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[1] Le 26 juillet 2004, monsieur Dominique Le Sage, pour monsieur Jocelyn Vallée (le travailleur), dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue le 8 juillet 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.
[2]
Par cette décision, la révision administrative confirme la
décision rendue par la CSST le 25 février 2004 et déclare qu’il n’y a pas lieu
d’appliquer les dispositions de l’article
[3]
Audience tenue le 23 septembre 2004 à St-Georges-de-Beauce en
présence du travailleur et de son représentant, monsieur Dominique Le Sage.
Construction & Rénovation M. Dubeau inc. (l’employeur), bien que dûment
convoqué, n’est ni présent ni représenté pour cette audience. La CSST, après
être intervenue dans ce dossier le 26 août 2004 en application de l’article
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4]
Le représentant du travailleur demande à la Commission des
lésions professionnelles de reconnaître que le travailleur respecte en tout
point les conditions donnant ouverture à l’article
LES FAITS
[5] Pour une grande partie des faits ayant donné lieu au présent litige, la Commission des lésions professionnelles s’en remet à ceux que rapporte son tribunal dans sa décision rendue le 18 septembre 2003 ainsi que ceux reproduits par la révision administrative dans sa décision du 8 juillet 2004, dernière décision qui fait d’ailleurs l’objet du présent litige.
[6] Ainsi, le travailleur est connu de la CSST pour être porteur d’une incapacité partielle permanente et de limitations fonctionnelles à la suite de sa lésion professionnelle vécue le 24 juin 1984 qui lui a causé une hernie discale L5-S1 suivie d’une discoïdectomie, le 12 décembre 1984.
[7] Le 11 mai 1987, le travailleur présente une entorse lombaire en déplaçant du bardeau d’asphalte sur une toiture, lésion qui, après une période de convalescence d’à peu près cinq mois, n’entraîne pas d’augmentation de l’atteinte permanente ou des limitations fonctionnelles.
[8] Le 20 janvier 1988, le travailleur présente une lombosciatalgie droite qui sera associée à une hernie discale L4-L5 droite. De cette nouvelle lésion professionnelle, le travailleur conserve une augmentation de son atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles que le docteur Yves Brault prend soin de décrire en ces termes :
- éviter tout effort lombaire au-delà de 10-15 kilos;
- éviter tout mouvement répété de flexion-extension du tronc;
- éviter tout travail en station debout prolongée;
- éviter tout travail sur échafaudage ou escabeau.
[9] Le 20 mars 2000, le travailleur est à nouveau confronté à des douleurs à la région lombaire à la suite d’une chute sur les fesses en soulevant une poubelle remplie de terre.
[10] Il est suivi par différents médecins pour une lombosciatalgie gauche et entorse lombaire, lésions que le docteur Yves Brault consolide le 28 août 2000 avec prévision d’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur et prévision de limitations fonctionnelles.
[11] Dans son rapport d'évaluation médicale qui en a suivi le 6 septembre 2000, le docteur Brault précise que les limitations fonctionnelles de classe II déjà émises en 1988 demeurent en force, à savoir :
- éviter de soulever, porter, pousser de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 10 kilogrammes;
- éviter d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire même à de faible amplitude;
- éviter de monter fréquemment plusieurs escaliers et de travailler sur échafaudage, échelle ou autres;
- éviter de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale.
[12] Ne pouvant reprendre son emploi de menuisier avec pareilles limitations fonctionnelles, la CSST prend en charge le travailleur en réadaptation pour en venir, le 8 mai 2001, à lui déterminer comme convenable l’emploi d’estimateur en sinistre, décision que le travailleur porte en révision le 17 mai 2001 et que confirme la révision administrative, le 14 août 2001.
[13] Dans le cadre d’une entente entérinée par la Commission des lésions professionnelles le 23 janvier 2002, le travailleur retire sa contestation portant sur l’emploi convenable.
[14] Par la suite, il présente une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation de sa condition lombaire vécue le 10 janvier 2003, réclamation que refuse la CSST le 27 février 2003.
[15] Le 23 avril 2003, la révision administrative confirme cette dernière décision ainsi que la Commission des lésions professionnelles dans sa décision rendue le 18 septembre 2003.
[16] Le travailleur débute son emploi d’estimateur en sinistre vers la fin du mois de septembre 2003.
