Maltais c. Hydro-Québec |
2012 QCCS 3291 |
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JD 2315 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE MONTRÉAL |
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N° : 500-06-000522-108 |
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DATE : |
17 juillet 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
MICHEL DÉZIEL, J.C.S. |
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CHANTAL MALTAIS |
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et |
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MONIQUE CHARLAND |
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Requérantes |
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c. |
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HYDRO-QUÉBEC |
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Intimée _____________________________________________________________________ |
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JUGEMENT |
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[1] Le Tribunal est saisi d'une requête amendée pour autorisation d'exercer un recours collectif contre Hydro-Québec et pour obtenir le statut de représentant pour le compte des Membres du Groupe relativement aux dommages qu'ils auraient subis suite à l'implantation du nouveau système informatique.
[2]
Les deux corequérantes Chantal Maltais («Maltais») et Monique
Charland («Charland») sont membres du Groupe basant, notamment, leur
recours collectif sur les règles applicables en matière de responsabilité
civile, entre autres, les articles
1457
et
[3] Les corequérantes décrivent comme suit le Groupe:[3]
« 4. Les Co-Requérantes désirent exercer un recours collectif contre l'Intimée Hydro-Québec pour le compte de toutes les personnes physiques, personnes morales de droit privé, sociétés ou associations formant le groupe (collectivement les «Membres du Groupe») ci-après décrit, soit:
« Toutes les personnes physiques et toutes les personnes morales de droit privé, sociétés ou associations, comptant en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède le 16 septembre 2010 sous leur direction ou sous leur contrôle au plus 50 personnes liées à elles par contrat de travail, qui étaient et/ou sont clients de l'Intimée Hydro-Québec et qui ont eu et/ou continuent d'avoir des problèmes avec leur facturation attribuable de quelque manière que ce soit à la mise en place du nouveau système informatique de l'Intimée Hydro-Québec dont l'implantation a été complétée en 2008, soit en ayant été au moins une fois sous-facturées, surfacturées et/ou non facturées pendant leur période de facturation applicable.»
ou tout autre groupe ou sous-groupe qui sera identifié par le Tribunal (ci-après le «Groupe»);»
[4] Maltais se décrit membre du Groupe à titre d'abonnée ayant été sous-facturée et à titre d'abonnée n'ayant reçu aucune facture d'Hydro-Québec pendant neuf (9) mois, soit du mois d'octobre 2008 au mois de juin 2009.
[5] Maltais habite un logement à Saint-Lucien avec son conjoint et son fils.
[6] Charland se décrit comme membre du Groupe à titre d'abonnée ayant été surfacturée et non facturée pendant une période de 258 jours.
[7] Charland est propriétaire d'un triplex à Montréal où elle réside, d'une résidence secondaire à St-Michel-des-Saints et de deux (2) quadruplex à Montréal.
[8] Hydro-Québec produit et distribue de l'électricité à la vaste majorité des foyers québécois et des entreprises commerciales, institutionnelles et industrielles, soit à plus de 2,8 millions de clients résidentiels sur un total de 3,8 millions d'abonnés.
[9] Le 1er janvier 2008, Hydro-Québec implante, pour les clients résidentiels, un nouveau système d'information clientèle («SIC»).
[10] Les corequérantes allèguent avoir subi des dommages qu'elles réclament à Hydro-Québec et qu'elles détaillent comme suit dans leurs conclusions:
« 208. Les conclusions que les Co-Requérantes recherchent par la requête introductive d'instance sont les suivantes:
ACCUEILLIR la requête des Co-Requérantes;
ACCUEILLIR le recours collectif pour tous les Membres du Groupe;
CONDAMNER l'Intimée Hydro-Québec à payer aux Co-Requérantes ainsi qu'à chacun des Membres du Groupe la somme d'UN DOLLAR (1,00 $) à titre de dommages matériels et pertes économiques, sauf à parfaire après expertise, le tout avec intérêt au taux légal et l'indemnité additionnelle à compter de la date où ces dommages et pertes ont été subis et ORDONNER le recouvrement collectif de ces sommes;
CONDAMNER l'Intimée Hydro-Québec à payer aux Co-Requérantes ainsi qu'à chacun des Membres du Groupe la somme de CENT DOLLARS (100,00 $) à titre de dommages moraux, pour troubles, tracas, stress, ennuis et inconvénients, le tout avec intérêt au taux légal et l'indemnité additionnelle à compter de l'institution du présent recours et ORDONNER le recouvrement collectif de ces sommes;
CONDAMNER l'Intimée Hydro-Québec à payer aux
Co-Requérantes ainsi qu'à chacun des Membres du Groupe la somme d'UN DOLLAR
(1,00 $) à titre de dommages exemplaires et punitifs pour abus de droit et/ou
atteinte intentionnelle aux droits protégés par l'article
LE TOUT avec les entiers dépens incluant les frais d'expertise et les frais de publication des avis aux Membres du Groupe.»
[11] Les questions communes de fait et de droit sont décrites comme suit à la requête pour autorisation:
1- Est-ce que l'intimée Hydro-Québec a commis une faute eu égard aux Membres du Groupe qui ont eu des problèmes de facturation attribuables à l'implantation du nouveau système informatique, en facturant pour une consommation d'électricité inférieure à la consommation réelle qui aurait dû être facturée, en facturant une consommation d'électricité supérieure à la consommation réelle qui aurait dû être facturée ou en ne facturant tout simplement pas certains Membres du Groupe?
2- L'intimée Hydro-Québec a-t-elle commis une ou des fautes génératrices de responsabilités?
3- Les agissements reprochés à l'intimée Hydro-Québec ont-ils causé des dommages aux Membres du Groupe?
4- Est-ce que l'intimée Hydro-Québec est responsable des dommages matériels et des pertes économiques subis par les Membres du Groupe?
5- Est-ce que les Membres du Groupe ont droit à des dommages moraux pour les stress, ennuis, troubles, tracas et inconvénients causés par l'intimée Hydro-Québec aux Membres du Groupe?
6- Est-ce que l'intimée Hydro-Québec est passible de dommages punitifs?
[12] La procédure applicable aux recours collectifs découle d'une loi à portée sociale et vise à favoriser l'accès à la justice.
[13] Les dispositions applicables doivent recevoir une interprétation large et libérale et dans le doute, le recours doit être autorisé.
[14] Au niveau de l'autorisation, le juge ne décide pas du mérite du litige: cette étape constitue un mécanisme de filtrage et de vérification.
[15] Le fardeau de preuve en est un de démonstration seulement et non de prépondérance.
[16] Les faits doivent être tenus pour avérés.
[17] Les
conditions de l'article
[18] Les situations soulevées par les corequérantes n'ont pas de lien avec l'implantation du SIC et sont plutôt des événements qui peuvent survenir dans le cadre des nombreux services fournis par Hydro-Québec.
[19] Les
critères établis par l'article
a) Description abusive du Groupe: pratiquement tous les clients d'Hydro-Québec pourraient être inclus.
b) Aucune preuve de dommages subis par tous les membres.
[20] Il s'agit en réalité d'une demande de commission d'enquête.
[21] Hydro-Québec n'a pas l'obligation de garantir contre tout pépin de facturation, mais a le devoir de se doter d'un système de facturation informatisé, moderne et efficace, sujet à des pépins de rodage et non sans faille, comme le prétendent les corequérantes.
[22] Toutes les situations décrites par les corequérantes sont prévues aux conditions de service d'électricité et chacune est assortie d'une sanction prédéterminée par la Régie de l'énergie.
[23] La
réclamation pour dommages exemplaires ne remplit pas les exigences de l'article
[24] Il n'y a aucune preuve ou allégation sérieuse qu'Hydro-Québec a commis une erreur dans le cadre de l'implantation du SIC.
[25] Le syllogisme juridique n'est pas démontré en ce que la faute n'est pas démontrée.
[26] Le
législateur prévoit, aux articles
1002. La requête énonce les faits qui y donnent ouverture, indique la nature des recours pour lesquels l'autorisation est demandée et décrit le groupe pour le compte duquel le membre entend agir. Elle est accompagnée d'un avis d'au moins dix jours de la date de sa présentation et signifiée à celui contre qui le requérant entend exercer le recours collectif; elle ne peut être contestée qu'oralement et le Tribunal peut permettre la présentation d'une preuve appropriée.
1003. Le tribunal autorise l'exercice du recours collectif et attribue le statut de représentant au membre qu'il désigne s'il est d'avis que:
a) les recours des membres soulèvent des questions de droit et de fait identiques, similaires ou connexes;
b) les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;
c) la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l'application des articles 59 ou 67; et que
d) le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres.
