Archambault-Pilon et Place des Ainés de Laval |
2007 QCCLP 3895 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 4 décembre 2006, madame Ginette Archambault Pilon (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision d’une décision rendue le 9 novembre 2006 et rectifiée le 22 novembre 2006.
[2] Cette décision confirme la décision rendue le 24 août 2005 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative et déclare que la travailleuse ne conserve de sa lésion professionnelle du 10 août 2004 aucune atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ni aucune limitation fonctionnelle.
[3] Une audience devait se tenir le 15 mai 2007 à Saint-Jérôme. La travailleuse, par son représentant, a soumis une argumentation écrite à l’intérieur de laquelle elle informait le tribunal de son absence à l’audience. L’employeur, Place des Ainés de Laval, n’est pas représenté.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue le 9 novembre 2006 et de déclarer qu’elle conserve de sa lésion professionnelle du 10 août 2004 des séquelles permanentes qui la rendent incapable de refaire son emploi.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales sont d’avis que la travailleuse n’a pas démontré que la décision rendue par le premier commissaire comporte un vice de fond de nature à l’invalider. Ils rejetteraient la requête.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[6] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a matière à réviser la décision qu’elle a rendue. La travailleuse exerce le recours prévu à l’article 429.56, paragraphe 3, de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) qui se lit ainsi.
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[7] L’article 429.49 de la loi édicte, par ailleurs, ce qui suit :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[8] La loi énonce clairement le caractère final, exécutoire et sans appel des décisions de la Commission des lésions professionnelles
[9] En l’espèce, la travailleuse allègue que la décision est entachée d’erreurs manifestes de faits et droit équivalents à un vice de fond.
[10] La Commission des lésions professionnelles a maintes fois précisé qu’un « vice de fond » est une erreur de droit ou de faits qui est manifeste et qui a un effet déterminant sur l’objet du litige[2] .
[11] Dans l’arrêt CSST c. Fontaine[3] et CSST c. Touloumi[4] la Cour d’Appel précise qu’une décision attaquée pour le motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle « est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision ».
[12] La Cour d’Appel affirme l’autorité à accorder à la première décision et la finalité de la justice administrative.
[13] La Commission des lésions professionnelles doit donc, quand elle siège en révision, faire preuve d’une très grande retenue.
[14] En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles devait décider de l’existence ou non d’un déficit anatomophysiologique ainsi que de limitations fonctionnelles en relation avec la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 10 août 2004.
[15] La travailleuse âgée de 63 ans occupe chez l’employeur les fonctions d’aide-cuisinière lorsque, le 10 août 2004, elle se blesse en se penchant pour ranger des petits contenants de lait au réfrigérateur.
[16] Les diagnostics retenus sont une entorse à l’épaule droite, une entorse cervicale et une entorse lombaire.
[17] Le 1er septembre 2004, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse reconnaissant la relation avec cet événement et les diagnostics précités.
[18] Le 19 octobre 2004, une imagerie par résonance magnétique est réalisée.
[19] Le docteur François Hudon, radiologiste, interprète celle-ci de la façon suivante :
OPINION :
Discopathie L3 L4 avec minime hernie discale postéro-centrale à long rayon sous-ligamentaire réalisant une discrète empreinte sur le sac dural. Signes de discopathie L2 L3 avec étalement discal circonférenciel réalisant une minime empreinte sur le sac dural sans hernie franchement focalisée. Discopathie chronique L4 L5 sans compression sur le sac dural. Extension de petits complexes disco-ostéophytiques à la portion inférieure des foramens bilatéralement sans compression radiculaire cependant à ces niveaux. Discrètes réduction d’intensité de signal des disques en L1 L2 et L5 S1 sans hernie. Légère arthrose facettaire L5 S1.
[20] Dans son Rapport final du 30 décembre 2004, le médecin de la travailleuse, le docteur Payne, précise les diagnostics d’entorse cervico-lombaire avec syndrome de douleur chronique pour lesquels il prévoit compléter un Rapport d’évaluation médicale le 21 mars 2005.
[21] Le 12 avril 2005, le docteur Payne dans son rapport d’évaluation précise que la travailleuse conserve de sa lésion professionnelle une atteinte à son intégrité physique ou psychique de 4 % ainsi que des limitations fonctionnelles.
