for an act done in the exercise of the functions of office and loses its case, it shall pay the member’s defence costs if the court so decides.

            Si le Conservatoire n’obtient gain de cause qu’en partie, le tribunal peut déterminer le montant des dépenses qu’il assume.

            If the Conservatoire wins its case only in part, the court may determine the amount of the defence costs it must pay.

Loi sur les coopératives, RLRQ, c. C-67.2

103.     La coopérative assume la défense de ses administrateurs et autres mandataires qui sont poursuivis par un tiers pour l’accomplissement d’un acte ou pour son omission dans l’exercice de leurs fonctions ou dans l’exécution d’un mandat au nom de la coopérative. La coopérative paie, le cas échéant, les dommages-intérêts résultant de cet acte ou de cette omission, sauf si l’administrateur ou le mandataire a commis une faute lourde ou une faute intentionnelle.

103.     A cooperative shall assume the defence of its director or other mandatary prosecuted by a third party for any act done or omission made in the exercise of his functions, or in the execution of a mandate on behalf of the cooperative. The cooperative shall pay any damages resulting from the act or omission, unless the director or mandatary is guilty of a gross or intentional fault.

            Toutefois, lors d’une poursuite pénale ou criminelle, la coopérative n’assume que le paiement des dépenses de ses administrateurs ou autres mandataires qui étaient fondés à croire que leur conduite était conforme à la loi ou le paiement des dépenses des administrateurs ou autres mandataires qui ont été libérés ou acquittés, ou lorsque la poursuite a été retirée ou rejetée.

            However, in a penal or criminal proceeding, the cooperative shall assume only the payment of the expenses of its director or other mandatary, if he had reasonable grounds to believe that his conduct was in conformity with the law, or the payment of the expenses of the director or other mandatary, if he has been freed or acquitted, or if the proceeding has been withdrawn or dismissed.

104.     Une coopérative assume les dépenses de ses administrateurs ou autres mandataires qu’elle poursuit pour l’accomplissement d’un acte ou pour son omission dans l’exercice de leurs fonctions ou dans l’exécution d’un mandat au nom de la coopérative, si elle n’obtient pas gain de cause et si le tribunal en décide ainsi.

            A cooperative shall, where the court so decides, assume the expenses of its director or other mandatary if, having prosecuted him for an act done or omission made in the exercise of his functions or the execution of a mandate on behalf of the cooperative, it loses its case.

            Si la coopérative n’obtient gain de cause qu’en partie, le tribunal peut déterminer le montant des dépenses qu’elle assume.

            If the cooperative wins its case only in part, the court may determine the amount of the expenses the cooperative shall assume.

105.     Une coopérative assume les obligations visées dans les articles 103 et 104 à l’égard de toute personne qui, à sa demande, a agi à titre d’administrateur pour une personne morale dont elle est actionnaire ou créancière.

105.     A cooperative shall assume the obligations contemplated in sections 103 and 104 in respect of any person who acted at its request as a director of a legal person of which it is a shareholder or creditor.

Loi sur les coopératives de services financiers, RLRQ, c. C-67.3

107.     Une coopérative de services financiers assume la défense de ses dirigeants, de ses gestionnaires et des personnes qui ont agi à ce titre pour elle et qui sont poursuivis par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de leurs fonctions et paie, le cas échéant, les dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de cet acte, sauf s’ils ont commis une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de leurs fonctions.

107.     A financial services cooperative shall assume the defence of its officers and managers, and of persons who have acted in that capacity for the cooperative, who are prosecuted by a third person for an act done in the performance of their duties and shall pay any injury resulting from that act, unless they have committed a gross negligence or a personal fault separable from the performance of their duties.

            Toutefois, lors d’une poursuite pénale ou criminelle, la coopérative n’assume le paiement des dépenses de ses dirigeants, de ses gestionnaires et des personnes qui ont agi à ce titre pour elle que lorsqu’ils avaient des motifs raisonnables de croire que leur conduite était conforme à la loi ou qu’ils ont été libérés ou acquittés, ou que la poursuite a été retirée ou rejetée.

            In penal or criminal proceedings, however, the cooperative shall assume payment of the expenses of its officers and managers, and of persons who have acted in that capacity for the cooperative, only where they had reasonable grounds to believe that their conduct was in conformity with the law or where they have been discharged or acquitted, or where the proceedings have been withdrawn or dismissed.

108.     Une coopérative de services financiers assume les dépenses de ses dirigeants, de ses gestionnaires et des personnes ayant agi à ce titre pour elle, qu’elle poursuit pour un acte accompli dans l’exercice de leurs fonctions, si elle n’obtient pas gain de cause et si le tribunal en décide ainsi.

108.     A financial services cooperative shall assume the expenses of its officers or managers, or of persons who have acted for it in that capacity, whom it prosecutes for an act done in the performance of their duties if it loses its case and the court so decides.

            Si la coopérative n’obtient gain de cause qu’en partie, le tribunal peut déterminer le montant des dépenses qu’elle assume.

            If the cooperative wins its case only in part, the court may determine the amount of the expenses it shall assume.

109.     Une coopérative de services financiers doit s’acquitter des obligations visées à l’article 107 ou 108 envers toute personne qui, à sa demande, a agi à titre d’administrateur ou de dirigeant pour une personne morale dont elle est actionnaire ou créancière.

109. Every financial services cooperative shall assume its obligations under sections 107 and 108 in respect of any person who has acted at its request as a director or officer of a legal person of which it is a shareholder or creditor.

Loi sur le développement de la région de la Baie James, RLRQ, c. D-8.01

15.7.    La Société assume la défense de son administrateur qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions et paie, le cas échéant, les dommages-intérêts résultant de cet acte, sauf si celui-ci a commis une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de ses fonctions.

15.7.    The Société shall assume the defence of any director prosecuted by a third person for an act done in the exercise of the director’s functions and shall pay the damages, if any, occasioned by that act, unless the director has committed a gross fault or a personal fault separable from the exercise of the director’s functions.

            Toutefois, lors d’une poursuite pénale ou criminelle, la Société n’assume le paiement des dépenses de son administrateur que lorsque celui-ci avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était conforme à la loi ou qu’il a été libéré ou acquitté.

            Notwithstanding the foregoing, in a penal or criminal proceeding, the Société shall assume the payment of the expenses of a director only if the director had reasonable grounds to believe that the director’s conduct was in conformity with the law or if the director has been discharged or acquitted.

15.8.    La Société assume les dépenses de son administrateur qu’elle poursuit pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions, si elle n’obtient pas gain de cause et si le tribunal en décide ainsi. 

15.8.    The expenses of a director shall be borne by the Société if, having prosecuted the director for an act done in the exercise of the director’s functions, the Société loses its case and the court so directs.

            Si la Société n’obtient gain de cause qu’en partie, le tribunal peut déterminer le montant des dépenses qu’elle assume.

            If the Société wins its case only in part, the court may determine the amount of the expenses to be borne by the Société.

15.9.    La Société assume les obligations visées aux articles 15.7 et 15.8 à l’égard de toute personne qui, à sa demande, a agi à titre d’administrateur pour une personne morale dont elle est actionnaire ou créancière.

15.9.    The Société shall fulfil the obligations provided for in sections 15.7 and 15.8 in respect of any person who acted at its request as a director for a legal person of which the Société is a shareholder or creditor.