[27] Les
corequérantes doivent satisfaire les quatre (4) critères prévus à l'article
[28] Récemment, le juge Robert Mongeon de notre cour résumait comme suit les principes généraux dans Paris c. Lafrance:[4]
« [31] Citant notre collègue le juge Jean-François Buffoni dans un récent jugement en la matière, les principes généraux en matière d'autorisation de recours collectifs peuvent s'énoncer ainsi:
[
35.1. Les dispositions relatives au recours collectif découlent d'une loi à portée sociale visant à favoriser l'accès à la justice;
35.2. Ces dispositions reçoivent une interprétation large et libérale. Dans le doute, le recours est autorisé;
35.3. L'étape de l'autorisation constitue un mécanisme de
filtrage et de vérification par lequel le tribunal vérifie si les quatre
conditions de l'article
35.4. Plus particulièrement, cet exercice vise à écarter les demandes frivoles, manifestement mal fondées ou dénuées de toute chance raisonnable de succès;
35.5. Le jugement d'autorisation ne préjuge pas du sort du recours, il s'abstient de se prononcer sur le fond du litige;
35.6. Un recours collectif n'est pas refusé au seul motif que le demandeur doit faire face à des obstacles de droit, de preuve ou de procédure ou que le défendeur a de solides moyens de défense;
35.7. Si le tribunal estime dans sa discrétion que chacune
des quatre conditions de l'article
35.8. Le jugement d'autorisation est susceptible de révision en tout temps, y compris pour reformuler les questions en litige ou encore fragmenter ou redéfinir le groupe.
[36] À ces principes, on peut ajouter le précepte général selon lequel l'approche doit être généreuse et permettre, dans la mesure du possible, l'instruction de toute demande inédite, mais soutenable.
[37] Il s'agit donc de vérifier si le recours envisagé respecte chacune des quatre conditions du Code de procédure civile, en gardant présents à l'esprit la finalité sociale du recours collectif et la règle de proportionnalité.
[32] Notre collègue le juge Clément Gascon s'est aussi exprimé comme suit:
1. Le recours collectif est un simple moyen de procédure. Ce n'est pas un régime exceptionnel. C'est une mesure sociale qui favorise l'accès à la justice en permettant une réparation comparable et équitable à tous les membres sans qu'il y ait surmultiplication de recours similaires, dans un cadre qui assure l'équilibre des forces entre les parties;
2. La procédure d'autorisation est une étape sommaire et préparatoire qui se veut un mécanisme de filtrage et de vérification, sans plus;
3. À ce stade, on ne décide pas du mérite du litige puisque les intimées conservent le droit de faire valoir tous leurs moyens de défense lors du déroulement du recours, une fois l'autorisation accordée. Il ne s'agit donc pas d'évaluer le bien-fondé de l'action au fond. La requête en autorisation n'est pas le procès, ni n'en fait partie. Elle ne décide pas du fond du débat;
4. À l'autorisation, le juge ne fait que vérifier si
les conditions de l'article
5. L'approche libérale plutôt que restrictive doit prévaloir et tout doute doit bénéficier aux requérants, c'est-à-dire en faveur de l'autorisation du recours;
6. À cette étape, la discrétion est limitée. Si les
quatre conditions de l'article
[29] Notons que la Cour d'appel, sous la plume du juge Jacques R. Fournier dans Brown c. B2B Trust[5] rappelle que le critère de proportionnalité ne constitue pas un cinquième critère. Voici ses propos:
« [66] Dans un arrêt récent, le juge Morrissette aborde spécifiquement cette question lorsqu'il écrit dans Apple Canada inc. c. St-Germain aux paragraphes 55, 56, 57 et 59 :
[55] Enfin, le dernier argument
de l’appelante à ce stade du pourvoi consistait à soutenir que la juge aurait
dû rejeter le recours de l’intimé dans l’exercice de sa discrétion, seule
solution selon l’appelante qui aurait été conforme au principe de
proportionnalité énoncé par l’article
[56] Cette prétention peut s’analyser sous deux aspects. La juge aurait-elle dû faire de la sorte au stade de l’autorisation du recours? Devait-elle faire de la sorte au stade du jugement au fond? À mon avis, et pour les raisons qui suivent, la réponse est négative dans les deux cas.
[57] À mon sens, le récent
arrêt Marcotte c. Ville de Longueuil ne justifie aucunement que l’on
réponde par l’affirmative à la première question. Il s’agit d’un arrêt
majoritaire de cinq des neuf juges de la Cour suprême du Canada. Les juges
minoritaires, sous la plume de la juge Deschamps, expriment explicitement
l’avis que l’article
[…]
[59] Bien que l’on puisse leur reconnaître certains mérites, les arguments que fait valoir l’appelante dans le premier volet du pourvoi portent sur des choix législatifs et relèvent par conséquent du législateur plutôt que d’un tribunal. Le législateur a fait de tels choix : le Livre IX du Code de procédure civile, la Loi sur le recours collectif et la réglementation sous son empire incorporent ces choix qui se traduisent par des règles précises, différentes de celles qui ont cours en d’autres endroits. Je ne vois pas ce qui justifierait qu’un tribunal, appelé à sanctionner ces règles, s’autorise d’une vague idée de discrétion pour s’y soustraire plutôt que s’y conformer, et empêche ainsi le déroulement normal d’un recours collectif régi par le Code de procédure civile. Les tribunaux de droit commun disposent, cela va sans dire, de pouvoirs inhérents pour contrôler leur procédure et pour lui faire porter fruit en accord avec les fins de la justice. Il y a longtemps que le droit positif consacre cet état de choses et ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici. S’il existait un lien de droit substantiel entre les parties, l’appelante devait rembourser au groupe, représenté par l’intimé, les sommes perçues en trop, et la détermination du montant du reliquat, du destinataire ultime de ce montant et du pourcentage qu’aurait droit d’y prélever le FARC, demeuraient des questions à résoudre, voire à débattre contradictoirement. Il n’est pas exclu qu’exerçant ses pouvoirs la Cour supérieure aurait pu estimer excessif d’ordonner la publication d’avis dont les coûts, quatre ans après l’autorisation du recours, risquaient d’être hors de proportion avec leur impact probable auprès des membres du groupe. Mais cela en soi ne pouvait commander qu’on liquide l’affaire comme si, considéré rétrospectivement, le recours n’avait pas eu raison d’être en 2006.
[67] Autrement dit, en l'absence d'une disposition
expresse qui le prévoit, le critère de proportionnalité ne devrait pas
constituer un cinquième critère d'autorisation. J'ajouterais même,
qu'introduire en matière de recours collectif ce critère, s'il prévalait,
pourrait équivaloir à nier l'accès aux tribunaux puisque pour plusieurs de ces
recours la réclamation ne justifierait pas les coûts d'un recours individuel et
que c'est justement la finalité du recours collectif comme véhicule procédural
que de permettre une utilisation commune des ressources à un groupe qui
rencontre les critères de l'article
[30] Il y a lieu de garder en mémoire les enseignements de la Cour suprême en 2001 dans Dutton quant à la raison d'être du recours collectif:[6]
« 27 Les recours collectifs procurent trois avantages importants sur une multiplicité de poursuites individuelles. Premièrement, par le regroupement d’actions individuelles semblables, les recours collectifs permettent de faire des économies au plan judiciaire en évitant la duplication inutile de l’appréciation des faits et de l’analyse du droit. Les gains en efficacité ainsi réalisés libèrent des ressources judiciaires qui peuvent être affectées à la résolution d’autres conflits, et peuvent également réduire le coût du litige à la fois pour les demandeurs (qui peuvent partager les frais) et pour les défendeurs (qui contestent les poursuites une seule fois) : voir W. K. Branch, Class Actions in Canada (1998), par. 3.30; M. A. Eizenga, M. J. Peerless et C. M. Wright, Class Actions Law and Practice (1999), par. 1.6; Bankier, loc. cit., p. 230-231; Commission de réforme du droit de l’Ontario, Report on Class Actions (1982), p. 118-119.
28 Deuxièmement, comme les frais fixes peuvent être divisés entre un grand nombre de demandeurs, les recours collectifs donnent un meilleur accès à la justice en rendant économiques des poursuites qui auraient été trop coûteuses pour être intentées individuellement. Sans les recours collectifs, la justice n’est pas accessible à certains demandeurs, même pour des réclamations solidement fondées. Le partage des frais permet de ne pas laisser certains préjudices sans recours : voir Branch, op. cit., par. 3.40; Eizenga, Peerless et Wright, op. cit., par. 1.7; Bankier, loc. cit., p. 231-232; Commission de réforme du droit de l’Ontario, op. cit., p. 119-122.
