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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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RÉGION : |
Laurentides |
SAINT-ANTOINE, le 8 février 2002 |
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DOSSIERS : |
154958-64-0102 155226-64-0102 |
DEVANT LE COMMISSAIRE : |
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ASSISTÉ DES MEMBRES : |
Jean E. Boulais |
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Associations d’employeurs |
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Alain Archambault |
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Associations syndicales |
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ASSISTÉ DE L'ASSESSEUR : |
Jean Morin, médecin |
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DOSSIER CSST : |
114879851 |
AUDIENCE TENUE LES : |
6 et 7 novembre 2001 et 3 décembre 2001 |
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EN DÉLIBÉRÉ LE : |
21 décembre 2001 |
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À : |
Saint - Antoine |
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Dossiers : |
145823-64-0009 155226-64-0102 |
DORIS BOIVIN |
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PARTIE REQUÉRANTE |
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COMMISSION SCOLAIRE DE LA SEIGNEURIE‑DES‑MILLES‑ÎLES |
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PARTIE INTÉRESSÉE |
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Dossier : |
154958-64-0102 |
COMMISSION SCOLAIRE DE LA SEIGNEURIE‑DES‑MILLES‑ÎLES |
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PARTIE REQUÉRANTE |
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DORIS BOIVIN |
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PARTIE INTÉRESSÉE |
DÉCISION
Dossier : 145823-64-0009
[1] Le 1er septembre 2000, madame Doris Boivin (la travailleuse) dépose, auprès de la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle elle conteste une décision rendue, le 17 août 2000, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision rendue le 22 décembre 1998 et déclare que la travailleuse n’a pas établi que le diagnostic de lombosciatalgie gauche est relié à l’un ou l’autre des événements survenus le 12 mars et le 26 mai 1998. En conséquence, la travailleuse n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [L.R.Q., c. A-3.001] (la loi), en regard de ce diagnostic.
Dossiers : 154958-64-0102 et 155226-64-0102
[3] Le 6 février 2001, la travailleuse et la Commission scolaire de la Seigneurie‑des‑Milles‑Îles (l’employeur) déposent respectivement une requête à l’encontre d’une décision rendue, le 16 janvier 2001, par la CSST, à la suite de la révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme une décision rendue le 29 août 2000 et faisant suite à un avis rendu par un membre du Bureau d'évaluation médicale. La CSST déclare que la lésion de la travailleuse est un traumatisme crânien mineur associé à un syndrome post-traumatique d’allure fonctionnelle ; que le diagnostic de commotion cérébrale émis par le médecin traitant ne constitue pas une lésion professionnelle ; que le traumatisme crânien est consolidé depuis le 23 avril 1999 ; qu’il y a suffisance des traitements après cette date ; et qu’il n’y a aucune atteinte permanente et limitation fonctionnelle.
[5] De plus, la CSST infirme une décision rendue le 1er juin 2000 et conclut que la dépression, affligeant la travailleuse, constitue une lésion professionnelle.
[6] Aux audiences tenues les 6 et 7 novembre et le 3 décembre 2001, les deux parties sont présentes et représentées.
[7] Le 5 décembre 2001, la Commission des lésions professionnelles procède à une réouverture d’enquête afin d’obtenir, de la part des parties aux litiges, plus de précisions quant à sa compétence d’attribuer des pourcentages de déficit anatomo‑physiologique en regard des conclusions médicales recherchées au plan neurologique et tel que plaidé, considérant qu’aucun rapport ou expertise en neurologie ne soutient les conclusions recherchées.
[8] Le 18 décembre 2001, le procureur de la travailleuse informe la Commission des lésions professionnelles qu’il désire que celle-ci se prononce d’abord sur la nature des diagnostics neurologiques et que, conséquemment, elle pourra ordonner à la CSST de procéder à l’évaluation des séquelles permanentes par rapport aux diagnostics retenus.
[9] Dans une lettre datée du 20 décembre 2001, le procureur de l’employeur se dit totalement d’accord avec la position retenue par le procureur de la travailleuse.
[10] La Commission des lésions professionnelles prend la cause en délibéré, à compter du 20 décembre 2001.
L'OBJET DES LITIGES
[11] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que le diagnostic de lombosciatalgie constitue une lésion professionnelle, en relation avec l’événement survenu le 26 mai 1998, et pour laquelle elle a droit à un déficit anatomo‑physiologique et aux limitations fonctionnelles retenus par le docteur Tremblay, dans son expertise du 24 janvier 2001.
[12] La travailleuse demande également de maintenir que le diagnostic de dépression constitue une lésion professionnelle. Elle demande enfin à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître les diagnostics de traumatisme crânien, de commotion cérébrale, de syndrome cérébral post-commotionnel et de vertiges périphériques à titre de lésions professionnelles.
[13] Pour sa part, l’employeur soutient que les diagnostics de lombosciatalgie et de dépression ne constituent pas des lésions professionnelles. L’employeur considère que la Commission des lésions professionnelles ne peut que retenir, au plan neurologique, les diagnostics émis par le membre du Bureau d'évaluation médicale, soit ceux de traumatisme crânien mineur associé à un syndrome post-traumatique d’allure fonctionnel et non organique.
LES FAITS
[14] La présente section est subdivisée afin de permettre de circonscrire la preuve pertinente présentée pour chacun des objets du litige.
A) L’événement et le suivi médical neurologique
[15] La travailleuse est surveillante chez l’employeur, notamment sur les heures du dîner, à raison de cinq heures par jour, depuis 1987. Avant les événements, elle ne souffre d’aucun problème physique, est en forme, n’a jamais consulté pour des douleurs au cou ou au dos. Elle n’a subi qu’une chute sur les deux genoux, en 1997.
[16] Un Avis de l’employeur et demande de remboursement, complété le 21 avril 1998, fait la description suivante d’un événement survenu le 12 mars 1998 vers 14 h 15 :
« J’étais a surveiller au terrain de stationnement des autobus pour le départ des élèves vers 14h10 Josée O'Sullivan, Valérie Corbeil, Nancy Isabella, en voulant me faire une caresse m’ont sauté dans les bras, j’ai glissé tombant sur le dos et me frappant l’arrière de la tête sur le sol glacé. Je me suis relevé étourdi, mais j’ai terminé. Avec l’aide d’étudiants je me suis rendu au bureau de direction. Témoin Josée O’Sullivan + Nancy Isabella Valérie Corbeil. » (sic)
[17] La travailleuse explique qu’à la suite de cette chute, elle se souvient que des personnes lui « tiraient dessus » en lui disant « lève-toi Doris ». Elle se relève effectivement mais constate qu’en marchant, elle a la sensation de ne pas sentir le sol, d’être comme sur des nuages. À ce moment, elle a des douleurs aux fesses et à la tête, ce qui la préoccupe le plus. Elle ressent des nausées, une migraine, des sensations de vomissements et d’étourdissements, ne pouvant bouger la tête, sans ressentir des vertiges.
[18] Les notes de consultation de l’urgence, du 12 mars 1998, font part qu’à l’arrivée, la travailleuse souffre de céphalées bifrontales, non-pulsatiles, augmentant avec les mouvements de la tête, d’absence d’une diminution de l’état de conscience, avec éveil normal, orientée, et que la travailleuse coopère bien. Le docteur Rioux-Letendre retient une impression diagnostique de traumatisme crânien, sans évidence de latéralisation, avec lacération occipitale et anisocorie non significative avec un examen neurologique normal.
[19] La radiographie cardio-pulmonaire est normale, la radiographie cervicale démontre l’absence de fracture et d’un pincement intervertébral. Une tomodensitométrie cérébrale s’avère également normale. Une Attestation médicale, complétée le 13 mars 1998, fait part d’un traumatisme crânien, de vertiges post-traumatiques et d’un scan cérébral négatif.
[20] Une Attestation médicale, complétée le 17 mars 1998, mentionne un diagnostic de vertiges post-commotion cérébrale.
[21] Le docteur Bélanger retient, le 27 mars 1998, un diagnostic de commotion cérébrale alors que le docteur Gagné, médecin qui prend charge, diagnostique, le 30 mars 1998, une commotion cérébrale avec céphalées et vertiges persistants.
[22] Référée en neurologie, le docteur Rosu retient, le 22 avril 1998, un diagnostic de commotion cérébrale avec céphalées persistantes et étourdissements.
[23] Dans ses rapports médicaux du 27 avril et du 4 mai 1998, le docteur Gagné émet un diagnostic de vertiges post-commotion persistants.
[24] La travailleuse est de retour au travail le lundi, mais demeure affligée d’une vision difforme, avec mal à la tête et étourdissements. Elle bénéficie subséquemment d’un arrêt de travail pour deux semaines pour ensuite reprendre son emploi à raison de deux à trois heures par jour et, par la suite, revenir à un travail régulier de cinq heures par jour. Durant cette période, la travailleuse souffre de maux de tête, de migraines, de vomissements, d’une diminution de son endurance physique et ressent une fatigue énorme, ne comprenant rien à son état physique.
[25] Le 26 mai 1998, en sortant de chez elle pour se diriger vers son travail, elle dépose ses sacs sur le pallier. Étant sur la première marche et en se redressant, elle est atteinte de vertiges. Dans la crainte de tomber vers l’arrière d’une hauteur de trois marches, la travailleuse explique qu’elle se retourne pour ne pas se frapper à nouveau la tête et glisse alors sur les mains et les genoux, vers l’avant dans l’escalier. Elle ressent des douleurs aux mains, aux genoux et un peu au dos, sa préoccupation demeurant toujours de ne pas frapper sa tête et son cou.
[26] Le 27 mai 1998, le docteur Carpentier retient un diagnostic de séquelles de commotion cérébrale (vertiges) avec présence d’une entorse à la cheville gauche, à la suite d’une chute secondaire à des vertiges, dans un escalier. Ces diagnostics sont repris par le docteur Gagné, le 4 juin 1998, lorsqu’il souligne l’existence d’une séquelle de commotion cérébrale (vertiges, nausées, céphalées) avec entorse de la cheville gauche « post-chute », à la suite d’un vertige.
[27] Dans un Rapport final du 17 juin 1998, le docteur Devost fait part d’un diagnostic de commotion cérébrale terminée avec présence de vertiges occasionnels et d’une entorse à la cheville gauche guérie, sans œdème et sans limitation. Toutefois, le docteur Carpentier mentionne, le 18 juin 1998, un diagnostic de séquelles de commotion cérébrale avec céphalées, vertiges résiduels et séquelles d’entorse à la cheville gauche.
[28] Le 19 juin, la travailleuse consulte à la salle d’urgence et le docteur Blais conclut en un syndrome post-commotionnel à la tête et réfère la travailleuse en neurologie.
[29] La travailleuse revoit le docteur Rosu, neurologue, le 8 juillet. Ce dernier croit que les céphalées sont d’origine cervicale et suggère des traitements de physiothérapie et d’ostéopathie. Il retient un diagnostic de commotion cérébrale avec céphalées persistantes.
[30] Subséquemment, la travailleuse sera suivie par le docteur Vézina, orthopédiste, pour la lésion lombaire.
[31] Le 20 août 1998, la travailleuse est évaluée en audiologie par le docteur Ste-Marie, oto‑rhino-laryngologiste. Ce dernier croit que l’événement du 12 mars est accompagné d’une contusion labyrinthique, expliquant la persistance des nausées et des vertiges. Toutefois, l’électronystagmogramme est interprété comme normal et l’audiogramme ne démontre qu’une légère perte neurosensorielle bilatérale. Le docteur Ste-Marie conclut en des vertiges d’origine cervicale, considérant la négativité du bilan otologique.
[32] Le docteur Gagné retient, en janvier 1999 et février 1999, les diagnostics de séquelles de commotion cérébrale et de commotion avec vertiges.
[33] Dans une information médicale complémentaire du 18 janvier 1999, le docteur Ste‑Marie conclut, après investigation par audiogramme et électronystagmogramme, à des vertiges post‑traumatiques d’origine cervicale.
[34] En mars et en avril 1999, le docteur Gagné retient la présence de vertiges post‑commotion non résolus et prescrit une résonance magnétique, avec une analyse posturographique.
