LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LESIONS PROFESSIONNELLES QUEBEC MONTREAL, le 6 décembre 1990 DISTRICT D'APPEL DEVANT LE COMMISSAIRE: Bertrand Roy DE MONTREAL REGION: Montréal ASSISTE DE L'ASSESSEUR: Jean-Paul Brault, médecin DOSSIER CSST: 9313 668 AUDITION TENUE LES: 6 décembre 1988 4 janvier 1989 3 février 1989 30 mai 1989 A: Montréal DOSSIER: 03286-62-8705 LES ENTREPRISES J.M.C. (1973) LTÉE 185, Avenue Dorval Suite 106 Dorval (Québec) H9S 3G6 PARTIE APPELANTE et ANGELINA BERALDIN 209, Avenue Grande Ile Valleyfield (Québec) J6S 3M9 PARTIE INTERESSEE DOSSIER: 04995-62-8210 ANGELINA BERALDIN 209, Avenue Grande Ile Valleyfield (Québec) J6S 3M9 PARTIE APPELANTE et LES ENTREPRISES J.M.C. (1973) LTÉE 185, Avenue Dorval Suite 106 Dorval (Québec) H9S 3G6 PARTIE INTERESSEE D E C I S I O N Le 26 mai 1987, Les Entreprises J.M.C. (1973) Ltée, l'employeur, en appelle d'une décision rendue le 27 mars 1987 (modifiée le 1er mars 1987) par la Commission sur la santé et la sécurité au travail (la Commission), à la suite de l'avis de l'arbitre, le docteur Kamal Joseph Zariffa, psychiatre. La Commission décide que «la dépression anxieuse légère situationnelle est reliée à la problématique du travail».Le 20 octobre 1987, madame Angélina Beraldin, la travailleuse, en appelle de la décision majoritaire (dissidence du représentant des travailleurs) du 17 juillet 1987 du bureau de révision de la Montérégie qui rejette sa réclamation.
OBJET DES APPELS L'employeur demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision de la Commission et de déclarer que la travailleuse n'a pas été victime d'une lésion professionnelle.
La travailleuse demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer qu'elle a été victime d'une lésion professionnelle.
LES FAITS Mme Angélina Beraldin a commencé à travailler comme caissière pour Les Entreprises J.M.C. (1973) Ltée en 1980 au restaurant McDonald à Valleyfield. Jusqu'en 1985, elle s'est vue confier une moyenne d'environ 32 heures de travail par semaine. En 1985, elle prétend qu'à la suite d'une absence reliée à un accident du travail, l'employeur a diminué son nombre d'heures de travail et l'a soumise à un tel harcèlement qu'elle a dû consulter un médecin qui a constaté chez elle un état de dépression. Elle a ensuite allégué, dans une plainte à la Commission en vertu de l'article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001), qu'elle était victime de représailles et cette plainte a finalement été rejetée par la Commission d'appel le 17 juillet 1987. Il a alors été décidé que cette plainte était irrecevable parce qu'elle a été formulée plus de trente jours de la connaissance de la sanction dont la travailleuse s'est plainte.
Le présent appel vise la réclamation faite par la travailleuse en rapport avec les problèmes psychologiques qui ont résulté, selon elle, du traitement qu'elle a reçu au travail. Les faits pertinents à cette réclamation suivent.
La travailleuse dit qu'elle a reçu de bonnes évaluations de rendement de 1980 à 1985 à titre de caissière pour l'employeur.
Aussi, elle a déjà été nommée "l'employée du mois".
A l'été 1985, alors qu'elle était depuis quelque temps chef d'équipe, la direction envisage avec elle la possibilité qu'elle fasse partie de l'équipe de gestion à titre d'assistante-gérante.
Mme Beraldin n'a pas donné de réponse définitive.
La carrière d'un employé de cette entreprise évolue habituellement de la façon suivante: du niveau de caissière (ou équipière), on devient chef d'équipe, assistant-gérant, gérant et ainsi de suite.
Vers la mi-août, à son retour de vacances, on lui offre néanmoins de commencer à étudier le manuel des opérations en vue de lui permettre de tenter sa chance, en même temps qu'une de ses compagnes de travail, comme assistante-gérante. Cependant, elle n'a pas pris le temps de commencer à lire le manuel qui avait été mis à sa disposition. Le fait qu'elle appréhendait devoir travailler trop d'heures pour un salaire hebdomadaire fixe aurait joué un rôle important, selon elle, dans sa décision de ne pas se porter candidate pour le poste d'assistante-gérante qui était d'ailleurs loin de lui être acquis. Quoi qu'il en soit, elle s'est gardée de refuser formellement la promotion. Il faut également noter qu'à cette époque, elle était sujette à une évaluation de son rendement à titre de chef d'équipe.
Le 29 août 1985, elle a dû d'absenter 3 jours parce qu'elle souffrait d'une dermite de contact causée par la chaleur de la cuisine (elle travaillait 26 à 28 heures par semaine dans la cuisine, selon le dossier). Elle a repris son poste mais elle a dû quitter encore une fois en raison d'une nouvelle dermite et elle s'est absentée, cette fois, deux semaines. Elle est revenue le 12 octobre 1985 à la condition expresse qu'elle ne soit plus exposée à la chaleur et aux vapeurs de graisse. Elle a fait une réclamation pour ces arrêts de travail et elle a été indemnisée par la Commission.
Le 15 septembre 1985, une assistante-gérante lui a fait part de l'évaluation de son rendement comme chef d'équipe. De nombreuses remarques précises lui sont alors faites par écrit et de vive voix. On lui a dit qu'une amélioration de sa part est nécessaire au niveau de son «rendement» en général, de son attitude, de sa fiabilité, de sa polyvalence, etc. Cette évaluation était le résultat de discussions au sein de l'équipe de direction qui semblait être unanime à croire que Angélina Beraldin devait changer son comportement et offrir une bien meilleure performance si elle voulait rester chef d'équipe.
On lui reproche dans son évaluation que malgré qu'elle possède toute l'expérience qu'il faut pour être chef d'équipe, elle ne semble pas connaître la calibration et le bon fonctionnement de l'équipement, ce qui est une connaissance cruciale pour un chef d'équipe. On lui reproche de ne pas bien communiquer avec les équipiers et de ne pas déléguer. Elle ne sait pas expliquer convenablement le travail à faire. De plus, elle ne suit pas les politiques de la maison avec constance ce qui est inadmissible pour un chef d'équipe. Un manque d'attention à la propreté des lieux lui est reproché et un manque général d'autorité avec le personnel sous sa direction. Il arrive que les autres gérants doivent suppléer aux explications qu'elle donne.
