Décision

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Hébert et SNOC (1992) inc.

2010 QCCLP 5832

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

4 août 2010

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

397532-62B-0911

 

Dossier CSST :

135180628

 

Commissaire :

Michel Watkins, juge administratif

 

Membres :

Jean-Marie Jodoin, associations d’employeurs

 

Richard Fournier, associations syndicales

 

 

Assesseure :

Dre Suzanne Boucher

______________________________________________________________________

 

 

 

Dominique Hébert

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

SNOC (1992) inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 30 novembre 2009, la travailleuse dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂŞte par laquelle elle conteste une dĂ©cision de la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail (la CSST) rendue le 18 novembre 2009 Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[2]           Par cette dĂ©cision, la CSST conclut que la rĂ©clamation de la travailleuse a Ă©tĂ© produite en dehors du dĂ©lai prĂ©vu Ă  la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), qu’elle n’a pas dĂ©montrĂ© un motif raisonnable permettant de la relever des consĂ©quences de son dĂ©faut et, en consĂ©quence, dĂ©clare irrecevable la rĂ©clamation de la travailleuse.

[3]            L’audience s’est tenue le 15 juin 2010 Ă  Saint-Hyacinthe en prĂ©sence de la travailleuse et de monsieur Alain DĂ©silet, directeur de la production et reprĂ©sentant de l’employeur.

MOYEN PRÉALALBLE

[4]           Tel qu’il appert du dossier, la travailleuse consulte un mĂ©decin le 6 avril 2009 et celui-ci diagnostique un tunnel carpien gauche. Le 15 mai 2009, un Ă©lectromyogramme confirme la prĂ©sence chez la travailleuse d’un « tunnel carpien gauche plus que droit Â». Le 28 mai 2009, le mĂŞme mĂ©decin constate Ă©galement la prĂ©sence d’un tunnel carpien droit.

[5]           Le 2 juillet 2009, la travailleuse produit une rĂ©clamation Ă  la CSST dans laquelle elle relie ses tunnels carpiens Ă  son travail de « peintre sĂ©nior poudre Â» qu’elle occupe chez l’employeur depuis environ 2001. Elle joint au formulaire une lettre dĂ©crivant l’apparition de ses symptĂ´mes, indiquant avoir consultĂ© en 2005 Ă  cet Ă©gard, mais ne pas avoir cessĂ© de travailler.

[6]           Le 21 aoĂ»t 2009, après analyse du dossier, la CSST refuse la rĂ©clamation de travailleuse. Celle-ci demande la rĂ©vision de cette dĂ©cision.

[7]           Le 18 novembre 2009, la CSST en rĂ©vision, sans se prononcer sur le mĂ©rite de la demande de rĂ©vision, dĂ©clare la rĂ©clamation de la travailleuse irrecevable dans la mesure oĂą celle-ci n’aurait pas produit sa rĂ©clamation dans les six mois oĂą il aurait Ă©tĂ© portĂ© Ă  sa connaissance qu’elle Ă©tait atteinte d’une maladie professionnelle, soit en avril 2005, et qu’elle n’aurait pas dĂ©montrĂ© un motif raisonnable permettant de la relever de son dĂ©faut.

[8]           La travailleuse tĂ©moigne des circonstances entourant le dĂ©pĂ´t de sa rĂ©clamation. De ce tĂ©moignage, le tribunal retient les Ă©lĂ©ments pertinents suivants.

[9]           Le 21 avril 2005, la travailleuse a consultĂ© la Dre Sylvie Miclette. Ă€ l’attestation qu’elle Ă©met, le mĂ©decin pose le diagnostic de syndrome de tunnel carpien gauche plus que droit, prescrit un Ă©lectromyogramme (EMG) et des orthèses Ă  la travailleuse et indique « pas d’arrĂŞt de travail pour l’instant Â».

[10]        La travailleuse explique avoir remis cette attestation Ă  son employeur, avoir obtenu ses orthèses de repos dont elle dit ne pas avoir demandĂ© le remboursement, et avoir continuĂ© Ă  travailler Ă  son poste de travail habituel.

[11]        InterrogĂ© sur cette remise de l’attestation Ă  l’employeur, la travailleuse prĂ©cise avoir remis le document Ă  une dame Paris, rĂ©ceptionniste chez l’employeur.

[12]        La travailleuse ajoute qu’à cette occasion, personne ne lui a indiquĂ© la nĂ©cessitĂ© de produire une rĂ©clamation pour la CSST et qu’elle-mĂŞme n’a pas vĂ©rifiĂ© auprès de la CSST si elle devait le faire. Elle ajoute Ă  cet Ă©gard qu’elle n’a pas cru bon de s’informer davantage du fait qu’elle Ă©tait peu souffrante et qu’elle continuait Ă  exercer la totalitĂ© de ses tâches habituelles.

[13]        En fait, la travailleuse explique qu’après avoir remis son attestation du 21 avril 2005 Ă  madame Paris, quelqu’un chez l’employeur l’a par la suite rencontrĂ©e dans le cadre d’une procĂ©dure d’enquĂŞte. La travailleuse croit qu’il s’agit de madame Paris.

[14]         La travailleuse ajoute que lors de cette rencontre, on ne lui a pas indiquĂ© qu’elle pouvait s’adresser Ă  la CSST et affirme qu’on ne l’a pas informĂ©e du fait qu’elle devait remplir une rĂ©clamation pour cet organisme, ajoutant « qu’il n’a pas Ă©tĂ© question de CSST Â».

[15]        Ă€ cet Ă©gard, le tribunal constate du dossier que le 14 novembre 2009, l’employeur produisait, sous la plume de madame Monique Paris, des commentaires au rĂ©viseur Caron de la CSST, rĂ©viseur saisi de la contestation par la travailleuse de la dĂ©cision de refus de sa rĂ©clamation produite en 2009, commentaires portant exclusivement sur la nature du travail effectuĂ© par la travailleuse au poste de « peintre au pistolet Ă  la poudre Â».

[16]        Puis, le 17 novembre 2009, madame Paris fait parvenir par tĂ©lĂ©copieur Ă  ce mĂŞme rĂ©viseur trois (3) pages faisant Ă©tat de «documents de 2005 qui sont au dossier de madame HĂ©bert Â». C’est alors que l’on transmet Ă  la CSST l’attestation mĂ©dicale datĂ©e du 21 avril 2005 Ă©mise par la Dre Miclette ainsi qu’une lettre indiquant ceci :

« Le 10 mai 2005,

                              Le 21 avril 2005, je suis allée consulter parce que la nuit j’engourdissais de la main gauche et maintenant de la main droite. Le médecin a diagnostiqué le syndrome de tunnel carpien. Il n’y a pas d’arrêt de travail pour l’instant. On m’a juste prescrit des orthèses. Je revois le spécialiste en septembre 2005. Quand je travaille, je ne suis pas incommodée.

 

NOTE : Je suis aussi incommodĂ©e quand je conduis l’auto. Â»

 

[17]        Cette lettre porte la signature de la travailleuse. Toutefois, le tribunal retient son tĂ©moignage voulant que la lettre elle-mĂŞme n’est pas de sa main[2] et que c’est probablement madame Paris qui l’aurait Ă©crite, sans pouvoir l’affirmer.