[35] En vertu de l’article 204 de la loi, le dossier est référé par la CSST au docteur Lachapelle, neurologue, qui examine la travailleuse le 14 avril 1999. Le docteur Lachapelle retient que :
« […]
11- L’accident du 12 mars 1998 a certainement causé un traumatisme crânien telle qu’en témoigne la lacération du cuir chevelu à la région occipitale documentée lors de l’évaluation médicale initiale. Ce même traumatisme crânien a probablement causé une commotion cérébrale mineure qui s’est manifestée uniquement par une altération très transitoire de l’état de vigilance sans perte de conscience véritable. Le traumatisme crânien n’a causé aucune lésion du parenchyme cérébral telle qu’en témoigne la négativité des divers examens neurologique décrits au dossier et la négativité du CT-scan cérébral du 13 mars. Dès les instants qui ont suivi le traumatisme, madame Boivin s’est plainte de nausées, de vomissement, de vertiges et de trouble d’équilibre. On a cru initialement en une contusion labyrinthique vue la présence d’un nystagmus lors de la première évaluation mais qui n’a pas été revue par la suite par les différents examinateurs qui ne décrivent pas non plus de trouble d’équilibre ou de coordination. Cette hypothèse diagnostique de contusion labyrinthique a été éliminée par la négativité de l’évaluation otologique mais peut aussi être rétrospectivement éliminée vue la nette discordance entre la symptomatologie vertigineuse et l’absence de tout déficit à l’examen. Il persiste depuis le traumatisme des céphalées vasculaires migraineuses fréquentes, des nausées, des vertiges, un déficit cognitif et un trouble d’équilibre. Il y a nette discordance entre l’importance de la symptomatologie subjective et la banalité du traumatisme crânien initial qui n’a causé qu’une commotion cérébrale très légère ne s’étant manifestée que par une altération de quelques secondes de l’état de vigilance sans perte de conscience véritable. De plus, les anomalies retrouvées à l’examen neurologique fait aujourd’hui ne peuvent s’expliquer par un problème organique. » (sic)
[36] Le docteur Lachapelle conclut son examen ainsi :
« 1 - Diagnostic
Je retiens le diagnostic de traumatisme crânien.
J’accepte le diagnostic de commotion cérébrale mineure.
Je rejette les diagnostics de contusion labyrinthique et de syndrome post-commotionnel vue la nette discordance entre l’importance de la symptomatologie déficitaire et la banalité du traumatisme crânien initial.
2 - Date de consolidation
Du point de vue neurologique, en toute justice, je retiens la date de la présente évaluation comme représentant la date de consolidation.
3 - Évaluation du traitement suivi jusqu’à maintenant
Du point de vue neurologique, les lésions subies lors de l’événement du 12 mars 1998 ne justifient aucun traitement spécifique.
4 - Évaluation des limitations fonctionnelles
L’événement du 12 mars 1998 n’entraîne aucune limitation et madame Boivin est jugée apte à reprendre sans aucune limitation et à temps plein le travail de surveillante d’élèves qu’elle occupait précédemment.
5 - Évaluation du déficit permanent
Du point de vue neurologique, l’évaluation du déficit résultant de la lésion du 12 mars 1998 peut être donné ainsi :
• Commotion cérébrale mineure, code 211283 : 1 %. » (sic)
[37] En avril et mai 1999, le docteur Gagné retient un diagnostic de vertiges post-commotion avec évaluation en posturographie à faire et référence en neurologie.
[38] Le 26 avril 1999, le docteur Tinawi, physiatre, procède à une étude posturographique et conclut à des troubles d’équilibre post-trauma crânien légers, dont l’étiologie demeure à déterminer.
[39] Une résonance magnétique cérébrale, réalisée le 24 avril 1999, conclut à un examen dans les limites de la normale pour l’âge de la patiente.
[40] En juin 1999, le docteur Gagné retient le diagnostic de vertiges post-commotion sous évaluation.
[41] Une évaluation neuropsychologique est effectuée à la demande de la CSST, en juillet et en août 1999. Dans son rapport du 18 août 1999, madame Harvey, neuropsychologue, conclut ainsi :
« […]
Cette évaluation neuropsychologique effectuée dans un contexte d’arrêt de travail ayant débuté le 12 mars 1998 en raison d’une commotion cérébrale légère, visait à objectiver les problèmes cognitifs persistants de la travailleuse ainsi qu’à orienter les services en réadaptation. Le résultat du présent bilan confirme encore une fois la discordance entre l’intensité des problèmes observés chez madame et l’importance de la commotion cérébrale. Nous croyons que les symptômes subjectifs décrits par madame Boivin s’apparentent à un trouble d’adaptation avec humeur anxio-dépressive et que cette condition s’ajoute à la commotion cérébrale légère. Par ailleurs, les résultats des épreuves neuropsychologique objectivent la persistance de troubles au niveau de l’attention ainsi qu’au plan des lobes frontaux. Notons de plus que des séquelles légères sont objectivées sur le plan tronculaire. Ces difficultés ont un impact réel sur les capacités cognitives de madame Boivin et l’empêchent encore à l’heure actuelle de réintégrer son emploi à temps plein.
Du strict point de vue neuropsychologique, madame Boivin demeure encore en invalidité et est incapable d’effectuer son emploi en raison de la fatigabilité mentale. Nous croyons que les perturbations sur le plan frontal et sur le plan de l’attention ne l’empêcheraient pas d’occuper son poste. Cependant, la fatigabilité mentale et les troubles de récupération sont encore incapacitants. Nous considérons par ailleurs que le pronostic de réintégrations à son ancien poste est positif en raison de la faible complexité cognitive de sa tâche. Par ailleurs, nous croyons que certains traitements pourraient aider madame à récupérer tant sur le plan cognitif que sur le plan comportemental et selon les résultats obtenus au test, nous formulons les recommandations suivantes :
[…] » (sic)
[42] En décembre 1999, le docteur Gagné conclut en la présence de vertiges post-traumatiques constituant un handicap avec lequel la travailleuse doit apprendre à vivre.
[43] Le 10 mars 2000, le docteur Gagné complète un Rapport complémentaire. Commentant le rapport du docteur Lachapelle, neurologue, complété le 23 avril 1999, il est alors d’avis que :
« Je suis d’accord avec Dx : trauma cranien mineure + comotion cérébrale mineure mais Þ vertiges nausées aux changements de positions et aux objets ou personnes qui se déplacent rapidement sont apparues X le trauma cranien.
Bien que le scan cérébral /RMN/ electronystagnogramme soient normaux- Les symptômes sont là et incapacitants - nous n’avons pas d’explications physiologiques et pathologiques ; mais la patiente n’avait pas ce problème la avant sa chute. Þ je vous envoie une copie de la consulta Dr Lavigne ORL + Rapport institut pour évaluation posturographie Þ vertiges sont objectivés et des exercices ont été enseignées. - pte ne conduit plus son véhicule pcqu’elle à des mouvements réflexes rétropulsion si trop de circulation /a peur d’avoir un accident. […] je crois que les vertiges incapacitent partiellement la pte et sont apparus dès le trauma cranien.
[…] » (sic)
[44] Le docteur Lavigne, oto-rhino-laryngologiste, inscrit dans un Rapport complémentaire du 28 avril 2000, que la première évaluation était normale en date du 22 mars 1999 alors que la posturographie semble s’être avérée normale. Il note que le docteur Tinawi conclut à un trouble d’équilibre post-trauma crânien léger, dont l’étiologie demeure à déterminer, et que la travailleuse fût dirigée en physiothérapie.
[45] Le dossier est référé au Bureau d'évaluation médicale, le 7 juin 2000, opposant le Rapport complémentaire du 10 mars 2000, du docteur Gagné, à celui complété par le docteur Lachapelle, le 23 avril 1999. Au bordereau de transmission, il est souligné que le docteur Gagné retient les diagnostics de traumatisme crânien, de commotion cérébrale, de vertiges et de nausées alors que le docteur Lachapelle retient, pour sa part, ceux de trauma crânien et de commotion cérébrale mineure. Il y a opposition quant à la date de consolidation et quant à la nature ou la nécessité des soins, le docteur Gagné référant la travailleuse à un oto‑rhino-laryngologiste pour une évaluation et thérapie.
[46] Le 29 juin 2000, le docteur Bourgeau, neurologue, examine la travailleuse, en qualité de membre du Bureau d'évaluation médicale. Le docteur Bourgeau est alors d’avis que :
« AVIS MOTIVÉ :
DISCUSSION :
Considérant l’événement accidentel du 12 mars 1998 alors que la requérante a fait une chute et a subi un traumatisme crânien mineur sans perte de conscience significative et sans évidence de commotion cérébrale notable selon toutes les notes et documents au dossier ;
Considérant l’ensemble de la symptomatologie qui s’est établi par la suite impliquant essentiellement des céphalées d’ordre tensionnelle et des étourdissements qui ne peuvent être qualifiés véritablement de vertiges alors que les tests complémentaires à cet égard, particulièrement l’audiogramme et l’électronystagmogramme, n’ont aucunement démontré d’anomalie spécifique et que les examens neurologiques répétés se sont révélés strictement normaux en accord avec la scanographie et la résonance magnétique ne démontrant aucune lésion spécifique ;
Considérant les examens cliniques répétés ne démontrant aucun déficit neurologique ;
Tenant compte des avis du docteur Gagné et de l’évaluation du docteur Jacques Lachapelle en date du 23 avril 1999 ;
Tenant compte de l’ensemble des symptômes décrits par la requérante lors de son évaluation en date du 29 juin 2000, un résumé de ces symptômes ayant été remis par la requérante sur des notes scripturales et reliées au présent rapport ;
Tenant compte de notes examen actuel ne faisant aucunement la démonstration de quelques déficit que ce soit du point de vue neurologique ;
1 - DIAGNOSTIC :
Le diagnostic qui s’impose dans le cas présent est celui de traumatisme crânien mineur associé à un syndrome post-traumatique d’allure fonctionnelle et non organique.
2 - DATE OU PÉRIODE PRÉVISIBLE DE CONSOLIDATION DE LA LÉSION :
Nous sommes d’accord avec le docteur Lachapelle pour considérer que la condition que cette requérante ne s’est aucunement modifiée depuis plus d’un an alors qu’elle n’a subi aucun traitement spécifique et que tous les examens complémentaires et cliniques se sont avérés négatifs. Dans ce contexte, notre examen étant similaire à celui du docteur Lachapelle, nous recommandons que la date de consolidation suggérée par ce dernier soit retenue, soit la date du 23 avril 1999.
3 - NATURE, NÉCESSITÉ, SUFFISANCE OU DURÉE DES SOINS OU TRAITEMENTS ADMINISTRÉS OU PRESCRITS
D’un strict point de vue neurologique, il n’y a pas lieu de recommander quelque traitement supplémentaire que ce soit, à l’heure actuelle, après la date de consolidation fixée plus haut.
4 - EXISTENCE OU POURCENTAGE D’ATTEINTE PERMANENTE À L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE OU PSYCHIQUE DE LA TRAVAILLEUSE :
Nous sommes d’avis que nous ne pouvons retenir la notion de commotion cérébrale et ne pouvons retenir la notion de vertige ou contusion labyrinthique ou syndrome post-commotionnel suite à l’événement accidentel déclaré du 12 mars 1998.
En conséquence, il apparaît impossible de recommander, dans le cas présent, de DAP en relation avec ce fait accidentel.
5 - EXISTENCE OU ÉVALUATION DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES DE LA TRAVAILLEUSE :
Il n’y a pas lieu de recommander de limitation fonctionnelle du point de vue neurologique. »
[47] Cette évaluation complète la preuve médicale au plan neurologique.
B) La lésion lombaire
[48] La travailleuse explique que suite à sa première chute, le 12 mars 1998, ce qui la préoccupait davantage était les douleurs ressenties à sa tête. À la suite de la chute survenue le 26 mai 1998, ses problèmes lombaires se sont développés à la longue. Elle souffre d’abord d’une douleur aux hanches qui, subséquemment, est ressentie aux jambes. Elle éprouve de la difficulté à marcher, à se pencher et même à s’asseoir. Elle ressent une douleur à la cheville et les douleurs au dos augmentent avec le temps. Devant cette condition, elle prend elle-même un rendez-vous, sans passer par son médecin de famille, connaissant déjà un orthopédiste à la suite de son accident survenu en 1997. C’est ainsi qu’un rendez-vous est fixé auprès du docteur Vézina, le 30 juillet 1998.