Au niveau de son attitude, on lui dit qu'elle ne semble plus avoir la volonté de s'améliorer car elle ne pose plus de questions, elle ne s'informe plus des changements, elle n'a plus d'entrain, elle n'est plus souriante ou vigilante.
La direction est d'opinion que Mme Beraldin ne pouvait faire le travail de chef d'équipe sans apporter des améliorations à son rendement et cela dans un délai d'un mois.
Un délai d'un mois lui est donc accordé pour montrer à ses supérieurs qu'elle était capable de répondre aux attentes signifiées. La travailleuse s'est d'ailleurs engagée, par écrit, à faire l'effort spécial demandé par la direction. Dans son témoignage, elle a nié certains faits mentionnés dans le formulaire d'évaluation relativement à la propreté des lieux ou sa connaissance de l'équipement.
Les divers témoins qui ont été entendus font valoir qu'il arrive dans cette entreprise qu'un employé qui reçoit une telle évaluation soit surveillé de très près de façon à ce que les points faibles signalés soient améliorés. Certains témoins entendus ont eux-mêmes été soumis à cette procédure pendant un mois et ils ont réussi à rester en poste sans en être affectés sur le plan psychologique.
Dans le cas de Mme Beraldin, à chaque jour, elle a fait l'objet de nombreuses remarques de ses supérieurs concernant son travail.
Elle dit qu'elle était constamment critiquée mais qu'elle recevait aussi des compliments. On a diminué ses heures de travail, dit-elle. Très rapidement, elle s'est sentie «harcelée». A deux reprises on lui a même demandé de quitter les lieux à la fin de son quart de travail parce qu'elle «flânait», ce qui lui paraît être un indice important qu'elle était devenue la cible de la direction.
Elle a consulté son médecin de famille qui est, par ailleurs, un ami et un voisin de la famille, le docteur Chirito. Celui-ci, le 18 novembre 1988, a posé le diagnostic de dépression aiguë et, à sa suggestion, la travailleuse a arrêté de travailler chez l'employeur bien qu'elle ait continué à travailler ailleurs pendant quelques temps. Elle a fait une réclamation à la Commission le 11 décembre 1985 et elle déclare ce qui suit: «Depuis que j'ai refusé d'accepter un poste d'assistante gérante, je subis de la part de mon supérieur des pressions constantes telles que: coupures importantes du nombre d'heures de travail alors que j'ai 5 ans d'ancienneté, me refuse l'accès des lieux en dehors de mes heures de travail, me surveille continuellement, épit le moindre geste pour ensuite me convoquer au bureau pour m'intimider, espionne mes conversations avec les clients, humiliation devant le public. Je dors très mal la nuit, j'ai souvent le goût de pleurer, et je me sens très anxieuse. J'ai de plus en plus peur de cet homme- là».
L'employeur conteste cette réclamation et il demande à la Commission de prolonger le délai pour contester l'attestation médicale de docteur Chirito puisque la travailleuse avait fait défaut trois fois de se rendre à un rendez-vous qui lui avait été fixé chez le médecin désigné par l'employeur.
Le 10 décembre 1985, le docteur Chirito produit une nouvelle attestation dans laquelle il dit que la seule explication possible pour la dépression de sa patiente qu'il connaît depuis 5 ans, est le «stress constant qu'elle devait supporter à son travail». Il produit d'autres attestations semblables plus tard en décembre et au cours de l'année suivante.
Le 29 janvier 1986, le docteur Normand L. Vermette qui a rencontré Mme Beraldin à la demande de l'employeur, confirme en quelque sorte le diagnostic du docteur Chirito lorsqu'il note «un état dépressif plutôt situationnel». Il suggère une évaluation psychiatrique «afin de pouvoir établir s'il y a un lien vraiment pathologique entre les situations vécues à son travail et l'état mental présent».
Le 26 mars 1986, le docteur Chirito parle encore d'état auxio- dépressif qui rend sa patiente inapte au travail.
Le 27 mars 1986, le docteur Pierre Lapointe, psychiatre, informe l'employeur qu'il confirme le diagnostic de réaction d'anxiété situationnelle mais qu'on ne peut affirmer la relation de cause à effet avec le travail et il note que la travailleuse est alors apte au travail. Le 9 mai 1986, l'employeur transmet à la Commission l'avis des docteurs Vermette et Lapointe.
A la suite d'une plainte de la travailleuse en vertu de l'article 32 de la loi, une décision est rendue par la Commission le 7 avril 1986. Cette décision rejette l'allégation de Mme Beraldin que ses heures ont été diminuées par mesure de représailles à la suite de son arrêt de travail dû à une dermite de contact.
L'enquêteur note que la diminution du nombre d'heures de travail est due au fait qu'elle n'est plus aussi disponible qu'auparavant puisqu'elle ne peut plus travailler à la cuisine où elle devait antérieurement passer plus de 60% de son temps. La plainte est donc rejetée.
Le 15 mai 1986, un psychiatre rattaché à l'Hôpital général de Montréal, le docteur O. Rios, transmet au docteur Chirito, une opinion dans laquelle il semble dire que la réaction assez forte de la travailleuse à des pressions assez normales en milieu de travail, s'explique par le fait que la travailleuse est plus fragile; elle a une prédisposition à des réactions comme celles qui ont été observées.
Le docteur Chirito fait encore rapport en juin et en août 1986 que sa patiente est toujours inapte au travail.
Le 13 juin 1986, le bureau de révision qui avait été saisi d'une demande de révision de la part de la travailleuse à la suite de la décision de la Commission rejetant sa plainte, rend sa décision. Il note que la demande de révision est hors délai et que la seule raison invoquée pour justifier le retard est que la travailleuse était tellement troublée par les pressions excessives exercées sur elles par son employeur qu'elle a dû arrêter de travailler et n'a pu formuler en temps cette plainte.
Le bureau de révision, en rejetant ce motif, fait remarquer qu'à la même époque, la travailleuse a néanmoins été capable de faire une réclamation à la Commission: «Il devient alors curieux de croire qu'elle aurait été trop perturbée pour exercer son recours en vertu de l'article 32 et pas assez pour faire une réclamation pour lésion professionnelle».
La Commission d'appel a plus tard entendu l'appel de la travailleuse de cette décision et, tel qu'indiqué précédemment, la décision du bureau de révision a été maintenue.
