Décision

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D'Onofrio c. Poitras

2017 QCCS 820

JB-3976

 
COUR SUPÉRIEURE

(Chambre civile)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

Nos :

500-17-078269-134

 

500-17-077545-138

 

500-17-078706-135

 

500-17-082849-145

 

 

 

DATE :

8 MARS 2017

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

MARC-ANDRÉ BLANCHARD, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

500-17-078269-134

 

MARCO D. D’ONOFRIO

et

GUYLAINE PAIEMENT

et

CESUR CELIK

et

JUNE TYLER CELIK

et

ZINA BAUZA

Demandeurs

c.

MAURICE C. POITRAS

Défendeur

et

VILLE DE MONTRÉAL

Mise en cause

 

 

500-17-077545-138

 

MARCO D. D’ONOFRIO

et

GUYLAINE PAIEMENT

et

CESUR CELIK

et

JUNE TYLER CELIK

et

ZINA BAUZA

Demandeurs

c.

VILLE DE MONTRÉAL

Défenderesse

et

MAURICE C. POITRAS

Mis en cause

 

500-17-078706-135

 

ZINA BAUZA

Demanderesse

c.

MAURICE C. POITRAS

Défendeur

 

500-17-082849-145

 

CESUR CELIK

et

JUNE TYLER CELIK

Demandeurs

c.

BERNARD PATRY

et

MAURICE C. POITRAS

et

101512 CANADA INC.

Défendeurs

 

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

[1]           Alléguant que la construction de la résidence de Maurice C. Poitras découlerait de plusieurs irrégularités au regard de différents règlements de la Ville de Montréal, Marco D. D’Onofrio, Guylaine Paiement, Cesur Celik, June Tyler Celik et Zina Bauza, en l’occurrence des voisins, demandent sa démolition[1] en vertu de l’article 227 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[2] (« la LAU »).

[2]           Dans une action parallèle,[3] les mêmes demandeurs visent à faire annuler le règlement de la Ville qui permettait la délivrance des permis pour la construction du bâtiment et à faire annuler ceux-ci.

[3]           Bauza requiert dans une autre procédure[4] que le Tribunal la déclare seule et unique propriétaire d’une parcelle de terrain de Poitras sur laquelle se trouvait une installation de gicleurs lui appartenant.

[4]           Finalement, dans un autre recours[5] les Celik visent à obtenir des dommages-intérêts de Poitras, Bernard Patry et 101512 Canada inc. (« 101 »), une compagnie appartenant à ce dernier qui possédait un lot contigu, en l’occurrence un chemin privé, avant sa cession à Poitras. Ce recours allègue la violation d’une promesse de vente et des comportements fautifs à leurs égards.

   I.          LES FAITS

[5]           Les divers contentieux concernent des propriétés situées sur la pointe Monk de l’Île-Bizard, un secteur de valeur exceptionnelle selon la réglementation de la Ville, densément boisé, qui borde l’eau et plus particulièrement, la construction de la résidence de Poitras sur un terrain desservi par un chemin privé, anciennement la propriété de Patry et qui se situe entre les terrains des Celik et de Bauza.

[6]           Le 3 décembre 2007, Celik acquiert de Patry le lot 1-14 pour 1 050 000 $[6]. Ce dernier possède alors, par l’entremise de la société 101, le lot 1-12 entièrement boisé sur lequel on projette, selon le plan cadastral[7], la construction prochaine d’une voie privée.

[7]           Le 20 septembre 2010[8], Poitras acquiert de 101 et 2550-5140 Québec inc (« 2550 ») le lot I-13, qui porte maintenant le numéro 4 589 616 au cadastre du Québec, qui voisine les lots des Celik et Bauza, qui se situe dans la zone RU-116, selon le règlement de zonage de l’arrondissement de L’Île-Bizard-Sainte-Geneviève numéro CA28 0023, en l’occurrence une zone résidentielle.

[8]           Le 28 novembre 2011, Poitras écrit[9] à Celik quant au transfert de la propriété du lot 1-12 en faveur de ce dernier et relativement à l’obtention de son consentement pour la désignation du nom de la rue qui desservira leurs terrains :

Hello Mr Celik, further to our conversation yesterday, I just reached Marc Bourque on the phone (514-[…]) and he agrees that it is now time to proceed with the transfer of title of the road (lot 1-12) to you. He said that he would contact Mr Patry today and get this going.

As for the naming of that road, you and I can proceed with our consent to the city of Montreal as this is not affected by the transfer of title. We should get the naming process started as soon as possible since this process will undoubtedly take several months and I cant proceed with planting a cedar hedge without it.

I would appreciate if you could let me know when you have sent your consent to the city so that I may follow up and ensure things proceed as quickly as possible.

[9]           À la fin janvier 2013, apprenant la construction projetée par Poitras, Celik écrit à l’arrondissement pour retirer son consentement quant à la désignation de la rue[10].

[10]        Le 21 février 2013, Celik et d’autres propriétaires voisins du lot 1-13 mettent en demeure la Ville quant à l’assiette de la rue projetée sur le lot 1-12 et le projet de résidence sur le lot 1-13[11].

[11]        Le 18 mars 2013, le Comité consultatif d’urbanisme approuve les plans d’implantation et d’intégration architecturale du projet.

[12]        Le 25 mars 2013, Poitras demande un certificat d’autorisation d’abattage de 25 arbres qu’il obtient le 4 avril 2013[12].

[13]        Le 27 mars 2013, Patry cède à titre gratuit à Poitras le lot 1-12[13] qui porte maintenant le numéro 4 589 604 du cadastre du Québec et accorde une diminution de 10 000 $ sur le prix d’acquisition du lot 1-13.

[14]        Le 2 avril 2013, la Ville approuve par la Résolution CA13 28 0091[14] les plans relatifs à l’implantation et à l’architecture des constructions et à l’aménagement des terrains et des travaux y reliés, avec la condition de maximiser la préservation des arbres matures sur le terrain à construire vu le secteur situé dans un bois. Le 13 mai 2013, la Ville délivre le permis de construction pour la résidence de Poitras.

[15]        Durant la semaine du 4 juin 2013, Poitras entreprend la construction de la résidence. Le 6 juin 2013, les demandeurs déposent leur action en annulation de l’article 1(4) du Règlement CA28 0012 relatif à certaines conditions d’émission du permis de construction pour l’ensemble du territoire de l’arrondissement et du permis émis par la Ville à Poitras pour la construction de sa maison[15].

[16]        Le 26 juillet 2013, ceux-ci déposent une action en vertu de l’article 227 LAU exigeant la démolition du bâtiment notamment parce que sa construction dérogerait aux exigences du règlement de zonage de la Ville[16].

[17]        Le 7 août 2013, ils déposent une requête pour l’émission d’une ordonnance de sauvegarde demandant la cessation des travaux pour une période de 30 jours, que le Tribunal rejette le 9 août, séance tenante. Fait important, lors de cette audition, Poitras reconnaît que dans l’éventualité où le Tribunal n’accorde pas la demande de sauvegarde, il poursuivra la construction de ses travaux à ses risques et périls[17].

[18]        Le 31 août 2013, Bauza intente son action visant à se faire déclarer propriétaire d’une parcelle de terrain appartenant à Poitras[18].

[19]        Quant aux diverses demandes de certificats ou d’autorisation, le 11 avril 2013, Poitras dépose une demande de certificat d’autorisation pour une installation septique qu’il obtient le 13 mai 2013[19]. Il fait de même pour un puits[20] tubulaire le 4 août 2013 et reçoit le certificat d’autorisation le 14 août. Puis le 29 août 2013, la Ville lui émet l’autorisation pour la construction d’une piscine[21].

[20]        Le 16 septembre 2013, il dépose une demande pour la construction d’une clôture et reçoit l’aval de la municipalité le 18 septembre[22]. Le 27 septembre 2013, il requiert l’autorisation pour l’érection d’un mur de soutènement qu’il reçoit le même jour[23]. Le 10 octobre 2013, Poitras demande deux certificats d’autorisation d’abattage, l’un pour 4 arbres et l’autre pour 12 arbres qu’il obtient tous deux le même jour[24]. Pour la clôture entourant sa piscine, il fait la demande le 31 octobre et reçoit l’autorisation le 5 novembre[25].

[21]        Poitras emménage au début 2014.

[22]        Le 12 juin 2014, Celik poursuit Patry et Poitras pour réclamer des dommages et intérêts et une diminution du prix de vente pour troubles et inconvénients subis par la construction d’une voie d’accès privée sur le lot 1-12[26]. Il ajoute sa conjointe comme co-demanderesse et 101 comme co-défenderesse le 27 mars 2015.

       II.    LA POSITION DES PARTIES

Les dossiers 134 et 138

[23]        De façon générale les demandeurs demandent au Tribunal d’annuler :

1)    les mots « ou à une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du présent règlement » de l’alinéa 4 de l’article 1 du Règlement CA28 0012 relatif à certaines conditions d’émission du permis de construction pour l’ensemble du territoire de l’arrondissement parce qu’ultra vires des pouvoirs de la municipalité;

2)    les permis émis par la Ville à Poitras pour la construction de sa résidence;

3)    et d’ordonner à celle-ci de n’émettre aucun permis de construction pour ce lot.

[24]        Les demandeurs soutiennent que le bâtiment construit s’avère contraire au Règlement de zonage CA28 0023 de l’arrondissement de L’Île-Bizard-Sainte-Geneviève, en ce que les travaux de remblai effectués par Poitras contreviendraient à l’article I-90 de ce règlement qui interdit de procéder à de tels ouvrages si cela favorise le ruissellement des eaux de pluie sur les terrains voisins. Selon eux, Poitras effectue ces travaux sans obtenir au préalable de permis à cette fin et il en résulte un surélèvement du niveau du sol de sa propriété ce qui modifierait de façon substantielle l’écoulement naturel des eaux de pluie vers la propriété des Celik et Bauza.

[25]        En ce qui concerne ce règlement, ils ajoutent qu’il existerait une violation de l’article 73 qui prohibe le fait qu’un mur de fondation puisse dépasser de plus d’un mètre le niveau du sol au-dessus du niveau moyen du sol le long de l’autre façade parallèle à une rue. De plus, ils estiment que la construction du bâtiment principal engendra l’abattage d’un nombre trop important d’arbres au sens de l’article 211 de ce même règlement.

[26]        Ils prétendent que la construction contrevient au Règlement CA28 0011 puisque Poitras ne possède pas le certificat d’autorisation requis avant d’effectuer un remblai ou l’abattage d’arbres. Également, selon eux, la construction s’avère incompatible avec le plan d’implantation et d’intégration architectural (« PIIA ») approuvé par la résolution du conseil municipal numéro CA13 28 0091 du 2 avril 2013, en ce que le mur de fondation construit apparait beaucoup plus haut que celui figurant aux plans soumis pour obtenir le permis de construction et que les travaux de remblai ainsi que le rehaussement des murs de fondations modifieraient de façon importante la géographie des lieux, au détriment de leurs propriétés.

[27]        De son côté, Poitras soumet qu’il détient tous les permis requis par la Ville après l’adoption des plans d’implantation et d’intégration architecturale par l’arrondissement qui bénéficiait alors des plans d’implantation et d’intégration architecturale, de la liste des matériaux extérieurs utilisés et une présentation « PowerPoint » qui expliquait le projet lors d’une présentation faite par la Direction des travaux publics, de l’ingénierie et de l’aménagement urbain de la Ville.

[28]        Il ajoute que de nombreuses inspections des représentants de la Ville et les rapports d’inspection produits attestent de la conformité des travaux et que, s’il existait à un moment donné des irrégularités, il n’en subsiste aucune. Selon lui, le remblai effectué apparait conforme aux niveaux autorisés par la Ville et l’aménagement du terrain respecte les dispositions concernant l’écoulement des eaux.

[29]        Il conclut au caractère abusif et sans fondement du recours et requiert le remboursement de ses honoraires judiciaires et extrajudiciaires encourus.

[30]        Quant à elle, la Ville plaide la conformité du terrain avec le Règlement de lotissement CA28 0024 de l’arrondissement, précisant que l’immeuble se situe en bordure d’une rue privée, créée par lotissement en 1989 conformément à la réglementation en vigueur à l’époque nommée « Place Monk » et que le tracé de celle-ci ne cause aucun problème de sécurité.

[31]        Cette rue existait lors de l’entrée en vigueur du Règlement CA28 0012 du 9 mars 2008 appelé le Règlement relatif à certaines conditions d’émission du permis de construction pour l’ensemble du territoire de l’arrondissement de L’Île-Bizard-Sainte-Geneviève pour la construction d’un nouveau bâtiment résidentiel qui permettait l’émission du permis de construction numéro 3000330493-13 et des certificats d’autorisation d’abattage d’arbres numéros 3000330493 et 3000332812-13 afin de permettre la construction d’un nouveau bâtiment résidentiel, d’un système sanitaire, d’un chemin d’accès et d’un terrain de tennis.

[32]        Pour elle les permis et certificats émis respectent le Règlement de zonage CA28 0023 ou la réglementation provinciale applicable notamment en ce qui concerne la coupe d’arbres dans une zone inondable. Elle ne décèle aucune non-conformité quant aux permis et certificats émis ou quant à la règlementation d’urbanisme.

[33]        Elle ne constate pas des travaux de remblai non conforme et, selon elle, les murs de fondation et l’aménagement final du terrain apparaissent conformes à la réglementation en vigueur. Comme le bâtiment respecte le PIIA, il respecte donc le critère d’harmonisation avec le milieu dans lequel il se trouve.

[34]        La Ville conclut que le projet résidentiel, qui comporte la coupe d’arbres, ne peut constituer une modification à l’environnement qui enfreindrait une disposition législative ou réglementaire pertinente.

Le dossier 135

[35]        Bauza soutient qu’elle agit depuis plus de dix ans comme une véritable propriétaire à l’égard d’une parcelle d’environ 1,50 mètre par 2 mètres du lot 4 589 616, propriété de Poitras et par conséquent elle désire que le Tribunal déclare qu’elle en obtient la propriété par prescription acquisitive.

[36]        Poitras rétorque que Bauza sait depuis qu’elle acquiert sa propriété en 2002 que sa remise empiète sur sa propriété et comme le boîtier et le gicleur se trouvent à l’arrière de la remise, le libre accès consentit par lui ne peut constituer autre chose qu’une tolérance et ne peut donc s’interpréter comme une possession non équivoque qui constituerait une renonciation à son droit de propriété.

Le dossier 145

[37]        Les Celik s’appuient sur une promesse de vente du lot 1-12, formulée verbalement par Patry de façon contemporaine à la vente du lot 1-14, et dont Poitras connaîtrait l’existence, pour leur réclamer 100 414,14 $ notamment pour une perte de la valeur de revente de leur propriété, évaluée à 85 414,14 $, et 15 000 $ à titre de dommages moraux pour troubles et inconvénients subis en raison de l’obstruction et du déplacement de leur droit de passage.

[38]        Patry nie l’existence de toute promesse de vente du lot 1-12 à Celik et ajoute que le fait que Poitras en devienne propriétaire ne lui cause aucun préjudice car il n’existe jamais d’entrave au libre accès à sa propriété. Ce dernier réitère l’absence de promesse de vente et ajoute que Celik pouvait en tout temps exercer son droit de passage sur le lot 1-12 afin qu’il puisse accéder à la portion privée du chemin Monk et ensuite à la voie publique.