Loi sur l’encadrement du secteur financier, RLRQ, c. E-6.1

32.1.    L’Autorité assume la défense du président-directeur général, d’un membre de son personnel ou d’un agent commis par elle qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions et paie, le cas échéant, les dommages-intérêts résultant de cet acte, sauf s’il a commis une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de ses fonctions.

32.1.    If the President and Chief Executive Officer, a staff member or an appointed agent of the Authority is prosecuted by a third party for an act done in the exercise of the functions of office, the Authority shall assume the person’s defence and shall pay any damages awarded as compensation for the injury resulting from that act, unless the person committed a gross fault or a personal fault separable from those functions.

            Toutefois, lors d’une poursuite pénale ou criminelle, l’Autorité n’assume que le paiement des dépenses du président-directeur général, d’un membre de son personnel ou d’un agent commis par elle qui avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était conforme à la loi ou qui a été libéré ou acquitté.

            In penal or criminal proceedings, however, the Authority shall pay the defence costs of the President and Chief Executive Officer, a staff member or an appointed agent only if the person had reasonable grounds to believe that his or her conduct was in conformity with the law, or was discharged or acquitted.

32.2.    L’Autorité assume les dépenses du président-directeur général, d’un membre de son personnel ou d’un agent commis par elle qu’elle poursuit pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions si elle n’obtient pas gain de cause et si un tribunal judiciaire en décide ainsi.

32.2.    If the Authority prosecutes the President and Chief Executive Officer, a staff member or an appointed agent for an act done in the exercise of the functions of office and loses its case, it shall pay the person’s defence costs if a court of justice so decides.

 

            Si l’Autorité n’obtient gain de cause qu’en partie, un tribunal judiciaire peut déterminer le montant des dépenses qu’elle assume.

            If the Authority wins its case only in part, a court of justice may determine the amount of the defence costs it must pay.

115.15.61.       Le Tribunal assume la défense d’un de ses membres qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions et paie, le cas échéant, les dommages-intérêts résultant de cet acte, sauf si le membre a commis une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de ses fonctions.

115.15.61.       If proceedings are brought against a Tribunal member by a third party for an act performed in the exercise of the functions of office, the Tribunal shall assume the member’s defence and pay any damages awarded as compensation for the injury resulting from the act, unless the member committed a gross fault or a personal fault separable from the exercise of those functions.

            Toutefois, lors d’une poursuite pénale ou criminelle, le Tribunal n’assume que le paiement des dépenses d’un de ses membres qui avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était conforme à la loi ou qui a été libéré ou acquitté.

            However, in penal or criminal proceedings, the Tribunal shall pay the defence costs of a Tribunal member only if the member had reasonable grounds to believe that his or her conduct was in conformity with the law, or if the member was discharged or acquitted.

115.15.62.       Le Tribunal assume les dépenses d’un de ses membres qu’il poursuit pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions s’il n’obtient pas gain de cause et si un tribunal judiciaire en décide ainsi.

115.15.62.       If the Tribunal brings proceedings against a Tribunal member for an act performed in the exercise of the functions of office and loses its case, it shall pay the member’s defence costs if a court of justice so decides.

            Si le Tribunal n’obtient gain de cause qu’en partie, un tribunal judiciaire peut déterminer le montant des dépenses qu’il assume.

            If the Tribunal wins its case only in part, a court of justice may determine the amount of the defence costs it must pay.

Loi sur la gouvernance des sociétés d’État, RLRQ, c. G-1.02

10.       La société assume la défense d’un membre du conseil d’administration qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions et paie, le cas échéant, pour le préjudice résultant de cet acte, sauf s’il a commis une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de ses fonctions.

10.       If a board member is sued by a third party for an act done in the exercise of the functions of office, the enterprise assumes the board member’s defence and pays any damages awarded as compensation for the injury resulting from that act, unless the board member committed a gross fault or a personal fault separable from those functions.

            Toutefois, lors d’une poursuite pénale ou criminelle, la société n’assume le paiement des dépenses d’un membre du conseil que lorsqu’il a été libéré ou acquitté ou lorsque la société estime que celui-ci a agi de bonne foi.

            In penal or criminal proceedings, however, the enterprise pays the defence costs of the board member only if the board member was discharged or acquitted, or if the enterprise judges that the board member acted in good faith.

11.       La société assume les dépenses d’un membre du conseil d’administration qu’elle poursuit pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions, si elle n’obtient pas gain de cause et si le tribunal en décide ainsi.

11.       If the enterprise sues a member of the board of directors for an act done in the exercise of the functions of office and loses its case, it pays the board member’s defence costs if the court so decides.

            Si la société n’obtient gain de cause qu’en partie, le tribunal peut déterminer le montant des dépenses qu’elle assume.

            If the enterprise wins its case only in part, the court may determine the amount of the defence costs it must pay.

Loi sur Hydro-Québec, RLRQ, c. H-5

18.1.    La Société assume la défense d’un membre du conseil d’administration qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions et paie, le cas échéant, pour le préjudice résultant de cet acte, sauf s’il a commis une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de ses fonctions.

18.1.    If a board member is sued by a third party for an act done in the exercise of the functions of office, the Company shall assume the board member’s defence and pay any damages awarded as compensation for the injury resulting from that act, unless the board member committed a gross fault or a personal fault separable from those functions.

            Toutefois, lors d’une poursuite pénale ou criminelle, la Société n’assume le paiement des dépenses d’un membre du conseil que lorsqu’il a été libéré ou acquitté ou lorsque la Société estime que celui-ci a agi de bonne foi.

            In penal or criminal proceedings, however, the Company shall pay the board member’s defence costs only if the board member was discharged or acquitted, or if the Company deems that the board member acted in good faith.

18.2.    La Société assume les dépenses d’un membre du conseil d’administration qu’elle poursuit pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions, si elle n’obtient pas gain de cause et si le tribunal en décide ainsi.

18.2.    If the Company sues a board member for an act done in the exercise of the functions of office and loses its case, it must pay the board member’s defence costs if the court so decides.

            Si la Société n’obtient gain de cause qu’en partie, le tribunal peut déterminer le montant des dépenses qu’elle assume.

            If the Company wins its case only in part, the court may determine the amount of the defence costs it must pay.

Loi sur Investissement Québec, RLRQ, c. I-16.0.1

57.       La société assume la défense d’un membre de son personnel qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions et paie, le cas échéant, pour le préjudice résultant de cet acte, sauf si une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de ses fonctions a été commise.

57.       If a member of the Company’s personnel is sued by a third party for an act carried out in the exercise of the functions of office, the Company assumes the person’s defence and pays any damages awarded as compensation, unless the person committed a gross fault or a personal fault separable from those functions.

            Toutefois, dans le cadre d’une poursuite pénale ou criminelle, la société n’assume le paiement des dépenses que lorsque la personne poursuivie a été acquittée, ou lorsque la société estime que celle-ci a agi de bonne foi.

            In penal or criminal proceedings, however, the Company pays the defence costs of a member of its personnel only if the person is acquitted or if the Company judges that the person acted in good faith.

58.       La société assume les obligations visées à l’article 57 de la présente loi et aux articles 10 et 11 de la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État (chapitre G-1.02) à l’égard de toute personne qui, à sa demande, a agi à titre d’administrateur pour une personne morale dont elle est actionnaire ou créancière.