Le 4 octobre 1986, le docteur Chirito examine sa patiente à la clinique externe de psychiatrie de l'Hôpital de Valleyfield. Il explique que «l'incident qui s'est produit le 18 novembre 1985 au restaurant McDonald avait, de façon brutale et soudaine, causé un déséquilibre psychologique...». Il dit qu'après son premier retour au travail en septembre, sa patiente qui avait souffert d'une dermite, a été à nouveau exposée à la chaleur et aux vapeurs de graisse malgré ses recommandations. Elle a dû le consulter le 26 septembre 1986, à nouveau, pour une récidive plus importante et il ajoute que «c'est à ce moment-là que je m'étais aperçu que Mme Beraldin souffrait en plus d'un état dépressif anxieux clairement relié à son milieu de travail».
Le docteur Chirito ajoute que les pressions en son milieu de travail n'ont fait qu'aggraver les symptômes.
Après avoir fait une enquête auprès de 3 compagnons et compagnes de travail, la Commission décide, le 22 janvier 1987, d'accepter la réclamation de la travailleuse «parce que l'événement du 18 novembre 1985 est accepté comme maladie professionnelle en vertu de l'article 30 de la loi».
A la même date, la Commission accuse réception de la «contestation» de l'employeur du 9 mai 1986 qui est acheminée à l'arbitrage médical.
Le 16 février 1987, le docteur Oscar Rios écrit à la Commission pour clarifier son rapport de l'année précédente qu'il avait adressé au docteur Chirito. Il fait d'abord remarquer qu'il n'a vu la travailleuse qu'une seule fois. Il ajoute ce qui suit: «In the first paragraph it is stated, as a matter of fact, that Miss Beraldin was subjected to pressure tactics and harrassement by the administration of her work place. However, objectively speaking, it should be understood that such was her allegation, her account of the incident. Needless to say a clinical examination is not primarily concerned with the verification of the allegations. However, an effort was made to have a grasp of the credibility and verisimilitude of her statements. The concrete examples she mentioned led me to state that the degree of the alleged harrassement was not of an unusual or a vicious nature, as I convey at the end of the paragraph.
The particular diagnostic problem, or else, the clinical challenge consisted of understanding the intensity and psychological severity of her reaction to what she perceived as being hostile ans damaging to her.
Her obsessive rumination about the conflict which eventually lead her to develop marked and persistent anxiety and insomnia, pointed out to an obsessive character structure.
The examination of obsessive traits and symptoms followed the above mentioned lead. The «Obsessional Inventory» (also attached) was administered in English.
As she had some difficulty in understanding some words or expressions, I assisted her by translating several questions. Subsequently, I questioned her about each answer in a positive way. After this, there was no doubt for me that her reaction to the stress she underwent (real or apprehended) had the elements of an obsessive response. However, I should add that this does not excuse the harrassement if there was any.
Finally, I should make a clear point about the paragraph in which I state that conditions similar to the one at issue were called «compensation neurosis» in the past. The statement that follows clearly shows that I refer only to an impression about which I wasn't «completely sure». Furthermore, it goes without saying, that no matter what the psychological drive leads to, a litigation, quarrel or search for redress, that doesn't say much about the legitimacy of the claim or the lack of it. My comments should, therefore, be understood in the context of a medical report addressed to another medical professional. A report with legal implications should obviously avoid impressions.» (notre soulignement) Le 9 mars 1987, l'arbitre médical, le docteur Joseph Zariffa, dans son avis, note que la travailleuse parle de harcèlement de la part de la direction qui «consiste surtout dans le sens de la critiquer, de minuter son emploi du temps et cela de façon discontinue durant la période entre la dermite et la cessation de travail le 18 novembre 1985». Dans son examen objectif, il constate une diminution de l'estime de soi et il remarque qu'elle pleure durant l'entrevue lorsqu'elle se remémore ce qu'elle appelle «harcèlements». Il ajoute: «Nous savons que Valleyfield est une petite ville où il n'y a qu'un seul McDonald et où elle doit probablement voir ses anciens amis qui y travaillent toujours». Il pose le diagnostic de dépression légère situationnelle qui serait reliée, selon l'arbitre médical, à la problématique de travail. Il ajoute: «Cela est relié à l'examen objectif d'aujourd'hui, d'une part, à la remémoration avec estime de soi diminuée et dépression relative au niveau de l'affect (sic) lorsqu'elle se remémore ses difficultés de travail et au fait qu'au niveau objectif nous pouvons comprendre les difficultés qu'elle a à passer de temps en temps dans une petite ville chez le seul McDonald de la ville où elle a dû investir émotionnellement sur le plan affectif durant cinq ans et demi pour récolter des problèmes affectifs, même légers, et même situationnels.» (notre soulignement) Le 27 mars 1987, la Commission donne suite à l'avis de l'arbitre et décide que la travailleuse a subi une «dépression anxieuse légère situationnelle relié (sic) à la problématique du travail».
«L'employeur en appelle, le 26 mai 1987, de cette décision et la présente décision se rapporte, pour une partie, à celle-ci».
Le 8 juillet 1987, le docteur Gilles Pelletier, psychiatre, examine la travailleuse à la demande de la Commission pour déterminer si celle-ci accuse une atteinte permanente, des limitations fonctionnelles et des restrictions au travail. Il pose le diagnostic de «trouble situationnel chez une personnalité auparavant solide, puisqu'il n'y avait jamais eu d'antécédents psychiatriques personnels ni familiaux». Il ne note aucune atteinte permanente mais il ne croit pas qu'il soit indiqué de la réintégrer à son milieu de travail. Il croit la travailleuse quand elle dit avoir été victime de harcèlement de la part de ses patrons et il fait remarquer que toutes ses allégations sont corroborées par ses copines». Il n'indique cependant pas s'il a rencontré celles qui corroborent la version de la travailleuse et il ne dit pas de quelles personnes il s'agit.
Le 4 septembre 1987, le docteur Chirito déclare que la travailleuse est maintenant apte à reprendre le travail et qu'elle n'a pas besoin de soins spécialisés.
Le 17 juillet 1987, le bureau de révision rend sa décision. La demande de révision de l'employeur est acceptée et la décision de la Commission d'accepter la réclamation de la travailleuse est infirmée.
Cette décision du bureau de révision, portée en appel par la travailleuse, fait également l'objet, pour une partie, de la présente décision.
A l'audience, M. Luc Hémon a témoigné qu'il avait le poste de stagiaire-gérant chez McDonald jusqu'en octobre 1985. En 1985, il a été appelé à participer à l'évaluation du rendement de la travailleuse qu'il connaissait depuis ses débuts en 1981, et il avait jugé alors qu'elle devait améliorer son suivi des employés, son attitude (elle pouvait être négative) et ainsi de suite. Il lui avait fait part verbalement de son évaluation et la direction l'a ensuite rencontrée. Il lui a dit privément, chez elle, que l'évaluation n'était pas si mal alors que tous les gérants étaient d'avis comme lui, que des améliorations importantes étaient nécessaires. Il admet ne pas avoir dit la vérité à la travailleuse parce qu'elle était une amie. Il savait bien qu'elle était susceptible d'être congédiée après 30 jours.