      III.    LES QUESTIONS EN LITIGE

[39]        Dans la déclaration commune, les parties proposent au Tribunal de répondre aux questions suivantes :

a)     L’article 1 (4 o) du règlement relatif à certaines conditions d’émission du permis de construction pour l’ensemble du territoire de l’arrondissement de l’Île-Bizard-Sainte-Geneviève et portant le numéro CA28 0012 se révèle-t-il ultra vires?

b)     La Ville émet-elle le permis de construction no 3000330490-13 en contra­vention de la loi et des règlements municipaux applicables?

c)      La Ville émet-elle les divers certificats d’autorisation de coupe d’arbre en contravention aux règlements applicables?

d)     La construction érigée sur le lot 1-13 du cadastre de L’Île-Bizard (4 589 616) s’avère-t-elle conforme à la réglementation municipale applicable?

e)     La construction érigée sur le lot 1-13 s’avère-t-elle conforme au plan d’implantation et d’intégration architecturale soumis au CCU de l’arrondissement et approuvés par le conseil?

f)       Zina Bauza et ses auteurs possèdent-ils de façon libre, paisible et ininterrompue, une portion du lot 4 589 616 d’environ 1,50 mètre par 2 mètres où se trouve le boîtier électrique lié à son système de gicleur durant plus de dix ans?

g)     Bernard Patry, à titre d’administrateur unique de 101, promet-il de transférer la propriété du lot 1-12 (4 589 504) à Cesur Celik et June Tyler Celik?

h)      Dans l’affirmative, Maurice C. Poitras connaissait-il cette promesse?

i)       Le bris de cette promesse cause-t-il des dommages à Cesur Celik et June Tyler Celik?

j)       Vu la servitude de passage accordée en faveur de l’immeuble de Cesur Celik et June Tyler Celik dans l’acte de cession (pièce P-9) du lot 1-12 (4 589 504), est-ce que Cesur Celik et June Tyler Celik peuvent prétendre subir des dommages?

k)      Dans l’affirmative, quels dommages subissent-ils?

l)       Maurice C. Poitras engage-t-il sa responsabilité pour ces dommages?

m)    L’action de Cesur Celik et June Tyler Celik s’avère-t-elle abusive en vertu des articles 51 et suivants du Code de procédure civile?

     IV.    L’ANALYSE

les dossiers 134 et 138

[40]        Il s’agit donc pour le Tribunal de répondre aux questions a) à e) identifiées au paragraphe précédent mais également à celle relative à l’application de l’article 227 LAU, le cas échéant.

[41]        Lorsque Poitras acquiert le terrain presque entièrement boisé le 20 septembre 2010, celui-ci ne comporte aucun bâtiment. À l’origine, ce lot 1-13 existe suite à la subdivision d’une partie du lot 1 de cette paroisse. Il mesure approximativement 32 mètres de largeur.

[42]        Notons qu’avant la création du lot 1-13 en 1989, le règlement de zonage 127 de la paroisse Saint-Raphaël de L’Île-Bizard prévoyait à l’article 3.11 3.0 que les lots situés dans une zone « résidentielle riveraine » devraient posséder une largeur minimale de  150 pieds, donc environ 45 mètres, dans les cas où il n’y existait aucun service d’aqueduc et d’égouts. Cependant, la municipalité, avec Patry comme maire, modifie cette exigence et fait passer la largeur minimale des lots en zone résidentielle à 90 pieds, donc environ 27 mètres, en adoptant le Règlement 127-9-1 le 4 novembre 1985. Par contre, le 29 novembre 1990, la Ville impose, par son Règlement de lotissement numéro 300 à son article 3.4.2, un frontage minimal de 40 mètres pour tout lot adjacent à un cours d’eau que ne desservent pas les services d’aqueduc et d’égout.

[43]        Le lot 1-13 possède donc, quant à sa largeur, des droits acquis.

[44]        D’emblée, il importe de noter que toutes les parties reconnaissent que la délivrance du permis pour la construction de la propriété de Poitras découle de l’interprétation de l’article 1 (4°) du Règlement CA28 0012, tel que modifié par le règlement CA28 0012-1, qui se lit comme suit :

« Article 1

Préalablement à l’émission du permis pour la construction ou la reconstruction d’un bâtiment principal, les conditions suivantes doivent être respectées

[…]

4° le terrain sur lequel doit être érigé un bâtiment projeté est adjacent à une rue publique, à une rue privée conforme aux exigences du Règlement de lotissement (CA28 0024) ou à une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du présent règlement. » (Le Tribunal souligne.)

[45]        En effet, Pierre Proulx, inspecteur en bâtiment à la Ville, examine la demande de permis et fait des recommandations au Comité consultatif d’urbanisme qui doit approuver le projet. Dans le cadre de ses recommandations, Proulx considère que la demande respecte la règlementation notamment parce que le lot à bâtir se trouve adjacent à une rue privée qui se retrouve au plan cadastral lors de l’entrée en vigueur du règlement.

[46]        Soulignons que cette rue privée existe, dans la réalité topographique, par sa désignation sur ce plan cadastral puisque sa « réalité », dans l’espace physique, découle plutôt d’une matérialité champêtre où l’usage en trace les limites puisqu’aucune construction formelle n’en aménage les tenants et aboutissants.

[47]        La municipalité peut adopter un tel règlement dans la mesure de sa conformité avec l’article 116 de la LAU, qui énonce :

116.  Le conseil d’une municipalité peut, par règlement, prévoir que, dans tout ou parties de son territoire, aucun permis de construction ne sera accordé, à moins qu’une ou plusieurs des conditions suivantes, qui peuvent varier selon les parties du territoire, ne soient respectées :

[…]

4° le terrain sur lequel doit être érigée la construction projetée ne soit adjacent à une rue publique ou à une rue privée conforme aux exigences du règlement de lotissement;

5° le terrain sur lequel doit être érigée la construction projetée ne soit adjacent à une rue publique.

[…]

[48]        En effet, l’un des fondements du droit administratif consiste à dire qu’une administration publique doit, dans l’exercice de son pouvoir réglementaire, respecter la compétence qui lui attribue l’autorité législative au moyen de la loi habilitante.

[49]        Dans Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine (Village),[27] la Cour suprême enseigne :

Créature de la loi, une municipalité ne possède que les pouvoirs qui lui ont été délégués expressément ou qui découlent directement de pouvoirs ainsi délégués. Agir autrement constitue une atteinte à l’existence même du pouvoir puisque l’autorité administrative n’a aucune compétence pour agir comme elle le fait. Cette incompétence peut avoir trait à la matière, le territoire ou la personne. En droit municipal, la plupart des illustrations de cette situation se retrouvent en matière de taxation.[28]

[50]        Pour les demandeurs, le législateur prend soin de préciser dans deux alinéas distincts les différentes conditions relatives aux types de rues qui doivent border les terrains sur lesquels on projette une construction. À l’alinéa 4, on fait référence à une rue publique ou privée conforme au règlement de lotissement, alors qu’à l’alinéa 5, on réfère à une rue publique uniquement. Pour eux, parce que le législateur se montre aussi précis dans la description des conditions que peut contenir le règlement, il ne permet pas à la Ville d’ajouter au langage de la disposition habilitante.

[51]        Ils plaident que si le législateur voulait permettre à la Ville de prévoir d’autres types de rues ou de voies de circulation comme adjacents au terrain à bâtir avant l’émission d’un permis de construction, il existerait un texte aussi explicite que celui des alinéas 4° et 5° de l’article 116 LAU.

[52]        Pour eux, la Ville ajoute une condition non prévue par la loi habilitante lorsqu’elle exige que le terrain sur lequel on prévoit ériger le bâtiment se trouve adjacent à une rue privée existant lors de l’entrée en vigueur du règlement parce qu’en prévoyant cette condition supplémentaire, la Ville outrepasse les pouvoirs que lui confère la disposition habilitante.

[53]        Ils concluent que les termes « ou à une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du présent règlement » de l’article 1 (4°) du Règlement CA28 0012 apparaissent ultra vires et le Tribunal doit les annuler car l’annulation partielle d’un règlement pour cause d’ultra vires s’avère possible. À ce sujet, il s’appuie sur cet énoncé du professeur Garant :

Un règlement peut n’être que partiellement illégal et n’être annulé que pour partie.

Il est de jurisprudence bien établie qu’un règlement peut n’être annulé que pour partie, lorsque les dispositions ultra vires sont intellectuellement et pratiquement dissociables des dispositions valides. Selon le juge Pigeon :

La règle, c’est que la nullité d’une disposition entraîne la nullité du tout à moins que la cour ne puisse conclure de façon certaine que l’on aurait édicté le reste sans la disposition nulle.

Dans Alaska Trainship c. Pilotage du Pacifique, la Cour suprême ne fit que supprimer les mots «immatriculés au Canada […] ou aux États-Unis » du règlement en cause car ils excédaient seuls les pouvoirs de l’administration.[29]

[54]        De plus, les demandeurs arguent que le Tribunal doit déclarer nul le permis de construction émis en contravention de la règlementation municipale, en l’occurrence le Règlement CA28 0012 relatif à certaines conditions d’émission du permis de construction en s’appuyant sur l’arrêt Carleton-sur-Mer (Ville de) c. Lacroix & Fils Ltée[30] qui affirme :

[59] Le permis de lotissement a donc été délivré en contravention avec le règlement municipal et il est en conséquence nul. D’ailleurs, le Règlement des permis et certificats prévoit que le permis de lotissement est nul si le lotissement n’est pas conforme aux exigences du Règlement de lotissement ou du Règlement de zonage.

[60] Quant aux permis visant la construction de trois chalets, ils ont aussi été délivrés en contravention de la réglementation municipale parce que les lots sur lesquels la construction est prévue ne possèdent pas la superficie requise pour des lots non desservis.

[61] En conséquence, ces permis ont aussi été délivrés illégalement.

[…]

[72] En conséquence, il y a lieu de déclarer tous les permis invalides, de même que les clauses du contrat précitées.

[55]        Ils tracent un parallèle avec notre affaire puisque, selon eux, cette décision traite d’un règlement exigeant, préalablement à la délivrance d’un permis de construction, qu’un terrain se trouve adjacent non pas à une rue privée ou publique, mais à un système d’aqueduc et d’égouts.

[56]        Dans cette affaire, la Cour d’appel décide d’abord de la présence ou non d’un système d’aqueduc et d’égouts et elle invalide ensuite les permis de construction émis par la municipalité lorsqu’elle constate qu’au moment de la demande de permis aucun système d’aqueduc et d’égouts au sens de la réglementation municipale ne dessert le terrain même s’il existait sur place un système s’y apparentant. On lit :

[39] Avant même de trancher la question de la validité de certaines clauses du contrat intervenu le 6 août 2009 et de la légalité de la délivrance des permis, il est nécessaire de se pencher sur une prémisse factuelle incontournable : les terrains de l’intimée sont-ils ou non desservis par un système d’aqueduc et d’égout de la municipalité?

[…]

[43]       La juge affirme « […] qu’il existe présentement un système d’aqueduc et d’égout fonctionnel ». Cependant, la preuve démontre que les systèmes en place ne correspondent pas à des services d’aqueduc et d’égouts au sens de la réglementation municipale.

[44]       Pour desservir un terrain, il est impératif que les services d’aqueduc et d’égout soient fonctionnels et situés sur la rue en bordure de laquelle la construction est projetée ou encore que le règlement décrétant leur établissement soit en vigueur :

CONDITIONS DE PERMIS DE CONSTRUCTION

Aucun permis de construction ne sera accordé à moins que les conditions suivantes ne soient respectées:

1 o           le terrain sur lequel doit être érigé chaque construction projetée, y compris ses dépendances, ne forme un ou plusieurs lots distincts sur les plans officiels du cadastre;

2 o           les services d’aqueduc et d’égouts ayant fait l’objet d’une autorisation ou d’un permis délivré en vertu de la Loi ne soient établis sur la rue en bordure de laquelle la construction est projetée ou que le règlement décrétant leur établissement ne soit en vigueur;

3 o           dans le cas où les services d’aqueduc et d’égouts ne sont pas établis sur la rue en bordure de laquelle une construction est projetée ou le règlement décrétant leur installation n’est pas en vigueur, les projets d’alimentation en eau potable et d’épuration des eaux usées de la construction à être érigée sur le terrain ne soient conformes à la Loi sur la qualité de l’environnement et aux règlements édictés sous son empire;

4 o           le terrain sur lequel doit être érigée la construction projetée ne soit adjacent à une rue publique ou à une rue privée conforme aux exigences de ce règlement.

[45]       Dans le présent cas, il n’est pas démontré que le tuyau d’égout soit fonctionnel ni non plus que le système d’aqueduc le soit à l’année, ce qui, à moins que le règlement ne le prévoie autrement, constitue une exigence. Les terrains ne sont donc pas desservis au sens de la réglementation municipale. (Nos soulignements)[31]

[57]        La Ville soutient que la dernière préposition que l’on retrouve au 4e alinéa du paragraphe 1 du Règlement CA28 0012 respecte l’habilitation législative de l’article 116 de la LAU puisqu’en vertu de cette habilitation législative l’arrondissement pouvait décider :

·        de n’adopter aucune réglementation, ce qui fait en sorte qu’on peut construire un bâtiment sur un terrain ne se trouvant pas en bordure d’une rue. Il s’agit du choix le moins contraignant pour le citoyen et personne ne peut se plaindre de ce choix car il constitue une question d’opportunité qui relève de la discrétion du conseil d’arrondissement. Comme le premier alinéa indique que la Ville « peut » adopter une telle réglementation, rien ne l’oblige à ce faire;

·        d’adopter un règlement qui exige que toute construction se trouve en bordure d’une rue publique peu importe sa conformité au règlement de lotissement. Il s’agit de l’habilitation prévue au 5e alinéa du paragraphe 1 de l’article 116 LAU;

·        d’adopter un règlement qui exige qu’un bâtiment se trouve sur un terrain adjacent à une rue privée ou publique conforme au règlement de lotissement : il s’agit de la manière la plus sévère de réglementer cette question et son habilitation se trouve prévue au 4e alinéa du paragraphe 1 de l’article 116 LAU. Ainsi, la Ville n’autoriserait plus la construction de bâtiment sur des rues non cadastrées en conformité avec le règlement de lotissement en vigueur;

·        d’adopter ou non un règlement sur ce sujet puisque rien n’interdit l’adoption d’une réglementation qui constitue un compromis entre les deux : tel que l’exigence de se situer en bordure d’une rue privée existante. La Ville soumet que l’habilitation prévue à l’article 116 de la LAU prévoit les conditions les plus sévères d’émission des permis de construction que les municipalités ne peuvent dépasser, rien n’empêche une municipalité de ne pas réglementer ou de réglementer de manière moins sévère.

[58]        Selon elle, pour chacune de ces options de réglementation, il s’agit toujours de déterminer le statut public ou privé de la rue et de la question du cadastre, et non pas de vérifier les normes de construction de la rue.

[59]        Pour la municipalité, le pouvoir habilitant doit s’interpréter de manière large et libérale de manière à faire primer l’objectif recherché. Elle s’appuie sur l’arrêt 9069-5065 Québec inc. c. Val Brillant (Municipalité de)[32] qui énonce :

[4]         Nous partageons l’avis du juge de première instance sur l'interprétation à donner au texte du règlement, et ce, en conformité de l'enseignement de la Cour suprême rappelé par le juge :

[28]       Dans l'arrêt United Taxi Drivers' Fellowship of Southern Alberta c. Calgary (Ville de Calgary), la Cour suprême conclut qu'en matière de lois municipales les interprétations bienveillantes et strictes n'ont plus leur place et qu'il faut favoriser en cette matière une interprétation large et libérale :

L’évolution de la municipalité moderne a entraîné un virage dans la démarche à adopter pour interpréter les lois habilitant les municipalités. Dans Produits Shell Canada Ltée c. Vancouver (Ville), 1994 CanLII 115 (C.S.C.), [1994] 1 R.C.S. 231, p. 244-245, la juge McLachlin (plus tard Juge en chef) reconnaît ce virage notable dans la nature des municipalités. La dichotomie entre interprétation « bienveillante » et interprétation « stricte » fait place à une interprétation téléologique large des pouvoirs municipaux : Nanaimo, précité, par. 18. Cette méthode d’interprétation s’est développée en même temps que la méthode moderne de rédaction des lois sur les municipalités. Plusieurs provinces, au lieu de conférer aux municipalités des pouvoirs précis dans des domaines particuliers, préfèrent leur accorder un pouvoir général dans des domaines définis en termes généraux : Loi sur les municipalités, L.M. 1996, ch. 58, C.P.L.M. ch. M225; Municipal Government Act, S.N.S. 1998, ch. 18; Loi sur les municipalités, L.R.Y. 2002, ch. 154; Loi de 2001 sur les municipalités, L.O. 2001, ch. 25; Cities Act, S.S. 2002, ch. C-11.1. Ce virage en matière de rédaction législative reflète la véritable nature des municipalités modernes, qui ont besoin de plus de souplesse pour réaliser les objets de leur loi habilitante : Shell Canada, p. 238 et 245.