58.       The Company fulfils the obligations set out in section 57 of this Act and in sections 10 and 11 of the Act respecting the governance of state-owned enterprises (chapter G-1.02) in respect of any person who acted at its request as a director of a legal person of which the Company is a shareholder or a creditor.

Loi sur l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux, RLRQ, c. I-13.03

35.       L’Institut assume la défense d’un membre du conseil d’administration qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions et paie, le cas échéant, pour le préjudice résultant de cet acte, sauf s’il a commis une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de ses fonctions.

35.       If a member of the board of directors is sued by a third party for an act carried out in the exercise of the functions of office, the institute assumes the member’s defence and pays any damages awarded as compensation, unless the member committed a gross fault or a personal fault separable from those functions.

            Toutefois, lors d’une poursuite pénale ou criminelle, l’Institut n’assume le paiement des dépenses d’un membre du conseil que lorsque ce membre a été libéré ou acquitté ou lorsque l’Institut estime que celui-ci a agi de bonne foi.

            In penal or criminal proceedings, however, the institute pays the defence costs of a member of the board only if the member is discharged or acquitted or if the institute judges that the member acted in good faith.

36.       L’Institut assume les dépenses d’un membre du conseil d’administration qu’il poursuit pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions, s’il n’obtient pas gain de cause et si le tribunal en décide ainsi.

36.       If the institute sues a member of the board of directors for an act done in the exercise of the functions of office and loses its case, it must pay the member’s defence costs if the court so decides.

            Si l’Institut n’obtient gain de cause qu’en partie, le tribunal peut déterminer le montant des dépenses qu’il assume.

            If the institute wins its case only in part, the court may determine the amount of the defence costs it must pay.

Loi sur l’instruction publique, RLRQ, c. I-13.3

73.       La commission scolaire assume la défense d’un membre du conseil d’établissement qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions.

73.       The school board shall assume the defence of any member of the governing board who is prosecuted by a third person for an act done in the exercise of governing board functions.

            Dans le cas d’une poursuite pénale ou criminelle, la commission scolaire peut exiger du membre poursuivi le remboursement des dépenses engagées pour sa défense, sauf si ce dernier avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était conforme à la loi, si la poursuite a été retirée ou rejetée ou s’il a été libéré ou acquitté.

            In the case of penal or criminal proceedings, the school board may require a member who has been prosecuted to repay the defence expenses, except if the member had reasonable grounds to believe that the act was in conformity with the law, if the proceedings were withdrawn or dismissed or if the member was discharged or acquitted.

            En outre, la commission scolaire peut exiger le remboursement des dépenses engagées pour la défense d’un membre qui a été reconnu responsable de dommages causés par un acte qu’il a accompli de mauvaise foi dans l’exercice de ses fonctions.

            As well, the school board may require repayment of the defence expenses by the member if the member was found liable for damage caused by an act done in bad faith in the exercise of governing board functions.

177.2.  La commission scolaire assume la défense d’un membre du conseil des commissaires qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions.

177.2.  The school board shall assume the defence of any member of the council of commissioners who is prosecuted by a third person for an act done in the exercise of council functions.

            Dans le cas d’une poursuite pénale ou criminelle, la commission scolaire peut exiger du membre poursuivi le remboursement des dépenses engagées pour sa défense, sauf si ce dernier avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était conforme à la loi, si la poursuite a été retirée ou rejetée ou s’il a été libéré ou acquitté.

            In the case of penal or criminal proceedings, the school board may require a member who has been prosecuted to repay the defence expenses, except if the member had reasonable grounds to believe that the act was in conformity with the law, if the proceedings were withdrawn or dismissed or if the member was discharged or acquitted.

            En outre, la commission scolaire peut exiger le remboursement des dépenses engagées pour la défense d’un membre qui a été reconnu responsable du préjudice causé par un acte qu’il a accompli de mauvaise foi dans l’exercice de ses fonctions.

            As well, the school board may require repayment of the defence expenses by the member if the member was found liable for damage caused by an act done in bad faith in the exercise of council functions.

Loi sur les musées nationaux, RLRQ, c. M-44

18.       Un musée assume la défense d’un membre du conseil d’administration qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions et paie, le cas échéant, pour le préjudice résultant de cet acte, sauf s’il a commis une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de ses fonctions.

18.       If a board member is sued by a third party for an act done in the exercise of the functions of office, the museum shall assume the member’s defence and pay any damages awarded as compensation for the injury resulting from that act, unless the member committed a gross fault or a personal fault separable from those functions.

            Toutefois, lors d’une poursuite pénale ou criminelle, le musée n’assume le paiement des dépenses d’un membre du conseil que lorsqu’il a été libéré ou acquitté ou lorsque le musée estime que celui-ci a agi de bonne foi.

            In penal or criminal proceedings, however, the museum shall pay the member’s defence costs only if the member was discharged or acquitted, or if it judges that the member acted in good faith.

19.       Un musée assume les dépenses d’un membre du conseil d’administration qu’il poursuit pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions, s’il n’obtient pas gain de cause et si le tribunal en décide ainsi.

19.       If the museum sues a board member for an act done in the exercise of the functions of office and loses its case, it shall pay the member’s defence costs if the court so decides.

            Si le musée n’obtient gain de cause qu’en partie, le tribunal peut déterminer le montant des dépenses qu’il assume.

            If the museum wins its case only in part, the court may determine the amount of the defence costs it must pay.

Loi sur le Réseau de transport métropolitain, RLRQ, c. R-25.01

47.       Le Réseau assume la défense des membres de son conseil et de ses employés qui sont poursuivis par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de leurs fonctions et paie, le cas échéant, pour le préjudice résultant de cet acte, sauf si une faute lourde ou une faute personnelle séparable de l’exercice de leurs fonctions a été commise.

47.       If employees or board members of the Network are sued by a third person for an act done in the exercise of their functions, the Network assumes their defence and pays any damages awarded as compensation for the injury resulting from that act, unless they committed a gross fault or a personal fault separable from the exercise of their functions.

            Toutefois, dans le cadre d’une poursuite pénale ou criminelle, le Réseau n’assume le paiement des dépenses que lorsque la personne poursuivie a été acquittée ou lorsque le Réseau estime que celle-ci a agi de bonne foi.

            In penal or criminal proceedings, however, the Network pays the defence costs of employees or board members being sued only if they were acquitted, or if it judges that they acted in good faith.

Loi sur les services de santé et les services sociaux, RLRQ, c. S-4.2

175.     Un établissement assume la défense d’un membre du conseil d’administration qui est poursuivi par un tiers pour un acte accompli dans l’exercice de ses fonctions.

175.     Each institution shall assume the defence of any member of its board of directors who is prosecuted by a third person for an act done in the performance of his duties.

            Toutefois, lorsqu’un membre du conseil d’administration fait l’objet d’une poursuite pénale ou criminelle, l’établissement n’assume le paiement des dépenses du membre que lorsque ce dernier avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était conforme à la loi ou qu’il a été libéré ou acquitté, ou que la poursuite a été retirée ou rejetée.

            In penal or criminal proceedings, however, the institution shall assume the payment of the expenses of a member of the board of directors only where he had reasonable grounds to believe that his conduct was in conformity with the law, or if he has been freed or acquitted or if the proceedings have been withdrawn or dismissed.

 



[1]     RLRQ, c. C-19 (« L.c.v. »).

[2]     Pépin c. Ville de Saint-Constant, 2018 QCCS 2165.