[18]        Par ailleurs, Madame HĂ©bert souligne qu’après avoir passĂ© un EMG, la Dre Miclette lui a alors dit qu’elle pourrait devoir ĂŞtre opĂ©rĂ©e un jour si sa situation devait se dĂ©tĂ©riorer, mais qu’elle n’a pas eu Ă  consulter avant avril 2009 et que c’est Ă  compter de ce moment qu’elle a produit l’actuelle rĂ©clamation Ă  la CSST.

[19]        La travailleuse ajoute Ă  ce propos qu’à sa connaissance, elle n’a pas eu Ă  consulter Ă  nouveau pour ses tunnels carpiens avant avril 2009 alors que pendant toute cette pĂ©riode, elle a continuĂ© Ă  occuper son poste de « peintre Ă  la poudre Â», mais que c’est Ă  compter de ce moment que sa situation a empirĂ©, la forçant Ă  consulter. On lui a alors confirmĂ© que l’on devait procĂ©der Ă  des interventions chirurgicales.

[20]        Enfin, la travailleuse reconnaĂ®t que dès 2005, elle a reliĂ© Ă  son travail les tunnels carpiens alors diagnostiquĂ©s et avoue qu’elle ignorait, Ă  ce moment, devoir produire une rĂ©clamation Ă  la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail, ajoutant n’avoir jamais prĂ©sentĂ© de rĂ©clamation Ă  la CSST dans le passĂ©. La travailleuse ajoute que personne chez l’employeur ne lui a parlĂ© de cette obligation, mĂŞme lorsque l’on a procĂ©dĂ© Ă  la courte enquĂŞte rĂ©alisĂ©e Ă  l’époque. Au surplus, elle indique qu’elle n’a pas cessĂ© de travailler Ă  cette pĂ©riode et qu’elle croit mĂŞme ne pas avoir rĂ©clamĂ© le remboursement de ses orthèses obtenues en 2005.

[21]        Monsieur DĂ©silet, directeur de la production chez l’employeur, tĂ©moigne du fait que Madame Monique Paris s’occupe des rĂ©clamations pour la CSST et des questions relevant de l’assurance-salaire chez l’employeur.

[22]        Monsieur DĂ©silet indique que lorsqu’une attestation pour la CSST est remise Ă  l’employeur, une procĂ©dure d’enquĂŞte est instaurĂ©e et qu’à sa connaissance, aucun formulaire de rĂ©clamation n’est produit Ă  la CSST lorsqu’il n’y a pas de « perte de temps Â».

L’AVIS DES MEMBRES SUR LE MOYEN PRÉALABLE

[23]        Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la requĂŞte de la travailleuse est irrecevable dans la mesure oĂą celle-ci fut dĂ©posĂ©e en dehors du dĂ©lai de 6 mois prescrit Ă  la loi et du fait que la travailleuse n’a pas dĂ©montrĂ© de motif raisonnable permettant de la relever des consĂ©quences de son dĂ©faut.

[24]        Pour ce membre, la travailleuse attribue ses tunnels carpiens Ă  son travail depuis avril 2005 et son mĂ©decin lui a confirmĂ© cette possibilitĂ© en lui remettant une attestation mĂ©dicale dès le 21 avril 2005.

[25]        Ce membre est d’avis qu’il revenait Ă  la travailleuse de produire une rĂ©clamation conformĂ©ment Ă  la loi dans ces circonstances, indĂ©pendamment du fait qu’elle puisse continuer Ă  exercer son travail.

[26]        Pour ce membre, la travailleuse a fait preuve de nĂ©gligence et elle ne saurait ĂŞtre relevĂ©e des consĂ©quences de son omission.

[27]        Le membre issu des associations syndicales est d’avis contraire.

[28]        Ce membre constate que la travailleuse n’a pas produit sa rĂ©clamation dans le dĂ©lai prĂ©vu Ă  la loi, mais il considère que la travailleuse a dĂ©montrĂ© un motif raisonnable permettant de la relever de son dĂ©faut.

[29]        Ce membre croit que la travailleuse a suivi les procĂ©dures en place chez l’employeur, lequel a pour politique de ne pas transmettre de dossier Ă  la CSST lorsque, comme en l’espèce, il n’y a pas de perte de temps.

[30]        Ce membre est d’avis que la travailleuse n’a pas reçu d’information adĂ©quate au moment oĂą elle a remis son attestation mĂ©dicale Ă  l’employeur, pas plus qu’au moment de « l’enquĂŞte Â» faite par la suite par l’employeur et que dans les circonstances, la travailleuse ne doit pas ĂŞtre prĂ©judiciĂ©e du processus en place chez l’employeur.

[31]        Au surplus, malgrĂ© qu’elle ait remis son attestation mĂ©dicale Ă  l’employeur, la travailleuse n’a nullement dĂ» s’absenter du travail ou consulter d’autres mĂ©decins en 2005. Dans les circonstances, ce membre considère que la travailleuse n’avait pas d’intĂ©rĂŞt Ă  produire une rĂ©clamation Ă  la CSST Ă  cette pĂ©riode. Ă€ nouveau, bien que ce manquement ne constitue pas une justification pour l’omission de la travailleuse de produire sa rĂ©clamation, le membre issu des associations syndicales considère cependant que cela constitue un motif raisonnable expliquant pourquoi elle n’a pas produit sa rĂ©clamation.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[32]        La Commission des lĂ©sions professionnelles doit dĂ©terminer si la travailleuse a produit sa rĂ©clamation Ă  la CSST dans le dĂ©lai lĂ©gal et Ă  dĂ©faut, si elle a dĂ©montrĂ© un motif raisonnable lui permettant d’être relevĂ©e de son dĂ©faut.

[33]        Les articles 270, 271 et 272 de la loi Ă©noncent :

270.  Le travailleur qui, en raison d'une lĂ©sion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de 14 jours complets ou a subi une atteinte permanente Ă  son intĂ©gritĂ© physique ou psychique ou, s'il dĂ©cède de cette lĂ©sion, le bĂ©nĂ©ficiaire, produit sa rĂ©clamation Ă  la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lĂ©sion ou du dĂ©cès, selon le cas.

 

L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.

 

Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, remet à l'employeur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.

__________

1985, c. 6, a. 270.

 

 

271.  Le travailleur victime d'une lĂ©sion professionnelle qui ne le rend pas incapable d'exercer son emploi au-delĂ  de la journĂ©e au cours de laquelle s'est manifestĂ©e sa lĂ©sion ou celui Ă  qui aucun employeur n'est tenu de verser un salaire en vertu de l'article 60, quelle que soit la durĂ©e de son incapacitĂ©, produit sa rĂ©clamation Ă  la Commission, s'il y a lieu, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de sa lĂ©sion.

__________

1985, c. 6, a. 271.

 

 

272.  Le travailleur atteint d'une maladie professionnelle ou, s'il en dĂ©cède, le bĂ©nĂ©ficiaire, produit sa rĂ©clamation Ă  la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la date oĂą il est portĂ© Ă  la connaissance du travailleur ou du bĂ©nĂ©ficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle ou qu'il en est dĂ©cĂ©dĂ©, selon le cas.

 

Ce formulaire porte notamment sur les nom et adresse de chaque employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle.

 

La Commission transmet copie de ce formulaire à chacun des employeurs dont le nom y apparaît.

__________

1985, c. 6, a. 272.

(le souligné est du tribunal)

 

 

[34]        Par ailleurs, l’article 352 de la loi prĂ©voit ceci :

352.  La Commission prolonge un dĂ©lai que la prĂ©sente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des consĂ©quences de son dĂ©faut de le respecter, lorsque la personne dĂ©montre un motif raisonnable pour expliquer son retard.

