Décision

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Gabarit EDJ

Arsenault c. Roy

2016 QCCQ 16110

COUR DU QUÉBEC

«Division des petites créances»

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

LOCALITÉ DE

SAINT-JÉRÔME

«Chambre civile»

N° :

700-32-032504-167

 

 

 

 

DATE :

22 décembre 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

PIERRE BACHAND, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

NADINE ARSENAULT

-et-

JOCELYN ARCAND

Demandeurs

c.

 

LILIANE ROY

-et-

GROUPE SUTTON-HUMANIA

-et-

MICHEL LAMBERT

Défendeurs

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Suite à un problème avec les autorités municipales lorsqu’ils ont voulu vendre leur immeuble à revenus, les demandeurs poursuivent leur vendeur, Liliane Roy, le courtier immobilier Michel Lambert et l’agence immobilière Groupe Sutton-Humania.

[2]           En 2008, les demandeurs décident d’acquérir un immeuble à revenus.  Ils voient l’annonce de l’immeuble  appartenant à Mme Roy depuis 1987. La fiche descriptive de l’immeuble, sous le nom de Gilberte Lefebvre, agent immobilier affilié au Groupe Sutton, porte plusieurs indications qui s’avéreront fausses.

[3]           D’abord, on indique que c’est un triplex, qu’il y a trois logements, que la possibilité de revenus annuels est d’environ 24 000,00$ et qu’il y a un stationnement pour cinq véhicules.  La réalité se révélera toute autre lorsque les demandeurs voudront vendre cet immeuble en avril 2015 et qu’ils seront informés que leur immeuble n’est pas conforme à la réglementation municipale. 

[4]           Voyons d’abord ce qui s’est passé au niveau de cette vente.  Malgré que la fiche descriptive déposée comme pièce P-3 porte le nom et la photo de Mme Gilberte Lefebvre, agent immobilier, il semble que le courtier inscripteur dans cette affaire était le défendeur Michel Lambert.  Mme Lefebvre aurait été le courtier collaborateur.  Il faut toutefois noter que les deux courtiers immobiliers, appelés à cette époque agents immobiliers, faisaient tous les deux partie de la même agence immobilière, Groupe Sutton.

[5]           Dans le document intitulé Déclarations du vendeur sur l’immeuble, le vendeur indiquait avoir fait des travaux importants à l’immeuble ou des rénovations sans avoir obtenu les permis requis, soit les fenêtres en façade, les portes en acier extérieures, les balcons et escaliers extérieurs.  Toutefois, un troisième logement avait été fait au sous-sol sans qu’on obtienne non plus les permis nécessaires.  D’ailleurs, la preuve établit qu’un tel permis n’aurait pu être obtenu s’il avait été demandé, le zonage ne permettant pas à cette époque un troisième logement pour cet immeuble.

[6]           Dans la promesse d’achat, le vendeur déclarait n’avoir connaissance d’aucun facteur se rapportant à l’immeuble susceptible, de façon significative, d’en diminuer la valeur ou les revenus ou d’en augmenter les dépenses (art. 6.1 a). On indiquait de plus que l’offre était conditionnelle à ce que le logement 926A, celui du sous-sol, soit l’objet d’un bail jusqu’au 30 juin 2009 au loyer mensuel de 625,00$, avec la locataire qui serait Mme Roy, la venderesse.

[7]           Les demandeurs font inspecter l’immeuble.  L’inspecteur en bâtiment les met en garde concernant une possible limitation de droit public dans les termes suivants:

"IMPORTANT: Nous vous recommandons de vous assurer que le propriétaire-vendeur vous fournisse les documents certifiés par la Ville de Saint-Jérôme et son département d’incendie certifiant que l’immeuble est zoné et accrédité comme triplex et que le logement 926A rencontre leurs normes et exigences, en ce qui a trait à la finition des plafonds suspendus dudit logement et ce, avant de finaliser le contrat notarié."