[3]     Document intitulé Demande d’intenter des procédures, rédigé par un policier de l’UPAC et daté du 15 novembre 2013.

[4]     Voir pièce P-6A, lettre du ministère public en date du 14 septembre 2015, adressée aux avocats respectifs de M. Pépin et de ses coaccusés.

[5]     Voir : Groupe TVA inc. c. Directrice des poursuites criminelles et pénales, C.Q Longueuil, 505-26-011586-123 et autres, 9 novembre 2015 (l’honorable Ann-Mary Beauchemin), paragr. 23 (pièce P-6C) :

[23]         À ce jour, à la connaissance du Tribunal, il n’y a plus d’inculpation criminelle découlant du projet HYDRE. Également, la poursuite concède que l’enquête policière est terminée. Par conséquent, le risque de compromission invoqué lors de la délivrance des mandats de perquisition n’est plus d’actualité.

[Je souligne]

[6]     Mise en demeure du 25 octobre 2015 adressée au maire de la Ville par l’avocat de M. Pépin (pièce P-3).

[7]     Extraits de la lettre datée du 28 octobre 2015, adressée par l’avocat de la Ville à l’avocat de M. Pépin, en réponse à la mise en demeure (pièce P-4).

[8]     Son appel a été institué dans le délai de 30 jours prévu par l’art. 360 C.p.c.

[9]     2013 QCCA 2197 (« Berniquez »).

[10]    2017 QCCA 1946, requête en rétractation de jugement rejetée, 2018 QCCA 1498 (« Bellefeuille »).

[11]    L’intitulé de la requête introductive d’instance de décembre 2015 ne mentionne que l’art. 604.6 L.c.v., mais une mention expresse de l’art. 529 C.p.c. est ajoutée à l’intitulé de la requête introductive d’instance amendée de février 2016 et figure également sur celui de la demande introductive d’instance modifiée en date de novembre 2016.

[12]    Requête pour permission d’appeler nunc pro tunc, paragr. 24.

[13]    Id., paragr. 25.

[14]    Récemment, on a procédé par voie de demande de sauvegarde en réponse à une demande d’injonction provisoire présentée par la municipalité : Ville de Montréal c. Montgomery, 2020 QCCS 1715.

[15]    Selon la Cour, il s’agit d’une obligation de faire. Voir Mont-Royal (Ville) c. Hrtschan, J.E. 2000-2186 (C.A.), paragr. 15. Comme le note la juge Courteau dans Cyr c. Prévost (Ville de), J.E. 2002-1301 (C.S.), paragr. 13-14, cette obligation légale a une certaine ressemblance avec celle qui incombe à l’assureur de défendre son assuré et qui est considérée elle aussi comme une obligation de faire (voir par ex. : Compagnie d'assurances Wellington c. M.E.C. Technologie inc., [1999] R.J.Q. 443 (C.A.)).

[16]    Voir par ex. : Mhaichar c. Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2019 QCCA 2041 (demande de permission d’appeler à la Cour suprême rejetée, 4 juin 2020, n° 37051), motifs dissidents du j. Schrager, paragr. 39 et s. (où il est également question d’une exception à cette règle, s’agissant dans cette affaire d’une indemnité de remplacement du revenu accordée par l’intimée, mais jamais versée).

[17]    Par analogie (car il s’agit de matières contractuelles), voir par ex. : Provident, compagnie d'assurance-vie et accident c. Chabot, J.E. 2004-1142, paragr. 28 et s.; Sanimal c. Produits de viande Levinoff ltée, 2005 QCCA 265 (demande de permission d’appeler à la Cour suprême rejetée, 11 octobre 2005, n° 30913), paragr. 20 et 25.

[18]    Encore que l’élu, le fonctionnaire ou l’employé municipal puisse parfois, lorsqu’il demande que la municipalité assume sa défense, réclamer les coûts que l’action intentée contre lui peut lui avoir déjà fait encourir (une avance sur les honoraires de son avocat, par exemple, ou le coût de services rendus pour l’étude du dossier ou les actes de procédure propres aux premiers pas d’une instance).

[19]    Où l’on recherche en outre le paiement des honoraires et débours encourus par M. Pépin aux fins de son action contre la Ville.

[20]    2013 QCCA 217, paragr. 14-22. Dans le même sens, voir par ex. : Droit de la famille — 191624, 2019 QCCA 1351; Droit de la famille — 182354, 2018 QCCA 1894; Mercier c. Singh, 2018 QCCA 666; Gestion Telsa inc. c. Lécuyer, 2017 QCCA 1884.

[21]    Loi modifiant la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec et d'autres dispositions législatives, L.Q. 1996, c. 27 (sanctionnée le 20 juin 1996), art. 40.

[22]    Id., art. 83 (qui ajoute les art. 711.19.1 et s. au Code municipal du Québec, RLRQ, c. C-27.1, ou « C.m. »).

[23]    Jean Hétu, Yvon Duplessis, avec la collab. de Lise Vézina, Droit municipal : Principes généraux et contentieux, 2e éd., Brossard, CCH, 2003 (feuilles mobiles, à jour au 1er avril 2020), paragr. 2.141.

[24]    Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les municipalités, projet de loi 127, présenté le 14 décembre 1995. Voir : Journal des débats, Assemblée nationale, 35e Législature, 1ère session, vol. 34 - N° 90, 14 décembre 1995, p. 5879-5880 (M. le ministre Guy Chevrette).

[25]    Jean Hétu, « La protection juridique des élus municipaux », (1996) 3:3 Bulletin de droit municipal 39, p. 40-41, repris dans J. Hétu, Y. Duplessis, avec la collab. de L. Vézina, supra, note 23, paragr. 2.129 à 2.131. Sur la situation antérieure, voir aussi : Jean Hétu, « Les poursuites contre les élus municipaux et le remboursement de leurs frais d’avocat », (1991) 51 R. du B. 300. Voir aussi les propos que tient à ce sujet le juge Yergeau dans Mailhot c. Montréal (Ville de), 2014 QCCS 3803, paragr. 30-40.

[26]    Voir ainsi : Journal des débats, Assemblée nationale, 35e Législature, 2e session, vol. 35 - N° 21, 15 mai 1996, p. 1090 (M. le ministre Rémy Trudel); Journal des débats, Assemblée nationale, 35e Législature, 2e session, vol. 35 - No 31, 5 juin 1996, p. 1715-1716 (M. le ministre Rémy Trudel) et p. 1720-1721 (Mme Margaret F. Delisle, députée de Jean-Talon); Journal des débats, Assemblée nationale, Commission permanente de l’aménagement et des équipements, 35e Législature, 2session, vol. 35 - No 19, 6 juin 1996, p. 30 (M. le ministre Rémy Trudel) et p. 32 (Me André Carrier, conseiller juridique); Journal des débats, Assemblée nationale, 35e Législature, 2e session, vol. 35 - N° 39, 17 juin 1996, p. 2405 (Mme Margaret F. Delisle, députée de Jean-Talon).

[27]    Journal des débats, Assemblée nationale, 35e Législature, 2e session, vol. 35 - No 31, 5 juin 1996, p. 1716 (M. le ministre Rémy Trudel).

[28]    Entrée en vigueur le 9 avril 2013, la Loi permettant de relever provisoirement un élu municipal de ses fonctions, L.Q. 2013, c. 3, art. 2 et 3, ajoute en effet à l’art. 604.6 L.c.v. le paragraphe 3 du premier alinéa, ajout donnant lieu à une modification corrélative du dernier alinéa de l’art. 604.7 L.c.v. Les art. 711.19.1 et 711.19.2 du Code municipal du Québec sont modifiés de la même façon (voir les art. 4 et 5 de la loi de 2013).