29 Troisièmement, les recours collectifs servent l’efficacité et la justice en empêchant des malfaisants éventuels de méconnaître leurs obligations envers le public. Sans recours collectifs, des personnes qui causent des préjudices individuels mineurs mais répandus pourraient négliger le coût total de leur conduite, sachant que, pour un demandeur, les frais d’une poursuite dépasseraient largement la réparation probable. Le partage des frais diminue le coût des recours en justice et dissuade donc les défendeurs éventuels qui pourraient autrement présumer que de petits méfaits ne donneraient pas lieu à un litige : voir « Developments in the Law — The Paths of Civil Litigation : IV. Class Action Reform : An Assessment of Recent Judicial Decisions and Legislative Initiatives » (2000), 113 Harv. L. Rev. 1806, p. 1809-1810; voir Branch, op. cit., par. 3.50; Eizenga, Peerless et Wright, op. cit., par. 1.8; Bankier, loc. cit., p. 232; Commission de réforme du droit de l’Ontario, op. cit., p. 11 et 140-146.
39 Deuxièmement, il faut des questions de fait ou de droit communes à tous les membres du groupe. Les critères de communauté ont toujours été une source de confusion pour les tribunaux. Il faut aborder le sujet de la communauté en fonction de l’objet. La question sous-jacente est de savoir si le fait d’autoriser le recours collectif permettra d’éviter la répétition de l’appréciation des faits ou de l’analyse juridique. Une question ne sera donc « commune » que lorsque sa résolution est nécessaire pour le règlement des demandes de chaque membre du groupe. Il n’est pas essentiel que les membres du groupe soient dans une situation identique par rapport à la partie adverse. Il n’est pas nécessaire non plus que les questions communes prédominent sur les questions non communes ni que leur résolution règle les demandes de chaque membre du groupe. Les demandes des membres du groupe doivent toutefois partager un élément commun important afin de justifier le recours collectif. Pour décider si des questions communes motivent un recours collectif, le tribunal peut avoir à évaluer l’importance des questions communes par rapport aux questions individuelles. Dans ce cas, le tribunal doit se rappeler qu’il n’est pas toujours possible pour le représentant de plaider les demandes de chaque membre du groupe avec un degré de spécificité équivalant à ce qui est exigé dans une poursuite individuelle.»
[31] Sur le critère de la question commune, il faut ainsi vérifier si le fait d'autoriser un recours collectif permettra d'éviter la répétition de l'appréciation des faits ou de l'analyse juridique.
[32] Dans un arrêt récent du 29 février 2012, la Cour d'appel réfère aux enseignements de la Cour suprême dans l'arrêt Dutton et écrit ce qui suit:[7]
« [40] La Cour suprême enseigne que les objectifs du recours collectif sont : l'économie des ressources judiciaires, l'accès à la justice et la modification des comportements. En se penchant sur le premier critère, le juge autorisateur doit tenir pour avérées les allégations de la requête. Le fardeau que le requérant doit rencontrer en est simplement un de démonstration. Il est acquis au débat que, dans sa détermination du premier critère de l'aliéna a) à l'endroit des membres du groupe, le juge autorisateur doit s'abstenir de trancher le fond de l'affaire. Il faut aussi que des questions communes au groupe soient susceptibles de faire avancer de façon significative les recours individuels des membres. Dans l'interprétation de ce premier critère, comme d'ailleurs des autres, il ne faut jamais perdre de vue pareils objectifs.
[41] Notre Cour a souligné qu'une telle détermination n'exige pas que toutes les questions de droit ou de fait soient identiques, similaires ou connexes pour chacun des membres du groupe. Il est acquis que les exigences du C.p.c. sont passablement souples, de telle sorte que même si les dommages individuels varient d'un membre du groupe à l'autre, le recours collectif pourra être autorisé si certaines questions sont communes.
[42] L'étape de l'autorisation est un simple mécanisme de vérification et de filtrage qui ne doit donc pas décider des droits des parties; ce n'est qu'une fois que le recours sera exercé au fond que les droits des parties seront évalués à leur mérite. Il est opportun de rappeler ces propos du juge LeBel, écrivant pour la majorité dans Marcotte c. Longueuil (Ville) :
[22] Depuis l’adoption des
dispositions permettant l’exercice de recours collectifs au Québec, malgré des
hésitations initiales, la jurisprudence de notre Cour et de la Cour d’appel du
Québec a interprété et appliqué de manière large les règles relatives à la
procédure collective. La jurisprudence a voulu faciliter l’exercice de cette
forme de demande judiciaire en raison des avantages qu’elle présente souvent
pour des groupes de justiciables (Nault c. Canadian Consumer Co.,
[43] Tout en reconnaissant au juge de première instance
une certaine discrétion pour l'application des critères de l'article
[44] Il était suffisant à cette étape que le juge s'en tienne à la question commune présentée par l'appelant avec sa requête en autorisation et se demande si la question de validité ou de la légalité des Modifications de 2009 était connexe aux membres du Groupe. Sa démarche l'a plutôt conduit à décortiquer la situation des membres des cinq sous-groupes, pour ensuite décomposer à nouveau en questions particularisées en fonction de chacun d'eux, pour finalement statuer sur l'absence de droits acquis de leurs membres, avant d'apprécier la légalité des modifications réductrices à leur endroit.»
[33] Le
juge, au niveau de l'autorisation, doit donc se limiter à vérifier si les
critères de l'article
[34] SIC est un système informatisé et moderne de facturation qui englobe, notamment, le recouvrement, les liens avec le mesurage et le relevé des compteurs.
[35] SIC remplace les quelque 200 systèmes informatiques qui existaient au Québec depuis les années 1970.
[36] SIC permet de regrouper les systèmes de facturation chez Hydro-Québec pour les 3,9 millions d'abonnements et permet, entre autres, de générer environ 26 millions de factures à chaque année.[8]
[37] Il s'agit d'un contrat réglementé et à caractère obligatoire, comme en décide la Cour suprême dans Glykis c. Hydro-Québec:[9]
« 18 Le Règlement établit les conditions de fourniture de service. Le contenu obligationnel du contrat liant Hydro-Québec au client n’est pas laissé à la négociation entre les parties. Hydro-Québec ne peut imposer de conditions particulières en cas d’insolvabilité réelle ou anticipée. Si le client satisfait aux conditions prescrites par le Règlement, Hydro-Québec est obligée de fournir le service. Sur un marché libre, un fournisseur de service, hormis ses obligations constitutionnelles, peut refuser de faire affaire avec un client qu’il estime insolvable. L’obligation de fournir le service au public cède cependant lorsque le client ne paie pas sa facture. La disposition est indéniablement à l’avantage d’Hydro-Québec. Elle ne sert pas seulement à limiter l’endettement. Elle offre par ailleurs un moyen efficace de faire pression sur les clients défaillants et de les inciter au paiement des montants dus.»
[38] Les termes du contrat de service d'électricité sont désignés dans la Loi par l'expression «Tarifs et les conditions par lesquels l'énergie est distribuée par Hydro-Québec à ses clients» et sont fixés par la Régie de l'énergie à l'intérieur de deux (2) documents:
a) les Conditions de service d'électricité[10] qui prévoient les règles normatives applicables au contrat et;
b) les Tarifs et conditions du distributeur[11] qui prévoient le montant des tarifs et des frais applicables.
[39] Cette compétence de la Régie de l'énergie est expressément prévue à la Loi sur Hydro-Québec:[12]
22.0.1 Les tarifs et les conditions auxquels l'énergie est distribuée sont fixés par la Régie.
et à la Loi sur la Régie de l'énergie:[13]
31. La Régie a compétence exclusive pour:
1° fixer ou modifier les tarifs et les conditions auxquels l'électricité est transportée par le transporteur d'électricité ou distribuée par le distributeur d'électricité ou ceux auxquels le gaz naturel est fourni, transporté ou livré par un distributeur de gaz naturel ou emmagasiné.
[40] La Loi sur la Régie de l'énergie prévoit également le caractère obligatoire des Tarifs et conditions:[14]
53. Le transporteur ou le distributeur d'électricité ou un distributeur de gaz naturel ne peut convenir avec un consommateur ou exiger de celui-ci un tarif ou des conditions autres que ceux fixés par la Régie ou par le gouvernement.
[41] Les Tarifs et conditions sont fixés par la Régie dans le cadre d'un processus public et transparent auquel participent, notamment, plusieurs organisations crédibles représentant les consommateurs résidentiels.
[42] Les Tarifs et conditions ne sont pas déterminés par Hydro-Québec, mais plutôt imposés par la Régie de l'énergie. Aucune réduction des obligations ne peut être obtenue en faveur du consommateur ni d'Hydro-Québec; il s'agit non seulement d'un contrat d'adhésion, mais d'un contrat jouissant d'un caractère réglementaire, comme l'a décidé la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Glykis, précité.