Mme Guylaine Filiatreau ne travaille plus chez McDonald mais elle a travaillé 3 ans à Châteauguay (un autre McDonald) comme caissière et chef d'équipe de 1980 à 1983. Elle connaissait la travailleuse et elle considère qu'elle pouvait être chef d'équipe. A Chateauguay, elle a trouvé que la direction était plus sévère qu'à Valleyfield et que la mentalité était différente. Il y avait plus de pression. Elle soumet cependant qu'elle n'est demeurée que 3 mois comme chef d'équipe et elle n'a pas travaillé à Valleyfield.
Le docteur Chirito a vu la travailleuse à plusieurs reprises et comme il se considère un ami de la famille, il s'est montré très disponible. Il est d'avis que la dépression aiguë de Mme Beraldin ne peut avoir d'autres causes que le travail. Il a eu l'occasion de l'entendre raconter ses problèmes avec le direction du restaurant. Les rapports qu'il a produits en décembre 1985 ont été transcrits à la dactylo par M. Beraldin lui-même au domicile du docteur Chirito.
Lorsqu'interrogé sur la présence d'atteinte permanente, la durée de la maladie, la période de consolidation de la lésion, il est devenu clair que le témoin ne comprenait pas le sens de ces mots.
Mme Mariana Di Vittorio a commencé chez McDonald à peu près à la même époque que la travailleuse. Selon elle, pour être chef d'équipe, il faut avoir des habiletés techniques et la travailleuse les avait. Bien qu'elle ait signé un document à l'intention de la Commission qui semble conforme aux allégations de sa compagne de travail quant au harcèlement, elle a dû reconnaître devant la Commission d'appel qu'elle n'en a pas vraiment été témoin (elle n'était pas là) et tout ce qu'elle sait lui vient de la travailleuse, au moins en ce qui a trait à l'évaluation de son rendement.
M. Marc Capelli était responsable de «l'administration du bureau» en 1985 et il a connu la travailleuse lorsqu'il allait lui rendre visite au restaurant, c'est-à-dire 2 fois par semaine. Il s'est occupé de la réclamation mais il ne se souvient pas des heures de travail de Mme Beraldin avant son départ. Il n'est plus, lui- même, à l'emploi de l'entreprise.
Mme Léna Dubé connut la travailleuse en 1985 comme chef d'équipe et selon elle, elle était de toute évidence compétente. Quant au témoin, elle a quitté à cause du «stress» comme caissière. Elle dit qu'il y avait trop de chefs et qu'elle ne pouvait continuer.
Son médecin lui aurait prescrit une semaine de repos. Elle ajoute cependant que si elle a vu la travailleuse pleurer, celle- ci ne lui a rien dit et elle ne sait pas si Mme Beraldin était elle aussi dans une situation de stress.
Mme Jocelyne Quévillon a travaillé de juillet 1984 à novembre 1986 chez l'employeur. Elle y a connu la travailleuse notamment lorsque celle-ci était chef d'équipe. Elle a remarqué que la direction s'est mise à manquer d'égards envers elle. Au début, le témoin avait le sentiment que la travailleuse était considérée comme l'employée idéale. De joyeuse et positive qu'elle était au début, son moral a changé et s'est détérioré. Elle croit que ce changement est venu parce qu'elle était suivie et contrôlée constamment. Les reproches qu'on lui faisait n'étaient pas justifiés à son avis et relevaient du harcèlement. Elle reconnaît cependant que la direction ne lui a jamais dit que Angélina Beraldin était «l'idéale» et elle admet qu'elle n'a pas vu la fiche d'évaluation du rendement de la travailleuse et qu'elle ne sait pas vraiment quels étaient les reproches et les améliorations jugés nécessaires. Ainsi, alors qu'elle ne voyait pas nécessaire le calcul fait par la direction du temps employé par la travailleuse à servir les clients à la caisse, elle reconnaît qu'elle ignorait que la caisse pût permettre de calculer l'arrivée et le départ d'un client. Aussi, alors qu'elle a déjà cru que la direction inventait au besoin des normes pour prendre la travailleuse en défaut, elle reconnaît qu'elle n'était pas consciente de certains changements aux normes appliquées par la direction.
Mme Line Dagenais est actuellement gérante d'un restaurant McDonald. Elle était habituellement affectée (2e assistante gérante) au restaurant de Châteauguay en 1985 mais elle a été appelée à faire l'évaluation de la travailleuse au restaurant de Valleyfield, comme cela lui était demandé de temps à autre. Elle dit que la politique de la maison est d'évaluer le personnel de façon à pouvoir aider ceux ou celles qui ont des difficultés.
Dans le cas de la travailleuse, elle a constaté qu'une amélioration était nécessaire et que, si dans un délai d'un mois la travailleuse ne s'était par amendée, il faudrait prendre une décision quant à son avenir. Il n'était pas question de la rétrograder parce que cela ne se fait jamais dans cette entreprise.
Le témoin signale que l'évaluation a été faite par le groupe de gérants qui étaient au courant du travail accompli. On lui a donné la tâche de rédiger le texte (avec le gérant) qui serait remis à Mme Beraldin. Elle dit qu'elle peut affirmer qu'elle a vu de très près le travail de Angelina Beraldin et que l'évaluation faite est juste et équitable. Celui qui avait le dernier mot était le gérant du restaurant, M. Tom Capelli. Le témoin a eu l'occasion de participer en très nombreuses occasions à l'évaluation d'employés.
Mme Angélina Beraldin est maintenant étudiante. En plus de ce qui a déjà été rapporté de son témoignage, il y a lieu de noter qu'elle continue de prétendre que ses heures de travail ont été réduites à la suite de sa dermite en 1985 (elle ne faisait plus que 20 heures). Elle dit aussi qu'elle a très bien fonctionné comme employée et qu'elle n'a jamais refusé de travailler. Elle fait remarquer qu'elle a dû aller travailler pour une pharmacie pour faire un plus grand revenu puisqu'elle ne faisait pas assez d'heures chez McDonald. Elle prétend que le fait qu'elle ne pouvait pas aller travailler à la cuisine ne pouvait justifier qu'elle ait moins d'heures car il suffisait de l'affecter davantage aux caisses.
La travailleuse dit que lorsqu'elle était à la pharmacie, le gérant Tom Capelli de McDonald y est venu deux fois et elle avait l'impression que cela faisait partie du harcèlement même si elle reconnaît qu'il ne s'est rien passé. Elle est allée jusqu'à se demander pourquoi il laissait le restaurant pour venir à la pharmacie, ce qui était perçu par elle comme étant contraire à ses habitudes. Elle dit, enfin, qu'elle avait peur de lui.