Alertés par cette mise en garde, les demandeurs requièrent une vérification à ce sujet, ce à quoi s’engage le courtier immobilier Lambert. Il doit faire toutes les vérifications requises auprès de la ville.

[8]           Selon M. Lambert, lors d’une première rencontre avec un préposé au comptoir du service de l’urbanisme, on lui dit que l’immeuble est un duplex et qu’il y a un troisième logement.  Il fallait monter plus haut pour obtenir des informations claires.

[9]           Il en avise Mme Roy.  Il lui fait part qu’il faudra modifier la fiche descriptive. Comme Mme Roy insiste sur le fait que c’est un triplex qu’elle a acheté, ils vont ensemble au service d’urbanisme une deuxième fois.  On confirme qu’il s’agit bien d’un duplex.  Aucune infraction n’est inscrite au dossier.

[10]        Entre-temps, deux promesses d’achat sont reçues, dont celle des demandeurs. M. Lambert dit avoir avisé le courtier collaborateur, Mme Lefebvre, qu’il attend des informations finales de la ville. 

[11]        Suite au rapport de l’inspecteur en bâtiment, M. Lambert attend toujours des nouvelles de la ville.  Il appelle alors le 21 ou le 22 octobre 2008 et parle à une directrice ou un directeur.  Il dit avoir obtenu alors une réponse verbale claire en ce qu’il s’agissait d’un duplex et non d’un triplex, mais que le troisième logement était toléré.  Il avise Mme Roy des possibles conséquences.  Elle peut s’attendre à une baisse de prix ou à ce que les promettants-acheteurs se retirent. 

[12]        Il dit avoir eu une conversation avec le courtier collaborateur pour qu’elle informe ses clients.  Quelques heures plus tard, Mme Lefebvre l’aurait rappelé, disant avoir parlé aux acheteurs et les avoir informés qu’il s’agissait d’un duplex avec un troisième logement et qu’ils étaient prêts à accepter l’entente telle quelle à la condition que M. Lambert donne un montant de 500,00$ pour enlever le plafond suspendu pour le remplacer par un plafond coupe-feu.  Il s’agit là de ouï-dire inadmissible en preuve. Le soussigné a d’ailleurs demandé pourquoi Mme Lefebvre n’avait pas été assignée comme témoin puisque son témoignage revêtait un caractère particulièrement important sur plusieurs points en litige, mais il n’y a eu de la part de M. Lambert qu’une réponse peu convaincante à ce sujet. 

[13]        Une modification intervient alors entre les parties.  Selon M. Lambert, cette modification a été rédigée par le courtier collaborateur.  On y lit:

"Elle est enregistrée à ville de Saint-Jérôme comme duplex avec trois logements et nous l’acceptons telle quelle.  Michel Lambert donnera chez le notaire la somme de 500,00$ aux acheteurs moyennant un reçu."

On peut noter qu’il n’y a aucune mention d’un plafond coupe-feu.

[14]        M. Lambert trouvait un peu bizarre qu’on n’ait demandé aucune baisse de prix. Toutefois, lorsqu’il a reçu le document de Mme Lefebvre, il lui aurait demandé si tout était assez clair pour que tous comprennent bien, surtout concernant la première clause comme quoi la maison était enregistrée.  De nouveau, M. Lambert réfère à ce que Mme Lefebvre, absente à l’audience, lui aurait répondu, soit que sa fille était avocate en courtage immobilier dans une des plus grandes firmes de Montréal, qu’elle avait validé la clause avec elle et qu’il n’y avait aucun problème.  Il n’y avait aucun recours possible ou quoi que ce soit, dit M. Lambert.

[15]        Déjà, cette affirmation démontre bien que les courtiers immobiliers dans ce dossier, lesquels faisaient partie de la même agence immobilière, étaient bien conscients de la situation délicate et litigieuse dans laquelle ils évoluaient. 