[43] Maltais habite un logement à Saint-Lucien avec son conjoint et son fils.
[44] Elle s'est prévalue du programme des Modes de Versements Égaux («MVE») de l'intimée Hydro-Québec.
[45] Selon les allégations de la requête et l'examen des factures[16], elle ne reçoit aucune facturation entre octobre 2008 et juin 2009, soit une période de 272 jours. On lit aussi:
a) Deux (2) factures sont émises les 22 et 23 juin 2009 aux montants respectifs de 822,43 $ et de 1 058,54 $ qu'une préposée d'Hydro-Québec lui conseille de ne pas payer et lui indique qu'un nouveau compte sera émis.[17]
b) Une autre facture est émise en juillet 2009 indiquant un montant non exigible immédiatement de 1 606,84 $ et un autre de 1 120,33 $ payable au plus tard le 28 juillet 2005.[18]
c) Le 13 juillet 2010, elle reçoit une facture de 4 359,70 $ pour un montant en souffrance de 3 901,77 $, alors qu'en 2008, elle n'avait aucun montant en souffrance à payer dépassant 281,04 $.
d) À la même date, elle reçoit un avis de retard indiquant que le non-paiement peut mener à une éventuelle interruption de service.[19]
e) Le 30 juillet 2010, elle reçoit une confirmation d'entente de paiement prévoyant des versements mensuels de 460,57 $ du 20 septembre 2010 au 20 juillet 2011 et un versement initial de 1 850 $ le 5 août 2010.[20]
f) Elle effectue ce paiement de 1 850 $ par l'entremise d'un financement Accord D.
g) Le 30 juillet 2010, elle fait parvenir une longue lettre pour se plaindre de la situation, se sentant «pris en otage» (sic).[21]
h) Un accusé de réception lui est adressé le 11 août 2010.[22]
i) Le 8 septembre 2010, elle reçoit une nouvelle confirmation d'entente de paiement spécifiant que les factures ont été corrigées: les versements mensuels sont réduits à 65,85 $ par mois du 24 septembre 2010 au 26 août 2013, alors que des frais d'administration de 178,17 $ doivent être acquittés.[23]
j) Le même jour, Hydro-Québec confirme le retour à la facturation MVE et les mensualités seront dorénavant de 207,69 $ pour la consommation future.[24]
k) Le 13 septembre 2010, Hydro-Québec adresse une lettre de réponse à la plainte dans laquelle on y lit:[25]
« La présente fait suite à notre entretien téléphonique du 1 septembre 2010. Tel que discuté, les données concernant votre utilisation d'électricité que nous avions à votre dossier étaient à l'effet que votre chauffage n'est pas électrique. Ceci a occasionné une projection trop basse de votre consommation pour établir votre mode de versements égaux. Ceci s'est traduit en premier lieu, par un retard de plusieurs mois de votre révision annuelle 2008. Alors, vous avez reçu le résultat de votre révision annuelle de 2008 en juin 2009 et, par la suite, les résultats de votre révision annuelle 2009 quelques mois plus tard.
Tel que convenu lors de notre entretien téléphonique, puisque vous aviez droit à une entente de paiement sans frais d'administration, un montant de 342,15 $ en frais d'administration a été crédité à votre compte. De plus, nous avons demandé à notre service à la clientèle de vous consigner une entente pour le solde de votre compte, soit de 2 370,55 $ sur une période de 36 mois à une fréquence mensuelle et ce, sans frais d'administration. Ces paiements seront au montant de 65,85 $, sauf pour le premier qui sera de 65,80 $. Le premier paiement doit être reçu avant le 24 septembre 2010. Cette entente n'inclut pas une projection de consommation. Alors à votre demande, nous vous avons adhéré au mode de versements égaux à 207,69 $ par mois pour les 12 prochains mois. Vous devrez donc acquitter le montant de votre entente de paiement, ainsi que votre mode de versements égaux à tous les mois. À ce jour, vous devriez avoir reçu une lettre de confirmation de l'entente de paiement qui détaillera les conditions de celle-ci. Naturellement, vous pouvez acquitter en tout temps le solde dû envers Hydro-Québec. Cependant, vous devez respecter les termes de cette entente. Il est important de payer les sommes exactes aux dates de paiement prévues. Nous vous avisons que le non-respect de l'entente de paiement compromettrait votre admissibilité éventuelle à une toute nouvelle entente.»
l) Elle allègue avoir répondu, en juin 2008, à un questionnaire «Diagnostique résidentiel» dans lequel il est précisé que le chauffage est en partie électrique, dont le coût est estimé à 944 $ par année et en partie au bois, dont le coût est estimé à 450 $ par année.[26]
m) Enfin, elle ajoute qu'elle ne retrouve pas de confirmation dans la facturation quant au remboursement de 342,15 $ de frais d'administration mentionné dans la lettre du 13 septembre 2010.
n) Elle déclare avoir perdu beaucoup de temps à tenter de comprendre les factures et subi des troubles, inconvénients et du stress «découlant directement de la faute d'Hydro-Québec.
[46] Le triplex qu'elle possède comprend les adresses […] à Montréal.
[47] Il y a lieu de reproduire les trois paragraphes de la requête:
« 59. La Co-Requérante Charland est l'une des Membres du Groupe en ce qu'elle a vu sa consommation d'électricité surévaluée aux […], par l'Intimée Hydro-Québec et en conséquence s'est vu facturer pour des sommes supérieures à ce qu'il aurait dû lui être facturé pour sa consommation d'électricité réelle;
60. La Co-Requérante Charland n'a jamais été sur le Mode de Versements Égaux (MVE) et n'a jamais désiré l'être;
61. La Co-Requérante Charland s'est retrouvée à avancer des sommes plus élevées que ce qu'elle ne devait réellement à l'Intimée Hydro-Québec aux […];»
[48] Elle explique avoir informé Hydro-Québec qu'elle assumait le compte d'électricité de l'appartement […] à compter du 1er juin 2007 où habite dorénavant sa fille.
[49] Hydro-Québec adresse une lettre à Charland le 22 mai 2007 qu'«à moins d'un avis indiquant le nom d'un nouveau titulaire du compte, vous serez responsable du compte à partir du 31 mai 2007».[28]
[50] Charland ne reçoit cependant aucune facturation avant le 18 février 2008, alors qu'elle est facturée pour une consommation estimée à 166,74 $ pour la période du 1er juin 2007 au 13 février 2008, soit 258 jours.[29]
[51] Elle reçoit une autre facture le 16 juin 2009 comprenant le détail du redressement apporté pour la période du 8 août 2008 au 1er avril 2009 contenant la mention suivante: «la consommation ayant été légèrement surévaluée».[30]
[52] Elle se plaint du fait qu'aucune lecture réelle du compteur n'est prise par Hydro-Québec quant au […]8 pendant plus de deux (2) ans.
[53] Elle est en mode MVE pour cette adresse et est facturée selon une consommation estimée du 6 août 2007 au 16 avril 2009[31] et attribue cette longue période sans lecture du compteur à des problèmes informatiques chez Hydro-Québec[32].