Mme Beraldin dit que Mme Line Dagenais s'est mise à ses trousses et l'a critiquée constamment sans justification. De temps à autre, elle recevait des compliments mais on ne laissait rien passer. Elle mentionne qu'il était humiliant pour elle de se faire dire de quitter les lieux après son travail. Elle ne croit pas que rester au restaurant était du flânage mais elle reconnaît qu'il y avait une directive de ne pas rester au restaurant après le travail.
Enfin, elle ne comprend pas qu'en deux mois, elle se soit transformée en employée incompétente.
Quant au jour de son évaluation du rendement, elle affirme qu'elle n'a pas reconnu ou admis aucun des reproches qu'on lui a faits. Elle a répliqué en détail: elle connaissait l'équipement et les méthodes de calibrage et ainsi de suite.
Elle reconnaît qu'on ne lui a pas offert de poste d'assistante- gérante et malgré qu'elle a déjà dit qu'elle n'a pas lu le «livre» (le manuel) pour les assistants-gérants, elle dit maintenant qu'elle avait commencé à le lire un peu. Plus loin, elle admet finalement qu'elle n'en a pas pris connaissance.
Alors qu'elle a affirmé plusieurs fois que ses relations ont commencé à se détériorer seulement après le 15 septembre, elle dit maintenant que tout a commencé à la mi-août (dans sa réclamation à la Commission, elle s'exprime autrement). C'est à la mi-août, dit-elle, que ses heures ont commencé à être coupées et que les gérants ont semblé moins amicaux. (Dans sa réclamation, elle affirme que ses heures ont été diminuées à compter de son retour au travail, le 11 octobre 1985).
Quant à la diminution de ses heures de travail, elle reconnaît que même si la direction lui avait déjà garanti 35 heures par semaine, elle n'en faisait en réalité que 32 heures et elle ne s'en plaignit pas avant le mois d'août 1985. Elle reconnaît aussi qu'à son retour de vacances en août 1985, elle a eu tout de suite 32 heures et demie (½) dans sa première semaine. Quant aux deux semaines suivantes, elle a travaillé un total de 56 heures malgré une absence de 3 jours pour son allergie.
La travailleuse a reconnu aussi qu'elle a un document (qui sert à la confection des horaires et qui indique à quel moment un employé est disponible) qui est tel qu'en l'appliquant à compter du 16 septembre, son nombre d'heures disponibles par semaine est passé de 26.9 à 20.9 heures par semaine. Il est à noter que sa fiche de disponibilité a été modifiée parce qu'elle avait commencé à travailler chez Jean Coutu le 4 septembre 1985 (elle a par ailleurs affirmé devant la Commission d'appel qu'elle a commencé chez Jean Coutu parce qu'elle n'avait pas assez d'heures chez McDonald).
La travailleuse affirme qu'un de ceux qui ont participé à son évaluation, M. Luc Hémon, est venu chez elle, au domicile de ses parents, pour lui dire à l'avance que l'évaluation négative qu'elle recevrait n'était pas méritée et que, par ailleurs, M.
Capelli avait menacé les autres gérants s'ils ne lui donnaient pas une mauvaise cote. Elle dit que cette information n'a pas été fournie avant parce qu'elle a cherché à protéger M. Hémon qui travaille encore pour la compagnie (Pourtant, elle savait, au moment où elle a témoigné antérieurement que M. Hémon avait quitté le service. Il est maintenant revenu travailler pour l'employeur).
Mme Beraldin explique que la pharmacie l'a congédiée le 1er mars 1986 à cause de «son comportement».
Mme Manon Pelletier a commencé pour McDonald à Valleyfield en 1979. Elle a gravi les échelons et elle est devenue gérante de restaurant à Châteauguay. Elle a été affectée à Valleyfield en 1984 et elle y est restée jusqu'au 31 août 1985.
Elle y est revenue le 11 novembre 1985 pour repartir le 18 novembre 1985. Elle a alors travaillé de près avec la travailleuse qu'elle connaissait bien.
Le témoin se souvient bien d'un premier incident: la travailleuse, en pleine heure de pointe, avait accordé la permission à un employé de prendre une pause, sans en avoir demandé l'autorisation. Cela a été noté dans une fiche de contrôle et une discussion a eu lieu avec la travailleuse.
Finalement, cette dernière a refusé de signer la fiche en question par crainte de représailles. Cette attitude rébarbative n'est pas appréciée par la direction.
Le témoin dit qu'elle a déjà vu des employés recevoir une évaluation comme celle de la travailleuse et que généralement, ces employés se sont améliorés et sont demeurés en poste. Il est vrai que pendant 4 ou 5 semaines, on parle beaucoup plus à ces employés.
En fait, elle a déjà été évaluée elle-même comme la travailleuse et, pendant un mois, on lui parlait souvent et elle-même sollicitait les commentaires parce qu'elle voulait vraiment bien faire.
Elle a senti une pression pendant ces 4 semaines mais elle a également pris conscience qu'il lui fallait prendre son travail plus au sérieux.
M. Tom Capelli est administrateur des Entreprises J.M.C. depuis 1973. Il est gérant intérimaire du restaurant de Valleyfield.
Il explique que pour faire une horaire de travail on commence par demander au personnel de remplir une fiche de disponibilité. Mme Géraldin avait indiqué en 1983 sa disponibilité pour du travail 7 jours par semaine. En mars 1985, elle a réduit sa disponibilité à cause de ses cours au Cégep et, encore en septembre, à cause de son travail à la pharmacie Jean Coutu.
Il explique en se fondant sur la pièce P-5 (heures travaillées par Angelina Beraldin durant l'année 1985), que la travailleuse a fait jusqu'au mois d'août, entre 28.34 et 36.41 heures par semaine. Ensuite, elle a travaillé 27.76 heures au cours des deux premières semaines du mois d'août, 33.49 heures au cours de la semaine du 18 août 1985, 29.13 heures (malgré une absence de 3 jours pour sa dermite) au cours des 2 premières semaines de septembre et 26.88 la semaine (celle du 15 septembre et du 22 septembre). Elle s'est ensuite absentée à nouveau du 26 septembre au 11 octobre. A compter du 13 octobre, elle a travaillé 11.80, 20.65, 24.92 et 21.65 heures (elle a quitté avant d'avoir terminée sa semaine) chaque semaine qui a suivi son retour en poste. La moyenne totale de l'année 1985 est de 29.89 heures par semaine et ce n'est qu'à compter du 15 septembre que sa moyenne a baissé, bien qu'il faille tenir compte de deux absences pour sa dermite.