(…)

Une interprétation téléologique large des lois sur les municipalités est également compatible avec l’approche générale adoptée par la Cour en matière d’interprétation législative. Selon l’analyse contextuelle, il faut interpréter [TRADUCTION] « les termes d’une loi dans leur contexte global selon le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : E. A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42 (CanLII) [2002] 2 R.C.S. 559, 2002 CSC 42, par. 26. (…)

[60]        Ainsi que sur l’arrêt Saint-Aubert (Municipalité de) c. Poitras[33] où on lit :

[22]       Avant d'aborder le fond de la question, rappelons certaines règles d'interprétation applicables en l'espèce.

[23]       Les municipalités n'ont d'autres pouvoirs que ceux qui leur ont été délégués par l'autorité provinciale.  Il s'agit de pouvoirs délégués expressément ou de ceux qui découlent directement des pouvoirs ainsi délégués:  Immeubles Port Louis Ltée c. Village de Lafontaine, [1991] 1 R.C.S. 326.

[24]       Cette règle ne fait cependant pas obstacle à une interprétation libérale et bienveillante des articles pertinents de la loi habilitante.  En 1993, dans R. c. Greenbaum, [1993] 1 R.C.S. 674, le juge Iacobucci écrivait à ce sujet pour la Cour suprême, pages 687 à 689:

Les municipalités doivent leur existence aux lois provinciales.  En conséquence, elles ne peuvent exercer que les pouvoirs qui leur sont expressément conférés par une loi provinciale.  (…)

Comme l'a affirmé le juge Davies dans City of Hamilton c. Hamilton Distillery Co. (1907), 38 R.C.S. 239, à la p. 249, à l'égard de l'interprétation d'une loi provinciale autorisant l'adoption de règlements municipaux:

[TRADUCTION]  En interprétant la présente loi, je ne souhaiterais pas appliquer les principes techniques et stricts d'interprétation parfois appliqués aux mesures législatives qui autorisent la perception d'impôts.  À mon avis, compte tenu de l'objet et de l'intention manifestement visés, les articles peuvent être interprétés d'une manière libérale et raisonnable, ou à tout le moins "bienveillante", comme le lord juge en chef Russell l'a écrit dans l'arrêt Kruse c. Johnson [[1898] 2 Q.B. 91], à la p. 99.  En outre, si le langage utilisé ne conférait pas expressément les pouvoirs revendiqués, mais le faisait par déduction juste et raisonnable, je n'hésiterais pas à adopter l'interprétation ainsi sanctionnée.

En conséquence, lorsqu'il doit déterminer si une municipalité a été habilitée à adopter un certain règlement, le tribunal devrait examiner l'objet et le texte de la mesure législative provinciale habilitante.  Comme l'a fait remarquer Ian Rogers dans The Law of Canadian Municipal Corporations (2e éd. 1971), à la p. 388, il convient d'adopter une règle d'interprétation un peu plus stricte que celle proposée ci-dessus par le juge Davies lorsque la municipalité tente d'exercer un pouvoir qui restreint des droits civils ou de common law.

On s'interroge également sur la façon dont le règlement lui-même devrait être interprété lorsqu'il s'agit de déterminer si son adoption est autorisée par une loi provinciale.  Dans City of Verdun c. Sun Oil Co., [1952] 1 R.C.S. 222, le juge Fauteux a écrit, au nom de la Cour, que [TRADUCTION] "les municipalités doivent leur pouvoir législatif au législateur provincial et qu'elles sont en conséquence obligées, dans la rédaction de leurs règlements, de respecter strictement les limites de la délégation que leur a faite le législateur" (p. 228).  C'est là un énoncé du principe selon lequel le règlement qui excède la compétence d'une municipalité, même légèrement, sera déclaré ultra vires.  Comme l'affirme Stanley Makuch, dans Canadian Municipal and Planning Law, à la p. 115:

[TRADUCTION]  En raison de cette position juridique inférieure [celle des municipalités], les tribunaux ont traditionnellement donné une interprétation stricte aux lois qui confèrent des pouvoirs aux municipalités.  Cette interprétation peut être décrite comme la "règle de Dillon", selon laquelle les municipalités peuvent exercer seulement les pouvoirs qui leur sont conférés expressément par la loi, les pouvoirs qui découlent nécessairement ou vraiment du pouvoir conféré dans la loi et les pouvoirs indispensables qui sont essentiels et non pas seulement commodes pour réaliser les fins de l'organisme.

(…)

Par conséquent, lorsqu'ils sont susceptibles de recevoir plus d'une interprétation, les règlements municipaux doivent être interprétés de manière à respecter les paramètres de la loi provinciale habilitante.  Toutefois, les tribunaux doivent veiller à ce que les municipalités n'empiètent pas sur les droits civils ou de common law des citoyens en adoptant des règlements ultra vires (voir, p. ex., Merritt c. City of Toronto (1895), 22 O.A.R. 205, à la p. 207).

(…)

[26]       En regard du dernier énoncé du juge Rothman, les propos suivants du juge LeBel, pour la Cour suprême, dans R.c. Guignard, [2002] 1 R.C.S. 472 sont particulièrement intéressants, à la page 482:

Notre Cour a fréquemment rappelé l'importance sociale et politique des administrations publiques locales.  Elle a souligné que leurs pouvoirs devaient être interprétés généreusement parce que leurs relations de proximité avec les citoyens qui habitent ou travaillent sur leur territoire les rendent plus sensibles aux problèmes qu'ils connaissent (voir Produits Shell Canada Ltée c. Vancouver (Ville), [1994] 1 R.C.S. 231; Nanaimo (Ville c. Rascal Trucking Ltd., précité; 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d'arrosage) c. Hudson (Ville), [2001] 2 R.C.S. 241, 2001 CSC 40).  Au-delà du cadre législatif et des principes généraux de droit administratif qui les régissent, les pouvoirs municipaux doivent être exercés conformément aux principes de la Charte, tout comme l'ensemble des pouvoirs détenus par les administrations publiques.

[61]        Elle ajoute que le Tribunal doit prendre en considération l’interprétation que fait l’arrondissement du terme « rue privée existante » pour interpréter l’alinéa 4 du paragraphe 1 du Règlement CA28 0012. À ce propos, elle souligne que les représentants de l’arrondissement Bernaquez et Proulx, le comité consultatif d’urbanisme ainsi que le conseil d’arrondissement recommandent et autorisent l’approbation de PIIA et donc la construction de la résidence de Poitras en bordure de la Place Monk.

[62]        Au soutien de cette position, elle se réclame aussi de l’arrêt Cayouette c. Boulianne[34] qui enseigne :

[12]       Les règles applicables à l’interprétation des règlements sont les mêmes que celles qui s’appliquent aux lois : ils doivent recevoir une interprétation large et libérale de manière à faire primer leurs objectifs.

[13]       Plusieurs auteurs abordent la question précise de l’interprétation des règlements de zonage. Dans son ouvrage Le zonage en droit québécois, Marc-André LeChasseur préconise l’interprétation des règlements de zonage en fonction de leur objet :

En adoptant une attitude stricte et formaliste qui ne tient pas suffisamment compte de l’objectif visé par le législateur municipal, les tribunaux interfèrent avec l’exercice du pouvoir législatif municipal, ce qui peut avoir pour conséquence de dénaturer l’acte réglementaire. Aussi, il nous apparaît nécessaire dans le cadre de l’évolution que nous connaissons actuellement de favoriser l’application de la purposive approach aux normes de zonage. Une telle interprétation doit se faire, d’une part, pour que les objectifs visés par le règlement se réalisent mais aussi, d’autre part, pour que les usages qui ne sont pas spécifiquement prévus mais sont de même nature puisse être autorisés, et ce, une fois leur impact et leur niveau d’intégration évalués et confirmés.

[14]       L’auteur conclut : « En bref, l’interprétation faite par les municipalités de leurs normes de zonage servira plus que jamais de guide aux tribunaux dont le réflexe premier sera de respecter l’exercice par l’administration d’un pouvoir discrétionnaire législatif issu de la souveraineté parlementaire. (…)  ».

[15]       Il faut noter que, en matière d’interprétation de règlements municipaux, il y a un courant jurisprudentiel qui tient fortement compte de l’interprétation que fait la municipalité de son propre règlement. Bien sûr, l’interprétation de sa propre loi par une administration n’est pas contraignante pour les tribunaux, mais il est admis que le juge en tienne compte, tout en gardant à l’esprit que la pratique administrative ne peut pas contredire un texte clair. C’est en raison de l’argument de la stabilité que plusieurs sont d’avis que lorsque deux interprétations d’un texte sont susceptibles d’être retenues, les tribunaux hésitent à rejeter celle qui a été consacrée par l’usage, comme l’explique P.-A. Côté dans son ouvrage Interprétation des lois :

C'est un principe largement admis que lorsque deux interprétations d'un texte sont susceptibles d'être retenues, les tribunaux hésiteront à rejeter celle qui a été consacrée par l'usage :

« [TRADUCTION]  Si une loi se prête raisonnablement à l'interprétation qui en a été donnée par l'usage, les tribunaux ne s'en écarteront pas ».

La raison de ce principe est évidente : un usage interprétatif fait naître des attentes qui ne peuvent être trompées sans entraîner des préjudices parfois graves. Il faut donc un motif valable pour rejeter un usage interprétatif qui n'est pas contraire au texte.

[Références omises]

[16]       Ici, la preuve a démontré que la Ville de Québec a toujours interprété la notion d’étage dans un bâtiment d’habitation comme nécessitant que celui-ci réponde à certaines normes de sécurité et de finition de façon qu’il puisse être habitable. Pour la Ville de Québec, l'espace qualifié d'« étage » par le juge de première instance ne comporte pas de fenêtre, il n'est pas chauffé, ni fini et on ne peut pas y accéder autrement qu'en utilisant une échelle. Dans cet espace, on voit le jour à travers les « soffites » et la laine minérale. Les appelants ont tout simplement installé un contreplaqué sur le tiers de la surface pour pouvoir y entreposer des objets. Il ne s'agit pas d'un plancher, mais d'un dispositif permettant le rangement d'objets.

[63]        Avec égards, il ne s’agit pas ici de déterminer de quelle façon on doit interpréter la loi habilitante, en l’occurrence l’article 116 LAU. Celui-ci ne souffre d’aucune ambiguïté. Le Règlement CA28 0012 à son alinéa 4 du paragraphe 1 non plus. Pour paraphraser l’arrêt Saint-Aubert, il ne s’agit pas ici d’adopter une interprétation bienveillante de la réglementation municipale ou de la loi, dans la mesure où il pourrait subsister plus d’une interprétation mais plutôt, et uniquement, de déterminer si la réglementation respecte les paramètres de la loi habilitante.

[64]        De plus, le Tribunal ne remet pas en question les enseignements de l’arrêt Cayouette car, à charge de redite, il ne s’agit pas ici de déterminer comment on doit interpréter l’alinéa 4 du paragraphe 1 du Règlement CA28 0012, mais seulement de savoir si la Ville pouvait en édicter la portion qui ne relève pas, prima facie, du texte de l’article 116 LAU.

[65]        En droit municipal, il existe un principe bien établi qui veut que l’application d’un règlement dépende nécessairement et primordialement de sa validité. En ces termes et à ce sujet, la Cour suprême dans City of Outremont v. Protestant School Trustees[35] enseigne :

En matière de législation, les corporations municipales n’ont de pouvoirs que ceux qui leur ont été formellement délégués par la Législature, et ces pouvoirs, elles ne peuvent ni les étendre, ni les excéder.[36]

[66]        Cet arrêt de la Cour suprême reprend un principe déjà énoncé en 1936 dans la décision Phaneuf c. La Corporation du Village de St-Hughes[37]. Plus récemment, l’arrêt Immeubles Port Louis Ltée[38] réitère ces enseignements.

[67]        De plus, la Cour d’appel dans La Municipalité de Frelighsburg c. Entreprises Sibeca Inc.[39] rappelle que le fait qu’une loi ou un règlement de zonage tend à stériliser une partie du droit de propriété ou son exercice, même de façon draconienne n’en devient pas abusif ou inopposable pour autant.[40]

[68]        Le Tribunal doit donc conclure que les mots « ou à une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du présent règlement » contenus à l’alinéa 4 de l’article 1 du Règlement CA28 0012 s’avèrent ultra vires des pouvoirs de la Ville et qu’il doit donc en conséquence les déclarer nuls pour cette raison.

[69]        Les demandeurs plaident aussi l’imprécision de cette réglementation en s’appuyant sur l’arrêt Arcade Amusements Inc. c. Montréal[41] :

Les arrêts et les auteurs s'accordent presque tous, mais non pas tous, pour tenir qu'un règlement municipal peut être annulé pour cause d'imprécision, mais il faut d'abord s'entendre sur le genre ou le degré d'imprécision nécessaire; ainsi M. P. A. Côté, dans un article intitulé «Le règlement municipal indéterminé» (1973), 33 R. du B. 474, résume la question en disant (à la p. 482):

Tous les juges ne sont pas d'accord pour sanctionner de nullité l'imprécision qui peut se glisser dans la rédaction d'un règlement. En effet, toute imprécision de rédaction ne peut pas avoir l'effet de rendre nul un règlement si tel était le cas, nous connaissons peu de règlements dont la validité serait à l'abri de tout soupçon. Il faut, selon la jurisprudence, que cette imprécision soit telle qu'un effort raisonnable d'interprétation n'arrive pas à déterminer l'intention du Conseil: …

Quant à MM. Pépin et Ouellette, dans la seconde édition de leur livre Principes de contentieux administratif (1982), ils écrivent (à la p. 126):

Somme toute, il faut que l'imprécision atteigne un degré tel de gravité que le juge en vienne à la conclusion qu'un homme raisonnablement intelligent, suffisamment informé compte tenu le cas échéant du caractère technique du règlement, est dans l'impossibilité de déterminer le sens du règlement et de régler en conséquence sa conduite.

[70]        Pour eux, le dernier volet de cette disposition règlementaire apparaît imprécis au point de la rendre invalide, car une personne raisonnablement intelligente ne saurait comment régler sa conduite à l’égard de cette disposition.

[71]        Ils plaident que le décideur peut considérer n’importe quelle voie de circulation comme une « rue privée » et ainsi justifier l’émission d’un permis de construction, ou au contraire lui permettre d’en refuser l’émission, sans se trouver en présence d’une norme objective lui permettant d’affirmer qu’il se trouve en présence ou non d’une rue privée.

[72]        Selon eux, le règlement devient ainsi arbitraire et attributif de discrétion parce que, sans une définition claire, le pouvoir de décider si une rue ou un sentier constitue une « rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du présent règlement », au sens du 4e alinéa du paragraphe 1 du Règlement CA28 0012, appartient entièrement au fonctionnaire municipal responsable de l’émission des permis.

[73]        L’interprétation de l’arrondissement depuis l’adoption de cette disposition du Règlement CA28 0012 veut qu’elle considère « existante » une rue cadastrée, peu importe l’aménagement exact du terrain[42].

[74]        La Ville soumet que la question de savoir si le règlement doit prévoir qu’on peut construire un bâtiment principal sur un terrain en bordure d’une rue publique, d’une rue privée ou publique conforme au règlement de lotissement ou en bordure de toute rue demeure une question d’opportunité qui appartient au conseil d’arrondissement.

[75]        Elle s’appuie sur l’arrêt Catalyst Paper Corporation c. Corporation of the District of North Cowichan[43] où on lit :

[19] Il ressort de la jurisprudence que la révision des règlements municipaux doit refléter le large pouvoir discrétionnaire que les législateurs provinciaux ont traditionnellement conféré aux municipalités en matière de législation déléguée.  Les conseillers municipaux qui adoptent des règlements accomplissent une tâche qui a des répercussions sur l’ensemble de leur collectivité et qui est de nature législative plutôt qu’adjudicative.  Les règlements municipaux ne sont pas des décisions quasi judiciaires.  Ils font plutôt intervenir toute une gamme de considérations non juridiques, notamment sur les plans social, économique et politique.  Comme l’a dit le juge LeBel au nom de la majorité dans Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), 2000 CSC 64, [2000] 2 R.C.S. 919, par. 33, « [l]es administrations municipales forment des institutions démocratiques. »  Dans ce contexte, la norme de la décision raisonnable signifie que les tribunaux doivent respecter le devoir qui incombe aux représentants élus de servir leurs concitoyens, qui les ont élus et devant qui ils sont ultimement responsables.