[17] Le 30 octobre 2003, il consulte la docteure Leblanc à la suite d’une exacerbation de ses douleurs à la région lombaire, condition pour laquelle un arrêt de travail lui est prescrit jusqu’au 7 novembre 2003.
[18] Malgré cette recommandation, le travailleur poursuit néanmoins son travail mais en réduisant son rythme.
[19] Le 3 novembre 2003, le travailleur consulte cette fois le docteur Roch Lambert qui porte le diagnostic de reprise des douleurs au membre inférieur gauche, genou, lombalgie et sciatalgie bilatérale ainsi que mollet depuis la reprise du travail. Dans son rapport médical de ce jour, le docteur Lambert réfère le travailleur au docteur Yves Brault.
[20] Le 27 novembre 2003, le docteur Jean-François Roy, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur à la demande de son représentant. À son examen objectif, le docteur Roy note une ligamentite interépineuse au niveau D1 à D3 avec irradiation brachiale gauche. Au niveau lombaire, il réfère à une douleur au massif articulaire de L4-L5 et L5-S1 bilatéralement avec flexion antérieure limitée à 30° et à 10° lors de l’extension. Il recommande au travailleur des limitations fonctionnelles de classe III :
- éviter de travailler en position penchée moindrement ou accroupie;
- éviter les vibrations de basse fréquence;
- changer ses postures au besoin;
- éviter de soulever des charges plus de 20 livres;
- éviter les escaliers, les échafaudages, les échelles, les pentes et les terrains accidentés;
- les poids plus de 20 livres sont à proscrire.
[21] Le 19 décembre 2003, le travailleur cesse son travail d’estimateur en sinistre.
[22] Le 7 janvier 2004, le docteur Yves Brault examine le travailleur. Après avoir rappelé brièvement les antécédents de ce dernier, il soumet que le travailleur ne peut déployer d’effort et qu’il n’a plus droit aux mouvements répétés de flexion/extension de la colonne. Il en est de même des activités nécessitant de ramper/grimper, monter ou descendre des escaliers qui s’avèrent contre-indiquées. Il croit donc que le travail d’estimateur en sinistre devrait être contre-indiqué au travailleur. Il retient finalement le diagnostic de lombosciatalgie bilatérale sur spondylodiscarthrose étagée et conclut que l’absence du travailleur à son travail est justifiée.
[23] Le 27 janvier 2004, le docteur Roy atteste que la poursuite du travail d’estimateur en sinistre par le travailleur est dangereux pour sa santé et celle des autres autour de lui. Il ajoute que cet emploi est incompatible avec les restrictions qui lui semblent convenables au dossier du travailleur.
[24]
Le lendemain, le représentant du travailleur s’adresse à la
CSST pour qu’elle rétablisse le droit à l’indemnité de remplacement du revenu
en application de l’article
[25]
Le 25 février 2004, la CSST écrit à ce même représentant pour
l’informer que le travailleur, ayant abandonné lui-même son emploi le 19
décembre 2003 sans avoir obtenu au préalable une attestation médicale de son médecin
recommandant pareil abandon en raison du danger pour sa santé et sa sécurité
physique, ne peut se voir appliquer l’article
[26] Ce même jour, le travailleur complète une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation de sa condition à la région lombaire vécue le 19 décembre 2003.
[27]
Le 18 juillet 2004, la CSST, à la suite d’une révision
administrative, confirme sa décision rendue le 25 février 2004 et déclare qu’il
n’y a pas lieu d’appliquer l’article
[28] À l’audience, le représentant du travailleur dépose, sous la cote T-1, une mise à jour du dossier médical du travailleur comprenant entre autres le rapport médical du 30 octobre 2003 ainsi que la prescription d’un arrêt de travail pour la période du 30 octobre au 7 novembre 2003; sous la cote T-2, une lettre du docteur Jean-François Roy datée du 27 septembre 2004 qui donne certaines explications sur le fait que le travailleur n’était pas raisonnablement en mesure d’exercer son emploi d’estimateur en sinistre. Le travailleur livre également témoignage.
[29] De celui-ci, la Commission des lésions professionnelles retient qu’il a débuté son emploi d’inspecteur en sinistre vers le 29 septembre 2003.