[54] Elle allègue qu'à partir de l'implantation du SIC, l'historique de consommation pour toute l'année 2007 a été perdu pour les deux adresses, […] et […], de sorte qu'elle a financé Hydro-Québec et payé des frais de retard.[33]
[55] Elle reproche à Hydro-Québec de ne pas avoir procédé à la lecture du compteur pour les deux adresses au moins tous les 120 jours et n'avoir reçu aucun intérêt sur des sommes versées en trop.[34]
[56] Les corequérantes décrivent comme suit les «difficultés majeures» qu'auraient subi des centaines de milliers d'abonnés depuis l'implantation du SIC:[35]
« 105. Depuis l'implantation du nouveau système informatique, des centaines de milliers d'abonnés de l'Intimée Hydro-Québec ont eu des difficultés majeures relativement à leur facturation dont la cause est vraisemblablement attribuable au transfert fautif et erroné des renseignements pour la facturation lors de la mise en place du nouveau système informatique de l'Intimée Hydro-Québec;
106. Effectivement, depuis l'implantation du nouveau système informatique, l'Intimée Hydro-Québec a reçu quelque CENT SOIXANTE MILLE (160 000) plaintes de ses abonnés, le tout tel qu'il appert plus amplement d'un article de M. Jean-François Cloutier, «Surfacturation: un recours collectif contre Hydro autorisé», Argent, du 23 août 2010, produit au soutien des présentes sous la cote R-14;
107. Le nouveau système informatique n'était pas en mesure de lire les données de l'ancien système informatique, le tout tel qu'il appert plus amplement de l'entrevue précitée, pièce R-12;
108. De plus, le nouveau système a mal interprété certaines données ce qui a aussi entraîné des erreurs de facturation aux clients de l'Intimée Hydro-Québec, le tout tel qu'il appert plus amplement de l'entrevue précitée, pièce R-12;
109. À vrai dire, il appert que l'Intimée Hydro-Québec, suite à l'implantation du nouveau système informatique, a tout simplement perdu l'historique de consommation de certains abonnés ainsi que d'autres renseignements pertinents à la facturation et cela a causé des difficultés majeures que l'Intimée Hydro-Québec tente de faire supporter aux Membres du Groupe, le tout tel qu'il sera plus amplement ci-après exposé;
110. Selon Mme Flavie Côté, représentante de l'Intimée Hydro-Québec, le système informatique n'émettait aucune facture du tout lorsqu'il manquait une donnée dans le système, le tout tel qu'il appert plus amplement de l'émission J.E. du 18 mars 2011 produite sous la pièce R-36;
111. Afin de pouvoir faire des évaluations, le nouveau système informatique de l'Intimée Hydro-Québec a dû repartir sur les données de l'ancien système, qui dataient de 2006, le tout tel qu'il appert plus amplement de l'entrevue radiophonique donnée par un représentant de l'Intimée Hydro-Québec, M. Marc-Brian Chamberland, diffusée lors de l'émission radiophonique de M. Paul Arcand le 30 avril 2009, produite au soutien des présentes sous la cote R-33;
112. L'Intimée Hydro-Québec a donc été en période de «rodage» entre autres durant l'année 2008, 2009, le tout tel qu'il appert plus amplement de l'entrevue radiophonique donnée à M. Paul Arcand, par M. Marc-Brian Chamberland, représentant de l'Intimée Hydro-Québec, diffusée le 30 avril 2009, produit au soutien des présentes sous la cote R-33, et l'est encore à ce jour;
113. La haute direction de l'Intimée Hydro-Québec était et est au fait des difficultés qu'éprouve le nouveau système informatique puisque l'Intimée Hydro-Québec a elle-même indiqué que compte tenu de l'envergure de son projet d'implantation du nouveau système informatique, ledit projet ferait l'objet d'un suivi serré auprès de la haute direction de l'entreprise, le tout tel qu'il appert plus amplement de la décision de la Régie de l'énergie du 12 septembre 2002, produite au soutien des présentes sous la cote R-42;
114. Ainsi, les représentants de l'Intimée Hydro-Québec se trouvant dans les organigrammes des années 2001, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, produits au soutien des présentes sous les cotes R-50 A à H étaient au courant ou devaient être au courant des problèmes du nouveau systèmes (sic) informatique de l'Intimée Hydro-Québec et de sa fragilité qui causaient ou pouvaient causer des problèmes de facturation aux clients de l'Intimée Hydro-Québec;
115. L'Intimée Hydro-Québec avait des clauses de partage de risques avec ses fournisseurs, le tout tel qu'il appert plus amplement de la décision de la Régie de l'énergie produite au soutien des présentes sous la cote R-42;
116. Les erreurs dans la facturation des clients de l'Intimée Hydro-Québec ont fait en sorte que la consommation d'électricité des Membres du Groupe a été soit sous-évaluée, surévaluée ou que des Membres du Groupe n'ont tout simplement pas reçu de facture pendant une certaine période de temps;
…
172. Le nombre de plaintes au service à la clientèle de l'Intimée Hydro-Québec touchant la facturation et le nouveau système informatique (SIC) a explosé durant les années 2008 et 2009, passant à 51.67% et 28.78% contrairement à environ 15% pour les années précédentes, le tout tel qu'il appert plus amplement des données contenues aux Bilans des plaintes des clients reçues par Hydro-Québec des années 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009, produits au soutien des présentes sous la cote R-43 A à E, dont un tableau résumant certaines données est reproduit ci-dessous:
Années |
Total |
Facturation |
% |
SIC |
% |
2004 |
5 097 |
763 |
14.97% |
- |
14.97% |
2005 |
5 260 |
797 |
15.15% |
- |
15.15% |
2006 |
5 594 |
925 |
16.54% |
- |
16.54% |
2007 |
4 868 |
733 |
15.05% |
23 |
15.53% |
2008 |
8 883 |
1 037 |
11.67% |
3 553 |
51.67% |
2009 |
5 511 |
1 526 |
27.69% |
60 |
28.78% |
[57] Pour l'année 2008, Danielle Lapointe reconnaît qu'il y a eu 3 000 plaintes de plus que les autres années et reliées à l'implantation du SIC.[36]
[58] Toujours selon la requête, certains ont vu leur consommation réelle sous-évaluée de 20% à 60%, soit 120 000 abonnés MVE sur 1,4 million de clients résidentiels MVE.[37]
[59] Certains se sont vus facturer des frais d'administration qui, normalement, n'étaient pas dus.
[60] Les abonnés surfacturés n'ont pas reçu d'intérêts sur le trop payé, contrairement aux clients retardataires qui doivent payer 14,40% par année.
[61] 8 000 abonnés n'ont pas reçu de factures pendant des mois.[38]
[62] Les comptes à recevoir passent de 614 millions en décembre 2007 à 1,4 milliard en décembre 2010.[39]
[63] D'entrée de jeu, le Tribunal convient qu'Hydro-Québec avait le droit de se doter du SIC et qu'il est raisonnable de s'attendre à une période de rodage.
[64] Hydro-Québec soutient qu'aucune preuve ou allégation sérieuse ne soutient la prétention qu'elle a commis une faute dans le cadre de l'implantation du SIC.
[65] À ce stade-ci de la procédure, le Tribunal doit s'assurer du sérieux prima facie du syllogisme proposé.[40] Nous y reviendrons.
[66] Essentiellement, les corequérantes soumettent qu'Hydro-Québec a commis une faute à l'égard des Membres du Groupe qui ont eu des problèmes de facturation attribuables à l'implantation du nouveau système informatique SIC.
[67] Trois (3) sous-groupes sont visés:
a) les membres ayant été sous facturés;
b) les membres ayant été surfacturés;
c) les membres n'ayant pas été facturés.
[68] Hydro-Québec soumet que le recours collectif se transformerait en une multitude de petits procès, réfère à l'arrêt Harmegnies c. Toyota Canada inc. et cite les deux paragraphes suivants :[41]
« [51] L'appelant fait face ici à une grande difficulté lorsqu'il s'agit de démontrer prima facie qu'il existe, du moins pour certains membres du groupe, un préjudice collectif. Les conclusions de la juge de la Cour supérieure sur ce point me paraissent justifiées. Le préjudice subi par certains membres du groupe (si l'on postule qu'une perte a, prima facie, été établie) est susceptible de variations individuelles considérables et d'éléments subjectifs impondérables. En premier lieu, le fait de ne pouvoir négocier l'achat peut constituer un préjudice pour ceux qui aiment le faire, mais au contraire un bénéfice certain pour ceux d'opinion contraire. Est-il cependant possible de chiffrer le dommage résultant de la privation de la possibilité de négocier? Pour les premiers, il faudrait en outre tenir compte de l'habileté de chacun et de son aptitude à avoir gain de cause dans une négociation, élément essentiellement particularisé.
[…]
[54] Il est, en effet, essentiel de démontrer le caractère collectif du dommage subi et le recours collectif n'est pas approprié lorsqu'il donnerait naissance, lors de l'audition au fond, à une multitude de petits procès et qu'un aspect important de la contestation engagée ne se prête pas à une détermination collective en raison d'une multiplication de facteurs subjectifs. Dans le présent cas, le juge saisi du fond aurait dû se livrer à un examen détaillé d'une multitude de facteurs individuels et prendre en considération une série de circonstances variées avant de pouvoir, soit déterminer si l'un des membres a subi un préjudice et, le cas échéant, quelle est l'étendue de celui-ci.»
[69] Le Tribunal n'est pas de cet avis.
[70] La Cour suprême, dans l'arrêt Dutton précité, enseigne toutefois qu'une question sera commune «si le fait d'autoriser le recours collectif permettra d'éviter la répétition de l'application des faits ou de l'analyse juridique».
[71] Les trois (3) sous-groupes concernent les mêmes revendications et réfèrent tous aux problèmes de facturation reliés à l'implantation du SIC, ce qui répond suffisamment au critère de similitude ou de connexité.
[72] Le Tribunal fait siens les propos du juge Jean-François Buffoni quant à ce premier critère:[42]
« [81] Pour répondre à cette question, la jurisprudence enseigne qu'il n'est pas nécessaire que toutes les questions de droit ou de fait soulevées soient communes, ni même que la majorité des questions soulevées le soient.