[16]        Les demandeurs ont une version bien différente.  Ils affirment d’abord n’avoir jamais rien demandé, notamment au niveau d’un montant de 500,00$. C’est Mme Lefebvre qui leur a dit que M. Lambert offrait 500,00$ parce que la demanderesse, Mme Arsenault, avait mentionné que le plafond suspendu n’était pas beau. Il n’a jamais été question que c’était pour un plafond coupe-feu. Les demandeurs ignoraient tout de cette éventuelle exigence.

[17]        De plus, même si le document de modifications a effectivement été rempli par Mme Lefebvre, la demanderesse témoigne que cela a été fait devant elle, dans sa cuisine.  Le téléphone de Mme Lefebvre était sur mains libres.  Ce qui a été écrit dans la modification a été composé par les deux courtiers immobiliers ensemble et elle-même les a entendus.

[18]        Lorsque des problèmes sont survenus en avril 2015 avec la municipalité, la demanderesse a obtenu copie d’un courrier envoyé à M. Lambert le 23 octobre 2008 à 9:50 heures par Myriam Ross, préposée à l’émission des permis et aux inspections à la ville de Saint-Jérôme.  Voici la teneur de ce courriel:

" Bonjour M. Lambert,

Tel que discuté, je vous confirme que l’apparition du 3e logement au rôle d’évaluation est apparu en 1987.  La règlementation de zonage applicable à cette époque n’autorisait pas de 3e  logement.  Celui-ci a donc été aménagé sans permis.  Par contre, l’usage du troisième logement a été autorisé avec l’entrée en vigueur du règlement de zonage no 626-89 en 1989.  Ce règlement autorisait un usage trifamilial pour la zone où est situé le bâtiment.  Le CNB 1985 était alors en vigueur.

De ce fait, pour rendre le 3e  logement conforme, nous exigeons qu’un relevé architectural du logement ainsi qu’une attestation de conformité au CNB 1985 soient déposés afin d’effectuer la demande de permis.

Les principaux éléments qui nous intéressent sont le degré de résistance au feu des murs et des plafonds séparant  le logement du sous-sol par rapport à celui du rez-de-chaussée. (Nous présumons ici que le 3e    logement ajouté a été aménagé au sous-sol).

Nous exigeons également que les issues et les éléments relatifs à la protection de l’issue, la hauteur plancher/plafond, les dimensions des pièces et de la fenestration soient examinés.

Si vous avez des questions, n’hésitez pas à me contacter." 

Il faut noter que ce courriel est envoyé après la signature de la modification par les demandeurs, mais avant la signature de Mme Roy, laquelle a signé le 23 octobre 2008 à 14:10 heures. 

[19]        Qui plus est,  ce courriel envoyé par une personne impartiale dans la présente affaire, sept ans avant que le problème ne soit soulevé entre les parties, indique que M. Lambert était déjà au courant avant l’envoi du courriel, Mme Ross écrivant "Tel que discuté,… ". Les demandeurs affirment quant à eux ne l’avoir jamais vu et ne pas en avoir eu connaissance avant 2015. 

[20]        Le Tribunal ne croit pas la version de M. Lambert.  Il a admis que l’adresse électronique apparaissant au courriel de Mme Ross était bien la sienne à cette époque. De plus, si ce courriel ne s’était pas rendu, s’il était revenu non livré, vu l’importance du sujet et la connaissance d’une vente imminente, il y a fort à présumer que Mme Ross aurait réagi.  Des contradictions importantes transparaissent du témoignage de M. Lambert.  Ainsi, il affirme que personne ne lui avait parlé d’une quelconque exigence avant le courriel.  Cependant, dans son témoignage, il dit aussi que Mme Roy avait été informée par la ville qu’elle devait faire affaire avec un technologue.  Pourquoi, sinon pour rendre le 3e logement conforme, tel qu’exigé par la ville? A quoi aurait bien pu servir le technologue?  D’ailleurs, M. Lambert témoigne que Mme Roy avait été claire sur le fait qu’elle ne voulait pas débourser un sou, que la propriété devait être vendue telle quelle. 