[30] Il reprend, dans les moindres détails, ses tâches d’inspecteur en sinistre dont celle où il doit utiliser des échelles pour constater les dégâts sur les toitures ou prendre des postures qui l’obligent à se contorsionner le dos dans le but de faire une estimation du coût des réparations engendrées par le sinistre.
[31] Il fait également la supervision des travaux de réfection après que la compagnie d’assurance les ait autorisés.
[32] Il a noté une exacerbation de ses douleurs au point de consulter un médecin le 30 octobre 2003. Malgré la recommandation de ce médecin de cesser son travail, il n’a pu le faire en raison d’un manque d’argent.
[33] Il consulte par la suite les docteurs Lambert, Roy et Brault et insiste pour dire que le docteur Roy lui a dit d’arrêter de travailler car il allait aggraver sa condition.
L’AVIS DES MEMBRES
[34] Le membre issu des associations d’employeurs de même que le membre issu des associations syndicales sont d’avis d’infirmer la décision rendue par la révision administrative, le 8 juillet 2004.
[35] Selon eux, la preuve médicale prépondérante confirme que la reprise des douleurs à la région lombaire du travailleur fait suite à l’exercice de son emploi d’estimateur en sinistre.
[36]
Lorsque le travailleur abandonne cet emploi le 19 décembre
2003, il le fait en raison de l’exacerbation de ses douleurs et s’inscrit
également dans le cadre de la recommandation faite par le docteur Roy, le 27
novembre 2003, recommandation que ce dernier élabore davantage dans son
document du 27 janvier 2004 où il atteste que cet emploi d’expert en sinistre
était dangereux pour le travailleur. Dès lors, le travailleur respecte en tout
point les conditions donnant ouverture à l’application de l’article
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[37]
La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si
le travailleur a droit de récupérer son indemnité de remplacement du revenu
prévue à l’article
45. L'indemnité de remplacement du revenu est égale à 90% du revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi.
__________
1985, c. 6, a. 45.
51. Le travailleur qui occupe à plein temps un emploi convenable et qui, dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l'exercer, doit abandonner cet emploi selon l'avis du médecin qui en a charge récupère son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 et aux autres prestations prévues par la présente loi.
Le premier alinéa ne s'applique que si le médecin qui a charge du travailleur est d'avis que celui-ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur.
__________
1985, c. 6, a. 51.
[38]
Pour donner ouverture à la récupération de son droit à
l’indemnité de remplacement du revenu prévue à l’article
[39] Ainsi, le travailleur doit occuper à temps plein l’emploi convenable et doit l’abandonner dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l’exercer selon l’avis de son médecin.
[40] L’avis de ce médecin doit toutefois s’inscrire dans l’une des deux situations suivantes :
- le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d’occuper cet emploi;
- cet emploi comporte des dangers pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur.
[41] Dans le dossier sous étude, on ne remet pas en question le fait que le travailleur ait dû abandonner son emploi dans les deux ans qui suivent la date où il a commencé à l’exercer.
[42]
La Commission des lésions professionnelles note que la CSST
refuse l’application de l’article
[43] Au surplus, la CSST souligne que son arrêt de travail du 19 décembre 2003 s’inscrit dans le cadre d’une exacerbation de ses douleurs et d’une augmentation de ses limitations fonctionnelles qui sont maintenant de classe III au lieu de celles reconnues de classe II tel qu’antérieurement établi par le docteur Brault, le 6 septembre 2000. Elle va même jusqu’à lui suggérer de produire une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation.
[44]
Avec tout le respect pour cette approche de la CSST, la
Commission des lésions professionnelles se doit néanmoins de s’en dissocier
puisqu’elle interprète différemment les faits ayant donné lieu à la demande
d’application de l’article
[45] Sans vouloir se répéter, la Commission des lésions professionnelles estime nécessaire de reproduire brièvement l’historique du dossier du travailleur et ainsi retient de cette preuve que ce dernier est aux prises avec des problèmes à la région lombaire depuis de nombreuses années, problèmes qui découlent de plusieurs lésions professionnelles dont celle vécue le 24 juin 1984 qui lui a causé une hernie discale L4-S1 gauche et celle du 20 janvier 1988 qui entraîne cette fois une lombosciatalgie droite associée à une hernie discale L4-L5.
[46] De ces lésions professionnelles, le travailleur conserve une capacité partielle permanente et atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles dont celles reconnues par le docteur Yves Brault, à la suite de cette lésion vécue le 20 janvier 1988.