[49] La travailleuse fait part qu’entre le 26 mai et le 30 juin, ses symptômes sont davantage ressentis à sa hanche, ne pouvant tourner le corps, se tenant le corps raide, avec des douleurs irradiant au bas du dos et dans ses jambes. Devant la persistance des douleurs, le docteur Carpentier procède, le 26 juin 1998, à une infiltration à la cortisone. Par la suite, elle suit des traitements de physiothérapie quelques mois. Toutefois, à la suite du refus de sa réclamation pour cette lésion par la CSST, elle défraie elle-même, durant une période d’un an, le coût des traitements de chiropractie. Elle reçoit une autre infiltration en novembre, alors que sa condition actuelle démontre toujours des douleurs aux jambes, avec de la difficulté à marcher et certaines limitations de mouvements.
[50] Monsieur Fonner, fils de la travailleuse, témoigne que sa mère lui faisait part de douleurs au bas du dos, dans les fesses et dans les jambes à la suite d’une chute survenue le 26 mai 1998. Sa mère a, subséquemment, toujours ressenti une douleur partout dans le dos et dans ses jambes, ces douleurs étant apparentes.
[51] Dans un Rapport médical du 30 juillet 1998, le docteur Vézina retient un diagnostic de lombosciatalgie gauche et prescrit des traitements de physiothérapie. Dans ses notes de consultation, le docteur Vézina inscrit que la travailleuse a eu une infiltration (1X) à la hanche gauche et qu’il s’agit d’une patiente connue pour un syndrome fémoro-patellaire gauche avec bursite de la hanche. Il est inscrit que la travailleuse a subi une commotion cérébrale et souffre de vertiges depuis, et qu’elle a fait une chute le 26 mai sur ses genoux.
[52] Une tomographie axiale lombaire du 21 septembre 1998 fait part, à L3-L4, d’un débordement léger du disque en périphérie ; à L4-L5, d’un débord discal périphérique d’environ deux à trois millimètres, sans hernie discale franche, sans sténose spinale, avec présence d’arthrose facettaire bilatérale plus marquée à gauche ; et, à L5-S1, d’un léger débord discal postérieur venant à peine effleurer la racine droite de S1, sans la comprimer, sans protusion discale franche, mais avec présence d’arthrose facettaire bilatérale, un peu plus marquée du côté droit, sans sténose spinale, ni sténose des récessus.
[53] Les notes du docteur Vézina du 29 septembre 1998 font d’ailleurs état qu’il n’y a aucune hernie franche et une impression diagnostique d’arthrose facettaire est retenue.
[54] Des blocs facettaires sont effectués, le 3 novembre 1998, alors que le docteur Vézina note, le 25 novembre 1998, une lombosciatalgie actuellement plus grande à droite qu’à gauche.
[55] Le docteur Vézina souligne, le 7 janvier 1999, que la lombosciatalgie est améliorée de 50 % avec la chiropractie et recommande la poursuite des traitements.
[56] À la demande de la CSST, la travailleuse est examinée par le docteur Masri, chirurgien orthopédiste. Le docteur Masri examine la travailleuse et conclut en une entorse de la colonne cervicale présentement résolue, de même qu’en une entorse à la cheville gauche. Il consolide ces lésions le jour de son examen, soit le 25 mars 1999, sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle.
[57] Le docteur Vézina consolide la lésion au 23 avril 1999, sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle, en notant toutefois un diagnostic de lombosciatalgie à droite.
[58] À la demande du docteur Tremblay, orthopédiste, une radiographie, réalisée le 18 janvier 2001, dénote, au niveau dorsolombaire, une légère spondylose dorsale étagée et minime avec spondylose L1‑L2, L3‑L4. Sont également notés un léger pincement intersomatique L4-L5, une arthrose facettaire marquée à L4‑L5 et touchant également L5-S1.
[59] Le docteur G. R. Tremblay, examine la travailleuse le 24 janvier 2001. Notant que la flexion antérieure bloque à 50° et que l’extension ne dépasse pas la position neutre, la travailleuse se plaignant de vertiges et de céphalées, il est d’avis que la travailleuse présente des séquelles douloureuses d’une entorse lombaire causée par une chute sur un rachis modérément arthrosique, mais non symptomatique. Concernant la relation, le docteur Tremblay est alors d’avis que :
« […]
Il est clair que la chute que madame Boivin a faite en mars 1998 n’a entraîné aucune lésion lombaire.
Par contre, la chute qui est survenue le 26 mai 198 est seule responsable de la condition lombaire, puisque c’est dès cette chute que l’on commence à parler de douleurs lombaires.
Lorsque l’on discute de la relation entre ce diagnostic et la lésion du 12 mars 1998, il faut reposer notre raisonnement sur la prémice que les vertiges sont en relation avec l’accident du 12 mars 1998.
Ceci n’est pas de notre spécialité et nous avons des opinions divergentes au dossier.
Il est évident que, si les vertiges ne sont pas en relation avec la lésion du 12 mars, la lombo-sciatalgie, suite à une entorse lombaire survenue le 26 mai, ne peut pas être ne relation.
Par contre, si les vertiges sont en relation avec l’événement du 12 mars 1998, alors la lombo-sciatalgie devient en relation par conséquence des vertiges.
Madame Boivin présentait certes une condition personnelle de discarthrose lombaire et d’arthrose sacro-iliaque mais, en autant que l’on puisse le voir dans le dossier, cette condition était purement asymptomatique, alors qu’elle est devenue symptomatique et le demeure depuis mai 1998.
[…] » (sic)
[60] À l’audience, l’employeur dépose des extraits de l’événement survenu le 7 février 1997 (document E-1). Il est indiqué, aux notes évolutives de la CSST du 29 janvier 1998, que la travailleuse a vu le docteur Vézina, le 26 janvier, et qu’elle a eu une infiltration à la hanche gauche et que c’est la région qui la fait le plus souffrir à ce moment.
[61] Dans ces documents, figure également une expertise réalisée le 5 mai 1998 par le docteur Vézina, orthopédiste et médecin qui a charge. Il est inscrit que la travailleuse se plaint, outre de douleurs à la face antérieure du genou gauche, de douleurs à la hanche gauche, à la face latérale. Il est indiqué que la travailleuse a reçu une infiltration cortisonée à la hanche gauche et que les lésions sont consolidées, sans atteinte permanente, mais avec limitations fonctionnelles, notamment d’éviter de monter et descendre des escaliers de manière répétitive. Il est également indiqué que la travailleuse a présenté une bursite trochantérienne de la hanche gauche pour laquelle elle a bénéficié de traitements de physiothérapie ainsi que d’une infiltration.
[62] À l’audience, le docteur Tremblay témoigne que le diagnostic demeure celui d’un syndrome facettaire lombaire alors que les radiographies démontrent la présence d’arthrose facettaire à L4‑L5 et L5-S1. Avant les événements, il n’y a aucune évidence que la travailleuse se plaignait de douleurs au rachis lombaire. À cause d’un rachis déjà raide et d’un mouvement de torsion lors de la chute, ces mécanismes ont été suffisants pour engendrer des séquelles d’entorse lombaire, la travailleuse n’ayant pas d’arthrose significative avant l’événement et les douleurs étant apparues quelques jours après la chute, selon le témoignage de la travailleuse.
[63] Il soumet que le diagnostic de lombosciatalgie est engendré par une irritation de la racine L5 et de la racine L4 étant plus marquée à gauche qu’à droite. Il est possible, à son avis, que la lombosciatalgie était présente en juillet et soit disparue car il ne l’a pas noté personnellement lors de son examen. Il ne subsiste qu’une douleur lombaire et un raidissement du rachis. À son avis, la travailleuse possède des séquelles compensables et il attribue des limitations fonctionnelles de classe I selon l’Institut de recherche en santé et sécurité au travail (l’IRSST).
[64] En contre-interrogatoire, le docteur Tremblay souligne qu’il n’avait aucune information au dossier, qu’avant le 30 juillet 1998, la travailleuse ait pu être affligée d’une lombosciatalgie. Il admet que cette lésion peut devenir symptomatique, sans qu’aucun événement ne la déclenche.
[65] Le docteur Major, orthopédiste, témoigne pour le compte de l’employeur. Il admet ne pas avoir examiné la travailleuse et ne témoigner que sur dossier. Il estime qu’il n’y a aucune relation entre l’accident allégué par la travailleuse et le diagnostic de lombosciatalgie. À la suite de la chute, la travailleuse a rencontré plusieurs médecins, dont notamment le docteur Gagné le 4 juin 1998, lequel note une entorse à la cheville, sans présence de lombosciatalgie. Le docteur Devost consolide l’entorse de la cheville, le 17 juin 1998, alors que la travailleuse témoigne ressentir des douleurs énormes dans sa jambe gauche, au point que ses douleurs sont remarquées par son fils. Aussi, le 18 juin, le docteur Carpentier ne parle aucunement de douleurs lombaires, mais simplement de la cheville gauche.
[66] Il n’y a donc pas de relation entre le diagnostic de lombosciatalgie et les événements allégués puisque, si le traumatisme avait été suffisamment significatif, la travailleuse aurait eu des symptômes dans les jours qui suivent. Or, aucun médecin, dans les jours et même dans le mois qui suit, ne note une symptomatologie. Aussi, une tomodensitométrie révèle de l’arthrose facettaire pour laquelle la travailleuse a obtenu des traitements, le 3 novembre 1998, par blocs facettaires. De plus, une expertise médicale, complétée deux mois avant l’événement, fait état d’une lombosciatalgie, provenant probablement de la présence d’arthrose facettaire sur les deux côtés. Il s’agit donc d’une condition personnelle non reliée à la chute.
[67] À son avis, l’opinion du docteur Tremblay, lequel retient un diagnostic d’entorse, relève du domaine de l’hypothèse puisqu’il n’est fait aucune mention, au dossier, d’un mouvement de torsion pouvant générer une telle entorse. Le docteur Vézina, orthopédiste, aurait pu signaler, le 30 juillet, la présence d’une entorse lombaire mais a préféré retenir celui de lombosciatalgie. Il soumet que l’origine de cette lombosciatalgie est facettaire et constitue une condition personnelle.
[68] À son avis, même si le docteur Carpentier indique la présence d’une douleur à la marche prolongée en juin 1998, il constate que ce médecin ne fait aucunement mention que cet inconfort provient de douleurs lombaires ou d’une séquelle d’entorse à la cheville gauche. Cette douleur peut également provenir soit de la bursite de la hanche, du syndrome fémoro-patellaire, ou encore de l’arthrose facettaire. Aussi, une infiltration est réalisée à la hanche en juin et le témoignage de la travailleuse est à l’effet qu’elle n’a pas vu de médecin avant le 30 juillet pour sa lésion au dos.
[69] Par ailleurs, la chute survenue le 26 mai 1998 est susceptible d’avoir entraîné une entorse lombaire puis rendre symptomatique une arthrose. Il reconnaît qu’un mouvement de torsion peut générer également une lombosciatalgie. Toutefois, la travailleuse aurait alors ressenti des douleurs immédiates. Dans le présent dossier, il devient difficile de savoir quand les douleurs lombaires sont apparues. Le témoignage de la travailleuse ne rend pas plus crédible la relation car les douleurs sont apparues de façon progressive et se sont intensifiées avec le temps. L’apparition des douleurs à la jambe est arrivée de façon tardive et, dans ces conditions, il s’agit davantage de la manifestation d’une condition personnelle préexistante.
[70] Le docteur Tremblay rétorque pour sa part qu’avec l’entorse, il peut se développer un épanchement suffisant pour irriter la racine nerveuse sur la facette. Le délai d’apparition peut alors s’étendre sur une période d’une ou deux semaines, les douleurs s’installant progressivement. Il estime que cette douleur correspond à la douleur à la marche notée par le docteur Carpentier, le 16 juin, soit deux semaines plus tard Ce phénomène établit une relation et la lombosciatalgie découle, à son avis, du traumatisme survenu le 26 mai 1998.
C) La lésion psychiatrique
[71] La travailleuse témoigne qu’avant l’événement de mars 1998, elle ne souffrait d’aucun trouble psychologique et fonctionnait très bien.
[72] La travailleuse relate, eu égard aux événements survenus en 1990, qu’à cette époque s’est produit un incident au cours duquel un garçon est victime d’une allergie alimentaire. Elle demande à la Direction de reconduire cet enfant, mais constate que l’enfant a immédiatement besoin de soins. La travailleuse précise qu’à ce moment, une jeune fille présente sur les lieux est en possession d’une seringue « Épipen », mais la direction ne veut pas qu’on utilise cette seringue. Le garçon en serait ultérieurement décédé. Malgré cet incident, la travailleuse n’a jamais manqué de journée de travail, entre 1990 et 1998, a toujours été à son emploi, aimait sa tâche et n’a souffert d’aucun facteur ou problème fonctionnel. De plus, elle n’a jamais ressenti, avant l’événement de mars 1998, de problème de vertiges et de nausée, bien qu’elle souffre, à l’occasion, de céphalées, soit d’une fois aux deux mois.