__________

1985, c. 6, a. 352.

 

[35]        En l’espèce, la travailleuse attribue Ă  son travail de « peintre sĂ©nior Ă  la poudre Â» les tunnels carpiens dont elle est atteinte et pour lesquels une attestation mĂ©dicale fut Ă©mise par un mĂ©decin le 21 avril 2005, puis, ultĂ©rieurement, le 6 avril 2009.

[36]        De l’avis du tribunal, la travailleuse a dĂ©crit Ă  l’agent de la CSST, lors de sa rĂ©clamation produite en juillet 2009, des tâches qui seraient responsables du dĂ©clenchement chez elle, depuis 2005, d’une « maladie professionnelle Â» et non d’un « accident du travail Â» au sens des dĂ©finitions donnĂ©es Ă  la loi Ă  ces termes.

[37]        Dans les circonstances, c’est donc l’article 272 de la loi qui trouve application et la travailleuse devait produire sa rĂ©clamation Ă  la CSST dans les six mois de la date oĂą il a Ă©tĂ© portĂ© Ă  sa connaissance qu’elle pouvait ĂŞtre atteinte d'une maladie professionnelle.

[38]        De l’avis du tribunal, il est manifeste du tĂ©moignage mĂŞme de la travailleuse qu’elle reliait Ă  son travail, dès 2005, l’apparition des tunnels carpiens qui furent diagnostiquĂ©s le 21 avril 2005 par la Dre Miclette, laquelle a produit une attestation mĂ©dicale pour la CSST Ă  cette date. Le tribunal conclut qu’il Ă©tait alors portĂ© Ă  la connaissance de la travailleuse qu’elle pouvait ĂŞtre atteinte d’une maladie professionnelle[3].

[39]        En consĂ©quence, la travailleuse devait produire une rĂ©clamation Ă  la CSST au plus tard le 21 octobre 2005, ce qu’elle n’a pas fait, puisque ce n’est que le 2 juillet 2009 qu’une telle rĂ©clamation a Ă©tĂ© produite.

[40]        De l’avis du tribunal, la rĂ©clamation de la travailleuse n’a pas Ă©tĂ© produite dans le dĂ©lai prescrit Ă  la loi. Toutefois, pour les motifs suivants, la Commission des lĂ©sions professionnelles est d’avis que la travailleuse a dĂ©montrĂ©, au sens de l’article 352 de la loi, un « motif raisonnable Â» permettant au tribunal de la relever des consĂ©quences de son dĂ©faut.

[41]        Le tribunal accorde une très grande crĂ©dibilitĂ© au tĂ©moignage rendu par la travailleuse qui n’a nullement cherchĂ© Ă  nier l’évidence du fait qu’elle avait Ă©tĂ© informĂ©e dès 2005 que ses tunnels carpiens pouvaient ĂŞtre attribuables Ă  l’exercice de son travail.

[42]        Par ailleurs, le tribunal retient de ce tĂ©moignage non contredit qu’au moment oĂą elle a remis Ă  l’employeur l’attestation de la Dre Miclette du 21 avril 2005, aucun arrĂŞt de travail n’était prescrit et qu’à cette pĂ©riode, la travailleuse a obtenu des orthèses dont elle n’a, en toute probabilitĂ©, pas demandĂ© le remboursement.

[43]        En consĂ©quence, la travailleuse a continuĂ© Ă  exercer son travail habituel, portant ses orthèses de nuit, et elle n’a pas eu Ă  s’absenter ou Ă  consulter Ă  nouveau pour sa condition avant avril 2009.

[44]        Par ailleurs, au moment oĂą elle remet l’attestation du 21 avril 2005 Ă  une prĂ©posĂ©e de l’employeur, on procède Ă  une courte enquĂŞte, conformĂ©ment Ă  la procĂ©dure en place chez l’employeur, mais on ne produit aucun formulaire Ă  la CSST dans la mesure oĂą, au dire du directeur de production, monsieur DĂ©silet, « il n’y a pas de perte de temps Â», comme en l’espèce.

[45]        Le tribunal retient des propos du directeur DĂ©silet qu’il rĂ©fère ici au formulaire « Avis de l’employeur et demande de remboursement Â» (ADR) et non au formulaire « RĂ©clamation du travailleur Â», visĂ© par les articles 270 Ă  272 de la loi.

[46]        Or, les articles 268 et 269 de la loi prĂ©voient l’envoi par l’employeur dudit formulaire dans les circonstances suivantes :

268.  L'employeur tenu de verser un salaire en vertu de l'article 60 avise la Commission que le travailleur est incapable d'exercer son emploi au-delĂ  de la journĂ©e au cours de laquelle s'est manifestĂ©e la lĂ©sion professionnelle et rĂ©clame par Ă©crit le montant qui lui est remboursable en vertu de cet article.

 

L'avis de l'employeur et sa réclamation se font sur le formulaire prescrit par la Commission.

 

Ce formulaire porte notamment sur :

 

1° les nom et adresse du travailleur, de mĂŞme que ses numĂ©ros d'assurance sociale et d'assurance maladie;

 

2° les nom et adresse de l'employeur et de son Ă©tablissement, de mĂŞme que le numĂ©ro attribuĂ© Ă  chacun d'eux par la Commission;

 

3° la date du dĂ©but de l'incapacitĂ© ou du dĂ©cès du travailleur;

 

4° l'endroit et les circonstances de l'accident du travail, s'il y a lieu;

 

5° le revenu brut prĂ©vu par le contrat de travail du travailleur;

 

6° le montant dĂ» en vertu de l'article 60 ;

 

7° les nom et adresse du professionnel de la santĂ© que l'employeur dĂ©signe pour recevoir communication du dossier mĂ©dical que la Commission possède au sujet du travailleur; et

 

8° si l'employeur conteste qu'il s'agit d'une lĂ©sion professionnelle ou la date ou la pĂ©riode prĂ©visible de consolidation de la lĂ©sion, les motifs de sa contestation.

__________

1985, c. 6, a. 268; 1999, c. 89, a. 53.

 

 

269.  L'employeur transmet Ă  la Commission le formulaire prĂ©vu par l'article 268, accompagnĂ© d'une copie de l'attestation mĂ©dicale prĂ©vue par l'article 199, dans les deux jours suivant :

 

1° la date du retour au travail du travailleur, si celui-ci revient au travail dans les 14 jours complets suivant le dĂ©but de son incapacitĂ© d'exercer son emploi en raison de sa lĂ©sion professionnelle; ou

 

2° les 14 jours complets suivant le dĂ©but de l'incapacitĂ© du travailleur d'exercer son emploi en raison de sa lĂ©sion professionnelle, si le travailleur n'est pas revenu au travail Ă  la fin de cette pĂ©riode.

 

Il remet au travailleur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.

__________

1985, c. 6, a. 269.

 

[47]        En l’espèce, il n’y a pas eu de « perte de temps Â» de sorte que le tribunal comprend que l’employeur n’a pas eu Ă  verser Ă  la travailleuse de « salaire en vertu de l’article 60 Â», appelĂ© couramment les « 14 premiers jours d’incapacitĂ© Â» et qu’il a donc choisi de ne pas faire complĂ©ter et faire parvenir de formulaire ADR Ă  la CSST mĂŞme si on lui avait remis une attestation mĂ©dicale.