[82] Cette condition exige simplement la présence d'un certain nombre de questions suffisamment semblables ou communes pour justifier le recours.»
[73] La
condition prévue à l'alinéa
[74] On revient donc au syllogisme proposé.
[75] Les corequérantes allèguent une faute d'Hydro-Québec dans l'implantation.
[76] Il en est question abondamment dans les reportages sur le sujet avec des représentants d'Hydro-Québec.[43]
[77] Danielle Lapointe expose dans son témoignage les difficultés rencontrées lors de la conversion des centaines de millions de données des anciens systèmes dans le SIC et que des données ont été perdues.[44]
[78] Elle fait la distinction entre l'historique de la facturation et l'historique de la consommation qui touche une période de 30 à 40 ans.
[79] Elle ajoute que:
« 22 R- La donnée de consommation ne reflétait pas la consommation annuelle.
(…) pour des cas, (…), cette consommation-là était pour trois cents (300) jours, trois cent dix (310) jours. (…) comme étant représentant d'une donnée de consommation annuelle, donc de trois cent soixante-cinq (365) jours (…).
(…) dans le cadre de l'année deux mille neuf (2009) (…) quelques millions de cas, dans la consommation qu'on a chez les clients, qui étaient pas corrects (…)»
[80] En plus des problèmes de conversion, Danielle Lapointe indique qu'il y a eu des erreurs humaines.
[81] Le témoignage de Danielle Lapointe vise à démontrer l'absence de faute d'Hydro-Québec.
[82] Les corequérantes ont rempli leur fardeau de démonstration de l'existence de difficultés ou de problèmes de facturation suite à la mise en place du SIC.
[83] Hydro-Québec réfère, notamment, aux conditions de service d'électricité qui font partie du contrat réglementé, tel qu'admis par les corequérantes.
[84] L'article 11.1 spécifie qu'un relevé des compteurs s'effectue au moins à tous les 120 jours.
[85] Lorsqu'Hydro-Québec ne peut effectuer ce relevé en raison de la non-accessibilité selon l'article 11.2, elle établit la facture sur une estimation sujet à un réajustement subséquent suite à un relevé.
[86] Il appert que les problèmes de non-accès au compteur de Charland remontent à 2003.[45]
[87] Voici le texte de l'article 11.5 relatif à la «Correction des erreurs de facturation» invoqué par Hydro-Québec:[46]
« Correction des erreurs de facturation
11.5 Dans les cas où l'électricité facturée au client ne correspond pas à l'électricité réellement utilisée ou que la facture est de quelque façon entachée d'erreur, Hydro-Québec apporte les corrections appropriées selon les modalités suivantes:
1° Pour un abonnement d'usage domestique ou un abonnement d'usage autre que domestique pour lequel seule l'énergie est mesurée:
a) lorsque la correction entraîne un débit sur la facture du client, Hydro-Québec réclame à ce dernier le montant résultant de l'application de la correction pour toutes les périodes de consommation affectées, mais n'excédant pas six (6) mois;
b) lorsque la correction entraîne un crédit sur la facture du client, Hydro-Québec rembourse ce dernier:
i) dans le cas d'un défaut de l'appareillage de mesurage ou d'une erreur quant au multiplicateur de facturation, le montant résultant de l'application de la correction pour toutes les périodes de consommation affectées;
ii) dans tous les autres cas, le montant résultant de l'application de la correction pour toutes les périodes de consommation affectées, mais n'excédant pas 36 mois;
iii) dans le cas où la période est indéterminée, elle est réputée être de six (6) mois.
Nonobstant le paragraphe 1°a) ci-dessus, s'il est établi que le client connaissait le défaut ou l'erreur et n'a pas avisé Hydro-Québec conformément aux articles 6.2 et 8.1, cette dernière réclame le montant résultant de l'application de la correction pour toutes les périodes de consommation affectées.
…
3° Nonobstant les paragraphes 1°a) et 2°a) ci-dessus, lorsqu'un client change son utilisation de l'électricité de sorte que la catégorie de tarif qui lui est applicable, en vertu des tarifs d'électricité, est modifiée et qu'il n'en a pas avisé Hydro-Québec conformément aux articles 8.1 et 18.19, cette dernière réclame le montant résultant de l'application de la correction pour toutes les périodes de consommation affectées.
4° Nonobstant les paragraphes 1° et 2° ci-dessus, dans les cas de compteurs croisés:
a) lorsque la correction entraîne un débit sur la facture d'un client et un crédit sur la facture d'un autre client, Hydro-Québec apporte les corrections appropriées en réclamant ou en remboursant au client, selon le cas, les montants de l'application de la correction pour toutes les périodes de consommation affectées;
b) dans les cas où la période est indéterminée, elle est réputée être de six (6) mois;
c) lorsque la correction entraîne un crédit sur la facture d'un client, et que ce client n'est plus titulaire d'un abonnement, Hydro-Québec cesse toute démarche de localisation six (6) mois après la découverte de l'erreur ayant donné lieu à la correction.
5° Lorsqu'Hydro-Québec constate que l'installation électrique ou l'appareillage de mesurage ont été manipulés de manière à altérer le mesurage de l'électricité ou s'il y a entrave au mesurage de l'électricité, Hydro-Québec réclame le montant résultant de l'application de la correction pour toutes les périodes de consommation affectées.
6° Sont exclus des modalités de corrections de factures:
a) les corrections d'estimations de factures établies selon l'article 11.2;
b) la révision des modes de versements égaux établis selon l'article 11.9;
c) la consommation d'électricité visée par l'article 6.6;
d) les erreurs causées par des dommages intentionnels aux appareils d'Hydro-Québec;
e) les abonnements facturés selon un tarif à forfait en vertu des tarifs d'électricité.
7° Dans tous les cas où Hydro-Québec effectue un remboursement au client, des intérêts sont calculés sur le montant remboursé au taux préférentiel de la Banque Nationale du Canada en vigueur le premier jour ouvrable du mois au cours duquel s'effectue le remboursement. Cette disposition ne s'applique pas pour une correction apportée conformément au paragraphe 4° ci-dessus.
8° Toutes les périodes prévues au présent article sont déterminées à compter de la date de l'avis d'Hydro-Québec informant le client de la découverte de l'anomalie. Si l'anomalie a été signalée par le client, les périodes prévues au présent article sont déterminées à compter de la date de l'avis du client informant Hydro-Québec de la découverte de cette anomalie.
9° Lorsque la correction entraîne un débit sur la facture du client, Hydro-Québec accepte, à sa demande, que le montant résultant de l'application de la correction soit acquitté en deux versements consécutifs suivant l'échéance prévue à l'article 11.6. Hydro-Québec peut également convenir d'une entente de paiement avec le client.»
[88] Hydro-Québec soumet que les corequérantes ne démontrent pas qu'elles ont été facturées pour de l'électricité non consommée. En effet, les factures produites réfèrent à des consommations estimées et/ou réelles.
[89] Un ajustement d'une facture suite à une facture basée sur une estimation n'est pas une faute, comme le soumet Hydro-Québec; la réglementation le prévoit.
[90] L'article 11.5.6°b) précise que les modalités de corrections de factures ne s'appliquent pas aux MVE.
[91] Des factures ont été bloquées par le système suite à l'inclusion d'informations additionnelles dans la facture et ne seraient pas reliées au SIC, selon Hydro-Québec.
[92] Selon Hydro-Québec, la non-facturation de 2007 à 2008 est antérieure à l'implantation du SIC et les problèmes qui en résultent ne sont donc pas reliés au présent recours.
[93] Cependant, les allégations et la preuve démontrent que la problématique perdure après l'implantation du SIC.
[94] Hydro-Québec
argumente haut et fort qu'elle n'a commis aucune faute dans l'implantation du
SIC au sens de l'article
1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.
[95] Retenir
cette position reviendrait à décider du mérite du recours, contrairement aux
enseignements de la Cour suprême et des dispositions prévues à l'article
[96] L'apparence sérieuse de droit quant à l'élément faute est démontrée. Cette question sera décidée au mérite.
[97] L'apparence sérieuse de droit quant au préjudice est démontrée: les nombreuses démarches, l'absence de réponses claires, la question des frais administratifs, pour ne mentionner que cela.
[98] La prétention des corequérantes quant au lien de causalité n'est ni frivole ni manifestement mal fondée, ni dénuée de toute chance de succès.
[99] L'apparence sérieuse de droit quant au lien de causalité est satisfaite.
[100] Les moyens de défense sont également sérieux, mais leur bien-fondé doit être décidé au mérite, après avoir entendu toute la preuve.
[101] Les requérantes auront alors le fardeau de la preuve.