[73] À la suite de sa chute en mars 1998, elle ressent des maux de têtes, des vomissements, des vertiges, une perte temporelle de mémoire avec une certaine difficulté à parler et à écrire des mots connus. De plus, à la fin de ses journées de travail, elle ressent une énorme fatigue, sa tête bourdonne et a une vision trouble. Depuis son retour de l’hôpital, elle souffre de pertes de mémoire, ne pouvant exprimer des mots simples, oubliant certains éléments, tels un chaudron sur le poêle, une bouilloire qui fonctionne, prendre ses médicaments, etc. Elle a également des difficultés à parler, bégaie et recherche ses mots, ayant même de la difficulté à écrire des mots. Aussi, elle se targue qu’après quinze jours, elle connaissait les élèves par leur prénom. Après l’événement, elle ressent de la difficulté à retenir ceux-ci.
[74] La travailleuse affirme de plus ressentir des troubles de fatigue, de perte de concentration et, à son avis, la chute, survenue en mai 1998, n’a rien changé, ressentant toujours les mêmes problèmes.
[75] Par ailleurs, six mois après l’incident, elle n’accepte toujours pas sa condition et ne peut rester assis longtemps et doit aller se coucher. Elle est incapable de lire, ne se souvenant plus de chose simple, ne pouvant effectuer de la couture ou faire de l’artisanat, ressentant des maux de tête importants, etc. Tous ces symptômes sont apparus dès l’accident, sans qu’elle puisse comprendre leurs présences. Elle réalise, dans les premiers six mois, qu’elle est incapable d’effectuer certaines activités, se fâche, se trouvant à part, anormale, ce qu’elle n’accepte pas. Il y aurait même eu une tentative de suicide ratée, cette idée étant, toutefois, toujours présente dans sa tête. Elle ne s’accepte plus comme personne, considérant que sa personnalité d’avant l’événement est morte, tout en n’acceptant pas les limites de sa nouvelle personnalité.
[76] La travailleuse témoigne qu’elle pleure tout le temps pour rien, ne comprend pas son état, ressent beaucoup de douleurs, n’a pas d’aide, n’est pas comprise et trouve difficile d’accepter les conséquences de cet événement. Elle ne peut plus s’occuper de rien, se détendre puisqu’elle ne dort qu’une bonne nuit de sommeil par semaine, a une perte d’appétit, perd du poids, ne mange pas, n’a pas faim. C’est en consultant un organisme, soit Le Bouclier, qui la prend en charge, qu’elle commence à comprendre sa situation.
[77] Au plan médical, le docteur Gagné note, le 29 mai 1999, une dépression situationnelle et prescrit un antidépresseur.
[78] Tel que signalé précédemment, la travailleuse est évaluée, sur le plan neuropsychologique, par madame Harvey, laquelle complète son rapport le 18 août 1999.
[79] Le 5 octobre 1999, le docteur Dumaraix, psychiatre, voit la travailleuse à l’urgence. Il note la présence de divers symptômes dont, notamment des ruminations suicidaires récentes. Il conclut ainsi :
« IMP DX : Axe I dépression majeure
Axe II nil
Axe III HTA
Axe IV trauma
Axe V faible » (sic)
[80] Le 14 janvier 2000, la travailleuse est examinée par le docteur Laperrière, psychiatre, pour le compte de l’employeur. Celui-ci note l’absence d’antécédent personnel et familial sur le plan psychiatrique et relève, à l’histoire de la maladie actuelle, qu’à la toute fin de l’examen, la travailleuse mentionne que ses véritables difficultés auraient débutés en 1990, alors qu’elle a dû s’occuper d’un enfant qui a présenté une allergie, lors d’un dîner.
[81] Le docteur Laperrière conclut, en terme diagnostique, ce qui suit :
« [ ]
DIAGNOSTIC
Malgré l’absence de documents médicaux pertinents au dossier, selon l’histoire recueillie, l’entretien avec le conjoint et mon examen objectif, le tableau clinique présenté est compatible avec un épisode dépressif d’intensité psychotique. La nature, la durée et l’intensité de la symptomatologie présentée laissent croire à un état dépressif d’intensité quasi mélancolique.
Il m’apparaît difficile de relier cet état dépressif à l’événement de mars 1998 étant donné que cette femme parle d’un autre événement en 1990 et d’autre part, la dépression dite majeure est par définition, une entitée (sic) multifactorielle. Il ne m’apparaît pas que ce soit la nature et l’intensité des événements décrits. mais plutôt l’interprétation que cette femme fait des différents événements et leurs conséquences. Elle décrit s’être vidée, épuisée et se considère comme morte par en-dedans.
Donc, il m’apparaît s’agir d’une condition essentiellement personnelle. »
[82] Le docteur Gagné, pour sa part, note, dans un Rapport médical du 7 février 2000 qu’un diagnostic de dépression sévère psychotique a été posé par le docteur Laperrière. À cet égard, il demande l’opinion d’un autre psychiatre.
[83] Dans une Information médicale complémentaire écrite produite le 10 mars 2000, le docteur Gagné précise :
« […]
La Dépression majeure est survenue ds un contexte multifactorielle j’en conviens, mais elle a été déclenché par la perte d’autonomie partielle que cela a provoqué et parce que le tx à ses vertiges sont inexistants et parce que la pte personnellement n’accepte pas d’être diminué de capacité. actuellement l’état psychologique s’améliore mais les symptômes de vertiges demeurent.
[…] » (sic)
[84] À la suite de la demande formulée par le docteur Gagné, le docteur Fortin, psychiatre, examine la travailleuse le 14 mars 2000. Le docteur Fortin est d’avis que :
« IMPRESSION DIAGNOSTIQUE
Axe 1 : Dépression majeure partiellement compensée.
Axe 2 : Différé pour le moment.
Axe 3 : Hypertension artérielle contrôlée.
Commotion cérébrale minime en 1998, sans séquelle neuropsychologique objectivée.
Axe 4 : Stresseurs : accident de 1998 ; Madame me dit également qu’elle conteste la décision de la CSST.
Axe 5 : Elle ne peut travailler actuellement à cause de son état dépressif.
CONDUITE
Je lui propose d’augmenter son Effexor à la dose maximale et je la reverrai dans 1 mois. Je l’avise que je n’appuierai pas sa contestation auprès de la CSST. En effet, je crois également que sa dépression est due à une condition personnelle et n’est pas en soi un accident de travail ou une lésion professionnelle. De plus, la possibilité d’obtenir une révision à la CSST ne fait qu’augmenter l’acharnement de la patient et maintenir son état dépressif. »
[85] Le docteur Béliveau, psychiatre, examine la travailleuse le 2 août 2000, pour fins d’expertise. Après examen, il conclut que :
« […]
CONCLUSIONS
Madame Doris Boivin continue à présenter à mon avis des séquelles d’un syndrome post-commotionnel se manifestant encore essentiellement par de la fatigabilité, des céphalées, des vertiges et des déficits cognitifs. Elle continue à présenter également, en relation avec la persistance de ses limitations fonctionnelles, de la perte de son autonomie et de son incapacité à fonctionner comme avant l’accident, un Trouble de l’adaptation avec en plus de l’anxiété une humeur dépressive d’intensité modérément sévère.
Ces séquelles de syndrome post-commotionnel sont en relation avec le traumatisme crânien que madame Boivin a subi lors de l’accident du 12 mars 1998 et le Trouble d’adaptation est également en relation avec les conséquences de l’accident, à savoir avec les limitations et la perte d’autonomie qui ont entraîné la perte d’estime de soi et l’insécurité expérimentées par madame Boivin. La colère contre les représentants de la commission scolaire que madame Boivin expérimentait depuis l’événement de 1990 ne l’empêchait pas de fonctionner de façon tout à fait adéquate et d’être tout à fait asymptomatique jusqu’à l’accident de mars 1998. Le décès du mari de madame Boivin en mai dernier, et dont elle n’a pas encore fait le deuil, contribue par ailleurs à entretenir la symptomatologie dépressive qui était préexistante à ce décès depuis l’accident.
Comme madame Boivin est actuellement en traitement actif (psychothérapie hebdomadaire et traitement psychopharmacologique) et comme sa condition est susceptible d’amélioration avec un tel traitement, on doit reporter à une date indéterminée la date de consolidation.
Je prévois que madame Boivin conservera une atteinte permanente à l’intégrité psychique, à tout le moins pour les séquelles du syndrome post-commotionnel.
Je prévois que madame Boivin conservera des limitations fonctionnelles sur le plan psychique qu’il y aura lieu d’évaluer lorsque la condition sera consolidée, en même temps que l’atteinte permanente sur le plan psychique.
Il y a indication de poursuivre le traitement en cours, à savoir le traitement psychopharmacologique sous la supervision du docteur Lucie Fortin, psychiatre, de même que la psychothérapie pour une période d’au moins six mois.
[…] »
[86] Suite à un nouvel examen, le 12 mars 2001, le docteur Béliveau complète un rapport complémentaire d’expertise le 20 mars 2001. Il est alors d’opinion que :
« […]
CONCLUSIONS
Madame Doris Boivin continue à présenter, en relation avec les conséquences de l’événement du 12 mars 1998, des séquelles d’un syndrome post-commotionnel se manifestant encore essentiellement par de la fatigabilité, des céphalées, des vertiges et des déficits cognitifs ainsi qu’un Trouble de l’adaptation avec en plus de l’anxiété une humeur dépressive d’intensité modérément sévère en relation avec la persistance de ses limitations fonctionnelles, de la perte de son autonomie ainsi que de son incapacité à fonctionner comme avant l’accident.
Étant donné que la condition de madame Boivin ne s’est aucunement améliorée en dépit des mesures thérapeutiques fort adéquates dont elle a bénéficié depuis mon dernier examen, je suis d’avis que l’on doit consolider la condition psychique de madame Boivin à la date de mon examen. Il y a indication que madame Boivin puisse encore bénéficier du traitement en cours de façon à prévenir une détérioration de sa condition, mais je doute fort qu’elle puisse s’améliorer de façon significative de la symptomatologie qu’elle présente actuellement.
J’évalue en conséquence les séquelles permanentes sur le plan psychique en relation avec l’événement du 12 mars 1998 avec un D.A.P. de 15 % (code 222556).
Je prévois que madame Boivin conservera comme limitations fonctionnelles, en relation avec l’événement du 12 mars 1998, une incapacité d’occuper quelque emploi exigeant une prestation régulière de services durant une journée normale de travail et quelque emploi exigeant une bonne capacité de concentration, une bonne capacité d’adaptation au stress et une bonne tolérance à la frustration.
[…] »
[87] Le docteur Béliveau témoigne à l’audience qu’un traumatisme crânien est la résultante d’un coup subi à la suite d’une contusion, d’une commotion. Une contusion demeure une lésion cérébrale objectivée par un test, notamment une résonance magnétique ou un scan. Par ailleurs, la commotion peut survenir, sans qu’une lésion ne soit identifiée, et s’exprime davantage par une perte de conscience avec ou non une amnésie. Suite à un traumatisme crânien, il peut également survenir un syndrome post-commotionnel démontré par des signes cognitifs, la présence de maux de tête, de la fatigue et de l’irritabilité. Le syndrome post-commotionnel se diagnostique par l’apparition de ces symptômes et l’évolution est en partie dépendante de la durée de la perte de conscience. Toutefois, même s’il ne subsiste aucune perte de conscience ou d’obnubilation, il peut tout de même survenir un syndrome post-commotionnel, ce dernier s’atténuant avec le temps. Il constate, dans le présent dossier, que les neurologues parlent de discordance entre les symptômes et la sévérité de la commotion rapportée. Dans certains cas, certains symptômes perdureront et s’aggraveront avec une composante psychologique telle une anxio-dépression. Souvent, certains neurologues poseront dans ces cas un diagnostic de syndrome post‑commotionnel fonctionnel ou post-traumatique.