[22] Les diagnostics qu’il retient alors sont « entorse cervico-lombaire consolidée et syndrome douloureux chronique non consolidé ».
[23] Le 26 avril 2005, à la demande de la CSST, le docteur Jacques Étienne Des Marchais, chirurgien orthopédiste, examine la travailleuse. Il doit alors se prononcer sur la nature, la nécessité et la suffisance des traitements, l’existence ou non d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ainsi qu’à la présence ou non de limitations fonctionnelles en relation avec la lésion professionnelle, à savoir une entorse lombaire, cervicale et dorsale.
[24] Il conclut alors à ces sujets par la négative et relie le syndrome de lombalgie à la discopathie dégénérative que présente la travailleuse.
[25] Le 12 juillet 2005, le docteur André L. Desjardins, orthopédiste, en sa qualité de membre du Bureau d'évaluation médicale, examine la travailleuse. Dans son rapport du 15 juillet 2005, à l’instar du docteur Des Marchais, il ne retient aucune atteinte permanente à l’intégrité physique de la travailleuse ni aucune limitation fonctionnelle. Il est d’avis que la discrète limitation de flexion du tronc identifiée est dans la limite de la normale considérant l’âge de la travailleuse et les conditions dégénératives qu’elle présente.
[26] À l’audience devant le premier commissaire, la travailleuse affirme devoir prendre des anti-inflammatoires de façon régulière et être limitée dans ses mouvements. Elle ne dépose, par ailleurs, aucune prescription ou rapports médicaux.
[27] Selon la travailleuse, le premier commissaire a commis une erreur de droit déterminante sur l’issue du litige en se prononçant sur la relation entre le diagnostic de syndrome douloureux chronique et la lésion professionnelle du 10 août 2004.
[28] Elle lui reproche, de plus, d’avoir écarté des éléments de preuve pertinents telle la médication qu’elle doit dorénavant prendre, de la douleur résiduelle qu’elle présente depuis, ainsi que de ne pas avoir analysé la possibilité qu’elle a pu aggraver une condition dégénérative.
[29] Le premier commissaire devait déterminer si la travailleuse conservait de sa lésion professionnelle une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles. Les diagnostics retenus par la CSST pour cette lésion professionnelle étaient une entorse de l’épaule droite, une entorse cervicale et une entorse lombaire.
[30] Pour disposer de ce litige, le premier commissaire disposait au niveau médical de trois expertises. Deux d’entre-elles concluaient que la travailleuse ne conservait de sa lésion professionnelle aucune atteinte permanente à son intégrité physique ni aucune limitation fonctionnelle et attribuaient, par ailleurs, les légères pertes d’amplitude aux niveaux cervical et lombaire à l’âge de la travailleuse ou à la dégénérescence qu’elle présente ou les deux à la fois.
[31] La première commissaire n’a pas balayé du revers de la main l’opinion du docteur Payne. Elle a justifié son choix de ne pas la retentir notamment en raison des constatations fortement discordantes faites par le docteur Payne d’une part et par les docteurs Des Marchais et Desjardins d’autre part.
[32] Bien que le libellé du paragraphe 45 de la décision puisse paraître à première vue inopportun, il ressort que le premier commissaire s’est interrogé sur la preuve quant à l’existence d’un syndrome douloureux chronique en relation avec la lésion professionnelle.
[33] Elle relate le témoignage de la travailleuse à ce sujet, mais précise ne pas le retenir en raison notamment que ces allégations ne sont nullement corroborées par les docteurs Des Marchais et Desjardins. Le premier commissaire est alors d’avis que le témoignage de la travailleuse ne peut palier à l’absence d’une preuve médicale prépondérante.
[34] Le tribunal n’interviendra pas dans ce choix qui n’a rien d’arbitraire. Agir autrement serait se substituer à l’opinion du premier commissaire, ce que le recours en révision ne permet pas, à moins d’une erreur manifeste et déterminante qui n’a pas été démontrée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de la travailleuse, madame Ginette Archambault Pilon.
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Me Sylvie Moreau |
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Commissaire |
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Monsieur Jean-Pierre Devost |
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Jean-Pierre Devost, Cabinet-Conseil |
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Représentant de la partie requérante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.