Quant au mois d'août, on ne peut vraiment pas parler d'une diminution (entre 27.76 et 33.49 heures par semaine).
Le témoin justifie, enfin, le nombre d'heures moins élevé lors du retour de la travailleuse en octobre, par divers facteurs, sa disponibilité et la restriction concernant la chaleur et la vapeur de graisse. Avant sa dermite, il dit que la travailleuse passait plus de 60% de son temps en cuisine ou près de vapeurs de graisse. Il considère qu'il n'est pas normal qu'un chef d'équipe ne travaille que dans la salle à manger (à faire du nettoyage) ou à la caisse. Elle devait exercer une surveillance sur les équipières et de toute façon, pour être juste envers l'ensemble du personnel, il faut permettre une rotation afin que ce ne soit pas toujours les mêmes à être affectés, par exemple, au nettoyage de la salle à manger. Il fait remarquer que la travailleuse ne pouvait pas être placée sur des longs horaires comme celui de 11 heures à 19 heures, parce qu'en après-midi, elle se serait trouvée obligée de travailler seule et donc, il lui aurait fallu travailler en partie dans la cuisine.
Quant à l'avancement du personnel, le témoin dit qu'il n'y a pas de pression pour que les employés deviennent gérant bien qu'il est naturel pour les employés de chercher à avoir des promotions surtout lorsque l'on se rend compte que de plus jeunes employés commencent à doubler les plus anciens. Chez McDonald, aussitôt qu'on a une promotion, on commence à être entraîné pour la prochaine promotion. Il est cependant à noter que la maison n'offre d'abord qu'une occasion de formation et c'est à la fin de la formation qu'on offre, le cas échéant, la promotion recherchée. Plusieurs employés refusent la formation offerte en vue d'une future promotion parce qu'ils préfèrent le travail qu'ils font déjà.
Quant à l'évaluation du rendement de la travailleuse, il dit que l'équipe de direction avait commencé à remarquer assez tôt les carences de la travailleuse. Mme Line Dagenais qui n'était là que depuis 2 semaines avait déjà constaté plusieurs points à corriger. Il a été convenu que l'évaluation du rendement se fonderait sur des exemples et des détails très spécifiques. A cause de la maladie de la travailleuse, il a été décidé d'attendre au 14 novembre 1985 pour décider si la travailleuse était en voie de s'améliorer. Il a été convenu à cette date par les gérants que ce n'était pas le cas et qu'il fallait remercier Mme Beraldin de ses services. Comme on voulait s'assurer que les communications avec la travailleuse seraient nombreuses pendant la période d'évaluation, on a reporté la décision finale au 20 novembre 1985. Mme Beraldin a été informée de cette remise et le 18 novembre 1985, elle a quitté d'elle-même définitivement. Le 20 novembre 1985, les gérants se sont réunis et ils ont décidé que le M. Capelli devait rencontrer la travailleuse à son retour (on croyait qu'elle reviendrait) et qu'on lui donnerait un autre 60 jours par considération pour elle.
Le témoin dit qu'il y a déjà eu des évaluations de rendement comme celle de la travailleuse et la même procédure a été suivie.
Les gérants doivent s'occuper d'une personne en probation pour s'assurer qu'il ne s'agit pas d'un simple problème de formation ou de communication.
Il affirme aussi que la travailleuse, à connaissance personnelle, était portée à faire abstraction de certaines directives comme celle qui interdisait le flânage après le travail. Il ajoute que la travailleuse a commencé à se plaindre que ses heures étaient moins nombreuses dès la mi-août alors que ce n'était clairement pas le cas.
Quant à ses relations avec la travailleuse, il reconnaît avoir haussé la voix mais il ne croit pas avoir jamais «sacré». Il dit qu'il a commencé à remarquer qu'après un voyage de deux mois et demi en Italie en 1984, elle a commencé à se détériorer et à refuser de s'adapter particulièrement en ce qui concernait les changements intervenus pendant son absence.
ARGUMENTATION La travailleuse soutient que l'employeur a contesté tardivement l'attestation du docteur Chirito et que l'arbitrage médical qui a eu lieu est irrégulier. De plus, elle considère que l'employeur a tardé également à envoyer à la Commission le formulaire «avis de l'employeur et demande de remboursement» contrairement aux exigences de l'article 268 de la loi.
La travailleuse soutient que la preuve démontre qu'elle a été placée sous un contrôle extrêmement serré qui ne tenait pas compte de ses états de service. Elle prétend avoir démontré qu'on a diminué ses heures de travail à compter du 15 août et que tout s'est gâté à compter de cette date. L'hostilité de son employeur est responsable de sa dépression. Les médecins consultés sont aussi de cet avis. Elle a donc été victime d'une lésion professionnelle.
L'employeur soutient que les délais ont été respectés mais que, par ailleurs, l'avis de l'arbitre sur la relation causale ne lie pas la Commission.
Quant à la preuve, l'employeur plaide que la travailleuse n'a pas démontré qu'elle a été victime d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail. La réaction de la travailleuse a été excessive et ce n'est pas le travail qui en est responsable.
Elle a été traitée tout à fait normalement et sa perception des événements a été complètement faussée. Quant à l'opinion du docteur Chirito, son objectivité doit être remise en cause puisqu'il est lié personnellement de très près à la famille Beraldin.
MOTIFS La Commission d'appel doit décider si Mme Angélina Beraldin a été victime d'une lésion professionnelle lorsqu'elle a dû cesser de travailler à compter du 19 novembre 1985.
L'article 2 de la loi définit l'expression «lésion professionnelle»: «lésion professionnelle»: Une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation.
Il faut retenir, cependant, le diagnostic de dépression qui n'a d'ailleurs pas été valablement contesté. En réalité, l'arbitrage médical est irrégulier dans la mesure où l'employeur n'a pas obtenu l'avis de son médecin pour contredire celui qui avait charge de la travailleuse quant au diagnostic. En ce qui concerne l'opinion exprimée par l'arbitre médical sur la relation causale, il faut rappeler que la Commission ne devait pas se sentir liée par cet avis puisqu'il ne s'agit pas là d'une question d'ordre médical comme la Commission d'appel l'a déjà décidé dans l'affaire Communauté urbaine de Montréal et Blouin [1987] C.A.L.P. 62 . La décision du 27 mars 1987 est irrégulière et doit être annulée.
L'article 2 de la loi définit également l'accident du travail: «accident du travail»: Un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle.
Il faut d'abord analyser la preuve pour déterminer s'il y a eu un accident du travail qui serait responsable de la maladie de la travailleuse.