[88] Dans le cas d’un syndrome cérébral organique, il doit y avoir une cause organique, de nature cérébrale, traumatique, métabolique, toxique ou vasculaire. S’il y a présence d’un symptôme fonctionnel et d’une pathologie dépressive après deux ans, il devient difficile de départager entre un syndrome cérébral fonctionnel et un trouble d’adaptation avec une humeur anxio-dépressive. Les signes classiques d’un syndrome cérébral fonctionnel peuvent varier d’une personne à une autre et sont souvent apparentés à ceux d’un syndrome cérébral organique. Dans le syndrome cérébral fonctionnel, les symptômes peuvent être amplifiés et il devient de plus en plus difficile, avec le temps, de le distinguer d’un syndrome cérébral organique.
[89] À son avis, dans le présent dossier, le diagnostic à retenir est celui d’un syndrome post‑commotionnel. Après deux ans, ce syndrome peut être qualifié de fonctionnel tel que le constatent les docteurs Bourgeau et Lachapelle qui reconnaissent l’existence de certains symptômes. Les tests neuropsychologiques peuvent permettre de départager entre l’existence d’un syndrome cérébral fonctionnel ou organique. Dans le présent dossier, il conclut à la présence d’un véritable syndrome post-commotionnel avec certains éléments anxio-dépressifs.
[90] Sur cet aspect, les troubles d’adaptation peuvent évoluer vers une dépression majeure. Lorsqu’il a examiné la travailleuse, il n’a pu mettre en évidence certains des critères retenus par le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV)[1].
[91] Le docteur Béliveau explique que les troubles d’adaptation doivent avoir une composante dépressive, mais sans tous les critères reliés à la fonction d’identification des facteurs de stress. Les troubles d’adaptation ne durent pas plus de six mois et sont du domaine transitoire. Dans certaines occasions, ils peuvent devenir chroniques avec la persistance des facteurs de stress. Quant à la dépression, son origine est multifactorielle, avec un ou plusieurs facteurs reliés notamment à l’hérédité, à une composante biologique ou circonstancielle peuvent être identifiés dans l’étiologie.
[92] À l’analyse du dossier, il constate l’absence d’antécédents importants ou d’autres facteurs significatifs chez la travailleuse. Les symptômes semblent davantage reliés à une perte d’autonomie, cette perte découlant directement de la survenance de l’événement. Il note que la dépression est en relation avec la perte de l’estime de soi et la perte d’autonomie. Le dossier démontre des symptômes évolutifs, s’installant lentement, générant une fatigabilité mentale correspondant à un syndrome post-commotionnel, mais avec aussi des signes évidents d’une dépression. Son examen de mars 2001 est identique au précédent, mais la travailleuse lui apparaissait alors plus anxieuse. Il consolide la lésion et attribue un déficit anatomo‑physiologique pour des difficultés d’adaptation, considérant la persistance des symptômes équivalents au syndrome post-commotionnel ou à un trouble d’adaptation faisant partie des névroses. Pour cette raison, il accorde un déficit anatomo-physiologique de 15%.
[93] Le docteur Laperrière témoigne pour le compte de l’employeur. Selon son évaluation du 6 avril 2000, la travailleuse souffrait alors d’une dépression sévère ou majeure, d’intensité psychotique puisqu’à son avis, la travailleuse possède un certain sens de la réalité.
[94] Le docteur Laperrière explique que la dépression, par définition, est une maladie autonome qui n’est pas reliée à un ou des événements extérieurs. Ni la qualité, ni l’intensité de l’épisode ne peut être également reliée à un événement extérieur. Il s’agit d’une maladie endogène dont on ne connaît pas la cause. Il y a lieu, à son avis, d’en faire la distinction d’avec une dépression situationnelle, également appelée trouble d’adaptation avec éléments dépressifs, qui demeurent des lésions reliées à des événements extérieurs pour lesquels peuvent être identifiés des facteurs de stress.
[95] La lecture de l’examen du docteur Béliveau confirme également un diagnostic de dépression majeure. Aussi, le docteur Fortin conclut dans le même sens et tous les examens psychiatriques sont superposables. Il réitère, dans le cas d’une dépression majeure, même s’il semble possible qu’un événement extérieur puisse être relié à l'apparition de cette lésion, que cela n’en établit pas la relation car on ne connaît pas la cause réelle de cette dépression. Dans le présent dossier, malgré qu’une chute sur le dos soit survenue et que cet événement entraîne une pléiade de symptômes, trois psychiatres, à deux mois d’intervalle, posent le même diagnostic de dépression. Il est dans la nature humaine de rechercher une explication à ce qui survient, mais on ne doit pas conclure d’emblée à l’existence d’une relation pour autant. L’événement a pu affecter ou avoir une certaine influence ou conséquence, mais l’on ne peut parler de relation de cause à effet dans le présent dossier.
[96] Il est d’opinion que la travailleuse, à cause d’éléments dépressifs, interprète de façon erronée les faits, telles qu’en font foi les multiples plaintes somatiques. La travailleuse décrit des sensations qu’elle interprète par sa dépression et avec une certaine idéation. C’est la raison pour laquelle la dépression est d’origine multifactorielle et qu’elle ne peut être déclenchée par une perte d’autonomie ou un quelconque événement, ces éléments s’opposant à la définition même de la dépression. Quant à l’existence d’un syndrome post-commotionnel, ce diagnostic relevant de la neurologie, il n’est pas de sa compétence d’en traiter.
[97] En conclusion, le docteur Laperrière demeure d’avis que la travailleuse est victime d’une dépression, que la cause demeure inconnue et, puisqu’il s’agit d’une maladie autonome et endogène, et bien que l’on veuille en rechercher la cause dans l’accident, notamment par la présence d’un traumatisme crânien, de vertiges ou d’autres symptômes, cet événement ne peut être à l’origine de la dépression diagnostiquée.
[98] En contre-interrogatoire, le docteur Laperrière admet que la travailleuse n’a aucun antécédent psychiatrique ou familial. Un médecin, avant d’établir une relation, doit tenir compte du dossier, des confidences exprimées par la travailleuse et de son examen objectif. La dépression étant de nature multifactorielle, on ne peut la relier à un événement précis, car elle découle d’un ensemble de facteurs causals. Par définition, la dépression est une condition personnelle dont on ne connaît pas la cause. Ces facteurs peuvent être d’origines biologique, psychologique ou sociale. Même si la travailleuse met l’emphase sur l’événement à titre d’élément déclencheur, tous les psychiatres, notamment les docteurs Fortin, Dumaraix et lui‑même, énoncent qu’il ne peut exister d’événement déclencheur. Tenir un tel discours ne relève pas d’un raisonnement médical.
[99] Le docteur Laperrière poursuit en soulignant que, si la travailleuse était affligée de troubles dysthémiques ou encore d’une dépression situationnelle, ceux-ci auraient pu évoluer vers une dépression majeure, tout étant possible. Toutefois, dans le cas d’une dépression situationnelle, celle-ci aurait été causée par un facteur de stress, en vertu du DSM-IV, et les troubles d’adaptation auraient été définis et identifiés.
[100] Pour poser un diagnostic de dépression majeure, il doit y avoir au moins la présence cinq symptômes sur les neuf symptômes identifiés au DSM-IV. La tâche du psychiatre, médecin spécialiste, est de départager entre ces symptômes, alors que pour un généraliste, il pourrait subsister une similitude de diagnostic.
[101] Questionné sur le sentiment de culpabilité que la travailleuse entretient face aux événements de 1990, le docteur Laperrière soumet que c’est la travailleuse elle-même, en toute fin d’entrevue, qui en a fait mention. Il n’a pas fait passer de tests neuropsycholgiques, reconnaissant que les neuropsychologues sont compétents dans l’administration de ces tests mais que leurs interprétations doit être faite en fonction de la clinique par un psychiatre. Certes, il peut y avoir une atteinte frontale, suite à un traumatisme, et le neuropsychologue peut en démontrer la présence par divers tests. C’est au médecin, toutefois, d’en attribuer la signification et, dans le présent dossier, il considère à l’examen mental que la travailleuse démontre une dépression de type quasi mélancolique avec une atteinte importante. Il ne peut ainsi établir une relation chronologique avec un événement déclencheur et la dépression, dont la travailleuse est affligée, constitue une condition personnelle. Le docteur Laperrière affirme toutefois, quant à l’importance de l’événement de 1990 versus celui de 1999, qu’il n’a pas questionné la travailleuse sur cet aspect et a conclu avec ce qu’il a entendu.
[102] En contre-preuve, le docteur Béliveau souligne que la littérature médicale n’est pas unanime à définir l’étiologie d’une dépression majeure à partir de seuls éléments génétiques. Il dépose un extrait du livre « Démystifier les maladies mentales (les dépressions et les troubles affectifs cycliques) »[2].
[103] Tel que souligné au chapitre 7 intitulé « Les facteurs psychosociaux en causes dans les maladies affectives » (page 91 à 109), le docteur Béliveau note que le docteur Leblanc mentionne exactement le contraire de l’opinion exprimée par le docteur Laperrière et il cite :
« Le nombre considérable d’études dites « transversales » (c.-à-d. qui se penche sur les sujets à un moment précis de leurs vies) ont permis de constater des différences importantes entre personnes déprimées et personnes non déprimées en ce qui concerne l’existence de facteurs divers précédant l’épisode dépressif. On peut notamment signaler une association entre la dépression et la présence de stresseurs récents (dans une proportion notable de cas) ou l’existence de mode particulier de perception d’environnement ou de réaction à cet environnement, de relation problématique avec l’entourage, de type de personnalité distinctif au chapitre de la dépendance par rapport aux autres, de déficit dans les comportements sociaux, etc. (Checkley 1995) » (sic)
[104] Le docteur Béliveau, se référant à la page 99 de ce chapitre, souligne aussi que :
« […]
La dépression constitue un champ fertile pour ce genre de recherche. En effet, face à l’hétérogénéité du concept de dépression, les théoriciens ont toujours, de manière implicite ou explicite, postulé qu’existaient deux grands types de dépression, l’un étant lié davantage à des facteurs biologiques (dépression endogène), et l’autre, à des facteurs psychologiques ou environnementaux. Or, les études ont montré de façon régulière que des événements stressants précédaient souvent l’apparition d’un épisode dépressif. Cependant, contrairement à une opinion répandue, il n’a pas été possible de distinguer entre divers types de dépression en fonction du fait qu’elles aient été ou non précédées d’événements stressants. Ce sont d’ailleurs ces résultats qui ont conduit à regrouper les multiples formes de dépression sous une seule catégorie diagnostique, celle de dépression majeure.
[…] »
[105] Le docteur Béliveau se réfère également à la page 101 du même chapitre qui énonce ce qui suit :
« […]
Néanmoins, le rôle des événements stressants semble prépondérant principalement dans le déclenchement du premier épisode. Ce rôle est moins évident dans les épisodes ultérieurs. Tout se passe comme si la maladie présentait avec le temps une évolution autonome, indépendante des stimuli extérieurs.
[…] »
[106] Le docteur Béliveau soutient que l’interprétation de la dépression retenue par le docteur Laperrière est trop restreinte et que la littérature médicale plus récente tend de plus en plus à démontrer qu’un épisode de dépression majeure peut se rattacher à un facteur causal externe. Par ailleurs, il se questionne sur l’importance de l’événement survenu en 1990, considérant que la travailleuse n’a jamais consulté sur une période de neuf ans. Si cet événement avait été aussi significatif sur le plan de la dépression, la travailleuse aurait sûrement ressenti dans les semaines ou les mois ou même l’année suivante son importance. Il soumet que la dépression a peut-être pu faire revivre certaines situations qui se sont passées et il y a lieu d’en différencier l’importance.
[107] À son avis, dans le présent dossier, l’on peut parler davantage de troubles d’adaptation alors que l’on identifie des symptômes très importants. Bien que les docteurs Fortin, Dumaraix et Laperrière retiennent un diagnostic de dépression majeur, avec lequel il demeure confortable, en aucun moment, il n’a été démontré que cette dépression était de nature psychotique ou quasi mélancolique.
[108] En réplique, le docteur Laperrière soutient qu’il n’a aucune influence sur les diagnostics antérieurs posés par ses collègues Ceux-ci relevaient déjà une composante quasi mélancolique qu’il a lui-même notée en janvier 2000. Le docteur Fortin, en mars 2000, souligne qu’il n’est pas clair si cette dépression est délirante puisque la travailleuse vivait une autodépréciation importante. Se référant aux critères retenus dans le DSM-IV, il soumet qu’en aucun moment il est mentionné qu’un événement extérieur peut être la cause et qu’il est dans la nature humaine de rechercher une cause extérieure permettant d’expliquer la situation vécue.