[24] Il est donc clair que les tribunaux appelés à réviser le caractère raisonnable de règlements municipaux doivent le faire au regard de la grande variété de facteurs dont les conseillers municipaux élus peuvent légitimement tenir compte lorsqu’ils adoptent des règlements.  Le critère applicable est le suivant : le règlement ne sera annulé que s’il s’agit d’un règlement qui n’aurait pu être adopté par un organisme raisonnable tenant compte de ces facteurs.  Le fait qu’il faille faire preuve d’une grande retenue envers les conseils municipaux ne signifie pas qu’ils ont carte blanche.

[25] La norme de la décision raisonnable restreint les conseils municipaux en ce sens que la teneur de leurs règlements doit être conforme à la raison d’être du régime mis sur pied par la législature.  L’éventail des issues raisonnables est donc circonscrit par la portée du schème législatif qui confère à la municipalité le pouvoir de prendre des règlements. 

[30] Contrairement à ce que prétend Catalyst, les municipalités n’ont pas non plus à justifier formellement leurs règlements.  Rappelons que les conseils municipaux disposent d’une grande latitude quant aux facteurs à prendre en compte dans l’adoption de leurs règlements.  En effet, ils peuvent prendre en considération non seulement des facteurs objectifs directement liés à la consommation de services, mais aussi des facteurs plus généraux d’ordre social, économique et politique qui touchent l’électorat. 

[76]        Quant à l’argument des demandeurs relatif à l’illégalité du 4e alinéa du paragraphe 1 du Règlement CA28 0012, parce qu’attributif de discrétion en ce qu’il permet l’émission de permis de construction lorsque le terrain concerné se trouve adjacent à n’importe quelle voie de circulation ou allée privée existante lors de son entrée en vigueur; sans que cette voie corresponde à des caractéristiques minimales pour être reconnue comme une voie privée, la Ville affirme que l’arrondissement émet, de façon régulière, des permis de construction pour de nouveaux bâtiments principaux sur des terrains situés en bordure de rues privées existantes non conformes au règlement de lotissement en vigueur.

[77]        De plus, la Ville soumet que la réglementation et l’interprétation qu’en fait l’arrondissement apparaissent claires, car il n’existe aucune discrétion : lorsqu’on cadastre une rue, elle devient existante.

[78]        À l’égard de la notion discrétion, il convient de rappeler que pour qu’une norme réglementaire en devienne porteuse, il suffit de déterminer si le résultat ne varie pas en fonction de la spécificité des cas qu’on lui soumet. Ainsi, une norme ne contiendra pas un aspect discrétionnaire si, en présence de substrats factuels différents, on arrive au même résultat, dans la mesure où on respecte les conditions édictées par la norme en question.

[79]        Pour engendrer la nullité d’une disposition réglementaire pour les motifs d’imprévision, son caractère imprécis doit empêcher une personne raisonnable d’en déterminer le sens afin qu’elle puisse ajuster sa conduite en conséquence. En l’espèce, la détermination de ce qui constitue « une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du présent règlement » ne comporte pas plus d’ambiguïté que celle de déterminer si on se trouve « adjacent à une rue publique ou à une rue privée conforme aux exigences du règlement de lotissement », comme le prévoit l’article 116, al. 4° LAU.

[80]        Certes, l’administré doit référer à d’autres documents, probablement des plans cadastraux, pour déterminer la situation juridique devant laquelle il se trouve, cela peut s’avérer complexe, mais cela n’en devient pas imprécis pour autant.[44] À l’instar de l’affaire Ville de Rivière-Rouge c. Laflamme[45], on se retrouve ici en présence de la nécessité de déterminer un fait, le caractère « adjacent à une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du présent règlement », qui de par sa nature, ne peut se déterminer qu’au cas par cas. La norme se trouve préétablie et ne variera pas, seule la situation géographique du terrain permet d’apprécier si on se trouve à l’intérieur ou non de ce paramètre bien défini.

[81]        Comme autre argument quant à l’illégalité du permis de construction, les demandeurs ajoutent que l’absence de rue conforme pose un risque pour la sécurité du voisinage puisque, prétendument, le chemin d’accès ne permet pas le passage adéquat des véhicules d’urgence.

[82]        À ce sujet, ils s’appuient sur le Règlement de la Ville de Montréal numéro 11-018 sur la construction et la transformation des bâtiments qui prévoit spécifiquement, à son article 5, que les dispositions du Code national du bâtiment - Canada 2005 (« CNB ») s’appliquent à tous les bâtiments sur le territoire de la Ville.

[83]        Leur raisonnement veut que l’article 9.10.20.3 CNB prévoit spécifiquement qu’un bâtiment doit ouvrir sur une rue ou une voie permettant l’accès au matériel de lutte contre les incendies :

Article 9.10.20.3. Accès pour le matériel de lutte contre l’incendie

Paragraphe 1) Tout bâtiment doit ouvrir sur une rue, une voie privée ou une cour permettant l’accès au matériel de lutte contre l’incendie (voir les notes A-3.2.5.6 1) et A-9.10.19.3 1));

Paragraphe 2) La conception et l’emplacement d’une voie ou d’une cour servant d’accès au bâtiment, comme l’exige le paragraphe 1), doit tenir compte des raccordements avec les voies de circulation publiques, du poids du matériel de lutte contre l’incendie, de la largeur de la voie privée, du rayon des courbes, de la hauteur libre, de l’emplacement des bornes d’incendie, des raccords-pompiers et de l’espace disponible pour le stationnement des véhicules.

[84]        Également, l’article 11 du Règlement de la Ville de Montréal numéro 11-018 sur la construction et la transformation de bâtiments assujetti les rues et les voies privées permettant l’accès au matériel de lutte contre les incendies d’un bâtiment régit par la partie 9 de la division B du CNB aux exigences des paragraphes 2, 3 et 4 de l’article 3.2.5.5 de la division B du CNB.

[85]        Pour eux, le paragraphe 2 b) de l’article 3.2.5.5 de la partie B du CNB exige que la distance entre l’auto-pompe du service d’incendie et la borne d’incendie se trouve à au plus 90 mètres, et le paragraphe 2c) exige que la distance entre l’auto-pompe et le bâtiment se situe à au plus 45 mètres.

[86]        Ils postulent que le plan particulier d’alimentation en eau de la Ville[46] évalue à son article 2.5 la distance entre l’alimentation en eau et le bâtiment à environ 1 400 pieds, donc environ 425 mètres.

[87]        Ils ajoutent que l’article 3.2.5.6 de la partie B du CNB vient préciser les normes de conception des voies d’accès prévues à l’article 3.2.5.5 et indique, à son paragraphe 1c), qu’une voie d’accès pour le matériel de lutte contre l’incendie, s’il s’agit d’une impasse, doit faire au plus 90 mètres, alors qu’elle mesure plus de 150 mètres dans le cas présent.

[88]        Quant à la prétention des demandeurs que l’« assiette » de la rue devrait minimalement s’établir à une largeur de 15 mètres conformément aux dispositions du Règlement de lotissement[47], la Ville soumet que les normes de lotissement édictent des normes pour la subdivision de terrain à une fin précise et que le règlement de lotissement n’édicte pas des normes de construction des rues.

[89]        À ce sujet, elle réfère à l’article 115 de la LAU qui permet à la Ville d’adopter un règlement de lotissement :

115. Le conseil d’une municipalité peut adopter un règlement de lotissement pour l’ensemble ou partie de son territoire.

Ce règlement de lotissement peut contenir des dispositions sur un ou plusieurs des objets suivants:

[…]

2°  prescrire, selon la topographie des lieux et l’usage auquel elles sont destinées, la manière dont les rues et ruelles, publiques ou privées, doivent être tracées, la distance à conserver entre elles et leur largeur;

[…]

5°  prohiber toute opération cadastrale ou une catégorie d’opérations cadastrales relatives aux rues, ruelles, sentiers de piétons ou places publiques et à leur emplacement qui ne concorde pas avec les normes de dimension prévues au règlement de lotissement et le tracé projeté des voies de circulation prévues au plan d’urbanisme, et obliger les propriétaires des rues, ruelles et sentiers de piétons prévus à indiquer de la manière stipulée par le conseil, leur caractère de voies privées;

6°  obliger le propriétaire de tout terrain à soumettre au préalable à l’approbation d’un officier désigné à cette fin tout plan d’une opération cadastrale, que ce plan prévoie ou non des rues;

[90]        En ce qui se rapporte au caractère illégal de cet alinéa du Règlement CA28 0012, puisqu’il permet le projet de construction qui ferait courir un risque important en cas d’incendie, la Ville soumet que le témoignage de l’inspecteur Proulx de l’arrondissement montre qu’il n’existe pas de danger en cas d’incendie car le service des incendies peut se rendre à chacune des propriétés.

[91]        La Ville indique que la rue, en l’occurrence, le lot 4 589 604, anciennement le lot 1-12, possède une largeur de 15,02 mètres, un rayon de virage du cul-de-sac de 16 mètres et une longueur du cul-de-sac de 110 mètres environ[48]. Cette rue privée existe depuis le dépôt de plan de cadastre daté du 7 juin 1989[49], entériné par la résolution 89-75 du conseil municipal, et le certificat de conformité émis le 23 mars 1989 par la Communauté urbaine de Montréal en vertu du Règlement de contrôle intérimaire de l’aménagement du territoire no 65.

[92]        Elle note que le Règlement de lotissement 127[50], en vigueur au moment du lotissement de la rue et des terrains de Celik et Poitras, exige à son article 3.5.1 une largeur minimale de 66 pieds, un rayon de virage minimal du cul-de-sac de 110 pieds en vertu de l’article 3.10.1 et une longueur maximale du cul-de-sac de 350 pieds selon l’article 3.10.2.

[93]        En 1989, le conseil autorise le cadastre de la rue[51] mais il existe certaines non-conformités. Le conseil possédait la compétence d’approuver le plan de cadastre en vertu des articles 2.2.4.1 et 2.3.1 du Règlement 127[52].

[94]        La Ville ajoute que le Règlement de lotissement 320[53], adopté en 1990, exige une largeur minimale de 15 mètres : (art. 3.2.3), un rayon de virage minimum du cul-de-sac de 15 mètres (art. 3.2.6) et une longueur maximale du cul-de-sac de 150 mètres (art. 3.2.6), des conditions toutes respectées. Ainsi, selon elle, avec l’adoption de ce règlement de lotissement, les non-conformités relatives à la largeur et au rayon de virage de la rue cadastrée en 1989 deviennent conformes.

[95]        Elle spécifie que le Règlement de lotissement CA28 0024[54] adopté en 2010 et toujours en vigueur à ce jour exige une largeur minimale de 15 mètres (art. 23), un rayon minimal de virage du cul-de-sac de 18 mètres (art. 24) et une longueur maximale du cul-de-sac de 150 mètres  (art. 24). Ainsi, la rue ne respecte pas cette deuxième condition aux termes de ce nouveau règlement.

[96]        Fait à noter, il n’existe pas de règlement régissant les normes de construction des rues sur le territoire de L’Île-Bizard à tout moment pertinent à notre affaire. Donc, pour la Ville, il ne s’agit pas de respecter des normes de construction tel que par exemple celle concernant le compactage de l’assiette de la rue ou celle régissant la largeur de la chaussée carrossable. Elle soutient que la rue « existe » puisqu’un cadastre la montre et parce qu’un chemin donne accès aux terrains.

[97]        Le Tribunal conclut que le Règlement de lotissement 320, adopté en 1990, fait en sorte de rendre le chemin conforme à la réglementation et qu’il possède des droits acquis à cet égard.

[98]        Les demandeurs soutiennent que, dès la présentation de la demande de permis, le projet résidentiel de Poitras prévoyait la construction d’un très grand bâtiment qui détonnait avec son environnement puisqu’il prendrait assise sur toute la largeur du lot en comportant deux étages. Pour eux, la construction complétée permet de constater, sans équivoque, le caractère incongru du projet par rapport à son environnement.

[99]        Ils plaident que la décision contenue à la résolution CA13 28 0091 du Conseil d’arrondissement de L’Île-Bizard-Sainte-Geneviève du 2 avril 2013 d’accepter la demande de PIIA constitue une décision déraisonnable qui rend le permis de construction no 3000330490-13 nul.

[100]     Pour eux, comme le projet envisagé se situe dans un secteur de valeur exceptionnelle[55], il détonne avec l’environnement de la Pointe Monk de L’Île-Bizard, du fait qu’il se situe plus près des bâtiments voisins et que sa surélévation lui donne une vue directe qui affecte le caractère privé des résidences voisines et qu’il se situe sur un terrain moins boisé que les propriétés avoisinantes.

[101]     Ils ajoutent que ces incongruités démontrent que le conseil municipal omet de tenir compte de l’article 14 (1) du Règlement CA28 0015 qui prévoit :

14. Les travaux assujettis au présent règlement relativement à un bâtiment principal doivent satisfaire les objectifs suivants :

1°         assurer une certaine homogénéité dans le style architectural des secteurs;

[102]     De même, le conseil municipal évacue de son analyse l’article 15 (3) du Règlement CA28 0015 qui énonce :

15. Les travaux assujettis au présent règlement relativement à un bâtiment principal doivent satisfaire les critères suivants :

[…]

3°  assurer une harmonisation des volumes, du style, des détails architecturaux et des pentes de toit de bâtiments principaux du secteur, de manière à favoriser une transition douce et non apparente entre eux;

et les dispositions spécifiques aux secteurs de valeur exceptionnelle, tel que l’article 18 (4) du Règlement CA28 0015 qui édicte :

18. Les travaux assujettis au présent règlement relativement aux immeubles situés dans les secteurs de valeur exceptionnelle, aux monuments historiques cités ainsi qu’aux bâtiments d’intérêt patrimonial doivent satisfaire les objectifs suivants :

[…]

4°  minimiser les impacts visuels pouvant nuire à l’ensemble de l’immeuble         ou du secteur, le cas échéant;

[…]

[103]     Pour eux, le projet de Poitras ne fait l’objet d’aucune mesure destinée à assurer son intégration harmonieuse dans le voisinage puisque tout le secteur se compose de résidences espacées les unes des autres, dans un environnement fortement boisé et que la résidence de Poitras, d’apparence massive, résulte d’un déboisement important qui lui enlève le caractère intime que l’on retrouve sur les autres propriétés avoisinantes.

[104]     Ils soumettent que le témoignage de l’inspecteur Proulx permet de constater que les membres du CCU qui formulent la recommandation au conseil d’arrondissement d’approuver le projet, ignorent plusieurs informations importantes, notamment :

·        l’ampleur du remblai requis pour finaliser le projet;

·        que les plans soumis ne permettent pas de voir l’élévation de l’immeuble par rapport aux immeubles voisins;

·        que la rue dessinée sur le plan de cadastre ne correspond pas à la voie d’accès qui existe réellement;

·        que les plans et illustrations ne comprennent aucune mention des résidences voisines ou de celles du secteur, ce qui empêche de considérer l’intégration architecturale du bâtiment dans la zone concernée.

[105]     Les demandeurs allèguent que le permis de construction de la résidence fait l’objet d’une autorisation déraisonnable des PIIA[56], puisque le bâtiment jure avec son environnement aux termes du Règlement sur les plans d’implantation et d’intégration architecturale CA28 0015[57].

[106]     La Ville répond que le règlement sur les PIIA prévoit des normes subjectives visant à atteindre un meilleur résultat au niveau architectural alors que le règlement de zonage prévoit des normes objectives strictes.