[48]         Par ailleurs, le tribunal reconnaĂ®t que l’obligation de produire une rĂ©clamation Ă  la CSST, Ă  l’aide d’un formulaire « RĂ©clamation du travailleur Â» repose sur les Ă©paules de la travailleuse et que l’ignorance de la loi Ă  cet Ă©gard ne constitue pas un motif raisonnable.

[49]        Enfin, le tribunal est d’avis que bien que l’employeur ait un devoir d’assistance dans la rĂ©daction d’un formulaire de rĂ©clamation d’un travailleur, lorsque celui-ci dĂ©cide d’en produire un, et que ce devoir d'assistance n'implique pas qu’il doive inciter un travailleur Ă  soumettre une rĂ©clamation ou encore dĂ©cider pour lui de soumettre cette rĂ©clamation[4], il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce, la travailleuse aurait pu minimalement recevoir une information de sa part voulant qu’elle puisse s’adresser Ă  la CSST si elle le croit opportun.

[50]        Or, du tĂ©moignage de la travailleuse, le tribunal retient que lors de sa rencontre avec la reprĂ©sentante de l’employeur en 2005 pour « l’enquĂŞte Â», « il n’a pas Ă©tĂ© question de la CSST Â» bien que la travailleuse ait prĂ©alablement remis Ă  l’employeur une attestation mĂ©dicale « CSST Â».

[51]        Aussi, dans les circonstances particulières du prĂ©sent cas, le tribunal est d’avis que le fait que l’employeur ait pour procĂ©dure de ne pas soumettre de formulaire Ă  la CSST « lorsqu’il n’y a pas de perte de temps Â», que ce fait donc, a participĂ© Ă  l’imbroglio qui s’en est suivi. Si l’employeur avait fait parvenir un formulaire « Avis de l’employeur et demande de remboursement Â» Ă  la CSST, mĂŞme en y mentionnant qu’il n’y avait pas de perte de temps, cet organisme aurait pu entrer en communication avec la travailleuse, au besoin, pour vĂ©rifier la nature des Ă©lĂ©ments soumis et Ă©ventuellement dĂ©terminer l’admissibilitĂ© d’une rĂ©clamation pour celle-ci, le cas Ă©chĂ©ant, d’autant plus que la CSST aurait pu s’interroger sur la question du paiement de la consultation mĂ©dicale du 21 avril 2005 par la Dre Miclette.

[52]        Or de l’analyse du dossier, la CSST n’a appris qu’en 2009 l’existence de cette consultation auprès de la Dre Miclette, lorsque madame Paris a fourni au rĂ©viseur Caron « les Ă©lĂ©ments de 2005 contenus au dossier de la travailleuse». Auparavant, la CSST a analysĂ© la rĂ©clamation produite par la travailleuse en juillet 2009 et bien qu’elle ait refusĂ© cette rĂ©clamation « au mĂ©rite Â», il n’est nullement fait rĂ©fĂ©rence au fait que la travailleuse aurait commencĂ© Ă  ressentir des symptĂ´mes en 2005 et qu’elle ait alors consultĂ© un mĂ©decin[5].

[53]        Le tribunal voit une analogie importante entre les faits que l’on retrouve dans le prĂ©sent dossier et ceux de l’affaire Murphy et Ville de New-Richmond [6]. Dans cette affaire, en novembre 2002, le mĂ©decin du travailleur produit une attestation mĂ©dicale autorisant des « travaux lĂ©gers pour 10 jours Â». L'attestation mĂ©dicale est remise Ă  l'employeur par le travailleur et aucune rĂ©clamation n'est faite Ă  la CSST. Un diagnostic de maladie professionnelle est posĂ© en juillet 2003. On reproche alors au travailleur de ne pas avoir produit sa rĂ©clamation Ă  la CSST dans le dĂ©lai de 6 mois.

[54]        Le tribunal partage l’avis du juge administratif Alain Vaillancourt qui, dans cette affaire, a dĂ©terminĂ© que l'employeur aurait dĂ», en novembre 2002, remplir le formulaire prescrit par la CSST et le lui transmettre, compte tenu des dispositions des articles 268 et 269. Toutefois, comme celui-ci n'avait pas de somme Ă  rĂ©clamer, il n'a pas rempli le formulaire prescrit mĂŞme si le travailleur lui avait remis l'attestation mĂ©dicale et il l'a assignĂ© Ă  d'autres tâches. Or, pour le juge Vaillancourt, « C'est en partie cette omission de l'employeur qui est Ă  l'origine de la controverse sur le dĂ©lai, et le travailleur n'a pas Ă  en subir les consĂ©quences. Ce dernier a fait ce que la loi l'obligeait Ă  faire en 2002 et ce n'est qu'en 2003, après sa consultation du 15 juillet, qu'il avait l'obligation de soumettre une rĂ©clamation Ă  la CSST, ce qu'il a fait dans le dĂ©lai de six mois prĂ©vu Ă  la loi Â».

[55]         De l’avis du tribunal, la travailleuse n’a pas Ă  subir les consĂ©quences du choix fait par l’employeur de ne pas faire parvenir Ă  la CSST de formulaire ADR lorsqu’il n’y a pas de perte de temps, mĂŞme si la travailleuse demeure saisie de sa propre obligation de produire son formulaire de rĂ©clamation. En ce sens, l’histoire de la prĂ©sente rĂ©clamation aurait Ă©tĂ© toute autre pour la travailleuse si l’employeur avait choisi de faire parvenir un formulaire Ă  la CSST en 2005 et la travailleuse n’aurait en toute probabilitĂ© pas Ă  justifier le dĂ©lai qu’on lui reproche Ă  l’heure actuelle.

[56]        Pour le tribunal, l’omission de la travailleuse de produire sa propre rĂ©clamation se trouve en quelque sorte balisĂ©e par le processus d’enquĂŞte mis en place par l’employeur, processus au cours duquel il « n’est pas question de CSST Â» et au terme duquel l’employeur, appliquant sa procĂ©dure interne, ne fait pas parvenir Ă  la CSST de formulaire ADR.

[57]        Le tribunal rĂ©pète qu’il ne blâme pas l’employeur de ce choix, mais constate, dans les circonstances, que la travailleuse n’a nullement Ă©tĂ© informĂ©e du processus en place. Sans excuser le manquement de la part de la travailleuse, le tribunal croit que dans les circonstances, ce manque d’information minimale qu’aurait pu lui fournir l’employeur, bien qu’il n’y soit pas obligĂ©, permet de conclure que pour la travailleuse, il s’agit d’un motif raisonnable expliquant en bonne partie les raisons de son omission.

[58]        D’autre part, et indĂ©pendamment de la conclusion prĂ©cĂ©dente Ă  laquelle en est arrivĂ©e le tribunal, la Commission des lĂ©sions professionnelles est d’avis que la travailleuse n’avait pas d’intĂ©rĂŞt suffisant Ă  produire sa rĂ©clamation en avril 2005 dans la mesure oĂą elle n’a pas cessĂ© de travailler, tel que l’indiquait son mĂ©decin Ă  l’attestation Ă©mise.

[59]        La travailleuse s’est certes procurĂ© des orthèses de nuit sur la recommandation de son mĂ©decin. NĂ©anmoins, elle n’a jamais manquĂ© le travail en raison des douleurs aux poignets qui l’avaient amenĂ©e Ă  consulter en avril 2005, et ce, jusqu’en avril 2009. De mĂŞme, du tĂ©moignage de la travailleuse, le tribunal retient que son Ă©tat n’a pas nĂ©cessitĂ© de suivi mĂ©dical jusqu’en avril 2009.