[21]        De plus, il affirme qu’il était en attente d’informations de la part de la ville.  Celles qui provenaient de Mme Ross étaient capitales et il en avait déjà connaissance.  Sciemment, il ne les a pas transmises aux acheteurs.  La réflexion qu’il attribue à Mme Lefebvre, comme quoi la modification était suffisamment claire et qu’il n’y avait aucun recours possible démontre d’ailleurs que la situation était, au contraire, loin d’être claire pour les acheteurs. 

[22]        S’ils avaient été mis au courant, ils auraient su que les exigences de la ville entraîneraient des travaux majeurs qui leur ont coûté, quelques années plus tard, plus de 30 000,00$.  Sans compter le fait que leur propriété a perdu beaucoup de valeur puisque les cases de stationnement étaient illégales à l’avant.  Ils ont dû en aménager dans la cour arrière pour trois cases et la cour latérale qui servait de stationnement doit maintenant être utilisée comme allée pour avoir accès aux cases de stationnement de la cour arrière.  Il y a certainement, de ce fait, une perte de valeur importante.

[23]        La défenderesse, Mme Roy, fait valoir qu’elle a acheté l’immeuble en 1987 comme un triplex.  Lors de l’achat, il y avait déjà un troisième logement au sous-sol. Elle prétend donc qu’elle ignorait que le troisième logement avait été installé sans permis et que pour en obtenir un en 2008, il fallait l’acceptation par la municipalité et qu’il fallait faire des travaux d’envergure.

[24]        Cependant, M. Lambert est allé avec elle à la municipalité.  Il affirme qu’elle savait qu’elle devait retenir les services d’un technologue pour rendre le troisième logement conforme.  Il dit même qu’elle ne voulait rien investir  sachant cela et qu’elle voulait vendre l’immeuble tel quel.  Certes, les gestes qu’elle a posés ont été en grande partie dictés par le courtier immobilier.  Cela ne change rien quant à sa responsabilité personnelle envers les demandeurs. 

[25]        De plus, si elle avait obtenu un permis pour faire les travaux de rénovation qui ont été faits à l’immeuble, elle aurait immédiatement su que le troisième logement n’était pas conforme.  Cet immeuble était affecté d’une limitation de droit public, le zonage prohibant l’utilisation d’un logement au sous-sol lorsque Mme Roy a acheté.  Suite à un changement de zonage, l’usage d’un troisième logement était maintenant possible, mais il fallait faire les travaux qui ont finalement incombé aux demandeurs.

[26]        Voici qu’écrivait la Cour d’appel dans l’arrêt Vézina c. Lamoureux, 2014 QCCA 1462:

""[38] Je conviens que cette obligation de renseignement est largement tributaire des connaissances de l’acheteur. Cependant, la doctrine reconnaît aussi que l’obligation de délivrance proprement dite doit être rangée parmi les obligations de résultat.

[39] De plus, la jurisprudence soutient l’idée que le vendeur est présumé connaître l’ensemble des charges qui concernent l’utilisation de son immeuble et cette connaissance présumée comporte l’obligation de les dénoncer à l’acheteur.

[40]  En somme, le vendeur doit garantir à l’acheteur qu’aucune violation aux limitations de droit public ne grève l’immeuble au moment de la vente si la réglementation qui les crée fait échec au régime normal de la propriété et que l’état des lieux ne permet pas d’en déceler l’existence.

            [41Avec beaucoup d’égards pour la juge de première instance, je suis d’avis que les           intimés n’ont pas respecté les garanties auxquelles ils sont tenus et que leur     responsabilité est en conséquence engagée. Je m’explique.

[48] Bref, l’immeuble vendu correspondait aux caractéristiques annoncées dans la publicité des courtiers et répondait aux attentes véritables des appelants. Si la preuve n’a pas révélé que les intimés leur avaient expressément mentionné que la maison était une habitation bigénération conforme, il reste que leurs représentations, à défaut d’être expresses, n’en étaient pas moins explicites et appuyaient sans détour cette conclusion.