[107]     Elle plaide qu’il faut examiner ce que le conseil veut assujettir aux PIIA : dans notre cas, il s’agit du bâtiment principal et l’examen a ses limites tel que définit dans le règlement sur le PIIA notamment par les documents requis du propriétaire, en l’occurrence :

·        Par le règlement CA29 0015 :

(a)  documents requis du propriétaire :

(i)    Selon l’article 3 :

3. En plus des documents et des informations requis en vertu du Règlement sur la construction et la transformation de bâtiments applicable au territoire de l’arrondissement de L’Île-Bizard-Sainte-Geneviève et du Règlement sur les permis et certificats pour l’ensemble du territoire de l’arrondissement de L’Île-Bizard-Sainte-Geneviève, toute demande de permis ou de certificat assujettie au présent règlement doit comprendre :

1°         pour la construction, la reconstruction ou l’agrandissement, ainsi que pour la transformation, la modification ou le remplacement d’un élément extérieur d’un bâtiment :

            a) des plans, des dessins, des photographies et, s’il y a lieu, des photomontages ou des perspectives illustrant le bâtiment concerné et sa relation avec les constructions situées sur le même immeuble et sur les immeubles voisins, ainsi qu’avec l’environnement du secteur;

            b) des échantillons des matériaux de revêtement et de finition extérieure, accompagnés de leur description;

(…)

3°         dans le cas des immeubles situés dans les secteurs de valeur exceptionnelle et en bordure du parcours riverain et de sa voie connexe, des immeubles des monuments historiques cités et des bâtiments d’intérêt patrimonial situés à l’extérieur des secteurs de valeur exceptionnelle, pour la construction, la reconstruction ou l’agrandissement augmentant la superficie d’implantation au sol d’un bâtiment, ainsi que pour les travaux de construction, d’installation ou de modification d’une clôture, d’un muret ou d’un portail d’entrée :

            a) la localisation de toute clôture, muret ou portail d’intérêt patrimonial, ainsi que l’identification de ses caractéristiques;

            b) la localisation de tout massif ou alignement d’arbres d’intérêt patrimonial, ainsi que l’identification de ses caractéristiques;

(ii)  Selon l’article 34 iii) du Règlement 11-018, on exige le niveau géodésique du terrain existant et celui projeté ainsi que celui du plancher du rez-de-chaussée.

[108]     La Ville mentionne que le terrain loti avant l’entrée en vigueur du Règlement de lotissement CA28 0024[58] se trouve conforme à la réglementation applicable avant l’entrée en vigueur de ce règlement, en l’occurrence, le Règlement de lotissement 127[59] et il respecte les dispositions du premier qui édicte, à son article 20, les dimensions minimales d’un terrain en bordure d’un cours d’eau.

[109]     Quant au Règlement de zonage CA28 0023[60], il édicte des normes relatives :

·        aux fondations apparentes : maximum 1 mètre art. 76;

·        aux remblais et déblais : art. 187 à 192 et art. 3 par. 13° du Règlement sur les permis et certificats CA28 0011[61];

·        à la coupe d’arbres art. 211 à 214;

·        aux travaux dans la rive et les plaines inondables : clôture autorisée, certaines coupes d’arbre autorisées art. 427, 428 par. 3° et 6° a) d), 431, 432 par. 7° et 433.

[110]     À ce sujet, le plan d’implantation[62] indique qu’on projette le niveau géodésique du terrassement autour de la maison et du plancher du garage à 27,22 m et le certificat de localisation[63] qui indique le niveau géodésique de 27,23 m pour le terrain aménagé et le niveau géodésique de 27,45 m pour le plancher du garage construit, alors que le niveau géodésique du sol existant se situe à 26,92 m. Notons qu’aucune disposition n’exige la production du niveau géodésique des terrains voisins.

[111]     Comme les travaux se trouvent assujettis à un PIIA parce que le bâtiment principal s’y trouve assujetti, le projet doit rencontrer les critères et objectifs applicables prévus aux articles 14, 15, 18, 19, 31 et 32 :

14.  Les travaux assujettis au présent règlement relativement à un bâtiment principal doivent satisfaire les objectifs suivants :

                         1°  assurer une certaine homogénéité dans le style architectural des secteurs;

            2°  favoriser la construction de bâtiments de qualité par leur architecture;

            3°  préserver le caractère de la rue et mettre en valeur les lots de coin;

            4°  minimiser l’impact de la présence d’équipements et d’activités pouvant être source de nuisances.

15.  Les travaux assujettis au présent règlement relativement à un bâtiment principal doivent satisfaire les critères suivants :

            1°  favoriser une implantation du bâtiment centrée sur le terrain, perpendiculairement à la rue, en alignement avec les bâtiments principaux voisins, tout en respectant la configuration des rues et en maximisant l’ensoleillement, sauf dans les secteurs de valeur exceptionnelle;

            2°  pour les lots de coin, favoriser une implantation du bâtiment mettant en valeur l’intersection;

            3°  assurer une harmonisation des volumes, du style, des détails architecturaux et des pentes de toit des bâtiments principaux du secteur, de manière à favoriser une transition douce et non apparente entre eux;

            4°  privilégier des teintes de matériaux de revêtement extérieur sobres s’harmonisant à l’ensemble du secteur;

            5°  dans le cas d’un bâtiment d’un seul étage, assurer un gabarit et une hauteur faisant en sorte de minimiser l’impact visuel d’un bâtiment comportant un seul étage, dans un environnement comportant une majorité de bâtiments de deux étages, de manière à s’y intégrer harmonieusement;

            6°  incorporer tout garage attaché à l’architecture du bâtiment principal;

            7°  favoriser un traitement des façades reflétant la fonction du bâtiment, tout en s’harmonisant avec les caractéristiques du tissu urbain environnant;

            8°  assurer une intégration de tout équipement hors-toit, quai et aire de chargement, aire à rebuts et d’entreposage à l’architecture du bâtiment et au site de manière à minimiser leur impact;

            9°  éviter l’aménagement d’aires de stationnement dans la cour avant du bâtiment;

            10° pour les commerces de moyennes ou de grande surface :

a)    assurer que l’entrée principale de chaque commerce soit située face à une rue ou en être visible;

b)    assurer la présence d’ouvertures en façade principale du bâtiment, contribuant à l’animation de la rue et à la qualité de l’ensemble commercial;

c)    assurer des cheminements piétonniers en nombre suffisant, sécuritaires et attrayants depuis la rue jusqu’à l’entrée du bâtiment et à travers les aires de stationnement;

d)    assurer la présence d’aménagements paysagers en bordure d’immeubles résidentiels;

(…)

18.  Les travaux assujettis au présent règlement relativement aux immeubles situés dans les secteurs de valeur exceptionnelle, aux monuments historiques cités ainsi qu’aux bâtiments d’intérêt patrimonial doivent satisfaire les objectifs suivants :

            1° favoriser une approche de restauration plutôt que de rénovation, notamment en veillant à la conservation des caractéristiques dominantes architecturales et patrimoniales de l’ensemble du territoire;

            2° maintenir le caractère original, historique et distinctif des bâtiments et des secteurs présentant un intérêt patrimonial ou architectural;

            3° assurer l’insertion et l’intégration harmonieuse de toute nouvelle construction, ajout ou modification dans le respect de l’architecture du bâtiment et du cadre existant;

            4° minimiser les impacts visuels pouvant nuire à l’ensemble de l’immeuble ou du secteur, le cas échéant;

            5° favoriser l’amélioration des bâtiments ne présentant pas un intérêt architectural ou patrimonial particulier en s’inspirant des rapports volumétriques et des principaux éléments de composition des bâtiments d’intérêt du secteur.

19.  Les travaux assujettis au présent règlement relativement à un bâtiment principal des immeubles situés dans les secteurs de valeur exceptionnelle, des monuments historiques cités et des bâtiments d’intérêt patrimonial doivent satisfaire les critères suivants :

                         1°  favoriser l’alignement original du bâtiment principal concerné et des bâtiments principaux existants sur les terrains adjacents;

                         2°  respecter le volume, le style, ainsi que la forme et la pente de toit d’origine du bâtiment concerné et des bâtiments principaux du secteur s’apparentant au gabarit moyen des constructions traditionnelles villageoises du secteur;

            3°  présenter des ouvertures ayant une forme et des proportions similaires à celles du bâtiment concerné et des bâtiments principaux du secteur et respectant le caractère architectural d’origine;

            4°  présenter des matériaux et des détails architecturaux compatibles, d’une qualité équivalente ou supérieure à celle du bâtiment concerné ou des bâtiments principaux du secteur et respectant le caractère architectural d’origine, en privilégiant les parements de pierre, de brique ou de bois;

            5°  favoriser les interventions visant à conserver ou à redonner au bâtiment son apparence d’origine et contribuant à le mettre en valeur;

            6°  assurer la conservation de tout élément décoratif faisant partie de l’architecture du bâtiment ou son remplacement par un élément similaire;

            7°  éviter le rehaussement du bâtiment ou l’ajout d’un étage supplémentaire, sauf si cela contribue à lui redonner son apparence d’origine;

            8°  assurer une intégration des éléments en saillie, tels que perron, balcon, galerie, escalier extérieur, à l’architecture du bâtiment;

            9°  éviter de mettre en évidence les accès, les rampes ou tout autre élément similaire en façade du bâtiment;

            10° assurer la préservation de la visibilité du bâtiment principal;

            11° prendre en considération les effets sur les propriétés voisines de manière à préserver ou mettre en valeur le caractère d’ensemble du secteur;

            12°favoriser la préservation et l’intégration de toute clôture, muret ou portail, ainsi que de tout massif ou alignement d’arbres d’intérêt patrimonial.

(…)

31.  Les travaux assujettis au présent règlement relativement aux immeubles suivants dans un bois non compris dans le corridor écoforestier de l’Île-Bizard doivent satisfaire les objectifs suivants :

                         1°  préserver la biodiversité floristique et faunique, ainsi que l’intégrité des divers milieux naturels;

2°  favoriser la protection des espaces forestiers constitués des 3 strates végétales, soit herbacée, arbustive et arborescente;

3°  favoriser la consolidation et la viabilité des écosystèmes.

32.  Les travaux assujettis au présent règlement relativement à un bâtiment principal ou à un bâtiment accessoire situé dans un bois non compris dans le corridor écoforestier de l’Île-Bizard doivent satisfaire les critères suivants :

                         1°  maximiser la conservation des arbres présentant un grand intérêt sur le plan écologique ou esthétique;

            2°  intégrer la construction au bois en mettant ses caractéristiques en valeur.[64]

[112]     Rappelons que le CCU étudie la demande de PIIA et formule une recommandation au conseil d’arrondissement qui décide d’approuver ou de refuser la demande de PIIA[65] et qu’uniquement la construction du bâtiment principal fait l’objet de la demande de PIIA et non les projets connexes présentés par la suite, tels que la piscine, le terrain de tennis, la coupe d’arbres et les remblais.

[113]     Pour la Ville, une autorisation de PIIA constitue une approbation discrétionnaire et il n’existe aucune preuve d’expert au dossier visant à contester le bien-fondé de cette autorisation.

[114]     D’ailleurs, dans le cadre de la preuve administrée à ce sujet, la Ville de Montréal demande au Tribunal d’accueillir son objection relative au témoignage du témoin expert Sylvain Leroux sur le sujet de la qualité architecturale de la résidence de M. Poitras parce que :

·        Leroux ne fait part d’aucune expérience dans le domaine de l’architecture;

·        Leroux affirme ne posséder aucune formation en architecture ou en urbanisme;

·        Le Tribunal reconnaît Leroux uniquement comme expert en normes de bâtiment et réglementation municipale liée au Code national du bâtiment.

[115]     Elle conclut que le Tribunal ne peut tenir compte du témoignage de M. Leroux et de tous commentaires contenus dans son rapport[66] relativement au respect des objectifs et critères prévus dans le Règlement sur les PIIA (Pièce VM-5).

[116]     Le Tribunal rejette l’objection parce que le respect du PIIA par Poitras participe, dans une certaine mesure, à une qualification de l’impact des possibles violations à la réglementation municipale ce pour quoi le Tribunal le reconnaît expert. À l’évidence cependant, toute opinion de Leroux concernant l’architecture ou l’urbanisme entendue dans son sens premier, comporte peu de force probante, vu sa qualification à titre d’expert, sa formation et son expérience.

[117]     La Ville plaide que comme l’approbation de PIIA relève de la compétence du conseil d’arrondissement et constitue une approbation discrétionnaire basée sur certains objectifs et critères nécessitant un jugement de valeur, le Tribunal ne peut intervenir dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire sauf en présence d’une preuve de fraude, de mauvaise foi, d’abus de pouvoir ou de l’exercice d’un pouvoir dans un but incorrect tel que l’enseigne l’arrêt Al-Musawi c. Westmount (Ville de)[67] :

[71]       La juge rappelle la nature discrétionnaire du pouvoir exercé par la Ville lorsqu'elle évalue la conformité d'un projet au règlement PIIA. Cela étant, il lui faut faire preuve de déférence à l'égard de la Ville et de son CCU, d'où la norme d'examen de la décision raisonnable.

[…]

[76]       Le CCU et le Conseil ont exercé un pouvoir discrétionnaire.

[77]       Dans Papin-Shein c. Cytrynbaum, mon collègue le juge Paul Vézina écrit :

La Juge énonce le rôle de la Cour supérieure eu égard à un règlement sur les Piia pour la Ville et son Comité :

[29]             Le pouvoir exercé par la municipalité lorsqu'elle évalue la conformité d'un projet avec le Règlement sur les PIIA est un pouvoir discrétionnaire.

[30]             Comme l'a écrit Me Jean-Pierre St-Amour[*] :

«En somme, le législateur a accordé avec les plans d'implantation et d'intégration architecturale un pouvoir discrétionnaire, mais un pouvoir discrétionnaire encadré, afin de permettre à l'autorité constituée, le conseil municipal, d'apprécier non pas l'opportunité des projets mais la qualité de leur insertion dans le milieu.»

[* J.P. St-Amour, M.A. Lechasseur, Les plans d’implantation et d’intégration architecturale, [1994] B.D.M., 74]

[31]             La Cour suprême du Canada souligne la prudence avec laquelle les tribunaux doivent aborder leur pouvoir d'intervention dans des décisions discrétionnaires.

[32]             Dans Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 817, 853 :

« Le droit administratif a traditionnellement abordé le contrôle judiciaire des décisions discrétionnaires séparément des décisions sur l'interprétation de règles de droit. Le principe est qu'on ne peut exercer un contrôle judiciaire sur les décisions discrétionnaires que pour des motifs limités, comme la mauvaise foi des décideurs, l'exercice du pouvoir discrétionnaire dans un but incorrect et l'utilisation de considérations non pertinentes […] Ces principes reconnaissent que lorsque le législateur confère par voie législative des choix étendus aux organismes administratifs, son intention est d'indiquer que les tribunaux ne devraient pas intervenir à la légère dans de telles décisions, et devraient accorder une marge considérable de respect aux décideurs lorsqu'ils révisent la façon dont les décideurs ont exercé leur discrétion. » […]

[soulignements ajoutés par la Juge]

[33]             Dans Accoca c. Montréal (Ville de), J.E. 2002-1255 (C.A.), la Cour d'appel a déclaré qu'en l'absence d'une preuve de fraude, mauvaise foi, abus de pouvoir ou exercice d'un pouvoir dans un but incorrect, le Tribunal n'a pas à substituer son opinion à celle du conseil municipal.

Je suis d’avis que la Juge s’est bien dirigée en droit.

[118]     Certes, il peut apparaître incongru que le CCU fasse des recommandations au conseil municipal sans disposer de données claires et précises quant à l’élévation finale du bâtiment par rapport à la fois au terrain voisin et, probablement de façon plus importante, aux résidences adjacentes. En effet, une visite des lieux, telle qu’effectuée par le Tribunal en octobre 2016, permet de constater que la résidence de Poitras semble s’asseoir sur un piédestal par rapport aux autres, ce qui laisse subsister une drôle d’impression. Cela pose assurément la question de l’étendue du remblayage effectué pour en arriver à un tel résultat, mais il appert que la réglementation de la Ville permet d’obtenir une autorisation pour un remblai de plus de 30 centimètres.

[119]     Également, l’exigence de la Ville voulant que la résidence de Poitras se situe dans la même ligne que celles de ses voisins exacerbe cette situation. Le Tribunal note que la Ville possède une discrétion à cet égard. Possiblement que si la construction se trouvait en retrait des deux autres, l’animosité des voisins envers le projet se manifesterait de façon moins absolue.

[120]     À tout événement, le Tribunal ne peut combler les lacunes ou les incongruités de la réglementation municipale, si elles existent, ni ne doit-il substituer son appréciation à celle du CCU, à moins de se trouver dans les paramètres qu’expose la jurisprudence. Or, en l’espèce, la preuve ne révèle pas de mauvaise foi, de la fraude, un abus de pouvoir ou l’exercice de celui-ci dans un but incorrect. Ainsi, le Tribunal ne peut conclure que la délivrance du permis de construction de la résidence de Poitras fait l’objet d’une autorisation déraisonnable du PIIA.