[60]        Le tribunal considère en consĂ©quence que si les circonstances n’excusent pas la travailleuse d’avoir omis de produire sa rĂ©clamation dans le dĂ©lai prescrit, elles constituent pour elle un « motif raisonnable Â» permettant au tribunal de la relever des consĂ©quences de son dĂ©faut. Sa rĂ©clamation est donc recevable.

L’AVIS DES MEMBRES

[61]        Le membre issu des associations d’employeurs, ayant dĂ©jĂ  exprimĂ© son avis quant au fait qu’il considère la rĂ©clamation de la travailleuse irrecevable du fait qu’elle n’a pas Ă©tĂ© produite dans le dĂ©lai lĂ©gal, croit donc inappropriĂ© de se prononcer sur l’existence d’une lĂ©sion professionnelle chez la travailleuse.

[62]        Le membre issu des associations syndicales, de son cĂ´tĂ©, croit que la requĂŞte de la travailleuse doit ĂŞtre accueillie.

[63]        Ce membre est d’avis que la preuve dĂ©montre clairement que le travail effectuĂ© par la travailleuse lui a causĂ© un syndrome du canal carpien bilatĂ©ral. Ce membre retient, de la description des tâches Ă  la prĂ©paration, Ă  l’accrochage/dĂ©crochage et Ă  la peinture, que plusieurs facteurs de risque favorisant le dĂ©clenchement d’un tunnel carpien sont en effet prĂ©sents.

LES FAITS

[64]        De l’analyse du dossier et du tĂ©moignage de la travailleuse, le tribunal retient les faits suivants.

[65]        La travailleuse a dĂ©butĂ© chez l’employeur, une entreprise de fabrication de lampadaires, en 1997. Elle est âgĂ©e de 52 ans et est droitière. Elle y occupe, depuis environ 2001, un poste de « peintre sĂ©nior Ă  la poudre Â».

[66]        Le 21 avril 2005, la travailleuse consulte la Dre Sylvie Miclette. Le mĂ©decin pose le diagnostic de « syndrome de tunnel carpien gauche plus que droit Â», prescrit un electromyogramme ainsi que des orthèses et indique Ă  l’attestation qu’elle Ă©met « pas d’arrĂŞt de travail pour le moment Â».

[67]        Tel qu’indiquĂ© prĂ©cĂ©demment par le tribunal dans son analyse du moyen prĂ©alable, la travailleuse remet cette attestation mĂ©dicale Ă  une reprĂ©sentante de l’employeur, ne cesse pas de travailler, se procure les orthèses recommandĂ©es par le mĂ©decin, mais ne produit pas de rĂ©clamation auprès de la CSST Ă  ce moment.

[68]        Le 6 avril 2009, la travailleuse revoit la Dre Miclette. Le mĂ©decin pose le diagnostic de tunnel carpien gauche.

[69]        Le 15 mai 2009, un Ă©lectromyogramme fait par le Dr Nasreddine confirme la prĂ©sence d’un « tunnel carpien bilatĂ©ral gauche plus que droit Â». Le Dr Nasreddine note ceci :

« IMPRESSIONS

 

Neuropathies médianes de degré sévère au poignet gauche et modéré du côté droit, compatibles avec un syndrome du tunnel carpien. Vu l’importance des symptômes cliniques, ainsi que le degré de l’atteinte électrophysiologique, une chirurgie de décompression du nerf médian aux poignets bilatéralement en commençant par le côté gauche, devrait être envisagée.

 

Par ailleurs, on retrouve une radiculopathie C7 gauche probable surajoutĂ©e mais qui est en phase chronique. Â»

 

[70]        Le 28 mai 2009, la Dre Miclette rĂ©fère la travailleuse en orthopĂ©die en vue d’une chirurgie. Le mĂ©decin indique Ă  l’attestation Ă©mise qu’il n’y a pas d’arrĂŞt de travail.

[71]        Le 2 juillet 2009, la travailleuse produit une rĂ©clamation Ă  la CSST pour un « tunnel carpien bilatĂ©ral Â» qu’elle attribue aux tâches de son travail de peintre sĂ©nior. Au formulaire « RĂ©clamation du travailleur Â», elle situe « l’évĂ©nement Â» au 2 avril 2009, date Ă  laquelle la Dre Miclette a procĂ©dĂ© Ă  une infiltration cortisonĂ©e de son poignet gauche. Dans sa lettre jointe Ă  la rĂ©clamation, la travailleuse rappelle avoir consultĂ© en 2005 en raison de ses tunnels carpiens prĂ©cisant que ses douleurs ont augmentĂ© depuis un an et qu’elle a dĂ» consulter son mĂ©decin en avril 2009 Ă  cet Ă©gard.

[72]        On retrouve, avec la rĂ©clamation, un document intitulĂ© « Description de tâches Â» au poste de peintre Ă  la poudre[7]. On y lit ceci :

« TĂ‚CHES

 

1. Préparer, accrocher et décrocher le matériel à être peint.

 

2. Effectuer son tour de rotation Ă  l’application de la peinture en poudre et s’assurer que les pièces sont entièrement recouvertes, selon les temps standards. Il est important de prĂ©ciser ici que ce sont des « robots fixes Â» qui se chargent de la plus grande partie de l’application de la peinture en poudre; le peintre, lui, s’assure d’appliquer, avec son pistolet, de la peinture aux endroits oĂą il en manque.

 

3. Enseigner et superviser les différentes méthodes de travail à toute nouvelle personne venue se joindre à l’équipe temporairement ou en permanence.

 

4. Pouvoir effectuer le nettoyage complet de la cabine lors de changement de couleur. Effectuer les changements de collecteurs de poudre et faire le raccordement des boyaux d’alimentation pour les pistolets.

 

5. Connaître les réglages de température du four nécessaires à une cuisson adéquate des différents types de peinture.

 

6. Observer les surfaces enduites afin de déceler les imperfections qui pourraient générer des rejets et s’assurer que les articles finis sont conformes aux spécifications.

 

7. Voir à maintenir son lieu de travail propre et sécuritaire.

 

8. Effectuer tout autre travail demandé par son superviseur.

 

9. Rapporter immédiatement toute défectuosité ou tout bris d’équipement.

 

Après discussion avec le contremaĂ®tre, M. Daniel Dulmaine, il semble qu’on peut rĂ©partir approximativement de la façon suivante le temps consacrĂ© aux diffĂ©rentes tâches :

 

- accrocher/décrocher (entre1/3 et 2/5 du temps, selon la production)

- peinturer (entre 1/3 et 2/5 du temps, selon la production)

- préparer le matériel et faire le nettoyage (entre 1/3 et 1/5 du temps, selon la production)

 

Selon les besoins de la production qui varient régulièrement et l’équipe de travail, l’employé passe d’une tâche à une autre. Il est donc difficile de donner une répartition précise.