D) Le dossier juridique
[109] Le 29 avril 1998, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse pour un accident du travail, ayant causé un traumatisme crânien. Cette décision n’est contestée par aucune des parties.
[110] Le 15 juillet 1998, la CSST accepte également la réclamation de la travailleuse pour le diagnostic d’entorse à la cheville gauche. Le 4 mai 1999, la CSST recevant un Rapport médical du docteur Gagné mentionnant un diagnostic de tendinite de l’épaule droite conclut qu’il n’y a pas de relation entre cette lésion et l’événement du 12 mars 1998 et que la travailleuse n’a pas droit à des indemnités eu égard à cette lésion.
[111] Le 22 décembre 1998, après étude du dossier, la CSST constate que, depuis le 30 juillet 1998, la travailleuse est traitée pour une lombosciatalgie gauche. La CSST statue qu’elle ne peut établir de relation entre la lésion initiale et ce diagnostic. Cette décision est contestée par la travailleuse le 20 janvier 1999.
[112] Le 1er juin 2000, la CSST conclut qu’il n’y a pas de relation entre le nouveau diagnostic de dépression et l’événement du 12 mars 1998. Cette décision est contestée par la travailleuse le 29 juin 2000.
[113] Le 29 août 2000, la CSST rend une décision à la suite de l’avis rendu par le membre du Bureau d'évaluation médicale Elle conclut que le diagnostic du médecin traitant étant maintenu, elle a déjà établi qu’il est en relation avec l’événement du 12 mars 1998. Elle statue également que les soins ne sont plus justifiés depuis le 23 avril 1999 ; qu’il n’y a aucune atteinte permanente et de limitation fonctionnelle. Cette décision est contestée par la travailleuse le 21 septembre 2000.
[114] Les 17 août 2000 et 16 janvier 2001, la CSST rend, à la suite de révision administrative, les décisions faisant l’objet des présentes contestations.
L'ARGUMENTATION DES PARTIES
[115] Dans un premier temps, le procureur de la travailleuse plaide l’illégalité de la procédure d’évaluation médicale. Le docteur Gagné, dans son Rapport complémentaire du 10 mars 2000, se dit entièrement d’accord avec les diagnostics retenus par le docteur Lachapelle. Selon l’article 206, pour qu’un dossier soit soumis à la procédure d’évaluation médicale, le rapport du médecin désigné doit infirmer celui du médecin traitant, ce qui n’est pas le cas dans le présent dossier. Le membre du Bureau d'évaluation médicale ne pouvait se prononcer que sur les autres aspects médicaux prévus à l’article 212 de la loi, et non sur le diagnostic. La procédure est devenue illégale.
[116] Subsidiairement, le dossier démontre, de façon prépondérante, la présence d’un traumatisme crânien et d’une commotion cérébrale, relevés par tous les médecins, seul le docteur Bourgeau rejetant ce dernier diagnostic. Les tests neuropsychologiques et l’avis du docteur Bourgeau soutiennent également la présence d’un syndrome post-traumatique non organique et donc d’allure fonctionnelle, comme en témoigne également le docteur Béliveau. Enfin, le dossier révèle la présence de vertiges périphériques, non vestibulaires et d’origine cervicale, constituant une conséquence traumatique, même si aucun symptôme neurologique n’est démontré.
[117] En ce qui a trait à la lombosciatalgie, le procureur de la travailleuse réfère la Commission des lésions professionnelles à l’expertise du docteur Tremblay qui explique la survenance de cette lésion à la suite de la chute. Le docteur Major, dans son témoignage, fait l’omission du témoignage de la travailleuse et de son fils. Par ailleurs, si l’on soutient que la travailleuse est affligée d’arthrose, il plaide qu’il y a eu une aggravation par traumatisme de cette condition personnelle en mai 1998.
[118] Au plan psychiatrique, le docteur Laperrière relie davantage la pathologie de la travailleuse à un événement survenu en 1990, sans l’expliquer et sans aucune preuve de l’existence d’une symptomatologie quelconque en 1990. Pour le docteur Laperrière, la dépression est d’étiologie multifactorielle, mais il ne peut spécifier aucunement quels sont les facteurs particuliers à la travailleuse dans le présent dossier. L’opinion du docteur Béliveau doit prévaloir, celui-ci se référant à la littérature médicale récente qui démontre que, malgré un diagnostic de dépression majeure, il peut y avoir un élément stressant externe et qu’en l’occurrence, il s’agit de l’événement survenu le 12 mars 1998. Il est également reconnu par la Commission des lésions professionnelles que la dépression peut constituer une lésion professionnelle, reflétant davantage l’opinion émise par le docteur Béliveau.
[119] Le procureur de l’employeur soutient que l’événement mineur survenu en mars 1998 a dégénéré en des conséquences incroyables, sans aucune proportionnalité raisonnable. Trois psychiatres, soit les docteurs Dumaraix, Laperrière et Fortin, retiennent le diagnostic de dépression majeure et précisent qu’il n’y a aucune relation entre ce diagnostic et l’événement survenu en mars 1998. Il met en garde le tribunal quant à la crédibilité de la travailleuse alors que le docteur Laperrière soutient que celle-ci, souffrant d’un certain délire, peut être portée à exagérer les événements. Le docteur Laperrière a bien identifié la nature de la dépression et sa relation avec l’épisode survenu en 1990. Le docteur Laperrière est d’opinion qu’il n’existe aucun événement déclencheur pour ce type de maladie. Il s’agit d’une dépression de type endogène, sans aucun lien avec les événements externes. C’est cette opinion qui doit être retenue.
[120] Pour le diagnostic de lombosciatalgie, il n’y a aucune indication au dossier quand le problème au dos est apparu, si ce n’est le 30 juillet 1998. La travailleuse a subi une infiltration à la hanche en janvier 1998 mais également en juin 1998. La lecture du dossier par le docteur Major s’avère davantage précise que celle du docteur Tremblay. Il se réfère au délai de consultation et à la crédibilité de la travailleuse, laquelle souligne qu’elle était en bonne forme avant les incidents alors qu’elle était traitée pour une bursite et un syndrome fémoro-patellaire. Il en déduit que la relation demeure fort douteuse sinon absente.
[121] Quant aux diagnostics neurologiques, à son avis, le docteur Bourgeau a bien cerné la preuve médicale et le diagnostic de vertiges n’a pas été retenu, considérant la preuve médicale au dossier.
[122] En réplique, le procureur de la travailleuse soutient que le docteur Dumaraix et le docteur Fortin font état, à l’axe IV, d’un élément traumatique et stresseur et n’en ont jamais expliqué la nature. Quant à la lombosciatalgie, dès le mois de juin, la travailleuse signalait la présence d’une douleur à la marche ou à l’effort, que le docteur Tremblay a pu commenter.
L'AVIS DES MEMBRES
[123] Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales sont d’avis, après avoir entendu l’ensemble des témoignages en audience et révisé le dossier que la preuve médicale ne démontre pas de relation entre le diagnostic de lombosciatalgie et les événements survenus le 12 mars ou le 26 mai 1998, considérant notamment le délai d’apparition des symptômes et les consultations médicales contemporaines.
[124] Les membres sont également d’avis que le diagnostic de dépression majeure constitue une lésion professionnelle, considérant davantage prépondérante l’opinion formulée par le docteur Béliveau à l’audience, laquelle s’appuie sur la littérature médicale reconnue et sur la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles. Les membres estiment qu’il y a une relation directe entre les conséquences des traumatismes subis par la travailleuse les 12 mars et 26 mai 1998 et le diagnostic de dépression majeure, estimant qu’il s’agit, dans le présent dossier, d’un élément déclencheur important.
[125] Enfin, les membres sont d’avis, eu égard aux séquelles neurologiques, que la procédure d’évaluation médicale demeure irrégulière dans le présent dossier. La Commission des lésions professionnelles devient liée par les diagnostics retenus par les médecins qui ont charge soit ceux de traumatisme crânien et de commotion cérébrale pour lesquels il y a lieu de retourner le dossier auprès de la CSST, pour en établir les séquelles permanentes, la Commission des lésions professionnelles n’étant plus liée par les conclusions retenues par le membre du Bureau d'évaluation médicale.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
(La lombo-sciatalgie)
[126] Dans ce dossier, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la lombosciatalgie, diagnostiquée le 30 juillet 1998, constitue une lésion professionnelle en relation avec l’événement survenu le 12 mars ou le 26 mai 1998.
[127] L’article 2 de la loi définit ainsi la notion de lésion professionnelle :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation.
[128] Il n’est aucunement contesté l’existence de deux événements soit ceux survenus le 12 mars 1998 et le 26 mai 1998. En l’occurrence, aucune preuve ne démontre l’existence d’une relation entre l’événement survenu le 13 mars 1998 et la lésion de lombosciatalgie diagnostiquée le 30 juillet 1998. Ce qui est en cause dans l’étiologie de la lombosciatalgie demeure l’événement survenu le 26 mai 1998, alors que la travailleuse effectue une chute dans les escaliers chez elle, à la suite de vertiges.
[129] La Commission des lésions professionnelles retient du témoignage de la travailleuse qu’à la suite de cette chute, les premières douleurs sont d’abord ressenties à la hanche gauche pour, par la suite, irradier selon son témoignage à la jambe gauche.
[130] Or, la Commission des lésions professionnelles note que la travailleuse a déjà été traitée préalablement à la hanche gauche, à la suite d’un accident du travail survenu en 1997. À cet égard, le docteur Vézina, orthopédiste et médecin qui avait charge lors de cet événement, consolidait cette lésion le 5 mai 1998, donc suite à la chute survenue le 12 mars 1998. D’ailleurs la travailleuse avait déjà reçu une infiltration cortisonée à cette hanche dans le cours de cette lésion antérieure survenue en 1997.
[131] La Commission des lésions professionnelles note également qu’en juin 1998, le docteur Carpentier procède à une deuxième infiltration à la hanche gauche. C’est donc dire que le traitement de la hanche gauche concoure entre la consolidation d’une lésion professionnelle en mai 1998 et la survenance d’une nouvelle lésion en mars 1998, de laquelle découle un autre événement le 26 mai 1998.
[132] Dans cette séquence d’événements, il est à noter que la travailleuse voit tout de même quelques médecins, notamment le docteur Carpentier, en remplacement du docteur Gagné, et le docteur Gagné le 4 juin 1998. Aussi, le docteur Devost consolide l’entorse de la cheville découlant de la chute du 26 mai, le 11 juin 1998. La travailleuse revoit le docteur Carpentier les 18 et 19 juin, de même que le docteur Blais en juin et en juillet 1998. Or, aucun de ces médecins n’a jugé pertinent d’indiquer aux rapports médicaux l’existence d’une lombosciatalgie ou de toutes autres douleurs présentes à la jambe gauche de la travailleuse ou à son rachis lombaire.
[133] Le témoignage de la travailleuse et de son fils sont à l’effet que celle-ci était lourdement handicapée à la suite de la chute survenue le 26 mai 1998. Ces témoignages, quoique de bonne foi et crédibles, ne sont cependant pas corroborés sur le plan médical. En effet, comment faire une adéquation entre ces témoignages et le fait que la travailleuse consulte plusieurs médecins dans le cours du mois de juin et de juillet, sans qu’aucun de ceux-ci ne relève la présence d’une lombosciatalgie ou, à tout le moins, ne fasse état de douleurs au rachis lombaire ou à la jambe gauche.
[134] Certes, le docteur Carpentier note-t-il, le 18 juin 1998, une douleur à la marche. Cependant, il n’y a aucune preuve au dossier qui permette de déterminer qu’une telle douleur à la marche, pouvant être la conséquence d’une lombosciatalgie, découle strictement de celle-ci alors que le docteur Carpentier souligne dans son Rapport médical que la travailleuse est victime d’une séquelle d’entorse de la cheville gauche, laquelle est reconnue à titre de lésion professionnelle. Il demeure difficile d’expliquer, que le docteur Carpentier, notant dans ce rapport la présence de séquelles de commotion cérébrale avec présence de vertiges et de séquelles d’une entorse à la cheville gauche, ait pu passer sous silence la présence d’une lombosciatalgie, si tel est le cas, lorsqu’il inscrit que la travailleuse présente des douleurs à la marche. Le docteur Carpentier demeure un médecin qui suivait régulièrement la travailleuse à ce moment.