[121]     Dans un même ordre d’idée, il ne fait pas de doute que dans la mesure où la Ville accorde un permis de construction pour une résidence, il s’ensuit, vu la nature du terrain, qu’on coupera des arbres et, en la présence d’une piscine, qu’on clôturera le terrain. À ces égards, la délivrance des permis, tout comme pour ceux relatifs à l’installation septique, apparaît conforme à la réglementation municipale applicable et le Tribunal ne constate aucune illégalité.

[122]     Finalement, la preuve ne permet pas de conclure que l’écoulement des eaux, à la fin de la construction, pose problème. Le Tribunal ne remet pas en question le fait que des problèmes existaient pendant la construction, mais il doit adjuger en fonction de l’état de la situation, une fois le projet complété.

[123]     Subsiste donc la question relative à l’application de l’article 227 LAU aux faits de l’espèce.

[124]     Il ne fait aucun doute que les demandeurs font partie des personnes intéressées aux termes de l’article 227 LAU et qu’ils peuvent demander la cessation d’une construction incompatible avec la réglementation d’urbanisme de la municipalité. Cet article prévoit :

227. La Cour supérieure peut, sur demande du procureur général, de l’organisme compétent, de la municipalité ou de tout intéressé, ordonner la cessation:

1°  d’une utilisation du sol ou d’une construction incompatible avec:

a)    un règlement de zonage, de lotissement ou de construction;

[…]

d)  un plan approuvé conformément à l’article 145.19;

[…]

Ordre d’exécution ou de démolition

Elle peut également ordonner, aux frais du propriétaire, l’exécution des travaux requis pour rendre l’utilisation du sol ou la construction conforme à la résolution, à l’entente, au règlement ou au plan visé au paragraphe 1° du premier alinéa ou pour rendre conforme au plan métropolitain applicable, aux objectifs du schéma applicable ou aux dispositions du règlement de contrôle intérimaire applicable l’intervention à l’égard de laquelle s’applique l’article 150 ou, s’il n’existe pas d’autre remède utile, la démolition de la construction ou la remise en état du terrain.

[…]

[125]     Dans l’arrêt Immeubles Jacques Robitaille inc. c. Québec (Ville de)[68], la Haute instance enseigne :

·        qu’on ne peut invoquer la doctrine de la préclusion en droit public pour contester l’application d’une disposition claire et explicite de la loi[69] et qu’on ne peut la soulever comme moyen de défense dans un recours civil concernant une disposition de nature réglementaire explicite faisant état d’un usage dérogatoire[70];

·        qu’on doit écarter toute discrétion lors de la mise en application des règlements municipaux au nom du principe de l’égalité de tous devant la loi[71];

·        qu’une municipalité ne peut consentir à un justiciable le droit d’exercer un usage dérogatoire sur son territoire et le fait pour un préposé ou un élu d’autoriser un usage qui entraîne la violation d’une disposition réglementaire ne peut créer des droits ou écarter les normes réglementaires applicables[72];

·        que le refus du Tribunal d’ordonner la cessation d’un usage dérogatoire ne survient que dans des circonstances exceptionnelles[73].

[126]     À ce dernier égard, elle réfère à l’arrêt Ville de Montréal c. Chapdelaine[74] où la Cour d’appel, unanimement, décide que l’exercice du pouvoir prévu à l’article 227 LAU comporte une certaine discrétion que le Tribunal doit exercer exceptionnellement lorsque les circonstances l’exigent[75]. Notons que l’arrêt Immeubles Jacques Robitaille inc., en écartant la doctrine de la préclusion comme moyen de défense, se trouve à rejeter la prémisse sur laquelle le juge Rochon s’appuyait pour conclure à l’existence d’une telle discrétion. Cependant, cela ne comporte aucune conséquence juridique, vu l’opinion des deux autres juges de la Cour d’appel à l’effet que les tribunaux doivent garder une certaine marge de pouvoir discrétionnaire de façon à pouvoir pallier aux injustices qu’une application stricte, rigoureuse et aveugle de la réglementation pourrait parfois entraîner[76].

[127]     Également, à tout événement, dans la mesure où l’on reconnaît l’existence de cette discrétion, les critères énoncés par le juge Rochon pour l’encadrer demeurent assurément forts utiles.

[128]     Donc, on retient de l’opinion du juge Rochon que :

[52]       Sans élaborer une théorie générale sur le sujet, je retiens que les tribunaux refuseront la demande de la municipalité si nous retrouvons l'ensemble des éléments suivants :

·         Il doit s’agir de circonstances exceptionnelles et rarissimes.

·         L’intérêt de la justice doit commander le rejet du recours.

·         La personne en contravention de la réglementation municipale doit avoir été diligente et de bonne foi.  Elle ne doit pas avoir connu la contravention préalablement.

·         L’effet du maintien de la contravention ne doit pas avoir une conséquence grave pour la zone municipale touchée.

·         Il doit y avoir existence d’un délai déraisonnable (généralement plus de 20 ans) et inexcusable de la part de la municipalité.

·         Il doit y avoir eu un acte positif de la municipalité (émission de permis, perception de taxes).

·         La situation dérogatoire ne doit pas avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique, l’environnement et le bien-être général de la municipalité.

[53]       À mon avis, ces critères doivent être regroupés en trois catégories :

·         Les agissements de la municipalité.

·         Les agissements de la personne en contravention.

·         Les effets du maintien de la situation dérogatoire.

[129]     Dans le même arrêt, le juge Chamberland justifie le rejet du recours en démolition sous l’article 227 LAU ainsi :

Les circonstances de ce dossier sont tout à fait particulières et justifient amplement le rejet exceptionnel du recours de l'appelante, même si la dérogation au règlement de zonage est flagrante et ne peut être qualifiée de mineure ou de peu d'importance:

·         la situation dérogatoire a perduré près de 35 ans avant que la municipalité n'entreprenne une démarche pour y mettre fin;

·         les travaux qui ont mené à la transformation de l'immeuble en immeuble à vocation strictement résidentielle ont été effectués en vertu d'un permis de construction délivré par la municipalité;

·         la municipalité a attribué des numéros civiques à chacun des neuf logements sans soulever quelque problème d'occupation que ce soit;

·         l'immeuble a fait l'objet de plusieurs inspections de la part des employés municipaux au fil des ans sans que le problème d'occupation ne soit jamais soulevé;

·         les intimés ont tenté de corriger la situation en demandant un changement de zonage que le Conseil municipal de la Ville de Pierrefonds a refusé en dépit de la recommandation favorable de son Comité consultatif d'urbanisme;

·         l'immeuble a toujours abrité des logements résidentiels puisque, dès sa construction en 1959, il comportait un logement à l'étage, au-dessus de la salle de quilles et de l'espace commercial, ce qui était alors permis;

·         la dérogation n'a pas d'impact négatif sur l'environnement urbain puisqu'il s'agit d'un immeuble résidentiel à un endroit où sa vocation devrait être commerciale, et non l'inverse;

·         la preuve révèle que l'immeuble n'a fait l'objet d'aucune plainte de la part des voisins.

[130]     Rappelons que la Cour suprême énonçait il y a près d’un siècle dans Montréal (City of) c. Morgan ceci[77] :

Aucune autorité ne pouvait lui conférer de construire en violation des prescriptions de la loi et aucune autorité municipale ne pouvait acquiescer à pareille illégalité. Les actes des officiers municipaux ne sont valides que s’ils sont conformes à la loi.

[131]     En substance, la Cour d’appel réitérait tout récemment les mêmes principes dans Transport de conteneurs Garfield inc. c. Montréal (Ville de)[78] :

[43]       (…) D’ailleurs, une municipalité ne pourrait consentir à ce qu’un justiciable exerce un usage allant à l’encontre de sa propre réglementation. Au surplus, même si un préposé de la municipalité autorisait un usage illégal, cela ne pourrait avoir pour effet de créer des droits.[79]

[132]     Il importe de rappeler ce qu’énonçait la Cour suprême dans Association des propriétaires des Jardins Taché Inc. et al c. Entreprise Dasken Inc. et al[80] :

On ne peut certainement pas soutenir ici que la demande d'injonction n'a pas été faite avec toute la diligence requise. Le dossier fait voir que la mise en demeure a été signifiée le jour même où l'entreprise de Dasken a été annoncée. La poursuite a été intentée quinze jours plus tard. Une injonction interlocutoire a été demandée et, le 19 novembre suivant, les parties ont accepté la suggestion du juge d'entendre simultanément l'action et la requête le 1er décembre.

Dans ces circonstances, l'ampleur de la perte qu'implique l'ordre de démolition dépend largement de la décision du propriétaire de prendre le risque de poursuivre activement les travaux après la mise en demeure, l'institution des procédures et la demande d'injonction. Tout en étant d'accord avec le juge de première instance, j'accorderais cependant pour l'exécution de l'ordre de démolition un délai de six mois au lieu de trois mois.[81]

[133]     De plus, la doctrine opine au même effet[82].

[134]     Comment ces principes s’articulent-ils en l’espèce ?

[135]     Il convient de souligner que les demandeurs agissent avec la plus grande diligence en s’adressant au Tribunal dès le défaut des travaux. On ne peut leur reprocher le fait que celui-ci rejette leur demande d’ordonnance de sauvegarde en août 2013. D’ailleurs, à ce sujet, quelques remarques s’imposent. D’une part, il s’agit là d’un fait d’une importance capitale, le Tribunal rappelle que Poitras déclare alors qu’il comprend la situation et qu’il continuera la construction à ses risques et périls. Il ne s’agit pas là d’une déclaration qui relève d’une fanfaronnade ou d’une personne peu sophistiquée, car Poitras gère un grand bureau d’avocats de Montréal depuis plusieurs années. Cette déclaration emporte des conséquences.

[136]      D’autre part, pour faire obstacle à la demande de sauvegarde, la Ville produit une déclaration assermentée de l’inspecteur Proulx,[83] affirmant que le projet de construction respecte toute la réglementation municipale applicable et ne comporte aucune illégalité, ni ne cause-t-il de problème de sécurité notamment en cas d’incendie ou de nécessité de mesures d’urgence.

[137]     Donc, dans la mesure où le Tribunal constate un vice dans la réglementation municipale ou conclut à une illégalité après une audition exhaustive quant aux positions respectives des parties, il s’ensuit que l’on ne se trouve pas en présence des mêmes paramètres juridiques.

[138]     La Ville plaide qu’elle devait présumer de la validité de l’alinéa 4 du premier paragraphe de l’article 1 du Règlement CA28 0012 au moment de l’émission du permis de construction et qu’elle devait délivrer le permis demandé, le tout conformément à l’article 120 de la LAU qui énonce :

120. Le fonctionnaire désigné en vertu du paragraphe 7° de l’article 119 délivre un permis de construction ou un certificat d’autorisation si:

1°  la demande est conforme aux règlements de zonage et de construction et, le cas échéant, au règlement adopté en vertu de l’article 116 et au règlement adopté en vertu de l’article 145.21;

1.1°  le demandeur a fourni les renseignements requis pour permettre au fonctionnaire de remplir le formulaire prévu à l’article 120.1;

2°  la demande est accompagnée de tous les plans et documents exigés par règlement et, le cas échéant, les plans ont été approuvés conformément à l’article 145.19; et

3°  le tarif pour l’obtention du permis ou du certificat a été payé.

En outre, dans le cas où le terrain visé par la demande de permis de construction est inscrit sur la liste des terrains contaminés constituée par la municipalité en application de l’article 31.68 de la Loi sur la qualité de l’environnement (chapitre Q2) et fait l’objet d’un plan de réhabilitation approuvé par le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs en vertu de la section IV.2.1 du chapitre I de cette loi, le permis ne peut être délivré que si la demande est accompagnée d’une attestation d’un expert visé à l’article 31.65 de la loi précitée établissant que le projet pour lequel le permis est demandé est compatible avec les dispositions du plan de réhabilitation mentionné ci-dessus.

[139]     La Ville plaide que la démolition du bâtiment constitue le recours extrême que le Tribunal n’ordonnera qu’en dernier ressort s’il n’existe pas d’autre remède utile, tel que l’exprime l’article 227 LAU. Il s’agit donc pour lui de qualifier la dérogation pour ensuite déterminer comment il exercera son pouvoir discrétionnaire.

[140]     À cet égard, la Ville soutient que même en présence d’une contravention majeure, le Tribunal, en considérant notamment les agissements de la municipalité et du propriétaire, peut décider de ne pas ordonner la démolition[84]. Elle ajoute que le fait que des voisins et non la municipalité entreprennent le recours en démolition ne peut constituer un élément de l’analyse du Tribunal dans le cadre de l’exercice de sa direction[85].

[141]     Poitras s’en remet à l’argumentation de la Ville à cet égard.

[142]     L’analyse des critères énoncés par la Cour d’appel dans Chapdelaine amène le Tribunal à conclure qu’en l’absence de la possibilité d’obtenir un permis de construction, puisque la municipalité ne dispose pas de la compétence pour l’émettre, il s’agit là d’une dérogation flagrante et majeure que vise à sanctionner l’article 116 LAU et que la remise en état des lieux s’impose. Voici pourquoi :

a)   On ne peut conclure qu’il s’agit ici d’une situation exceptionnelle et rarissime. Rappelons que confronté à une demande d’ordonnance de sauvegarde au tout début de la construction de son projet en août 2013, Poitras déclare qu’il assume la suite des choses à ses risques et périls. D’une part, les demandeurs démontrent qu’ils agissent avec toute la diligence nécessaire et d’autre part, le fait que la Ville défende, tant alors que maintenant, la délivrance du permis, ne peut amoindrir le constat qui découle de l’absence de compétence de la Ville à édicter un règlement qui semblait permettre la construction sur le lot en question.

À ce sujet, il apparaît utile à la réflexion de noter que Poitras, par prudence selon son témoignage, fait inclure dans le contrat d’acquisition du lot 1-13 en septembre 2010[86], une clause où le vendeur reconnaît que l’acheteur consent à acheter l’immeuble dans le seul but d’y construire sa résidence[87] et une autre qui se lit ainsi :

DÉCLARATION RELATIVE À L’AVANT-CONTRAT

Cette vente est faite en exécution de l’avant-contrat en date du trois septembre deux mille dix (3 septembre 2010) accepté par le vendeur le dix septembre deux mille dix (10 septembre 2010). Sauf incompatibilité, les parties confirment les ententes qui y sont contenues mais non reproduites aux présentes. Toutes les inclusions prévues audit avant-contrat font parties de la présente vente.

Il affirme que cet avant-contrat du 3 septembre 2010 comporte une clause qui veut que la transaction s’effectue sous la condition qu’il puisse obtenir un permis de construction de la Ville. Il ne produit pas ce document. Le Tribunal s’en remet à son témoignage à ce sujet en notant que Patry ne le contredit pas. On ne peut conclure que Poitras agit de mauvaise foi mais il prend un risque. Il doit en subir les conséquences.

b)   À l’évidence, la situation dérogatoire ne perdure pas pendant une période où personne n’entreprend de recours pour la faire cesser. Quitte à se répéter, les demandeurs entreprennent leur recours dès le début des travaux.

c)    La Ville émet effectivement tous les permis requis pour la construction de la résidence et l’aménagement du terrain. Cependant, la plupart d’entre eux constituent une suite logique à la délivrance des permis de construction. Sans celui-ci, les autres ne possèdent aucun objet ni aucune légitimité.