[29]    Voir : François Bouchard et Isabelle Blackburn, « Traitement et protection juridique », dans Stéphane Beaulac et Jean-François Gaudreault-DesBiens (dir.), JurisClasseur Québec, coll. « Droit public », vol. « Droit municipal », Montréal, LexisNexis, 2013 (feuilles mobiles, mise à jour n° 12, avril 2020), fasc. 5, paragr. 62.

[30]    RLRQ, c. E-2.2. Le premier alinéa de l’art. 312.1 de cette loi prévoit que : « La Cour supérieure peut, sur demande, si elle l’estime justifié dans l’intérêt public, déclarer provisoirement incapable d’exercer toute fonction liée à sa charge le membre du conseil de la municipalité qui fait l’objet d’une poursuite intentée pour une infraction à une loi du Parlement du Québec ou du Canada et punissable de deux ans d’emprisonnement ou plus / The Superior Court may, on an application, if it considers it warranted in the public interest, declare provisionally incapable to perform any duty of office a member of the council of a municipality against whom proceedings have been brought for an offence under an Act of the Parliament of Québec or Canada that is punishable by a term of imprisonment of two years or more ».

[31]    La définition du « tribunal / court », aux fins de cette disposition, inclut en effet les entités visées à l’art. 604.6, al. 4, paragr. 2 L.c.v. (coroner, commissaire-enquêteur sur les incendies, commission d’enquête ou personne ou organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires).

[32]    L’expression « membre du conseil / member of the council » désigne le maire tout autant que les conseillers de la municipalité, conformément à l’art. 6, al. 1, paragr. 4 L.c.v.

[33]    Sous réserve de l’art. 604.7, al. 3, in fine (renvoyant aux poursuites intentées en vertu de l’art. 312.1 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités). Voir infra, paragr. [105] et note 86.

[34]    Ou art. 711.19.1 et s. C.m.

[35]    J.E. 2000-1095 (C.S.). Dans cette affaire, le maire Hrtschan a unilatéralement suspendu, sans solde, le directeur général de la municipalité. Celui-ci intente une action en dommages-intérêts contre son employeur et contre le maire personnellement, pour atteinte à la réputation. Le maire demande à la ville (qui s’y refuse) d’assumer les frais de sa défense à cette action.

[36]    J.E. 2000-1151 (C.S.).

[37]    Supra, note 15.

[38]    J.E. 2001-1007 (C.S.).

[39]    Auger c. Pavone (2002), SOQUIJ AZ-02019583 (C.A.).

[40]    Auger c. Pavone, supra, note 38, paragr. 32 (reproduit au paragr. [46] supra).

[41]    Supra, note 15.

[42]    2006 QCCS 5116.

[43]    J.E. 2003-111, J.E. 2003-148 (C.A., demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 7 août 2003, n° 29582).

[44]    Décision de la Commission municipale, telle que reproduite au paragr. 58 de l’arrêt de la Cour.

[45]    Val-Bélair (Ville de) c. Jean, supra, note 43, paragr. 13.

[46]    Notons que, dans l’intervalle, la décision de la Commission municipale a fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire, laquelle a été rejetée, ce dont M. Jean n’a pas interjeté appel.

[47]    Val-Bélair (Ville de) c. Jean, supra, note 43, paragr. 50.

[48]    C’est une façon de faire que la Cour emploiera aussi dans Lessard c. Rochefort & Associés, 2006 QCCA 799, où la discussion survient elle aussi après jugement final sur le congédiement du fonctionnaire en cause :

[46]         Lors du procès en Cour supérieure [sur les frais de la défense du fonctionnaire], les parties n'ont pas repris la preuve faite devant la Cour du Québec. S'appuyant sur l'arrêt de la Cour dans Val-Bélair (Ville de) c. Jean [renvoi omis], le juge de première instance, à défaut de preuve contraire, motive en partie son jugement à l'aide du contenu factuel de la décision de la Cour du Québec. Cette approche est bien fondée. Les faits constatés dans le jugement de la Cour du Québec constituent un fait juridique « que nul ne peut ignorer, qui est pertinent et qui peut s'imposer par sa valeur probante » [renvoi omis]. C'est le cas en l'espèce, plus particulièrement, en l'absence de preuve contraire et en fonction du jugement de la Cour du Québec qui a subi avec succès le test de la révision judiciaire [renvoi omis].

      On procède de même dans Leroux c. St-Zotique (Municipalité du village de), J.E. 2004-347 (C.A.), alors que la municipalité réclame de l’élu municipal le remboursement des frais qu’elle a payés pour la défense de celui-ci à une action en déclaration d’inhabilité (disqualification) intentée contre lui par le procureur général du Québec. L’action de la municipalité contre l’élu est intentée après le jugement sur l’inhabilité de celui-ci (voir le paragr. 11 de l’arrêt). Dans cette affaire, la réclamation de la municipalité est fondée sur l’art. 711.19.2, al. 1, paragr. 1 C.m., disposition analogue à l’art. 604.7, al. 1, paragr. 1 L.c.v. La Cour, qui s’appuie sur les constats du jugement de première instance sur l’inhabilité, ne fait droit qu’en partie à la demande de la municipalité : celle-ci devra assumer les coûts de la défense de l’élu au chapitre du manquement qu’on lui reprochait de n’avoir pas divulgué un intérêt personnel et pécuniaire et d’avoir participé malgré cela aux délibérations du conseil, manquement dont il a été blanchi; par contre, en ce qui concerne le fait d’avoir signé à titre personnel, par l’intermédiaire d’une société, un contrat de vente de terrains avec la municipalité, la Cour décide que l’élu assumera lui-même les coûts de sa défense, s’agissant d’une faute séparable de l’exercice de ses fonctions municipales.

[49]    C’était d’ailleurs ce qu’avait déjà indiqué la Cour supérieure dans les affaires Cyr, supra, note 15, paragr. 34 (reproduits supra, paragr. [49]), et Auger, supra, note 38, paragr. 23 et 34 (reproduits supra, paragr. [46]).

[50]    J.E. 2004-2083 (C.A.).

[51]    La Cour d’appel confirmera la déclaration de culpabilité, qu’infirmera la Cour suprême dans R. c. Boulanger, [2006] 2 R.C.S. 49.

[52]    Boulanger c. Ville de Varennes (2004), SOQUIJ AZ-50235158 (C.S.), paragr. 16. Le directeur du service de police de la municipalité a manœuvré de façon à faire modifier le rapport d’un accident dans lequel sa fille était impliquée. Il a été accusé d’avoir enfreint l’art. 122 C.cr.

[53]    J.E. 2005-1028 (C.S.).