[135] La Commission des lésions professionnelles constate également que, dans le cours de l’évolution de cette lombosciatalgie, un déplacement de douleurs se produit de la jambe gauche à la jambe droite. En effet, le docteur Vézina note que la lombosciatalgie à droite devient plus importante que celle à gauche et lorsqu’il complète un Rapport final, c’est en soulignant l’existence d’une lombosciatalgie à droite.
[136] La Commission des lésions professionnelles considère que le docteur Tremblay, dans son expertise, ne fait part que d’une hypothèse de travail lorsqu’il souligne que la travailleuse a subi une entorse dans un mouvement de torsion le 26 mai, entorse qui pourrait entraîner la lombosciatalgie diagnostiquée et qu’il ne retrouve pas lors de son examen en janvier 2001. Il n’y a aucune preuve concomitante en mai 1998 à l’effet que la travailleuse aurait subi une entorse lombaire considérant le délai de consultation et l’absence de déclaration à cet effet.
[137] La Commission des lésions professionnelles estime donc, dans le présent dossier, que la relation formulée par le docteur Tremblay entre le diagnostic de lombosciatalgie et l’événement survenu le 26 mai 1998 ne demeure que purement hypothétique et spéculative, alors que les consultations médicales contemporaines n’en démontrent pas la survenance de façon claire et précise. Il est à noter que le docteur Tremblay souligne que, suite à un mouvement de torsion, il a pu y avoir un épanchement, lequel entraîne une irritation de la racine, et ce, sur une période d’un délai d’environ une à deux semaines, correspondant au trouble de marche noté par le docteur Carpentier en juin. Mais, tel qu’expliqué précédemment, la preuve ne révèle pas de façon prépondérante que la douleur à la marche découle strictement d’une lombosciatalgie et n’est pas strictement reliée à une entorse de la cheville gauche.
[138] La Commission des lésions professionnelles retient ainsi davantage l’opinion émise par le docteur Major à l’audience lequel attribue de façon plus prépondérante l’étiologie de la lombosciatalgie à la présence d’une arthrose facettaire, telle que démontrée au dossier. Cette explication rejoint davantage, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, l’évolution de cette lombosciatalgie telle que notée au dossier alors qu’en novembre 1999, la lombosciatalgie est davantage présente à droite qu’à gauche comme le note le docteur Vézina dans son rapport médical à cette date.
[139] Malgré que l’on ne puisse nier l’existence d’un traumatisme survenu le 26 mai 1998, lorsque la travailleuse effectue une chute d’une hauteur d’environ trois marches, la Commission des lésions professionnelles ne peut toutefois, malgré les témoignages, retenir de façon prépondérante que cette chute a joué un rôle prépondérant et marqué dans l’étiologie de la lombosciatalgie diagnostiquée le 30 juillet 1998, soit quelques deux mois suivant la date de l’événement. Aucun Rapport médical ne permet de déterminer l’existence d’une lésion au rachis ou à la jambe durant cette période bien que plusieurs médecins aient examiné la travailleuse durant le cours de celle-ci.
[140] La Commission des lésions professionnelles conclut qu’il n’est pas démontré par une preuve médicale prépondérante l’existence d’une relation entre la lombosciatalgie diagnostiquée le 30 juillet 1998 et les événements survenus le 12 mars ou le 26 mai 1998. Le diagnostic de lombosciatalgie ne constitue donc pas une lésion professionnelle au sens de l’article 2 de la loi.
(La lésion psychiatrique)
[141] Dans ce dossier, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le diagnostic de dépression constitue une lésion professionnelle et découle de l’événement survenu le 12 mars 1998.
[142] C’est le 29 mai 1999 que le docteur Gagné diagnostique initialement l’existence d’une dépression situationnelle et traite la travailleuse avec « Effexor ». Subséquemment, le docteur Gagné note une dépression secondaire alors que cette condition semble s’améliorer par médication.
[143] Au dossier, la mention subséquente eu égard à cette lésion est celle du docteur Dumaraix, psychiatre, qui examine le travailleur le 5 octobre 1999 et retient un diagnostic de dépression majeure. Ce diagnostic sera, subséquemment maintenu, par le docteur Laperrière, psychiatre, et le docteur Fortin, psychiatre, respectivement le 14 janvier 2000 et le 14 mars 2000. En l’absence d’une contestation prévue aux articles 212 et subséquent de la loi, la Commission des lésions professionnelles demeure liée par le diagnostic émis par le médecin qui a charge.
[144] C’est ainsi que la Commission des lésions professionnelles doit retenir qu’initialement le docteur Gagné diagnostique une dépression situationnelle laquelle semble avoir évolué selon le dossier en une dépression majeure diagnostiquée par trois psychiatres différents. La Commission des lésions professionnelles estime qu’il s’agit en l’espèce des diagnostics la liant.
[145] Quant à la relation, la Commission des lésions professionnelles estime qu’elle ne peut retenir l’opinion du docteur Laperrière dans le présent dossier. En effet, la Commission des lésions professionnelles constate que le docteur Laperrière soutient l’absence de relation au motif que la dépression majeure constitue une lésion endogène, sans qu’aucun élément extérieur ou stresseur ne puisse en être la cause. Le docteur Laperrière est d’opinion qu’il est tout à fait dans la nature humaine que, pour expliquer la survenance d’une telle lésion, l’on recherche un facteur causal et qu’en l’instance, il puisse être aisé de déterminer que l’événement survenu le 12 mars 1998 soit à l’origine de cette dépression. Selon le docteur Laperrière, tel n’est pas le cas et, en ce sens, il y a lieu de distinguer le trouble situationnel qui lui, survient en réponse à un événement stresseur précis.
[146] À cet égard, le docteur Béliveau témoigne à l’effet qu’il y a lieu de pondérer cette affirmation, se référant à la littérature médicale qui fait part que la dépression peut également survenir à la suite d’éléments stresseurs, notamment lors du premier épisode alors que la maladie serait davantage autonome lors des épisodes successifs.
[147] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles note également que le docteur Laperrière, invité à préciser quels sont les facteurs biologiques, psychologiques et sociaux à l’origine de la dépression chez la travailleuse, n’a pu identifier ceux-ci. Il est également remarqué que, pour l’ensemble des psychiatres ayant examiné la travailleuse, aucun n’a pu mettre en évidence un trouble quelconque de la personnalité à l’axe II dans l’analyse multiaxiale. La travailleuse ne démontre aucun antécédent, ni aucun élément personnel sur le plan psychiatrique.
[148] La Commission des lésions professionnelles privilégie donc l’opinion émise par le docteur Béliveau dans le présent dossier et confirmée par celle du docteur Gagné dans son Information médicale complémentaire. Le docteur Gagné, médecin qui a charge, indique que, certes la dépression majeure est survenue dans un contexte multifactoriel mais qu’elle est déclenchée principalement par la perte d’autonomie partielle que cela a provoqué et par l’absence de traitements des vertiges, alors que la travailleuse n’accepte pas d’être diminuée dans ses capacités, ce que confirme le docteur Béliveau dans son expertise réalisée le 9 août 2000 et corroborée par son témoignage à l’audience.
[149] La Commission des lésions professionnelles considère que rejeter la réclamation de la travailleuse pour une lésion psychiatrique sur une simple définition ne correspond pas aux données du dossier, non plus qu’à la littérature médicale, lorsqu’il est souligné que l’inventaire des événements stressants demeurent cependant des outils bien imparfaits pour évaluer l’ampleur du rôle joué par un agent stresseur dans le déclenchement de la dépression, mais malgré ces lacunes, les études ont établi de façon systématique une fréquence prépondérante d’événements pénibles précédants un épisode dépressif. Il est également souligné que ces études ont évidemment pour but de préciser les éléments qui pourraient être à l’origine de la dépression d’où l’intérêt de mieux saisir le lien entre dépression et agent stresseur.
[150] Bien qu’il soit aussi souligné dans cette littérature[3] que les événements pénibles ne seraient pas à l’origine de la dépression, ne survenant plutôt que comme une forme de propension, il n’en demeure pas moins qu’il est conclu, malgré tout, en l’existence d’un rôle prépondérant dans le déclenchement du premier épisode de dépression. À cet égard, l’élément stresseur constitue un facteur non négligeable. Dans le présent dossier, les conséquences engendrées par l’événement survenu le 12 mars 1998 constituent, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, et tel qu’en témoigne le docteur Béliveau à l’audience, un facteur stresseur suffisamment important pour être à l’origine d’une lésion professionnelle indemnisable par la loi.
[151] Par ailleurs, en ce qui a trait à la thèse soutenue par le docteur Laperrière eu égard aux événements survenus en 1990, la Commission des lésions professionnelles considère que ni l’expertise complétée en avril 1999 et ni le témoignage ne mettent en évidence une prépondérance majeure de cet événement dans l’étiologie de la dépression dont est affligée la travailleuse. Aucune preuve ne permet d’établir qu’à ce moment, la travailleuse a été influencée sur le plan psychique, vu l’absence de consultation et l’absence d’arrêt de travail à ce moment. À cet égard, bien que ce fait soit mentionné ou mis en réminiscence par la travailleuse, l’événement survenu en mars 1998 semble davantage prépondérant dans le déclenchement de la dépression majeure chez la travailleuse, comme en témoigne le docteur Béliveau à l’audience.
[152] Quant à l’opinion émise par le docteur Fortin, il est à souligner que ce médecin ne justifie aucunement son opinion dans son rapport daté du 14 mars 2000 à l’effet que la dépression constitue une condition personnelle, d’autant plus que cet élément ne rejette pas d’emblée l’existence d’une lésion professionnelle s’il est démontré la présence d’un événement déclencheur, ce qui est le cas dans le présent dossier, soit l’événement du 12 mars 1998. En ce sens, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il y a lieu de retenir les opinions émises par le docteur Béliveau et le docteur Gagné de façon prépondérante.
[153] La Commission des lésions professionnelles conclut ainsi que la dépression, dont est affligée la travailleuse, constitue une lésion professionnelle découlant de l’événement survenu le 12 mars 1998.
(Les lésions neurologiques)
[154] Dans ce dossier, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer quelles sont les lésions de natures neurologiques dont est affligée la travailleuse à la suite de l’événement survenu le 12 mars 1998.
[155] Toutefois, la Commission des lésions professionnelles doit d’abord déterminer si la procédure d’évaluation médicale enclenchée par la CSST demeure régulière.
[156] À cet égard, le procureur de la travailleuse soutient que le membre du Bureau d'évaluation médicale n’avait pas à se prononcer sur le diagnostic découlant des séquelles neurologiques, considérant que le docteur Lachapelle dans son expertise réalisée le 14 avril 1999 retient les diagnostics de traumatisme crânien et de commotion cérébrale mineure avec lesquels le docteur Gagné, médecin qui a charge, se dit d’accord tel qu’énoncé dans son Rapport complémentaire du 10 mars 2000.
[157] La Commission des lésions professionnelles constate certes que et le docteur Gagné et le docteur Lachapelle sont d’accords tous les deux de retenir les diagnostics de traumatisme crânien et de commotion cérébrale mineure. Toutefois, le docteur Gagné ajoute que la travailleuse souffre également de nausées et de vertiges post-commotionnels, comme il l’indique dans l’ensemble de ses rapports médicaux. Dans son Rapport complémentaire, le docteur Gagné soutient que la travailleuse souffre de ces symptômes bien que le scan cérébral, la résonance magnétique nucléaire et l’électronystagmogramme soient normaux. Il est inscrit qu’il n’y a aucune explication physiologique ou pathologique mais que la patiente souffre vraiment de ces problèmes de santé.
[158] La Commission des lésions professionnelles s’interroge sur la nature même du terme « vertiges post-traumatiques ou post-commotionnels » utilisé par le docteur Gagné dans l’ensemble de ses rapports médicaux alors que le docteur Carpentier fait davantage état de séquelles de commotion cérébrale.
[159] Il y a alors lieu de se questionner si le terme de vertiges constitue, dans le présent dossier, un diagnostic en soi. Pour répondre à cette question, la Commission des lésions professionnelles remarque que dans le Règlement sur le barème des dommages corporels (A-3.001, r.0.01) (le règlement) un déficit anatomo‑physiologique est attribué pour des « vertiges » lorsque ceux-ci découlent d’une perte de la fonction vestibulaire de l’appareil auditif. Il est également mentionné que les vertiges peuvent être soit périphériques ou centraux. Au règlement, par ailleurs, dans la section concernant le système nerveux central, force est de constater que les vertiges n’y sont points mentionnés.