[47] Par la suite, le travailleur est pris en charge par la CSST et réintègre le marché du travail comme entrepreneur en construction le 3 avril 1991. Toutefois, en raison de la difficulté financière, le travailleur abandonne cet emploi pour reprendre celui de menuisier sur la construction malgré que ses limitations fonctionnelles soient incompatibles avec cet emploi.
[48] Le travailleur est tout de même en mesure d’exercer cet emploi jusqu’au 20 mars 2000 où, à cette date, il se blesse au dos après avoir chuté au sol en manipulant une poubelle remplie de terre.
[49] Le travailleur voit cette lésion consolidée au 29 août 2000 avec prévision à l’atteinte permanente à son intégrité physique et prévision de limitations fonctionnelles.
[50] Dans son rapport d'évaluation médicale daté du 6 septembre 2000, le docteur Brault réitère au travailleur les limitations fonctionnelles de classe II.
[51] Il s’ensuit une prise en charge du travailleur par le service de la réadaptation de la CSST pour en venir, le 8 mai 2001, à la détermination de cet emploi convenable d’estimateur en sinistre, emploi que le travailleur conteste le 7 mai 2001.
[52] Dans le cadre de plusieurs litiges introduits à la Commission des lésions professionnelles, les parties en viennent à une entente qu’entérine la Commission des lésions professionnelles le 23 janvier 2002. Dans cette entente, le travailleur retire sa contestation portant sur l’emploi convenable.
[53] Il présente par la suite une réclamation à la CSST, le 10 janvier 2003, alléguant présenter une récidive, rechute ou aggravation, réclamation que refuse la CSST et que confirment la révision administrative et la Commission des lésions professionnelles.
[54] C’est à la suite de cette dernière décision de la Commission des lésions professionnelles, le 18 septembre 2003, que le travailleur se résigne donc à exercer cet emploi convenable d’estimateur en sinistre à compter du 29 septembre 2003.
[55] Dès le 30 octobre 2003, il consulte un médecin en raison de la reprise de ses douleurs à la région lombaire. Le médecin consulté à ce moment, la docteure Leblanc, lui prescrit un arrêt de travail s’échelonnant jusqu’au 7 novembre 2003.
[56] Malgré cette recommandation, le travailleur poursuit ses activités professionnelles.
[57] Il en sera de même lors des consultations médicales auprès des docteurs Roch Lambert, le 3 novembre 2003 et Jean-François Roy, le 27 novembre 2003.
[58] Dans son rapport transcrit le 5 décembre 2003, le docteur Roy parle maintenant de limitations fonctionnelles de classe III chez le travailleur.
[59] Le 19 décembre 2003, le travailleur abandonne son emploi d’estimateur en sinistre.
[60] À première vue, on serait porté à croire que l’abandon de cet emploi par le travailleur fait suite à une détérioration de sa condition physique, l’augmentation de ses limitations fonctionnelles en étant la preuve.
[61] Toutefois, cette détérioration de la condition physique du travailleur au niveau de sa région lombaire, si détérioration physique il y a, s’explique assez bien par certaines tâches qu’il a effectuées comme estimateur en sinistre où il doit monter dans les échelles pour procéder à l’évaluation des dégâts engendrés par les sinistres ou simplement effectuer des mouvements de torsion de sa colonne pour inspecter des endroits difficiles.
[62]
C’est justement en raison de ces tâches particulières que le
docteur Jean-François Roy, le 27 novembre 2003, suggère au travailleur
d’abandonner cet emploi puisqu’il est incompatible avec ses limitations
fonctionnelles, recommandation qui, il faut bien le reconnaître, respecte en
tout point l’objectif visé par l’article
[63] Prétendre aujourd’hui que le travailleur ne respecte pas les exigences de cette dernière disposition législative, c’est là faire abstraction des consultations médicales du 30 octobre, celles du 3 et 27 novembre 2003 et finalement celle du 7 janvier 2004.
[64] Il est à noter que ces consultations médicales ont été obtenues auprès de médecins différents et tous s’entendent pour dire qu’il y a exacerbation des douleurs à la région lombaire du travailleur ou que cet emploi est incompatible avec ses limitations fonctionnelles.