 

Il est important de prĂ©ciser que notre production est saisonnière, ce qui implique des pĂ©riodes de l’annĂ©e oĂą il se fait moins de peinture. Habituellement, les mois d’automne et d’hiver sont moins occupĂ©s. Â»

 

[73]        Le 8 juillet 2009, la travailleuse rencontre le Dr Turgeon, orthopĂ©diste. Le mĂ©decin pose le diagnostic de tunnel carpien bilatĂ©ral et indique qu’une chirurgie est prĂ©vue pour la travailleuse. Le mĂ©decin autorise la travailleuse Ă  exĂ©cuter son travail rĂ©gulier jusqu’à la chirurgie. Ă€ sa note de consultation, le mĂ©decin rapporte ceci :

« Je vois aujourd’hui avec plaisir madame HĂ©bert, une dame de 51 ans, en bonne santĂ©, travaillant chez Snoc, entreprise qui fabrique des lampadaires. Elle est responsable et chargĂ©e de la peinture en poudre avec le fusil Ă  air, elle doit donc effectuer plusieurs mouvements au niveau de ses poignets, elle a dĂ©veloppĂ© depuis des annĂ©es des engourdissements qui se sont empirĂ©s dans le temps et qu’un Ă©lectromyogramme a dĂ©montrĂ© une atteinte sĂ©vère du tunnel carpien gauche et modĂ©rĂ© Ă  importante Ă  droite. La patiente se dit assez symptomatique des deux cĂ´tĂ©s. Elle a rĂ©cemment Ă©tĂ© infiltrĂ©e, cela l’a aidĂ© beaucoup, mais l’effet ne sera pas permanent.

 

Étant donnĂ© que madame HĂ©bert ne veut pas changer de type d’emploi, je pense qu’il est tout Ă  fait raisonnable de procĂ©der Ă  des dĂ©compressions chirurgicales. Puisque la dame est droitière et que l’atteinte est de toute façon suffisamment importante Ă  droite pour justifier une chirurgie, nous dĂ©buterons par le cĂ´tĂ© droit, puis quatre semaines après, nous ferons le cĂ´tĂ© gauche, cela lui permettra d’avoir un arrĂŞt de travail plus long Ă  droite qu’à gauche. Donc, elle a Ă©tĂ© cĂ©dulĂ© pour procĂ©der d’abord au cĂ´tĂ© droit. Â» [sic]

 

[74]        Le 16 juillet 2009, la Dre Miclette pose le diagnostic de tunnel carpien bilatĂ©ral et de radiculopathie C7 gauche avec arthrose et discopathie multiĂ©tagĂ©e cervicale.

[75]        Le 14 aoĂ»t 2009, l’employeur fait parvenir Ă  la CSST des commentaires par lesquels il s’oppose Ă  la rĂ©clamation de la travailleuse. On y indique notamment ceci :

« De plus, le travail de madame se divise en trois parties soit :

1. Accrocher les pièces sur la chaîne de peinture, ce qui représente environ 2/5 du travail (poids de la plupart des pièces entre 1 et 3 livres)

2. Peindre au fusil, ce qui représente environ 2/5 du travail (poids du fusil environ 1 livre, il n’y a aucune vibration et aucune pression ne doit être exercée à cette étape)

3. Préparer le matériel et le nettoyage, ce qui représente environ 1/5 du travail.

L’intensitĂ© et la frĂ©quence sont des facteurs de risques Ă  prendre en considĂ©ration dans la survenance d’un tunnel carpien. Le travail de madame ne requiert pas d’efforts physiques importants ni de posture extrĂŞme. Madame bĂ©nĂ©ficie de pauses, de temps de rĂ©cupĂ©ration et de rotation de tâches ce qui diminue l’impact de la frĂ©quence de son travail Â».

 

[76]        Madame HĂ©bert a tĂ©moignĂ© des tâches qu’elle doit accomplir chez l’employeur.

[77]        Elle prĂ©cise tout d’abord travailler selon un horaire rĂ©gulier de 40 heures par semaine, rĂ©parties sur 5 jours, et bĂ©nĂ©ficier d’une pause de 15 minutes le matin et de 30 minutes pour le dĂ®ner. Elle mentionne porter des gants de coton.

[78]        Quant Ă  son travail, madame HĂ©bert indique qu’elle n’est pas d’accord avec la description du poste tel que dĂ©crit au dossier de la CLP dans le document fourni par l’employeur. Elle tĂ©moigne toutefois en y rĂ©fĂ©rant (la liste des 9 tâches dĂ©crites) pour indiquer qu’à son avis, elle effectue deux tâches principales, soit le nettoyage de la cabine, Ă  raison de quelques fois par semaine l’étĂ© et moins souvent l’hiver, et celle de peintre.

[79]        Quant au travail de nettoyage de la cabine, madame HĂ©bert explique utiliser un « squegee Â» qu’elle saisit de sa main droite pour frotter toutes les parois de la cabine afin d’en dĂ©coller les particules pouvant y ĂŞtre prĂ©sentes, puis, terminer le nettoyage Ă  l’aide d’un souffleur avec embout, alors qu’elle saisit le manche du « squegee Â» et celui du souffleur Ă  pleine main.

[80]        Madame HĂ©bert explique que la tâche de peintre se compose en fait de trois Ă©tapes principales, soit la prĂ©paration, l’accrochage et le dĂ©crochage des pièces et la peinture proprement dite.

[81]         La travailleuse dĂ©crit et montre au tribunal les gestes qu’elle doit effectuer avec les deux mains Ă  la prĂ©paration, Ă  l’accrochage/dĂ©crochage et Ă  la peinture. De cette dĂ©monstration, le tribunal retient ceci.

[82]        Ă€ la « prĂ©paration Â», elle saisit de la main droite, avec une prise pleine main, un crochet double sur lequel elle accroche de la main gauche un luminaire Ă  chacun des crochets. Elle montre un travail d’accrochage sur une chaĂ®ne de production situĂ©e Ă  la hauteur de ses yeux.

[83]        Ce crochet, chargĂ© de deux luminaires, sera par la suite, dans la sĂ©quence « accrochage Â», accrochĂ© Ă  un autre crochet situĂ© sur une ligne Ă  hauteur des yeux pour que les pièces soient envoyĂ©es au dĂ©graissage et Ă  la peinture automatique (dans la cabine aussi appelĂ©e « robot Â»). Au moment de l’accrochage, la travailleuse saisit un crochet chargĂ© de deux luminaires dans chacune de ses mains, les deux mains travaillant ensemble.

[84]         Après le passage dans la cabine de peinture Ă©lectrostatique, la travailleuse doit effectuer un travail de finition sur chacune des pièces (retouches) Ă  l’aide d’un fusil Ă  poudre (fusil Ă  air). Pour ce faire, la travailleuse saisit le luminaire de la main gauche, près du crochet oĂą il est suspendu, avec une prise en pince entre le pouce et l’index pour le faire tourner et de la main droite, elle tient le pistolet Ă  air pour la peinture, pour effectuer les retouches, tout en effectuant une inspection visuelle. Le tribunal note que la travailleuse dĂ©crit Ă  cette Ă©tape un travail impliquant une dĂ©viation radiale et cubitale de sa main droite dans l’utilisation du pistolet Ă  air.

[85]        La travailleuse ajoute que de l’ensemble de ses tâches, celles reliĂ©es aux Ă©tapes de la peinture sont les plus problĂ©matiques. Madame HĂ©bert indique qu’elle accroche ainsi, selon son estimation, 50 ou 60 pièces aux 5 minutes et qu’alors que ces pièces entrent dans le dĂ©graisseur et la cabine de peinture, elle continue Ă  accrocher d’autres pièces de la mĂŞme façon.