[54]    L’art. 711.19.1 C.m. énonce que :

711.19.1  Toute municipalité doit :

711.19.1  A municipality shall

[…]

(…)

2°  assumer la défense ou la représentation, selon le cas, d’une personne qui est, soit le défendeur, l’intimé ou l’accusé, soit le mis en cause, dans une procédure dont est saisi un tribunal et qui est fondée sur l’allégation d’un acte ou d’une omission dans l’exercice des fonctions de la personne comme membre du conseil, fonctionnaire ou employé de la municipalité ou d’un organisme mandataire de celle-ci;

(2)  assume the defence or the representation, as the case may be, of a person who is the defendant, respondent or accused, or the person impleaded in judicial proceedings brought before a court by reason of the person’s alleged act or omission in the performance of his duties as a member of the council or as an officer or employee of the municipality or a mandatary body of the municipality;

[…]

(…)

    Si la personne assume, elle-même ou par le procureur de son choix, cette défense ou représentation, la municipalité doit en payer les frais raisonnables. La municipalité peut toutefois, avec l’accord de la personne, lui rembourser ces frais au lieu de les payer.

    Where the person assumes, himself or through an attorney of his choice, the defence or representation, the municipality shall pay any reasonable costs incurred therefor. However, the municipality may, with the consent of the person, reimburse such costs to him instead of paying them.

    La municipalité est dispensée des obligations prévues aux deux premiers alinéas, dans un cas particulier, lorsque la personne renonce par écrit, pour ce cas, à leur application.

    The municipality is exempt from the obligations set out in the first two paragraphs, in a particular case, if the person renounces in writing, in respect of that case, the application of those provisions.

[…]

(…)

      Les art. 711.19.2 à 711.19.4 reprennent pour leur part les art. 604.7 à 604.9 L.c.v.

[55]    2008 QCCA 442 (« Packington »).

[56]    Le juge conclut également que l’appel en garantie est devenu sans objet par suite de la transaction survenue dans le cadre de l’action principale.

[57]    Packington, paragr. 52. Voir aussi le paragr. 53.

[58]    Supra, note 38, paragr. 31-32.

[59]    Id., paragr. 31 in fine.

[60]    Notons ici que si les tribunaux ont parfois qualifié d’« automatique » la protection offerte à ce stade par l’art. 604.6 L.c.v., ce ne fut là qu’effet de style, pour indiquer que, dans la mesure où les conditions prescrites par cette disposition sont remplies, la municipalité est tenue de fournir l’assistance financière qui y est prévue et n’a aucun pouvoir discrétionnaire à cet égard : c’est ce qui ressort sans équivoque des arrêts de la Cour dans Hrtschan, Auger et autres.

[61]    Notons que le cadre d’analyse propre à cette situation s’applique également au cas où, conformément à l’art. 604.9, al. 3 L.c.v., la municipalité intervient dans l’instance civile instituée contre l’élu, afin de débattre du droit de celui-ci au soutien prévu par l’art. 604.6 L.c.v. (une telle intervention n’est pas possible en matière pénale ou criminelle). On en trouvera un rare exemple dans Sturtevant c. Neil, J.E. 2005-179 (C.S.).

[62]    Voir par ex. : Lachine (Ville de) c. McCullock, supra, note 36, et Prévost c. Saint-Lazare (Ville de), supra, note 53.

[63]    Berniquez, paragr. 7 (motifs du j. Dalphond). Les chefs d’accusation se rapportent à des infractions qui auraient été commises au détriment de la municipalité, à savoir la fraude envers le gouvernement (art. 121 C.cr.), l’abus de confiance (art. 122 C.cr.), la corruption dans les affaires municipales (art. 123 C.cr.), la fraude (art. 380 C.cr.) et le complot en vue de commettre ces infractions (art. 465 C.cr.). Les voici (motifs du j. Hilton, paragr. 49) :

A)    Entre le 1 janvier 2000 et le 17 novembre 2007,

·          un complot afin de commettre une fraude, en vertu des articles 465(1)c) et 380 C.cr.; et

·          une fraude dépassant 5 000 $ pratiquée contre la Ville de Boisbriand, en vertu de l'article 380(1)a) C.cr.

B)    Entre le 19 juillet 2005 et le 23 août 2008,

·          un abus de confiance en tant que fonctionnaire, soit mairesse de la Ville de Boisbriand, en vertu de l'article 122 C.cr.

C)    Entre le 14 décembre 2006 et le 17 novembre 2007,

·          une fraude dépassant 5 000 $ pratiquée contre la Ville de Boisbriand, en vertu de l'article 380(1)a) C.cr.

D)    Entre le 1 janvier 2009 et le 1 novembre 2009,

·          un complot afin de commettre un abus de confiance, en vertu des articles 465(1)c) et 122 C.cr.;

·          une fraude envers le gouvernement en tant que fonctionnaire, soit mairesse de la Ville de Boisbriand, concernant la conclusion d'affaires avec le gouvernement, en vertu de l'article 121(1)a)(ii)(iii) et (3) C.cr.;

·          un acte de corruption dans les affaires municipales en tant que fonctionnaire, soit mairesse de la Ville de Boisbriand, en vertu de l'article 123(1) C.cr.; et

·          un abus de confiance en tant que fonctionnaire, soit mairesse de la Ville de Boisbriand, en vertu de l'article 122 C.cr.

[64]    Berniquez, notamment au paragr. 104 (motifs du j Hilton).

[65]    Berniquez, paragr. 5.

[66]    Ibid.

[67]    « La protection s’applique donc chaque fois, notamment, qu’une élue est poursuivie ou mise en cause, et ce, dans des procédures tant civiles que criminelles ou quasi judiciaires, incluant des enquêtes du coroner ou des commissions d’enquête, en raison d’un acte ou omission dans l’exercice des fonctions d’élue. L’éventail des situations visées est large ».

[68]    « Le fait qu’on allègue la commission par l’élue […] [d’un] acte interdit dans une poursuite criminelle ne prive pas du droit à la protection ».

[69]    Voir le texte des accusations, supra, note 63, dont le descriptif, qui colle au libellé du Code criminel, ne révèle pas les faits subjacents.

[70]    Dans cette affaire, le maire est accusé d’abus de confiance envers la municipalité (art. 122 C.cr.) ainsi que d’intimidation (423.1 C.cr.) et de menaces et représailles envers un employé de celle-ci (art. 425.1 C.cr.). C’est son avocat qui, fort d’une résolution précédente du conseil municipal en faveur de son client, intente une action sur compte à la municipalité. Il lui réclame ainsi directement le paiement des honoraires que lui doit l’élu aux fins de sa défense à des accusations criminelles toujours pendantes (l’enquête préliminaire a eu lieu et s’est soldée par un renvoi à procès). Or, l’avocat ne peut se substituer à son client en pareille matière, la municipalité, aux termes de l’art. 604.6 L.c.v., étant obligée envers l’élu et non son procureur. Cette question n’a cependant été débattue ni en première instance ni en appel.

[71]    Ce que confirme la lecture des mémoires, la preuve qu’on y retrouve n’étant pas très révélatrice.

[72]    La jurisprudence subséquente aux arrêts Bellefeuille et Berniquez, qui n’est pas très abondante, semble avoir considéré que ces deux arrêts ont changé le droit antérieur en excluant la poursuite criminelle du champ d’application de l’art. 604.6 L.c.v., sauf exception. Voir par ex. : Mailhot c. Montréal (Ville de), supra, note 25 (accusations criminelles contre des fonctionnaires municipaux); Poirier c. Boisbriand (Ville de), 2014 QCCS 67 (accusation criminelle contre un élu municipal). L’approche généreuse a toutefois survécu dans Legault c. Municipalité de Sainte-Lucie-des-Laurentides, 2018 QCCS 4921 (accusation criminelle contre une élue municipale, art. 711.19.1 C.m.).