[65] Dans sa lettre rédigée le 27 janvier 2004, le docteur Jean-François Roy précise qu’il a recommandé au travailleur l’arrêt de travail puisque cet emploi d’estimateur en sinistre était dangereux pour la santé du travailleur et celle des autres travailleurs.
[66] Le temps du verbe utilisé par le docteur Roy au passé nous permet d’établir que sa recommandation est faite en fonction des tâches décrites par le travailleur comme estimateur en sinistre et des séquelles dont il était porteur à ce moment et non des suites des nouvelles limitations fonctionnelles que le docteur Roy lui reconnaît.
[67] Que l’attestation ou la recommandation pour le travailleur de quitter son emploi se concrétise par un écrit le 27 janvier 2004, soit après l’abandon du travail par le travailleur, ne change pas la teneur de celle-ci ni les effets juridiques qu’elle entraîne, puisque, dès le 27 novembre 2003, le travailleur est informé par ce même médecin qu’il devrait abandonner son emploi en raison du risque d’aggravation de ses pathologies à la région lombaire.
[68] Cette position émise par le docteur Roy se trouve par ailleurs corroborée par le docteur Yves Brault, le 7 janvier 2004, lorsqu’il soumet que le travail d’estimateur en sinistre devrait être contre-indiqué au travailleur. Il est à noter que cette contre-indication émise par le docteur Brault pourrait également faire suite à la reconnaissance de nouvelles limitations fonctionnelles. Toutefois, à la lecture de son rapport du 7 janvier 2004, le docteur Brault n’ajoute pas de limitations fonctionnelles au travailleur même s’il réfère au fait qu’il est contre-indiqué pour ce dernier de faire un travail qui nécessite de ramper ou grimper, ces limitations fonctionnelles étant, cela va de soi, comprises dans celles de classe II puisqu’elles se retrouvent dans la classe I suivant l’échelle des restrictions de la colonne lombo-sacrée de l’IRSST.
[69] La Commission des lésions professionnelles rappelle que s’il y a un médecin qui connaît bien la situation physique du travailleur, c’est bien le docteur Brault qui le suit depuis 1988 et son opinion ou avis sur l’abandon de ce travail ou l’incompatibilité de celui-ci avec la condition physique du travailleur revêt donc un caractère prépondérant.
[70] Par ailleurs, le 29 septembre 2004, le docteur Roy réitère que le travailleur n’était pas capable, le 27 novembre 2003, d’exercer son emploi puisque celui-ci est à haut risque de lui occasionner une aggravation sérieuse ou significative à sa région lombaire.
[71] Encore ici, l’intervention faite par le docteur Roy vise à éviter au travailleur une aggravation de sa condition lombaire s’il poursuit son travail d’inspecteur en sinistre et non de faire état d’une aggravation à cette date tel que le prétend la CSST.
[72] Cette preuve médicale, pour le moins révélatrice, permet donc à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que l’abandon par le travailleur de son emploi d’estimateur en sinistre s’est fait à la suite de recommandations des docteurs Roy et Brault qui, à un moment donné ou à un autre, ont agi en tant que médecin ayant pris charge du travailleur. Ces médecins attestent que cet emploi est dangereux pour le travailleur et sa poursuite représente un haut risque d’aggravation de sa lésion professionnelle, approche que partage d’emblée la Commission des lésions professionnelles.
[73] Qui plus est, dès le 30 octobre et le 3 novembre 2003, le travailleur est confronté à une augmentation de ses douleurs à la région lombaire lors de l’exercice de cet emploi, confirmant ainsi le risque sérieux d’aggravation de sa condition par la poursuite de cet emploi.
[74]
En conclusion, la Commission des lésions professionnelles
détermine que le travailleur respecte en tout point les conditions donnant
ouverture à l’application de l’article
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée à la Commission des lésions professionnelles le 26 juillet 2004 au nom de monsieur Jocelyn Vallée (le travailleur);
INFIRME la décision rendue le 8 juillet 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le
travailleur respecte en tout point les conditions donnant ouverture à
l’application de l’article
DÉCLARE finalement que le travailleur récupère son droit à l’indemnité de remplacement du revenu à la date où il a abandonné son emploi le 19 décembre 2003.
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Me Claude Lavigne |
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Commissaire |
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M. Dominique Le Sage |
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S.A.T.A. |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Stéphane Larouche |
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PANNETON LESSARD |
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Représentant de la partie intervenante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.