Comme la Ville se fie sur un règlement ultra vires de ses pouvoirs, on ne peut blâmer Poitras pour cette situation, mais on en revient encore au fait que celui-ci va de l’avant bien qu’il connaisse les risques qu’amène la contestation judiciaire.

d)   Manifestement, la situation dérogatoire affecte l’environnement immédiat en termes de bon voisinage. On ne parle pas ici d’un immeuble qui déborde de quelques centimètres, ou même quelques mètres de sa surface d’implantation permise, mais plutôt d’une somptueuse résidence qui, littéralement, domine l’espace et offre des vues plongeantes sur les terrains voisins. Le Tribunal désire faire preuve de clarté : il ne s’agit pas d’émettre une opinion sur les qualités esthétiques de l’immeuble ni de remettre en question la recommandation du CCU vu la décision du conseil d’arrondissement à cet égard, mais il n’en demeure pas moins qu’une telle construction, à ses yeux, détonne avec son entourage immédiat ou, à tout le moins, s’y inscrit difficilement. Bien sûr, l’effet de cette construction ne se répercute pas au-delà de son environnement immédiat, ni ne met-elle en danger la sécurité ou la santé publique au sens large, mais cela apparaît peu pertinent dans les circonstances de l’espèce.

e)   Le respect, stricto-sensu, de la règle de droit peut apparaître sévère, injuste même. Le Tribunal en convient quant à la sévérité, mais pas quant à son injustice. Ici, l’intérêt de la justice l’emporte sur des considérations purement personnelles à Poitras. En effet, que vaudrait le recours aux tribunaux si des justiciables qui entreprennent leur recours dès que faire se peut, et ce, après avoir dûment mis en demeure la personne prétendument en porte à faux avec la loi, se voient opposer qu’ils se trouvent devant un fait accompli parce que la justice ne peut se rendre instantanément? L’existence du recours sous l’article 227 LAU doit signifier quelque chose en pratique. Le remède s’administre avec rigueur et gravité, mais il ne s’agit pas là d’une injustice pour autant.

f)     L’exercice de la discrétion judiciaire n’emporte pas une abdication automatique devant les conséquences de la loi. Il ne s’agit pas de l’appliquer aveuglément. L’intérêt de la justice doit s’apprécier en fonction du fait que la communauté possède le droit au respect de la réglementation municipale, qui établit des critères objectifs, plutôt qu’en fonction des intérêts individuels d’un administré qui apparaissent, en partie, subjectifs. Évidemment le Tribunal ne demeure pas insensible aux conséquences humaines que cela représente pour Poitras, mais les sentiments ne peuvent lui servir de guide en pareilles circonstances.

g)   On peut assurément plaider que la valeur de l’ouvrage complété, près d’un million et demi de dollars, illustre à la fois la sévérité et l’injustice d’une éventuelle ordonnance de démolition, mais cet argument n’emporte pas l’adhésion du Tribunal. En effet, celui-ci ne doit pas porter l’odieux de sa décision parce que l’ouvrage entrepris représente un déboursé important, car on pourrait ainsi laisser croire qu’on peut marchander l’exercice de la discrétion judiciaire. Bien sûr, le Tribunal demeure conscient que la valeur monétaire d’un bien peut constituer un facteur à considérer, mais il ne représente pas l’aulne dirimante qui invalide toute autre considération.

Ici, les circonstances de l’espèce font en sorte que les enjeux monétaires ne peuvent faire obstacle à la demande de démolition. En effet, le Tribunal se trouve devant l’alternative suivante : rejeter un recours bien fondé parce que les sommes investies s’avèrent trop importantes ou ordonner un remède certes draconien, mais amplement justifié hormis la seule considération monétaire.

[143]     En l’espèce, il ne peut exister de mesures alternatives ou moins drastiques. Pour le Tribunal, l’intérêt de la justice ne commande pas le rejet du recours. Il s’ensuit que la seule avenue qui subsiste s’avère celle de la remise en état des lieux, ce qui inclut la démolition des ouvrages et le reboisement du terrain.[88]

LE DOSSIER 135

[144]     Il s’agit de traiter de la question f) identifiée au paragraphe 39 du jugement.

[145]     Bauza demande que le Tribunal la déclare seule et unique propriétaire d’une partie du lot 4 589 616 au cadastre du Québec sur lequel se trouve le boîtier des gicleurs lui appartenant ainsi qu’une bande de 1.2 mètre de chaque côté de celui-ci.

[146]     La preuve établit sans équivoque que le système de gicleurs, y compris son boîtier, existe sur cette parcelle de terrain depuis l’acquisition de la propriété par elle et son mari en juillet 2002. Également, rien ne contredit le fait qu’elle, ou quelqu’un pour son bénéfice, assure l’entretien de la bande de pelouse de chaque côté du boîtier et que personne, avant juillet 2012, ne lui fait de commentaire à ce sujet.

[147]     Soulignons qu’une remise appartenant à Bauza empiète sur la propriété de Poitras et qu’elle bénéficie d’une servitude de tolérance accordée en 2000 par les propriétaires antérieurs[89].

[148]     Elle soutient qu’elle exerce donc la possession paisible et continue de cette parcelle de terrain depuis plus de 10 ans et qu’elle peut en réclamer la propriété en vertu de l’article 2918 C.c.Q. Elle s’appuie sur les articles 921 et 922 C.c.Q. qui énoncent :

(…)

921. La possession est l’exercice de fait, par soi-même ou par l’intermédiaire d’une autre personne qui détient le bien, d’un droit réel dont on se veut titulaire.

Cette volonté est présumée. Si elle fait défaut, il y a détention.

922. Pour produire des effets, la possession doit être paisible, continue, publique et non équivoque.

[149]     Il importe de noter qu’avec le nouveau Code civil la détermination sous l’article 2918 C.c.Q. de la bonne ou de la mauvaise foi du possesseur ne constitue plus une question pertinente à résoudre[90]. Cependant, ajoutons que rien ne permet de douter de la bonne foi de Bauza au moment de l’acquisition du terrain aux termes de l’article 2920 C.c.Q.

[150]     Elle plaide que personne, ni Poitras ni un tiers, ne pose une action pouvant mettre en doute l’exclusivité de sa possession. Avec égards, le Tribunal ne peut conclure en ce sens. En effet, lorsque Poitras acquiert le terrain, le 20 septembre 2010, les vendeurs indiquent ceci au contrat de vente[91] :

GARANTIE

Cette vente est faite avec la garantie légale. Le vendeur déclare toutefois que la bordure de blocs de béton et la valve pour gicleur du lot 1-10 empiètent légèrement sur le lot 1-13, mais que ces ouvrages sont aisément déplaçables.

L’acquéreur déclare avoir été informé de ces faits antérieurement à la présente vente et prendre l’immeuble dans l’état où il se trouve, s’en déclarant satisfait.

[151]     Il s’agit là d’une déclaration claire qui démontre que Patry et Marc Bourke, les administrateurs des compagnies qui vendent le terrain, considèrent que l’empiètement des équipements du lot de Bauza sur le leur existe par pure tolérance. L’enregistrement de cette déclaration constitue un avis public quant à la façon dont Bourke et Patry entrevoient l’empiètement de certains équipements de Bauza sur le terrain. Ainsi, la possession devient indubitablement équivoque, à tout le moins à partir de ce moment.

[152]     Également, les propriétaires antérieurs à Poitras et Bauza conviennent d’une servitude de tolérance[92] quant à l’empiètement de la remise, ce qui démontre le caractère équivoque de l’empiètement.

[153]     Cela suffit pour rejeter cette demande, mais ajoutons que la jurisprudence conclut, en substance, que l’entretien d’une parcelle de terrain à des fins paysagères dans le but de maintenir pour soi un environnement agréable ne peut fonder la possession[93].

[154]     Poitras plaide que la demande de Bauza à ce sujet constitue un détournement des fins de la justice parce qu’elle tente de lui nuire en obtenant la propriété de cette bande de terrain, et ce, uniquement pour que sa résidence se trouve en deçà de 4,5 mètres de la ligne de propriété, ce qui la rendrait non conforme vu son emplacement. Il s’appuie sur les articles 19 et 51 N.c.p.c. qui édictent[94] :

19. Les parties à une instance ont, sous réserve du devoir des tribunaux d’assurer la saine gestion des instances et de veiller à leur bon déroulement, la maîtrise de leur dossier dans le respect des principes, des objectifs et des règles de la procédure et des délais établis.

Elles doivent veiller à limiter l’affaire à ce qui est nécessaire pour résoudre le litige et elles ne doivent pas agir en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive ou déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.

Elles peuvent, à tout moment de l’instance, sans pour autant qu’il y ait lieu d’en arrêter le cours, choisir de régler leur litige en ayant recours à un mode privé de prévention et de règlement des différends ou à la conciliation judiciaire; elles peuvent aussi mettre autrement fin à l’instance.

51. Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même d’office, déclarer qu’une demande en justice ou un autre acte de procédure est abusif.

L’abus peut résulter, sans égard à l’intention, d’une demande en justice ou d’un autre acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire, ou d’un comportement vexatoire ou quérulent. Il peut aussi résulter de l’utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui ou encore du détournement des fins de la justice, entre autres si cela a pour effet de limiter la liberté d’expression d’autrui dans le contexte de débats publics.

[155]     Conséquemment, il réclame le remboursement des honoraires juridiques et extrajudiciaires encourus. Le Tribunal n’accordera pas cette demande. Le fait que Bauza succombe dans la sienne ne signifie pas nécessairement qu’elle agit fautivement. Ses prétentions s’appuient sur un contexte factuel particulier qui remonte à bien avant les velléités de construction de Poitras. Certes, le résultat d’une éventuelle déclaration de propriété emporte des conséquences possiblement délétères pour son projet, ce sur quoi le Tribunal n’émet aucune opinion, mais on ne peut conclure, sur la balance des probabilités, qu’elle cherche à lui nuire ou qu’elle détourne les fins de la justice. Les problèmes de voisinage comportent malheureusement, il semblerait, de tels aléas.

Le Dossier 145

[156]     Le Tribunal analyse maintenant les questions g) à m) énoncées au paragraphe 39 du jugement.

[157]     Les Celik souhaitent obtenir une condamnation de 85 414,14 $ de Patry, Poitras et 101 à titre de diminution du prix de vente de leur propriété ainsi que 15 000 $ pour des dommages moraux pour troubles et inconvénients subis en raison de l’obtention et du déplacement de leur droit de passage vu leur défaut d’honorer une promesse de contracter quant à la cession du lot 1-12, devenu le lot 4 589 604 du cadastre du Québec lors de la rénovation cadastrale.

[158]     Il faut savoir que le lot 1-12 sert notamment de chemin privé pour relier le lot 1-14, propriété de Patry où se trouve sa résidence qu’il vend aux Celik le 3 décembre 2007[95], et le lot 1-13, que 101 et 2550, la compagnie de Bourke, vendent à Poitras le 20 septembre 2010[96], au chemin Monk, un autre chemin privé qui dessert les habitants de cette pointe de L’Île-Bizard. Également, ce lot 1-12 bénéficie au lot 1-19[97] par voie de servitude, tout comme les lots 1-13 et 1-14.

[159]     Celik témoigne qu’à une période contemporaine à l’acquisition de sa propriété, il obtient de Patry la promesse que ce dernier lui cédera le lot 1-12 si jamais celui-ci décide de le vendre. Patry affirme ne garder aucun souvenir de cette promesse. Il affirme qu’il importe uniquement pour lui que les propriétaires des lots 1-13 et 1-14 s’entendent sur l’utilisation du lot 1-12 comme chemin d’accès. Il témoigne qu’il ne veut pas que l’un des propriétaires puisse bloquer l’accès à l’autre.

[160]     Pour le Tribunal, cette explication apparaît peu crédible. En effet, lorsque l’on étudie le plan cadastral[98], on constate qu’à l’évidence les lots 1-13 et 1-14 se trouvent enclavés par rapport au chemin Monk, ce qui entraîne comme conséquence que l’un ou l’autre des propriétaires de ces lots peut demander de faire cesser une situation où une enclave subsiste. Point besoin donc qu’il existe formellement une harmonie entre eux, bien que cela demeure, évidement souhaitable.

[161]     De plus, un courriel de Poitras du 28 novembre 2011[99] permet vraisemblablement de conclure à l’existence de cette promesse. Vu son importance, il convient d’en citer encore un passage :

Subject : access roads to our lots

Hello Mr Celik, further to our conversation yesterday, I just reached Marc Bourque on the phone (514-[…]) and he agrees that it is now time to proceed with the transfer of title of the road (lot 1-12) to you. He said that he would contact Mr. Patry today and get this going.

(…)

Best regards,

Maurice

[162]     À ce sujet, Poitras plaide qu’il se fie aux dires de Celik quant à l’existence de cette promesse[100]. Cela également apparaît peu crédible, car comment peut-on soutenir une telle chose alors qu’on écrit qu’un tiers, en l’occurrence Bourke, lui confirme sa volonté de transférer la propriété du lot 1-12?

[163]     Certaines remarques s’imposent. Premièrement, soulignons que Bourke[101] ne témoigne pas et que les Celik ne le poursuivent pas bien qu’il apparaisse tout aussi au fait de l’existence de cette promesse que Poitras. Deuxièmement, comment ce dernier peut-il discuter de l’existence de cette promesse avec Bourke, avec qui Celik n’entretient, à tout moment pertinent, aucun contact s’il n’en apprend l’existence que de Patry? Troisièmement, en l’absence de mémoire de Patry et du témoignage de Bourke, et au vu du courriel et du témoignage de Celik, la preuve prépondérante penche en faveur de l’existence de cette promesse.

[164]     À ce sujet, l’article 1397 C.c.Q. prévoit :

1397. Le contrat conclu en violation d’une promesse de contracter est opposable au bénéficiaire de celle-ci, sans préjudice, toutefois, de ses recours en dommages-intérêts contre le promettant et la personne qui, de mauvaise foi, a conclu le contrat avec ce dernier.

Il en est de même du contrat conclu en violation d’un pacte de préférence.

[165]     Les demandeurs s’appuient sur le passage suivant de la doctrine pour étayer leur position :

487- Complicité dans la violation d’un contrat - que le tiers devienne parfois responsable à l’égard d’un contractant parce qu’il s’est associé à la violation d’une obligation contractuelle par le cocontractant semble paradoxal et même illogique quand on invoque l’effet relatif du contrat. En principe, les tiers sont liés par les droits réels, opposables à tous, mais non par les droits personnels. Et pourtant, cette responsabilité est économiquement et socialement nécessaire, car autrement des comportements clairement répréhensibles seraient tolérés et affaibliraient en réalité la force obligatoire des contrats. Aussi, la jurisprudence française a toujours admis cette responsabilité pour complicité dans la violation d’un contrat. La jurisprudence québécoise, quoique moins abondante et plus récente, la reconnaît également.

Parce qu’il leur est opposable, tout contrat constitue un fait juridique que les tiers doivent respecter. On peut même prétendre que c’est fondamentalement par sa force obligatoire que l’engagement s’impose aux tiers et que le droit les sanctionnera s’ils contribuent sciemment à sa violation. Les auteurs français ont proposé diverses bases juridiques, mais le fondement le plus sûr - et le plus simple - de la responsabilité extracontractuelle du tiers demeure la faute aquillienne, ici comme en France. Inciter quelqu’un, en toute connaissance de cause, même implicitement, à violer son engagement contractuel envers un autre constitue indéniablement la violation d’une « règle de conduite qui, suivant les circonstances [et] les usages […] s’impose » à cette personne, selon l’heureuse formule de l’article 1457 du Code civil du Québec[102].

[166]     Avec égards, pour le Tribunal, le témoignage de Celik concorde plus avec la notion de pacte de préférence qu’avec celle d’une promesse de contracter, car il affirme que Poitras s’engage à lui vendre si jamais il se décidait à le faire. Il existe effectivement une promesse, mais les termes du contrat demeurent cependant indéfinis. Le pacte de préférence requiert qu’une partie s’engage à permettre à l’autre de pouvoir donner suite à l’offre dans la mesure où il le désire toujours. À tout événement, cela constitue une distinction qui ne porte pas à conséquence. Voici pourquoi.

[167]     D’une part, le Tribunal conclut que le fait de vendre à Poitras sans permettre à Celik d’acquérir le terrain constitue une faute aux termes de l’article 1457 C.c.Q. de la part de Patry, Bourke, 101 et Poitras puisque leurs gestes constituent une violation d’une règle de conduite qui s’imposait dans les circonstances, en l’occurrence celle de respecter la parole donnée peu importe comment on qualifie leurs engagements ou connaissances.

[168]     Notons que tous les défendeurs s’entendent pour dire que le chemin 1-12 ne possède aucune réelle valeur marchande puisqu’il s’agit justement d’un immeuble qui ne peut posséder que la seule vocation de rue de par son origine cadastrale. D’ailleurs, le rôle d’évaluation établit sa valeur à 1 $[103]. La cession à Poitras en fait presque de même en la situant à 0 $[104]. Les Celik n’apportent aucune preuve à l’effet contraire.