[49]  Je suis donc d’avis que les intimés se sont engagés à livrer aux appelants une habitation bigénération et que cet engagement était assorti de la garantie que cet usage était autorisé par la réglementation applicable."

De la même façon, dans cette affaire, Mme Roy s’était engagée à livrer un immeuble de trois logements et de cinq stationnements.  Cela n’a pas été le cas.

[27]        Elle prétend de plus, tout comme M. Lambert d’ailleurs, que les demandeurs auraient dû s’informer pour s’assurer que l’immeuble était conforme, suite notamment à ce qu’écrivait l’inspecteur préachat.  Mais c’était leur obligation de livrer un immeuble conforme et M. Lambert s’était engagé à faire les vérifications requises.  De nouveau, voici qu’écrit la Cour d’appel dans le même arrêt de Vézina c. Lamoureux:

""[65]  Je suis donc d’avis que les intimés se sont engagés à livrer aux appelants une habitation bigénération et que cet engagement était assorti de la garantie que cet usage était autorisé par la réglementation applicable.

[66]  Aussi, on ne peut reprocher aux appelants, en dépit de leurs visites préachat, de ne pas avoir constaté au regard de la réglementation l'insuffisance de la hauteur des plafonds du sous-sol ni déceler les lacunes concernant la superficie des pièces qui forment l’espace résidentiel secondaire. Rien au dossier ne suggère que ces constatations s’imposaient à la vue d’un acheteur consciencieux ou encore que les appelants aient été alertés précisément de l’existence de ces carences techniques

[67]  Finalement, même si en principe le statut des acquéreurs permet de jauger l’intensité de l’examen préachat, en l’espèce la preuve ne démontre pas que les appelants et leur ami entrepreneur qui les a accompagnés à l’occasion d’une visite possédaient des connaissances particulières dans le domaine des habitations bigénération au point de déceler les déficiences techniques affectant l’espace résidentiel en cause.

[68]  Je précise au passage que la preuve de non-conformité de l’espace résidentiel secondaire aménagé par les intimés a nécessité une preuve d’expert en première instance.

[[69]  Je suis donc d’avis que les appelants n’ont pas fait montre d’insouciance ni manqué de diligence lors de l’achat de leur maison et qu’à ce chapitre aucun reproche ne peut leur être fait.

...

[75]  Cela dit, les appelants avaient le droit de présumer que l’immeuble acheté par eux était réglementaire. Ils pouvaient aussi raisonnablement supposer que la destination donnée à cette habitation par leur auteur et son usage au moment de la vente était conforme à la réglementation en vigueur.

[76] Il était en l’espèce manifeste que la maison était utilisée aux fins d’une habitation bigénération. Un aménagement typique à ce genre d’espace résidentiel, son occupation par les membres de la famille des intimés et la nature de la publicité en vue de promouvoir la vente de l’immeuble constituaient un ensemble de facteurs convergents allant en ce sens.

[77]  Or, la preuve ne fait pas voir que les appelants entendaient donner une destination différente de celle déjà existante pour cet immeuble. Au contraire, ils souhaitaient tout simplement maintenir le même usage que celui initié par les intimés, la raison même de leur acquisition. La destination demeurant inchangée, la clause concernée ne peut donc jouer en faveur des intimés.

[78]  Dans ce contexte, la présomption établie par la jurisprudence et reconnue par la doctrine selon laquelle « l'acheteur a le droit de présumer que l'immeuble, tel que construit et comme occupé au moment où il l'achète, est conforme à tous les règlements en vigueur» trouve ici application."

C’est M. Lambert qui devait vérifier, qui selon toute vraisemblance a connu la limitation d’ordre public, mais n’en a pas fait part adéquatement aux demandeurs.  La responsabilité de Mme Roy est donc retenue.