[102] Les articles
59. Nul ne peut plaider sous le nom d'autrui, hormis l'État par des représentants autorisés.
Toutefois, lorsque plusieurs personnes ont un intérêt commun dans un litige, l'une d'elles peut ester en justice, pour le compte de toutes, si elle en a reçu mandat. La procuration doit être produite au greffe avec le premier acte de procédure; dès lors, le mandat ne peut être révoqué qu'avec l'autorisation du tribunal, et il n'est pas affecté par le changement d'état des mandants ni par leur décès. En ce cas, les mandants sont solidairement responsables des dépens avec leur mandataire.
Les tuteurs, curateurs et autres représentants de personnes qui ne sont pas aptes à exercer pleinement leurs droits plaident en leur propre nom et en leur qualité respective. Il en est de même de l'administrateur du bien d'autrui pour tout ce qui touche à son administration, ainsi que du mandataire dans l'exécution du mandat donné par une personne majeure en prévision de son inaptitude à prendre soin d'elle-même ou à administrer ses biens.
67. Plusieurs personnes, dont les recours ont le même fondement juridique ou soulèvent les mêmes points de droit et de fait peuvent se joindre dans une même demande en justice. Cette demande doit être portée devant la Cour du Québec, si cette cour est compétente à connaître de chacun des recours, sinon, elle doit l'être devant la Cour supérieure.
Le tribunal peut, en tout temps avant l'audition, ordonner que des recours joints en vertu du présent article soient poursuivis séparément, s'il est d'avis que les fins de la justice seront ainsi mieux servies.
À moins que le tribunal n'en décide autrement, les codemandeurs qui succombent sont solidairement responsables des dépens.
[103] Voici comment la juge Eva Petras s'exprime sur le sujet dans l'affaire Yalaoui:[47]
« [132] La procédure en recours collectif permettra d'éviter le risque de jugements contradictoires et facilitera l'accès à la justice à tous les passagers du vol AH 2700 qui détenaient un titre de transport aérien aller-retour Montréal/Alger/Montréal, dont certains seraient susceptibles de renoncer à faire valoir leurs droits contre Air Algérie s'ils devaient intenter un recours individuel devant la division des petites créances de la Cour du Québec.
[133] Il ne faut pas oublier que le but des recours collectifs est de permettre une meilleure accessibilité à la justice.
[134] Tel qu'établi par le juge André Brossard alors
qu'il était juge à la Cour supérieure dans la cause Serge Joyal c. Elite
Tours Inc. la possibilité de procéder par les articles
[135] Le Tribunal suit le raisonnement du requérant et
confirme qu'il serait difficile et peu pratique de procéder selon les articles
[104] Le Tribunal adhère à ces propos.
[105] Les corequérantes
satisfont au troisième critère prévu à l'article
[106] Le soussigné a déjà disposé en partie de cette question dans le jugement rendu le 8 février 2011 sur une requête pour interroger les corequérantes. Voici les passages pertinents:[48]
« e) La capacité des Requérantes à agir comme représentantes d'un groupe
[33] Le juge Jacques A. Léger, alors à la Cour supérieure, rappelle que la jurisprudence a développé un standard relativement peu exigeant. Voici ses propos dans l'affaire Savoie c. Compagnie Pétrolière Impériale ltée:
« [64] Pour déterminer si une personne répond à l'exigence de l'alinéa d) de l'article 1003, la jurisprudence a développé un standard relativement peu exigeant. L'aspirante/représentante n'a pas besoin d'être la représentante idéale. Il lui suffit d'avoir les connaissances nécessaires pour apprécier les opinions juridiques reçues, de posséder des ressources suffisantes, d'être sincère et de manifester de l'intérêt, de la motivation et de la bonne volonté.»
[34] Les Requérantes peuvent compter sur une équipe d'avocats expérimentés pour les aider à poursuivre leur travail d'investigation.
[35] Le Tribunal fait siens les propos du juge Jean-François Buffoni dans l'affaire Ostiguy c. Procureur général du Québec:
« [70] Pour déterminer si une personne répond à l'exigence de l'alinéa d) de l'article 1003, la jurisprudence a développé un standard relativement peu exigeant. L'aspirant-représentant n'a pas besoin d'être le représentant idéal. Il lui suffit d'avoir les connaissances nécessaires pour apprécier les opinions juridiques reçues, de posséder des ressources suffisantes, d'être sincère et de manifester de l'intérêt, de la motivation et de la bonne volonté.»
[36] Les questions sur ce thème ne sont également pas utiles.»
[107] Les corequérantes ajoutent que la corequérante Charland a déjà reçu le titre de représentante dans l'autre recours collectif introduit contre Hydro-Québec.[49] Voici ce qu'écrit le juge Reimnitz sur elle:
« [106] Selon l'article
[108] Le Tribunal conclut que les corequérantes ont les capacités pour représenter adéquatement tous les Membres du Groupe.
[109] L'article
[110] Le Tribunal exerce sa
discrétion à l'égard de l'existence ou non des quatre (4) conditions prévues à
l'article
[111] Les quatre (4) conditions étant satisfaites, il y a lieu d'autoriser le recours.
[112] Pour appuyer ce chef
de la réclamation, les corequérantes réfèrent à l'article
1621. Lorsque la loi prévoit l'attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.
Ils s'apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l'étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers.
[113] Les corequérantes ne
réfèrent à aucune loi sauf à l'article
6. [Jouissance paisible des biens] Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.
[114] Pour appuyer cet argument, le procureur des corequérantes ajoute qu'Hydro-Québec s'est appropriée sans droit les argents des membres.
[115] Cet argument n'est pas retenu.
[116] En effet, le fait que les membres ont pu être privés temporairement de leur argent constitue une réclamation qui peut être compensée.
[117] Il n'y a aucune allégation de faute intentionnelle et le dossier ne démontre aucun geste ou fait de cette nature.
[118] C'est pourquoi cette conclusion ne sera pas autorisée.
[119] Le 3 mai 2011, la Cour d'appel, dans l'arrêt Collectif de défense des droits de la Montérégie (CDDM) c. Centre hospitalier régional du Suroît du Centre de santé et de services sociaux du Suroît rappelle les quatre (4) critères à analyser pour définir un groupe:[52]
« [26] Ces questions permettent
aussi de préciser les contours du groupe. Dans l'arrêt George c. Québec,
[40] De ces arrêts se dégagent les enseignements applicables à la définition du groupe dans le cadre d'une demande d'autorisation pour exercer un recours collectif :
1. La définition du groupe doit être fondée sur des critères objectifs;
2. Les critères doivent s'appuyer sur un fondement rationnel;
3. La définition du groupe ne doit être ni circulaire ni imprécise;
4. La définition du groupe ne doit pas s'appuyer sur un ou des critères qui dépendent de l'issue du recours collectif au fond.
[…]
[29] Que faut-il entendre par l'exigence d'une définition de groupe fondée sur un critère objectif? Pour y répondre, il faut rappeler la finalité de cette exigence, décrite par la Cour suprême dans Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, précité, au paragraphe 38 :
38 Bien qu’il existe des différences entre les critères, il se dégage quatre conditions nécessaires au recours collectif. Premièrement, le groupe doit pouvoir être clairement défini. La définition du groupe est essentielle parce qu’elle précise qui a droit aux avis, qui a droit à la réparation (si une réparation est accordée), et qui est lié par le jugement. Il est donc primordial que le groupe puisse être clairement défini au début du litige. La définition devrait énoncer des critères objectifs permettant d’identifier les membres du groupe. Les critères devraient avoir un rapport rationnel avec les revendications communes à tous les membres du groupe mais ne devraient pas dépendre de l’issue du litige. Il n’est pas nécessaire que tous les membres du groupe soient nommés ou connus. Il est toutefois nécessaire que l’appartenance d’une personne au groupe puisse être déterminée sur des critères explicites et objectifs : voir Branch, op. cit., par. 4.190-4.207; Friedenthal, Kane et Miller, Civil Procedure (2e éd. 1993), p. 726-727; Bywater c. Toronto Transit Commission (1998), 27 C.P.C. (4th) 172 (C. Ont. (Div. gén.)), par. 10-11.»
[120] Le mot «problèmes» peut englober plusieurs situations; cependant, il faut le lire en conjonction avec les mots «avec leur facturation attribuable de quelque manière que ce soit à la mise en place du nouveau système informatique» et avec les trois catégories sous-facturées, surfacturées et non facturées.
[121] Le Tribunal est d'avis que les membres pourront facilement se reconnaître dans cette définition.