[73]    Qui ont été critiqués, par ex. dans : Rino Soucy et Pierre-Hugues Miller, « L’après-commission Charbonneau : les élus et employés municipaux présumés coupables? », (2016) 412 Développements récents en droit municipal 165, p. 178 et s. Une certaine doctrine semble de plus conserver une vision large de la protection - d’ordre public - prévue par les art. 604.6 et s. et faire une lecture plus restreinte de l’arrêt Berniquez. Voir par ex. : F. Bouchard et I. Blackburn, supra, note 29, notamment aux paragr. 50, 56 et 59; J. Hétu et Y. Duplessis, avec la collab. de L. Vézina, supra, note 23, notamment aux paragr. 2.142 et 2.147.

[74]    Puisqu’ils correspondent en bonne partie aux accusations en cause dans Berniquez et Bellefeuille, fondées notamment sur les art. 121, 122 et 123 C.cr., tout comme à celles du présent dossier.

[75]    Sur la protection en cas de doute, voir les motifs du j. Dalphond, paragr. 24 (reproduit au paragr. [77] supra), et ceux du j. Hilton, paragr. 117-118 (reproduits au paragr. [75] supra).

[76]    Berniquez, paragr. 42.

[77]    Même s’il va sans dire que la personne qui réussirait à faire la démonstration exigée par la juge Bélanger aurait droit à cette assistance.

[78]    Berniquez, paragr. 16, 18 et 21-24, reproduits au paragr. [77] supra, ainsi que le paragr. 26, reproduit au paragr. [79] supra.

[79]    Berniquez, paragr. 117-119, reproduits au paragr. [75] supra.

[80]    Supra, note 25, paragr. 91, cité dans Bellefeuille, paragr. 17 (reproduit au paragr. [86] supra).

[81]    Infra, paragr. [114].

[82]    Voir les motifs des juges Dalphond et Hilton.

[83]    RLRQ, c. I-16 :

41.1.    Les dispositions d’une loi s’interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble et qui lui donne effet.

41.1    The provisions of an Act are construed by one another, ascribing to each provision the meaning which results from the whole Act and which gives effect to the provision.

 

      Voir aussi : Pierre-André Côté, avec la collab. de Mathieu Devinat et Stéphane Beaulac, Interprétation des lois, 4e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2009, notamment aux paragr. 1155-1165; Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd., Markham, LexisNexis, 2014, notamment aux paragr. 11.2-11.6 et 13.6-13.15.

[84]    Dans la version anglaise du premier al. de l’art. 604.7, « [t]he person for whom the municipality is required to incur expenses under section 604.6 » [je souligne].

[85]    L’art. 604.9, al. 1 L.c.v. prévoit l’application de l’art. 604.6 à un tel recours.

[86]    Par exception, aux termes de l’art. 604.7, al. 3 in fine L.c.v., la mécanique du remboursement ou de la cessation de paiement établie en faveur de la municipalité par les deux premiers alinéas de cette disposition ne s’applique pas aux situations où l’élu a bénéficié de la protection de l’art. 604.6 dans le cadre d’une poursuite intentée en vertu de l’art. 312.1 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, supra, note 30. Le droit de la municipalité au remboursement des frais qu’elle aura assumés est alors régi par l’art. 312.6, al. 2 de cette loi, qui prend ainsi le relais de l’art. 604.7 L.c.v. :

312.6  Le membre du conseil déclaré coupable, par jugement passé en force de chose jugée, d’une infraction qui a fait l’objet d’une poursuite ayant servi de fondement à un jugement en déclaration d’incapacité provisoire doit rembourser à la municipalité et à tout organisme mandataire de la municipalité ou organisme supramunicipal toute somme, attribuable à la période durant laquelle il a dû cesser d’exercer ses fonctions, qu’il a reçue à titre de rémunération ou d’allocation de dépenses en vertu de la Loi sur le traitement des élus municipaux (chapitre T-11.001).

312.6  If found guilty, by a judgment that has become final, of the offence alleged in the proceedings on which the judgment declaring him provisionally incapable was based, the council member must repay to the municipality and any mandatary body of the municipality or supramunicipal body any sum received as remuneration or an allowance under the Act respecting the remuneration of elected municipal officers (chapter T-11.001) for the period during which he was forced to cease performing any duty of office.

          Il doit également rembourser, le cas échéant, les dépenses faites par la municipalité dans le cadre de sa défense à l’encontre de la demande en incapacité provisoire en vertu du paragraphe 3° de l’article 604.6 de la Loi sur les cités et villes (chapitre C-19) ou du paragraphe 3° de l’article 711.19.1 du Code municipal du Québec (chapitre C-27.1).

          The council member must also reimburse the municipality for any expenses paid in the context of the defence of the council member against a provisional relief application brought under subparagraph 3 of the first paragraph of section 604.6 of the Cities and Towns Act (chapter C-19) or subparagraph 3 of the first paragraph of article 711.19.1 of the Municipal Code of Québec (chapter C-27.1).

[Je souligne]

      Comme la situation de l’espèce n’a rien à voir avec ces dispositions, nous n’en parlerons pas davantage.

[87]    C’est ce que semblent laisser entendre les motifs du j. Dalphond dans Berniquez, paragr. 18 et, implicitement, paragr. 41, reproduits aux paragr. [77] et [79] supra.

[88]    Hypothèse que semble bien évoquer le juge Hilton dans Berniquez, paragr. 99.

[89]    Voir le paragr. 119 de l’arrêt Berniquez (reproduit au paragr. [75] supra, alors que le juge Hilton souligne que la question de savoir si l’élu a commis une faute lourde, intentionnelle ou séparable de l’exercice de ses fonctions se soulève « uniquement à l’étape ultérieure où la municipalité tente de se dégager des conséquences pécuniaires de son obligation en demandant à l’élue de lui rembourser le dépenses engagées ». C’est ce que semble également sous-entendre le juge Dalphond au paragr. 23 de ses motifs dans le même arrêt (voir paragr. [77] supra).

[90]    Campbell c. Hrtschan, supra, note 35 (passage pertinent reproduit au paragr. [42] supra).

[91]    Auger c. Pavone, supra, note 38, paragr. 23 et 34 (reproduits au paragr. [46] supra).

[92]    Supra, paragr. [66].

[93]    Supra, paragr. [100].

[94]    Voir infra, paragr. [122] et s.

[95]    Voir : R. Soucy et P.-H. Miller, supra, note 73, p. 181.

[96]    Sur ce point, voir les motifs du j. Hilton dans Berniquez, paragr. 97 (reproduit au paragr. [74], supra).

[97]    C’est ce que paraît bien confirmer l’art. 604.9, paragr. 3, L.c.v. Cette disposition permet à la municipalité d’intervenir dans l’action instituée contre l’élu (alors qu’elle est pendante, donc) et d’y débattre de l’art. 604.7, à condition toutefois que cette action soit une procédure civile (« civil proceedings ») devant un tribunal judiciaire (« court of justice »).

[98]    Sur l’importance du principe interprétatif de la cohérence des lois entre elles, voir par ex. : P.-A. Côté, avec la collab. de M. Devinat et S. Beaulac, supra, note 83, paragr. 1269 et s.

[99]    RLRQ, c. A-23.1.

[100]   RLRQ, c. A-32.1.

[101]   RLRQ, c. A-33.3.

[102]   RLRQ, c. B-1.2.