[169]     Ainsi, pour le Tribunal, il ne restait aux parties rien à négocier pour compléter cette promesse ou ce pacte de préférence.

[170]     Cependant, d’autre part, la preuve de dommages subis par les Celik comportant un lien de causalité avec la faute n’existe pas. À ce sujet, dans un premier temps, ils soutiennent que la valeur de leur propriété se trouverait augmentée s’ils exerçaient le contrôle sur le chemin. Or, aucune preuve n’étaye cette proposition. De plus, le Tribunal ne peut conclure, in abstracto, que ce chemin, qui doit desservir plusieurs autres lots et ce de par l’existence à la fois d’une servitude de passage et de la nature enclavée de deux lots, possède une quelconque valeur intrinsèque, tel qu’explicité plus haut, ni qu’il augmenterait la valeur des lots adjacents. Cette prétention ne repose sur aucune preuve.

[171]     Dans un second temps, ils prétendent qu’ils peuvent bénéficier d’une diminution du prix de vente de 85 414,14 $, car le coût d’acquisition de leur propriété s’en trouverait modifié sans l’existence de cette promesse. Encore une fois, rien dans la preuve ne permet de conclure ainsi. Celik ne témoigne pas que le prix payé s’établit en fonction de cette promesse ni dans quelle proportion celle-ci affecte le montant payé. De plus, la méthode de calcul des prétendus dommages, pour le moins qu’on puisse dire, repose sur une utilisation créatrice des notions d’évaluation foncière. En effet, le calcul prend assise sur la valeur de terrain du même secteur, en l’occurrence on choisit un taux de 47,60 $ le mètre carré, établit pour le lot voisin[105] pour ensuite réclamer 70 % de la valeur du lot 1-12 comme perte. Or, à charge de redite, ce lot ne possède aucune réelle valeur marchande car il s’agit là, d’une rue, établit comme telle par une opération cadastrale et le choix d’un coefficient de 70 % ne repose sur aucune preuve idoine, tant d’expert qu’autrement. Cet exercice de calcul relève de pures conjectures et ne possède aucune valeur probante.

[172]     Dans un troisième temps, ils réclament 15 000 $ à titre de dommages moraux pour des troubles et inconvénients subis en raison de l’obstruction et du déplacement de leur droit de passage. À cet égard, le Tribunal convient aisément avec eux qu’ils subissent des désagréments à la fois par le déplacement du droit de passage que par l’obstruction du passage, ce qui survient à une reprise, pour une période de quelques heures, alors que la demanderesse se trouve coincée chez elle car des véhicules obstruaient le chemin. Cependant, pour réussir, ils doivent démontrer de façon probante la faute commise dans l’un ou l’autre cas.

[173]     Tout d’abord, en ce qui concerne le déplacement du droit de passage, ils plaident que la reconstruction d’une partie du chemin d’accès par Poitras entraîne une perte de jouissance de leur propriété car des inondations sur le chemin limitaient leurs activités. À cet égard, un constat s’impose d’emblée, cela ne concerne pas Patry ni 101 qui ne commettent à l’évidence aucune faute. On ne leur fait d’ailleurs aucun reproche. Quant à Poitras, quelle faute commet-il? L’incident du blocage de l’accès qui entrave les déplacements de la demanderesse demeure un incident isolé. Le Tribunal s’interroge sur les raisons qui empêchaient la demanderesse d’aller directement s’adresser aux ouvriers ou aux livreurs de matériaux responsables de cette situation, pour qu’on y remédie rapidement. Le Tribunal ne peut que supposer qu’il devait exister des tensions importantes entre ces derniers et les demandeurs. Cependant, à moins de démontrer la participation fautive de Poitras, le Tribunal ne voit pas comment il pourrait le tenir responsable de cet incident isolé.

[174]     Quant aux inondations qui surviendraient à répétition et dont se plaignent les demandeurs pour le chemin d’accès et une partie de leur propriété, à l’évidence, elles découlent des travaux entrepris pour la construction de la résidence de Poitras. En effet, des véhicules imposants y circulent alors : excavatrice, camion, tracteur, pour n’en nommer que quelque-uns. Il apparait normal que cela laisse des traces dans un chemin de terre et de gravier. Le Tribunal ne doute pas que pendant la construction de la boue et des trous d’eau s’y trouvent assez régulièrement et que des parties mitoyennes du terrain des Celik se voient inondées lors de fortes pluies persistantes.

[175]     À ce propos, l’article 976 du Code civil du Québec prévoit :

976. Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux.

[176]     La doctrine[106] enseigne, en s’appuyant sur la jurisprudence, que la normalité s’apprécie en fonction de la gravité de l’atteinte et de sa récurrence. Quant à la récurrence, la preuve montre des ornières dans le chemin et de la boue à quelques reprises pendant ou à la suite d’intempéries. Quant à la gravité, le Tribunal ne peut conclure que les conditions décriées dépassent le seuil de ce qui apparaît raisonnable. À l’évidence, un chantier de construction entraîne le bouleversement des lieux, du bruit et de la saleté, tant pour l’air ambiant que sur le terrain.

[177]     Le Tribunal ne doute pas que les Celik subissent des désagréments, mais le voisinage, dans le cadre de la construction d’un immeuble, entraîne ce genre de situation. Poitras ne commet pas de faute et la situation en elle-même, et ce, en tenant compte du fait que le trouble de voisinage peut découler d’une absence d’une faute, ne comporte pas un degré de gravité tel qu’il justifie d’en tenir ce dernier responsable.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

dans le dossier 500-17-077545-138

[178]     ACCUEILLE la demande;

[179]     DÉCLARE ultra vires des pouvoirs de l’arrondissement de L’Île-Bizard-Sainte-Geneviève l’inclusion des mots « ou à une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du présent règlement » à l’alinéa 4 de l’article 1 du Règlement CA28 0012, tel que modifié par le Règlement CA28 0012-1 car contraire à l’article 116 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et en conséquence, ANNULE l’inclusion de ces mots à cette disposition réglementaire;

[180]     ANNULE les permis émis par la Ville de Montréal pour la construction d’une résidence sur le lot numéro 4 589 616 au cadastre du Québec :

·        le permis numéro 3000330490-13 délivré le 13 mai 2013 pour la résidence;

·        le permis numéro 3000343100-13 délivré le 29 août 2013 pour la piscine;

·        les permis numéros 3000344703-13 et 3000348682-13 délivrés les 18 septembre et 5 novembre 2013 pour les clôtures;

·        le permis numéro 3000330493-13 délivré le 13 mai 2013 pour l’installation septique;

·        le permis numéro 3000345645-13 délivré le 27 septembre 2013 pour le mur de soutènement.

[181]     Avec frais de justice.

dans le dossier 500-17-078269-134

[182]     ACCUEILLE la demande;

[183]     DÉCLARE que le bâtiment réalisé par Maurice C. Poitras sur le lot 4 589 616 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Montréal contrevient aux exigences du Règlement CA28 0012 relatif à certaines conditions d’émission du permis de construction pour l’ensemble du territoire de l’arrondissement de L’Île-Bizard-Sainte-Geneviève;

[184]     ORDONNE à Maurice C. Poitras, dans les 180 jours du jugement, de procéder à la remise en état du terrain, incluant :

·        la démolition de toute construction autorisée par le permis délivré par la Ville de Montréal le 13 mars 2013 numéro 3000330490-13;

·        la démolition de la piscine autorisée le 29 août 2013 par le permis de la Ville de Montréal numéro 3000343100-13;

·        la démolition de clôtures autorisées le 18 septembre et 5 novembre 2013 par les permis de la Ville de Montréal numéros 3000344703-13 et 3000348682-13;

·        la démolition de l’installation septique autorisée le 13 mai 2013 par le permis de la Ville de Montréal numéro 3000330498-13;

·        la démolition d’un mur de soutènement autorisé le 27 septembre 2013 par le permis de la Ville de Montréal numéro 3000345645-13;

·        le plantage en nombre et en essences de tous les arbres abattus tel qu’identifiés par un rapport d’inventaire et de qualification du couvert végétal, pièce D-1-C et par un tableau de réconciliation, pièce D-2.2;

[185]     RÉSERVE aux demandeurs le droit de s’adresser à tout tribunal compétent pour obtenir tout remède approprié dans l’éventualité où Maurice C. Poitras ne donnerait pas suite à l’ordonnance prononcée en l’instance;

[186]     Avec frais de justice.

dans le dossier 500-17-078706-135

[187]     REJETTE la demande de Zina Bauza;

[188]     Avec frais de justice.

dans le dossier 500-17-082849-145

[189]     REJETTE la demande de Cesur Celik et June Tyler Celik;

[190]     Avec frais de justice.

et dans tous les dossiers

[191]     REJETTE les demandes de Maurice C. Poitras visant à faire déclarer abusives en vertu des articles 51 et suivants N.C.P.C. les procédures entreprises contre lui.

 

 

[192]     Sans frais de justice.

 

 

 

Marc-André Blanchard, j.c.s.

 

Me Eric Oliver

Me Emy-Jade Viens

Municonseil Avocats inc.

Avocat(e)s de June Tyler Celik, Cesur Celik,

Marco D’Onofrio, Guylaine Paiement, Zina Bauza

 

Me Jacques S. Darche

Borden Ladner Gervais

Avocat de Maurice C. Poitras

 

Me Éric Couture

Dagenais Gagnier biron

Avocat de la Ville de Montréal

 

Me Armand Poupart

Poupart & Poupart Avocats

Avocat de Bernard Patry et 101512 Canada inc.

 

 

Visite des lieux : 12 octobre 2016

 

Dates d’audience : 5, 6, 7, 8, 9, décembre 2016 et 13, 16 et 17 janvier 2017.

 



[1]     Dossier : 500-17-078269-134.

[2]     RLRQ, c.19.1.

[3]     Dossier : 500-17-077545-138.

[4]     Dossier : 500-17-078706-135.

[5]     Dossier : 500-17-082849-145.

[6]     Pièce P-1, Dossier-145.

[7]     Pièce P-3, Dossier-145.

[8]     Pièce P-1, Dossier-134.

[9]     Pièce P-7, Dossier-145.

[10]    Pièce P-8, Dossier-145.

[11]    Pièce P-10, Dossier-145.

[12]    Pièce D-1-c.1 et MEC-1-c.1.

[13]    Pièce P-9, Dossier -145.

[14]    Pièce D-2/MEC-2.

[15]    Le Dossier-138.

[16]    Le Dossier-134.

[17]    Voir le procès-verbal du 9 août 2013.

[18]    Le Dossier-135.

[19]    Pièces D-1-D et MEC-1-D.

[20]    Pièces D-1-E et MEC-1-E.

[21]    Pièces D-1-F et MEC-1-F.

[22]    Pièces D-1-G et MEC-1-G.

[23]    Pièces D-1-I et MEC-1-I.

[24]    Pièces D-1-L.2 et MEC-1-6.2 et D-1-L.3.

[25]    Pièces D-1-H et MEC-1-H.

[26]    Le Dossier-145.

[27]    [1991] 1 R.C.S. 326.

[28]    Id., p. 346.

[29]    Patrice GARANT, Droit administratif, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, aux pages 322-323.

[30]    2014 QCCA 1345.

[31]    2014 QCCA 1345.

[32]    [2010] QCCA 134.

[33]    REJB 2003 48413 (C.A.).

[34]    2014 QCCA 863. Voir aussi : Di Palma c. Montréal (Ville de), 2014 QCCS 4599; Centre de santé et de services sociaux de Charlevoix c. La Malbaie (Ville de), 2012 QCCS 601; Sainte-Angèle de Prémont (Municipalité de) c. Construction et Pavage Portneuf, 2008 QCCS 2399.

[35]    [1952] 2 S.C.R. 506.

[36]    Id., p. 511.

[37]    Q.R. (1936) 61 K.B. 83.

[38]    Supra note 27.

[39]    AZ-50153174.

[40]    Id., par. 66.

[41]    1 RCS 368.

[42]    Témoignages de Pierre Proulx et Stéphane Bernaquez.

[43]    [2012] 1 R.C.S. 5.

[44]    Ville de Rivière-Rouge c. Laflamme, 2014 QCCS 3265.

[45]    2016 QCCA 26.

[46]    Pièce VM-14.

[47]    Par. 13.7 à 13.10 de la requête introductive d’instance dans le Dossier 138.

[48]    Pièce VM-7.

[49]    Pièce VM-9.

[50]    Pièce VM-10.

[51]    Voir résolution 89-75 de la pièce VM-9.

[52]    Pièce VM-10.

[53]    Pièce VM-11.

[54]    Pièce VM-2.

[55]    Annexe A du Règlement sur les plans d’implantation et d’intégration architecturale numéro CA28 0015.

[56]    Pièce VM-6.

[57]    Pièce VM-5.

[58]    Pièce VM-2.

[59]    Pièce VM-10.

[60]    Pièce VM-4.

[61]    Pièce VM-13.

[62]    Pièce D-1-B.

[63]    Pièce D-5.

[64]    Pièce VM-5.

[65]    Règlement relatif au comité consultatif d’urbanisme CA28 0041.

[66]    Pièce P-12.

[67]    2013 QCCA 2066.

[68]    2014 1 R.C.S. 784.

[69]    Id. par. 20 et 29.

[70]    Id. par. 30.

[71]    Id. par. 24.

[72]    Id. par. 25.

[73]    Id. par. 33.

[74]    2003 R.J.Q. 1417.

[75]    Id. par. 31 et 52.

[76]    Id. par. 32.

[77]    (1919-20) 60 R.C.S. 393.

[78]    2015 QCCA 120.

[79]    Id. par 43.

[80]    [1974] RCS 2.

[81]    Id. p. 17.

[82]    Lorne GIROUX, Aspects juridiques du règlement de zonage au Québec, Québec, P.U.L., 1979, p. 484; Marc-André LECHASSEUR, Zonage et urbanisme en droit canadien, 2016, 3e édition, Wilson & Lafleur, Montréal, p. 300-301.

[83]    Déclaration assermentée du 8 août 2013.

[84]    Tétreault c. Lac-Brome (Ville de), 2015 QCCS 712.

[85]    Abitibi (Municipalité régionale de comté d') c. Ibitiba ltée, REJB 1993 (C.A.); Boily c. Bélanger, [1989] R.J.Q. 572.

[86]    Pièce P-1, Dossier 134.

[87]    Id., p. 5 de 16 au par. 12.

[88]    Plamondon c. St-Raymond (Ville de), J.E. 2003-944 (C.A.).

[89]    Pièce D-20 du Dossier 134.

[90]    Dupuy c. Gauthier, 2013 QCCA 774, par. 37, 59 et 61; Bourgeois c. Société immobilière L’Assomption inc., 2013 QCCS 570, par. 43; Kluke v. Dagenais, 2004 CanLII 32986(QCCS), par. 35 à 37; Pierre-Claude LAFOND, Précis de droit des biens, 2e Éd., Cowansville, Les Éditions Thémis, 2007, par. 583.

[91]    Pièce P-1, Dossier 134, p. 3 de 16.

[92]    Pièce D-2.

[93]    St-Laurent c. Losciuto, 2009 QCCS 1205, confirmé par 2009 QCCA 1148.

[94]    Chapitre C-25.01

[95]    Pièce P-1, Dossier 145.

[96]    Pièce P-6, Dossier 145.

[97]    Pièce BP-1.

[98]    Pièce P-3, Dossier 145.

[99]    Pièce P-7, Dossier 145.

[100]   Plan d’argumentation du 17 janvier 2017, par. 36.

[101]   L’appellation « Bourque » dans le courriel constitue à l’évidence une erreur d’épellation.

[102]   Jean-Louis BAUDOUIN, Pierre-Gabriel JOBIN et Nathalie VÉZINA, Les obligations, 7e Éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, par. 487.

[103]   Pièce DBP-3.

[104]   Pièce P-9, Dossier 145.

[105]   Pièce P-11, Dossier 145.

[106]   TEBOUL, Jean, Troubles de voisinage : 976 C.c.Q. et le seuil de normalité, Revue du Barreau, Tome 71, 2012.

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