[122] Le Tribunal retient
donc la définition proposée, quitte à la redéfinir ultérieurement, comme le
permet l'article
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE en partie la requête amendée pour autorisation d'exercer un recours collectif et pour obtenir le statut de représentant;
AUTORISE l'exercice du recours collectif sous la forme d'une requête introductive d'instance en dommages et intérêts;
ATTRIBUE aux corequérantes le statut de représentant aux fins de l'exercice du recours collectif pour le compte du groupe décrit comme suit:
« Toutes les personnes physiques et toutes les personnes morales de droit privé, sociétés ou associations, comptant en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède le 16 septembre 2010 sous leur direction ou sous leur contrôle au plus 50 personnes liées à elles par contrat de travail, qui étaient et/ou sont clients de l'Intimée Hydro-Québec et qui ont eu et/ou continuent d'avoir des problèmes avec leur facturation attribuable de quelque manière que ce soit à la mise en place du nouveau système informatique de l'Intimée Hydro-Québec dont l'implantation a été complétée en 2008, soit en ayant été au moins une fois sous-facturées, surfacturées et/ou non facturées pendant leur période de facturation applicable.»
IDENTIFIE comme suit les principales questions qui seront traitées collectivement:
1- Est-ce que l'intimée Hydro-Québec a commis une faute eu égard aux Membres du Groupe qui ont eu des problèmes de facturation attribuables à l'implantation du nouveau système informatique, en facturant pour une consommation d'électricité inférieure à la consommation réelle qui aurait dû être facturée, en facturant une consommation d'électricité supérieure à la consommation réelle qui aurait dû être facturée ou en ne facturant tout simplement pas certains Membres du Groupe?
2- L'intimée Hydro-Québec a-t-elle commis une ou des fautes génératrices de responsabilités?
3- Les agissements reprochés à l'intimée Hydro-Québec ont-ils causé des dommages aux Membres du Groupe?
4- Est-ce que l'intimée Hydro-Québec est responsable des dommages matériels et des pertes économiques subis par les Membres du Groupe?
5- Est-ce que les Membres du Groupe ont droit à des dommages moraux pour les stress, ennuis, troubles, tracas et inconvénients causés par l'intimée Hydro-Québec aux Membres du Groupe?
IDENTIFIE comme suit les conclusions recherchées par le recours collectif à être institué comme les suivantes:
ACCUEILLIR la requête des Co-Requérantes;
ACCUEILLIR le recours collectif pour tous les Membres du Groupe;
CONDAMNER l'Intimée Hydro-Québec à payer aux Co-Requérantes ainsi qu'à chacun des Membres du Groupe la somme d'UN DOLLAR (1,00 $) à titre de dommages matériels et pertes économiques, sauf à parfaire après expertise, le tout avec intérêt au taux légal et l'indemnité additionnelle à compter de la date où ces dommages et pertes ont été subis et ORDONNER le recouvrement collectif de ces sommes;
CONDAMNER l'Intimée Hydro-Québec à payer aux Co-Requérantes ainsi qu'à chacun des Membres du Groupe la somme de CENT DOLLARS (100,00 $) à titre de dommages moraux, pour troubles, tracas, stress, ennuis et inconvénients, le tout avec intérêt au taux légal et l'indemnité additionnelle à compter de l'institution du présent recours et ORDONNER le recouvrement collectif de ces sommes;
LE TOUT avec les entiers dépens incluant les frais d'expertise et les frais de publication des avis aux Membres du Groupe;
DÉCLARE qu'à moins d'exclusion, les Membres du Groupe seront liés par tout jugement à intervenir sur le recours, de la manière prévue par la Loi;
FIXE les délais d'exclusion à trente (30) jours de l'avis aux Membres du Groupe, délai à l'expiration duquel les Membres du Groupe qui ne se seront pas prévalus des moyens d'exclusion seront liés par tout jugement à intervenir;
ORDONNE la publication, au plus tard trente (30) jours après la date du présent jugement, d'un avis aux Membres du Groupe, par les moyens ci-dessous indiqués:
Un avis sera publié une fois en français le samedi dans Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec et/ou tout autre journal jugé approprié;
Le même avis sera publié une fois en anglais le samedi dans The Gazette et /ou tout autre journal jugé approprié;
Le même avis sera rendu disponible sur le site Internet des procureurs des corequérantes;
Le même avis sera rendu disponible sur le site Internet de l'intimée Hydro-Québec;
Le même avis sera joint aux factures de tous les abonnés de l'intimée Hydro-Québec.
RÉFÈRE le dossier au juge en chef pour la détermination du district dans lequel le recours collectif devra être exercé et pour désignation du juge pour l'entendre;
ORDONNE au greffier de cette cour, dans le cas où le recours devrait être exercé dans un autre district, de transmettre le dossier, dès la décision du juge en chef, au greffier du district désigné;
LE TOUT frais à suivre le sort du recours.
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_________________________________ michel déziel, J.C.S. |
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Me Guy Paquette Me Karine St-Louis PAQUETTE GADLER Procureurs de la partie requérante |
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Me Jean-Olivier Tremblay HYDR0-QUÉBEC MCGOVERN LAFONTAINE Procureur de la partie intimée
Me Simon V. Potter Me Céline Legendre Me Kim Nguyen McCARTHY TETRAULT Coprocureurs de la partie Intimée
Dates d'audience: 11, 12, 13 juin 2012 |
[1] L.Q., 1991, c. 64.
[2] L.R.Q., c. C-12.
[3] Requête introductive d'instance, paragr. 4.
[4]
[5] 2012 QCCA 900 , paragr. 66 et 67.
[6]
Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton,
[7]
Dell'Aniello c. Vivendi Canada inc.,
[8] Interrogatoire de Danielle Lapointe, directrice - Processus d'affaires chez Hydro-Québec.
[9]
[10] Les Conditions de service d'électricité, 8 avril 2011, Coordonné par Communication-marketing pour la direction - Stratégies commerciales et administration, Dépôt légal - 3e trimestre 2011, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Bibliothèque nationale du Canada, ISBN: 978-2-550-62271-0.
[11] Les Tarifs et conditions du distributeur, Réalisé par la direction principale - Communications pour la direction - Affaires réglementaires et tarifaires, Dépôt légal - 2e trimestre 2008, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Bibliothèque nationale du Canada, ISBN: 978-2-550-49400-3.
[12] L.R.Q., chapitre H-5, art. 22.0.1.
[13] L.R.Q., c. R-6.01, art. 31 .
[14] Ibidem, art. 53.
[15]
Requête amendée pour autorisation d'exercer un recours collectif et pour
obtenir le statut de représentant (article
[16] Pièces R-40 A à X.
[17] Pièces R-40 J et K.
[18] Pièce R-40 C.
[19] Pièce R-4.
[20] Pièce R-5.
[21] Pièce R-29 A.
[22] Pièce R-29 B.
[23] Pièce R-6.
[24] Pièce R-6.
[25] Pièce R-29 C, paragr. 1 et 2.
[26] Pièce R-34.
[27] Supra, note 16, paragr. 59 à 98.
[28] Pièce R-9.
[29] Pièces R-10 et R-35 A.
[30] Pièces R-11 et R-35 I.
[31] Pièce R-48 M.
[32] Supra, note 16, paragr. 86.
[33] Ibidem, paragr. 90 et 91.
[34] Supra, note 16, paragr. 92 à 94.
[35] Ibidem, paragr. 105 à 116 et 172.
[36] Interrogatoire de Danielle Lapointe du 19 décembre 2011
[37] Pièce R-33 - Entrevue de Marc-Brian Chamberland le 30 avril 2009 à l'émission de Paul Arcand.
[38] Pièce R-36.
[39] Ibidem.
[40]
Fournier c. Banque de Nouvelle-Écosse,
[41]
[42]
Ménard c. Matteo,
[43] Pièces R-12, R-13, R-14, R-17, R-19, R-26, R-33, R-36 à R-39.
[44] Supra, note 37, p. 127, l. 17 à p. 131, l. 21 et p. 133, l. 17 à p. 136, l. 7.
[45] Pièce R-48 E - Facture du 14 décembre 2007 et Pièce R-53 - Lettre d'Hydro-Québec du 17 juin 2003 précisant que les préposés se sont présentés au […]à plusieurs reprises, mais en vain.
[46] Conditions de service d'électricité - Onglet 3 des autorités d'Hydro-Québec - en vigueur le 8 avril 2011, telles qu'approuvées par la Régie de l'énergie.
Pièce R-16 - Conditions de service d'électricité, en vigueur le 1er avril 2010.
[47]
Yalaoui c. Air Algérie,
[48]
Maltais c. Hydro-Québec,
[49]
Charland c. Hydro-Québec,
[50] Supra, note 6.
[51] L.R.Q., c. C-12.
[52]
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.