[103]   RLRQ, c. C-38 (loi dont le champ d’application est réduit, vu l’adoption de la Loi sur les sociétés par actions, RLRQ, c. S-31.1).

[104]   RLRQ, c. C-62.1.

[105]   RLRQ, c. C-67.2.

[106]   RLRQ, c. C-67.3.

[107]   RLRQ, c. D-8.01.

[108]   RLRQ, c. E-6.1.

[109]   RLRQ, c. G-1.02.

[110]   RLRQ, c. H-5.

[111]   RLRQ, c. I-16.0.1.

[112]   RLRQ, c. I-13.03.

[113]   RLRQ, c. I-13.3.

[114]   RLRQ, c. M-44.

[115]   RLRQ, c. R-25.01.

[116]   RLRQ, c. S-4.2.

[117]   RLRQ, c. C-8.1.

[118]   RLRQ, c. S-10.0001.

[119]   RLRQ, c. S-17.2.0.1.

[120]   RLRQ, c. S-17.2.2.

[121]   RLRQ, c. S-17.4.

[122]   RLRQ, c. S-17.5.

[123]   RLRQ, c. S-18.2.0.1.

[124]   RLRQ, c. S-25.1.

[125]   RLRQ, c. S-29.01.

[126]   L’art. 177.2 de la Loi sur l’instruction publique s’applique aussi aux membres du comité exécutif de la commission scolaire (art. 182) ainsi qu’aux membres du comité de parents et aux membres du comité consultatif des services aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (art. 196, al. 2).

[127]   L’art. 103 de la Loi sur les coopératives, L.Q. 1982, c. 26, a été mis en vigueur le 21 décembre 1983 par proclamation : Proclamation concernant l’entrée en vigueur de certains articles de la Loi sur les coopératives, (1983) 115 G.O.Q. II 4908.

[128]   L’art. 73 de la Loi sur l’instruction publique existe depuis 1988 et est entré en vigueur le 1er juillet 1989 (L.Q. 1988, c. 84), tandis que l’art. 177.2 y a été inséré en 1997 (L.Q. 1997, c. 96, a. 27).

[129]   Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, paragr. 10.

[130]   Cette preuve prima facie étant, rappelons-le, une démonstration sommaire, superficielle et d’apparence, qui n’a pas à faire l’objet d’un examen substantiel et approfondi (voir supra, paragr. [66]).

[131]   Supra, note 25.

[132]   Voir par ex. : Zampino c. Ville de Montréal, 2019 QCCS 3316. Accusé de complot en vue de commettre une fraude ainsi que de fraude, d’abus de confiance et de participation à l’abus de confiance commis par un fonctionnaire, M. Zampino est acquitté. Il réclame de la Ville de Montréal le remboursement des coûts de sa défense, qui s’élèvent à 1 598 012,44 $, demande qui sera rejetée pour cause de prescription.

[133]   Bellefeuille, paragr. 19 (reproduit au paragr. [86] supra).

[134]   Par analogie, voir : Association générale des étudiants de la Faculté des lettres et sciences humaines de l'Université de Sherbrooke c. Roy Grenier, 2016 QCCA 86, paragr. 32-36; Quebecor inc. c. Société Radio-Canada, 2011 QCCA 387, paragr. 7-9.

[135]   Protocole de l’instance, 11 février 2016, p. 3.

[136]   [1943] B.R. 713, notamment aux p. 719-720 (C.A., motifs du j. Bissonnette), repris dans Packington, paragr. 43. Voir aussi, dans Houde, les p. 727-728 (motifs du j. St-Jacques). Notons au passage que l’arrêt Houde, qui concerne une action en responsabilité entreprise contre un conseiller municipal en raison des propos qu’il aurait tenus auprès de ses collègues sur la personne du défendeur, soulève la question de l’immunité autrefois reconnue au membre du conseil à l’encontre des poursuites civiles. Il s’agit en outre d’une affaire qui avait été entendue sur le fond.

[137]   Voir : Berniquez, paragr. 34 (motifs du j. Dalphond), reproduit au paragr. [79] supra.

[138]   Voir : Résolution 149-09 pour autorisation du lancement d’appel d’offres, pièce-P-16, mémoire de l’appelante, p. 88; témoignage de Gilles Pépin, notes sténographiques du 3 avril 2018, p. 142, l. 23-25, 143, 144, l. 1-3, 202, l. 15-17, et 204, l. 2-12.

[139]   Témoignage de Sophie Laflamme, notes sténographiques du 4 avril 2018, p. 36, l. 9.

[140]   Témoignage de Conrad Lord, notes sténographiques du 4 avril 2018, p. 71.

[141]   Notes sténographiques du 3 avril 2018, p. 56, l. 6-16 et p. 70, l. 10-15.

[142]   Notes sténographiques du 4 avril 2018, p. 144, l. 11-18.

[143]   Notes sténographiques du 3 avril 2018, p. 59, l. 11-24.

[144]   Notes sténographiques du 3 avril 2018, p. 71- 73.

[145]   Voir supra, paragr. [150] in fine.

[146]   Voir : Groupe TVA inc. c. Directrice des poursuites criminelles et pénales, C.Q Longueuil, 505-26-011586-123 et autres, supra, paragr. [10] et note 5.

[147]   Notes sténographiques du 4 avril 2018, p. 152-153. Voir également les échanges qui suivent entre le juge, le témoin Brisson et les avocates, p. 154-159.

[148]   Notes sténographiques du 4 avril 2018, p. 175-176.

[149]   Notes sténographiques du 4 avril 2018, p. 184-185.

[150]   Elle n’aurait appris la continuation de l’enquête Hydre que quelques jours auparavant. Voir : notes sténographiques du 4 avril 2018, p. 158 in fine, 159 et 165.

[151]   Voir par ex. : notes sténographiques du 4 avril 2018, p. 155, 157-158, 161-162 et 174.

[152]   Notes sténographiques du 4 avril 2018, p. 179-180.

[153]   Notes sténographiques du 4 avril 2018, p. 180-181. La même chose sera répétée, en d’autres mots, un peu plus tard lors de la même audience, alors qu’on mentionne encore le privilège de l’enquête (notes sténographiques du 4 avril 2018, p. 199). Enfin, le témoin Brisson refusera pour cette raison encore de répondre, en contre-interrogatoire, à une question de l’avocate de M. Pépin sur l’implication de ce dernier dans cet autre volet de l’enquête (notes sténographiques du 4 avril 2018, p. 206-207).

[154]   Notes sténographiques du 4 avril 2018, p. 190.

[155]   C’est ce que l’on comprend des propos du juge, qui y voit le fruit d’une vengeance politique.

[156]   Supra, note 135.

[157]   Jugement de première instance, paragr. 79.

[158]   Frais dont le quantum n’est pas contesté.

[159]   [2002] R.J.Q. 1262 (C.A.).

[160]   2019 QCCS 4961. Poursuivi en diffamation par un ancien conseiller municipal, l’appelant, dans cette affaire, a déjà bénéficié de l’assistance financière de la municipalité, qui lui a toutefois été retirée à la suite de l’arrivée au pouvoir d’adversaires politiques. Il intente une action en mandamus contre la municipalité afin de rétablir la protection prévue par l’art. 604.6 L.c.v. pour des frais qu’il a déjà encourus et continue d’encourir dans le cadre de l’action en diffamation.

[161]   L’art. 711.19.4 C.m. est le pendant de l’art. 604.9 L.c.v.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.