[86]        Ă€ cet Ă©gard, le tĂ©moignage de la travailleuse est corroborĂ© par celui de monsieur DĂ©silet, directeur de la production chez l’employeur, qui convient d’une frĂ©quence minimale de 1500 luminaires manipulĂ©s quotidiennement par la travailleuse, cette quantitĂ© pouvant ĂŞtre augmentĂ©e jusqu’à 3000 (production doublĂ©e) en pĂ©riode de grande production. Par ailleurs, ce tĂ©moin indique que selon sa propre estimation, environ 33 Ă  40 % de la journĂ©e de travail de la travailleuse peut ĂŞtre reliĂ© Ă  la prĂ©paration et Ă  l’accrochage et le reste du temps de travail, Ă  la peinture Ă  proprement parler, monsieur DĂ©silet indiquant que 90 % des pièces devaient ĂŞtre « retouchĂ©es Â».

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[87]        La Commission des lĂ©sions professionnelles doit dĂ©terminer si la travailleuse a subi une lĂ©sion professionnelle.

[88]        En l’espèce, le diagnostic prĂ©pondĂ©rant au dossier, posĂ© dès 2005 par la Dre Miclette, est celui de syndrome du canal carpien bilatĂ©ral, les mĂ©decins consultĂ©s Ă  compter d’avril 2009 ayant repris ce diagnostic.

[89]        Quant aux diagnostics de radiculopathie C7 gauche avec arthrose et discopathie multiĂ©tagĂ©e cervicale Ă©galement posĂ©s par la Dre Miclette lors de la consultation du 16 juillet 2009, le tribunal est d’avis de ne pas les retenir dans la mesure oĂą ceux-ci n’ont jamais Ă©tĂ© posĂ©s de façon contemporaine Ă  l’apparition des premiers symptĂ´mes du canal carpien en 2005 et qu’ils dĂ©coulent vraisemblablement des constats faits en mai 2009 par le Dr Nasreddine. Or, le tribunal ne possède aucune preuve permettant de relier lesdits diagnostics au travail effectuĂ© par la travailleuse. Au demeurant, la travailleuse a essentiellement invoquĂ© que ce sont ses tunnels carpiens qui sont en lien avec son travail de « peintre sĂ©nior Ă  la poudre Â».

[90]        La loi donne les dĂ©finitions suivantes :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

 

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

 

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

 

[91]        D’emblĂ©e, le tribunal Ă©carte la possibilitĂ© que la travailleuse ait subi une rĂ©cidive, une rechute ou une aggravation d’une lĂ©sion professionnelle antĂ©rieure. De mĂŞme, il n’a nullement Ă©tĂ© soutenu et encore moins dĂ©montrĂ© que le syndrome du canal carpien bilatĂ©ral diagnostiquĂ© chez la travailleuse dĂ©coulerait d’un « accident du travail Â».

[92]        En l’espèce, il est manifeste que la travailleuse soutient que sa maladie dĂ©coule de l’exercice, depuis 2001, de son travail de « peintre sĂ©nior Ă  la poudre Â». C’est donc sous le seul angle de la maladie professionnelle que le tribunal entend analyser le prĂ©sent litige.

[93]        Le tribunal souligne que la travailleuse peut bĂ©nĂ©ficier de l’application d’une prĂ©somption de maladie professionnelle si elle remplit les conditions de l’article 29 de la loi :

29.  Les maladies Ă©numĂ©rĂ©es dans l'annexe I sont caractĂ©ristiques du travail correspondant Ă  chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliĂ©es directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

[94]        La travailleuse sera prĂ©sumĂ©e ĂŞtre atteinte d’une maladie professionnelle si sa maladie est visĂ©e dans l’annexe I et si elle a exercĂ© le travail correspondant Ă  cette maladie d’après l’annexe.

[95]        Or, l’annexe I de la loi prĂ©voit ceci en ce qui touche les lĂ©sions musculosquelettiques :

[…]

 

ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

SECTION IV

 

MALADIES CAUSÉES PAR DES AGENTS PHYSIQUES

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

2.Lésion musculo-squelettique se manifestant par des signes objectifs (bursite, tendinite, ténosynovite):

un travail impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées;

__________

1985, c. 6, annexe I.

 

[96]        En l’espèce, le syndrome du canal carpien bilatĂ©ral n’est pas une des maladies mentionnĂ©es Ă  l’annexe de sorte que la prĂ©somption de l’article 29 ne peut s’appliquer Ă  l’égard de ce diagnostic.

[97]        Compte tenu de cette conclusion, il appartient Ă  la travailleuse de dĂ©montrer, conformĂ©ment Ă  l’article 30 de la loi, que sa maladie est caractĂ©ristique de son travail ou reliĂ©e aux risques particuliers de celui-ci.

[98]        L’article 30 de la loi prĂ©voit en effet ceci :

30.  Le travailleur atteint d'une maladie non prĂ©vue par l'annexe I, contractĂ©e par le fait ou Ă  l'occasion du travail et qui ne rĂ©sulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causĂ©e par un tel accident est considĂ©rĂ© atteint d'une maladie

professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

[99]        Il n’a nullement Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que la maladie de la travailleuse est caractĂ©ristique de son travail, c’est-Ă -dire que les personnes effectuant comme elle des tâches de « peintre sĂ©nior Ă  la poudre Â» sont plus susceptibles de prĂ©senter un syndrome du canal carpien bilatĂ©ral.

[100]     Une telle preuve requiert une dĂ©monstration qu'un nombre significatif de personnes travaillant dans des conditions semblables en sont Ă©galement affectĂ©es ou que la maladie est plus prĂ©sente chez ce type de travailleurs que dans la population en gĂ©nĂ©ral ou dans un groupe tĂ©moin. En somme, il s'agit de dĂ©montrer que le type de travail effectuĂ© a cette particularitĂ© que la maladie s'y trouvera prĂ©sente plus frĂ©quemment qu'ailleurs. Cette preuve peut ĂŞtre faite de plusieurs façons, notamment par des Ă©tudes statistiques et Ă©pidĂ©miologiques, mais elle doit nĂ©cessairement porter sur un nombre significatif de personnes, tendant ainsi Ă  Ă©liminer une simple association fortuite[8].

[101]     S’agit-il d’une maladie reliĂ©e aux risques particuliers du travail de la travailleuse?

[102]      La Commission des lĂ©sions professionnelles est d’avis de rĂ©pondre par l’affirmative Ă  cette question, et ce, pour les motifs suivants.

[103]     Le tribunal retient de la preuve prĂ©sentĂ©e que la travailleuse effectue depuis 2001 un travail au poste de « peintre Ă  la poudre Â» selon un horaire rĂ©gulier de 40 heures/semaine, et ce, durant toute l’annĂ©e. Dans le cadre de son travail, elle est amenĂ©e Ă  accomplir diffĂ©rentes tâches. Cependant, du tĂ©moignage de la travailleuse, corroborĂ© dans ses aspects essentiels par le directeur de la production DĂ©silet, entre 33 et 40 % du travail effectuĂ© consiste en la prĂ©paration et l’accrochage de pièces de diffĂ©rents poids entrant dans la fabrication de lampadaires, pièces devant ĂŞtre accrochĂ©es Ă  des crochets sur une chaĂ®ne de production.

[104]     Puis, après que les pièces ont Ă©tĂ© peintes dans une cabine automatisĂ©e, la travailleuse doit faire des retouches Ă  une grande majoritĂ© des pièces Ă  l’aide d’un pistolet Ă  poudre.