La preuve révèle que le rendement de Mme Beraldin comme chef d'équipe a fait l'objet d'une évaluation serrée par la direction.
Plusieurs témoins sont venus relater les incidents qui illustraient les carences de la travailleuse comme chef d'équipe au cours de la période qui a précédé son départ définitif. Ces éléments de preuve sont assez convaincants que la direction n'avait pas d'autre choix que de lui demander d'effectuer les améliorations jugées nécessaires à plusieurs égards. Le gérant, M. Capelli, avait lui-même constaté un début de laisser-aller au cours de l'année précédente.
Quoi qu'il en soit, il n'appartient pas à la Commission d'appel de décider si l'évaluation du rendement était justifiée. Qu'il suffise de reconnaître qu'il y a lieu de croire que la travailleuse devait s'attendre à des critiques et même des reproches comme celui visant le flânage au restaurant après les heures de travail.
Comme il est de coutume dans cette entreprise, une évaluation comme celle dont il s'agit devait être suivie d'une période de probation au cours de laquelle on procédait à donner relativement beaucoup d'attention à l'employé visé. D'autres employés avant Mme Beraldin avaient subi le même traitement dont certains témoins qui, éventuellement, ont gravi les échelons pour devenir gérant. (Par ailleurs, il n'y a pas de preuve pouvant soutenir l'hypothèse que d'autres employés avaient subi une dépression comme celle de Mme Beraldin).
En ce qui concerne la période de probation comme telle, elle a duré un peu plus d'un mois avec une interruption de deux semaines lorsque la travailleuse a subi une récidive de sa dermite. En effet, elle s'est d'abord absentée trois jours (du 29 août au 3 septembre), elle a ensuite travaillé du 4 septembre au 26 septembre (environ) et pendant cette période, elle a eu l'évaluation de son rendement (le 15 septembre). Elle a cessé de travailler à nouveau du 26 septembre au 11 octobre. Sa période de probation s'est ensuite poursuivie du 12 octobre au 19 novembre.
Non seulement la période d'évaluation a-t-elle été séparée en deux, mais les heures travaillées ont diminué après le 13 octobre 1985, pour en arriver à une vingtaine d'heures par semaine.
C'est-à-dire qu'on doit tenir compte du fait important que la période d'évaluation "plus stressante" a été interrompue pendant plus de deux semaines et il faut considérer que son exposition au stress allégué était limitée à quelques heures par jour, pour une somme totale assez modeste de 20 heures par semaine, avant de conclure qu'il existe une relation entre le travail et sa dépression qui d'ailleurs s'est poursuivie très longtemps après son départ.
Ensuite, on doit remarquer que la travailleuse s'attendait à ce que ses compagnes et compagnons de travail viennent corroborer ses dires à l'effet que sa période de probation a été très traumatisante. Les témoins dans leur ensemble n'ont pas apporté la corroboration attendue et, en fait, la travailleuse se trouve presque seule à décrire de façon plutôt dramatique ses conditions de travail.
Mme Beraldin, dans son témoignage et par ses déclarations antérieures, a donné l'impression qu'elle a tendance à exagérer certains événements. Ainsi, elle a longtemps affirmé que ses heures avaient été diminuées tellement qu'elle en a parlé avec M.
Capelli dès le mois d'août 1985. Il se trouve qu'à cette date, il n'y avait pas de diminution véritable. Lorsqu'il y a eu une véritable diminution d'heures, elle n'a pas tenu compte du fait indéniable qu'elle-même n'était plus aussi disponible ou qu'elle avait une restriction médicale quant au travail à la cuisine, travail qui occupait anciennement plus de 60% de son temps.
Par ailleurs, la travailleuse a prétendu que ses difficultés ont commencé en septembre (ou en octobre, selon sa réclamation) alors que devant nous, elle a été catégorique que ses relations avec l'employeur avaient commencé à s'envenimer dès le mois d'août.
On a vu précédemment qu'elle s'est imaginée que ses heures avaient diminué. Il est à souligner aussi que le Dr Chirito, pour sa part, a parlé du fait que la situation de la travailleuse s'est envenimée à compter du 26 septembre. En d'autres termes, les éléments de preuve, ici, ne concordent pas.
Par ailleurs, d'autres éléments remettent en question l'importance qu'il faut accorder à la perception que la travailleuse avait elle-même de sa situation au travail. Elle est convaincue que les deux fois que M. Tom Capelli est venu à la pharmacie font partie des actes de harcèlement de celui-ci. Mme Beraldin ne semble pas tenir compte d'explications beaucoup plus vraisemblables pour ces deux visites que la volonté de M. Capelli de la «harceler». En tous les cas, il n'y a pas de preuve qu'il lui a fait des reproches au moment de ses visites à la pharmacie.
Quant à l'incident des «flânages» après les heures de travail, elle a dû admettre qu'elle contrevenait à une politique à ce sujet mais elle s'est sentie néanmoins «humiliée». Il s'agit ici encore d'une perception très personnelle sur laquelle la Commission d'appel ne saurait se fonder.
Mme Beraldin insiste pour dire que son travail ne méritait pas de reproches. Outre les témoignages de messieurs Capelli, Dagenais et Pelletier, il y a celui de monsieur Hémon, un ami de la travailleuse, qui a confirmé le fait que son rendement était déficient et qu'elle avait besoin qu'on lui fasse des observations sur les correctifs à apporter. Mme Beraldin semble incapable d'accepter cette conclusion contrairement à presque tous ceux qui l'entouraient et qui connaissaient bien son travail.
Dans son témoignage, Mme Beraldin a changé de version en ce qui a trait à la lecture du «manuel». Elle a fini par dire qu'elle avait commencé à le lire «un peu». Pourtant, c'est le contraire qui est ressorti tant de son témoignage antérieur que de celui des autres. La travailleuse, même de bonne foi, a-t-elle tendance à modifier sa perception des faits? C'est une question qui revient souvent.
La Commission d'appel ne peut retenir la version de la travailleuse que ses conditions de travail sont devenues accablantes et cela de façon anormale. La preuve prépondérante tend plutôt à soutenir l'hypothèse que dans le cadre d'un travail à temps partiel, pendant une période relativement courte, les conditions d'exécution de son travail semblent assez clairement raisonnables et près de la normalité dans ce milieu. Si le travail a joué un rôle dans la maladie de la travailleuse, ce rôle ne peut pas être significatif et il y a lieu d'en tenir compte. En de telles circonstances, il est difficile de considérer qu'un événement soudain et imprévu s'est produit et donc qu'elle a été victime d'un accident du travail.