[28]        Quant au courtier immobilier et à l’agence immobilière, voici la décision du Tribunal.  Les courtiers avaient l’obligation de vérifier les informations que contenait la fiche descriptive, en l’occurrence la légalité du troisième logement et des cinq cases de stationnement ainsi que des revenus potentiels de 24 000,00$ par année.  Soit il ne l’a pas fait adéquatement, pour que les demandeurs obtiennent le résultat demandé, soit plutôt, comme le Tribunal en conclut de la preuve prépondérante, il a vérifié, il n’a pas communiqué adéquatement ce qu’il savait et il a fait en sorte d’aller de l’avant avec une vente qui manifestement était désavantageuse pour les demandeurs puisque l’erreur générée par M. Lambert a amené un vice de consentement.

[29]        Quant à l’agence immobilière, le Tribunal partage l’opinion du juge Richard exprimé dans son ouvrage, Le Courtage immobilier au Québec:

"À la Loi sur le courtage immobilier (C-73-2) et à ses règlements, le législateur consacre cette réalité contractuelle puisqu’un courtier immobilier agit ou représente une agence ou est considéré à son emploi ou autorisé à agir pour elle.  Bien qu’on ait pu s’interroger sur le caractère de «préposé» de ces courtiers immobiliers, autonomes ou indépendants, nous croyons que la réponse à cette question importe peu puisqu’une agence et un courtier immobiliers sont solidairement responsables du préjudice causé «en cas d’inexécution d’un contrat de courtage». Dans le cadre d’un contrat de courtage immobilier conclu avec une agence, celle-ci est liée au client-inscripteur puisque le courtier qui agit pour elle ne conclut pas directement de contrat avec le client.  Quant à la responsabilité extracontractuelle, nous croyons que les actes d’un courtier, qui peut être qualifié de mandataire d’une agence, engagent la responsabilité de celle-ci, par l’effet de l’article 2164 C.c.Q." [1]

L’agence est donc elle aussi responsable.

[30]        Quant au quantum des dommages, les demandeurs réclament 8 000,00$ pour les travaux au logement et 7 000,00$ pour la perte du stationnement.  Ils ont établi nettement beaucoup plus que cela et cette demande de 15 000,00$ est donc très conservatrice.  Le Tribunal accorde cette somme de 15 000,00$.

[31]        Les défendeurs sont solidairement responsables envers les demandeurs.  Conformément à l’article 328 NCpc et pour valoir entre eux seulement, le Tribunal détermine que Michel Lambert doit supporter 100% de la condamnation en capital, intérêts, indemnité additionnelle et frais de justice et les deux autres parties, zéro% (0%). La raison en est la suivante: la défenderesse Roy a suivi les conseils de M. Lambert et l’a laissé mener ce dossier comme il l’entendait.  C’est véritablement lui qui a pris les décisions, en bout de course.  C’est à cause de lui que les faits véritables ont été cachés aux demandeurs.  C’est lui qui a causé les dommages et qui n’a pas respecté ses obligations. Quant à la défenderesse Groupe Sutton-Humania, malgré qu’elle soit elle aussi responsable envers les demandeurs, elle n’a commis aucun geste spécifique ni assumé aucune négligence pouvant causer des dommages aux demandeurs.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[32]        CONDAMNE solidairement les défendeurs à payer aux demandeurs la somme de 15 000,00$ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q., à compter du 30 juin 2015.

[33]        LE TOUT avec frais de justice au montant de 200,00$.

[34]        DÉTERMINE, pour ne valoir qu’entre les défendeurs seulement, que la part de Michel Lambert dans la condamnation en capital, intérêts, indemnité additionnelle et frais de justice est de cent pour cent (100%) et que la part des deux autres défenderesses, Liliane Roy et Groupe Sutton-Humania est de zéro % (0%).

 

 

 

__________________________________

Pierre Bachand, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

23 novembre 2016

 



[1] Henri Richard, Le courtage immobilier au Québec, 3e édition, Éditions Yvon Blais, 2010, 393 p., à la     p. 41

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