[105]     La preuve dĂ©montre que la travailleuse doit ainsi manipuler minimalement environ 1500 pièces quotidiennement, mais qu’en pĂ©riode de grande production, ce nombre peut « doubler Â». En retenant pour base un tel rythme, il en dĂ©coule que la travailleuse doit donc manipuler au moins 3 luminaires par minute, ce qui lui donne 20 secondes par luminaire pour effectuer la prĂ©paration, l’accrochage et la peinture.

[106]     Par ailleurs, la travailleuse doit Ă©galement manipuler un « squegee Â» et un souffleur Ă  air Ă  long manche lors du « nettoyage Â» de la cabine de peinture.

[107]     Or le tribunal retient, des descriptions donnĂ©es par la travailleuse des tâches qu’elle juge particulièrement difficiles, que l’exĂ©cution de son travail requiert qu’elle pose plusieurs gestes que le tribunal considère Ă  risque de dĂ©velopper des tunnels carpiens.

[108]     Le tribunal constate en effet que la travailleuse doit, Ă  la frĂ©quence prĂ©cĂ©demment dĂ©crite, effectuer des gestes rĂ©pĂ©titifs de flexion-extension des poignets Ă  gauche et Ă  droite, Ă  la prĂ©paration et Ă  l’accrochage, et Ă  droite, avec le pistolet.

[109]     De mĂŞme, on constate que la travailleuse doit effectuer une prise pleine main au pistolet, au nettoyage des cabines et Ă  la saisie des crochets, tant Ă  la prĂ©paration qu’à l’accrochage, et que pour peindre les pièces au pistolet, elle doit effectuer une dĂ©viation rĂ©pĂ©titive radiale et cubitale de la main droite ainsi qu’une prĂ©hension rĂ©pĂ©tĂ©e des luminaires avec pince digitale de sa main gauche.

[110]     De plus, parmi les cofacteurs de risques associĂ©s au travail effectuĂ©, le tribunal retient que la travailleuse dĂ©crit un travail avec les deux membres supĂ©rieurs en flexion et en abduction Ă  l’accrochage et Ă  la peinture, ainsi que le port de gants de coton.

[111]      L’analyse de l’ensemble de la preuve offerte amène le tribunal Ă  conclure que la travailleuse a dĂ©montrĂ© que son travail comporte suffisamment de facteurs de risques pour que son syndrome de tunnel carpien bilatĂ©ral soit reliĂ© Ă  l’exĂ©cution de son travail de peintre sĂ©nior Ă  la poudre.

[112]     Dans la mesure oĂą le tribunal a dĂ©clarĂ© que la rĂ©clamation de la travailleuse Ă©tait recevable, bien qu’elle ait Ă©tĂ© produite en 2009 alors que les premiers symptĂ´mes de son canal carpien bilatĂ©ral ont Ă©tĂ© constatĂ©s par la Dre Miclette le 21 avril 2005 sur l’attestation mĂ©dicale Ă©mise Ă  cette date, il en dĂ©coule que la Commission des lĂ©sions professionnelles reconnaĂ®t en consĂ©quence que la travailleuse a subi une maladie professionnelle, reliĂ©e aux risques particuliers de son travail Ă  compter du 21 avril 2005, mais que cette lĂ©sion n’a rendu la travailleuse incapable de travailler qu’en 2009, au moment oĂą elle a revu la Dre Miclette en raison de la reprise de ses symptĂ´mes.

[113]     Le tribunal est donc d’avis que la travailleuse a droit aux prestations prĂ©vues Ă  la loi Ă  compter de 2005, en ce qui a trait aux consultations mĂ©dicales en lien avec sa maladie professionnelle, ainsi qu’au versement des indemnitĂ©s de remplacement du revenu appropriĂ©es, c'est-Ă -dire pour toute pĂ©riode au cours de laquelle la travailleuse n’a pu exĂ©cuter son travail. Quant Ă  ce dernier point, le tribunal constate que le tĂ©moignage de la travailleuse indique qu’elle n’a pas dĂ» s’absenter du travail après avoir consultĂ© la Dre Miclette en avril 2005 et que ce n’est qu’à la suite de sa rĂ©clamation de juillet 2009 qu’elle a dĂ» le faire.

[114]     Dans les circonstances, il appartiendra Ă  la CSST de dĂ©terminer les pĂ©riodes d’arrĂŞt de travail appropriĂ©es, le tribunal ne disposant d’aucune information Ă  cet Ă©gard, notamment aucun rapport final ne lui ayant Ă©tĂ© soumis.

[115]     Pour tous ces motifs, la requĂŞte de la travailleuse doit ĂŞtre accueillie.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requĂŞte de madame Dominique HĂ©bert, la travailleuse, dĂ©posĂ©e le 30 novembre 2009;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 18 novembre 2009 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la réclamation de la travailleuse à la CSST est recevable;

DÉCLARE que la travailleuse a subi le 21 avril 2005 une maladie professionnelle, à savoir un syndrome du canal carpien bilatéral, et qu’elle a droit aux prestations prévues à la loi.

 

 

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Michel Watkins

 

 



[1] L.R.Q. c. A-3.001

[2] Note du tribunal : il est manifeste qu’il ne s’agit pas de l’écriture de la travailleuse, celle-ci rĂ©fĂ©rant le tribunal Ă  des exemples de son Ă©criture apparaissant Ă  plusieurs autres documents au dossier.

[3] Chabot et Shermag inc, C.L.P. 116061-04B-9905, 24 janvier 2003, J.F.Clément; Gauvin et Ville de Montréal, [1992] C.A.L.P. 406 ; Sheir et Via Rail Canada, [1995] C.A.L.P.1755; Taillon et Claire

Fontaine, C.L.P.107010-02-9811, 24 avril 2001, R. Deraîche; Entreprises Lomas ltée et Harvey, [1994] C.A.L.P. 1402 ; Gagné et Institut Roland Saucier, [1995] C.A.L.P. 1620 . 

 

[4] Dumont et Construction L.F.G. inc., C.L.P.328977-01A-0709, 23 mars 2009, S. Sénéchal.

 

[5] Note du tribunal : Ă€ sa note du 11 aoĂ»t 2009, l’agent Provencher ne fait Ă©tat d’aucun Ă©lĂ©ment relatif Ă  2005. Dans sa dĂ©cision du 20 aoĂ»t 2009, l’agent indique : « ConsidĂ©rant que les critères de recevabilitĂ© (personne, lieu, dĂ©lai) sont respectĂ©s Â».

[6] C.L.P.223931-01C-0312, 8 septembre 2004, Alain Vaillancourt : Dans le mĂŞme sens, voir : St-Jacques et Maçonnerie Artech  inc., C.L.P. 383079-63-0907,14 juin 2010, S. Sylvestre.

[7] Note du tribunal : Le tribunal ignore qui a produit ledit document mais son libellĂ© indique qu’il semble avoir Ă©tĂ© confectionnĂ© par l’employeur.

[8] Versabec inc. et Levasseur, C.A.L.P. 39198-60-9204, 29 juin 1994, L. Thibault; Entreprises d'émondage

LDL inc. et Rousseau, C.L.P. 214662-04-0308, 4 avril 2005, J.-F. Clément; Beaulieu et Olymel St-Simon,

C.L.P. 86541-62B-9703, 22 septembre 1998, R. Jolicoeur; Beaulieu Canada et Laverdière, C.L.P.

112259-62B-9903, 17 avril 2002, A. Vaillancourt; Morin et Casino du Lac-Leamy, C.L.P.135377-07-0004,

21 octobre 2002, L. Vallières, rĂ©vision rejetĂ©e, 4 mars 2004, M. Zigby

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