Si la Commission d'appel en vient à cette conclusion c'est parce qu'elle a eu le loisir d'analyser plus froidement que la travailleuse la situation dans son ensemble.
Par contre, l'analyse de la situation vécue par Mme Beraldin n'a pas été faite de la même façon par les médecins qui ont exprimé l'opinion qu'il existait une relation entre le travail et la dépression de la travailleuse. Ces médecins, tels Chirito et Pelletier, ont dû se fonder sur les déclarations de la travailleuse qui, on le sait maintenant, n'offraient pas de garanties minimales de crédibilité. Il est clair par exemple que le Dr Chirito a lui-même manqué d'objectivité quant aux causes des malaises de la travailleuse. Il a semblé prendre pour acquis la situation telle que décrite par sa patiente qui, rappelons-le, était une amie de famille et une proche voisine. De plus, il semble avoir été mal informé quant au moment où la situation de sa patiente a commencé à se détériorer (il parle du 26 septembre et la travailleuse parle du mois d'août selon son témoignage et du 11 octobre selon sa réclamation). Pour sa part, le Dr Pelletier perd de sa crédibilité lorsqu'il affirme erronément que les actes de harcèlement ont été corroborés par les collègues de travail (il s'est manifestement fié uniquement sur la travailleuse). Quant aux autres médecins, comme le Dr Quévillon, ils n'ont pas eu d'autres choix que de croire la travailleuse puisqu'ils n'avaient certes pas les moyens d'entreprendre une enquête pour vérifier ses dires. Le Dr Zariffa, l'arbitre médical, semble lui-même méconnaître la situation de la travailleuse en ce qu'il parle de problèmes affectifs sur une période de cinq ans et demi.
Cette preuve médicale proposée par Mme Beraldin n'est donc pas convaincante malgré la bonne foi évidente de tous, et la Commission d'appel ne peut se fonder sur elle pour donner gain de cause à la travailleuse.
Pour pouvoir conclure que Mme Beraldin a subi une lésion professionnelle, il fallait qu'elle démontre selon la définition prévue à la loi, qu'elle a subi une blessure ou une maladie du fait ou à l'occasion d'un accident du travail. Il est bien évident que sa dépression n'est pas une blessure au sens courant du terme mais une maladie. Cette maladie est-elle survenue du fait ou à l'occasion d'un accident du travail? L'analyse des faits qui précède ne peut nous amener à conclure qu'il y a eu un accident du travail dont la définition à l'article 2 de la loi est la suivante: «accident du travail»: Un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle.
Ce qui est arrivé à la travailleuse n'est pas un événement imprévu et soudain, en aucune façon.
En effet, sans reprendre l'analyse précédente, il y a eu une rencontre avec une représentante de l'employeur pour discuter de son rendement. Il ne s'est rien produit de particulier à cette réunion autre qu'une discussion sur le travail de Mme Beraldin.
Par la suite, elle a été l'objet de remarques additionnelles sur la qualité de son travail. Ces événements sont courants dans la vie de tous les travailleurs et on ne peut raisonnablement rien y trouver d'inhabituel ou d'anormal dans le monde du travail ordinaire. Par conséquent, il n'y a pas lieu de parler d'événement imprévu et soudain ou d'accident du travail.
La Commission d'appel ne peut non plus retenir la thèse de la travailleuse qu'elle a été victime de harcèlement, dans la mesure où elle vient à la conclusion que les faits, même dans leur ensemble, sont tout à fait dans les limites de la normale. Par ailleurs, s'agit-il d'une maladie professionnelle? La définition de l'article 2 de «maladie professionnelle» est la suivante: «maladie professionnelle»: Une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
Comme la dépression n'est pas une maladie prévue à l'annexe I de la loi, la présomption de maladie professionnelle de l'article 29 ne trouve pas application.
L'article 30 se lit comme suit: 30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
Encore là, la preuve soumise ne peut permettre de conclure que la dépression de la travailleuse a été contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qu'elle est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
La travailleuse a subi une dépression qui, selon elle, résulte de la pression exercée sur elle par le fait de la diminution de ses heures de travail et de la critique à laquelle elle a été soumise. Sans reprendre l'analyse de la preuve, on a vu qu'en réalité, il est raisonnable de croire que le traitement qu'elle a subi ne sortait pas du cadre de l'ordinaire. Il est difficile de dire que le travail a influé de façon significative sur l'état de santé de la travailleuse. D'autre part, il n'y a pas d'éléments de preuve que le travail de chef d'équipe ou de simple employé a causé une dépression des d'autres employés.
Encore une fois, il est difficile de parler de sa dépression comme étant caractéristique du travail ou reliée aux risques particuliers de ce travail. La preuve ne milite pas en ce sens.
Enfin, si la dépression de la travailleuse était reliée au travail, comment pourrait-on expliquer que cette maladie a continué d'affecter Mme Beraldin très longtemps après avoir quitté le travail.
La Commission d'appel ne peut conclure que Mme Beraldin a été victime d'une lésion professionnelle.
La travailleuse a prétendu que la contestation de l'employeur par le biais de «l'Avis de l'employeur et demande de remboursement» (selon l'article 268) a été faite tardivement compte tenu des dispositions des articles 268 et suivants. La Commission d'appel ne retient pas cet argument car les seuls délais de contestation dont il faut tenir compte, en l'occurence, sont prévus à l'article 212 (pour l'arbitrage médical) et à l'article 358 (pour contester devant un bureau de révision). En effet, l'employeur n'est pas tenu de contester la réclamation d'un travailleur au moment où il transmet l'avis prévu à l'article 268. Il a la faculté de contester immédiatement l'existence de la lésion professionnelle ou la période de consolidation mais il peut attendre la décision de la Commission et contester en révision ou encore attendre les prochaines attestations médicales (le cas échéant) et contester selon l'article 212. Dans le cas du présent appel, c'est ce qu'a fait l'employeur.
Quant à la décision du bureau de révision, elle doit être confirmée puisqu'elle est bien fondée.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LESIONS PROFESSIONNELLES: REJETTE l'appel de Mme Beraldin; ACCUEILLE l'appel de l'employeur; INFIRME la décision du 27 mars 1987; CONFIRME la décision du bureau de révision du 26 août 1987; DECLARE que la travailleuse, Mme Angélina Beraldin, n'a pas subi de lésion professionnelle le 19 novembre 1985.
_______________________ Bertrand Roy, commissaire MARTINEAU WALKER (Me Ronald J. McRobie) Place Victoria C.P. 242 Montréal (Québec) H4Z 1E9 Représentant de la partie appelante M. Antonio Beraldin 209, avenue Grande Ile Valleyfield (Québec) J6S 3M9 Représentant de la partie intéressée
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