[160] Le Dictionnaire des termes de médecine[4]définit comme suit un vertige :
« Troubles cérébral, erreur de sensation, sous l’influence de laquelle le malade croit que sa propre personne ou les objets environnants sont animés d’un mouvement giratoire ou oscillatoire » (N. Guéneau de Mussy). C’est le vertige rotatoire, le vrai vertige, en rapport avec un trouble de l’équilibre ( atteinte du labyrinthe, du nerf vestibulaire ou des voies vestibulaires du cerveau. ) »
[161] Pour sa part, le Dictionnaire de médecine Flammarion[5] formule la définition suivante de vertige :
« Sensation erronée de déplacement des objets environnants par rapport au corps ou inversement, témoignant d’une perturbation du système de l’équilibre. »
[162] La lecture de ces définitions amène la Commission des lésions professionnelles à conclure que les vertiges, dans le présent dossier, constituent davantage un symptôme qu’un diagnostic en soi. D’ailleurs, le docteur Gagné semble de cet avis alors que, bien qu’il soit inscrit dans ses rapports médicaux la présence de vertiges post-traumatiques à titre diagnostique, son Rapport complémentaire mentionne qu’il n’y a aucune explication physiologique ou pathologique soulignant d’ailleurs que les vertiges semblent être considérés au même titre que les nausées.
[163] Dans la cause Courtemanche et Immeubles 315-325-335 Pineault et CSST‑Yamaska[6], la Commission des lésions professionnelles, dans des circonstances similaires, avait à déterminer si un travailleur, souffrant de vertiges, était victime d’une lésion professionnelle. Tel que stipulé dans cette décision :
« […]
[37] Docteur Thibault, neurologue, avait tout d’abord diagnostiqué des vertiges positionnels probablement dus à une labyrinthite. L’investigation médicale a permis d’écarter le diagnostic de labyrinthite et même si ce diagnostic n’a pas été retenu, le médecin ne croyait tout de même pas que les symptômes du travailleur puissent être reliés à son accident ancien ou à sa chute récente compte tenu qu’il n’y avait pas de lésion de décelée à la résonance magnétique. Il ne recommandait d’ailleurs aucune investigation.
[38] C’est grâce à l’investigation effectuée en oto-rhino-laryngologie que le diagnostic de labyrinthite a pu être écarté et notamment par l’ENG du 31 août 1998 qui n’a révélé aucune atteinte vestibulaire.
[39] La symptomatologie du travailleur ne s’explique donc pas par une atteinte neurologique centrale ou vestibulaire.
[40]Les docteurs Spénard et Pelletier sont d’avis que le travailleur souffre de vertiges post‑traumatiques or, leur avis n’est motivé d’aucune façon. La Commission des lésions professionnelles ignore donc pourquoi les médecins sont de cet avis d’autant plus que sur le plan objectif les examens n’ont rien révélé.
[…] »
[164] Dans le présent dossier, la résonance magnétique nucléaire, le scan cérébral et l’électronystagmogramme ne démontrent aucune anomalie spécifique alors que les examens neurologiques répétés s’avèrent strictement normaux. Force est donc de constater l’absence de tout substratum organique de rattacher à la notion de vertige.
[165] En ce sens, la Commission des lésions professionnelles conclut donc, dans le présent dossier, que la preuve médicale milite davantage vers une reconnaissance que les vertiges, retenus par le docteur Gagné, constituent davantage des symptômes qu’un diagnostic en soi. D’ailleurs, le docteur Carpentier qui a suivi la travailleuse de façon contemporaine aux événements a toujours fait part de séquelles de commotion cérébrale et ne spécifie jamais les vertiges à titre diagnostique.
[166] En venant à cette interprétation et cette conclusion, il découle que les diagnostics retenus par le docteur Gagné, médecin qui a charge, sont ainsi identiques à ceux du docteur Lachapelle, médecin retenu en vertu de l’article 204 de la loi.
[167] Le soussigné a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la régularité de la procédure d’évaluation médicale lorsque les conclusions du médecin qui a charge sont identiques à celle du médecin désigné ou du médecin de l’employeur, et ce, à la suite d’une revue de la jurisprudence. Ainsi, dans la cause Morin et José & Georges inc.[7] la Commission des lésions professionnelles énonce :
« […]
[46] La Commission des lésions professionnelles, à la suite de l’analyse de cette jurisprudence, conclut que le processus entrepris par la CSST, dans le présent dossier, dénature l’essence même de la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi et entache la régularité de celle-ci. La procédure d’évaluation médicale mise de l’avant par la CSST, dans le présent dossier, n’est pas conforme à l’esprit de la loi et doit être annulée pour cause d’irrégularité.
[47] Le soussigné conclut, dans le présent dossier, qu’il était totalement inutile de soumettre le dossier pour fins d’évaluation au membre du Bureau d'évaluation médicale en ce qui a trait à la détermination de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Certes, subsiste une contradiction eu égard à la date de consolidation et la suffisance des soins. Sur cet aspect, notons qu’il n’y a qu’un mois entre la date de consolidation par le médecin désigné par la CSST et le médecin qui a charge. De plus, le médecin qui a charge, malgré la consolidation de la lésion professionnelle au 10 juin 1999, proposait la poursuite de certains soins ce que ne reconnaissait pas, le médecin désigné. À cet effet, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que le dossier pouvait alors être soumis pour fins d’évaluation au membre du Bureau d'évaluation médicale, mais seulement sur ces deux seules questions. Certains argumenteront que le dossier, une fois transmis au Bureau d'évaluation médicale, pouvait faire l’objet d’un avis par le membre du Bureau d'évaluation médicale, à sa discrétion, sur tous les aspects touchant les conclusions médicales y compris l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.
[48] Cependant, le soussigné considère qu’il n’était pas de la compétence du membre du Bureau d'évaluation médicale de se prononcer sur l’existence et la détermination d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.
[49] En effet, le deuxième alinéa de l’article 221 de la loi est bien précis à cet égard. Il y est mentionné que le membre du Bureau d'évaluation médicale peut donner son avis relativement à chacun des sujets même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l’employeur ou la Commission ne s’est pas prononcé relativement à ce sujet. Or, dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles constate que, et le médecin désigné par la Commission et le médecin qui a charge se sont prononcés sur le sujet. Ils se sont prononcés d’autant plus qu’ils sont également en parfaite harmonie quant aux conclusions médicales à retenir eu égard à l’existence et à la détermination de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Il ne devenait pas du ressort du membre du Bureau d'évaluation médicale de substituer alors son opinion dans une telle situation.
[50] Dans un deuxième volet, le fait que la CSST, dans son formulaire de transmission au Bureau d'évaluation médicale ne fasse part que de l’avis du médecin désigné, alors qu’elle est en possession d’un Rapport complémentaire complété par le médecin qui a charge, invalide-t-il la procédure d’évaluation médicale?
[…]
[52] Bien que la jurisprudence statue que ce motif à lui seul n’invalide pas la procédure, il y a tout de même lieu de se questionner sur l’intention véhiculée par la CSST par un tel geste. Peut‑on penser que le membre du Bureau d'évaluation médicale, constatant l’unanimité entre le médecin désigné et le médecin qui a charge quant à l’existence et la détermination de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, ne se serait pas prononcé sur ces sujets? Ou encore, qu’à défaut, il ait jugé opportun de substituer son opinion, comme le prévoit le deuxième alinéa de l’article 221 de la loi, notant que le médecin qui a charge ne s’était pas prononcé sur la question? Ces interrogations demeurent, certes, sans réponse. Toutefois, le soussigné considère que le membre du Bureau d'évaluation médicale a été induit en erreur dans son appréciation du dossier en ne connaissant pas l’opinion du médecin qui a charge et l’unanimité des conclusions médicales entre les médecins examinateurs quant à l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. L’appréciation du dossier par le membre du Bureau d'évaluation médicale devient ainsi grandement amoindrie, étant initialement faussé par l’analyse du dossier transmis.
[…] »
[168] Appliquant les mêmes principes dans la présente cause, la Commission des lésions professionnelles considère ainsi que la procédure d’évaluation médicale enclenchée par la CSST le 7 juin 2000 est irrégulière. Ce faisant, la décision rendue par la CSST le 29 août 2000, faisant suite à l’avis du membre du Bureau d'évaluation médicale, devient elle-même irrégulière et doit être annulée. Ainsi, les conclusions retenues par le membre du Bureau d'évaluation médicale ne lient pas la CSST et la Commission des lésions professionnelles, quant aux diagnostics neurologiques retenus.
[169] Il en découle que la CSST et la Commission des lésions professionnelles deviennent alors liées par les conclusions retenues par le médecin qui a charge, soit le docteur Gagné lesquelles se retrouvent au Rapport complémentaire et qui, selon la jurisprudence, constitue un Rapport final. Il en découle ainsi que la travailleuse est alors affligée d’un traumatisme crânien et d’une commotion cérébrale.
[170] La Commission des lésions professionnelles ne peut donc retenir les prétentions du procureur de la travailleuse à l’effet que celle-ci devrait se voir attribuer un déficit anatomo‑physiologique pour des vertiges périphériques ou encore pour un syndrome post‑commotionnel, diagnostic qui n’est émis que par le docteur Béliveau, psychiatre, et dont les conclusions n’ont jamais été étayées sur le plan neurologique par les docteurs Lachapelle ou Bourgeau.
[171] Étant liée par les conclusions émises par les médecins qui ont charge, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il y a lieu de retourner le dossier auprès de la CSST afin que les séquelles, découlant de ces diagnostics, soient évaluées par le médecin qui a charge pour établir, s’il y a lieu, les pourcentages d’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles correspondantes.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier : 145823-64-0009
REJETTE la requête déposée, le 1er septembre 2000, par madame Doris Boivin ;
MAINTIENT la décision rendue, le 17 août 2000, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que le diagnostic de lombosciatalgie gauche ne constitue pas une lésion professionnelle survenue le 12 mars ou le 26 mai 1998 et que la travailleuse n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en regard de ce diagnostic.
Dossiers : 154958-64-0102 et 155226-64-0102
ACCUEILLE le moyen préliminaire soulevé par madame Doris Boivin à l’audience ;
ACCUEILLE en partie la requête déposée, le 6 février 2001, par madame Doris Boivin ;
REJETTE la requête déposée, le 6 février 2001, par la Commission scolaire de la Seigneurie‑des-Milles-Îles ;
INFIRME en partie la décision rendue, le 16 janvier 2001, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, en révision administrative ;
DÉCLARE nulle la décision rendue, le 29 août 2000, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, faisant suite à l’avis rendu par le membre du Bureau d'évaluation médicale ;
DÉCLARE que les diagnostics de traumatisme crânien et de commotion cérébrale constituent des lésions professionnelles à la suite de l’événement survenu le 12 mars 1998 ;
RENVOI le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour que soit évaluée, s’il y a lieu l’existence ou le pourcentage de déficit anatomo‑physiologique et de limitations fonctionnelles découlant des diagnostics de traumatisme crânien et de commotion cérébrale ;
MAINTIENT en partie la décision rendue, le 16 janvier 2001, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite de la révision administrative ;
DÉCLARE que le diagnostic de dépression majeure constitue une lésion professionnelle à la suite de l’événement survenu le 12 mars 1998 et que la travailleuse a, en conséquence, droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en raison de cette lésion.
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Robert Daniel |
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Commissaire |
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Laporte & Lavallée (Me André Laporte) |
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Représentant de la travailleuse |
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Lavery, De Billy (Me Gilles Paquette) |
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Représentant de l’employeur |
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[1] DSM IV, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, American psychiatric association, 4e édition, Masson, Paris, 1996, 1056 p.
[2] Démystifier les maladies mentales (les dépressions et les troubles affectifs cycliques), J. Leblanc et autres Montréal, Gaétan Morin, éditeur, Montréal, 1996, 296 p.
[3] Précité, note 2.
[4] Dictionnaire des termes de médecine, 22e édition, Garnier-Delamarre, Maloine, Paris 1989, page 909.
[5] Dictionnaire de médecine Flammarion, J.-M. Costa, F. Delatour, F. Faurisson, C. Girod, P. Kamoun, B. Rouveix, médecins-Sciences Flammarion, Paris, 1998, page 904.
[6] Courtemanche et Immeubles 315-325-335 Pineault et CSST‑Yamaska, CLP 123548-62B-9909, le 22 juin 2000, A. Vaillancourt.
[7] Morin et José & Georges inc., CLP 154442-64-0101, le 24 septembre 2001, R. Daniel.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.